dehon_doc:cor:cor-1lc-1865-0125-0043511

435.11

AD B.21/7a.3

Ms autogr. 4p (21 x 13)

De Mr Boute

Hazebrouck 25 janvier1865

Mon bien cher ami,

Il y a aujourd'hui juste deux mois que vous m'avez écrit de Syra, après votre départ d'Athènes1, que vous avez quittée avec tant de regrets. Vous m'invitiez dans votre let­tre de vous répondre au Caire immédiatement ou dans deux mois; je n'étais pas libre u moment où j'ai reçu votre lettre, et les jours de visite de la nouvelle année m'ayant forcé de différer à ce jour ma réponse, je crains bien qu'elle ne vous arrive point. Je eux au moins faire devant vous acte de bonne volonté et de plus vous remercier de votre longue et charmante lettre dont j'ai donné lecture à tous ces messieurs, et qui ont partagé mon avis sur votre manière d'écrire. Ils désireraient vous voir publier un jour la relation de vos voyages, et je vous exprime le même désir; mais dépêchez­-vous, afin que je puisse vous lire avant de mourir.

Henri m'a envoyé les journaux grecs que j'avais pris la confiance de vous deman­der et dont je vous remercie cordialement. Mr le Principal s'est beaucoup amusé à les parcourir; c'est chose étrange comme cette belle langue s'est dépouillée de ses tours gracieux, pour emboîter le pas, avec la même allure, à la suite des langues modernes. Vous savez sans doute qu'il est question d'introduire, peu à peu, dans le lycées et col­lèges de notre pays, la prononciation du grec moderne. Or quelle est cette prononciation? Elle n'est pas sans aucun doute celle, barbare et absurde, qu'Erasme nous a transmise; mais enfin quelle est-elle? Combien de professeurs la connaissent? Pour mon compte, j'avoue humblement ma complète ignorance. On aura soin sans doute de nous l'apprendre. Pourquoi se fait-il qu'on n'ait point adopté tout de suite la pro­nonciation des savants grecs qui vinrent chercher en Italie un refuge après la chute de Constantinople? Si j'ai le bonheur de vous voir aux vacances, je vous réclame une première leçon de prononciation. Vous fixerez vous-même les honoraires, tout ac­ceptés à l'avancé.

Henri me mandait, dans sa lettre des premiers jours de janvier qu'il était étonné que vous n'aviez pas reçu plusieurs lettres que vos parents vous avaient adressées, entr'autres une lettre de crédit, et que vous étiez bien en peine et dans l'attente de leurs nouvelles à Alexandrie. J'aime à croire que vous êtes, à l'heure qu'il est, sorti d'inquiétude à cet égard et que vous avez reçu vos lettres de crédite2.

Votre mère est toujours inquiète, on a beau la rassurer, rien n'y fait; son imagina­tion enfante fantôme sur fantôme; elle ne se calmera que quand vous serez de retour. Heureux fils d'être l'objet des pensées et des inquiétudes d'une aussi tendre mère! Re­venez donc le plus vite que vous pourrez, et jusque-là, écrivez-lui lettre sur lettre, ne fût-ce que quelques lignes; cela fait tant de bien au cœur d'une mère.

Il parait que vous envoyez à La Capelle mille choses curieuses recueillies sur votre route; je me promets de les visiter à mon prochain voyage, quelque profane que je puisse être en cette manière. Vous arriverez à vous faire ainsi un cabinet riche et precieux3.

J'ai appris, par Mr Rivière du Nouvion, le mort subite de son confrère et ami, le brave et excellent Mr Fiévet de La Capelle, nouveau coup de foudre pour sa famille déjà si éprouvée. Je donne à l'un tous mes regrets et à l'autre toute ma compassion. Pauvre famille si méritante, si digne d'intérêt, si chrétienne!4.

Je n'ai pas eu depuis quelque temps de nouvelles de Siméon, qui est toujours à Pa­ris, ni de julien, toujours au Mexique. Leur famille va bien5.

Les journaux vous portent la réponse et la protestation des évêques au sujet de l'encyclique; je ne vous en parlerai donc point je me demanderai seulement: où veut­on nous conduire? Que veut le Gouvernement? Voilà ce que pensent et disent les ca­tholiques. Mgr d'Orléans vient de faire paraître sa brochure sur la convention du 15 7bre et sur l'Encyclique; je n'en ai encore lu que le début. C'est bien frappe6.

Puisse ma lettre, mon bien cher Léon, vous trouver au Caire et vous porter tous les vœux et souhaits d'un ami pour cette nouvelle année, comme aussi ceux qu'il fait pour votre heureux retour. MMr le Principal, Dekeister et Lacroix m'invitent à vous faire agréer les leurs, avec l'espoir de vous revoir et de vous embrasser. Pour moi, mon cher Léon, je vous recommande à Dieu et à sa bonne mère, et vous embrasse bien cordialement7.

Votre dévoué ami

Boute

De la prudence dans vos voyages, ne vous exposez jamais, pensez à votre mère. Au revoir.

1 Cf LD 11 (note 1).

2 Cf LD 12,13,14.

3 Cf LD 11.

4 Cf LD 18.

5 Siméon Vandewalle: cf LD 4 (note 3). Julien, son frère, «mourut officier au Mexique» (cf NHV 1, 27r° ).

6 L'encyclique «Quanta Cura» (8 décembre 1864) et le Syllabus (sur les erreurs modernes). De Mgr Dupanloup: «La Convention du 15 septembre et l'encyclique du 8 décembre», avec la fameuse distinction de la «thèse» et de 1»`hypothèse». La Convention franco-italienne du 15 septembre déci­dait de l'évacuation de Rome par les troupes françaises.

7 Sur les relations de Léon Dehon avec Mgr Dupanloup cf LD 4 (note 3); LD 28 (notes 2 et 3). Sur ces «messieurs» cf LC 10 note 3.

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