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158.19

AD B.17/6.12.19

Ms autogr. 3 p. (21 x 13)

De Mr Demiselle

Soissons 12 juin 1871

Bien cher Abbé,

J'ai été très étonné de vous savoir à Rome. C'est à Marle, où je prêchais un bout de Carême, que je l'ai appris. Je n'espérais guère qu'on pût cette année faire des études à Rome. Hélas! combien je pense à cette pauvre Rome, où je devais retourner pour les fêtes de la 25° année! D'où viendra le salut pour Rome? Pie IX ne l'attend que de la France, et la France ne sera sauvée que quand elle aura repris son rôle de chevalier ar­mé de l'Eglise Romaine. Son sort est intimement lié à celui de Rome: que l'on com­prend peu cela en France, surtout dans nos contrées!

Je suis depuis 15 jours en mission pour préparation de 1° communions: le Sémi­naire de Liesse, Sissonne, Marchais, Villers-Cotterets. Je pars après-demain pour Veslud, près Laon, puis l'Institution St-Charles de Chauny. Partout je parle de la France et du Pape, tout en me demandant ce que feront mes paroles sur ces popula­tions. On entend des réflexions étranges: Dieu ne se mêle pas de ces sortes de choses. Et ce sont de braves gens qui parlent ainsi: pauvre peuple, pauvre pays! J'aime à pen­ser qu'il est en France des contrées où l'on a des idées plus saines; sans cela il faudrait désespérer de l'avenir.

Vous continuez vos études, vous êtes heureux: c'est une trêve aux préoccupations qui nous obsèdent malgré nous. Depuis 15 jours, pendant lesquels j'ai donné 54 in­structions ou allocutions, j'ai été heureux aussi de n'avoir plus le temps de rêver sur tout ce qui se passe.

Vos projets me paraissent beaux et je vois avec satisfaction que vous trouvez dans la congrégation de Mr d'Alzon le moyen de les mettre à exécution. Mais quel avenir nous est réservé? Qui pourrait le dire? Dans tous les cas, il vous sera plus facile de réaliser vos vues dans une congrégation déjà formée que d'en créer une nouvelle. Que n'ai-je quelques vingt ans de moins, je serais heureux d'appartenir à une congréga­tion s'occupant d'études et d'enseignement. Fixé désormais pour le reste de ma car­rière, je tâche d'utiliser les loisirs du canonicat, en rendant service à mes confrères dans les circonstances les plus intéressantes du ministère paroissial.

J'ai vu à Liesse les jeunes Devenge et Mercier de La Capelle. Ils n'ont rien de sail­lant dans l'intelligence. On est satisfait de leur conduite.

Je ne sais quand j'irai à La Capelle. J'attends toujours la bénédiction de l'église de Buironfosse. Je ne sais encore quand elle aura lieu.

Nous sommes toujours occupés par les prussiens. Je n'ai pas encore cessé d'en avoir chez moi depuis le 16 octobre dernier. Quand cela prendra-t-il fin?

Offrez mes respects affectueux à Mr le Supérieur. Ma sœur vous envoie ses meil­leurs sentiments et moi, je suis bien à vous de cœur en N. S.

Demiselle

Mon souvenir à M. Desaire, s'il est encore près de vous.

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