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218.57

B18/9.2.57

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 4 janvier 68

Chers parents,

Je n'étais pas avec vous le 1er janvier; cependant ma pensée me portait tout naturellement vers vous, surtout au saint sacrifice. Je m'unissais en esprit à vos saints patrons et à vos bons anges pour demander à Dieu de vous bénir, et je priais mon frère Léon qui est un ange au ciel et que je vous engage à invoquer souvent, pour qu'il protège notre famille1.

La pensée qui doit nous frapper, c'est que nous avons une année de plus dont il faudra rendre compte à Dieu, et une année de moins pour mériter le ciel. Il y a huit jours encore, le meilleur de mes amis ici, un jeune homme de Chambéry, qui a fait tout son droit avec moi, apprenait par le télégraphe la mort subite de son père frappé d'apoplexie2.

Une pensée de St Paul me frappait aujourd'hui, parce qu'elle était conforme aux miennes, je vous la communique. Plein de charité pour les Thessaloniciens qu'il avait évangélisés, il leur envoya son disciple Timothée pour s'informer s'ils persévéraient, puis il leur écrivait: «je vis maintenant, puisque vous demeurez dans le Seigneur»3. Oh oui, celui-là vit et vit heureux et plein d'espoir pour l'éternité, qui sait que les siens demeurent dans le Seigneur.

J'ai eu le bonheur de faire les fonctions de sous-diacre à la messe solennelle, le jour de la circoncision. C'est un avant-goût de la grâce du sacerdoce par laquelle je pourrai offrir tous les jours le saint sacrifice. Le sacrifice en général est tellement dans la nature de l'homme que les païens eux-mêmes en reconnaissaient la nécessité. C'est un acte par lequel l'homme reconnaît le souverain domaine de Dieu et exprime à Dieu son repentir en témoignant qu'il a mérité de périr comme l'objet qu'il sacrifie. Tout l'Ancien Testament dans ses sacrifices solennels du temple et dans ceux d'Abel et d'Abraham avait pour but de figurer le grand sacrifice du Calvaire, le seul qui put réparer l'injure faite à Dieu par le péché et nous obtenir la vie éternelle, et Dieu a voulu que ce sacrifice se renouvelle tous les jours pour nous en appliquer les fruits tous les jours. Notre Seigneur ne souffre plus, ne meurt plus, mais il descend sur nos autels sous l'apparence du pain et du vin et il s'offre à son Père par les mains du prêtre avec le même amour pour nous que lorsqu'il disait du haut de la croix: «Je remets mon âme entre vos mains.» Le saint sacrifice a donc une valeur infinie, mais il ne nous est appliqué qu'en proportion de nos dispositions. Ne nous privons jamais d'un si grand bien pour éviter un peu d'ennui et de fatigue4.

J'ai reçu une lettre d'Henri et je lui écrirai dans quelques jours. Je suis heureux que mon oncle Dehon ait réglé ses affaires avantageusement. J'espère qu'il aura remboursé Siméon exactement5.

Je vous embrasse de tout mon cœur et vous prie d'embrasser pour moi Henri, Laure, Maman Dehon et Marthe.

Votre dévoué fils

L. Dehon

1 Il s'agit du premier enfant de Mme Dehon, né en 1838 et mort quelques mois avant la naissance du troisième (le P. Dehon), qui reçut à son tour le nom de Léon (cf. NHV I, 2 vº)

2 Il s'agit de l'abbé Perreau (cf. NHV V, 38, 108…) cf. LD 141

3 1 Thess. 3, 8

4 Cette petite catéchèse donne une idée de la théologie du sacrifice alors enseignée, avec sans doute plus de développements, de précisions et de nuances. Elle ne sera pas sans marquer la pensée du P. Dehon sur la réparation ainsi que sa spiritualité

5 Cf. LD 82.

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