1868

218.57

B18/9.2.57

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 4 janvier 68

Chers parents,

Je n'étais pas avec vous le 1er janvier; cependant ma pensée me portait tout naturellement vers vous, surtout au saint sacrifice. Je m'unissais en esprit à vos saints patrons et à vos bons anges pour demander à Dieu de vous bénir, et je priais mon frère Léon qui est un ange au ciel et que je vous engage à invoquer souvent, pour qu'il protège notre famille1.

La pensée qui doit nous frapper, c'est que nous avons une année de plus dont il faudra rendre compte à Dieu, et une année de moins pour mériter le ciel. Il y a huit jours encore, le meilleur de mes amis ici, un jeune homme de Chambéry, qui a fait tout son droit avec moi, apprenait par le télégraphe la mort subite de son père frappé d'apoplexie2.

Une pensée de St Paul me frappait aujourd'hui, parce qu'elle était conforme aux miennes, je vous la communique. Plein de charité pour les Thessaloniciens qu'il avait évangélisés, il leur envoya son disciple Timothée pour s'informer s'ils persévéraient, puis il leur écrivait: «je vis maintenant, puisque vous demeurez dans le Seigneur»3. Oh oui, celui-là vit et vit heureux et plein d'espoir pour l'éternité, qui sait que les siens demeurent dans le Seigneur.

J'ai eu le bonheur de faire les fonctions de sous-diacre à la messe solennelle, le jour de la circoncision. C'est un avant-goût de la grâce du sacerdoce par laquelle je pourrai offrir tous les jours le saint sacrifice. Le sacrifice en général est tellement dans la nature de l'homme que les païens eux-mêmes en reconnaissaient la nécessité. C'est un acte par lequel l'homme reconnaît le souverain domaine de Dieu et exprime à Dieu son repentir en témoignant qu'il a mérité de périr comme l'objet qu'il sacrifie. Tout l'Ancien Testament dans ses sacrifices solennels du temple et dans ceux d'Abel et d'Abraham avait pour but de figurer le grand sacrifice du Calvaire, le seul qui put réparer l'injure faite à Dieu par le péché et nous obtenir la vie éternelle, et Dieu a voulu que ce sacrifice se renouvelle tous les jours pour nous en appliquer les fruits tous les jours. Notre Seigneur ne souffre plus, ne meurt plus, mais il descend sur nos autels sous l'apparence du pain et du vin et il s'offre à son Père par les mains du prêtre avec le même amour pour nous que lorsqu'il disait du haut de la croix: «Je remets mon âme entre vos mains.» Le saint sacrifice a donc une valeur infinie, mais il ne nous est appliqué qu'en proportion de nos dispositions. Ne nous privons jamais d'un si grand bien pour éviter un peu d'ennui et de fatigue4.

J'ai reçu une lettre d'Henri et je lui écrirai dans quelques jours. Je suis heureux que mon oncle Dehon ait réglé ses affaires avantageusement. J'espère qu'il aura remboursé Siméon exactement5.

Je vous embrasse de tout mon cœur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, Maman Dehon et Marthe.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 Il s'agit du premier enfant de Mme Dehon, né en 1838 et mort quelques mois avant la naissance du troisième (le P. Dehon), qui reçut à son tour le nom de Léon (cf. NHV I, 2 vº)

2 Il s'agit de l'abbé Perreau (cf. NHV V, 38, 108…) cf. LD 141

3 1 Thess. 3, 8

4 Cette petite catéchèse donne une idée de la théologie du sacrifice alors enseignée, avec sans doute plus de développements, de précisions et de nuances. Elle ne sera pas sans marquer la pensée du P. Dehon sur la réparation ainsi que sa spiritualité

5 Cf. LD 82.

218.58

B18/9.2.58

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 19 janvier 68

Chers parents,

J'ai écrit il y a huit jours à Henri, et bien que mes journées soient admirablement remplies, je n'aurais rien à vous dire si je ne vous parlais un peu de Dieu, car c'est vers lui que sont tournées toutes mes pensées, puisque mon temps est partagé entre la prière et la théologie, c'est-à-dire la science de Dieu1.

Je voudrais vous faire comprendre et partager les grâces dont Dieu nous comble quand nous nous donnons à lui. Il confirme notre foi en nous rendant son adorable présence plus certaine que notre propre existence. Oh! comme les incrédules sont sans excuse. S'ils ouvraient les yeux, ils verraient la main de Dieu qui conserve son Église malgré tant de persécutions, de défections, d'apostasies et de luttes contre les passions. Ils reconnaîtraient la sainteté de cette doctrine qui élève à une si haute perfection ceux qui ne sont pas comme nous remplis de faiblesse et de passions et qui donne à tous des secours abondants pour faire le bien et pour se relever de leurs chutes.

Ils verraient que si les ministres de la religion en sont quelquefois indignes, c'est leur faute toute personnelle, puisque la doctrine qu'ils sont tenus de prêcher est sainte, et que leur conduite n'est une excuse pour personne.

Enfin, s'ils voulaient rentrer en grâce avec Dieu et recevoir avec foi ses sacrements, ils sentiraient l'influence de la grâce qui purifie le cœur, donne du dégoût pour le péché et élève l'âme à Dieu. Ces effets sont sensibles. Tous les chrétiens les ont éprouvés quelquefois, ne serait-ce que dans les moments de ferveur de leur enfance. Et si Dieu a remué leur cœur, comment nient-ils son action? Et si Dieu les portait au bien, pourquoi ne se remettent-ils pas sous sa direction? Nos péchés ne sont pas une excuse, mais un motif de plus de nous hâter. Dieu nous aime, il nous tend les bras, il a pardonné à St Paul, à Ste Madeleine, aux plus grands pécheurs et il nous a lui-même enseigné la parabole de l'enfant prodigue. Chaque moment que nous perdons ajoute aux peines que nous aurons à subir et diminue les récompenses que nous avons à espérer. Quand nous sommes en état de grâce, Notre-Seigneur présente toutes nos œuvres à son Père céleste, en union avec ses mérites et elles sont écrites dans le livre de vie pour notre récompense éternelle. Ce sont là les premiers principes de la foi. Ne soyons pas ingrats envers Dieu qui nous a aimés jusqu'à donner son Fils pour nous et qui nous comble chaque jour de ses grâces.

Je ne pouvais pas mieux faire, n'est-ce pas, que de vous dire les pensées qui remplissent mon cœur. C'est là le but des lettres intimes2.

J'ai reçu une bonne lettre de Mr Boute et une autre de Siméon 3.

Je vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 C'est en effet l'impression que donne la lecture des «Notes Quotidiennes» de cette époque, ainsi que la relation qu'en fait le P. Dehon dans ses NHV (V, 133 et suivantes), pour cette année 1867-1868: «vraiment une des meilleures de ma vie… (comme) mon noviciat de vie religieuse»

2 C'est évidemment surtout à son père qu'il adresse les réflexions de cette lettre. Cependant, elle révèle aussi quelque chose de son expérience personnelle, dès l'enfance et en ces années de séminaire

3 Lettre de Mr Boute: LC 33.

218.59

B18/9.2.59

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 31 janvier 68

Chers parents,

Je suis heureux que l'on soit généralement bien portant dans notre famille et que les travaux de papa marchent bien. Quant à moi, mes journées se ressemblent et passent rapidement entre le travail et la prière. Je n'ai qu'à me louer de ma santé!

Palustre vient d'éprouver un malheur de famille qui lui est très sensible. Voici en quels termes il me l'annonce: «J'ai été subitement rappelé à St-Maixent. Mon oncle, que j'avais laissé une semaine auparavant en parfaite santé, venait de succomber à une attaque d'apoplexie foudroyante, sans avoir le temps de reconnaître seulement les siens.» C'est encore un exemple que Dieu dans sa miséricorde donne à ceux qui ne sont pas prêts à paraître devant lui. Ne conservons pas de péchés mortels sur la conscience. Si nous en avons, faisons-en de suite un acte de contrition avec la ferme intention de nous en confesser bientôt. Dieu ne demande pas beaucoup de nous. Ne nous exposons pas à la damnation éternelle.

Tu me dis, chère mère, que tu es privée de la sainte communion et des sacrements. Je t'engage à bien profiter des petites peines que Dieu t'envoie. C'est un des plus féconds moyens de sanctification. Il faut endurer toutes nos souffrances et nos mortifications en union avec la Passion de Notre-Seigneur. Puisque notre vie est parsemée de souffrances, le parti le plus sage est de les faire servir à notre salut.

Tu pourras t'aider de ces quelques considérations qui sont le fond de l'enseignement de l'Église. La mortification et l'acceptation des peines qui nous viennent de Dieu ou du prochain, sont d'abord un sacrifice d'expiation pour nos péchés et une satisfaction à la justice de Dieu en union avec les mérites de Notre-Seigneur. C'est en second lieu un tempérament et un remède à la tendance de notre nature corrompue vers l'orgueil, les jouissances sensuelles et les vanités. C'est en troisième lieu une reconnaissance de la puissance de Dieu et de son droit absolu sur nous. C'est enfin un sacrifice méritoire qui nous obtient des grâces abondantes pour nous et pour ceux pour lesquels nous prions. Si nous faisons de bon cœur ce petit sacrifice, Dieu nous récompensera généreusement.

Je t'engage aussi à relire les leçons de piété douce et facile que donne St François de Sales dans son Introduction à la Vie dévote. C'est un livre écrit pour des personnes vivant dans le monde et même à la cour. St François de Sales le fit à la demande du roi Henri IV. J'engage fort papa à en lire quelques chapitres. Il verra que Dieu ne nous demande rien au-dessus de notre faiblesse.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

218.60

B18/9.2.60

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 12 février 68

Chers parents,

Depuis le commencement du mois de janvier, nous sommes tout au travail et nos journées n'ont pas d'autre variété que celle de nos études, qui sont du reste très intéressantes et les plus belles parmi les études sérieuses. Nous allons avoir quelques jours de repos avant le carême, et puis nous aurons une nouvelle série de travail jusqu'à Pâques. Ma santé s'accommode parfaitement de cette vie régulière. La saison commence à devenir meilleure et les amandiers vont fleurir, mais l'hiver a été assez pénible relativement à ce que l'on pourrait espérer à Rome.

Pour ce qui regarde la politique, nous avons ici le calme le plus complet.

Le séminaire est aussi nombreux que l'an passé. Les élèves dont le pays se rapproche le plus du nôtre sont Mr Bernard de Lille, ancien élève de Marcq, et Mr de Maindreville, du diocèse de Beauvais, dont le frère vient d'être nommé président du tribunal de Dunkerque où il était procureur impérial. C'est un ami de Vandelet: il a été substitut à Hazebrouck1.

J'ai reçu des nouvelles de Palustre. Il est très occupé par l'impression de son ouvrage qui paraîtra prochainement2.

Je profiterai des petites vacances pour écrire à plusieurs de mes amis. Je n'oublierai pas l'abbé Palant.

Je suis heureux, chère mère, que ta santé s'améliore et je t'engage à être prudente pour hâter ta guérison. Il doit t'être pénible d'être privée de la sainte messe et des sacrements qui sont d'un si grand secours pour faire le bien, mais Dieu y suppléera d'une autre façon. Tu peux du reste faire la communion spirituelle aussi souvent et même plus souvent que tu ne la recevais réellement. C'est une pratique très recommandée par l'Église. Le catéchisme du concile de Trente dit: «Quoique les personnes qui se nourrissent de ce pain céleste par leurs vœux et par leurs désirs ne reçoivent pas tous les fruits de l'Eucharistie, elles ne laissent pas d'en recueillir de très considérables.» Cette pratique que tu connais déjà et que tu trouves indiquée dans tes manuels de piété, consiste à considérer avec foi la bonté que Notre-Seigneur nous témoigne dans ce sacrement que nous désirons vivement recevoir avec humilité et amour, et à le prier d'augmenter en nous sa grâce et son amour, de nous purifier de nos fautes et de nous faire avancer dans la vertu comme si nous le recevions réellement.

Pour le carême tu demanderas pour toi une dispense complète, si tu le juges à propos, et pour papa la dispense du jeûne, si cela nuit à sa santé. En se mettant en règle on évite facilement bien des fautes.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Mes compliments à Mme Fiévet, au cousin Foucamprez et à Mr Clavel si vous le voyez.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 Cf. LD 58

2 Cf. LD 62 (note 4).

218.61

B18/9.2.61

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 25 février 68

Chers parents,

C'est aujourd'hui que finissent nos petites vacances de carnaval. Nous en avons profité pour nous reposer un peu l'esprit et le corps, et nous allons reprendre demain les cours qui ne seront plus interrompus jusqu'à Pâques. Quelques élèves ont profité de ces jours de liberté pour faire les excursions de Tivoli, de Subiaco, des monts Albains et autres dont je vous ai parlé autrefois. Je connaissais déjà tout cela; aussi suis-je resté à Rome1. Le matin, je travaillais à me mettre au courant de ce que le grand nombre de cours m'avait forcé de négliger, et toutes les après-midi je faisais une charmante promenade de trois heures, avec quelques-uns de mes confrères, aux ruines et aux sites les plus intéressants qui avoisinent Rome.

Nous avons été favorisés par une température délicieuse. La sève du printemps commence seulement à revêtir les arbres de leurs feuilles; mais il y en a un grand nombre qui restent toujours verts et tous les arbres fruitiers sont en fleurs depuis quinze jours au moins.

Les réjouissances du carnaval dans la ville ont été très animées. Elles sont ici fort innocentes. La foule se porte au Corso toutes les après-midi, à pied, en voiture ou sur les balcons, et c'est un échange de bouquets ou de dragées de plâtre de la rue aux balcons suivant le caprice du moment. Il y a des chars élégants et de jolis costumes, mais pas de masques sur les visages. Les anglais sont très friands de ces divertissements. Les étrangers sont très nombreux à Rome comme tous les hivers.

J'ai profité de ces vacances pour écrire quelques lettres, mais je n'en ai reçu de personne.

Nous allons entrer en carême. Rome a pendant cette partie de l'année une physionomie toute particulière. Depuis les premiers siècles de l'Église, à chaque jour du carême est assignée une des anciennes basiliques et églises de Rome, élevées sur les tombeaux des martyrs, et les romains s'y rendent dévotement l'après-midi pour gagner les indulgences qui y sont attachées. C'est ce qu'on appelle les stations de carême. Nous profitons de nos petites promenades de chaque jour pour faire notre visite aux églises stationnales. C'est un des nombreux avantages qu'offre à la piété le séjour de Rome. Il est bien juste que les faveurs et les indulgences de l'Église aient été prodiguées aux sanctuaires de Rome, parce qu'ils sont presque tous élevés sur le lieu du martyre ou du tombeau de quelque saint2.

J'attends une lettre de vous prochainement. Comme je me sers quelquefois d'occasions plus ou moins certaines, s'il arrivait qu'une de mes lettres se perdît ou se fît attendre, il ne faudrait pas vous en inquiéter.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 Cf. LD 45 d'avril 1866. À noter cependant que, selon NHV VI, 47-52, il a fait «aux vacances de Pâques 1868» l'excursion de Tivoli, Subiaco…: notes donc qui en réalité doivent se rapporter à l'excursion de 1866

2 Cf. NHV V, 17.

218.62

B18/9.2.62

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 10 mars 68

Chers parents,

J'avais une affection particulière pour ma tante Vandelet, et je vous engage à prier beaucoup pour elle, pour que le bon Dieu abrège le temps de son purgatoire, si elle en a à subir, et qu'il la reçoive bientôt avec ses saints dans le ciel pour l'éternité. Cette disparition successive de nos parents est un avertissement que Dieu nous renouvelle pour que nous nous tenions toujours prêts à paraître en sa présence1.

Ne vous inquiétez pas de ma santé, elle est excellente. Du reste, nos directeurs prennent de nous un soin tout paternel, et notre régime très régulier est aussi très favorable à la santé.

Nos cours ont repris leur marche habituelle le mercredi des cendres, et ils ne seront plus interrompus jusqu'à Pâques.

Dans une de mes promenades, je me suis occupé des peintures dont nous avions parlé aux vacances, mais j'ai renoncé provisoirement à vous en envoyer, parce que le prix en serait plus élevé que je ne l'avais prévu. Pour avoir deux toiles qui en vaillent la peine, représentant de jolies vues de la campagne romaine, il faudrait, je crois, dépenser 250 ou 300 francs.

J'ai reçu il y a quelques jours la visite d'un soldat de la légion française, qui est de Marsy près de Marle. Ses parents tiennent en location des terres de notre cousin Dehon2. Je n'ai pas entendu parler depuis longtemps de celui dont la mère m'avait écrit aux vacances et qui était malade.

Nous avons l'avantage cette année d'entendre tous les dimanches à l'église Saint-Louis-des-Français un célèbre prédicateur, le P. Hyacinthe, qui a prêché les conférences de l'Avent à Paris. Il est très éloquent et a des pensées très nobles et très élevées. Il exprime d'une façon émouvante, les vérités si sublimes de la religion. Pour nous aider à comprendre, par exemple, comment Notre-Seigneur, dans le mystère de son incarnation, témoigne à la fois son infinie justice et son infinie miséricorde, il nous représentait la justice de Dieu demandant la réparation de tous les péchés des hommes. Il fallait pour cette réparation des victimes, ou une au moins qui fût agréable à Dieu et représentât tous les hommes. Et la miséricorde infinie de Dieu voulait en même temps nous relever de la honte du péché, nous épargner le châtiment qui nous était dû et nous élever à la gloire ineffable de posséder Dieu dans le ciel éternellement. La sagesse de Dieu concilia sa justice et sa miséricorde. Il frappa et punit l'humanité, mais il la frappa en lui-même. Le Verbe de Dieu se fit homme pour porter la peine due à nos iniquités et nous mériter la gloire éternelle. Méditons souvent ces pensées pour nous exciter à l'amour de Dieu et à l'horreur du péché3.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe. Mes compliments à Mme Fiévet et à Gustave.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

47 Via Santa Chiara.

1 Cette tante Vandelet avait perdu son mari quelques mois auparavant (cf. LD 69 et 70)

2 Ce cousin Dehon n'est pas autrement identifié. Ce ne peut guère être que Édouard Dehon, fils d'Édouard-Gustave Dehon et de Dorothée Dehon (le seul cousin repérable dans la généalogie). Né en 1853, il n'avait que 15 ans

3 Le P. Hyacinthe (Charles Loyson 1827-1912), célèbre prédicateur. Religieux carme, il rompit avec l'Église catholique, se maria et fonda une sorte d'église libérale. Son nom apparaît plusieurs fois dans les NHV. Il est intéressant de comparer le jugement porté dans cette lettre avec ceux des NHV: «Les conférences du P. Hyacinthe m'étaient suspectes à bon droit» (V, 73), et surtout, à propos précisément de ce carême à Rome: «C'est au printemps de cette année 1868, que le pauvre P. Hyacinthe prêcha le carême à Rome. Je l'ai suivi. Ses discours étaient très littéraires, son débit théâtral. On n'augurait rien de bon de son attitude prétentieuse. Pie IX l'appelait: «un predicatore alla moda». Son orgueil gâtait toutes ses bonnes qualités» (NHV VI, 64). Dans les NQT I/1868, 58-60, la note du 9 mars 1868 semble bien un écho de la conférence évoquée dans cette lettre du 10 mars (pour le 2ème dimanche de carême avec l'évangile de la Transfiguration). Ces textes sont intéressants à lire et donnent une idée de la théologie de la Rédemption alors enseignée, non sans marquer la formation et la spiritualité du P. Dehon (cf. St. Deh., 15.3 pp. 654-655).

218.63

B18/9.2.63

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À son père

Rome 5 avril 68

Cher père,

C'est à toi que j'adresse cette lettre pour qu'elle te porte mes souhaits de bonne fête et t'invite à te mettre sous la protection de St Jules, dont la solennité est éclipsée cette année par celle de Pâques. Je te souhaite donc toute sorte de bonheur, la joie et la paix de l'âme et principalement le bonheur éternel de la vie future et la grâce pour y parvenir. C'est aussi pour moi une occasion de te témoigner ma reconnaissance pour tous les bienfaits que j'ai reçus de toi, car après Dieu, c'est à toi et à maman que je suis redevable de tout ce que je suis et de tout ce que j'ai.

Après ces souhaits, j'ai à t'exprimer non pas un conseil, car je n'ai aucun droit de t'en donner, mais un désir et une humble prière. Tu me devines. La joie des tiens serait plus complète et leur espérance d'être réunis avec toi dans le ciel dans la même affection qu'ils te portent, serait plus ferme si tu ajoutais le peu qui te manque encore dans la pratique des devoirs essentiels de la religion que tu nous as inculqués dans notre enfance. La miséricorde de Dieu est infinie: il nous rappelle cent fois à lui, il nous donne mille avertissements par la voix de notre conscience, par la mort de nos parents et de nos amis, et en tant d'autres circonstances. Il semble qu'il veuille nous conduire au ciel malgré nous. Et cependant il nous laisse notre liberté et si nous lui résistons opiniâtrement, il n'écoutera plus que sa justice. Laissons-nous toucher par les mystères instructifs de la passion de Notre-Seigneur. Le péché est un désordre infini en quelque façon, puisque c'est une injure faite à Dieu, il fallait donc pour le réparer une expiation d'une valeur infinie. Notre-Seigneur a offert pour nous ce sacrifice de son sang et de sa vie pour nous faire rentrer dans la grâce de son Père et pour nous mériter un bien infini qui sera la jouissance de Dieu dans le ciel et de tous les biens en Dieu.

Que la pratique de la religion ne t'effraye pas. Il y a dans la religion les commandements et les conseils. Les commandements de Dieu et de l'Église sont seuls requis pour gagner le ciel. Le reste est utile pour obtenir plus sûrement son salut et pour éviter l'épreuve du purgatoire et parvenir à un plus haut degré de félicité. Mais les commandements au moins sont requis de tous les chrétiens. Observons-les comme nous voudrions les avoir observés, malgré tout le respect humain, quand viendra le moment incertain de notre mort.

À Rome on se prépare aux belles fêtes de Pâques. Nous allons passer cette semaine dans le recueillement et puis nous aurons quelques jours de repos et de vacances1. Ma santé est toujours excellente.

Embrasse pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, s. diacre

Chère mère, bien que mes dernières lettres ne s'adressent pas à toi directement, ma pensée est cependant qu'elles te soient aussi un témoignage d'affection. Ma pensée est souvent avec toi surtout au pied de l'autel.

Je t'embrasse de tout cœur.

1 La Semaine sainte où eut lieu aussi la retraite «qui n'avait pu se faire au mois d'octobre à cause de l'invasion garibaldienne»: cf. les notes de cette retraite en NQT I/1868, 77-87, 6-8 avril 1868 et leur présentation en NHV VI, 37-47.

218.64

B18/9.2.64

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 20 avril 68

Chers parents,

Nous recommençons aujourd'hui le cours ordinaire de nos travaux. Après la retraite des premiers jours de la Semaine sainte, nous avons eu les fêtes de Pâques toujours magnifiques et rehaussées par un grand concours d'étrangers. Le Saint-Père a donné plusieurs audiences; il a comme toujours enthousiasmé tout le monde par son amabilité toute paternelle. Il a le privilège de faire couler les larmes d'émotion et d'exciter de chaleureuses acclamations.

Mardi dernier, nous avons eu au séminaire français lui-même une cérémonie très imposante et très touchante à la fois. Nous avions dans notre chapelle depuis quelques jours le corps d'un officier de zouaves que l'on a exhumé à Monte Liretti du champ de bataille où il est mort, pour le reconduire en France à sa famille. Il se nommait Guillemin et avait la réputation d'être un des plus braves et des plus pieux parmi les officiers1. Sa famille est d'Aire dans le Pas-de-Calais. Comme elle a peu de fortune, elle avait reculé jusqu'à présent devant les frais du transport, mais une souscription y a pourvu.

Il était très connu au séminaire et par quelques-uns même intimement. Aussi nous avons voulu qu'il soit chanté dans notre église un service solennel pendant que son corps y était. Nous avons fait orner notre chapelle de tentures qui indiquaient autant le triomphe que le deuil, parce que tout le monde a confiance qu'il est au ciel à cause de la sainteté de sa vie et de sa mort offerte pour l'Église. Mgr de Mérode a bien voulu chanter l'office. Mgr Bastide, aumônier de la légion, l'assistait. Le Saint-Père était représenté par le ministre de la guerre; il y avait dans l'assistance deux généraux d'armée, plusieurs prélats et tous les officiers du corps des zouaves. Les zouaves nous avaient aussi fourni un poste d'honneur et leur musique. C'est une solennité dont on gardera longtemps le souvenir au séminaire français.

J'ai passé les deux derniers jours de mes vacances à la campagne avec un élève de Troyes, pour faire diversion au travail et respirer un air plus pur. Je n'ai vu personne de connaissance pendant ces fêtes; cependant Mr Rigaux, un jeune homme de Soissons, m'a apporté, sans me rencontrer, une petite lettre de Mr Demiselle2.

Je n'ai pas écrit à mon cousin Vandelet parce que la lettre que j'ai reçue n'est pas, comme vous le pensez, une lettre particulière, mais une simple lettre de faire-part imprimée. J'aurais pu y répondre par une carte de visite. Je n'ai pas cru devoir le faire3.

Vous avez bien deviné que ma bourse était à peu près vide, et je vais avoir à payer le dernier trimestre de l'année. Si vous le pouvez sans vous gêner, envoyez-moi comme l'an dernier 500 fr par l'entremise du R.P. Peureux, rue des Postes 30, à Paris. Vous m'adresserez de suite le reçu qu'il vous donnera. Si vous êtes gênés à cause des acquisitions de bœufs, envoyez-moi 300 fr et attendez un mois pour le reste.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, s. diacre

1 LD 84 parle d'un nommé Guilmin; peut-être s'agit-il de la même personne que le Guillemin de cette lettre

2 Lettre non conservée. Sur ce Mr Rigaux cf. LD 54

3 Il doit s'agir du faire-part de la mort de la tante Vandelet (LD 93).

218.65

B18/9.2.65

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 5 mai 68

Chers parents,

J'ai reçu exactement vos bonnes lettres. Quant aux 500 fr, ils sont depuis huit jours à ma disposition. Le procureur de la maison de Paris en avait accusé immédiatement réception à notre économe.

Après les congés de Pâques, notre travail a repris son cours ordinaire pour le dernier trimestre. Je prépare en ce moment un examen d'ordination. J'aurai probablement le bonheur d'être ordonné diacre dans un mois, le samedi de la Trinité. Le diaconat est le dernier ordre avant la prêtrise. C'est une grande dignité devant Dieu. Les diacres participent au ministère sacerdotal. Ils ont le pouvoir de prêcher, de chanter l'évangile et, dans certains cas, d'administrer le baptême solennellement et de distribuer la sainte communion. C'est un ordre institué par Notre-Seigneur et que les Apôtres ont conféré les premiers à douze diacres en leur imposant les mains1.

Le premier et le patron des diacres est St Étienne, qui fut aussi le premier martyr et dont la vie et la mort sont racontées aux Actes des Apôtres, dans l'Écriture Sainte. Rome a le bonheur de posséder le corps de St Étienne à la basilique de St Laurent, qui est aussi un diacre martyr et un grand saint. J'espère que ces saints m'obtiendront de recevoir les grâces que Dieu attache à cette ordination. Je vous prie d'ajouter, à la même intention, une invocation à St Étienne et à St Laurent après votre prière du soir, pendant les quelques semaines qui nous séparent encore de l'ordination. Je vous donnerai d'autres détails dans mes prochaines lettres.

Il y a eu dans le journal L'Univers, vers le 20 avril, une belle description écrite par Louis Veuillot de l'office solennel fait à l'honneur de Guillemin dans notre chapelle. Si quelqu'un recevait ce journal parmi vos connaissances, vous pourriez lire cet article. Mr Penant pourra vous le procurer dans un de vos voyages à Vervins2. Lisez le chapitre de Palustre sur Rome: vous y trouverez plusieurs contradictions et une critique exagérée. Il a écrit ces pages dans un moment de mauvaise humeur et avec son ardeur d'imagination ordinaire. Vous corrigerez cela d'après les descriptions que je vous ai souvent faites de Rome3.

Nous avons ici une température très agréable depuis un mois et nous espérons qu'elle durera pendant tout le mois de mai. La chaleur est déjà assez forte, mais pas encore fatigante.

Écrivez-moi bientôt. Dites-moi comment s'appelle le poupon d'Edmond Legrand4. J'espère que toutes les santés chancelantes de la famille s'affermiront avec l'été.

Je vous embrasse de tout cœur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Votre dévoué fils

L. Dehon, s. diacre

1 En fait, c'est en Act. 6, 1-7 qu'est, si l'on peut dire, institué l'ordre des diacres par la désignation de sept (et non pas douze) diacres pour le service des tables

2 Pour l'office en l'honneur de Guillemin cf. LD 95. Mr Penant est l'oncle Félix, époux de Juliette-Augustine Vandelet; il habitait Fontaines-les-Vervins (cf. LD 13, 14, 43, 69)

3 Même jugement en NHV V, 75 et VI, 64

4 Cf. LD 85, la joie de la famille Legrand.

218.66

B18/9.2.66

Ms autogr. 12 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 21 mai 68

Chers parents,

J'attends une lettre de vous très prochainement. J'y répondrai dans huit jours, avant d'entrer en retraite pour me préparer à l'ordination. La réception des ordres sacrés est toujours précédée de dix jours de recueillement. On a besoin pour ces moments solennels de s'approcher davantage de Dieu et de se soustraire pour quelques jours aux préoccupations de la vie ordinaire. C'est ainsi que les Apôtres et la Sainte Vierge, comme nous le lisons dans l'Évangile, passèrent en union de prière les dix jours qui suivirent l'Ascension de Notre-Seigneur, pour se disposer à recevoir les dons abondants du Saint-Esprit1.

Ces dons et ces vertus de l'Esprit-Saint, transmis à tous les chrétiens par les sacrements, le sont plus spécialement aux ministres de l'Église avec l'autorité apostolique, suivant l'ordre et les dispositions de chacun.

Comme Notre-Seigneur l'a ordonné, les Apôtres ont consacré des évêques, des prêtres et des diacres, transmettant aux évêques le pouvoir de consacrer d'autres pasteurs et ministres de l'Église qui leur succéderont jusqu'à la fin des temps. St Paul, dans ses épîtres à Tite et à Timothée qu'il avait établis évêques de Crête et d'Éphèse, leur décrit les qualités que doivent avoir ceux à qui ils imposent les mains pour les mettre à la tête des églises dans les diverses villes. Il parle ainsi des diacres: «Il faut que les diacres soient pudiques, vrais dans leur parole, sobres, fidèles et désintéressés, possédant la science de la foi dans une conscience pure; et qu'ils soient d'abord éprouvés.»2

L'ordination des diacres est très imposante. Au commencement de la cérémonie ils se prosternent avec les sous-diacres et les prêtres sur le pavé de St-Jean de Latran. Le cardinal officiant, sur les degrés de l'autel, chante toutes les invocations des litanies des saints, l'assistance répond. Pendant tout ce temps, les ordinands restent prosternés. Enfin le cardinal dit à voix plus haute: «Seigneur, daignez bénir ces élus, nous vous en supplions, exaucez-nous.» Il reprend: «Daignez bénir et sanctifier ces élus»; et tous répètent: «Nous vous en supplions, exaucez-nous», et une troisième fois: «Daignez bénir, sanctifier et consacrer ces élus, nous vous en supplions, exaucez-nous.» Alors les ordinands se relèvent et on commence la collation successive des ordres depuis la tonsure jusqu'à la prêtrise. L'ordination des diacres est assez longue, mais si sublime et si touchante que je ne puis m'empêcher de vous la décrire en détail. Je suis sûr que vous lirez cela avec plaisir3.

Après l'ordination des sous-diacres, on appelle les diacres devant l'autel. L'archidiacre les présente alors au pontife en lui disant: «Révérendissime Père, la sainte Église catholique, notre mère, vous demande d'élever à la charge de Diacres ces sous-diacres ici présents.» Le pontife répond: «Savez-vous s'ils en sont dignes?» L'archidiacre: «Autant que la fragilité humaine le permet, je sais et j'atteste qu'ils sont dignes d'être élevés à la charge de cet office.» Le pontife: «Rendons grâces à Dieu.»

Le pontife s'adresse alors au clergé et au peuple: «Assisté du secours de Dieu et de Notre Sauveur Jésus Christ, nous choisissons ces sous-diacres pour les élever au diaconat. Si quelqu'un a quelque chose à dire contre eux, au nom de Dieu et pour Dieu, qu'il se présente avec confiance et qu'il le dise; cependant qu'il se souvienne de sa faiblesse.»

Le pontife adresse alors aux ordinands la monition suivante: «Mes chers enfants qui allez être promus à l'ordre du diaconat, pensez mûrement à quelle dignité de l'Église vous aspirez, car c'est au diacre à servir à l'autel, à baptiser et à prêcher. Dans l'ancienne loi, Dieu, parmi les douze tribus, avait choisi celle de Lévi pour lui confier à jamais la garde du tabernacle et le ministère sacré de son culte; et la dignité dont il l'honora fut si élevée que personne ne pouvait remplir ces fonctions saintes s'il n'appartenait à cette tribu; tellement que ce grand privilège héréditaire lui mérita d'être appelée la tribu du Seigneur. C'est de cette tribu que vous avez reçu le nom et les fonctions de Lévites, parce que, comme eux, vous êtes choisis pour la garde du tabernacle, c'est-à-dire de l'Église de Dieu, de cette Église qui, toujours prête à le défendre, combat sans cesse contre ses ennemis; ce qui a fait dire à l'Apôtre: Nous n'avons pas à combattre contre la chair et le sang, mais contre les principautés et les puissances (de l'enfer), contre les princes du monde, c'est-à-dire de ce siècle de ténèbres, contre les esprits de perversité répandus dans l'air4.

C'est cette Église que vous devez, comme les Lévites faisaient à l'égard du tabernacle, porter et orner saintement par une prédication toute divine, par une vie toute parfaite. Lévi signifie ajouté ou choisi, et vous, mes chers enfants, qui prenez ce nom en vertu de l'héritage qui vous est échu en partage, soyez, comme il l'indique, élevés au-dessus des désirs de la chair et des concupiscences terrestres qui combattent contre l'âme; soyez purs, chastes, sans souillure et sans tache, comme il convient aux ministres de Jésus-Christ, aux dispensateurs des mystères de Dieu, afin de mériter par vos vertus votre admission dans la hiérarchie de l'Église, et d'être à jamais l'héritage et la tribu privilégiée du Seigneur. Et comme vous allez devenir les coopérateurs et les coadjuteurs du mystère sacré du corps et du sang de notre Sauveur, vous devez vous défendre et vous prémunir contre tous les attraits de la chair, suivant ce que dit l'Écriture: Soyez purs, vous qui portez les vases du Seigneur. Pensez à St Étienne que son éminente chasteté fit élever aux fonctions que vous allez remplir. Ayez soin de retracer dans votre conduite l'Évangile que vous annoncez, afin qu'on puisse dire de vous: Qu'ils sont beaux les pieds de ceux qui annoncent la paix, qui annoncent les vrais biens!5 Enfin, ayez comme pour chaussure les exemples des saints, afin de prêcher avec fruit l'évangile de paix. Que le Seigneur vous l'accorde par sa grâce.»

Le pontife s'adresse alors de nouveau au clergé et aux fidèles: «Réunissons nos vœux et nos supplications, afin d'obtenir par les prières de toute l'Église, à ces Lévites qui se préparent au ministère du diaconat, la bénédiction donnée à Lévi et à ses descendants, la grâce éclatante d'une conversation toute spirituelle, d'une sanctification parfaite, qui les fassent briller et resplendir au milieu des fidèles. Par N.S.J.C. qui vit et règne avec vous.»

Le pontife ajoute, tourné vers les ordinands: «Prions Dieu le Père Tout-puissant, nos très chers frères, de répandre dans sa miséricorde ses bénédictions les plus abondantes sur ces serviteurs qu'il a daigné choisir pour les élever à l'ordre du Diaconat; conjurons-le de conserver en eux la grâce de leur consécration, et d'exaucer nos prières dans sa clémence, afin que sa grâce confirme les actes de notre ministère et que ceux que nous croyons devoir consacrer au service des autels, soient sanctifiés et affermis par sa divine bénédiction. Par N.S.J.C.»

Le pontife prie ensuite les mains étendues: «Il est véritablement juste et raisonnable, il est équitable et salutaire de vous rendre grâces en tout temps et en tout lieu, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, qui donnez tous les honneurs, qui distribuez toutes les dignités et qui dispensez toutes les fonctions; qui, toujours le même, renouvelez toutes choses et disposez tout par votre Verbe, votre Vertu, votre Sagesse, J.C. votre Fils, notre Seigneur, vous dont la providence prépare et distribue toutes choses, suivant les temps et les circonstances; vous qui avez accordé à votre Église, ornée par la variété de tous les dons célestes, et ne formant par une loi admirable qu'un tout malgré la multitude de ses membres, de s'étendre au loin et de s'agrandir pour former ce temple dont vous êtes la base et le fondement, y établissant trois ordres de ministres (évêques, prêtres et diacres) pour y remplir les fonctions sacrées, comme autrefois vous choisîtes les enfants de Lévi, qui, par leur fidélité dans le ministère des autels, ont acquis l'héritage éternel de la bénédiction promise à Abraham. Regardez donc aussi avec bonté et avec amour, Seigneur, ces serviteurs que nous vous consacrons pour servir aux autels dans l'office de Diacres. Nous qui comprenons si peu votre divine sagesse et votre souveraine raison, nous croyons cependant, autant qu'il est en nous, leur vie digne d'un si haut rang. Mais vous, Seigneur, à qui rien n'échappe de ce qui nous est caché, vous connaissez tous les secrets, vous sondez tous les replis des cœurs; vous pouvez par votre jugement tout divin examiner leur vie, réparer les fautes et accorder de faire ce qui est juste.»

Alors le pontife étend la main droite sur la tête de chaque ordinand et dit à chacun: «Recevez l'Esprit-Saint, qui sera votre force pour résister au démon et à ses tentations. Au nom du Seigneur.» Puis il continue en tenant la main droite étendue sur les diacres: «Répandez sur eux, nous vous en conjurons, Seigneur, votre Esprit-Saint qui, par la communication de ses sept dons, les fortifie pour remplir avec fidélité votre ministère. Que toutes les vertus abondent en eux; qu'ils aient une gravité pleine de modestie, une pudeur qui ne se démente jamais, une pureté parfaite, un grand zèle pour le maintien de la discipline; que vos préceptes brillent dans leur vie et que les peuples trouvent un modèle dans la chasteté de leurs mœurs. Faites qu'ayant toujours le témoignage d'une bonne conscience, ils demeurent fermes et inébranlables dans votre service; et que par leur fidélité dans un ordre inférieur, ils méritent d'être élevés à une plus haute dignité.»

Le pontife met alors aux diacres les ornements sacrés, et d'abord l'étole en disant: «Recevez l'étole blanche de la main de Dieu; remplissez les devoirs de votre ministère; Dieu pour cela augmentera en vous sa grâce…»; puis la dalmatique en disant: «Que le Seigneur vous revête de l'habit du salut, et qu'il vous environne à jamais du vêtement de la paix et de la dalmatique de justice. Au nom du Seigneur.» Enfin, il leur remet le livre des Évangiles en disant: «Recevez le pouvoir de lire l'Évangile dans l'Église de Dieu, pour les vivants et pour les défunts. Au nom du Seigneur.»

Le pontife termine l'ordination des diacres par l'oraison suivante: «Exaucez nos prières, Seigneur, et répandez votre bénédiction sur ces serviteurs, afin qu'enrichis de la grâce céleste, ils puissent mériter de vous plaire, et donner aux peuples l'exemple d'une vie sainte. Dieu saint, auteur de la foi, de l'espérance et de la grâce, qui récompensez ceux qui font des progrès dans votre service; qui, ayant créé sur la terre et dans les cieux le ministère des anges, vous servez de tous les éléments pour accomplir votre volonté; daignez répandre vos bénédictions sur ces serviteurs, afin que, d'une docilité parfaite à vos ordres, ils deviennent des ministres purs de vos saints autels; qu'affermis dans la chasteté par votre grâce, ils soient dignes du haut rang où les apôtres, inspirés par le Saint-Esprit, élevèrent sept des premiers disciples sous la direction et la conduite de St Étienne; et que, formés à toutes les vertus nécessaires pour vous servir, ils soient les objets de vos complaisances par N.S.J.C.»

Telles sont ces cérémonies dont le récit vous touchera certainement. Relisez-les le soir en famille et prenez-en occasion d'aimer davantage l'Église et le bon Dieu.

J'aimerais bien que pendant les neuf jours qui précéderont l'ordination qui a lieu le 6 juin, vous récitiez tous les soirs en famille le Veni Creator. Je le ferai aussi, et nous serons ainsi unis de prière pour notre salut à tous et pour notre avancement dans la piété.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe, et mes oncles et tantes quand vous vous trouvez réunis avec eux.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

Léon Dehon, s. diacre

1 Le texte est en Actes 1, 14. Sur cette retraite cf. en NQT I/1868, 112-124 et NHV VI, 52-62

2 1 Tim. 3, 8

3 La suite du texte est traduction du Pontifical (rituel des ordinations) alors en usage

4 Éph. 6, 12

5 Is. 52, 7.

218.67

B18/9.2.67

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 28 mai 68

Chers parents,

Je n'ai pas reçu de nouvelles de vous depuis trois semaines. Je suppose qu'une de vos lettres se sera perdue. Vous me répéterez ce qu'elle contenait de plus important. Je suis désireux de savoir comment va Laure. Je prie tous les jours la Sainte Vierge pour elle1.

J'espère que vous aurez lu volontiers les longs détails que je vous ai adressés il y a huit jours sur l'ordination du diaconat. C'est aujourd'hui que commence la retraite préparatoire. J'en ai fait part aux mêmes personnes que pour le sous-diaconat. Je ne puis écrire à mes oncles parce qu'ils sont fort nombreux. Je compte sur vous pour les prévenir. Vous unirez vos prières tout spécialement aux miennes le jour de l'ordination, le 6 juin, et si vous le pouvez, quelques-uns de vous iront à la messe ce jour-là. L'ordination sera nombreuse et très imposante. Il y aura du séminaire français sept prêtres, trois diacres et trois sous-diacres. Parmi les prêtres, il y a un jeune homme qui a fait avec moi tout son cours de droit à Paris. Parmi les diacres, il y a Mr de Maindreville, dont le frère est président du tribunal civil de Dunkerque et ami de Vandelet. Parmi les sous-diacres, il y a Mr Bernard de Lille, neveu du député Mr Kolb-Bernard, et ancien élève de Marcq2.

Nous avons eu, jeudi dernier, une des cérémonies les plus imposantes de Rome. C'est la bénédiction papale qui se donne le jour de l'Ascension, non pas à Saint-Pierre, mais à Saint-Jean de Latran. C'est un spectacle aussi splendide que touchant. Le Saint-Père est porté au balcon de la belle façade de Saint-Jean, au milieu des cardinaux. L'immense concours de peuple n'est pas comme à Saint-Pierre réuni sur une place entourée de colonnades, mais sur une immense avenue plantée d'arbres et inclinée vers la campagne, où le fond du tableau est formé par les montagnes de la Sabine, reliées à Rome par les antiques aqueducs qui en apportent les eaux. Quand le Saint-Père se lève majestueusement et prononce la bénédiction de sa voix encore ferme et puissante, tout le peuple s'agenouille ému et recueilli. Tous les cœurs sont unis pour demander à Dieu avec le Saint-Père le triomphe du bien et le salut des âmes. Comme ces spectacles sont bien faits pour ranimer la foi et fortifier le zèle!

Recommandez-moi à la Sainte Vierge le jour de l'ordination.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, s. diacre

1 Sa belle-sœur Laure était alors enceinte de son second enfant, Laure-Amélie-Henriette, qui devait naître le 13.06.1868

2 Le prêtre doit être Mr Gilbert de Troyes, déjà théologien à l'arrivée de Léon Dehon au séminaire en 1865 (cf. NHV IV, 147). De Mr de Maindreville il a été question en LD 58 et 91, et de Mr Bernard de Lille en LD 77, 78, 91 (cf. NHV IV, 144).

218.68

B18/9.2.68

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 6 juin 68

Chers parents,

Il est bien légitime que ma première occupation après la grande grâce que Dieu vient de m'accorder soit de vous faire partager mon bonheur et ma joie. Combien ces grâces que l'on reçoit de Dieu au pied des autels diffèrent des jouissances du monde! Vous l'avez éprouvé lors de votre première communion, et on l'éprouve toutes les fois que l'on reçoit Notre-Seigneur dans la sainte Eucharistie avec un cœur pur et aimant. Les ordinations sont des grâces de choix par lesquelles Dieu sépare du monde ses ministres élus entre mille pour les élever à des fonctions angéliques en leur offrant, pour qu'ils en soient dignes, l'assistance du Saint-Esprit, à laquelle ils doivent correspondre. Le diaconat est une participation déjà très large au sacerdoce. Le diacre engendre à l'Église des fils par le baptême, il les forme à la vertu par la prédication de la parole de Dieu, et il est déjà admis à traiter familièrement avec Notre-Seigneur, sous les espèces sacramentelles, fonctions qui l'assimilent en quelque sorte aux apôtres et à la Sainte Vierge et à St Joseph qui vivaient dans une sainte familiarité avec Notre-Seigneur à Nazareth. Cette dignité sublime est bien au-dessus des forces humaines, mais la grâce de Dieu aide ses ministres et la force du Saint-Esprit leur est donnée par le sacrement de l'Ordre, dont le diaconat est une partie essentielle.

La cérémonie de ce matin s'est passée comme je vous l'ai décrite d'avance, avec le charme qu'y ajoute l'attitude si digne et en même temps si paternelle du cardinal vicaire, qui nous représente si bien Pie IX. J'ai prié avec beaucoup de ferveur pour vous tous ce matin. J'espère que le bon Dieu ne considérera pas l'indignité de mes prières et qu'il vous accordera les grâces que je lui ai demandées pour vous, surtout la grâce fondamentale d'être toujours prêts à paraître devant lui avec confiance, ayant accompli les devoirs essentiels qu'il nous impose et qui sont bien légers et faciles, si nous considérons le culte qu'il est juste de rendre à Dieu et la félicité qu'il nous donnera en retour.

Demain nous aurons au séminaire une autre solennité bien touchante aussi, c'est la première grand-messe d'un jeune prêtre, suivie de la cérémonie du baisement des mains que je vous ai décrite l'année dernière. J'aurai le bonheur d'exercer pour la première fois mes fonctions de diacre à cette messe.

J'ai reçu la lettre d'Henri. Elle s'est croisée avec la mienne qui lui répondait d'avance. Je souhaite que Laure soit déjà quitte de ces moments de souffrance par lesquels elle doit passer1.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, diacre

1 Il s'agit de son accouchement, cf. LD 98.

218.69

B18/9.2.69

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 21 juin 68

Chers parents,

J'ai la confiance que Laure et sa petite fille continuent à se bien porter. Je comprends que vous ayez désiré un garçon, mais ce que la providence de Dieu nous envoie est toujours le meilleur. Nous aimerons ce petit enfant, comme nous nous sommes attachés à Marthe, bien qu'elle ait été aussi moins bienvenue qu'un garçon. Je serai heureux de me trouver bientôt au milieu de la famille agrandie, mais ce ne sera que dans les premiers jours du mois d'août, cinq ou six jours plus tard que l'an passé, à cause de mes examens. Aussitôt qu'il me sera possible de quitter Rome, je partirai sans m'arrêter comme j'ai fait l'an dernier, pour être plus vite avec vous.

C'est aujourd'hui une bien belle fête au Collège romain et tout Rome y prend part. C'est la fête de St Louis de Gonzague, notre patron et notre modèle. Il a vécu au Collège romain et son corps repose sous un magnifique autel dans la grande église de St Ignace qui y est attenante. Sa chambre transformée en chapelle est au-dessus de nos salles de cours.

Ce matin, les 1.500 élèves du Collège romain ont fait la communion générale dans l'église de St Ignace à la messe dite par un cardinal. On nous y avait préparés hier par le panégyrique du saint et par les premières vêpres de la fête, chantées en partie par des chœurs de jeunes gens.

La plupart de ces jeunes gens sont laïcs et destinés à des carrières libérales, car il n'y a dans le nombre que 200 théologiens environ. Quelle belle institution que ces universités de Rome, toutes gratuites, avec un esprit si religieux et de si fortes études.

C'est en même temps aujourd'hui l'anniversaire du couronnement de Pie IX. Hier soir la ville était illuminée en son honneur.

Je vous ai déjà parlé des belles processions qui se font tous les jours de l'octave du Saint-Sacrement. La plus touchante est celle du jour même de la fête, où Pie IX porte lui-même avec une dévotion angélique le Saint Sacrement autour de la place Saint-Pierre, escorté de toutes les dignités ecclésiastiques et civiles et de députations des ordres religieux.

Ces fêtes nous reposent un peu de nos travaux, qui sont bien sérieux, surtout à la fin de l'année. Dites-moi si je dois m'occuper de nouveau de l'acquisition de deux peintures pour votre salon. Cela coûterait peut-être 250 ou 300 frs, outre qu'il me faudra encore environ 250 frs pour mon retour. Il serait temps de s'en occuper.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe et sa petite sœur.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, diacre

218.70

B18/9.2.70

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 4 juillet 68

Chers parents,

Bien que mes vacances soient un peu retardées cette année, j'aurai bientôt le bonheur de me retrouver au milieu de vous. Un mois sera bientôt passé. Je ne serai libre que le 4 août. Fort heureusement, nous sommes cette année privilégiés pour la température. Nous avons depuis le commencement de juin presque chaque jour des pluies d'orage qui entretiennent une fraîcheur de printemps. Aussi suis-je moins fatigué même que l'an dernier. Du reste je prends les ménagements nécessaires pour ma santé.

Je me suis occupé des peintures en question. J'en ai trouvé deux qui, je crois, vous plairont et j'ai cru devoir entrer immédiatement en marché. Je dois les revoir demain et conclure l'acquisition. Ce sont deux belles vues des environs de Rome, qui ont un cachet si poétique. Elles me coûteront 250 francs, sans les cadres que nous y ferons mettre en France. Le prix n'est pas élevé, et je tâcherai d'économiser un peu sur mon voyage de façon à ce que vous puissiez jouir du plaisir d'avoir des peintures, sans que la pensée de leur prix diminue beaucoup cette joie.

Si vous voulez bien m'envoyer 500 Fr, ils me suffiront facilement. Vous pourrez diviser l'envoi si vous le croyez prudent. Je crois du reste qu'on peut se fier à une lettre chargée. Il doit être préférable de mettre sur l'adresse: par Marseille, pour qu'elle ne passe pas par l'Italie.

Je suis obligé d'abréger ma lettre pour profiter d'une occasion qui la portera en France.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et Marthe et Amélie.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, diacre

218.71

B18/9.2.71

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 17 juillet 68

Chers parents,

J'ai reçu ce matin votre lettre contenant deux cents francs. Je compte bien que la seconde arrivera avec la même exactitude.

Mon travail touche à sa fin. J'ai pris part à un concours le 13; j'en aurai un autre le 22 et un troisième le 29, puis l'examen de fin d'année le 4 août. Je tâcherai de partir le soir même de l'examen et je ferai le voyage rapidement. Je m'arrêterai seulement à Paris un ou deux jours, selon qu'il sera nécessaire.

Nous avons encore une température très douce; bien que les pluies aient cessé pendant une dizaine de jours. Du reste, j'ai depuis le mois de mai une chambre très bonne pour l'été, au troisième, et je n'ai rien à craindre de la chaleur.

Mr Boute, Mr Demiselle et Siméon m'ont écrit à l'occasion de mon ordination au diaconat1. Mr Boute m'annonce qu'un de ses élèves de rhétorique viendra l'an prochain commencer ses études ecclésiastiques au séminaire français. Il se nomme Piettre et est fils du percepteur de la ville. Henri a pu connaître son frère aîné, qui n'était qu'une classe après moi. Nous aurons aussi l'an prochain un autre élève des environs d'Hazebrouck, nommé Papegay, qui a déjà fait un an d'étude à Cambrai, et un troisième sortant de Marcq.

Le diocèse de Soissons n'offre pas tant de ressources. S'il ne survient pas de nouveaux embarras politiques, nous aurons une rentrée assez nombreuse l'an prochain. On commence à connaître les avantages des études de Rome.

J'abrège ma lettre pour reprendre mon travail.

Embrassez pour moi toute la famille que vous trouverez sans doute réunie à la Ste Anne de Vervins, et tout spécialement ceux qui sont près de vous, grands et petits.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 De Mr Boute, lettre du 25 juin (LC 35); de Mr Demiselle, lettre du 13 juin (LC 34). Les lettres de Siméon n'ont pas été conservées.

218.72

B18/9.2.72

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 31 juillet 68

Chers parents,

J'ai reçu hier les 300 francs que vous m'avez adressés. Je suis maintenant en règle pour mon départ. Je n'ai plus qu'un petit examen à subir mardi prochain et je partirai le soir même, le 4, avec Mr Bernard de Lille. Nous nous arrêterons probablement une nuit à Turin et une autre à Mâcon pour ménager nos forces. Je compte arriver à Paris le 7 au soir. J'y passerai deux jours et je pourrai être avec vous le 10.

Écrivez-moi à Paris chez Palustre où je descendrai probablement. Je n'aurai pas le temps de faire beaucoup de visites à Paris, et je ne compte pas aller à Versailles1.

Palustre doit être rentré chez lui depuis huit jours. Il était en voyage depuis le mois de mai. Il me charge de féliciter Henri et Laure de la naissance de leur petite fille.

Nous avons eu quelques jours de fortes chaleurs et j'en ai été indisposé pendant deux jours. Je n'ai pas pu prendre part au concours du 29. La fraîcheur est revenue depuis hier. Du reste je n'ai plus que trois jours à attendre pour aller chercher un meilleur climat.

J'ai reçu l'aimable lettre d'Henri et Laure et celle de Mr Clavel. Je leur répondrai de vive voix dans dix jours.

Embrassez pour moi Henri, Laure, maman Dehon et les deux petites filles.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, diacre

1 À Versailles où habitait la cousine Aline, sœur de Laure et mariée à Ernest Lavisse (cf. LD 72).

629.07

B36/2d.7

Photocopie Ms Santa Chiara

Dactylographie: B36/2a.7

Au P. Fryed

La Capelle 29 août 68

Très révérend Père,

Je sais quel intérêt vous portez à tous vos enfants. Vous serez heureux d'apprendre que mes premières semaines de vacances m'ont entièrement remis des fatigues de l'année scolaire. Je suis du reste aidé par les circonstances à me reposer l'esprit et j'ai peu de temps à donner au travail. Il ne se passe guère de jours où je n'ai pas à prendre part à quelque réunion de parents ou d'amis, soit chez moi, soit au-dehors. Cette façon de vivre va moins à mon caractère que la solitude et le calme du séminaire. C'est une préparation à la vie active que j'aurai sans doute à mener après mes études et sans laquelle je serai plus ou moins mêlé au monde, puisqu'il est vrai, comme le pensait St François de Sales, que la part de Marthe, entreprise pour Dieu, est plus conforme à la vie présente, et que celle de Marie, plus excellente, convient mieux au ciel.

Je n'ai plus trouvé dans ma famille l'esprit d'opposition que j'y rencontrais autrefois. Chacun a pris son parti de ma vocation et commence à en comprendre la beauté. Je n'ai pas encore vu l'évêque de Soissons et n'ai pas encore fait l'excursion que je projette en Flandre.

J'espère que les nouveaux élèves qui vous ont été annoncés ne vous manqueront pas et que la rentrée sera nombreuse. L'œuvre du séminaire français aura sa grande part dans le renouvellement de l'esprit du clergé de France et dans le progrès des études ecclésiastiques1. Puisse son nombre s'accroître et son esprit se conserver! Cet esprit de piété et d'amour du travail, joint au caractère religieux de Rome, fait un contraste frappant avec l'esprit du monde et la faible part de l'élément religieux dans notre société; mais en revanche, on y trouve une générosité de sentiments et une certaine dignité personnelle qui servent à la grandeur de notre Église de France, quand ils sont mis à son service. C'est un encouragement à travailler à les lui acquérir.

J'espère au milieu de cette vie un peu agitée des vacances conserver assez de régularité dans mes exercices de piété. Je compte être aidé en cela par vos prières.

J'ai à vous présenter les respects de mes parents. Je me recommande au bon souvenir de mes confrères qui sont avec vous et spécialement de MM. Le Tallec, Lucas et Humbrecht. Mes respects affectueux au père Eschbach et au père Daum2.

Agréez l'expression de mon dévouement et de ma reconnaissance.

L. Dehon, diacre

1 De ce progrès des études ecclésiastiques, il se préoccupera plus directement dès 1869, cf. NHV VI, 115-130: Projet d'une œuvre d'études

2 Sur ces MM. et ces pères cf. LD 78.

629.08

B36/2d.8

Photocopie Ms Santa Chiara

Dactylographie: B36/2a.8

Au P. Fryed

Hazebrouck 13 octobre 68

Très révérend Père,

J'ai reçu à La Capelle votre bonne lettre. J'y réponds d'Hazebrouck où je suis venu revoir mes anciens maîtres et compagnons d'études. La fin de mes vacances approche et je suis encore loin de chez moi. C'est que les circonstances me forcent à empiéter un peu sur la rentrée. J'espère que vous me le pardonnerez. Mon père et ma mère désirent m'accompagner pour passer l'hiver à Rome et ils ne seront libres pour partir que le 25. Ils m'ont demandé de retarder mon départ pour faire la route ensemble. Je n'ai pas pu le leur refuser1. Je ne pourrai donc arriver à Rome que le 2 ou le 3 novembre. Je n'ai pas voulu toutefois être privé de retraite et je viens d'en faire une de quatre jours dans le monastère des trappistes du Mt-des-Cats en Flandre. J'y ai pris de bonnes résolutions que vous m'aiderez à tenir. Je regrette beaucoup ce retard et je voudrais déjà être auprès de vous.

J'espérais vous conduire deux nouveaux élèves d'Hazebrouck, mais la mauvaise volonté du supérieur de Cambrai y a mis obstacle. Il est très influent auprès de Mgr l'Archevêque qui lui laisse la direction des études de son clergé. Il a donc rappelé M. Papegay à son séminaire. Quant au second, M. Piettre, la question est encore pendante. Mgr veut bien lui accorder d'aller à Rome, mais il ne pourra pas, dit-il, l'inscrire au nombre de ses séminaristes pour l'exemption du sort. Ce jeune homme a dû vous écrire et vous demander votre avis. Il a près de 19 ans, il doit subir le sort dans dix-huit mois. Ne pourriez-vous pas pour l'exempter le faire ordonner sous-diacre dans 15 mois en seconde année de philosophie? J'ai entendu dire que cela s'était fait pour des élèves du collège germanique lors de la dernière guerre. Si vous croyez que ce ne soit pas possible, il fera ici sa philosophie chez Mr Dehaene, et dans deux ans, il demandera à Mgr d'aller terminer sa théologie à Rome, mais sans beaucoup de chances de l'obtenir. Il attend de vous une solution2.

Mes affectueux respects au R.P. Eschbach et au R.P. Daum. Permettez-moi de vous embrasser en fils dévoué.

Tout à vous en N.S.

L. Dehon, diacre

M. Piettre vous a écrit. Si vous ne receviez pas sa lettre, veuillez lui écrire d'après la mienne, selon que vous le jugerez à propos: à M. Piettre, fils, Hazebrouck (Nord).

1 Selon NHV VI, 65, le départ eut lieu le 22 et le séjour se prolongea jusque vers la fin janvier 1869. À l'initiative du P. Freyd et par dispense du Saint-Père, l'ordination sacerdotale de Léon put être anticipée pour permettre à ses parents d'y assister, le 19 décembre 1868. Sur le voyage, le séjour, l'ordination, les premières messes et l'excursion à Naples cf. NHV VI, 65-106

2 Il s'agit de l'exemption, sur attestation de l'évêque, pour les séminaristes, du service militaire, alors tiré au sort. Ceux qui tiraient un «mauvais numéro» devaient faire le service ou se racheter en fournissant un remplaçant. Les clercs déjà engagés dans les ordres majeurs étaient dispensés.

218.09

B18/9.2.72B

Ms autogr. 2 p.

À sson frère Henri et sa belle-sœur Laure

Cher frère et chère sœur1,

Je tiens à joindre un bout de lettre à celle de papa et de maman pour vous témoigner que je ne vous oublie pas. Je leur laisse le soin de vous raconter leurs impressions de voyage. Ils vous ont dit sans doute que j'avais le bonheur de les voir tous les jours et de me promener quelquefois avec eux. J'espère les garder jusqu'au mois de février. Ils assistent aux fêtes qui se succèdent presque tous les jours et ils n'ont pas le temps de s'ennuyer. J'espère que leur présence à Rome sera pour moi l'occasion d'une grande grâce, celle de recevoir la prêtrise six mois plus tôt. Nous comptons avoir prochainement une audience du Saint-Père et nous lui demanderons que je puisse être ordonné à Noël. Je n'ose pas croire que j'obtienne une si grande faveur. Je vous écrirai dans quelques jours le résultat de notre audience.

Unissez vos prières aux nôtres pour que papa et maman retirent des fruits abondants de grâce de leur pèlerinage à Rome, et pour que la santé de maman continue à s'affermir.

Embrassez bien pour moi maman Dehon, puis Marthe et Amélie.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué frère

L. Dehon, diacre

Nous avons eu le bonheur de voir aujourd'hui le Saint-Père. Il a bien accueilli notre demande, mais il s'est réservé de l'examiner. N'annoncez pas la chose avant que nous n'ayons une réponse décisive2. 15 nov.

1 Lettre datée, à la fin, du 15 novembre (1868), jour de l'audience, et jointe à une lettre des parents

2 La réponse, positive, est datée du 01.12.1868 (AD B25/1.14; Inv. 517.14).

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