163.02

AD B.17/6.17.2

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

De l'abbé Dugas

Lyon 12 avril (71)

Mon cher ami, j'ai été aussi charmé que surpris de recevoir votre lettre de Rome. Vous avez dû savoir par le p. Daum que, sans attendre votre exemple et ses encoura­gements, j'étais fort tenté d'aller poursuivre ma théologie. Si je suis moins alerte que vous, ce n'est pas que j'aie pris toutes les habitudes du bon abbé de Dartein à son bienheureux contact, ni que j'aie trop peur de la gueule du loup subalpin: j'ai vu des gueules de canons prussiens plus terribles encore; mon père ne désapprouve nulle­ment mon départ; mais ces jours-ci, mon frère voulait retourner s'engager à Versail­les, j'attendais donc un commencement de solution. Je ne savais pas d'ailleurs exacte­ment où en étaient le séminaire et les cours; puis tous les prudents me disent que c'est folie de rentrer à Rome en ce moment.

C'est pourquoi j'ai écrit au P. Daum pour lever tous ces doutes et scrupules; la ré­ponse n'est pas encore venue, mais enfin votre lettre me servira toujours de pièce justificative.

Donc le compte partir lundi par terre; seulement je voudrais passer par Genève et ainsi je ne serai guère à Rome que jeudi soir ou vendredi matin. J'écris à M. de Quin­cy pour lui demander s'il veut m'accompagner.

M. de Dartein m'a définitivement quitté le dimanche des Rameaux; il retournait

dans son pauvre Strasbourg. Toujours frétillant, tortillant, sautillant, mais quel homme et quel cœur! et jamais en arrière, je vous assure, en fait de courage et de dé­vouement. Souhaitez qu'il nous revienne et dans toutes les joies du Concile.

Je suis sans nouvelles de M. Bourgeat depuis la veille de l'investissement de Metz; j'ai écrit à sa famille, point de réponse; si vous ne savez rien de lui à Ste-Claire, que penser et que craindre? J'ai une lettre assez récente d'Adhémar, mais M. Désaire, que devient-il donc? Pas un mot de lui. Toutes mes amitiés au P. Le Tallec. J'écris à M. Bougouin et le charge de mes commissions pour les autres. A bientôt le bonheur de vous retrouver.

Tout à vous en N. S.

Joseph Dugas