Discours du Père Dehon aux Anciens Élèves de l’Institution Saint Jean.

12me Compte-rendu, 18 août 1895, pp. 21-24.

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M. le Supérieur prend ensuite la parole et s’adresse à tous en ces termes:

Mes Chers Messieurs,

J’emprunterai le thème de mon toast au livre de la Sagesse, sans pour cela qu’il soit trop maussade.

"Vinum et musica laetificant cor hominis ". Le vin généreux, l’harmonie de la poésie, de l’éloquence et de la musique dilatent les cœurs.

L’écrivain sacré voulait louer, sans doute, les réunions de l’amitié semblables à celle-ci.

C’est bien une réunion d’amis. On a défini l’amitié: ´ l’absorption d’autres vies dans sa propre vie avec leurs peines, leurs joies et leurs espérances ª. Ici vos vieux maîtres sont bien vos amis. Ils prennent part à vos peines, ils partagent vos joies, ils vivent de vos espérances.

Nous nous livrons aux épanchements de cette amitié. Après le vin généreux de M. l’Econome, nous avons eu la parole chaude et musicale de notre nouveau secrétaire. Tout à l’heure, à la messe aussi, nous avons frissonné d’émotion en entendant les chants éclatants de M. Balland. Il a dit avec tant de force son hosanna, que nous pensions entendre crier: Aux armes ! Aux armes pour la patrie et pour l’Église! et déjà le lieutenant Charlier portait la main à la garde de son épée.

Mais, après les épanchements de l’amitié, le sage recommande les résolutions généreuses: "et super utraque dilectio sapientiae ". Et quelle résolution vous proposerai-je, si ce n’est celle que vous a tout à l’heure conseillée le P. Rasset ? "Sus au pessimisme, et à l’œuvre pour Dieu et pour la patrie ! "

Ne nous laissons pas assombrir et annihiler par la désespérance. Sursum corda ! Prions et agissons, Dieu fera le reste. Après les jours sombres et maussades, viendront les jours joyeux et ensoleillés.

Voyez dans la nature: nous venons d’avoir une période d’orages et de jours pluvieux qui avaient jeté la consternation dans le monde des agriculteurs. Tout le fruit d’une année de travail allait être perdu. Mais la brise du nord a soufflé, le soleil brille, les beaux chariots de froment rentrent à la grange et nos jeunes amis de l’agriculture nous apportent des visages radieux et confiants.

Le monde moral aussi est à la tempête. Les prophètes de malheur ne manquent pas. Déjà le grand poète Victor Hugo, voyant renaître le rationalisme après les belles années de la Restauration, y faisait allusion dans sa Notre-Dame de Paris, et, nous montrant, à une autre époque, analogue à celle-ci, les progrès de l’esprit de critique, le relâchement des mœurs et l’affaiblissement de la foi, il écrivait ce mot historique: ´ Ceci tuera cela ª.

Il prévoyait des défaites pour les mœurs chrétiennes: il y en eut. Louis Veuillot, le grand critique chrétien, les constatait: ´ Ceci, disait-il, qui est l’intérêt, a tué cela qui est le sentiment: l’égoïsme a tué la charité. Dans les lettres, le journal a tué le livre; le roman a tué la lecture sérieuse. Chez les jeunes gens, la volupté a tué le plaisir et la joie pure; le café a tué le salon et le bureau de travail ª. Qu’aurait-il dit s’il avait connu le café-concert et le caboulot de cette fin de siècle ?

Ceux qui sont les échos du grand écrivain dans la presse catholique disent aujourd’hui: "Dans la vie privée, le divorce a tué la famille; le luxe a tué la simplicité noble et le bon goût; la bicyclette a tué la jeune fille modeste et réservée ".

Dans la vie sociale, le culte des honneurs a tué le culte de l’honneur. Dans la vie économique, l’égoïsme et la lutte pour la vie ont tué le dévouement et l’oubli de soi-même; le judaïsme et le mammonisme ont tué l’épargne des petites gens et l’aisance des travailleurs.

Des présages pessimistes nous annoncent mieux encore: "Le socialisme international, dit-on, tuera la Patrie; l’anarchie tuera la Société; la franc-maçonerie tuera l’Église ".

Nous, au contraire, nous croyons à des jours meilleurs. Nous constatons un réveil chrétien et nous entrevoyons une aurore qui va succéder aux jours sombres et chargés de tempêtes.

Dans l’ordre politique, la liberté vraie tuera la libéralisme menteur. Dans l’ordre économique, la justice et la charité tueront la misère imméritée et les monopoles insolents; l’esprit d’association tuera l’individualisme et la faiblesse de l’isolement; la démocratie chrétienne organisée tuera le despotisme des loges. En un mot, ce qui est christianisme et espérance tuera ce qui est pessimisme et désespoir.

Et quels sont les fondements de notre espérance ? J’espère en la France à cause de son tempérament national. "Je n’aime pas, disait un grand évêque, Mgr Ireland, qu’on exprime sur la France des sentiments pessimistes. La France est le pays de l’idéal. Elle ne peut pas être longtemps égarée par l’athéisme positiviste. Tant de grands souvenirs lui parlent au cœur ! Parlez-lui de saint Louis, de Jeanne d’Arc et elle se recueillera. Ce serait bientôt fait si elle n’était pas momentanément sous le joug des politiciens et des exploiteurs cosmopolites qui l’oppriment ".

J’espère dans la direction puissante de Léon XIII. Il a parlé au milieu des tempêtes qui assombrissent l’horizon et sa voix est comme la brise du nord qui chasse les nuages et ramène le soleil. La nuit des erreurs sociales se dissipe et le soleil de la justice et de la charité recommence à briller pour cette société européenne qui s’en allait inconsciemment à l’anarchie.

Ayez courage. Espérez et soyez vaillants. Propagez les enseignements de Léon XIII. Aidez les œuvres catholiques. Ayez confiance en Dieu comme Jeanne d’Arc et dites avec elle: ´"Bataillons toujours et Dieu fera le reste".

Prenez la divise des Canadiens, elle exprime les sentiments de la vieille France:

"Aime Dieu et va ton chemin".

Des applaudissements chaleureux couvrent ces dernières paroles, et les coupes s’entrechoquent…



 
 

Discurso de Pe. Dehon aos antigos alunos do Colégio São João.

12me Compte-rendu, 18 août 1895, pp. 21-24.

O Sr. Diretor, em seguida, toma a palavra e se dirige a todos nestes termos :

Meus caros senhores

Eu escolhi o tema de minha comemoração no livro da Sabedoria, sem que deva prolongar-me demais.

"Vinum et musica laetificant cor hominis". O vinho generoso, a harmonia da poesia, da eloquência e da música alegram os corações. O escritor sagrado queria, sem dúvida, louvar as reuniões entre amigos como esta. Esta é de fato uma reunião de amigos. A amizade foi definida: "A aceitação de outras vidas na própria com seus sofrimentos, alegrias e esperanças". Aqui os vossos antigos professores são de fato vossos amigos. Eles partilham de vossos sofrimentos, participam de vossas alegrias, vivem vossas esperanças.

Nós nos entregamos às manifestações desta amizade. Depois do vinho generoso do Senhor Ecônomo, tivemos a palavra calorosa e melodiosa de nosso novo secretário. Há pouco, também na Missa, fomos tocados pela emoção, ouvindo os brilhantes cânticos do Sr. Balland. Ele proclamou com força seu hosana, que nós pensamos ainda ouvir: Às armas! Às armas pela pátria e pela Igreja! E então, imediatamente o tenente Charlie levava sua mão ao punho da espada.

Mas após às manifestações de amizade, a sábia recomendação de decisões generosas: "et super utraque dilectio sapientiae". E qual resolução vos proporia, senão aquela que há pouco vos sugeriu o Pe. Rasset? "Para longe o pessimismo e à obra por Deus e pela Pátria!"

Não nos deixemos abater e aniquilar pelo desespero. Sursum corda ! Rezemos e ajamos, Deus fará o resto. Após dias de sombra e tempo ruim, virão dias alegres e ensolarados.

Contemplem a natureza: acabamos de ter um período de tempestades e dias chuvosos que consternaram o mundo dos agricultores. Todo o fruto de um ano de trabalha foi perdido. Mas soprou a brisa do norte, o sol brilhou, belas carroças de trigo entram nos celeiros e nossos jovens amigos agricultores mostram rostos radiosos e confiantes.

O mundo moral também está em tempestade. Os profetas do desastre não faltam. Já o grande poeta Victor Hugo, vendo renascer o racionalismo após os belos anos da Restauração, fazia alusão a isso em sua obra Notre Dame de Paris, nos mostrando, numa época análoga a esta de agora, o progresso do espírito crítico, o relaxamento dos costumes e o enfraquecimento da fé, ele escrevia estas palavras históricas: "Este matará aquele" (= Ceci tuera cela).

Ele previa a derrota dos costumes cristãos, aconteceu. Louis Veuillot, o grande crítico cristão, constatava e dizia: "Este que é o interesse matou aquele que é o sentimento; o egoísmo matou a caridade. No mundo das letras, o jornal matou o livro; o romance matou a leitura séria. Entre os jovens, a volúpia matou o prazer e a alegria pura; o botequim matou o salão e o lugar de trabalho".

Que diria ele se tivesse conhecido o café-concerto e o bar deste fim de século?

Os que são o eco do grande escritor na imprensa católica dizem hoje em dia: "Na vida privada, o divórcio matou a família; o luxo matou a nobre simplicidade e o bom gosto; a bicicleta matou a jovem modesta e reservada".

Na vida social, o culto das honrarias matou o culto da honra. Na vida econômica, o egoísmo e a luta pela vida mataram a dedicação e o abandono de si mesmo; o judaísmo e o 'mamonismo' mataram a poupança dos pequenos e o bem estar dos trabalhadores.

Presságios mais pessimistas ainda nos são anunciados: "O socialismo internacional, se diz, matará a pátria; a anarquia matará a sociedade; a maçonaria matará a Igreja".

Nós, ao contrário, cremos em dias melhores. Constatamos um despertar cristão e prevemos uma aurora que seguirá aos dias sombrios e tempestuosos.

Na ordem política, a verdadeira liberdade matará o liberalismo mentiroso. Na ordem econômica, a justiça e a caridade matarão a miséria imerecida e os monopólios insolentes; o espírito de associação matará o individualismo e a fraqueza do isolamento; a democracia cristã organizada matará o despotismo das lojas (maçônicas). Em uma palavra, o que é cristianismo e esperança matará o que é pessimismo e desespero.

E quais são os fundamentos de nossa esperança? Espero na França por causa de seu temperamento nacional. "Eu não gosto, dizia um grande Bispo, Dom Ireland, que se dê sobre a França opiniões pessimistas. A França é o país do ideal. Ela não pode ser por muito tempo dominada pelo ateísmo positivista. Tantas grandes lembranças lhe falam ao coração! Falai-lhe de São Luís, de Joana d'Arc e ela refletirá. Isto seria feito em pouco tempo se ela não estivesse momentaneamente sob o jugo dos políticos e dos exploradores internacionais que a oprimem".

Eu espero na poderosa direção de Leão XIII. Ele falou no meio das tempestades que escurecem o horizonte e sua voz é como a brisa do norte que afasta as nuvens e traz o sol. A noite dos erros sociais se dissipa e o sol da justiça e da caridade recomeça a brilhar para esta sociedade européia que inconscientemente marchava para a anarquia.

Tende coragem! Esperai e vigiai. Propagai os ensinamentos de Leão XIII. Ajudai as obras católicas. Tende confiança em Deus como Joana d'Arc e dizei com ela: "Batalhemos sempre e Deus fará o resto".

Tomai a divisa dos canadenses, ela exprime os sentimentos da velha França: "Ama Deus e segue teu caminho".

Aplausos calorosos cobriram estas últimas palavras e as taças brindaram...