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219.14

B18/10.14

Ms autogr. 4 p. (21 x 13)

À Léon Palustre

La Capelle 14 novembre 70

Mon cher ami,

Je n'ai pas encore décidé où je passerai mon hiver. J'ai toujours espéré jusqu'à présent pouvoir aller à Rome un peu plus tard. J'attendrai pour prendre une décision que la guerre soit terminée. J'ai ici pour le moment une occupation qui me sourit beaucoup. Notre petite armée du Nord a placé ici ses avant-postes. La Capelle est occupée par 600 mobiles. Ce sont d'excellents et pieux flamands de l'arrondissement de Dunkerque. Je me suis constitué leur aumônier pour le temps de leur séjour ici, qui paraît devoir durer quelques semaines. Je les harangue souvent. Plus de soixante se sont déjà confessés. Un seul parmi eux n'avait pas fait sa confession pascale.

Tu vois que ce sont des hommes de foi. Ce ministère me console un peu des crimes dont d'autres français se rendent coupables à Paris, à Lyon, à Marseille et ailleurs.

Je goûte fort tes vastes projets. Je ne sais si je pourrai, comme toi, me donner plus tard à l'étude de l'histoire. Pour le moment, je n'y puis pas songer. Il me reste à achever mes études de théologie et de droit canon et à suivre les travaux du Concile qui pourront, j'espère, se continuer bientôt.

Je crains qu'après la guerre la France et l'Italie n'aient à subir pendant quelque temps les horreurs d'une république socialiste et révolutionnaire. Les sociétés secrètes de ces deux pays s'y préparent et elles sont aidées par l'aveuglement et l'impiété de la bourgeoisie. Si cela arrive, il pourra se faire que je reste quelques mois ici pour attendre que l'orage soit passé1.

Nous sommes exposés ici à avoir prochainement à souffrir des prussiens2. Je crains bien que l'épreuve de la France ne soit encore longue et qu'elle n'en profite pas assez pour revenir à Dieu. On constate bien partout des retours partiels, mais la masse est glacée. Il faudra un miracle pour la ranimer.

Je garde l'intention et le désir d'aller te voir bientôt à Tours.

Tout à toi en N.S.

L. Dehon, pr.

1 Pressentiment des troubles de la Commune de Paris (février-mai 1871). Mais la Troisième République, tout en se réclamant des principes révolutionnaires de 1789, n'eut rien de socialiste. C'est vers 1890 qu'on constate une poussée et montée socialiste aux élections successives.

2 En fait, semble-t-il, les Prussiens n'occupèrent pas réellement La Capelle (cf. LD 159, du 9 janvier 1871). L'armistice devait être signé le 28 janvier.

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