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433.01

AD B.21 /7a.1

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

Du P. d'Alzon

Nîmes le 7 août 1870

Mon bien cher ami,

J'avais différé de vous écrire parce que j'étais trop fatigué d'un dérangement d'estomac qui ne veut pas céder au bismuth, à la limonade, etc… etc… Puis j'avais compté depuis longtemps partir pour le Vigan et de là vous répondre tout à loisir, mais les évènements si tristes qui se sont accomplis me décident à rester à Nîmes qui est mon véritable poste. Nous allons y bâcler en deux jours une réunion de religieux qui aurait dû en durer huit au Vigan. Mais la volonté de Dieu est si claire qu'il n'y a qu'à y céder1.

Savez-vous que quatre ou cinq de nos religieux se sont offerts pour les ambulances militaires? mais les ambulanciers de combat! Les acceptera-t-on? Nous saurons cela mercredi ou lundi prochain. Je viens de faire mon travail avec le maître des novices. J'espère pouvoir lui donner (à l'abbé Desaire) sept à huit élèves pour l'an prochain, sans parler de trois ou quatre que je compte bien envoyer à Rome.

Vous douteriez-vous qu'à Nîmes nous avons des prussiens? Ce sont les 2.000 con­damnés de la Maison Centrale, et les protestants. Les protestants surtout sont enra­gés, cela prouve que la France et l'Eglise sont créées pour être unies. Pourquoi veuton les séparer. C'est un double crime.

Je vous attendrai donc au mois d'octobre à votre retour au Concile. Mais il y aura­t-il un Concile? Peut-être Dieu fait-il le trouble dans l'intervalle afin de procurer en­suite la paix. Je maintiens que ce que nous voyons depuis un an tient tellement du mi­racle que cinq ou six prodiges de plus ou de moins, à mon humble avis, ne feraient plus rien à l'affaire, et ma disposition la plus habituelle est une surabondance de con­fiance en Dieu.

Le Père Picard, arrivé hier de Paris, nous dit que le mouvement religieux dont la guerre a été l'occasion, est tout à fait admirable. Dieu se sert de tout, de tous et quel­quefois surtout des coquins pour faire son œuvre2.

Je suis tout à fait de votre avis pour ce pauvre Paris, c'est pour cela que nous tâche­rons de pouvoir un jour, et ce jour serait sur-le-champ, y avoir une maison de 15 à 16 religieux.

Adieu, mon cher ami; au revoir avant deux mois. Laissez-moi vous dire mon scru­pule de vous aimer déjà beaucoup. Croyez (moi) mille fois vôtre en N. S.

E. d'Alzon

Pensez-vous à dire la messe pour les pauvres soldats tués pour lesquels personne ne prie?

1 Le Vigan, propriété familiale du P. d'Alzon, où devait commencer et s'organiser. la nouvelle œuvre d'étude.

2 Allusion au mouvement de retour religieux suscité par les angoisses de la guerre, ramenant «au pied des autels de nombreux français que leurs plaisirs ou leurs affaires en avaient éloignés» (Aubert o.c. p. 373).

Cela devait se prolonger dans les années suivantes, par delà les troubles de la Commune, avec une Assemblée nationale constituée d'une majorité de catholiques pratiquants et le mouvement de l'Or­dre moral: réveil religieux temporaire (construction de la Basilique de Montmartre, pèlerinages di­vers… ) non sans une montée d'anticléricalisme républicain et l'avènement en 1879 de la «République des Républicains».

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