218.15

B18/9.2.15

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome: Fête de St Joseph 1866

Chers parents,

Les quinzaines passent vite et ne me paraissent longues que si vos lettres ont du retard. Dans quelques jours vont commencer les belles cérémonies du temps de Pâques qui attirent tant d'étrangers à Rome. Plusieurs de mes condisciples ont le bonheur de voir arriver leurs parents. Je ne désespère pas de vous y recevoir l'an prochain.

J'avais le projet après les fêtes d'aller passer quelques jours à Naples. Mais j'y renonce par économie, parce que j'ai déjà dépensé beaucoup cette année. Comme je suis à Rome pour plusieurs années, je trouverai bien une autre occasion de voir Naples.

Vous allez avoir plusieurs mariages peut-être, plusieurs fêtes joyeuses cet été; mais c'en sera une bien plus grande, j'espère, une bien plus touchante quand j'arriverai dans quelques années au sacerdoce.

Avez-vous quelquefois pensé à la sublime dignité du prêtre? Voyez ses fonctions, offrir, bénir, immoler Jésus-Christ lui-même, remettre les péchés, être le sanctificateur du peuple. Ces titres entraînent des devoirs immenses; en les considérant, tous les prêtres devraient travailler à acquérir une grande sainteté. Je suis sûr que vous ne tenez plus compte maintenant des préjugés de notre pays et que vous êtes heureux de donner un prêtre à Dieu, ce qui est toujours un bienfait pour une famille. J'espère que ma consécration à Dieu n'aura pas d'interruption et que je ne redeviendrai pas séculier, même pour quelque temps.

J'ai regagné, un peu superficiellement, il est vrai, tout le retard que j'avais en philosophie. J'espère être admis à l'examen et prendre un grade à la fin de l'année. Pour cela on me dispensera de la partie scientifique à condition que je présente mon diplôme de bachelier ès sciences. Il faut donc que vous me le fassiez parvenir. Vous le trouverez dans un sac de papier avec d'autres diplômes dans une petite armoire de mon bureau. Expédiez-le de suite par la poste au R.P. Peureux, rue des Postes, 30, avec une lettre pour le prier de la faire parvenir au Séminaire français de Rome par la première occasion. C'est le procureur de la maison mère de la congrégation qui nous dirige.

Vous trouverez, je crois, dans le bas de l'armoire aux minéraux ou dans une petite caisse sur les rayons du grenier, des cônes de cèdre. Vous pourrez en briser un pour en semer la graine. J'espère que le jardin sera bien garni et plus ombragé cette année et que nous aurons des vacances calmes et heureuses.

Nous sommes en fête aujourd'hui et dans la pensée que ma mère communiera probablement le jour de St Joseph, je me suis uni à elle ce matin. Le temps pascal est commencé, il faudra que mon père profite bientôt d'une occasion pour se mettre en règle, soit à Vervins avec son beau-frère, soit à Paris, à Liesse ou à Chimay1. Quant à Henri, il est plus fort que le respect humain et il ne redoute pas Mr Clavel.

J'ai trouvé le temps depuis quelques jours d'écrire à Mr Dehaene, à mon oncle de Paris, à Édouard et à Mgr Dours2.

Édouard vous demandera des timbres romains. Vous en aurez, je crois, de toutes les couleurs à lui donner. Si vous lui prêtez des livres, n'oubliez pas de les réclamer à son départ.

Embrassez pour moi toute la famille et surtout Henri, Laure et maman Dehon, puis la petite Marthe.

Compliments affectueux à Mme Fiévet et à la famille Lesur, dont je plains le prochain isolement3.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 Le beau-frère de Vervins est l'oncle Félix Penant, époux de Juliette-Augustine (Vandelet) cf. LD 13 et 14.

2 Mr Dehaene, principal du collège d'Hazebrouck, lui répondra le 26.04.1866 (LC 22). L'Édouard Foucomprez de LD 41; l'oncle Dehon de Paris; Mgr Dours, l'évêque de Soissons.

3 On trouve un Paul Lesur parmi les élèves de Saint-Jean dès la première année de la fondation (cf. NHV XIII, 29, 187, 1