dehon_doc:cor:cor-1lc-1871-1021-0043612

436.12

AD B.21 /7a.1

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

Du P. Freyd

Rome ce 21 octobre 1871

Bien cher ami,

Votre lettre a été comme je la désirais. Je crois que vous avez fait ce qui pour le moment est le plus conforme à la volonté de Dieu. L'avenir nous montrera plus clai­rement ce que le Seigneur demande définitivement de vous. En attendant, l'expérien­ce que vous gagnerez dans le saint ministère vous sera précieuse. Vous verrez qu'avec de la bonne volonté, vous vous maintiendrez parfaitement.

Conservez votre cœur bien uni a Dieu, et ne l'attachez en rien à la créature. Quand notre âme est portée sur les ailes de la prière et du st abandon à la volonté du divin Maître, nous voguons tranquillement et sûrement. Evitez les jeux et les dîners. Des jeux jamais; des dîners, seulement quand il le faut absolument. Soyez bon et condes­cendant avec vos confrères, cédez volontiers le pas et que votre simplicité et humilité leur rende agréable la supériorité pour les études que vous avez sur eux.

Pour votre plus grande tranquillité, je vous dirai que le jour après l'arrivée de votre lettre, ayant rencontré le bon P. Général Mauron, de retour des eaux, je lui ai fait part de notre dernière correspondance et surtout du contenu de votre lettre. II me re­garda d'un air satisfait en me disant: «Bravo, bravo, voilà qui est bien. Je n'ai pu croi­re qu'il y avait un avenir pour lui à Nîmes et je l'en aurais décidément détourné, si je ne lui avais vu tant de désir d'y aller. Il ne pouvait rien faire de mieux que de ne pas s'y rendre; car il n'y serait pas reste»1. Ce témoignage spontané, si parfaitement d'ac­cord avec mon intime conviction, ne servira pas peu à vous tranquilliser, s'il y avait lieu et à garder bonne contenance en face de tous les assauts qui vous viendront et re­viendront. Vous vous attacherez à votre «non possumus», et vous pourrez remercier le Seigneur de vous avoir épargné une déception.

M. Desaire restera-t-il après cela? J'en doute, mais je me garderai bien de lui don­ner un conseil. Du reste, il ne m'en a pas demandé depuis qu'il est là-bas et cependant sa place, à mon avis, n'y est pas. Quant à vous, soyez prudent dans votre correspon­dance avec lui, bornez-vous seulement au conseil de ne pas s'engager sans un sérieux noviciat. Il s'y laissera peut-être prendre, car il a si bon cœur qu'il ne tiendra pas de­vant les instances et les supplications, et cependant celles-ci ne sont pas l'indice de la volonté de Dieu2.

De nouveau, je vous recommande la plus grande discrétion et vous commande le silence le plus absolu. Ce n'est pas que je craigne d'avoir fait une mauvaise action. Au contraire, je crois avoir été pour vous le pauvre instrument de Dieu. Il m'en a coûté, je vous assure, d'avoir ainsi déchiré les beaux plans de l'excellent P. d'Alzon. Mais si j'ai à son insu désobligé un ami, je ne l'ai fait que pour sauver un fils. Les miens d'abord et puis seulement les amis; le tout secundum Dei ordinationem3.

A Dieu, mon très cher. A vous de cœur en J. et M.

M. Freyd

1 Le P. Mauron, Général des Liguoriens (Rédemptoristes) chez qui Léon Dehon avait fait, du 26 au 30 juillet, une retraite d'orientation: «Je décidai mon entrée à l'Assomption, notera plus tard le P. De­hon, mais il me restait des objections, et puis je voyais que le P. Mauron et le P. Freyd ne me don­naient leur assentiment qu'à regret» (NHV IX, 43).

2 Les prévisions du P. Freyd se vérifièrent en effet. On pourra suivre dans la correspondance successive de l'abbé Desaire avec le P. Dehon jusqu'en 1880 et dans les NHV, ce qu'il advint de l'abbé Desaire (cf NHV vol. 8 index «Desaire»).

3 Le P. Dehon cite intégralement cette lettre en NHV IX, 67-68 et conclut: «J'obéissais donc bien à mes directeurs, que pouvais-je faire d'autre?».

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