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161.10

AD B.17/6.15.10

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

De l'abbé Désaire

Nimes, Samedi-Saint, 8 avril 71

Mon bien cher ami,

Votre bonne lettre m'est parvenue avec un incroyable retard, mais elle ne m'a pas moins causé le plus sensible plaisir. Je vois avec bonheur que tout va bien, que nos plans paraissent de jour en jour être plus favorisés du bon Dieu et que nous pourrons réussir à faire quelque bien. Il n'est plus maintenant ici question que d'envoyer l'an prochain quatre nouveaux religieux à Rome et de marcher selon les vues que la Pro­vidence nous paraît avoir tracées. Les lettres satisfaites et gaies que le P. Alexis a adressées au P. d'Alzon et au P. Emmanuel, n'ont pas peu contribué à ce résultat et j'espère de plus en plus que la réalisation ne sera pas difficile.

L'essentiel est désormais d'avoir des sujets nombreux et sérieux. Sous ce rapport encore, le bon Dieu paraît nous ouvrir une voie. La Supérieure des Dames de l'As­somption ayant trouvé le moyen de réaliser quelques milliers de francs chaque année pour l'éducation gratuite d'enfants pauvres se destinant à l'état ecclésiastique, j'ai fait à Mgr Gros des ouvertures pour obtenir la cession d'une ancienne propriété où se trouve un pèlerinage à la Ste Vierge sous le nom de N.D. des Châteaux, où il serait facile d'avoir un alumnat: deux jeunes frères y suffiraient amplement sous la condui­te d'un religieux prêtre. Mgr a accepté de plein cœur et nous a répondu de la manière la plus satisfaisante. Je pars donc aujourd'hui avec le P. Emmanuel pour Moûtiers où l'Evêque nous attend: je serai de retour ici le 14 ou le 15 et, si tout va bien, nous com­mencerions au mois de juillet à l'installation de cette maison. Je vous parlerai plus longuement de cette affaire à mon retour1.

La Revue paraîtra au 1° mai: on m'a imposé d'office de mettre quelque chose sur l'enseignement de la philosophie. Je ne sais vraiment ce que j'y pourrai mettre, mais j'attends le secours de quelque bonne providence humaine2.

Mgr de Metz vient de renvoyer 13 professeurs de ses séminaires, parce que, durant le Concile, ils ont souscrit je ne sais quelle adresse au S. Pontife. Voyez où mène la piété!!! M. Hautcœur, qui écrit cette nouvelle à Mr Gully (?) dit que ces abbés, fort distingués et au nombre desquels se trouve M. Didiot, travailleront peut-être à se réunir: trouveriez-vous mauvais que le P. d'Alzon leur fît part de nos projets? La cho­se est à mûrir et j'attends à ce sujet votre pensée3.

Le P. Picard est toujours à Paris où les affaires ne vont guère, quoique la caisse de l'Archevêché ait été saisie et l'illustre homme coffré: mais les victoires du parti de l'or­dre font renaître la confiance; et tout le monde semble espérer que ces revers nous rendront meilleurs4.

Le P. Emmanuel a été au lit toute cette Semaine Sainte: il a beaucoup souffert, mais son malaise est assez calmé puisque M. Réveil, médecin souverainement pru­dent, lui a permis le voyage. Dites au P. Alexis qu'il n'a pu lui écrire, mais qu'il le fera au plus tôt. Les élèves partent à cette heure pour les vacances de Pâques; nous parti­rons, nous, dans quelques minutes.

Les cérémonies de la Semaine Sainte, auxquelles on fait assister les enfants depuis le 1° «Domine, labia mea aperies» jusqu'au dernier alleluia, m'ont rompu, car j'ai dû faire diacre tout le temps au P. d'Alzon, qui est lui-même assez fatigué. Pardonnez­moi donc le décousu et le sans-gêne de ma lettre.

J'ai reçu pour vous la lettre ci-incluse: quelle voie a-t-elle pris? je l'ignore, car elle ne paraît pas peu en retard.

Adieu, mon bien cher ami, priez beaucoup pour moi; écrivez-moi plus souvent et embrassez le P. Alexis pour moi.

Votre ami en Jésus Charles D.

Ne parlez pas du prospectus que je mets ici, on a stupidement mis: «de l'enseigne­ment ph. que», tandis qu'il fallait «de l'enseign. de la phil. le». Communiquez-le au P. Daum et au P. Alexis.

* Lettre longuement citée en NHV IX, 38-39.

1 L'alumnat fut, en effet, ouvert et Léon Dehon s'y arrêtera à son retour de Rome en août (cf LD 180, 181).

2 La «Revue de l'enseignement chrétien» fondée par le P. d'Alzon.

3 M. Didiot fut un moment sur le point de rejoindre le P. d'Alzon (cf LC 110). Il devint professeur à l'université de Lille, dont il fut doyen de 1877 à 1886 et de 1893 à 1896. Le P. Dehon fut en relation suivie avec lui pour son action sociale et pour sa Congrégation, notamment à propos des «révéla­tions» de Sr Marie de St-Ignace (cf NHV XIII, 83; XIV, 66, 68, 70, 103, 181).

4 Arrêté comme otage en avril, Mgr Darbois fut fusillé par les Communards au cours de la Semaine sanglante (21-27 mai). Mgr Darbois s'était, en effet, «illustré» au Concile par son opposition à la dé­finition de l'infaillibilité. Compte-tenu du tragique de la situation, le ton de l'abbé Désaire peut sem­bler assez déplacé.

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