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443.01

B21/7.B

Photocopie Ms 4 p. (21 x 13)

L'original de cette lettre se trouve aux archives des PP. Assomptionnistes sous le N. 275.

Au P. d'Alzon

La Capelle (Aisne) 26 juillet 70

Mon révérend Père,

Je vous ai fait défaut à Nîmes et je n'ai pas besoin de m'en excuser parce que je suis sûr que vous avez pris de vous-même ma défense auprès de l'ardent abbé Desaire, pour lui faire accepter les motifs que je lui ai donnés dans ma lettre. Je réparerai cela au mois d'octobre et j'irai vous renouveler à Nîmes mes promesses de filiale affection et vous exprimer de nouveau l'espoir et l'intention que j'ai de prendre une part, quelque petite qu'elle soit, aux fructueux travaux que vous méditez1.

Mon retour de Rome ne manqua pas d'intérêt. Nous avions dans le train une trentaine d'évêques. J'eus le bonheur de me joindre à Mgr Pie, avec l'abbé Dugas. Au moment du départ, Mgr de Mérode vint causer un instant avec Mgr Pie, avoua qu'il avait fait une bêtise et promit d'aller bientôt donner une franche adhésion au St-Père. Mgr Pie avait vu le St-Père le matin, et avait appris qu'il n'y avait encore qu'une soumission bien formelle, celle de l'évêque de Mayence. Les autres ont envoyé au Pape un acte collectif fort peu satisfaisant2.

Les gallicans avaient à leur retour un air battu et embarrassé. Ils étaient polis pour Mgr Pie et se disaient surtout mécontents des trois ou quatre convertis qui avaient manqué à leurs promesses. Mgr Strossmayer donna à Boulogne [sic, pour Bologne] une gracieuse poignée de mains à l'évêque de Poitiers, Mgr Gaduel était dans le train, stoïquement satisfait. «Je ne serais pas fier, disait-il, si j'avais prêté les mains à un pareil acte.»3

J'ai quitté à Ambérieux l'honorable société avec laquelle je me trouvais et je gagnai Paris par Mâcon.

Paris est au fond toujours le même sous l'agitation superficielle qui y règne. Le peuple de boutique, de café, de restaurant, de boulevard, de théâtre y domine. Peu de surnaturel, peu même de philosophie. Le clergé des paroisses y conserve tenacement sa liturgie parisienne. Les coupables en tout cela sont les chefs, l'archevêché d'un côté, de l'autre le gouvernement qui a favorisé le goût du peuple pour tout ce que l'Esprit-Saint appelle vanité. - J'ai trouvé dans ce désert une petite oasis, quelques hommes aimables et pieux vivant dans de modestes cellules, vrais fils de St Pierre et les vôtres. J'ai causé un peu avec le P. Vincent de Paul, et j'ai revu le P. Pernet4. Je ne leur ai pas demandé l'hospitalité, j'étais descendu chez un parent à Montmartre. J'ai prié avec bonheur un instant dans leur chapelle.

Je termine ma lettre avec mon papier. Viendrez-vous me voir? Aurez-vous l'amabilité de m'écrire?

Permettez à votre dévoué fils de vous embrasser de tout cœur.

L. Dehon, pr.

1 26.07.1870a2 1 Léon Dehon entra en relation avec le P. d'Alzon, fondateur de «l'Assomption», à l'occasion du Concile, le P. d'Alzon logeant au Séminaire français. «Sa présence réveilla toutes mes préoccupations relatives aux études ecclésiastiques», notera-t-il (NHV VI, 115-118 et VIII, 58-59). Il en parla longuement avec lui et avec l'abbé Desaire, qui partageait les mêmes préoccupations (cf. LC 40, 52, 58). Cette première lettre marque le commencement d'une importante correspondance entre Léon Dehon et le P. d'Alzon et surtout l'abbé Desaire, relativement à l'avenir religieux du P. Dehon. (Cf. les biographes et en St. Deh.: L'expérience spirituelle du P. Dehon. - Les années de formation, 1843-1871; chap. X: La dernière année 1870-1871: Projet d'avenir - Vers la grande décision).

2 26.07.1870a2 2 Mgr de Mérode, bien connu de Léon Dehon (LD 31, 32, 33, 37, 41, 57, 95), avait voté «non placet» sur l'infaillibilité (cf. NHV VIII, 92). L'évêque de Mayence, Mgr Ketteler, opposant à la définition de l'infaillibilité, était l'un des promoteurs de l'action sociale chrétienne en Allemagne. Son nom revient dans les NHV à propos du Concile et aussi pour les «premiers écrits (sociaux) du grand évêque de Mayence» (IX, 146).

3 26.07.1870a2 3 Mgr Strossmayer, évêque de Sirmium (Croatie), un des orateurs les plus actifs et remuants au Concile contre l'infaillibilité (16 références en NHV VII et VIII). Ami de Doellinger, théologien en révolte contre le Concile, il n'envoya sa soumission qu'en décembre 1872. Il travaillait avec ardeur au retour des Slaves orthodoxes à l'Église catholique. Mgr Gaduel (Jean-Pierre, 1811-1888), vicaire général de Mgr Dupanloup et inspirateur de plusieurs de ses écrits contre la définition de l'infaillibilité. Il fut plusieurs fois pris à partie par L. Veuillot dans l'Univers. Préoccupé de l'éducation du clergé, il écrivit notamment une vie de Barthélemy Holzhauser, à laquelle le P. Dehon fait allusion dans ses NHV à propos de la fondation de l'Oratoire diocésain de Soissons (cf. NHV X, 65; XI, 116).

4 26.07.1870a2 4 Le «petite oasis» est la maison des PP. de l'Assomption à Paris. Le P. Vincent de Paul Bailly avait assisté à la première messe de Léon Dehon à Santa Chiara le 20 décembre 1869. Le P. Dehon fut surtout en relation avec lui à l'occasion de divers congrès (Nantes, Lyon, Reims, Bordeaux). Fondateur et directeur du journal «La Croix» et promoteur des pèlerinages à Rome (cf. NHV X, 65, 67, 158, 161, 171; XI, 148; XII, 108).

5 26.07.1870a2 5 Le ton de la lettre révèle déjà une certaine intimité et un engagement déjà profond de Léon Dehon. Le P. d'Alzon répondra le 7 août (LC 73).

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