dehon_doc:cor:cor-1lc-1862-0529-0043503

435.03

AD B.21 /7a.3

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De Mr Boute

Hazebrouck 29 mai 62

Mon cher ami,

Je vous adresse ma lettre à Edimbourg, poste restante, comme vous me l'indiquez dans votre dernière. Je ne me serais jamais attendu à vous écrire en une ville qui rap­pelle tant de souvenirs, ne serait-ce que Marie Stuart et Walter Scott. Je suis heureux de voir que vous puissiez compléter votre instruction par les voyages; profitez-en, mon cher; non datur omnibus ire Corinthum1. Mr le Principal et Mr Evrard ont visi­té, il y a quelques années, Edimbourg, Glasgow et les Lacs, et ils sont revenus en­chantés de leur excursion. Puisse-t-il en être de même avec vous! Parlez toujours an­glais afin de pouvoir le parler le plus correctement possible, mais surtout ne nous re­venez pas anglais. C'est un peuple que je ne saurais jamais aimer, parce que c'est un peuple boutiquier, égoïste. Je suis presque porté à vous envier votre bonheur, lorsque je me vois claquemuré, occupé à faire du latin et du grec, comme vous savez; c'est quelquefois abrutissant.

Je n'ai pas répondu à votre première lettre, parce que, à mon retour de La Capelle, je me suis trouvé indisposé; je ne pouvais plus digérer, je rendais tout ce que je pre­nais. Mais aujourd'hui, je me trouve beaucoup mieux en suivant un certain régime.

J'approuve tous vos plans pour l'avenir. J'avais déjà pensé à Rome depuis long­temps. Espérons que la suite des évènements ne viendra pas contrarier vos projets. Je vous félicite de votre constance; un tel caractère annonce déjà un homme mûr. Je me surprends quelquefois, mon bon ami, à faire par rapport à vous et pour vous mille châteaux en Espagne, le pourrais mieux dire en France, pour ne point faire de figure. Vos parents vous laisseront désormais suivre la route où vous voudrez marcher. Vous pourrez exercer, plus tard, une grande influence sur l'esprit de Mr votre père, et je vous regarde comme l'homme que Dieu a choisi pour le ramener à Lui. Vous pourrez faire aussi beaucoup de bien à Henri: à propos de lui, je voudrais savoir s'il a fait ses Pâques à La Capelle. Je l'espère et le désire de tout mon cœur2.

Dassonville doit être ordonné prêtre le 29 juin prochain; je me propose d'assister à son ordination. Henri m'a promis de faire en sorte d'assister à ses prémices, comme il le lui a promis tant de fois. Dassonville écrira à La Capelle pour vous inviter tous deux3. C'est le 3 juillet (jeudi) qu'elles auront lieu. Faites donc en sorte de repasser par chez nous pour ce temps et d'assister à la première… d'un si bon condisciple et d'un excellent prêtre. Vous lui feriez, à lui et à sa famille, un plaisir infini. Mr le Prin­cipal sera invité à prêcher. S'il accepte, faites tous vos efforts pour venir, vous m'obli­gerez particulièrement.

Je n'entends point parler de Siméon. Va-t-il bientôt passer son dernier examen? Je désire qu'il réussisse; ce n'est pas comme vous un emporte-pièce; mais il travaille et pioche et il mérite certainement de réussir4.

Nous avons assisté hier aux funérailles de Demeyer Arthur, que vous avez pu connaître. Ce jeune homme s'est fait mourir en travaillant! Il avait passé avec succès son premier ou mi-examen de sciences, et il avait été admis; il se destinait à St-Cyr. Nous avons été châtiés parmi nos élèves depuis un an, 4 morts sans maladie régnan­te. Espérons que ce sera le dernier. Mr Loueth(?), maire d'Hazebrouck, est mort aus­si il y a quelques jours. Mr Verrièle (?) n'est point admis à la tonsure, après tant de persévérance. Je le plains de tout mon cœur. Il va, je crois, se présenter à Soissons; puisse-t-il trouver des juges plus indulgents. A mon avis, malgré ses petits travers, il ferait un bon et pieux vicaire de village.

Rien de nouveau ici, toujours les mêmes us et coutumes; les professeurs comme les élèves appellent de tous leurs vœux les grandes vacances, et en cela je ne vous ap­prends rien de bien merveilleux ni de nouveau, vous qui avez passé par là…

Poursuivez, mon cher, avec plaisir et fruit, le cours de vos pérégrinations lointai­nes; faites de la poésie aux bords des Lacs, et pour cela procurez-vous un Walter Scott. Vous n'oublierez pas Le … …, château que Marie Stuart a rendu si célèbre.

Je dois finir, mon bon ami. Je vous écris, comme vous voyez, au grand galop de ma plume, non point comme un professeur de Rhétorique, mais comme un ami à son ami. Que pourrait faire la rhétorique ici, entre amis? Surtout, tenez-moi au courant de votre voyage. Je ne suis pas exigeant, quelques lignes me suffiront; je sais qu'on a en voyage peu de temps devant soi.

Tous ces MMrs vous présentent leurs amitiés et vous remercient de votre bon et ami­cal souvenir. Quand vous écrirez chez vous, ne m'oubliez pas auprès de vos parents. Dans 3 mois c/a nous nous reverrons, au sein de la famille; je l'espère du moins.

Tout à vous

Boute Ptre

1 «Il n'est pas donné à tout le monde d'aller à Corinthe» (proverbe latin). C'est le second séjour de Léon en Angleterre, avec longue excursion en Ecosse et Irlande, d'avril à juillet 1862, en compagnie de son cousin Wateau, de l'abbé Poisson et de Palustre, dont il fait alors la connaissance (cf NHV I, 63v° - 92v°).

2 On verra, à ce sujet, par les lettres de séminaire de 1865 à 1871, combien Léon a pris à cœur cette sorte de mission.

3 Chez les Dassonville (d'Armentières) Léon était reçu pour ses petites vacances pendant son séjour au collège d'Hazebrouch (cf NHV I, 27r°).

4 Siméon Vandewalle, déjà cité en LC 2 et 3 (cf LD 4 note 3).

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