**218.21** **B18/9.2.21 ** Ms autogr. 4 p. (21 x 13) **À ses parents** //Rome 19 juin 1866 // Chers parents, J'aime beaucoup commencer mes lettres par ces mots qu'affectionnait papa Dehon: tout va bien1. Tout va bien à Rome depuis quinze jours: matériellement la chaleur est modérée et le travail assez facile; spirituellement, ma joie intime est toujours la même et je suis toujours plus heureux d'avoir été appelé par Dieu à cette carrière de dévouement et d'apostolat. Il y a déjà un an que je vis Rome pour la première fois et je vais assister de nouveau aux belles fêtes de juin. Après demain, c'est saint Louis de Gonzague, patron des étudiants: il étudiait comme nous au Collège romain et s'assit sur les mêmes bancs. Il y aura communion générale à l'église Saint-Ignace pour tous les élèves de l'université. Demain nous entendrons le panégyrique du saint par un professeur du Collège romain. Dimanche dernier, nous avons eu le bonheur d'entendre au séminaire Mgr David, évêque de Saint-Brieuc, et huit jours avant, Mgr de Dreux-Brézé, évêque de Moulins. Ce sont autant de délassements qui rompent la monotonie du travail. Lundi prochain, je figurerai à l'argumentation solennelle du mois: c'est un surcroît de besogne dont je serai bientôt quitte. Mon examen est fixé pour la fin de juillet. Aussitôt après je me mettrai en route et je m'arrêterai le moins possible, pour arriver au plus vite auprès de vous pour prendre de bonnes vacances. J'ai reçu dernièrement une lettre fort aimable du curé de Cilly2. Je n'entretiens pas beaucoup de correspondances et je ne suis guère au courant de la politique. J'entends dire cependant que les allemands commencent à s'entre-détruire3. C'est un nouvel effort de la révolution et un effet partiel de l'abandon général des principes. À Rome nous avons la plus grande tranquillité. Cependant les finances du Saint-Père sont en très mauvais état. Mais la providence l'aidera. Il y a quelques jours encore l'évêque de Saint-Brieuc lui apportait cent mille francs comme offrande annuelle d'un seul diocèse. L'an dernier le denier de St Pierre a donné neuf millions. Notre pauvre diocèse n'a pas, je crois, un rang bien brillant parmi les bienfaiteurs du St-Siège. Votre dernière lettre s'est croisée avec celle que j'écrivais à Henri: je crains qu'il n'en soit encore de même. J'espère que votre fatigue de la Fête-Dieu n'a pas laissé de traces. Je compte bien que nos parents de Paris se trouveront en même temps que moi à La Capelle. Les petites réunions de familles et les parties champêtres que nous ne manquerons pas de faire sont les moments les plus heureux des vacances. Donnez-moi des nouvelles de ma tante Vandelet, et dites-moi si la bonne Aline ne se trouve pas dépaysée à Fourmies. Y trouve-t-elle des relations dignes d'elle4. Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et la petite Marthe. Écrivez-moi aussi exactement que vous le pouvez. Je vous embrasse de tout cœur. Votre dévoué fils L. Dehon 1 Le grand-père Dehon, Hippolyte-Alexandre, époux de «maman Dehon», décédé en 1863. Il était maire de La Capelle à la naissance de Léon, c'est lui qui en reçut la déclaration officielle (cf. acte de naissance). 2 Petit village de l'Aisne, canton de Marle, à une trentaine de km de La Capelle; il s'agit de l'abbé Palant, cf. LD 37 note 3. 3 Allusion à la guerre austro-prussienne cf. LD 47 (note 2). 4 Sur les «tantes Vandelet» cf. LD 18 (note 8). LD 50 parle de la «tante Vandelet du Nouvion»; il s'agirait alors de Juliette-Mathilde Vandelet, mariée à Charles Longuet. Peut-être est-ce Aline Dehon, récemment mariée (cf. LD 46), qui s'est installée à Fourmies (Nord).