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221.01

B18/11.2.1

20. 01. 1872

Ses parents

Chers parents,

La lettre de papa m'avait beaucoup inquiété. Cependant je me défiais de sa facilité à s'alarmer. Il paraît que j'avais raison. J'espère que maman Dehon reprendra bientôt ses forces pour longtemps.

Nous avons eu hier ici une grande cérémonie qui s'est fort bien passée. La ville a fait grandement les choses. La belle nef de notre collégiale était tendue de noir et ornée de drapeaux et d'écussons qui rappelaient tous les régiments de l'armée du nord. Un magnifique catafalque s'élevait sous un dais de tentures. Des torches et des flammes bleuâtres brûlant dans des trépieds entouraient le catafalque avec des trophées couverts de crêpes. De nombreux chœurs d'hommes et de dames de la ville chantaient la messe en musique. Mgr officiait. Dans le chœur se trouvaient parmi les invités le général Ladmirault représentant le gouvernement, deux autres généraux, le préfet, le conseil général, plusieurs députés et les blessés de Champagne.

Un beau discours a été prononcé par un Père dominicain qui était aumônier de l'armée du nord et qui a été décoré. Après la messe on a été processionnellement au cimetière. Les rues étaient pavoisées avec des crêpes aux drapeaux et remplies d'une foule immense. On a posé la première pierre d'un monument à ériger en mémoire des victimes. Il y a eu encore là des discours du maire, du général Ladmirault, du général Gaulet d'Ivoy et d'Henri Martin le député. Le peuple a crié Vive la république. Du reste l'attitude de tous a été convenable.

Le général Ladmirault est un homme très digne. Le pauvre Henri Martin parle bien mal en public. Il a une façon de gesticuler monotone et fatigante. Du reste il a dit des choses sensées.

Le temps qui était très beau le matin s'est gâté l'après-midi. Cependant grâce à Dieu nous avons pu aller au cimetière et en revenir sans pluie. Les archevêques de Cambrai et de Reims qui avaient été invités à la cérémonie n'ont pas pu s'y rendre.

Monseigneur va rester ici plusieurs jours. J'ai causé avec lui. Il a été fort bienveillant, mais il ne m'a rien dit de bien important.

Ma santé est excellente. On me dit que j'engraisse. J'attribue cela à l'exercice que me donne le ministère. Embrassez pour moi maman Dehon, Henri, Laure et les enfants.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon, vic.

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