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435.27

AD B.21 /7a.3

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De Mr Boute

Hazebrouck 20 janvier 1870

Mon excellent abbé et ami,

Je souffre toujours, depuis bientôt six mois, de rhumatismes aigus aux bras et aux épaules. Le bras gauche, sauf la main, ne me rend aucun service. Voilà où j'en suis, mais il est vrai mes 66 ans vont sonner le mois prochain. Je me résigne et souffre tout pour le bon Dieu, comme si ces souffrances devaient durer pour tout le temps qu'il plaira au Seigneur de me laisser ici-bas. Je suis toujours très occupé malgré cela; nous sommes encore loin d'une installation définitive. Chaque année révèle et amène d'au­tres travaux indispensables. Mais je suis heureux de vous apprendre que je forme à l'économat un prêtre intelligent en cette matière, qui est sorti du ministère pour se vouer à l'instruction. Je puis déjà lui confier la gestion de certaines petites affaires, dont il s'acquitte parfaitement bien, et j'espère en faire un bon économe, chose bien précieuse, surtout pour un établissement naissant comme le nôtre.

Mr Piettre m'a dit qu'il vous avait écrit, de même qu'à Mr le Supérieur du Séminai­re français. Il se conduit toujours très bien et se plaît à venir à Saint-François pour s'entretenir avec ces messieurs1.

Vous nous avez causé une bien grande joie, en nous disant, en dehors des séances du Concile, que les neuf dixièmes des évêques sont pour la définition de l'infaillibilité et que cette question sera bientôt définie. Nous l'attendons et l'espérons de tous nos vœux. L'Univers nous annonce que 400 à 500 évêques ont déjà signé la demande fai­te à ce sujet à la commission des Postulata. Il est évident que la question est mûre, et qu'il faut en finir avec ce petit nombre de récalcitrants encore entichés des doctrines gallicanes, qu'une décision solennelle vienne leur fermer la bouche et arrêter leur plan. Ne voilà-t-il pas que le p. Gratry se met du nombre et fait cause commune avec NN. Seigneurs Dupanloup et Marez (sic, pour Maret). Nous espérons bien que le saint Concile fera raison de tout cela et qu'après la définition, il ne sera plus question de l'Eglise gallicane. Je donnerais volontiers le reste de mes jours pour arriver à cet heureux résultat.

Votre santé, me dites-vous, est bien remise. J'aime à le croire et j'en suis heureux, mais n'oubliez pas de vous ménager au milieu des nouveaux travaux qui vous incom­bent et vous honorent à la fois. Faites-le pour vous, pour le bien de l'Eglise à laquelle vous êtes appelé sans aucun doute à rendre de grands services, pour votre famille également qui (vous) porte tant d'affection, et enfin pour moi, pauvre prêtre obscur, qui vous aime tant et attends de belles choses que je n'aurai pas l'avantage de voir sans doute. Oui, mon cher Léon, suivez votre voie, c'est celle de Dieu. Suivez-la tou­jours avec cette simplicité si belle que l'on aime tant en votre personne. Oh! c'est cho­se bien belle de posséder le science et le talent, et d'ignorer devant les hommes que Dieu nous les a donnés. Je voudrais bien vous voir et vous dire toutes choses de vive voix; mais vous êtes à Rome, dans la cité de Dieu, en face du Vicaire de J. C., et je me trouve confiné à Hazebrouck, bien loin de vous, bien loin de toutes ces grandes choses que vous entendez et dont vous êtes témoin: haud equidem invideo, miror magis!

Ces demoiselles Pillon (?) sont dans la satisfaction la (plus) vive de savoir qu'elles possèdent un lambeau de linge teint du sang de Pie IX2. Je renonce à vous exprimer leur reconnaissance. Je finis avec le papier pour vous remercier de vos bons souhaits de nouvelle année. Agréez les miens en retour, vous les connaissez sans qu'il soit be­soin de les exprimer. Mr le Principal, Mr Lacroix, Debusschere et tous ces nouveaux messieurs, à qui j'ai communiqué votre lettre, vous expriment les mêmes souhaits et se disent tout à vous de cœur et d'esprit. Espérant vous revoir encore après le Conci­le, je vous embrasse dans le Seigneur.

Boute Ptre

1 Sur ce Mr Piettre cf LD 102; LC 35, 43, 44, 46, 47.

2 Sans doute la demande mystérieuse transmise en LC 59. Un témoignage de la vénération et du culte (excessif) dont était l'objet Pie IX de la part de beaucoup de fidèles (cf Aubert o.c. pp. 292-295: «Un Pape populaire»).

3 Des extraits de cette lettre en NHV I 21v° - 22r°.

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