dehon_doc:cor:cor-1ld-1864-1209-0021712

217.12

B18/9.1.12

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Alexandrie 9 décembre 64

Chers parents,

Je vous écrivais de Syra, il y a huit jours, que j'avais été très chagriné de ne pas trouver de lettres à Athènes1: j'ai appris depuis qu'un changement dans le service des messageries françaises avait occasionné la perte ou le retard d'un grand nombre de correspondances.

J'espérais me consoler à Alexandrie, mais je n'y suis pas plus heureux: il n'y a pas encore de lettres, mais le prochain courrier de France arrivera après-demain, et j'espère qu'il m'en apportera une.

Nous sommes d'ailleurs dans un grand embarras, car nous allons manquer d'argent. Si vous avez reçu, en effet, la lettre que je vous ai écrit de Patras, il y a plus d'un mois2, vous avez dû m'expédier de suite ici à la poste une lettre de crédit circulaire sur les banques des villes où nous avons des consulats en Orient. Je vous indiquais Mr Flury-Hérard, banquier, rue Saint-Honoré n. 372 à Paris, comme pouvant vous donner cette lettre, jusqu'à concurrence de quatorze mille francs que vous auriez pris sur l'argent de Palustre. Je répète ces instructions pour le cas où vous ne les auriez pas reçues. Nous ne pouvons pas quitter Alexandrie tant que nous n'avons pas reçu cette lettre; c'est vous dire combien il est urgent de nous l'envoyer, si vous ne l'avez pas fait encore.

Sauf ce contretemps, nous sommes arrivés ici, très heureux d'avoir effectué facilement une longue traversée3 et d'être arrivés dans un pays facile autant qu'intéressant et sous un climat si doux que les moustiques s'y trouvent encore aussi à l'aise que chez nous au mois d'août.

Nous sommes parvenus en Afrique en touchant à Smyrne en Asie: c'est là que nous avons vu défiler les premières caravanes, longues files de chameaux apportant à la ville les produits de l'intérieur. Notre bâtiment était orné de 300 passagers dont les mœurs et les costumes tranchaient sur ceux d'Europe. C'était d'abord un pacha avec son attirail de soixante personnes, famille, harem, eunuques, fauconniers, esclaves, etc., etc. C'était, en outre, des musulmans s'en allant à la Mecque, des grecs en route pour Jérusalem, des juifs, des circassiens et je ne sais quoi encore.

Ici la majorité de la population indigène se compose d'arabes légèrement vêtus de blanc.

Dans quelques jours, j'espère, nous parviendrons aux ruines colossales de Memphis et de Thèbes aux cent portes.

Si la lettre de crédit est expédiée et qu'elle soit sur le point d'arriver, écrivez-moi à Thèbes, au consulat de France. Sinon, nous attendrons ici.

Palustre continue comme moi à se bien porter; il se rappelle à votre souvenir.

Je vous embrasse de tout cœur.

Votre dévoué fils

L. Dehon

Embrassez pour moi Laure et Henri et maman Dehon. J'ai écrit dernièrement à mon oncle Dehon4. J'ai surtout hâte d'apprendre que maman est complètement remise et que mes lettres la rassurent sur les périls imaginaires de ce voyage5. Répondez-moi désormais aussitôt que vous recevez mes lettres, parce qu'il m'est trop pénible d'être aussi longtemps sans nouvelles: cela m'attriste et me chagrine depuis quinze jours.

1 Cf. LD 11 (25 nov. 1864).

2 Cf. LD 9 (7 nov. 1864).

3 Du 25 novembre au 9 décembre: de Syra (Syros) à Alexandrie: départ d'Athènes, le 26 au soir; bloqués à Syros par le mauvais temps du 27 nov. au 3 déc.; puis à travers les Cyclades (Tenos, Mykonos, Chios) à Smyrne (4 déc.), enfin, par Samos, Pathmos, Cos (6-7 déc.) à Alexandrie (8 déc.). En VO IV, 119-133; NHV III, 53-58.

4 Cf. LD 9 note 5.

5 Cf. à ce sujet lettre de Mr Boute du 13 nov. 1864, LC 10.

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