1866-lc

158.03

AD B.17/6.12.3

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

De Mr. Demiselle

Soissons 5 janv. 1866

Mon cher Monsieur Léon,

J'ai attendu pour vous répondre que ma soeur fût de retour de la Thiérache. Elle a séjourné à La Capelle, où elle a vu Mme Dehon qui lui a paru tr's heureuse de votre détermination. Mr Dehon se résigne d'assez bonne grâce.

Je suis bien heureux d'apprendre que le régime du séminaire vous agrée et que vous

y êtes dans votre élément. C'est une marque certaine que vous êtes là où Dieu vous veut. La maison est très édifiante, et le p. Freyd qui en est l'âme est un digne ecclésia­stique, une âme éminemment bonne, une mère, j'en suis sûr, pour les élèves du sémi­naire. Rappelez -moi, je vous prie à son souvenir et offrez-lui mon respectueux atta­chement. Dites aussi, je vous prie, une petite prière pour moi à la chapelle St Hilaire, si elle est terminée.

Quant à vos études, vous ne pouvez cultiver avec trop de soin cette philosophie scolastique. C'est la préparation indispensable à la théologie. Familiarisez-vous bien avec la terminologie dans diverses branches de cette science, surtout l'ontologie. C'est la clef qui vous ouvrira les trésors renfermés dans les ouvrages immortels de S. Thomas, Suarez, etc… Cela peut paraître aride et abstrait au premier abord; mais il y a là ce qui fait la force et la lucidité de l'esprit, c'est-à-dire le moyen de démêler tou­jours les idées claires parmi la confusion que le sophisme cherche à répandre sur el­les. C'est à l'aide de ces notions qu'on peut débrouiller le chaos des erreurs.

Je suis allé prêcher une mission de trois semaines dans le doyenné de Montcornet. Nous avons eu un succès complet. A mon retour, j'ai donné les sermons de l'Avent à la cathédrale. Je m'occupe en même temps d'implanter dans le diocèse l'Oeuvre des Campagnes qui (a) pour objet la Propagation de la foi à l'intérieur par le moyen des missions. Nous avons déjà, grâce à cette oeuvre, fait donner un certain nombre de missions dans le diocèse, et il nous est manifeste que c'est le seul moyen de réveiller la foi. Ces missions ont généralement du succès, surtout dans les campagnes. Dans les villes et bourgs du genre de La Capelle, on obtient beaucoup moins: la force de ré­sistance y est plus grande; l'orgueil, le demi-savoir et surtout l'immoralité sont les grands obstacles.

J'ai causé de vous avec Mgr Dours qui a paru s'intéresser aux petits détails que je lui ai donnés sur ce qui vous concerne et qui vous envoie bien volontiers sa bénédic­tion.

Ma soeur a été très sensible à votre bon souvenir. Elle espère ainsi que moi vous posséder plus longtemps aux prochaines vacances.

Mr Gordien et son fils me chargent de tous leurs compliments pour vous. Et moi, je suis, en union de prière, votre bien dévoué et affectionné.

Demiselle

435.15

AD B.21 /7a.3

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De Mr Boute

Hazebrouck 22 janvier 1866

Mon bien cher ami,

C'est ainsi que je désirerais vous voir commencer les lettres que vous me faites le plaisir de m'adresser. Je vous aime, en effet, comme mon meilleur ami et je suis ja­loux de revendiquer auprès de vous le même titre. La véritable amitié ne s'accommo­de guère de formalités banales; elle veut avoir des allures plus décidées et un sans fa­çon qui lui sied toujours â merveille. Laissons donc de côté le «cher Monsieur» qui peut se donner à l'homme qui nous est le plus indifférent. Voilà qui est bien entendu.

Je suis encore, à mon regret, en retard envers vous. Que voulez-vous? Quand je veux saisir une plume pour vous écrire, voilà qu'on me vient appeler, tantôt pour ce­ci, tantôt pour cela. Si l'on n'avait pas fait de longue date ample provision de patien­ce, il y aurait parfois puissant motif à déserter le poste où l'on s'est placé par dévoue­ment.

Mais vous êtes sous ce rapport, comme sous tant d'autres d'ailleurs, d'une amabili­té si exquise et d'une indulgence si large qu'il y aurait vraiment péché grave â s'impa­tienter quand on désire vous écrire et que l'on se trouve dans l'impossibilité de le faire.

Vous entrez complètement dans l'esprit qui nous a dirigés dans la pensée de fonder une institution secondaire libre; vous comprenez parfaitement nos intentions et nos vœux, qui sont de laisser après nous une œuvre qui puisse se maintenir et continuer à faire le bien comme nous désirons le faire nous-mêmes. Ce n'est plus une œuvre transitoire, qui s'attache à une ou deux personnes et suit leur condition, mais une œuvre solide et durable pour le plus grand avantage de la ville et de la contrée, qui nous sont toujours très sympathiques. Après nous avoir éprouvés quelque moment, Dieu nous protège visiblement et nous procure de bien douces consolations. Jamais nous. n'avons eu d'élèves plus souples, plus soumis, animés d'un meilleur esprit; ils semblent sentir par instinct qu'ils n'appartiennent plus à l'université et qu'ils respirent dans une autre atmosphère. Que Dieu en soit béni, pour la plus grande gloire de son nom! Puisse-t-il m'être donné un jour d'aller où vous êtes et de solliciter du Vicaire de J.C., auquel vous touchez d'aussi près, sa bénédiction sur notre œuvre! Je la recom­mande toujours à vos bonnes prières et saintes assistances au divin sacrifice. Nous sommes assez reconnaissants pour attribuer à l'efficacité des prières des âmes ferven­tes l'ouverture de notre maison et la position où elle se trouve à l'heure où nous som­mes. Que le Seigneur daigne nous continuer son salutaire et puissant appui!

Que je suis heureux, mon cher ami, de vous savoir aussi satisfait de votre nouvelle position! Henri, votre frère me l'a écrit lui-même à la nouvelle année, ce qui fait bien plaisir à vos parents, et ne pouvant, pour le moment, lui répondre autrement que par l'envoi de ma carte, je lui ai cecrit au dos, avec quelques autres distiques écrits au courant de ma plume, celui-ci qui vous concerne:

«Felix sorte nova, frater modo scripsit ab Urbe, Corpore, mente valet, vosque valere cupit»1.

Voilà un distique que je ne pensais guère envoyer à Rome quand je l'écrivais pour votre frère; puisqu'il a été fait à votre sujet, agréez-le pour ce qu'il vaut. Monsieur le Principal n'est point si chatouilleux que l'on pouvait le supposer. Il re­çoit et recevra toujours avec infiniment de plaisir un souvenir de ses anciens élèves, et particulièrement de vous; car il vous affectionne d'une manière toute exceptionnelle; il s'intéresse à vos études, à votre avenir, et conçoit de vous les plus belles espérances. Vous êtes comme l'enfant de son cœur et il ne parle jamais d'un autre comme il parle de vous-même. Vous n'avez donc pas besoin d'excuse auprès de lui; vous lui ferez toujours un bien grand plaisir de lui écrire quelques mots, lorsque vos études vous laisseront un peu de relâche. Il comprend très bien que vous n'avez pas de temps à perdre à entretenir des correspondances de droite ou de gauche, et me charge de vous dire qu'il est toujours ani­mé des mêmes sentiments pour vous que par le passé. Ne vous gênez donc pas; seule­ment, plus tôt ou plus tard, quand vous aurez quelques minutes de loisir, écrivez-lui deux mots; ceci vient de moi seul. Vos parents vont bien; la petite Marthe, comme vous savez, «incipit cognoscere matrem, nunc visu, mox verbo»2.

Le brave père Lacroix est toujours aussi votre bon ami, sensible et affectueux; il vous offre ses souhaits, comme je le fais moi-même avant de fermer ma lettre; il est 9 h du soir, il est temps de réciter mes matines. Rien de nouveau ici, si ce n'est que Mr Devalder, notre doyen, est mort depuis bientôt un an.

Votre ami

Boute Ptre

1 «Heureux de son nouveaun sort, votre frère vient de m'écrire de Rome. De corps et d'esprit il se porte bien et vous en souhaite autant».

2 «Elle commence à reconnaître sa mère, de vue pour le moment, mais bientôt par la parole».

157.04

AD B.17/6.12.4

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

De Mr Demiselle

La Capelle 22 avril 1866

Mon cher Monsieur Léon,

Je vous écris sous les yeux de Mme Dehon. Je suis à La Capelle depuis quelques jours, étant venu bénir l'union de Melle Alice Fiévet avec un commerçant de Paris. Je suis descendu chez vous et je couche dans votre chambre.

Mr Dehon éprouve en ce moment une recrudescence d'inquiétude à votre sujet. Ce qui le préoccupe surtout, c'est l'idée de vous voir en vacances en habit ecclésiastique. Après y avoir bien pensé et en avoir causé avec des personnes amies, je crois que vous ferez bien, pour épargner la sensibilité de Mr Dehon, de revenir en vacances en habits laïques. C'est aussi le sentiment de Mme Dehon. Il me semble que vous devriez attendre la réception du sous-diaconat pour vous présenter à La Capelle dans le costume clérical. Je vois que Mr Dehon serait bouleversé de vous voir si tôt transformé, au moins extérieurement. Veuil­lez être mon interprète auprès de Mr l'abbé Lecomte et lui dire que j'ai écrit à Troyes pour Mr Jacquart et qu'on n'a répondu ni à Mgr ni à moi. Ce pauvre abbé doit du reste avoir été mis au courant de mes démarches par son père ou par Mr Parisot, aumônier de l'hôpital de Laon. Quand à Mgr de Versailles, Mgr de Soissons ne peut pas le lui présen­ter; car ce prélat, qui sait qu'on a besoin de sujets à Soissons, serait plus qu'étonné que notre Evêque lui offre un diacre de son diocèse. Voilà au moins la réflexion que m'a faite Mgr Dours. De sorte que je ne sais plus que faire pour Mr Jacquart. Dites à Mr Lecomte de lui indiquer dans sa sagesse la route qu'il doit prendre, soit qu'il entre dans le clergé ré­gulier, soit dans un Ordre religieux.

J'offre toutes mes amitiés à Mr l'abbé Lecomte et j'envie la jouissance qu'il éprouve dans l'étude de la théologie. Je compte bien le voir chez moi aux vacances prochaines. Je suis absent de Soissons depuis le 1 ° mars, ayant donné le Carême à Marle et une re­traite préparatoire à la 1 ° communion et à la confirmation dans une paroisse des envi­rons de Saint-Quentin. Je retourne à Soissons, où je compte vous voir à votre passage. Mr l'Archiprêtre de Vervins a eu deux attaques de paralysie et il est perdu pour le ministère.

Vous offrirez mes respects à Mr le Supérieur du Séminaire et vous direz pour moi une petite prière à l'autel de S. Hilaire dans votre chapelle.

Je n'ai trouvé rien de nouveau à La Capelle, si ce n'est un accroissement de luxe qui m'effraye.

Je suis avec la plus cordiale amitié.

Tout à vous en N. S.

Demiselle chan.

156.01

AD B.17/6.10.1

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

De Mr Dehaene

26 avril 1866

Mon bien cher abbé et bien cher Enfant,

Permettez-moi de vous donner cette double appellation que mon coeur aime singu­lièrement. Vous voilà revêtu de la soutane et sur la voie du sacerdoce; quelle consolation pour moi qui aime tant les vocations ecclésiastiques! Vous vous dites mon en­fant et je suis si content de m'appeler votre père! Oui, votre petite lettre a été comme un parfum pour mon âme; je vous porte tant d'intérêt! Je compte tant sur vous pour la gloire et la consolation de la religion! Mille fois merci pour toutes vos sympathies, pour toute le part que vous prenez à notre oeuvre. Voilà mon rêve réalisé; Dieu me gâte jusqu'au bout, et me voilà en train de donner de l'avenir à mon oeuvre et de tra­vailler à me survivre dans une association de prêtres pour l'éducation et la prédica­tion! Mes amis n'eussent pas pu mieux me servir.

Le grand St François bénit notre courage et nous comptons déjà 200 élèves. Nous avons ici un local spacieux et un océan de lumière et de bon air. Les élèves et les pa­rents nous sont fort sympathiques et les maîtres sont plus unis que jamais. Je suis plus heureux que je ne l'ai jamais été par le passé. Priez beaucoup tous les saints pour nous, vous êtes si près d'eux!

Vous dites un mot sur l'importance de l'éducation, vous abondez tout à fait dans mon sens. Qu'on multiplie les bonnes maisons d'éducation!

Disposez déjà tout d'avance pour votre diocèse; et nous triompherons du mal. Quelques cours de philosophie… … la ferveur pour le bien: nous ne comptons cette année que 3 philosophes et …1.

Veuillez m'écrire de temps en temps encore, me recommander beaucoup à St Pier­re, l'un de mes Patrons, que j'ai tant prié, en baisant, en 42, avant de partir, le seuil de la grande Basilique.

Veuillez aussi m'indiquer quel est, selon vous et selon vos maîtres, le meilleur et le plus complet traité de philosophie qu'on puisse étudier aujourd'hui.

MM. Boute, Lacroix, Debusschère et Gantier vous saluent de coeur; les 12 autres vous sont inconnus.

Mille bénédictions sur vos études et sur tous vos saints projets.

Tout vôtre in Jesu, Maria et Jh

Dehaene, chan. hon. Sup.

1 Quelques mots illisibles. La lettre est difficilement déchiffrable. Le P. Dehon en a donné une longue citation en NHV I, 15r° - v°.

157.05

AD B.17/6.12.5

Ms autogr. 3 p. (16 x 11)

De Mr Demiselle

Soissons 10 août 1866

Mon cher Monsieur Léon,

Je vous transmets ces quelques mots de réponse par l'entremise de Mr le Doyen. Je vous félicite tout d'abord pour le diplôme que vous nous rapportez. C'est un témoignage de l'importance que vous avez attachée à l'étude de la philosophie, si peu et si mal comprise aujourd'hui, ce qui est cause de cet affaiblissement déplorable des in­telligences. On peut dire qu'il n'y plus de philosophie en France. Il n'y a plus que des exposés d'opinions et de systèmes, ce qui ne laisse dans les esprits que doute et incer­titude. C'est par là que nous nous éloignons de la vérité. Et la vérité dans l'intelligen­ce, c'est la condition de la rectitude dans la conduite de la vie. Est-il étonnant avec ce­la que la vie n'ait plus de direction? Et puis, la philosophie, la bonne et forte philoso­phie conduit à la foi: «La raison dans mes vers…» a dit L. Racine… Elle en est le vestibule et le parvis.

Mais de quel secours vous sera cette forte étude de la philosophie pour l'étude bien autrement grande et attrayante de la théologie! C'est ce que vous expérimenterez à chaque pas dans cette nouvelle carrière.

Je serai bien heureux de vous voir et de causer avec vous de ces grands objets, et puis de parcourir ensemble Rome et ses sanctuaires, souvenirs qui ne sont pas plus effacés que le premier jour.

Que va devenir Rome? Je ne compte plus sur rien, si ce n'est sur quelque grand coup de la droite du Tout-puissant.

Probablement vous ne trouverez ici Mgr qu'à votre passage en retournant a Rome. Il va partir vers le 20 pour six semaines comme l'an dernier. Mais, je vous en prie, venez en tout cas ou de Laon ou de Châlons le plus tôt possible. J'en veux à Mr Lecomte de ne pas avoir pris un instant, en passant â Soissons pour entrer en ville et me dire au moins quand je puis compter sur lui. Je vais lui écrire pour l'assigner à comparaître.

Mille bonjours affectueux à vos chers parents, Mr et Mme Henri et, à l'occasion, au jeune ménage de Fourmies1.

Ma soeur se joint à moi pour vous envoyer les sentiments les plus affectueux et vous répéter qu'elle vous attend et compte sur vous au plus tôt.

Totus tibi in Xsto - Demiselle

1 Le nouveau ménage d'Aline et Ernest Lavisse (cf. LD 48).

435.16

AD B.21 /7a.3

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De Mr Boute

Hazebrouck 2 Xbre 1866

Mon bien cher Léon,

Je me surprends souvent à me demander ce que vous devez penser de moi, en me voyant laisser tout un mois se passer sans vous répondre. Je finis par me persuader que votre bonté et votre indulgence, loin de m'accuser de négligence, attribuent ce re­tard à mes trop nombreuses occupations; et vous faites bien, car c'est l'exacte vérité.

J'ai vivement regretté de ne pouvoir vous donner que quelques heures à ma dernière apparition à La Capelle; je désirais vous voir, j'avais deux jours à ma disposition pour faire ce long trajet aller et retour, je n'ai pas hésité; je vous ai vu, vous surtout que j'aimais tant à revoir, j'ai vu votre famille et je suis parti content. J'ai trouvé la fa­mille très bien disposée. à tel point qu'elle considère la chose comme déjà faite, parce qu'elle connaît votre fermeté de résolution. Quant à Mr votre père il s'y habitue peu à peu, ou plutôt, pour dire ce que j'en pense, il croit fermement, sans se l'avouer ni l'avouer aux autres, que vous ne changerez point de détermination. Seulement, il di­ra encore de temps à autre: c'est dommage, j'aurais voulu le voir embrasser une autre carrière; mais ses impressions changent selon les temps et les circonstances. Une fois que vous serez engagé dans les ordres sacrés, il en prendra facilement son parti et n'y pensera plus. J'appelle de tout mon cœur le jour où vous serez sous-diacre, pour vous et pour votre père. Quant à votre bonne mère, elle en a fait son sacrifice, et je suis convaincu qu'elle se dira un jour heureuse d'avoir un fils consacré à Dieu. Vous pensez très bien de ne plus retourner chez vous en habit laïc; cet habit pourrait nour­rir les dernières espérances de Mr Dehon. Quant à Henri, il vous regarde déjà comme engagé dans l'ordre sacerdotal; vous le surprendriez étonnamment si vous veniez à quitter les études ecclésiastiques, parce qu'il vous connaît homme à poursuivre avec persévérance et ténacité (heureuse vertu en maintes circonstances) ce que vous avez une fois entrepris, après mûre délibération. Sa femme partage ses sentiments. Arrivez-nous donc sous-diacre le plus tôt que vous pourrez.

Je ne m'étonne pas que Mgr Dours, votre évêque, vous réclame déjà comme pro­fesseur ou vicaire de ses principales villes; mais, comme: vous dites fort bien: «videbi­mus infra»; ce n'est pas, en effet, ce qui doit vous occuper maintenant, mais de bon­nes et fortes études théologiques, et le reste viendra de soi.

Que je vous dise maintenant un mot de notre établissement; il marche toujours au gré de nos désirs; nous avons 185 pensionnaires, nous en aurions davantage si nous pou­vions les loger; je ne compte pas les demi pensionnaires ni les externes, nombreux aussi. Nous avons l'intention de nous borner à 200,220 pensionnaires et pas plus; passé ce nombre, la surveillance devient trop difficile; nous ne voulons pas décliner. Mgr de Cam­brai est venu le ter comme l'an passé, nous faire une visite spéciale, et nous a fait l'hon­neur de dîner chez nous; il a été très gai et très charmant; nous avons toutes ses sympa­thies. Nous nous proposons au printemps de bâtir des classes, salles d'étude et quelques dortoirs, afin d'être définitivement casés. C'est là pour moi de la nouvelle besogne taillée en plein drap. Je demande à Dieu de vivre assez encore pour mener cette affaire à bonne fin et consolider l'œuvre à laquelle je me suis dévoué corps et âme.

Mr le Principal, à qui j'ai communiqué votre lettre, et tous les messieurs que vous connaissez me prient de vous exprimer tous les sentiments de vivre sympathie, d'ami­tié et d'intérêt dont ils sont pénétrés pour vous. Cottigny fait son droit à Paris, Bie­swal à Douai, Michel… est à l'École Polytechnique, etc…

Votre ami dévoué

Boute Ptre

Ici on ne sait ce qui va arriver à Rome et présentement on craint beaucoup. Les évêques de France font des mandements pour réclamer en faveur du St-Père les priè­res de leurs diocésains. Que va-t-il arriver? Dieu doit punir son Eglise…

158.06

AD B.17/6.12.6

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De Mr Demiselle

Soissons 26 Xbre 1866

Mon cher Abbé,

C'est sans doute le nom que vous portez depuis quelques jours. Je vous en félicite de grand coeur. Vous avez choisi la meilleure part qui ne vous sera ravie par personne. L'attrait que vous rencontrez dans l'étude de la théologie me prouve que vous l'étu­diez comme il faut, c'est-à-dire avec application et avec foi, ce qui vous y fait trouver tout à la fois la nourriture de l'esprit et celle du coeur. Et puis, la manière dont elle vous est enseignée, cette manière large et élevée, ôte à la forme scolastique ce qu'elle aurait sans cela de sec et d'étriqué; et c'est là trop souvent ce qui, dans nos séminai­res, rebute les élèves et rétrécit leurs idées en desséchant leur coeur; tandis qu'en réa­lité, la théologie est la plus grande et la plus belle poésie.

Je suis très heureux de savoir qu'en cas de dispersion des PP. Jésuites, vos études ne seraient pas interrompues.

Nous ne voyons pas encore assez clair dans la marche des affaires pour savoir si nous devons nous livrer à l'espoir ou à la crainte. C'est de Dieu seul que nous devons tout at­tendre. Le bon vouloir des hommes est incertain; trop souvent il est impuissant.

Je croyais Mr Lecomte à Rome; ainsi me l'avait dit le Cardinal Gousset, chez qui je passais quelques jours dans le courant de novembre. Vous savez sans doute déjà que nous venons de le perdre: il a été enlevé dans l'espace de 26 heures d'une congestion pulmonaire. Je dois aller samedi 29 avec Monseigneur notre Eveque assister à ses fu­nérailles. Il y aura 27 ans en septembre prochain, j'assistais à son installation. C'est une grande perte pour l'Eglise de France tout entière. Je suis sûr que le St-Père en sera vivement affecté1.

Je suis très heureux que vous ayez vu Mgr Dupanloup et qu'il ait approuvé votre séjour à Rome. Nous venons de voir paraître de lui une nouvelle brochure très re­marquable: «L'Athéisme et le péril social». Elle a coincidé avec «Les odeurs de Paris» de L. Veuillot et obtenu le même succès. Mais je ne crois pas que la mauvaise presse perde pour cela beaucoup de sa vogue. C'est déplorable ce débordement de doctrines insensées et ce dévergondage de systèmes où l'odieux le dispute à l'absurde2. Pauvre France, où on te mène! A côté de cela, les choses les plus consolantes, les oeuvres les plus admirables, l'enseignement religieux, à Paris en particulier, recueilli par des masses avides de vérité. je me suis trouvé à N. D. de Paris le 1 ° dimanche de l'Avent pour entendre le p. Hyacinthe. C'est inouï la foule qui se presse autour de sa chaire. Espérons que Dieu nous fera miséricorde, en faveur de tout le bien qui se fait encore dans notre pays3.

Mr Peronne (?), qui vous envoie son bon souvenir, vous prie de débourser ce qui sera nécessaire pour obtenir les pouvoirs qu'il a demandés.

Nous sommes toujours ici au grand calme. Notre petite ville a toujours été fort paisible, ne se passionnant ni pour le mal, ni pour le bien.

Mgr vous envoie bien volontiers sa bénédiction. Vous le verrez sans doute au mois de juin prochain. Il m'a déjà demandé de l'accompagner. je ne me suis pas encore en­gagé. je crains la chaleur4.

je suis bien à vous de coeur.

Demiselle

Mes respects à Mr le Supérieur.

Ma soeur vous envoie ses compliments affectueux.

1 Le Cardinal Gousset, archevêque de Reims, décédé le 22 décembre 1866. Fervent promoteur des études ecclésiastiques, propagateur du dogme de l'Immaculée Conception, défenseur du pouvoir temporel du Pape. Fidèle au pouvoir impérial, il était sénateur depuis 1852. Léon Dehon avait voulu le voir en se rendant à Rome (cf LD 30 note 2).

2 A Mgr Dupanloup, Léon Dehon avait rendu visite en octobre (cf LD 56).

3 Le P. Hyacinthe Loyson (1827-1912), carme, célèbre prédicateur de Notre-Dame à Paris (1865). Fort opposé au Concile du Vatican, il quitta l'Eglise et se maria en 1872. Il fonda une Eglise libérale à Genève, puis à Paris une Eglise gallicane.

4 A l'occasion des fêtes du centenaire des Apôtres en juin.

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