dehon_doc:cor:cor-1ld-1871-0406-0022020

220.20

B18/11.1.20

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome, Jeudi-Saint 6 avril 1871

Chers parents,

Nous voici arrivés aux grands jours de Rome, aux fêtes de Pâques, qui d'ordinaire amènent à Rome et réunissent à St-Pierre quatre-vingt mille étrangers. Cette année, Rome est triste, elle est découronnée, elle n'a plus de fêtes ni de Pape. La population paraît atterrée.

Au milieu de ces tristesses, d'heureuses circonstances m'ont procuré une joie immense. Vous apprendrez par les journaux qu'une députation des catholiques anglais est venue présenter au Pape les condoléances de l'Angleterre avec de riches offrandes. Cette députation de nobles anglais a été reçue royalement avant-hier par le Pape. Le duc de Norfolk a lu une adresse en français affirmant la nécessité du pouvoir temporel et exprimant l'espoir qu'il serait bientôt rétabli. Le Pape a répondu de son trône en français. J'avais été appelé pour prendre ce discours, avec un autre sténographe. Après cette réception, la députation s'est promenée pendant une heure avec le St-Père et je l'ai suivie dans les jardins et dans la bibliothèque. Le St-Père était heureux et ému de voir les prémices de la conversion de l'Angleterre. Il ne put même retenir ses larmes en répondant à l'adresse. À la promenade, il se montra encore jeune et alerte, je profitai de cette circonstance pour lui demander la faveur d'assister à sa messe privée aujourd'hui jeudi et de communier de sa main, et je l'ai obtenue. C'est rempli de la joie que procure ce bonheur que je vous écris. Le St-Père était radieux ce matin. Le cachet de la sainteté augmente sur son visage avec les persécutions qu'il éprouve. Je n'ai pas besoin de vous dire que j'ai prié là pour vous tous, et spécialement pour papa qui a eu le même bonheur il y a dix-huit mois. J'espère bien que ce souvenir lui rappellera dans quelles bonnes dispositions il était alors et qu'il reprendra la résolution de ne jamais omettre la communion pascale.

Nous venons d'avoir à Ste-Claire une petite retraite de trois jours, donnée par un saint évêque missionnaire, l'archevêque d'Haïti.

Rome est toujours parfaitement tranquille, malgré toutes les misères du régime italien. Mes études avancent. Je bénis Dieu d'être venu ici.

J'ai reçu les bénédictions du St-Père pour toute la famille.

Embrassez pour moi mon oncle Dehon et Marie, Henri, Laure, maman Dehon et les enfants.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, pr.

P.S. Mettez sur l'adresse de mes lettres (Italie), et seulement 40 c. d'affranchissement.

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