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220.26

B18/11.1.26

Ms autogr. 2 p. (21 x 13)

À ses parents

Rome 24 mai 1871

Chers parents,

Je n'ai pas beaucoup de temps à vous donner aujourd'hui. Cependant je ne veux pas vous laisser plus longtemps sans nouvelles.

Rome est toujours au même point. La confiance dans l'avenir et l'espérance d'une prochaine délivrance y augmentent plutôt que de diminuer. On voit arriver avec bonheur les vingt-cinq ans de pontificat de Pie IX. Les nouvelles de France apportent aussi quelques consolations. Les victoires du parti de l'ordre annoncent la fin de nos épreuves1. La belle lettre du comte de Chambord est l'événement le plus consolant de ces derniers temps. Il n'y avait plus qu'un roi chrétien, c'était Pie IX. La France va-t-elle en recevoir un de la main de Dieu? Si cela est, ses malheurs en préparant ce retour auront été une bien grande bénédiction du ciel2.

Je vous écrirai plus longuement la semaine prochaine.

J'ai envoyé par la poste le chapelet demandé. Il coûte seulement 14 francs.

Embrassez pour moi tous les nôtres.

Votre dévoué fils

L. Dehon, pr.

1 La réalité n'était peut-être pas aussi belle et cette victoire du parti de l'ordre devait coûter terriblement cher. L'armée gouvernementale (les Versaillais) entra à Paris le 21 mai et méthodiquement nettoya les rues des barricades, tandis que les insurgés incendiaient les Tuileries, l'Hôtel de Ville, la Cour des Comptes et massacraient les otages dont l'archevêque, Mgr Darbois. La Semaine sanglante devait s'achever le 27 mai et la répression fut terrible: 20.000 exécutions capitales, 38.000 arrestations suivies de 13.500 condamnations, dont plus de 7.000 à la déportation: le quart de la population ouvrière, dit-on, fut victime de cette répression qui rétablit l'»ordre». À distance évidemment, on trouve le jugement de Léon Dehon un peu optimiste. Mais c'était celui de l'opinion catholique en général et de tous les «honnêtes gens».

2 Lettre du Comte de Chambord (Henri V), le 8 mai, s'affirmant comme le défenseur intransigeant du trône et de l'autel et en faveur du pouvoir temporel du Pape. Cependant, son intransigeance sur le «drapeau blanc» (légitimiste) fit échouer toute fusion avec la branche d'Orléans et tout espoir de restauration monarchique (juillet 1871). Léon Dehon était alors résolument légitimiste, comme beaucoup de catholiques de la classe moyenne. Cf. encore LD 175.

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