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X Cahier

=====Notes sur l’histoire de ma vie

===VIe période: Vicariat de Saint-Quentin 1871-1877 (suite) 1873 Deuxième année de vicariat (suite)===

Nous avions déjà 200 enfants, nous devions en avoir peu à peu 400 et même 500. Notre action pénétrait partout, dans les familles, dans les ateliers, dans les bureaux. Les enfants nous étaient attachés. Les familles venaient a nos fêtes, nous allions les visiter quand les enfants manquaient a nos réunions. Les tracts et Petites Lectures que nous donnions y pénétraient. Les patrons appréciaient notre œuvre et lui devenaient sympathiques. Nous comptions les principales maisons parmi nos souscripteurs: les Basquin, les Boca, les Testard, les Robert de Messy, les Paillette, les Falése, etc, etc,. Le député Malézieux avait souscrit, le maire Mariolle, également. Bientôt nous allions compter les magistrats et les officiers parmi les membres du Conseil protecteur./ Le professeur de philosophie du lycée, M.Pluzanski, venait nous 2 aider. On pourrait dire bientôt que toute la ville était de l'œuvre, et le bien se faisait largement. C'était l'âge d'or de cette chère œuvre. Nos jeunes gens se transformaient. Tous ont gardé de ce temps là de bonnes impressions, quelques-uns sont restés de vrais chrétiens. Un certain nombre me sont souvent présents à la mémoire, ils caractérisent bien l'esprit de l'Œuvre.

Lobbé, employé de commerce, est devenu le Père Claude Lobbé. Il a été un des premiers présidents du Cercle. Vinchon, ancien élève du lycée, est devenu professeur à l'Institution St Jean. Il soutient sa famille et élève les orphelins de sa soeur. Druelle, le chanteur comique de nos petites réunions, a eu des alternatives, il a voulu entreprendre un trop grand commerce. Il élève bien ses enfants. Les deux frères Lesâge sont mariés à Paris. Paul Lesâge m'est toujours dévoué. Il a un atelier de Broderies prospère, il est de l'Union fraternelle de Montmartre. Georgin est peintre à Paris, toujours solidement chrétien et bon père de famille. Guilbert 3 était surnuméraire de la Régie. / Après son départ, il m'écrivait souvent de charmantes lettres. Il est devenu plus tard brasseur à Béthune et toujours il est resté pieux chrétien. Berlemont, élève au lycée, est devenu professeur à Saint-Jean. Legrand, parent de Vinchon, a mis plus tard ses fils à St Jean. Pollet est resté employé chrétien et dé­voué à sa paroisse de St Jean. Lefèvre, lithographe, a gardé ses bons sentiments. Derniame est devenu employé de chemin de fer. Il a persévéré. Harmant, valet de chambre à Paris, a gardé aussi ses bon­nes dispositions.

La mort nous en prenait quelques-uns. Ils faisaient généralement une mort très édifiante.

Ces œuvres d'ouvriers sont donc nécessaires. Elles suppléent un peu aux corporations et confréries anciennes. Les ouvriers n'ont pas de place dans nos églises et ils n'y reçoivent pas la direction et l'instruction qui leur conviennent. Ce sont des brebis sans pasteurs. Ils retrouvent dans les patronages quelque chose des soins pater­nels et dévoués que l'Eglise devrait exercer vis-à-vis d'eux. Le clergé a le devoir de fonder et d'asseoir solidement ces œuvres dans tou­tes les agglomérations. /

- Le Patronage avait ses grands jours: soirées dramatiques et musi­cales, distributions de récompenses, séance annuelle du compte-rendu, processions, pèlerinages.

En cette année 1873, nous avions le 12 janvier la visite de M. l'Archiprêtre: chants, allocution, salut. Le 19 janvier, c'était la visite de Monseigneur. Ce monde ouvrier apprenait à connaître le clergé.

Le 25 février, jour du mardi-gras, pour retenir nos enfants et les empêcher de se mêler à la débauche des rues, nous les intéressions par un concert et une comédie. Cela devait se faire tous les ans.

Le 20 avril, nouveau concert auquel les familles sont invitées: allo­cution aux familles, avantages du Patronage et des pratiques reli­gieuses.

Le 27 avril, distribution trimestrielle des récompenses.

Le 2 juin, fête diurne dans la cour: concours de gymnastique et courses.

Les 15 et 22 juin, nos J(eunes) gens participent aux processions du Saint Sacrement avec leur bannière.

Le 5 juillet, visite de l'abbé Désaire: allocution.

Le 10 juillet, séance du compte-rendu. Les bienfaiteurs sont invités. M.Pluzanski / lit un rapport sur l'Œuvre, qui sera complété 5 et imprimé plus tard. C'est une bonne occasion pour recruter de nouveaux bienfaiteurs.

Les 12, 13 et 14 août, nos jeunes gens vont prendre part aux sa­luts de la paroisse pour le triduum de prières publiques. Ils chan­tent avec entrain et appellent les bénédictions de Dieu sur la France.

Le 17 août est un jour inoubliable. C'est le grand pèlerinage des Cercles catholiques d'ouvriers à N.-D.-de-Liesse. L'œuvre des Cercles était dans son premier épanouissement. M.de Mun et M. de La Tour du Pin avaient voulu en faire une œuvre de restauration sociale. Le succès paraissait assuré. Les cercles de Paris, de Béthune, de Reims, du Val, de Lille, de Valenciennes arrivaient par les trains du matin à Coucy-les-Eppes. Nous étions là avec nos jeunes gens.

Quinze cents hommes se rangeaient à Coucy autour de leurs ban­nières et se rendaient en rangs à Liesse. MM. de Mun, La Tour du Pin, de Parseval et d'autres officiers en uniforme escortaient le cortège à cheval. C'était la revue d'une avant-garde catholique de la France. Les hommes / chantaient et priaient. A Liesse: messes, communions, banquet, toasts vibrants et enthousiastes, puis retour à Coucy. Les ouvriers du Val étaient là avec leur fanfare, les mineurs de Lens, d'Anzin et de Béthune avec leur lampe symbolique. C'était comme un rêve et une vision de l'ancienne France catholique.

C'était trop beau, l'enfer devait reprendre la lutte et ramener deux ans plus tard le triomphe de la Franc-maçonnerie.

Le 23 octobre, nous avions le tirage de la loterie annuelle.

Les 23 et 26 décembre, concert et séance dramatique. On jouait «Les Zouves pontificaux à Patay». La pièce avait un grand succès, c'était une prédication pour toute la ville.

Le 6 septembre, M. de Mun m'écrivait. «Monsieur l'abbé, j'ai été si chargé de travail, au lendemain de notre beau pèlerinage du 17 août, que je n'ai pu, à mon grand regret, vous remercier plus tôt du concours si dévoué que vous nous avez prêté et du zèle- avec lequel vous avez secondé notre organisation. Je le fais aujourd'hui du fond du cœur et au nom de tous mes confrères. Déjà, / dans un petit écrit, que vous avez reçu, j'espère, j'ai cherché à rendre nos émo­tions et à consacrer nos souvenirs. Mais ce n'est point assez et il faut qu'il reste entre nous, de cette grande journée, quelque chose de plus que des émotions toujours fugitives, si profondes qu'elles soient. Pouvons-nous espérer d'organiser à Saint-Quentin, ce foyer populaire, cette ville d'ouvriers si redoutée des craintifs, un comité de notre œuvre et d'y fonder un ou plusieurs cercles catholiques? Vous seul, Monsieur l'abbé, pouvez nous le dire, nous encourager et prendre la tête du mouvement, en décidant s'il y a place pour notre œuvre à côté de la vôtre ou si toutes deux doivent se fondre en une seule. Celui de nos confrères qui est spécialement chargé de correspondre avec la région du Nord et d'y faire la propagande, M.de Parseval, se mettra en relations directes avec vous, dès aujourd'hui je me permets de vous le recommander; c'est un vrai soldat, un âme ardente et chrétienne! Peut-être l'avez-vous remar­qué à Liesse conduisant le contingent des mineurs de Béthune. Je fais des voeux pour que, grâce à votre initiative, nous parvenions à fonder à Saint Quentin un de nos foyers d'action et pour que notre bannière / vienne se planter à l'abri de celles des 8 associations ou­vrières que vous dirigez. Veuillez me croire votre respectueux et dé­voué serviteur. A. de Mun, capitaine au 9e dragons».

Je correspondis avec M. de Parseval. Notre comité faisait ce que je désirais, il accepta de s'agréger à l'Œuvre des Cercles. Tout s'arran­gea assez vite. Le cercle forma une section de 23 membres, avec les cinés du Patronage. Nous reçûmes la bannière. Le Ier novembre, M.L'Archiprêtre venait la bénir en même temps qu'une statue de St Joseph. Je faisais à nos jeunes gens une allocution sur la banniè­re.

C'est de là que datèrent mes relations avec l'Œuvre des Cercles et les études sociales qui devaient marquer une étape dans ma vie.

J'avais repris mes causeries le 29 décembre dans la nouvelle salle en prenant pour thème Bethléem, la grotte, la crèche, l'église de la Nativité, le champ des bergers - la ville de Bethléem, les costumes, la fabrication d'objets religieux - les grottes de St Jérôme, de Ste Paule, des Saints Innocents.

J'apportais chaque dimanche quelques uns de mes souvenirs de 9 voyages, photographies / pierres, objets du pays, etc. Les enfants ont tant besoin de choses concrètes pour retenir leur attention!

Le 5 janvier, je racontais la Noël à Rome, les boutiques de Noël à l'Aracoeli et à la place Navone, les crèches des églises, la messe pon­tificale: les Suisses du Pape, la Sedia gestatoria, la tiare - les détails de la messe: consécration, bénédiction, communion, l'hostie par­tagée, le chalumeau de la communion, les ministres grecs et latins - Vêpres à Ste-Marie-Majeure, vénération de la crèche apportée en 682. - L'Aracoeli, le Santo Bambino, les petits prédicateurs, la Befana.

Le 26 janvier: La présentation au Temple - Le Temple à Jérusalem. Le mont Moriah; Le sacrifice d'Abraham. Le temple de Salomon. Le temple de Néhémias. Prédiction de N. S. Etat actuel. - Visite avec un Kawass (1). Muraille où les Juifs vont pleurer.

Le 2 février, la Présentation à Rome. L'office à Saint-Pierre, la bénédiction des cierges, la procession: les princes, les ambassadeurs vont recevoir leur cierge des mains du Pape: Les offrandes de cier­ges au Vatican per les représentants des chapitres, des collèges des églises nationales et des communautés religieuses. /

10 Le 9 février: Les œuvres d'apprentis en France. L'Union des œuvres, le Conseil central. Mgr de Ségur. Lecture d'un chapitre de ses Conseils.

Le 16 février. Le respect humain, péché français. Le rire tourne depuis Voltaire contre la religion. - Les autres nations ont plus de pratique extérieure: le dimanche en Angleterre; la prière du musul­man; le jeûne en Orient. - C'est ce qui fait que nous sommes punis comme nation.

Le 23 février: Le carnaval à Rome. Gaieté générale et divertisse­ments honnêtes. L'ouverture annoncée par le canon: Les confetti. La course des dragons et des barberi (1). Le jeu des moccoletti (2) Les 40 heures.

Le 2 mars: La Prusse. Aspect général. Pauvreté de la Prusse pro­pre. Landes. Caractère des habitants: rudes, peu hospitaliers. Bonne administration. Esprit de discipline.

Le 9 mars: Berlin. Ville régulière et plate, peu propre, corrompue. Le Kreuzberg. Postdam et ses palais. Peu de catholiques. Le palais du roi en briques plâtrées…

Le 16 mars (Ière messe). St. Joseph: sa naissance à Bethléem, pays de ses aïeux. Son apprentissage. Sa vie à Nazareth. Son atelier. Patron de l'enfant Jésus et de tous les enfants… / 11

Le 23 mars: Les stigmatisés. Bois-d'Haine. Louise Lateau (I),

Le 30 mars: Voyage à Paris. Les Œuvres de Paris. Le Patronage de Montrouge. Celui de N.-D.-de-Nazareth (Saint-Tharcis), descrip­tion, régularité, vie chrétienne. Le Cercle de Montparnasse.

Le 6 avril: Les Rameaux à Jérusalem. Béthanie. Palmiers et oli­viers. Le cri des enfants. La cérémonie au Saint-Sépulcre. Le pa­triarche et les consuls.

Le 13 avril: Pâques. La via dolorosa. Le Cédron, le Prétoire, etc. Le calvaire. Le Sépulcre. L'église du St.-Sépulcre.

Le 4 mai: Le mois de Marie. Il se fait partout. Partout des fleurs, des chants, des prières. C'est un mouvement universel vers la pu­reté, la foi, la prière. Les mois de Marie à Paris ramènent à Dieu beaucoup de pécheurs.

Le 11 mai: Le concile d'Alger à N.-D.-d'Afrique. L'Afrique de St.Augustin. L'Afrique moderne, entamée par le christianisme. Les œuvres de Mgr Lavigerie: églises, paroisses, orphelinats, missions.

Le 18 mai: Les Madones des catacombes. Description. Chromolithographies. /

12 Le 22 mai: L'Ascension. Le Mont des Oliviers. Description (vues). L'église de l'Ascension. N. S. s'élève en bénis­sant l'Occident.

Le 25 mai: Plan de Jérusalem. Le Cénacle.

Le 1 juin: Pentecôte. Le Cénacle. Le Mont Sion.

Le 8 juin: La Trinité. La Trinité des Pèlerins à Rome. Les Sacconi. Les pèlerins à Pâques: réception, lavement des pieds …

Le 29 juin: Récit du pèlerinage de Paray-le-Monial, par M Julien.

Le 13 juillet: Les Pèlerinages: Jérusalem - Rome, Lorette, Assise.

Le 20 juillet: Les Pèlerinages. Projet de pèlerinage à Liesse.

Le 3 août: Récit de pèlerinage à Lourdes par M Julien.

Le 10 août: Préparation du pèlerinage de Liesse et du triduum de prières publiques pour la France.

Le 24 août: Annonce de mon départ pour le congrès de Nantes. Les pèlerinages. Réfutation des sottises du Glaneur.

M.Geispitz me remplacera pendant mon absence.

Les dimanches de septembre et d'octobre, compte-rendu du Congrès de Nantes / et de ses travaux.

13

Novembre et décembre, récit du voyage que j'ai fait en Bretagne et dans le midi à l'occasion du Congrès de Nantes.

Les enfants écoutaient toujours avec intérêt et leur foi se fortifiait par ces récits de Palestine et de Rome.

Les occupations de mon mystère augmentaient. J'avais mon car­net de malades. Quelques infirmes se prolongeaient indéfiniment. D'autres malades s'y ajoutaient. J'étais plus souvent demandé per­sonnellement, surtout dans la clientèle du Patronage. C'était pre­sque toujours un ministère consolant. On touche du doigt l'action de la grâce auprès des malades.

J'étais tenu davantage au confessionnal; le départ de M.Mignot m'avait donné beaucoup de pénitents. Le samedi soir, ma chapelle était envahie par les enfants du Patronage. Un aumônier de Patronage ne devrait pas être vicaire. Il devrait être le samedi soir à la chapelle de son œuvre.

J'avais toujours le catéchisme de première communion des en­fants du peuple, mais je n'allais plus dans la semaine aux écoles laïques. J'allais à l'école des Frères faire le catéchisme de persévérance 14 à la /classe supérieure. Je fis cela pendant trois ans J'ai encore mes notes sur toute la théologie des sacrements. Je dictais un cane­vas: les textes de l'Ecriture, des Conciles et des Pères. Puis j'expli­quais cela. Je me servais surtout du catéchisme du Concile de Trente. Les beaux textes des Pères font impression sur les jeunes gens en leur montrant la perpétuité de la foi dans l'Eglise.

Mes jeunes gens faisaient des rédactions soignées. Ce catéchisme m'a vivement intéressé et j'ai la confiance qu'il a fait un bien solide.

Je ne puis pas ici recopier toutes les notes que j'ai dictées et expli­quées. J'en donne un spécimen:

«Sur les effets du baptême.

I. Il efface les péchés. 1° Act. II. «Que chacun de vous soit baptisé au nom de J. C., pour la rémission des péchés» (Act. 2, 38). 2° Act. XXII. «Levez-vous et recevez le baptême, et lavez vous de vos péchés en invoquant le nom du Seigneur» (Act. 22, 16). 3° St. Augustin: «Le baptême purifie de tous les péchés, de tous sans restriction, que ce soient des péchés d'actions, de paroles ou de pensées, péchés d'origine ou péchés commis depuis, péchés de fragilité ou péchés de malice». /

15 II. Il nous donne la grâce qui est lumière et force.

1° Ezéchiel XXXVI. «Je répandrai sur vous de l'eau pure et vous serez purifiés de toutes vos souillures. Je vous donnerai un cœur nouveau et je mettrai en vous un esprit nouveau» (Ez.36, 25-27).

2° Epître aux Ephésiens IV. «Revêtez-vous de l'homme nouveau, qui est créé à la ressemblance de Dieu, dans une justice et une sain­teté véritable» (Eph. 4, 24).

3° St.Grégoire de Naziance: «Nous l'appelons Illumination, parce qu'il dissipe les ténèbres de notre esprit». 4° St.Chrysostome: «Nous baptisons les enfants, pour qu'ils ne soient pas souillés par le péché, pour qu'ils reçoivent en partage la sainteté, la justice, » etc.

III. Il nous fait enfants de Dieu et de 1'Eglise. 1° St.Paul aux Galates, III: «Vous tous qui avez été baptisés en J: C., vous avez revêtu J. C…» (Gal 3, 27). 2° St.Basile: «Le baptême est la régénération de l'âme, un caractère indélébile, le chemin à prendre pour le ciel, la clef du royaume céleste, la grâce de 1'adoption». 3° St.Grégoire: «Nous l'appelons le sceau de notre rédemption, parce qu'il nous conserve et marque à qui nous appartenons».

4° St.Chrysostome: «Les baptisés reçoivent en partage l'adoption, 16 l'héritage, la qualité de Frères et de membres de J.-C., et ils deviennent les temples de 1'Esprit Saint».

IV. Il nous laisse la concupiscence, pour la lutte. 1° St.Jacques, 1. «Chacun est tenté par sa propre concupiscence qui 1'emporte et qui 1'attire» (Jac 1, 14). 2° Epitre aux Romains, VI.: «Que le péché ne règne donc point dans votre corps mortel en sorte que vous obéissiez à ses appétits déréglés» (Rom 6, 12). 3° St.Augustin: «Le baptême n'ôte pas la concupiscence, à laquelle le baptisé résiste quand il est fidèle à ses engagements». 4° St.Grégoire le Grand: «Tous leurs péchés passés sont comme noyés, figurés par les Egyptiens qui poursuivaient les Hébreux, mais ils retrouvent dans le désert d'autres ennemis». 5° St.Bernard: «Le baptême nous confère une telle grâce, que la concupiscence ne peut plus nuire, pourvu toutefois que nous ne consentions pas à ses mouvements».

En revenant de Louvain, en septembre 1871, j'étais passé par Bois-d'Haine, pour voir la stigmatisée Louise Lateau (1), dont on parlait beaucoup. Mais j'avais été évincé par le curé, on n'était reçu qu'après avoir écrit et après avoir reçu l'autorisation. /

17 Au commencement de mars 1873, j'écrivis au bon curé, je lui offrais 50 francs pour son église.

Il me répondit: «Bois-d'Haine, 16 mars 1873. Monsieur le Vicaire, Ce n'est pas moyennant un don de 50 francs pour mon église qu'on puisse voir Louise Lateau. Cependant, je profite de temps en temps de la latitude que me laissent Mgr l'évêque et la famille Lateau, pour introduire des personnes qui veuillent m'aider à con­struire mon église. Le voyage que vous avez déjà fait (en 1871) et la générosité que vous manifestez m'engagent à vous réserver une pla­ce pour vendredi prochain, 21 du courant. De plus, si vous pouvez venir la veille ou arriver à Manage le vendredi matin vers 6 h, vous pourrez assister à la communion de Louise; elle communie chez el­le à 6 h 1/2. Voici les trains qui de Mons vous amènent à Manage en trois-quarts d'heure … de Charleroi à Manage, également en ¾ d'heure. De Manage à Bois-d'Haine il y a 20 minutes à pied. Ne vous laissez pas conduire par les prairies. On entre chez la stigmatisée à 1 h 50 et on en sort à 3 h…» Niels, curé.

J'allai à Bois-d'Haine le jeudi 20 après-midi. Le curé m'accueillit et me logea. Il me prêta le soir ses cahiers de notes. /

18 Louise Lateau avait les stigmates tous les vendredis depuis quelques années déjà. L'après-midi du Vendredi, elle tombait en extase, assistait aux scènes de la Passion, souffrait en union avec N. S. et sortait de l'extase peu après 3 heures. Elle ne mangeait plus et vivait de la sainte Eucharistie (1). N.-S. lui parlait dans extase de ses souffrances pour les âmes. Elle racontait ensuite ses impressions au curé qui en prenait note.

Je communiai Louise le matin et j'assistai à l'extase l'après-midi. Les deux visites furent également intéressantes et j'en restai très impressionné.

Le matin, au moment de la communion, Louise était dans un état surnaturel très saisissant. Elle sentait venir la sainte Eucharistie à dix minutes de distance. Elle était alors haletante sur son lit. Sa poitrine se soulevait. Les stigmates du front et des mains commençaient à saigner. Quand on lui présentait l'hostie, elle la saisissait avec ses lèvres si vivement qu'on se demandait si l'hostie ne se transportait pas d'elle-même de la main du prêtre aux lèvres de Louise. Sans être absolument en extase, elle était transfigurée.

L'extase de l'après-midi de 1 h à 3 h. Louise agenouillée assistait à l'agonie de N. S. / sur la Croix. Pendant l'extase, ses 19 stigmates saignaient abondamment. Elle était insensible. On pouvait la pi­quer sans qu'elle parût en souffrir. Mais le nom de Notre-Seigneur et la présence d'objets bénits et de reliques l'impressionnai (ent). Les assistants priaient tout haut. Le visage de Louise s'illuminait, surtout quand on prononçait les noms de Jésus et de Marie. Il en était de même si on approchait d'elle des chapelets, des médailles, une main sacerdotale.

A trois heures, elle tombait comme morte, les pieds croisés com­me s'ils étaient tenus par un seul clou. Ses bras étaient étendus. Si on les déplaçait, ils se remettaient. On se retirait ensuite avant que Louise sortit de l'extase.

Je ne vis rien en tout cela qui ne parût conforme aux règles du surnaturel divin. J'en revins très impressionné et très édifié.

Le R.P.Antoine Jenner jésuite prêchait le carême à St.-Quentin. Il était en relations avec de pieuses Soeurs franciscaines fondées à Strasbourg et transférées à Colmar. Elles voulaient échapper aux rigueurs 20 allemandes. Il avait parlé d'elles à M.Dours, vic.gén. / Celui-ci les avait encouragées à reprendre a Molain l'école-pensionnat des demoiselles Hocquet. Elles étaient là perdues dans une petite campagne. Leur pensionnat devait dépérir à cause de leur accent alsacien, et leur noviciat était là mal installé.

Le P.Jenner m'en parla, je proposai leur installation à St.Quentin dans un petit orphelinat dont j'étais l'aumônier à la rue St.-Louis. M.Dours approuva cette combinaison. Le 25 mars 1873, il m'écrivait: « Je souscris de tout cœur à votre pieux projet et, après avoir pris l'avis de Monseigneur, j'écris à Molain pour autoriser la Supérieure à faire le voyage de St.-Quentin». La Supérieure, la Rév.Mère Marie Uhlrich vint en effet me voir au vicariat. Elle m'édifia par son zèle ardent pour le bien. Je lui offris mon concours pour sa fondation à St.-Quentin et tout fut bientôt conclu. Il fut décidé que l'on préparerait la petite maison de la rue St. Louis, qu'on y or­ganiserait une modeste chapelle et que les Soeurs viendraient; quand tout serait prêt. C'est le 2 juillet, jour de la Visitation qu'eut lieu leur installation présidée par M.Gobaille. /

J'allais être désormais leur confesseur et leur directeur. Cette 21 circonstance providentielle prépara l'orientation de tout le reste de ma vie. Dès ce moment où je les rencontre sur le chemin de ma vie, je veux rendre hommage à leurs vertus exceptionnelles. J'en citerai quelques-unes de celles qui étaient là dès le commencement ou qui vinrent bientôt après. La Mère supérieure, qu'on a toujours appelée dans la communauté «La Chère Mère», était la fondatrice de cet institut naissant. Son but était la dévotion au S.-Cœur et la répara­tion. Elle avait cependant pris pour règles au commencement celles du Tiers-Ordre régulier de St.François. C'était plus facile pour com­mencer. Elle avait fait ses premiers essais à Strasbourg et à Colmar. Les Pères jésuites étaient ses conseillers. Elle avait rencontré dans le clergé des sympathies et des oppositions.

Personnellement, la Chère Mère était admirablement douée pour être supérieure et fondatrice. Elle avait la foi des Saints et un caractère absolument viril. L'éducation alsacienne jointe à son tempérament personnel lui avait donné une certaine raideur dans le / commandement, qui serait moins facilement acceptée par les vocations 22 françaises…

La Soeur Marie de St.Gabriel avait un véritable talent d'admini­stration, de la dignité, de l'ordre, de l'éducation, de la bonté. Elle pouvait tenir l'économat et le noviciat, et c'est ce qui eut lieu, avant qu'elle devînt supérieure de la maison de Dauendorf.

La Soeur M(arie) de St. Alphonse était une bonne matrone, toute simple, assez âgée et qui devait aller une des premières au ciel.

Les Soeurs M(arie) de la Providence et M.de Ste Claire étaient deux bonnes quêteuses, qui ont longtemps aidé et soutenu la com­munauté. Mais quelles natures différentes! La première était se­condée par une ardeur naturelle toute bouillante qu'elle mettait au service de sa foi. Elle avait, avec les écarts en moins, quelque cho­se du tempérament de Sainte Madeleine. La seconde était une Marthe, toute simple et bonne, une bonne Israélite qui ne connais­sait pas la ruse. La première étant contenue et dirigée pouvait faire des merveilles, elle fit en effet de grandes choses et recueillit des sommes considérables pour la maison-mère et pour les fondations de 23 Lorraine. La seconde devait se dévouer toujours / sans bruit et sans éclat.

Soeur M(arie) Oliva était la belle-Soeur de la Chère Mère. Elle était veuve et avait une fille, Marie Uhlrich, qui fut élevée au cou­vent de la Croix. Cette Soeur avait de la distinction et de l'éduca­tion. Elle plaisait aux personnes du monde par sa bonne grâce et sa douceur. Elle était toujours égale, très dévouée, vraiment zélée et charitable. Occupée plus tard à l'Institution St.-Jean, elle mourut à la tâche.

Soeur Véronique avait aussi un naturel charitable et dévoué. Elle montra un courage viril avec un dévouement maternel quand on la chargea des orphelins au Patronage. Elle avait un vrai talent d'orga­nisation, du savoir-faire et beaucoup de bon sens. Elle souffrit sou­vent sans se plaindre.

Enfin Soeur M(arie) de St.Ignace était de l'école des grandes my­stiques allemandes. Victime de réparation agréée par N. S., elle pas­sa des années entre la vie et la mort. Elle eut des grâces d'oraison très élevées. Toujours souriante dans la souffrance, elle montra un admirable instinct surnaturel. Je la tiens pour une sainte et je vou­drais que ses Soeurs eussent écrit sa vie jour par jour.

24 C'était vraiment un groupe d'élite. / Mgr Thibaudier disait: «C'est une sainte communauté, tâchons qu'elles s'ignorent et de­meurent dans l'humilité.» La divine Providence se chargea de les te­nir dans l'humiliation et la souffrance.

J'allais désormais confesser ces pieuses Soeurs et leur faire un entretien chaque semaine. Je me servis de Rodriguez et des deux volumes de St.Liguori sur La parfaite épouse de Jésus Christ. Je trouvai souvent dans cette direction des lumières et des secours pour mon âme.

Je suivis au mois d'août la retraite ecclésiastique diocésaine à Soissons. La retraite était donnée par le Supérieur des Lazaristes d'Angers. Je n'en ai gardé que le plan, sans noter mes impressions. Ouverture: «Assumpsit-Jésus Petrum… (Lc 9,28) la transfiguration.»

1er jour: Méditation: «la Prière; Jésus modèle de la prière. Entretien: l'Etude - Examen: l'humilité - Conférence: les amis et les ennemis du prêtre: confrères, autorités. - Sermon: le péché.»

2e jour: Méditation: «l'Enfant prodigue - Entretien: la prédication - Examen: la mortification - Conférence: les pauvres, les malades, les enfants - Sermon: le jugement.»

3e jour: Méditation: «le Bon Pasteur. / - Entretien: la confession 25 (St.Charles Borromée: pii, docti…) - Examen: le défaut domi­nant, le connaître et le combattre. - Conférence: les ennemis du prêtre: le démon, le monde, mulieres. - Sermon: la tiédeur (St.Bernard, in Ascensione).»

4e jour: Méditation: «le S.-Cœur - Entretien: la Sainte Messe. - Examen: la conformité à la volonté de Dieu. - Sermon: la Ste Vierge: Salve Regina.»

Je me servis comme lecture d'un pieux volume de M.Gobaille: Le mois sacerdotal.

Je n'ai pas été fidèle cette année à écrire mes impressions quoti­diennes. J'ai essayé pendant quelques jours, fin décembre 72 et jan­vier 73, puis je l'ai laissé.

Le ler décembre, j'écrivais: «Da mihi, Domine, sedium tuarum assi­stricem sapientiam, ut mecum sit et mecum laboret (Sap.9, 4). Celui qui ai­me Dieu n'est bien qu'avec Dieu, et la conversation lui est insipide si on n'y parle pas de Dieu.»

Le 2 décembre: «Consilium custodiet te (Pr 2,11). Prendre conseil de Dieu en tout et, dans le doute, d'un homme sage. Ne pas négli­ger l'examen particulier.»

Le 3: «Spiritu principali confirma me (Ps 50,14). Donnez moi 26 la force, Seigneur, d'être fidèle / jusque dans les petites choses. L'ob­servation d'une règle de vie est un martyre continuel de la vo­lonté.»

Le 5: «Beatus quem erudieris, Domine (Ps 93,12). Donnez moi, Seigneur, le don de science et la grâce de voir les choses comme el­les sont devant vous et de les estimer pour ce qu'elles valent à vos yeux.»

Le 6: «Vani sunt homines in quibus non subest scientia Dei (Sap 13,1). La science du salut doit être l'objet principal de mes études. Quelle science peut lui être comparée?»

Le 16: «L'esprit de piété consiste dans l'amour filial envers Dieu. Il nous faut craindre ce qui peut affliger son cœur. Mon Dieu, je suis attristé de vous voir offensé et de ne pas pouvoir m'y opposer. Mon désir est d'accomplir en tout votre sainte volonté. Je m'em­presserai de vous dédommager par tous les moyens possibles des outrages que vous recevez. J'aime aussi tout ce qui tient a vous, l'Eglise, les Saints, la vertu, les âmes rachetées par votre sang.» (Cette note montre que N.-S. me préparait à l'esprit que devrait avoir la congrégation qu'il voulait m'amener à fonder).

Le 17: «Confige timore carnes meas (Ps 118, 120). Il faut entretenir dans nos cœurs une / crainte vive et intense, de peur qu'elle 27 ne nous fasse défaut dans les moments où elle serait le plus nécessai­re.

Le 19: «Castigo corpus meum, ne forte reprobus efficiar (1 Cor IX, 27): Je veux tout sacrifier et ne rien épargner afin d'avoir un espoir aussi rassurant que possible de mon salut.»

Le 2 janv.: «In omnibus factis et verbis tuis semper quasi exemplar Christum respicias, stans, edens et comedens, tacens et loquens, solus et cum aliis (St Bonav ). Nunc coepi (Ps 76,11). Pourquoi retarder? Je crois; je sais, pourquoi ne pas agir?

Le 6 janv.: «Les Mâges nous enseignent à être dociles aux inspira­tions de Dieu. De cette docilité dépend notre salut. Il y a de ces in­spirations qui peuvent être décisives. Toutes forment une chaîne qu'il est imprudent d'interrompre.»

Le 15: «La foi vive s'entretient par la méditation, la lecture pieu­se, la visite au St Sacrement, le Chemin de la Croix. La foi produit les œuvres et les œuvres sont la gloire de Dieu et notre salut. Je se­rais donc bien insensé de laisser ma foi sommeiller et s'obscurcir. Domine, adauge nobis fidem (Lc 17, 5).

Le 16 janv.: «Admoneo te ut resuscites / gratiam Dei quae est 28 in te per impositionem manuum mearum (II Tim 1, 6). Mon Dieu, renouve­lez dans mon âme la grâce de mon sacerdoce. Puisse je retrouver et conserver la ferveur de mon ordination!»

Ce cri montre que j'étais débordé par l'action extérieure. La vie intérieure commençait à en souffrir. Je n'ai pas su me réserver suffi­samment pour mes devoirs de vie intérieure.

Mes lectures étaient en rapport avec mes besoins personnels et mes œuvres. Je ne goûtais pas la pure littérature, le roman, ce qu'on appelle l'art pour l'art. Je lisais St.Grégoire, De Sacerdotio; Marchant, ses œuvres ascétiques (1); les œuvres de Mgr Pie. Je lus aussi la vie de Mgr de Simonis (2), écrite par M.Péronne; la rhétori­que sacrée, par M.Hamon (3) l `Univers et quelques revues me pre­naient aussi un peu de temps.

St.Grégoire me rappelait le précepte divin de l'amour, avec les fruits de cet amour et les conditions de notre correspondance:

«Manete in me et ego in vobis (Joan 15,-). Qui manet in me et ego in eo, hic fert fructum multum. Si manseritis in me et verba mea in vobis manserint, quodcumque volueritis petetis, et fiet vobis (Jo 15,5.7). Qui dicit se in ipso manere, debet sicut ille ambulavit et 29 ipse ambulare / (1 Jo 2, 6). Probatio dilectionis exhibitio est operis. Amor operatur magna si est; si au­tem operari renuit, amor non est (St. Greg.).

En lisant Marchant, je remarquai beaucoup le chapitre où il mon­tre que le prêtre peut acquérir la sainteté dans la vie séculière (Sacerdotes posse in saeculo perfectionem assequi: Virga Aaronis, tr. I. lect. VI).

En faisant ma lecture d'Ecriture Sainte, je copiai un passage de la Genèse qui marque le contraste entre les procédés des peuples an­ciens et les nôtres vis-à-vis du clergé: «Joseph avec les réserves des greniers publics, acheta toutes les terres des sujets, qui souffraient de la famine et offraient leurs biens pour obtenir du froment. Il n'y eut d'exception que pour les biens des prêtres.- Emit igitur Joseph omnem terram Aegypti, vendentibus singulis possessiones suas, prae magnitudine famis. Subjecitque eam Pharaoni… a novissimis terminis Aegypti usque ad extremos fines ejus, praeter terram sacerdotum quae a rege tradita fueri eis; quitus et statuta cibaria ex hormis publicis praebebantur, et idcirco non sunt compulsi vendere possessiones suas … Ex eo tempore usque in praesentem diem, in universa terra Aegypti, regibus quinta pars solvitur (double dîme), et factum / est quasi in legem, absque terra sacerdotali, quae 30 libera ab hac conditione fuit. (La terre sacerdotale est restée exempte d'impôts) (Gen XLVII, 20-22, 26).

Sur la rhétorique sacrée, je copiai un passage de Fleury qui excusait mon peu de littérature, mais qui n'était peut-être pas bien exact. «Il ne faut pas penser, dit Fleury, que les Pères en soient moins éloquents pour ne pas parler le grec et le latin aussi purement que les anciens orateurs. On doit distinguer l'éloquence de l'élocution, qui n'en est que l'écorce. Quelque langue qu'on parle et quelque mal qu'on la parle, on est toujours éloquent quand on sait choisir les meilleures raisons et les bien présenter, avec des images vives et des figures convenables (Discours sur l'histoire des six premiers siècles). Cela n'est guère conforme à la définition classique: «Vir bonus dicendi peritus» (1), mais c'est peut-être Fleury qui a raison contre elle. On ne peut pas d'ailleurs comparer le latin des Pères avec celui des auteurs classiques, c'est une autre langue.

De Mgr de Simonis je copiai dans sa Vie quelques belles pensées sur la politesse et la bonté. «Le monde, dit-il, qui connaît le prix 31 de la bonté et de la générosité, / a voulu au moins en conserver les dehors sous le nom de politesse, et y a ajouté même une certaine grâce et certaines recherches qui ont à la vérité leur mérite, mais qui sont bien peu de chose auprès de cette franchise, de cette cordialité qui naissent du fond même de la bonté. Le mérite de la politesse consiste en ce qu'étant devenue pour l'amour-propre un devoir impérieux, elle produit au milieu de tant de gens dominés par l'intérêt personnel, l'égoïsme, la cupidité, la haine, la vanité, etc, des égards, des convenances et une réciprocité de légers services qui y conservent au moins l'image de la paix, qui en bannissent et empêchent ces explosions de passions qui feraient de la société un séjour de désordre et de confusion» (page 112). - «Dégagez-vous, j'y consens, de tous ces commerces, de toutes ces sociétés, de toutes ces liaisons qui sont inutiles ou superflues; ne recherchez point les heureux du siècle; la portion d'oisiveté ou d'ostentation qu'ils déchargeraient sur vous, d'autres seront assez empressés à les en délivrer; mais le malheureux, mais l'ouvrier laborieux, mais ces hommes qui ne connaissent les égards que par ceux qu'ils rendent aux autres, et les douceurs de la vie que par les privations qu'ils en éprouvent, 32 qu'un visage ouvert, / des manières engageantes, un ton et des paroles qui marquent l'intérêt, leur montrent un cœur à qui ils ne sont pas indifférents, et que des services réels, suivant le pouvoir et l'occasion, leur prouvent solidement que vous vous intéressez à eux. Ils vous verront toujours avec plaisir vous rapprocher d'eux, vous informer de ce qui les touche, ou seulement vous en oc­cuper; vos questions ne les importuneront pas, parce qu'ils y ver­ront un intérêt auquel ils ne sont pas accoutumés» (page 106).

Tout préoccupé des questions sociales, je notais dans L'Univers, un fragment de discours du R.P. Perraud, de l'Oratoire (depuis évêque et cardinal), sur les Patronages de Paris, et deux articles d'Henri Lasserre sur la responsabilité des Classes dirigeantes et du Clergé.

Sur les Patronages de Paris: «Il y a déjà dans ces Patronages, et on peut dire qu'ils en sont encore à leurs débuts, environ six mille en­fants ou jeunes apprentis, qui fréquentent chaque dimanche les maisons de l'Œuvre. Supposez, et cette supposition n'est rien moins qu'irréalisable, qu'on arrivât à quintupler les ressources de cette Œuvre, on pourrait alors recevoir trente mille apprentis. Ce chiffre représente à peu près le nombre total des enfants et jeunes gens de cette grande ville qui vont dans les ateliers pour y appren­dre un état. Je ne / crains pas de l'affirmer, si tous les dimanches, 33 pendant plusieurs années, tous les apprentis de Paris venaient trouver dans les maisons de Patronages, avec les honnêtes distrac­tions que leur âge réclame, les solides principes d'une religion con­nue, pratiquée, aimée, on aurait écarté les plus grands dangers de la crise actuelle…»

Sur la responsabilité des classes dirigeantes: «Mais ces populaces s'égarent et nous entraînent aux abîmes ! - Il fallait les mieux con­duire et les maintenir dans le droit chemin. Vous aviez le pouvoir.­ Mais elles veulent s'emparer du bien d'autrui, se vautrer sur les jouissances, verser le sang de quiconque possède ! - Il ne fallait pas exciter leur convoitise par votre luxe abominable, par votre délica­tesse et vos sensualismes raffinés, par vos exploitations homicides; il fallait leur apprendre le respect de la fortune en la respectant vous mêmes comme une fonction sainte, au lieu d'en mésuser comme d'un privilège inique. Vous aviez la richesse. Mais elles sont ignares et insensées, elles veulent tout renverser en leur imbécillité furieuse, elles veulent précipiter l'ordre social dans les utopies les plus absur­des! - Il fallait les mieux instruire. Il fallait mettre dans leur esprit des idées saines, dans leurs cœurs des sentiments droits-Vous aviez la science, vous aviez le talent, 34 l'éloquence, / l'art d'écrire. Vous possédiez l'enfance par les collèges et les écoles, l'âge mûr par la littérature et par la publicité sous toutes ses formes. Vous étiez l'en­seignement - Mais elles ne veulent plus de la famille ni du mariage. Leurs enfante naturels forment le tiers des naissances dans les gran­des villes; leurs maîtresses sont des pétroleuses et tiennent la torche à la main! Il ne fallait pas leur ouvrir vous-mêmes le chemin de l'im­moralité; il ne fallait pas entourer le trône de courtisanes et de bâ­tards; il ne fallait pas couvrir de dentelles et de pierreries les épau­les de vos impures compagnes; il ne fallait pas, hommes d'Etat, mi­nistres, ambassadeurs, sénateurs, députés, banquiers, négociants, magistrats, rentiers, fils de famille, publicistes, classes dirigeantes en un mot, donner le spectacle éhonté de vos infamies et semer la corruption publique comme on sème la peste; il ne fallait pas célébrer l'impudeur sur vos théâtres et, hier encore, dépenser 50 millions à construire votre opéra et à élever un temple à vos danseuses. La pé­troleuse qui brandit la torche descend en droite ligne de ces quel­ques maîtresses de rois qui donnaient le signal de la fête aux artifi­ciers de la Cour, et de ces nobles prostituées pour lesquelles / 35 flamboyaient de mille feux les lustres éclatants des fins soupers de la Régence; et elle est soeur de la ballerine que vous traînez au Bois au petit galop de vos chevaux et qui vous passe sa cigarette pour al­lumer votre londrès. Vous étiez les aînés et les chefs de la famille humaine; vous vous deviez à élever ceux de vos frères demeurés en arrière; au lieu de cela vous avez donné le grand scandale et vous avez corrompu ces petits. Malheur à vous. Il vaudrait mieux qu'on vous eût mis une meule de moulin au cou et qu'on vous eut jetés à la mer. Vous étiez l'exemple… «Sur la responsabilité du Clergé: «Mais ces populaces ne croient pas même en Dieu. Elles sont athées et en fureur contre toute religion. - Il fallait leur enseigner Jésus­-Christ, non seulement de bouche, mais d'action. Vous aviez la chai­re, vous aviez les écoles, vous étiez présents dans toutes les parois­ses; vous étiez d'innombrables légions occupant les fonctions sa­crées; vous aviez pour vous la Vérité même dont vous étiez les pre­miers soldats. Et cependant, tandis qu'il a suffi de douze Apôtres pour convertir le monde païen, vous, qui étiez toute une armée d'ecclésiastiques, voilà que vous aviez laissé se pervertir le peuple chrétien, et tomber / dans l'athéisme 36 les malheureuses multitu­des de cette France catholique qui jadis avait mérité le beau nom de Fille aînée de l'Eglise. Que vous a-t-il donc manqué? Je vous le dirai, car je suis de ceux qui vous aiment et non pas de ceux qui vous flattent. Il vous a manqué la sainteté et la vertu des Apôtres. C'est à vous seuls, qu'a été adressée la parole du Maître, et elle est infaillible: Vous êtes la lumière du monde, vous êtes le sel de la terre (Mt 5, 13-14). Or cette lumière n'est pas éteinte, car elle suffit encore à vous éclairer personnellement et à vous faire marcher dans la droite voie. Mais cette lumière qui, dans tout son éclat, devrait être votre sainteté à vous et illuminer le monde tout à l'entour, n'est plus assez vive pour être soleil des peuples; et, sauf le cercle restreint, qui se meut à la faible portée de votre lampe, tout est dans les ténèbres autour de vous. Ce sel, qui est la sagesse même de Jésus dans l'âme de ses prêtres, ce sel n'a point disparu tout à fait, car il y en a encore assez pour vous empêcher individuelment de vous corrompre; mais il n'est plus suffisant pour préserver la terre, et vainement vous êtes répandus au milieu des nations, les nations se décomposent de toutes parts et tombent en pourri ture.0-prêtres de Jésus-Christ! Vous êtes l'avant / -garde du bien. Si vous avancez, les peu­ples avancent; si 37 vous reculez, les peuples reculent; mais dans un cas comme dans l'autre, ils ne marchent point à votre niveau et ils sont toujours, inévitablement, d'un degré au-dessous de vous. Et c'est ainsi que se vérifie cette belle loi, formulée par un grand phi­losophe de notre temps Blanc de Saint Bonnet, en son livre De la Restauration (1): «Un clergé saint fera un peuple vertueux; un clergé vertueux fera un peuple honnête; un clergé simplement honnête fe­ra un peuple impie. Il nous aurait fallu, il nous faudrait des Saints…»

Dans La Revue de l'Enseignement chrétien, je lisais cette curieuse ré­flexion: «Autrefois, au Moyen Age, les ordres religieux comptaient beaucoup plus d'hommes que de femmes. Aujourd'hui les femmes forment les cinq sixièmes des personnes vouées à la vie religieuse. Elles comptent cinq fois plus de personnes vouées à l'enseignement dans les maisons religieuses et cinquante fois plus vouées à la vie hospitalière. Au contraire le sexe féminin ne contribue que pour moins d'un cinquième dans le nombre des criminels et des délin­quants, moins d'un quart dans celui des suicides et moins de la moitié 38 dans celui des aliénés. La différence s'accentue de / plus en plus, elle a passé du quadruple au quintuple depuis quarante ans. C'est parce que l'usage est resté d'instruire les femmes chré­tiennement. La décadence des hommes vient de l'Université.

Je conservais généralement les actes de l'évêché. Il y en a eu deux cette année qui marquaient des événements importants. Le pre­mier invitait a la prière pour triduum général demandé par le Souverain Pontife à l'occasion de la fête de l'Assomption. Mgr Dours nous présentait bien ce triduum.» … La prière a toujours été l'arme victorieuse dont l'Eglise s'est servie dans les divers combats qui l'ont assaillie pendant le cours des âges. Dans les premières années de sa fondation, lorsqu'elle voyait liguées contre elle toutes les puissance de la terre; lorsque le Prince des Apôtres, enchaîné dans les prisons d'Hérode était privé de toute communication avec les fidèles, les chrétiens assemblés ne cessaient de faire monter leurs supplications vers le Seigneur afin d'obtenir la délivrance de leur chef vénéré … Les prières touchèrent le cœur de Dieu; il brisa miraculeusement les chaînes du Chef de son Eglise, et, prenant un nouvel essor, le ministère apostolique / multiplia ses pacifiques conquêtes. 39 Les circonstances présentes ne sont pas moins pleines de tristesse et d'angoisse. Jamais peut-être l'Eglise ne s'est trouvés en butte a des attaques plus violentes. Dans ces dures extrémités, no­tre refuge est toujours le même: implorer le secours du Dieu tout­-puissant par une humble et fervente prière. Aussi est-ce avec un doux sentiment de consolation et d'espérance que nous voyons l'esprit de prière se ranimer dans les cœurs de ceux qui ont eu le bonheur de conserver la foi. Nous en avons des preuves bien tou­chantes dans ces pieuses manifestations, dans ces admirables pèleri­nages par lesquels une foule innombrable de tout âge, de tout sexe et de toute condition s'empresse a l'envi vers les sanctuaires vénérés où le Seigneur a fait éclater les effets de sa miséricorde par une multitude de prodiges. Le Chef auguste, que Dieu, par un dessein tout particulier de sa divine bonté, a placé à la tête de son Eglise dans ces jours d'épreuves et de tribulations … ne néglige aucune oc­casion de nous exciter à recourir à ce puissant moyen de la prière, pour conjurer les maux qui nous pressent de toutes parts. Dans les enseignements infaillibles (Mgr était converti depuis le Concile) qu'il adresse à 40 tous les fidèles / du haut de la chaire apostolique, aussi bien que dans ses audiences particulières dans le­squelles il épanche les paternelles effusions de son cœur, si plein de foi, de charité, et de confiance, il revient sans cesse sur l'indi­spensable besoin de multiplier nos supplications pour supplier le Seigneur de défendre et de protéger son Eglise.

Cet auguste et bien-aimé Pontife renouvelle en ce moment ses paternelles instances: il vient, sur la demande de l'Alliance des Œuvres catholiques (Foedus Piarum societatum catholicarum) d'indiquer pour les trois jours qui précèdent la fête solennelle de l'Assomption de la Très Sainte Vierge, un Triduum de pénitence et de prières qui sera célébré dans toute l'Eglise. Il a désigné pour prière à réciter chaque jour de ce triduum les litanies des Saints… Nous profitons de cette circonstance pour recommander à votre zèle la pieuse association de l'Apostolat de la prière, ou ligue du Cœur de Jésus pour le salut des âmes, le triomphe de l'Eglise et du Saint Siège…»

Nos jeunes gens du Patronage prirent part au triduum de la Basilique et y firent entendre leurs chants ardents et sincères. La 41 vieille église n'était plus habituée aux voix / des travailleurs.

Un autre circonstance solennelle signalée par une lettre épisco­pale fut celle de la souscription pour l'œuvre de Montmartre.

Le 17 décembre, Mgr nous écrivait: «Vous n'ignorez pas qu'une église monumentale dédiée au Sacré-Cœur de Jésus doit être élevée prochainement, à titre de voeu national, sur la colline de Montmartre à Paris. Ce voeu national a pour objet d'abord d'offrir au Sacré-Cœur de Jésus une amende honorable perpétuelle pour les fautes de tout genre qui l'ont si gravement offensé, et ensuite de lui consacrer la France d'une manière plus particulière pour obte­nir de son infinie miséricorde tous les secours dont nous avons be­soin dans l'ordre religieux et dans l'ordre social. Il est inutile de vous retracer les diverses phases qu'a suivies ce noble et pieux projet: qu'il nous suffise de vous rappeler ici que, sanctionné par un vote de l'Assemblée nationale, il a été hautement approuvé par notre Saint Père le Pape et que Sa Grandeur Mgr l'archevêque de Paris a revendiqué l'honneur de l'accomplir avec les seules ressour­ces de la charité privée. En présence de cette glorieuse mais très lourde / charge qu'il a bien voulu prendre et malgré la somme considérable 42 déjà souscrite dans ce but, l'illustre prélat s'est vu dans la nécessité de faire un chaleureux appel au concours bienveil­lant de tous ses vénérés collègues de France. Nous avons vivement à cœur de répondre, autant qu'il est en Nous, a un appel si pressant et si bien motivé. Il s'agit ici en effet d'une œuvre catholique par excellence et d'une œuvre véritablement nationale de laquelle nous pouvons attendre les résultats les plus heureux pour le bien commun de la religion et de la France. Nous avons en outre dans ce diocèse des raisons particulières de nous intéresser à cette sainte entreprise. Pourrions nous oublier qu'un de nos vénérés prédéces­seurs (Mgr Languet de Gergy), aussi distingué par ses vertus que par sa science, a été des premiers à établir parmi nous la dévotion au S.-Cœur de Jésus et des plus zélés à la défendre contre les pré­ventions injustes de ses détracteurs? Et depuis, à une date qui est encore présente à la mémoire de la plupart d'entre vous, un autre de mes prédécesseurs (Mgr de Garsignies), animé du même zèle et du même sentiment de piété, n'a-t-il pas consacré solennellement dans sa cathédrale le diocèse de / Soissons et Laon au Sacré-Cœur de Jésus en 43 même temps que cet acte de consécration était répété par la voix unanime de tous les pasteurs dans chaque parois­se? (La consécration générale du diocèse au S.-Cœur fut faite le jour de Pâques de l'année 1853)… Nous ne doutons pas que tous les pieux fidèles ne se fassent un bonheur de concourir, suivant leurs moyens, à une si belle œuvre, et Nous osons compter aussi sur la générosité de ceux qui, moins stimulés par le motif religieux, savent du moins comprendre que la religion est la base de la société…»

Je fis mon possible pour aider à cette souscription a S. Quentin. Nos jeunes ouvriers eux-mêmes donnèrent leur obole.

Ma correspondance avec ma famille est aussi un récit simple et court de ma vie.

Le 20 janvier, j'écrivais: «Vous vous impatientez sans doute de ne pas recevoir de mes nouvelles. C'est que le mois de janvier est plus que tout autre fécond en besogne. Il faut faire des visites et en rece­voir, écrire des lettres et ne pas négliger les occupations du ministè­re, qui ne font jamais défaut ici. Le Patronage m'occupe toujours beaucoup. Il a fallu préparer une séance épiscopale, car 44 nous / avons ici Monseigneur depuis deux jours. Il s'est rendu hier à notre réunion de jeunes gens. La grande salle presque finie était disposée avec soin. Un des enfants a lu un compliment. Mgr a répondu, puis nos jeunes associés ont chanté. Mgr a paru fort satisfait… J'ai fait un certain nombre de visites avec M.Mathieu, je constate que partout notre Œuvre est très appréciée… Notre dette se paiera petit à petit, nous avons déjà donné près de 7.000 francs.

Le 31 janvier: «Le temps passe rapidement. Il n `y a pas à le re­gretter si nous avons fait chaque jour quelque bien. C'est ainsi que je me console, quand je vois les mois et les années se succéder. Les longues préoccupations que m'ont données mes constructions di­sparaissent peu à peu. Nos travaux touchent à leur fin et j'espère que nous serons entièrement organisés quand vous viendrez com­me l'année dernière faire vos pâques à Saint Quentin. Je n'ai plus aucune inquiétude sur la bonne marche de l'Œuvre. Vous remer­cierez Dieu avec moi de ce que j'ai réussi dans cette première entre­prise. J'ai constaté dans mes visites de nouvel an que cette fonda­tion contribuerait à me donner ici une certaine influence dont je pourrai me servir 45 pour faire du bien. Monseigneur m'a fort / encouragé.- En outre de mon Patronage, j'ai été encore fort occupé ce mois-ci d'une famille protestante qui est en train de revenir à la religion catholique. J'ai eu à faire bien des démarches, mais je suis heureux de cette conversion. (Il a fallu catéchiser et préparer au baptême et à la première communion plusieurs enfants.) - J'étais sûr que vous liriez volontiers le livre de H.Lasserre sur Notre-Dame-de-­Lourdes. Il est très attrayant. Il ne laisse aucun doute. C'est un livre qui fait beaucoup de bien à tous ceux qui le lisent…»

Le 1er mars: «J'ai eu le plaisir de posséder pendant trois jours l'abbé Désaire. Il a abandonné la congrégation de l'Assomption, parce qu'il a vu comme moi qu'elle ne pouvait pas faire pour les hautes études ce que nous avions espéré. Il est entré dans le clergé de Paris et il vient d'être nommé vicaire à St-Pierre-du-Petit-­Montrouge.- Nous avons eu mardi dernier une belle fête au Patronage. Les enfants ont joué une pièce. Des amateurs de la ville nous ont donné des chants, des morceaux de piano et de violon. C'était une magnifique soirée. Notre grande salle contenait, outre les 200 associés, 150 personnes de la ville. Nous allons commencer ici les exercices du carême. / Nous avons deux Pères jésuites qui fe­ront 46 beaucoup de bien. J'espère que papa viendra faire leur con­naissance au temps de Pâques…»

Le 8 mars, j'envoyais deux petits compliments en vers à mes peti­tes nièces pour la fête de leur grand'mère. J'ajoutais: «Notre carê­me est bien en train. Les retraites successives nous donnent de la besogne. Il se fait quelque bien, cependant nous sommes débordés par l'influence de la mauvaise presse et du parti révolutionnaire.

Notre Patronage marche bien. La petite chapelle s'organise. Je commencerai dans huit jours à y dire la messe…»

Le 21 mars: «Je suis revenu enchanté de mon petit voyage en Belgique. Arrivé jeudi soir à Bois-d'Haine, j'ai trouvé chez M.le curé la plus gracieuse hospitalité. Le vendredi matin j'ai porté la sainte communion à Louise Lateau. Elle était absorbée dans la prière et haletante de souffrances. Le sang coulait abondamment de ses mains et de son front. L'après-midi, j'ai assisté pendant une heure à son extase avec une douzaine d'étrangers qui avaient comme moi l'autorisation de la voir. Elle était assise au bord de sa chaise, les yeux ouverts et tournés vers le ciel. Elle était insensible à tout ce qui se passait autour d'elle. Pendant l'extase, elle ne voit 47 ni n'entend et n'a plus de relation / qu'avec Notre Seigneur, qu'elle voit devant elle avec toutes les scènes de sa Passion. On peut la piquer, elle n'en éprouve aucune sensation. Le sang coule abondamment de ses plaies j'en ai recueilli sur un mouchoir. Elle s'unit aux prières que l'on récite. Elle le témoigne par un tressaillement de joie, sans doute parce qu'elle voit Notre Seigneur se réjouir quand on prie. Elle est très sensible aux noms de Jésus et de Marie et aussi à celui de Pie IX. Quand on récite la belle prière «O bon et très doux Jésus» (vers trois heures), elle se jette à genoux. A trois heures, elle se prosterne à terre et, quelques minutes après, elle étend les bras en croix. Elle reste ainsi jusqu'à 4 H 1/2. Elle éprouve alors une agonie effroyable et semble sur le point de mourir, puis elle revient à elle peu à peu.

Les autres jours de la semaine, elle n'a pas d'extases, mais seule­ment des visions spirituelles dans l'oraison. Elle travaille à la coutu­re. Voilà cinq ans qu'elle a chaque semaine les stigmates et les exta­ses, et depuis deux ans elle ne mange ni ne boit. Elle est aussi de­puis plusieurs mois privée de sommeil. Cependant en dehors du vendredi, elle paraît pleine de santé. Tous ces faits sont indubita­bles et tous ceux qui en sont témoins en sont profondément tou­chés. 48 C'est une des / nombreuses manifestations par lesquelles le bon Dieu veut réveiller notre foi et nous exciter à la pénitence Je suis toujours satisfait de la marche de mon Patronage. J'en ai visité plusieurs à Paris. Ces petits voyages m'empêchent d'aller prochai­nement à La Capelle. Tâchez de venir me voir au temps de Pâques…»

Le 18 avril: «J'étais fort occupé depuis quelques jours, j'avais à préparer la fête d'hier au Patronage. Ma peine n'a pas été perdue, nous avons eu une soirée magnifique. Tout le monde en est sorti enchanté. Les romances et les choeurs étaient exécutés par des membres de la Société chorale de St-Quentin. Notre petite pièce patriotique a eu le plus grand succès. Nos apprentis l'ont admira­blement interprétée. C'était un mélange de pathétique et de comi­que, qui faisait tour a tour rire et pleurer l'assistance. Notre salle était beaucoup trop petite (c'était encore la chapelle actuelle). Nous avions invité l'élite de la société. La quête a produit 200 francs. Je vous enverrai le Journal qui donnera le compte-rendu.

Le 29 avril: «J'ai eu beaucoup à faire depuis que vous êtes venu me voir. C'était le temps pascal, il y avait double besogne / à 49 la paroisse, et le Patronage ne me laissait pas un instant de répit. La fête que nous avons donnée a achevé de nous faire connaître et de nous conquérir toutes les sympathies de la ville. Des dons nom­breux nous arrivent pour notre chapelle … La conférence de St­-Vincent-de-Paul nous a voté un secours de 1000 francs et j'ai reçu de Paris un don de 300 francs. J'ai donc pu depuis votre voyage verser 1.500 francs sur la construction, ce qui porte à 9.000 francs le total des acomptes versés. Nous avons répété, il y a huit jours, pour nos enfants et leurs familles la fête que nous avions donnée à nos bien­faiteurs. - Le Cercle s'organise pour les grands jeunes gens. Le bil­lard est monté. La salle de lecture est finie. Le concierge occupe son logement depuis quelques jours. Nous avons encore créé dans notre local une nouvelle œuvre, celle des soldats. Nous avons a notre chapelle une messe militaire le dimanche à 11 heures et les soldats jouissent de la maison jusqu'à 3 heures, pendant que les enfants n'y sont pas. Vous devez comprendre pourquoi j'écris peu et rarement. Toutes ces œuvres ne se font pas sans peine ni travail…» /

Le 3 juin: «J'ai reçu aujourd'hui (de bonnes nouvelles) de M. 50 Demiselle. Il nous a obtenu pour le Patronage un secours de 500 francs de l'Œuvre de St-François-de-Sales. Il nous aide de tout son pouvoir … Les travaux du Patronage sont terminés, sauf les peintu­res, qui ne se feront qu'à la fin de l'été. J'ai beaucoup plus de li­berté et je puis travailler un peu à mon bureau. Le Cercle de jeunes gens annexé au Patronage marche très bien. Ils sont déjà 25, tous bons chrétiens et donnant l'exemple aux plus jeunes…»

Le 16 juin: «Nous sommes ici en grands préparatifs de première communion. C'est après-demain qu'elle doit avoir lieu Jeudi ce sera la confirmation donnée par Mgr l'évêque de Beauvais à plus de 700 enfants. Mgr Dours est encore souffrant et ne peut pas venir. Après toutes ces cérémonies, nous serons moins occupés et nos anciens du Vicariat prendront leurs vacances. M.Genty partira jeudi soir pour la Bretagne. M.Mathieu ira la semaine prochaine à Paray-le­-Monial. Etes-vous décidés à faire aussi votre tour de France? J'ai écrit à ma tante Penant que, si elle tenait à partir à la fin de ce mois, 51 je serais libre le 30. J'attends sa réponse. / Si elle craint les chaleurs, je puis attendre jusqu'à la fin d'août. Je serais heureux de vous avoir pour ce voyage et je suis sûr que vous seriez grandement édifiés de la visite de nos principaux sanctuaires…»

Le 23 juin: Les chaleurs qu'il fait depuis quelques jours me conso­lent du retard de notre pèlerinage. Nous aurons une température plus favorable au mois de septembre. J'éviterai ainsi de faire deux voyages. J'assisterai au congrès des Associations ouvrières du 25 au 30 août et j'irai de là à Auray et à Lourdes.

Nous avons fait ici cette année de belles processions au grand désappointement des mauvais journaux. (L'action anti-cléricale com­mençait déjà en 1873). Les journaux nous ont accablés d'injures. J'en ai eu ma large part à cause de quelques mots d'un sermon qui ont été exploités et interprétés comme ces gens savent le faire. Je ne leur ai pas répondu. Tous les honnêtes gens les méprisent. Monseigneur de Beauvais (Mgr Gignoux) n'est resté ici qu'une journée. J'étais très heureux de le revoir. Il m'a demandé avec beaucoup de bonté des nouvelles des autres sténographes. Il était heureux aussi de causer de Rome et du Concile.- Le Patronage mar­che bien. Il s'est augmenté d'un bon nombre / d'enfants qui vien­nent de faire leur première 52 communion. Nous avions hier une belle séance de physique amusante. Une trentaine de personnes sont parties ce matin pour le pèlerinage de Paray-le-Monial avec M.l'Archiprêtre.

Palustre m'écrit de temps en temps, Il passera par St Quentin au mois d'août en se rendant en Hollande pour assister à l'abjuration d'un de ses amis que de protestant se fait catholique. Il s'arrêtera ici deux ou trois jours..»

Le 12 juillet: «Nous avons eu jeudi notre séance annuelle du compte-rendu. Notre rapport était très intéressant, nous le ferons imprimer et je vous l'enverrai…»

Le 7 août: «Il a bien longtemps que je n'ai eu de vos nouvelles. J'ai passé, comme je vous l'avais annoncé, quelques jours à la retrai­te de Soissons. Nous avons eu l'avantage d'entendre un excellent prédicateur. J'ai trouvé le recueillement de la retraite bien nécessai­re après deux ans d'une vie très occupée. J'en suis revenu heureux et avec l'esprit reposé. Je m'occupe maintenant très activement du pèlerinage du 17 à Liesse. M.le Doyen vous parlera du pèlerinage du 21 qui est pour tout le diocèse. Celui du 17 sera beaucoup plus intéressant, c'est un / pèlerinage d'hommes. Il y aura un 53 groupe de députés et d'officiers de Paris, puis tous les comités catholiques de France et les Œuvres ouvrières du Nord. Mon Patronage sera re­présenté par 60 de ses membres. Le nonce du Pape officiera L'évê­que de Tarbes prêchera l'après-midi. Je serais heureux de vous y voir. Henri et papa pourraient y faire la sainte communion en com­pagnie de plus d'un millier d'hommes. Etes-vous décidés à entre­prendre un tour de France avec mon oncle et ma tante de Vervins? e leur donne rendez-vous à Nantes le 30 au soin je vous envoie le compte-rendu du Patronage…»

Le 18 août: «Je vous cherchais des yeux en arrivant à Liesse hier avec notre procession de trois mille hommes priant, chantant et sui­vant pieusement leurs bannières. C'était vraiment un beau specta­cle. Nous étions 220 de St-Quentin. Notre pèlerinage a été heureux. La joie et l'émotion nous ont fait oublier la fatigue. Je vous enverrai un des comptes-rendus que publieront nos journaux.- Pour notre voyage de Lourdes, je donne rendez-vous à mon oncle et ma tante à Nantes pour le 30 au soir. Si vous pouviez venir avec nous, je suis sûr que vous seriez heureux de voir les sanctuaires d'Auray, de 54 Lourdes, / d'Ars, de Paray-le-Monial, et de vous les rappeler ensuite comme vous vous rappelez encore avec émotion les sanctuaires de Rome et de Fourvières. Je ne compte pas être de retour avant le 20 septembre…»

Le 24 août: «…Vous pouvez nous rejoindre à Lourdes. En cou­chant à Périgueux, vous partagerez la route. Nous comptons être à Lourdes le 6 septembre au soir et y passer la journée du 7. Nous de­scendrons à l'hôtel du Nord. Vous pouvez m'écrire jusqu'au 28 in­clusivement a Nantes au grand séminaire et du 28 au 4 à Lourdes, poste restante…»

De Nantes le 29 août: «Je suis ravi d'être venu à ce congrès. Je n'avais pas assisté à une plus belle assemblée depuis le Concile. Nous sommes neuf cents, tous hommes d'œuvres et de dévoue­ment. Les prêtres sont nombreux, mais il y a aussi beaucoup d'hom­mes du monde, officiers, magistrats, représentants de la noblesse et de l'industrie. Monseigneur de Ségur nous préside et nous charme par son éloquence et sa bonté. Nos journées sont admirablement remplies. Les commissions se succèdent, et le soir dans une salle magnifiquement ornée, ont lieu les assemblées générales sous la présidence de Mgr 55 l'évêque de Nantes. J'ai trouvé ici des / con­naissances et j'en ai fait de nouvelles. M.Demiselle est avec nous. Ce soir, nous assisterons à une fête à la principale œuvre de Nantes et demain nous irons en pèlerinage à Sainte-Anne-d'Auray. Mon oncle et ma tante doivent arriver ce soir. Je ne les verrai peut-être que di­manche matin a cause de mon voyage de demain. Nous partirons ensemble dimanche à midi pour La Rochelle. Si vous vous décidez à nous rejoindre à Lourdes, suivez exactement l'itinéraire que je vous ai tracé J'ai fait provision ici d'utiles renseignements pour mon Œuvre de St.Quentin. J'avais besoin du reste de me reposer un peu des soucis du ministère et vous savez que les voyages ont toujours été pour moi d'excellentes vacances, très favorables a ma santé…»

Le 23 septembre. «Etes-vous reposés de cet heureux voyage qui vous a procuré tant de douces émotions? Avez-vous trouvé toutes choses en bon ordre à La Capelle à votre retour? J'ai repris sans retard ma besogne habituelle. Mon Œuvre avait un peu souffert de mon ab­sence, mais elle ne tardera pas à se relever. J'y apporterai, autant que les ressources me le permettront, toutes les améliorations que m'a indiquées le Congrès de Nantes. Je vous envoie cent billets de loterie / à placer» 56

Le 2 octobre: «Je me félicite tous les jours de notre beau voyage. Il a été pour moi un repos de l'esprit qui m'était nécessaire après deux ans d'occupations ininterrompues. Et puis cette série de pèle­rinages m'a fait plus de bien qu'une retraite. J'en suis revenu plus uni à Dieu, et il me semble que mes œuvres recommandées dans tant de sanctuaires vont prendre un nouvel essort. J'ai commencé l'organisation d'un Comité d'hommes influents pour patronner mon Œuvre et la développer. J'ai déjà obtenu l'assentiment de M.Jules Lehoult, de M.Hector Basquin et de M Jourdain. Ce sont les princi­paux industriels de la ville, c'est un bon commencement. Je compte réaliser bientôt l'acquisition du terrain. Nous l'achèterons à quatre en société civile. Chacun de nous léguera sa part aux survivants qui s'adjoindront à chaque décès un nouveau membre. C'est ce qui se pratique ailleurs pour les œuvres analogues.

La loterie ne marche pas très bien, c'est la stagnation du com­merce qui en est la cause…

J'ai reçu le semaine dernière la visite de M.de Bretenières, un de mes bons amis de Rome, que j'avais aperçu à Lourdes.

57 Le 19 octobre: «Les dames qui s'occupent / de notre loterie dé­sirent savoir quels numéros vous avez placés. Envoyez-moi ce rensei­gnement par retour du courrier. Le tirage aura lieu jeudi. Malgré les difficultés qui résultent de la stagnation du commerce, nous au­rons, j'espère, plus de mille francs. Une quête à la paroisse le jour de la Toussaint nous donnera peut-être encore quatre ou cinqcents francs. Nous attendrons que la situation politique soit meilleure pour acheter le terrain…»

Le 28 octobre: «Je suis sûr que vous êtes désireux de savoir le résul­tat de notre loterie. Elle a mieux réussi que nous ne l'espérions, grâce au concours de Madame Demont et de quelques autres da­mes qui ont placé beaucoup de billets dans les derniers jours. Nous avons obtenu une somme nette de deux mille francs, sans compter les listes de La Capelle, de Soissons et de Reims. J'espère que la quête de la Toussaint nous donnera encore environ 500 francs. Madame la sous-préfète quêtera avec Madame Bernoville, la dame du juge d'instruction, et trois autres dames. Notre organisation se complète tous les jours. Nous avons installé le gaz a des conditions très avan­tageuses. La dépense n'excède pas 350 francs. Nous avons suspendu 58 l'organisation d'un comité et l'achat / du terrain jusqu'après la solution de la crise politique … Priez bien pour que nous ayons un gouvernement chrétien. (C'était le moment des tentatives de re­stauration monarchique.)

Le 10 novembre. «Vous vous forgez facilement des inquiétudes inu­tiles. Je ne sais où Jules Demont a rêvé que nous bâtissions au Patronage. Il n'en est nullement question. Je suis très content du reste de la marche de l'Œuvre.. Je n'ai aucune fatigue exception­nelle en ce moment et je me porte mieux que je ne m'étais porté depuis deux ans…»

Le 1er décembre: «J'espérais aller vous voir cette semaine, mais, j'ai été obligé de modifier mes projets. Avec l'hiver la besogne est reve­nue. Les catéchismes sont recommencés et le Patronage est en plei­ne activité. Il a fait bien des progrès depuis mon retour. Nous avons maintenant une chapelle bien ornée, l'éclairage au gaz,un harmo­nium, une bannière, etc. Nous préparons de belles fêtes. Le Cercle a 30 membres. Ils ont élu hier leurs dignitaires et ils sont pleins d'entrain. C'est maintenant une œuvre bien assise et qui fera ici beaucoup de bien. J'ai la confiance que nos prières à Lourdes, à Paray et dans les autres sanctuaires / ont attiré la bénédiction de 59 Dieu sur mon ministère.

Le 27 décembre: «Nous avons eu deux bonnes soirées, assistance nombreuse et bonne exécution du programme. Nous profitons de ces réunions pour faire connaître l'Œuvre. Ces deux soirées nous, ont rapporté 450 francs. A Noël, c'était grande fête pour nos jeunes gens. Nous avions une crèche bien ornée. Nous avons chanté la messe de minuit et j'ai donné 120 communions. Demain, c'est fête pour les parents. Dimanche ce sera la distribution des récompenses trimestrielles… Je ne vous oublie pas au milieu de mes occupations J'ai pensé à maman à la messe de Saint Etienne, son patron (elle s'appelait Stéphanie). Je serai avec vous en esprit le 1er janvier et je vous prie d'accepter d'avance mes souhaits…»

J'ai eu peu de lettres du P.Freyd en cette année 73, deux seule­ment. Elles me confirmaient pleinement dans les résolutions que j'avais prises.

Le 23 mars: «Mon bien cher ami, à l'arrivée de l'abbé Désaire, je sa­vais déjà le sort de l'abbé Désaire. Je suis content de sa retraite, mais j'aurais voulu la voir s'effectuer d'une manière plus honora­ble. (Le pauvre abbé s'était enfui, n'osant pas affronter l'autorité du P. d'Alzon)…/ Quant à vous-même, je suis toujours heureux 60 de vous savoir au poste où vous restez. Le bon Dieu vous donne la grâce de faire du bien et d'acquérir de l'expérience. Ce que j'aime surtout, c'est de vous savoir occupé de la jeunesse. Cette vie active et variée aura par dessus le marché l'avantage de fortifier votre santé. L'avenir pour vous, comme pour l'Eglise et l'Etat est entre les mains de Dieu, qui s'occupe autant d'une âme que de toutes les âmes et qui vous conduira toujours paternellement si vous savez toujours le laisser faire.. Je ne vous dis rien de Rome. Nous y sommes toujours au même point, sauf que la catastrophe est plus proche. Qui sait si je ne serai pas planté contre un mur, comme les héros de la rue Haxo à Paris. Deus providebit…»

Le 18 mai, il me renseignait sur l'agrégation à la confrérie de St-­Joseph de Rome. Il ajoutait: «A Dieu et à Marie, mon cher Léon. _ Dieu bénit votre zèle: Ipsi laus et honor. Il n'y a pas d'œuvres plus bel­les et plus utiles que celles de la jeunesse. C'est par là qu'il faut régénérer la France. Perge. Sanctifiez-vous et sanctifiez les 61 autres. Le P.Picard, / qui était le directeur des pèlerins français, vient de nous quitter. Nous avons causé de la sortie de l'abbé Désaire. Vous pensez bien dans quel sens il en a parlé. A vous, Nîmes garde une dent. Je le comprends. Votre abstention a dérangé certains plans et fait faire fiasco à un ballon d'essai. Ce Père est bien obsédé de ses; fondations d'universités!! Je lui ai dit que tous les vrais romains de­vraient avant tout songer à préparer de bons professeurs. Malheureusement les meilleurs même ne comprennent pas l'im­mense et, pour moi, absolue nécessité d'étudier à Rome même les doctrines romaines (du moins les professeurs), afin de pouvoir tout a la fois et les puiser à leur source pure et se laisser dans l'atmo­sphère de la Ville Sainte, pénétrer de l'esprit et de l'amour de l'Eglise. Ces deux choses se soutiennent et se conservent mutuelle­ment et garantissent contre des vues et idées personnelles…»

Le bon chanoine m'écrivait assez souvent. Il s'intéressait à mes œuvres et me cherchait des ressources. Ses vues sur la situation de la France étaient toujours élevées et profondes.

Le 25 avril, il m'écrit: «Bien souvent je pense à votre Œuvre et je suis ses progrès. / J'ai beaucoup pressé auprès de l'Œuvre de 62 N.-D.-du-Salut pour qu'il vous soit accordé une allocation aussi lar­ge que possible … Votre pèlerinage à Bois-d'Haine a dû vous toucher profondément. Les miracles débordent aujourd'hui de toutes parts et on ne veut pas les voir. Le plus beau miracle, ce sera de voir la France retourner a sa foi antique. C'est celui-là que je hâte de tous mes voeux. Le travail s'opère par toutes ces œuvres dont l'Assomption s'occupe avec un zèle qui me touche. Il faut nous af­firmer de toute manière et surtout en opérant autour de nous tout le bien qui est à notre portée … Faites une demande bien accentuée à l'Œuvre de St-François-de-Sales. Cette demande me sera ren­voyée et je l'appuierai chaleureusement…»

Le 2 juin: «Je m'empresse de vous donner avis que je viens de re­cevoir de l'Œuvre de St-François-de-Sales pour votre Œuvre une allocation de cinq cents francs que je tiens à votre disposition… Ne voyons-nous pas un beau résultat des prières adressée au ciel par tant de saintes âmes! Comme nos grands crieurs sont adoucis! Comme ce malheureux Thiers est humilié! (M.Thiers avait donné sa démission le 24 mai sous la pression de l'Assemblée nationale).»

Le 8 novembre: «Je vous envoie 100 francs / pour 400 billets de 63 votre loterie. J'ai eu de la peine à les placer. Mgr a fini par s» exécuter, il en a pris pour dix francs … Et notre situation politique? La lettre du Comte de Chambord lui vaut plus de cent mille hom­mes. Quand le bon sens reviendra dans les têtes françaises on com­prendra la noblesse de ce langage…»

Au commencement de l'année, le cher abbé Désaire m'an­nonçait son hégire.

Le 16 janvier, il m'écrivait: «Me voici enfin bien près d'une solu­tion définitive. Peu après vous avoir écrit, je me suis ouvert franche­ment au P.Picard du malaise que j'éprouvais. J'en ai écrit au P.d'Alzon. Ce dernier m'écrivait tantôt des lettres très vives, dans le­squelles il me déclarait qu'avec ma nature violente et ma manière de faire j'étais incapable de trouver et d'occuper longtemps un po­ste sérieux, tantôt des lettres d'une tendresse excessive qui me di­saient que je pouvais devenir un grand saint en acceptant toutes les épreuves de la vie religieuse. Pour mettre fin à ces ennuis et voir en­fin clairement toutes choses, j'ai demandé à venir faire une retraite chez les Pères capucins de Versailles où je me trouve depuis deux jours. Malgré tous les fantômes qui courent devant mes 64 yeux, quand je songe que je vais quitter une / congrégation où certains côtés me plaisent, je crois cependant bien que ma détermination sera de quitter…»

Le 27 février: «J'ai le bonheur de vous annoncer que tout s'est as­sez bien passé. L'abbé Blanc (qui quittait l'Assomption avec lui) a été nommé à St-Denys, et moi à Montrouge. Les Pères de l'Assomption se sont montrés fort irrités de notre départ, qu'ils rejettent sur moi seul, mais l'archevêché n'a pas tenu compte de leur mécontentement…»

M.Fabbé Petit, curé de Buironfosse, me faisait part de ses épreu­ves et de ses succès. Son Maire lui avait suscité mille difficultés. Il était arrivé cependant à préparer la construction de sa seconde égli­se au hameau du Boujon, on allait en poser la première pierre.

Quelques amis de Rome m'écrivaient encore, mais je tendais a di­minuer cette correspondance. J'étais trop occupé.

M.Poiblanc fondait à Fontaine-les-Dijon une Société de mission­naires. Il me renseignait sur la forme à donner à la propriété collec­tive des œuvres (société tontinière (1), société civile, etc.). Il me parlait des associations sacerdotales, dont je commençais à m'occu­per / pour le diocèse de Soissons: «J'ai appris avec bonheur, 65 di­sait-il, le résultat de vos efforts et la situation prospère de votre Œuvre de jeunes gens. Je prie Dieu qu'il la bénisse.. Je vous suis très reconnaissant des voeux que vous faites pour notre association sacerdotale. C'est une œuvre bien difficile, mais c'est l'œuvre des œuvres, car si nous, prêtres, nous nous sanctifions, notre ministère sera béni-je vous recommande la Vie d'Yolzhauser (2) par M.Gaduel. C'est une excellente lecture spirituelle. On y voit en ac­tion une des plus belles œuvres entreprises pour la sanctification du clergé séculier. Que je serais heureux de travailler à la même œuvre avec un de mes meilleurs condisciples de Santa Chiara !»

Le congrès de Nantes a été un de nos plus beaux congrès d'œuvres en France. Il était le sixième congrès des directeurs d'œuvres ouvrières, mais il a dépassé de beaucoup ses devanciers par le nom­bre de ses membres et l'importance de ses travaux. Il s'est tenu du 25 au 29 août. Il a compté plus de mille adhérents et neuf cents membres présents. Mgr Fournier, évêque de Nantes, était président d'honneur. Les travaux étaient dirigés / par Mgr de Ségur, aidé du 66 P.Vincent de Paul Bailly. L'union des œuvres, fondée à Nevers, s'y est affermie et organisée, elle devait pendant quelques années favoriser une éclosion considérable d'œuvres diverses par toute la France.

Quarante évêques avaient encouragé le congrès et y avaient envoyé leurs délégués. Le nombre des œuvres adhérentes à l'Union était monté en un an de 350 à 600. L'œuvre principale de ce congrès fut de lancer les œuvres d'usine, grâce a un rapport capital de M. Harmel, et de commencer l'étude des questions sociales proprement dites par des rapports sur le régime corporatif, sur les caisses de retraite, sur le travail des femmes et des enfants.

Le Congrès s'ouvrait le lundi soir avec cinq cents membres présents. Mgr de Ségur séduisait son auditoire en quelques minutes par ses paroles remplies de foi et de cœur. On appelait au bureau d'honneur les présidents et vice-présidents des congrès d'Angers, de Paris, de Versailles, de Nevers et de Poitiers; MM.les présidents généraux 67 d'œuvres et quelques notabilités: l'amiral / de Cornulier-Lucinière, MM. Le Gall et de Kervenaoél, sous-intendants militaires, M.Arnous-Rivière, officier d'Etat-major, etc. Le P.Bailly raconta avec sa verve et son esprit parisien, les travaux accomplis par le Bureau Central pendant l'année. Mgr de Ségur rappela le but du Congrès: multiplier les œuvres de foi et de charité pour faire connaître et aimer Notre-Seigneur Jésus-Christ par les enfants du peuple, dont il est le bienfaiteur et l'ami.

Le deuxième jour du Congrès, les commissions travaillèrent avec entrain. On entendit divers rapports: sur le développement et la propagande de l'Union par les conseils diocésains, sur l'esprit de piété dans les œuvres d'ouvriers, sur les causes de la décadence morale et sociale de la famille ouvrière au XIXe siècle. La sous-commission des œuvres traita des jeux et des moyens d'attrait dans les réunions d'ouvriers. La conférence ecclésiastique s'occupa de la prédication dans les œuvres.

A l'assemblée du soir, Monseigneur présida avec ses vicaires généraux. On admit encore au Bureau d'honneur quelques personnages de distinction: MM. Ernest / de la Rochette, Dezanneau et Lallié, députés 68 de la Loire-Inférieure; Deshorties de Beaulieu, intendant général en retraite, de Trouessan, de Couéssin, chefs de bataillon aux Zouaves pontificaux; du Rostu, chef d'esca­dron; de Cornulier-Lucinière, lieutenant de vaisseau, fils de l'ami­ral, etc. On relut les meilleurs rapports de la journée et on ratifia les voeux émis dans les commissions. Puis le P.Van Caloen, jésuite belge prit la parole et raconta son immense succès dans la création des sociétés de St-François-Xavier, qui comptent déjà en Belgique 63.000 membres répartis dans 263 sociétés, et qui sont imitées en Hollande, en Angleterre et jusqu'en Chine.

Le mercredi 27 août fut la journée la plus marquante. On étudia en commission les questions suivantes: de la dotation du Bureau central; des moyens de préserver nos associés des influences révolu­tionnaires et sectaires; de l'amélioration morale et matérielle de l'ouvrier manufacturier; de la fondation des œuvres d'ouvriers adultes; de la confession et de la direction dans les œuvres.

Le rapport capital fut celui de M. / Léon Harmel sur les œuvres 69 de l'usine. L'auteur cacha sa modestie sous l'anonymat. Il racon­ta l'histoire des œuvres du Val-des-Bois. Par le moyen des associa­tions, toute une population avait été transformée. Personne, sauf quelques femmes, ne pratiquait la religion au Val en 1861. En 1872, on avait distribué à la chapelle de l'usine 6.000 communions. Ce rapport fut une révélation. On comprit qu'il fallait s'orienter de ce côté-là et que l'action sociale chrétienne allait prendre une nouvel­le direction.

A signaler aussi des rapports importants qu'on n'eut malheureu­sement pas le temps d'étudier et qui ouvraient des horizons nouveaux. de M.Camille Rémont, sur l'organisation corporative du tra­vail; de M.le Comte Yvert sur les sociétés coopératives; de M.Paul Benoit-d'Azy, sur les caisses de retraite. Par ces travaux, le congres de Nantes inaugurait les études sociales qui allaient être populari­sées par les Cercles et qui préoccuperaient bientôt toutes les intelli­gences.

70 Le soir la bénédiction du Pape venait / encourager le congrès et Pie IX était acclamé.

Le quatrième jour, le congrès ne montre pas moins d'activité.

On traita des œuvres d'employés de commerce, des Caisses de re­traite et d'épargne, des règlements d'œuvres, des conférences d'œuvres dans les séminaires.

Le vendredi, on traita le matin des conseils diocésains, des oeuvres de militaires et de marins, des tracts et du journal spécial de 1'Union, Le Moniteur de l'Ouvrier.

L'après-midi, séance de clôture: rapport de M.Antonin Rondelet sur le Salon des œuvres au Cercle du Luxembourg, vote des voeux proposés par les commissions, discours de M.le chanoine Wies du Luxembourg, qui signale l'importance du rapport Harmel sur l'usi­ne chrétienne.

Le soir, délicieuse fête dramatique à l'œuvre de Notre-Dâme-de­toutes Joiés, où l'on acclame le général de Charette.

Ces journées valaient plus qu'une retraite, elles enflammaient le zèle des congressistes et préparaient l'éclosion de bien des œuvres. J'y fis provision de renseignements et de documents pour mes / 71 œuvres de St Quentin.

Pendant les courts moments de répit que me laissait le congrès, j'aimais à voir ou plutôt à méditer Nantes.

Il y eut là d'abord la bourgade celtique, au confluent de la Loire et de l'Erdre. C'était le chef-lieu de la tribu des Nannètes.

Les sacrifices s'offraient sur quelque autel druidique là où est aujourd'hui la cathédrale. Les traditions noachiques se conser­vaient a Nantes, comme à Chartres, à Autun, à Lyon. L'Isis des Gaules devait annoncer là aussi la Vierge et le Rédempteur. Le grand menhir de la Goulaine près de Nantes rappelle ces vieux sou­venirs.

Puis les Romains sont venus là et Nantes a eu son forum et ses temples. Deux de ces temples s'élevaient là où sont la Cathédrale et Ste-Croix. Un autel païen est conservé au musée.

Nantes a été évangélisée de bonne heure. Son premier apôtre fut Saint Clair. Il avait connu les apôtres Pierre et Paul. Envoyé par St Lin pour évangéliser l'Aquitaine et l'Armorique, il laissa à Nantes pour relique un clou de la croix de St Pierre. Son corps a été tran­sféré à / Angers. St Similien, releva au IIIe siècle, sous 72 Dioclétien, l'église de Nantes écraisée par les persécutions. C'est lui qui baptisa Donatien et Rogatien, les deux aimables martyrs qu'on appela les Enfants nantais.

Clotaire s'empara de Nantes au VIe siècle (en 560). Il eut l'habi­leté d'en confier l'administration à son évêque St Félix, qui en fut le Mécène et qui canalisa la Loire, embellit la ville, construisit un pont et éleva une cathédrale.

Charlemagne conquit Nantes, mais après lui elle redevint breton­ne pour plusieurs siècles sous le roi Nominoé et ses successeurs. Nantes se défendit contre les Normands. Elle avait renouvelé ses églises au Xe siècle et bâti son château.

Philippe Auguste conquiert la Bretagne contre le roi Arthur et la donne à Pierre de Dreux, son parent.

Le XIVe siècle est témoin des luttes de Jean de Montfort et de Charles de Blois.

Le XVe siècle est pour Nantes une période de prospérité. Anne de Bretagne unit le duché à la France par son mariage avec Charles 73 VIII. / Il reste de ce temps là le Château ducal, la nef de la cathédrale, l'église St Jacques et de belles maisons dans la vieille vil­le.

C'est là qu'Henri IV signa l'édit de liberté pour les protestants. La Renaissance française a laissé là un de ses plus gracieux monu­ments, c'est le tombeau du duc François II et de sa femme, sculpté par Michel Colomb en 1507, dans le transept de la cathédrale. Les statues expressives des deux défunts en marbre blanc reposent sur une dalle noire. Aux angles sont placées les quatre statues debout de la justice (portrait de la duchesse Anne), de la force, de la pru­dence, de la sagesse (tête double: visage de jeune femme et visage de vieillard). Les niches des côtés latéraux sont à deux rangs et con­tiennent en haut les statues des apôtres, avec celles de St François, Ste-Marguerite, St Louis et Charlemagne; en bas 16 pleureuses.

Ce tombeau, avec ceux de St Denis, de Bruges et de Dijon, ne le cède pas aux plus beaux tombeaux d'Italie. Ils sont comparables à ceux de St-Dominique à Bologne, de St-Antoine à Padoue, de St Augustin à Pavie.

74 Le XVIIIe siècle a été aussi pour / Nantes une ère de prospé­rité. C'est alors qu'elle a tracé et bâti ses boulevards et ses quais avec ses belles maisons à balcons qui rappellent l'Espagne. Malheureusement la traite des noirs fut pour les armateurs de Nantes à cette époque la principale source de leurs richesses. De 1750 à 1790, ils transportèrent chaque année de 10.000 à 12.000 esclaves aux Antilles. Les beaux vases du Pérou au musée rappellent cette époque.

On sait la cruauté du proconsul Carrier en 1793, ses fusillades et ses noyades dans lesquelles périrent 10.000 Nantais. Il inspira de l'horreur à Robespierre lui-même, qui le fit condamner par la Convention.

En 1832, la duchesse de Berry fit là des actes infructueux de vail­lance et d'héroïsme.

De nos jours, on a achevé la cathédrale, construit et décoré les deux sanctuaires de Notre-Dame-de-Bon-Port et de Sainte-Anne, élevé le monument de Lamoricière en pendant de celui du duc François II.

L'église Sainte-Anne est en aval / de la ville, sur la colline 75 de l'ermitage. C'est la qu'il faut monter pour voir Nantes et se repré­senter ses siècles passés et pour constater la foi des Bretons, hérita­ge qu'ils ont gardé des traditions primitives et de l'apostolat de St Clair et de St Similien.

Le sâmedi 30 août, 400 Membres du Congrès quittaient la ville de grand matin, conduits par Mgr l'évêque de Nantes et Mgr de Ségur pour accomplir le pèlerinage de Sainte-Anne d'Auray. Mgr l'évêque célébra la messe en plein air auprès de l'église qu'on a reconstruite et dont on a fait de nos jours une gracieuse église de la Renaissance. Pendant le St Sacrifice nous chantions avec enthousiasme le cantique du pèlerinage:

O Sainte Anne, o mère chérie,

Garde au cœur des Français la foi des anciens jours;

Entends du haut des cieux la voix de la patrie,

Catholique et Français toujours.

La chère Sainte Anne est la mère bien-aimée des Bretons. Elle a reçu du Christ en apanage le duché de Bretagne, comme la Sainte Vierge a reçu le royaume de France. /

Au banquet de Sainte-Anne, ce fut un feu roulant de toasts, 76 puis les intrépides comme moi coururent visiter Auray et sa Chartreuse, avec le monument si impressionnant des 952 émigrés faits prisonniers à Quiberon et fusillés là près de la Chartreuse.

Le dimanche, je retrouvais à Nantes mon oncle et ma tante de Vervins et je partais avec eux pour La Rochelle.

Cette région est peuplée de châteaux. Sur le chemin, nous sa­luons Clisson dont on aperçoit les grandes ruines, où la clématite sauvage et le lierre tapissent les tours et les remparts. Là vécurent les glorieux croisés et le grand connétable. Là se rencontrèrent les fidèles Vendéens et les cruels révolutionnaires. - Je ne pensais pas en passant là que je serais en relations un peu plus tard avec la der­nière héritière des Clisson, une pieuse demoiselle d'une fortune fort modeste et toute dévouée aux œuvres des Salésiens à Paris.

A peu de distance de Clisson est le castel de Tiffauges, un des châ­teaux du fameux Gilles de Retz, qui terrorisait cette région au 77 XIVe siècle et / dont les populations ont fait le légendaire Barbebleue.

De Clisson à La Roche-sur-Yon, c'est le Bocage, au delà vers Luçon, c'est le marais. Ces régions rappellent l'héroïsme des Vandéens, qui luttèrent avec le courage des martyrs pour la défense de l'autel et du trône.

Nous passons à Montaigu, où Charette et Bonchamps furent tour à tour vainqueurs et vaincus. A La Roche-sur-Yon, nous apercevons la statue équestre de Napoléon ler, qui a fait de cette ancienne bourgade une ville régulière, mais triste. La Roche possède aussi une statue de Travot, l'obscur vainqueur des Chouans. C'est Charette que la France devrait mettre là.

Le Bocage est gracieux. Les champs y sont entourés de haies au milieu desquelles sont plantés des arbres divers, chênes, frênes, or­mes, érables, châtaigniers, pommiers, cerisiers. Le pays a l'air d'une forêt, il est cependant livré à la culture.

Luçon est surtout connue par les souvenirs de Richelieu. La cathédrale qu'on aperçoit est l'église de l'ancienne abbaye que gou­vernait au VIIe siècle saint Philibert de Jumièges. C'est seulement/ en 1317 que les évêchés de Luçon et de Maillezais furent détachés de 78 celui de Poitiers. Richelieu se plaignait en 1610 d'être «le plus crotté des évêques de France.» Luçon est encore une modeste petite ville de 6.000 âmes. Elle est sur les confins du Marais, qui s'étend jusqu'à L'Aiguillon-sur-Mer. C'est un pays conquis sur la mer. Les moines du Moyen Age ont bien contribué à l'assainir. En 1217, par exemple, les abbés de St-Michel, de l'Absie, de Saint Maixent, de Maillezais et de Nieul ont fait construire le canal des Cinq-abbés.

La mer, du temps des Romains, allait jusqu'à Niort. Elle abandon­ne encore environ 30 hectares chaque année. Toute l'anse est coupée de canaux. Les marais salants y sont très productifs. Les pauvres travailleurs, qui vivent dans des cabanes sur le bord des ca­naux, prennent le nom de Huttiers. Ils s'occupent de la récolte du sel et de la culture des moules et des huîtres.

La Rochelle nous a laissé un souvenir assez maussade. C'est une ville aux rues étroites, resserrée par ses fortifications de Vauban. Beaucoup de ses habitants portent l'empreinte de la tristesse du / culte huguenot. 79

La Rochelle a été comme la capitale du calvinisme en France de 1560 à 1628. Elle servit de refuge à tous les chefs de l'hérésie, à Condé, à Larochefoucauld, à Coligny, à Jeanne d'Albret, à Rohan. Qu'il est triste de voir ces beaux noms, si français, flétris par l'héré­sie et la trahison et mis au service du calvinisme et de l'Angleterre.

En 1577, Théodore de Bèze y tint un synode de tous les ministres calvinistes. En 1572 cinq mille calvinistes avaient tenu en échec l'armée royale qui leva le siège après avoir perdu 20.000 hommes, et les Calvinistes avaient obtenu la liberté de leur culte pour les vil­les de La Rochelle, Nîmes, Montauban, etc.

C'est Richelieu qui devait briser la résistance calviniste à La Rochelle en 1628. On sait le courage fanatique que montra la ville,, soutenue par son maire Guitton. Ce siège rappela celui de Jérusalem par Titus. Il dura 13 mois. Richelieu avait fait investir la ville par une enceinte et fermer le port par une jetée. Les Anglais ne purent 80 pas / secourir la place. Presque tous les habitants pé­rirent, on n'y retrouva que 136 hommes valides. La révocation de l'édit de Nantes fit perdre a La Rochelle 3.000 habitants laborieux. La perte du Canada acheva de la ruiner.

Sa cathédrale du XVIIIe siècle, avec une coupole due à l'architec­te Gabriel, est lourde et peu gracieuse. L'Hôtel de Ville des XVe et XVIe siècle est le seul monument intéressant. A l'extérieur, c'est un castel du XVe siècle avec quatre tours. A l'intérieur, c'est un gra­cieux palais de la Renaissance. Ses rues à arcades font ressembler La Rochelle à certaines villes anglaises. Il reste de l'enceinte du Moyen Age quelques tours vers le port et dans l'intérieur la grosse tour ou porte de l'horloge.

La Rochelle est la patrie de deux de nos peintres modernes, Bouguereau et Fromentin et elle a quelques-unes de leurs œuvres.

Le ler et le 2 septembre, nous donnions quelques heures à Saintes et à Angoulême en nous rendant à Bordeaux.

Nous saluons en chemin Taillebourg et les ruines pittoresques 81 de son château. / Quelle glorieuse histoire a ce petit bourg! Charlemagne y a écrasé les Sarrasins, St Louis et Duguesclin y ont battu les Anglais.

- Saintes a été une grande ville romaine comme Nîmes, Arles et Vienne. Il lui reste de ce temps là son amphithéâtre, l'arc de Germanicus et quelques murs de son capitole. St Eutrope l'a évangélisée et y a subi le martyre. St Palais a bâti au VIe siècle la ba­silique de St Eutrope, Charlemagne a bâti la cathédrale, la pieuse Eustelle a vécu là. La cathédrale actuelle manque d'intérêt, elle a été trop remaniée. Elle a cependant un transept du XIIe siècle à voûtes en coupoles.

Ce qui offre le plus d'intérêt à Saintes, c'est la vaste crypte roma­ne de St Eutrope, qui rappelle le style de St Front de Périgueux.

Angoulême a aussi une cathédrale romano-byzantine dont la nef à coupoles rappelle St Front de Périgueux. Les monuments de ces trois villes, Périgueux, Angoulême et Saintes ont inspiré M.Abadie pour la construction de l'église nationale du S-Cœur. La façade de la cathédrale d'Angoulême a quatre / étages d'arcades. Elle rappel­le Notre-Dame 82 de Poitiers et les églises lombardes d'Italie.

Bordeaux a été aussi une ville romaine. Elle a été évangélisée par St Amator et Ste Véronique. Les tombeaux de son premier évêque, St Fort, et de Sainte Véronique se trouvent dans la crypte de l'église St Seurin, qui est l'ancienne cathédrale. C'est le XVIIIe siècle qui a fait de Bordeaux une grande et belle ville sous l'administration du marquis de Tourny. Les boulevards, les quais, la douane et la bourse datent de cette époque là. Nos grandes villes, Paris, Lyon, Nantes, Bordeaux, etc, doivent beaucoup au XVIIIe siècle.

Outre St Seurin et sa vieille crypte avec ses tombeaux des IVe et Ve siècles, il faut voir à Bordeaux la cathédrale St Michel et Ste­-Croix. La cathédrale est la seule église du midi qui soit comparable à nos grandes cathédrales du Nord. Le portail Nord est le principal. Il est complet, avec ses deux tours et ses flèches de pierre. Il porte à son trumeau la statue de Bertrand de Goth, archevêque / de Bordeaux et pape sous le nom de Clément V. - St Michel 83 est une belle église gothique des XIIIe et XIVe siècles. On visite surtout la crypte de la tour où quarante cadavres momifiés semblent révéler la vie et la mort de personnes appartenant aux diverses classes de la société. Ste-Croix est une église romane du Xe siècle, dont la faça­de rappelle Notre-Dâme de Poitiers et la cathédrale d'Angoulême.

Si j'avais de nouveau l'occasion de séjourner à Bordeaux, j'irais visiter Soulac où Ste Véronique et St Martial élevèrent un sanctuai­re à Marie.

Buglose et Pouy sont la même bourgade. Pouy n'est qu'un ha­meau. Buglose a une belle chapelle moderne. C'est un pèlerinage de la Sainte Vierge. Comme dans tous les pèlerinages, en y priant avec simplicité, on y éprouve une impression profonde.

Pouy est le lieu de naissance de St Vincent de Paul. Les Soeurs de Charité ont là un grand établissement et la maison du Saint est 84 devenue un sanctuaire. C'était jadis une petite / ferme et un grand chêne abrite la place voisine. On prie bien dans cette humble habi­tation, sous ce toit ou a vécu le Saint au cœur si bon et si généreux. C'est vraiment un pèlerinage sacerdotal. J'y voudrais faire une re­traite.

Dax, ville d'eaux fondée par les Romains, a encore des bains fré­quentés et de beaux bassins d'eaux thermales. Elle a été le siège d'un évêché. Sa cathédrale du XVIIe siècle n'a rien d'artistique.

Pau est un délicieux séjour. Le climat y est doux, l'air pur, et le panorama dont on y jouit n'a pas son égal. «C'est la plus splendide vue de terre, disait Lamartine, comme la baie de Naples est la plus magnifique vue de mer qui soit au monde.» La plaine, où la rivière serpente d'une façon capricieuse, est parsemée de villas et de villa­ges; derrière elle s'étagent des hauteurs couvertes de vignes et de bois. Le fond du tableau est la chaîne majestueuse des Pyrénées, qui se développe sur une étendue d'environ 100 kilomètres et dont les derniers / sommets visibles sont à 80 kilomètres de distance. 85 A droite domine le Pic du Midi d'Ossau (2885 m); à gauche, le Pic du Midi de Bigorre (2877); vers le milieu, le cirque du Vignemale avec son glacier (3298 m). «Le cœur se dilate dans cet espace im­mense, dit Taine, l'air n'est qu'une fête, les yeux éblouis se ferment sous la clarté qui les inonde. Les Pyrénées bleuâtres semblent une traînée de nuages; l'air qui les revêt en fait des êtres aériens, fantô­mes vaporeux dont les derniers s'évanouissent dans l'horizon blan­châtre… A cette distance, les formes s'adoucissent, les Pyrénées ne sont que la bordure gracieuse d'un paysage riant et d'un ciel ma­gnifique, Rien d'imposant ni de sévère; l'idée qu'on emporte est celle d'une beauté sereine, et l'impression qu'on éprouve est celle d'un plaisir pur…»

L'imagination peut animer ce paysage. Que de peuples sont pas­sés là! Les Celtes, les Ibères, les Vascons… Les Romains sont allés conquérir l'Ibérie. Annibal est venu mettre Rome à deux doigts de sa perte. / St Paul, St Jacques ont jeté là les premières semences de 86 la foi. Les Vandales, les Wisigoths sont allés chercher un climat plus doux et des terres plus riches. Les Sarrasins sont venus en grandes masses. Les débris de leurs armées s'en sont retournés, dé­cimés par Charles Martel. Charlemagne est allé les battre dans les marches d'Espagne. Roland est revenu mourir là-haut. Son héroïsme a inspiré toute la poésie du Moyen Age et son exemple a en­flammé le courage de tous les croisés. Que de pèlerins ont passé là pour aller à St Jacques de Compostelle! Charles Quint et Philippe II ont passé là avec leurs armées glorieuses. Napoléon est allé s'y briser contre la ténacité du patriotisme espagnol…

Le château de Pau est du XIVe siècle, mais il a subi bien des re­touches. C'est un de nos rares castels qui soient encore meublés et habitables. Là vivait la cour des rois de Navarre. Henri d'Albret et Marguerite de Valois, soeur de François ler, au XVIe siècle avaient là une cour brillante ou les Calvinistes recevaient bon accueil. Il 87 en fut de même sous leurs successeurs, / Antoine de Bourbon et Jeanne d'Albret, et sous leur fils Henri IV.

Le château est complet. Au rez-de-chaussée: salle des gardes, sal­les à manger, escalier d'honneur. Au premier: salle d'attente, salon de réception, salon de famille, chambre à coucher et cabinet du souverain, chambre de la reine. Au second: chambre de Jeanne d'Albret, chambre de Henri IV, chambres pour les hôtes. Le tout, orné de tapisseries de Flandre, de Bruxelles et des Gobelins, de gla­ces de Venise et de meubles anciens de styles divers.

Mon père et ma mère étaient venus nous retrouver à Lourdes et nous passâmes là deux bonnes journées. Le cadre est beau. La Sainte Vierge a choisi avec un talent d'artiste le lieu de sa visite. C'est assez près des grandes routes pour que les pèlerins y puissent accéder facilement, mais c'est aussi assez près des Pyrénées pour qu'on y jouisse d'un panorama merveilleux.

Le 8 septembre, c'était la bénédiction des nouvelles cloches de la basilique. Il y avait plusieurs évêques et des pèlerins 88 innombra­bles. Plusieurs guérisons eurent lieu. / Mon père en fut particuliè­rement ému. Nous passâmes de longs moments devant la grotte où l'on prie toujours si bien.. J'avais tant de grâces à demander pour mes œuvres, pour ma famille, pour moi-même!

Nous eûmes le temps d'aller en excursion à Bétharram. On fait là depuis le temps des croisades le chemin de la Croix en gravissant la colline. Ma mère reparla souvent ensuite de ce chemin de croix qu'elle avait fait avec moi.

Mon père et mon oncle désiraient s'arrêter quelques heures à Tarbes, pour y voir les fameux petits chevaux des Pyrenées et juste­ment il y avait une foire près de la gare. La cathédrale m'intéressait davantage, mais quoiqu'elle soit d'une bonne époque, des XIIe - XIVe siècles, c'est un édifice lourd et sans grâce. Son transept seul, avec une coupole octogone est assez réussi.

Toulouse est une de nos grandes villes. Elle compte 150.000 âmes. Elle est regardée comme la capitale du midi de la France. Elle était une des villes saintes de la Gaule, / elle possédait un sanc­tuaire 89 et les trésors du culte druidique. Au Ve siècle, elle était la capitale du royaume des Wisigoths. Du VIIIe au XIIIe siècle, elle fut la capitale du Comté de Toulouse et jouit d'une longue prospérité. Elle eut à souffrir de la guerre des Albigeois au XIIIe siècle et de la lutte avec les Calvinistes au XVIe.

Le monument le plus intéressant de Toulouse est de beaucoup son église St Sernin ou St Saturnin. C'est une belle basilique roma­ne, bâtie du XIe au XIIIe siècle. L'abside flanquée de cinq chapel­les semi-circulaires et la tour octogone qui surmonte la croisée des nefs offrent un coup d'oeil unique à l'extérieur. La crypte rivalise par la richesse de ses reliques avec les grandes basiliques de Rome. Elle possède les corps de six apôtres et de plusieurs martyrs. St-Sernin de Toulouse et St Remi de Reims sont aux deux extrémités de la France de splendides spécimens de l'art roman.

La cathédrale de Toulouse, St Etienne, se compose de parties di­stinctes et mal raccordées. Il faudrait la reprendre selon le style du choeur qui est du XIIIe siècle. /

Le canal du Midi passe à Toulouse. C'est une belle œuvre qui 90 fait honneur à Riquet, mais il faudrait aujourd'hui qu'il fût com­plété par un canal maritime.- La maison des jésuites a une jolie cha­pelle ogivale gracieusement décorée.

Le peintre Gros, les sculpteurs Falquière et Mercier sont de Toulouse et y ont de belles œuvres.

Toulouse m'avait paru une ville sainte, avec son beau sanctuaire de St Sernin, avec ses nombreux couvents et ses grands souvenirs de St Dominique, Montpellier me parut une ville toute commerciale, quoiqu'elle eut une cour d'appel et une faculté de médecine assez célèbre. Les docks et les entrepôts y tiennent une grande place. Montpellier s'est enrichie par le commerce de vin et d'alcool. Mon père et mon oncle y connaissaient quelques négociants, ils allèrent les voir. Je visitai la ville avec ma mère et ma tante. La belle prome­nade du Peyrou a un bon aspect. La cathédrale n'a rien d'impo­sant. Elle a une large nef du XVe siècle encadrée entre une abside et un portail modernes.

Louis XIII a fait le siège de Montpellier contre les Calvinistes 91 et c'est là, dit-on, / qu'il a vu une balle de mousquet s'aplatir sur un scapulaire.

Louis XIV y a fait élever un bel arc de triomphe en style ionique.

Nous avons visité Marseille un peu rapidement. Nous voulions surtout prier N.-D.-de-la-Garde. Nous faisions une série de pèlerina­ges. Marseille offre d'ailleurs peu de curiosités en dehors de son beau site, de son port et de son aspect général. Je ne savais pas alors tout l'intérêt qu'offraient les restes de l'abbaye de St Victor, où l'on retrouve les traces et les souvenirs de ce grand Saint, ceux de Cassien et même vraisemblablement ceux de St Lazare et de Ste Madeleine.

Nous avons visité le musée, le beau palais de Longchamps, con­struit par Espérandieu, qui abrite de riches collections d'histoire naturelle, quelques œuvres de Puget, le sculpteur marseillais et des tableaux parmi lesquels l'école française moderne est assez bien re­présentée.

Mais les meilleurs moments de notre séjour à Marseille furent pour le sanctuaire de la Garde, où je célébrai la messe et où nous avons prié de / tout notre cœur. 92

Nous étions pressés, il fallut laisser sur le chemin des villes que j'ai visitées en d'autres occasions: Arles, Nîmes, Tarascon, Orange, Avignon.

J'aime beaucoup Lyon et je l'ai souvent visitée. Cette ville a tant de grands souvenirs ! Il n'y avait là d'abord qu'un haut-lieu des Allobroges,qui y battirent une fois les Romains, d'où le nom de la ville: Luctus du num, colline du deuil.

On peut se représenter la ville romaine: sur la colline le vieux fo­rum (forum vetus) et l'acropole; sur la pente, l'amphithéâtre; dans le bas, entre les deux fleuves, le nouveau forum (bella curia, Bellecour); au confluent des deux fleuves, le temple d'Auguste et de Rome élevé par les contributions de 60 nations gauloises, avec les demeures pontificales.

On peut aussi faire revivre le temps des martyrs. Saint Pothin fon­da le premier oratoire dans la crypte actuelle de St Nizier. La prison de St Pothin et de Ste Blandine est dans la crypte d'Ainay. Celle des autres martyrs à l'hospice de l'Antiquaille. - On a, dit-on, retrouvé dans ces dernières années quelques restes de l'amphithéâtre 93 où périrent tant de martyrs. Les cryptes de St Irénée servirent de cata­combes à toutes ces saintes victimes.

Lyon fut gouvernée par ses archevêques du IIe au XIVe siècle. Quand elle fut réunie à la France, son commerce prit une grande extension. Le concile de 1274 réuni les deux églises, grecque et lati­ne. Les deux croix du Choeur de la cathédrale perpétuent ce souve­nir.

L'église d'Ainay est du XIe siècle, elle a été consacrée par Pascal II en 1106. La cathédrale St-Jean date du XIIIe au XVe siècle; l'égli­se St Nizier du XVe, avec un portail ajouté par Philibert Delorme au XVIe siècle.

A la Renaissance, Lyon a donné à la France les sculpteurs Coustou, Coysevox, Lemot. De nos jours, elle a produit les peintres Orsel, Paul et Hippolyte Flandrin, et Meyssonnier; les architectes Bossan et Espérandieu, les sculpteurs Fabisch et Bonassieux. Elle avait été jadis la patrie de St Ambroise, elle a été plus tard celle 94 du physicien, / du chirurgien Récamier, de l'inventeur jacquard, de l'écrivain Ozanam, fondateur des Conférences de St-Vincent-de­Paul, de l'humble fondatrice de la Propagation de la foi (1).

Lyon est encore fécondée par le sang de ses martyrs.

C'est Fourvière, son pieux sanctuaire et sa belle vue qui nous cap­tivèrent le plus. Ma mère voulut communier à Fourvière comme à N.-D.-de-la-Garde.

Il nous restait deux pèlerinages à faire, Ars et Paray.

Rien n'est impressionnant comme Ars, sa petite église et son pau­vre presbytère. Le saint Curé était si bon, si détaché de la terre, si zélé pour les âmes. Il était mortifié comme les Pères du désert et ac­tif comme les apôtres. Son souvenir était encore bien vivant en 1873. Les chapelains l'avaient connu et redisaient ses paroles et ses œuvres. Le peuple était encore sous l'impression de ses miracles et de l'étrangeté de sa vie. Les pèlerinages continuaient. On ne pou­vait plus voir le Saint, on priait sur sa tombe. / Les 95 impressions se sont affaiblies depuis ce temps là.

Nous arrivions à Paray trois mois trop tard. En juin, il y avait eu les grands pèlerinages, la visite du jardin mystérieux, la consécration de la France. Mon ami et condisciple, le P.Dugas, jésuite à Paray, nous raconta tout cela. Il était en train de l'écrire en un gracieux volume. L'autel de l'avenue de Charolles, où avaient eu lieu les grandes cérémonies, était encore dressé. Les bannières apportées par les pèlerins tapissaient la chapelle de l'apparition. Nous avons bien prié là et terminé par les plus douces émotions ce beau voyage de famille qui a laissé à mes parents de si bons et si précieux souve­nirs et qui a tant contribué à affermir la foi de mon père.

X Cahier

=====Notes sur l’histoire de ma vie

1874 – Troisième année de vicariat

97

La divine Providence a béni mes efforts cette année et il me sem­ble que cette période a été une des plus fécondes de mon apostolat. J'ai pu fonder et organiser plusieurs œuvres et développer ce qui existait.

Le Patronage recevait un Comité protecteur et formait une musi­que instrumentale.

Un Bureau diocésain était créé à St Quentin pour la diffusion des œuvres. Ce Bureau commençait une grande enquête sur l'état des œuvres dans le diocèse et la situation religieuse de nos paroisses.

L'Oratoire diocésain, groupe de prêtres suivant la règle d'Holzhauser (1), était constitué. J'y avais gagné quelques bons prê­tres et nous nous organisions dans une retraite au mois de juillet.

Une réunion de jeunes gens bien intéressante commençait en au­tomne. Nous préludions à ce que l'on devait appeler les groupes ou cercles de jeunesse catholique. C'étaient des élèves du lycée. On fai­sait de la littérature, de la philosophie, de la science sociale, 98 de la musique. / Plusieurs vocations devaient sortir de cette chère réu­nion.

Enfin, vers l'automne, nous préparions la fondation d'un journal catholique, le Conservateur de l'Aisne, qui devait plus tard absor­ber le journal de St-Quentin. J'en reparlerai.

Je n'ai écrit cette année qu'une dizaine d'instructions, et encore ce sont plutôt des notes et des esquisses que des discours soignés.

Pour le IIe dimanche après l Épiphanie, allocution à la messe de midi: Sur les devoirs des classes dirigeantes. Ces notes seraient bonnes à relire toujours, je prends la peine de les reproduire ici…

«Des noces se firent à Cana en Galilée. La mère de Jésus était là. Jésus aussi et ses disciples y furent invités. Le vin venant à manquer, la mère de Jésus lui dit: Ils n'ont plus de vin (Jo 2, 3). Et après que le Sauveur l'eut éprouvée par une réponse qui semblait repousser sa demande, elle dit aux serviteurs: Faites tout ce qu'il vous dira (Jo 2, 4). - Et le Sauveur changea miraculeusement l'eau en vin. «Marie, M.f. (mes Frères), est ici notre modèle, comme dans tous les traits de sa vie. Et ce récit détaillé que nous fait l'Évangile a bien sa raison d'être. Marie nous est donnée comme un modèle de sollicitude, de vigilance a l'égard de ceux qui sont dans le besoin, et de zèle pour les secourir. /

99 Cette leçon, M.f. (mes Frères), s'adresse surtout aux classes di­rigeantes. De même que N. S. se servit de sa sainte Mère pour pré­parer le miracle qu'il voulait accomplir, ainsi se sert-il des classes di­rigeantes, qui approchent plus près de lui par leur science ou par leur puissance, pour être les instruments de sa providence à l'égard des déshérités de la fortune. Si Dieu en élève quelques-uns, c'est pour être l'appui et la ressource des autres. Il se décharge sur eux du soin des faibles et des petits; c'est par la qu'ils entrent dans l'or­dre des conseils de la Sagesse éternelle.

«C'est en ce sens, M.f.(mes frères), qu'il est vrai de dire que no­blesse oblige, et toute supériorité de talent, de fortune ou de posi­tion est véritablement une noblesse. Les classes dirigeantes, et je parle principalement des chrétiens, des hommes de foi, accomplis­sent-elles parfaitement ce rôle providentiel qui leur est assigné? Veillent-elles, comme Marie aux noces de Cana, pour voir si le pau­vre ne manque de rien?

«Hélas! M.f. (mes frères), on pourrait trouver de ces hommes qui sont indignes de leur mission providentielle et qui n'ont de vigilan­ce que pour leurs plaisirs ou leurs intérêts personnels. Mais ce sont, sans doute, de rares exceptions parmi les chrétiens. On daigne au moins considérer tristement la misère et l'on s'afflige volontiers des souffrances physiques et des dégradations / morales 100 dont on est témoin. Mais combien, malheureusement, s'arrêtent à ces vai­nes considérations ou n'apportent à la misère qu'un secours ineffi­cace ! On dit bien avec Marie: Ils n'ont plus de vin (Jo 2,3). Ces malheureux manquent de ce qui est nécessaire à la vie, et ils man­quent surtout des aliments de la vie de l'âme. Ils manquent de di­rection, d'éducation: leur vie a besoin d'être relevée par l'exemple, par l'appui, par les conseils, par les œuvres. On le reconnaît, M.f. (mes frères), mais combien sont rares ceux qui se dévouent pour remédier au mal! On aide bien à la misère physique, mais il semble qu'on n'ose porter secours a la misère morale. Il règne une apathie, une inertie étonnantes. On a peur d'agir. On n'ose pas di­re, comme Marie disait aux serviteurs de Cana: Faites tout ce que Christ, le vrai maître, vous dira (Jo 2, 4), par lui-même ou par ses di­sciples.- On voit le mal et on n'a pas le courage d'y porter remède. Mes frères, il y a, dans cette apathie, la transgression d'une obliga­tion grave. Les classes dirigeantes ont une mission providentielle. Il faut qu'elles dirigent les faibles et les petits par l'exemple, par l'ac­tion, par les œuvres, ou sinon elles encourront la malédiction / 101 de Dieu et la sentence divine sera sévère à leur égard. Dieu lui-même les en avertit, au livre de la Sagesse: «C'est Dieu, dit-il, qui vous a donné votre puissance ou votre supériorité; il interrogera vos œuvres pour punir l'abus que aurez fait de cette supériorité. Ceux qui commandent, ajoute-t-il, seront jugés avec une extrême rigueur. On a plus de compassion pour les petits et on leur pardonne plus aisément; mais les puissants seront puissamment tourmentés (Potentes potenter torquentur); et les plus grands sont menacés de plus grands supplices (Fortioribus autem fortior cruciatio) » (cf Sag 6, 4-9).­ Les devoirs des classes dirigeantes, mes frères, sont donc rigoureux. Ils comprennent l'exemple et l'action. Donnez cet exemple. Aidez les ministres de l'Eglise dans cette action; et alors, loin d'avoir à rendre à Dieu un compte sévère, vous aurez part a sa gloire; et com­me vous aurez travaillé au bien des autres, vous brillerez dans le ciel d'un éclat particulier parmi les Saints, entourés comme d'une cou­ronne par ceux que vous aurez édifiés.»

Au dimanche de la quinquagésime, à l'occasion des quarante heu­res, je fis un sermon sur la réparation.

102 Après avoir rappelé ce que l'Ecriture Sainte, / en maint en­droit, en empruntant le langage humain, appelle la colère divine et la tristesse de Dieu et du Rédempteur, j'indiquais quels étaient nos devoirs en face de cette attitude divine

«A la colère divine doit répondre de notre part la pénitence et l'expiation. C'est à cette condition seulement que le juste courroux de Dieu s'apaisera et que nous éviterons ses terribles vengeances. La colère divine est toujours conditionnelle. L'aversion qu'il témoi­gne pour le pécheur cesse dès que le péché est effacé par le repen­tir et les sacrements. Et la rigueur par laquelle il exige du pénitent lui-même l'expiation complète du péché déjà pardonné peut être satisfaite par les mortifications et les pénitences volontaires. Dieu lui-même, toutes les fois qu'il nous a menacés de sa colère, nous a indiqué les moyens de l'apaiser. «Je suis irrité contre toi, ô mon peuple, dit le Seigneur, cependant reviens à moi et je te recevrai: tamen revertere ad me et ego suscipiam te.» (Jer.) Et encore: «Au moins maintenant, fais appel à ma bonté; dis-moi; Tu es le père et le guide de ma jeunesse: ergo saltem amodo voca me: Pater meus, dux virginitatis meae / tu es.» (ibid) Et ailleurs: «Reviens 103 à moi, ô mon peuple changeant d'Israël, et je ne détournerai pas de toi mon visage: Revertere, adversatrix Israël et non avertam faciem meam a vobis» (Cf Jér 3, 7-12). Et quand N.-S. menaçait Jérusalem des plus terribles châti­ments que Dieu ait jamais infligés à une ville, Il l'avertissait qu'il était encore temps et que son repentir pouvait détourner cette sen­tence.

«Aujourd'hui, M.f. (mes frères), Dieu ne nous envoie plus un Jérémie pour nous dépeindre sa colère et nous annoncer ses châti­ments, mais sa justice n'est pas moins redoutable, et c'est à ses mini­stres à vous le rappeler. Dieu est irrité à la vue de nos iniquités. Son bras est levé et prêt à frapper. Les peuples l'oublient. Notre France en particulier s'est en grande partie éloignée de lui. Il est temps, M.f. (mes frères), si nous voulons suspendre l'exécution des mena­ces divines et des châtiments providentiels, de revenir à Dieu et de faire pénitence. «Faites, nous dit le Seigneur, de dignes fruits de pé­nitence: Facite fructus dignos paenitentiae» (Lc 3, 8). Et les fruits de la pénitence, c'est le support des peines de la vie, c'est la patience dans les afflictions, c'est la mortification du corps. C'est le sacrifice, en un mot, le sacrifice de nous-mêmes, uni au sacrifice divin de l'Eucharistie, qui est / une source 104 infinie d'expiation toujours à notre portée et que les âmes pieuses devraient faire offrir plus souvent pour le salut de l'Eglise et de la patrie.

«Dieu, M.f. (mes frères),daigne accepter, vous le savez, l'expiation des justes pour les pécheurs. Le salut de la patrie est donc entre vos mains, vous qui accomplissez vos devoirs de chrétiens. «Parcourez, dit le Seigneur dans Jérémie, les rues de Jérusalem, voyez et considé­rez, cherchez sur ses places: si vous trouvez un homme qui accom­plisse la justice et qui veuille être fidèle, je serai propice à la ville» (Jér 5,1).

«Enfin, M.f. (mes frères), la tristesse divine parle à nos cœurs et fait le plus puissant appel à notre charité. Qui pourrait résister à cet appel divin? - O mon épouse, dit le Seigneur, tu t'es souillée par des affections impures, cependant reviens à moi et je te recevrai» (Je 3,1)

«N. S., M.f. (mes frères), nous sollicite de gémir avec lui et de le consoler. Il exprimait d'avance ce sentiment dans les psaumes: «J'ai attendu, disait-il …Sustinui qui simul contristaretur et non fuit, et qui con solaretur et non inveni…Et dederunt in escam meam fel et in potum meu acetum… (Ps 68,21-22). J'avais soif de consolation 105 et d'affection, et ils m'ont abreuvé de l'amertume / de leur abandon et de leurs outrages.»

«Dans la Sainte Eucharistie en particulier, M.f. (mes frères), N.-S. nous renouvelle ses sollicitations. «Ce qui m'est le plus sensible, di­sait-il à la Bienheureuse Marguerite-Marie, c'est que dans le sacre­ment de mon amour, pour reconnaissance, je ne reçois de la plu­part que des ingratitudes…»

«Prenons donc la pieuse résolution de pratiquer la pénitence et de nous vouer à une tendre affection pour N.-S., qui demande à être consolé spécialement dans l'Eucharistie, par nos visites, par le saint sacrifice, par la communion réparatrice…

Pour la fête des saintes Reliques, le dimanche après l'Ascension, je ne m'arrête pas à démontrer la légitimité de ce culte, parce que je m'adresse à des croyants, mais j'en veux redire l'efficacité pour sti­muler la piété; et je montre à mes auditeurs dans les Reliques des Saints un foyer de lumière, le ferme appui de notre espérance et la source d'une infinité de grâces.

I. «Pour redire cette éloquente prédication des Reliques, foyer de science sacrée et de lumière divine, il faudrait parcourir toute l'hi­stoire de l'Eglise et vous montrer partout les populations chrétien­nes alimentant leur foi et leurs vertus à cette source féconde… / Mais il suffira d'un trait de cette merveilleuse histoire, et comme 106 il est bon que nos pensées et nos cœurs soient souvent là où est notre père commun, à Rome, c'est là que nous étudierons la fécondité de l'enseignement des Reliques: Le temps que l'Eglise de­stine le plus spécialement à l'enseignement chrétien, vous le savez, c'est le temps de carême. A Rome, pendant ce temps sacré, plus de soixante prédicateurs font retentir du haut de la chaire les vérités éternelles. Mais la Ville Sainte a un autre genre de prédication, non moins éloquent et non moins efficace. Avec le carême commencent ce que l'on appelle les Stations. Chaque jour une des églises de Rome s'ouvre solennellement à la prière. Elle est richement dé­corée, les autels sont parés de fleurs, le pavé et le portique jonchés de feuilles odoriférantes, les chapelles et les piliers tendus de drape­ries. Les lustres répandent leur lumière symbolique. Tous les reli­quaires sont ouverts. Soulevant le voile qui les cache d'habitude, Rome montre ce jour-là les corps, les ossements de ses martyrs, les instruments de leurs supplices, et conduisant quarante jours de sui­te ses enfants à ces glorieux tombeaux, auprès des restes de cette nuée de héros de tout âge, de tout / sexe et de toute condition, elle 107 leur dit: Regardez vos pères, voyez ce qu'ils ont fait, êtes-vous dignes d'eux ? Athlètes de la foi, si vous avez faibli, l'heure est ve­nue de vous relever et de vous livrer au combat. Pour vous encourager, vos-pères vous montrent leurs palmes immortelles; pour vous guider, leurs exemples et leurs vertus; pour vous soutenir, leurs prières.- Peut-il y avoir, je vous le demande, une prédication plus éloquente et un plus puissant entraînement? Si votre foi faiblit, voi­ci des milliers de témoins, et ceux qu'ils représentent sont des mil­lions, et voici les instruments des supplices qu'ils ont bravés pour af­firmer leur croyance. Si vous manquez de courage, rougissez à la vue de ces trophées. Si vous comptez avec le dévouement et si votre cœur est froid, voici ces héros de la chanté, qui se sont donnés au service de leurs frères dans tous les siècles et qui ont fondé toutes les œuvres de l'amour et du dévouement. Elevez vos cœurs, croyez et agissez. Et c'est depuis les premiers siècles que la milice des fidè­les accomplit ces pèlerinages annuels auprès des trophées de ces héros. Cet usage sacré était déjà ancien du temps de 108 St Jérôme, qui le fait / remonter au second siècle. Ce sont là, M. f. (mes frères), les enseignements que l'on trouve à chaque pas dans la Ville Sainte. Ce sont là les lumières que Rome fait rayonner par­tout, en puisant dans ses nécropoles sacrées pour envoyer à toutes les extrémités de la terre ces Reliques dont la prédication est si élo­quente et l'influence si salutaire.

La perle maîtresse de cette admirable couronne de la Ville Sainte, ce sont les corps sacrés des saints Apôtres Pierre et Paul. Ce sont là les chefs de ces légions saintes. C'est auprès d'eux que l'on aspire la vérité avec la foi, et les centaines de lampes qui brillent sans cesse autour de ce tombeau ne sont pas un vain symbole. C'est là que les évêques du monde entier, pasteurs et docteurs des peu­ples, vont se retremper périodiquement dans la foi, c'est du seuil des apôtres qu'ils doivent régulièrement s'élancer dans l'arène de l'apostolat pour porter au loin la vérité…

II. Les Reliques des saints sont un ferme appui pour notre espé­rance. - Est-il, dites-moi, rien de plus convainquant et de plus entraî­nant que le témoignage des siècles, surtout quand les témoins ap­puient leur croyance par des actes et mettent leurs pratiques en 109 rapport avec leur foi? / Or, n'en est-il pas ainsi de la foi chré­tienne à l'immortalité ? Voici plus de dix-huit siècles que le christia­nisme vénère les restes sacrés de ses martyrs, destinés à la résurrec­tion. Il les honore, il les regarde comme des trophées glorieux de­stinés à revivre pour toujours. Est-il, je vous le demande, une croyance mieux affirmée plus sensible et plus palpable? Mais pour vous faire comprendre toute l'ampleur de cet argument et toute la solidité de nos espérances, permettez-moi de vous transporter enco­re un instant à Rome, dans cette basilique du Prince des Apôtres, si majestueuse et si riche qu'elle peut être regardée comme une ima­ge, terrestre, il est vrai, nais saisissante, des splendeurs du ciel. Agenouillez-vous là sur les dalles sacrées, au milieu d'une foule émue et recueillie, un de ces jours solennels où a lieu l'exposition et la vénération des reliques. Au-dessus de vous, à la naissance de l'immense et imposante coupole, un vaste balcon est orné de tentu­res et de lumières. Bientôt un prince de l'Eglise apparaît. Les re­gards se lèvent puis les fronts s'inclinent; on a annoncé la relique insigne de l'instrument du salut, de la croix sacrée du Sauveur. Puis viennent successivement d'autres reliques de la Passion, / le voile 110 de Véronique, la lance du Centurion, et chacun les vénère, s'incline et reçoit une émouvante et féconde bénédiction. Ce sont ensuite les trophées des apôtres, quelques ossements de St Pierre et de St Paul, le chef de St André, la main de l'Evangéliste St Luc, qui écrivit sous la dictée de l'Apôtre des nations. Après cela, ce sont des reliques insignes de tous les âges, trésor inestimable, enrichi conti­nuellement par l'usage pieux adopté par toute l'Eglise d'offrir à la basilique du Prince des apôtres une relique insigne des Saints nou­vellement canonisés. Sans avoir assisté, M.f. (mes frères), a ces céré­monies saintes, vous comprenez ce qu'elles ont d'émouvant. Il fau­drait n'avoir point d'âme pour ne pas se sentir là comme dans le ve­stibule du ciel où les Saints auraient déposé leurs dépouilles sacrées jusqu'au jour de la résurrection. Il y a là pour notre espérance un appui plus ferme que le roc et aussi inébranlable que notre foi.- Si vous voulez, M.f. (mes frères), retrouver dans l'histoire de l'Eglise un trait saillant de cette corrélation de la pieuse espérance des fidè­les avec le culte des saintes Reliques, reportez votre souvenir au grand mouvement et au saint entraînement des croisades. 111 / Les tombeaux, comme les corps sacrés, sont des reliques. Eh bien ! vous reconnaîtrez, en relisant les chroniques de ces temps-là, que tout le mobile de l'ardeur des Croisés était leur désir de posséder le tombeau du Christ ressuscité. Et si vous demandez à ces hommes généreux pourquoi ils ne craignent pas d'affronter la mort dans ces régions éloignées, ils vous répondront qu'il leur semble qu'auprès du sépulcre du Christ on est plus près de la résurrection et qu'au moins l'espérance y est plus ferme et plus consolante. Mais il est as­sez clair, M.f. (mes frères), que nous avons dans les saintes Reliques un ferme appui pour notre espérance. Vous l'avez reconnu et res­senti dans votre cœur. Grâces soient rendues à Dieu qui nous a donné dans cette glorification des Reliques par l'Eglise ce stimulant de notre espérance.

III. Il me reste à vous rappeler que les saintes Reliques sont la source d'une infinité de grâces. - J'en pourrais donner d'abord une preuve indirecte, qui me paraît être d'une grande force. Voyez ce que le démon inspire à ses satellites. Voyez ce qui arrive aux épo­ques funestes où l'hérésie, saisissant une arme sacrilège, porte 112 dans une nation / la désolation et la ruine. Auprès le sang versé, les églises incendiées, les asiles de la prière violés ēt saccages, épargne-­t-on au moins les restes sacrés des martyrs et des Saints? Ah! M.f. (mes frères), s'il en était ainsi, nous n'éprouverions pas la tristesse navrante qui nous accable, quand nous parcourons notre France en cherchant les tombeaux glorieux de ses apôtres, et qu'on nous ré­pond: ces restes que vous cherchez ont été brûlés ou jetés au cou­rant des fleuves, ici par les Albigeois, là par les Protestants. Et l'im­piété révolutionnaire, cette autre ouvrière du démon, qu'a-t-elle fait de nos reliques ? Elle les a, vous le savez, outragées et détruites, et elle a donné à nos églises cet aspect froid et triste qui les fait res­sembler à des maisons vides. Tout cela nous montre que le démon, ennemi de la grâce, a horreur des reliques. Il nous suffit, après cela, de jeter un regard rapide sur les preuves directes de la salutaire in­fluence des Reliques. Interrogez les Pères de l'Eglise, et ils vous di­ront, avec St Grégoire de Nazianze et St Chrysostome, que les corps des Martyrs sont pour les villes une plus puissante protection que les tours et les / murailles les 113 mieux assises. Allez dans les cités privilégiées qui possèdent de ces glorieux trophées, et l'on vous montrera les splendides monuments élevés par la reconnaissance des fidèles, les témoignages de l'accomplissement de leurs voeux, les récits d'innombrables miracles, une dévotion et une affection populaires fondées sur les bienfaits multiples dus à ces précieux re­stes. Eh! qu'avez-vous besoin d'ailleurs de chercher au loin ces preuves qui éclatent à vos yeux! Ces voûtes et ces colonnes ne par­lent-elles pas? Ne publient-elles pas la gloire des reliques sacrées de notre saint patron? N'ont-elles pas été élevées par la reconnaissan­ce de nos ancêtres pour les abriter et les glorifier? Oui! elles prote­stent contre le vide de ces tombeaux sacrés que nous vénérons en­core mais avec tristesse. Elles protestent contre la diminution de no­tre précieux trésor due aux désordres de la Révolution. Et les récits de l'histoire locale nous rapportent de nombreux miracles, dont la vue a excité et gravé dans les cœurs de nos ancêtres une reconnais­sance et une dévotion qui durent encore dans les cœurs de leurs descendants.

Vénérons donc nos saintes Reliques. Honorons /-les doublement, 114 il y a pour nous un devoir de réparation. Prions aussi avec confiance auprès de ces trophées glorieux. Les miracles y sont moins fréquents. Dieu les réserve à sa Mère qu'il veut glorifier exception­nellement dans ses nouveaux sanctuaires, comme à Lourdes, mais auprès de nos Saints nous obtiendrons maint secours providentiel, pour la patrie, pour nous, pour nos besoins temporels et pour no­tre salut éternel…»

Dans un discours aux ouvriers de la Société de St-François-Xavier, je rendais compte du Congrès de Lyon, «la réunion des vrais amis de l'ouvrier, de ceux qui consacrent leur vie à la satisfaction de ses trois grands besoins, religieux, utilitaires et récréatifs.. ».

Pour le Prône du XXIe dimanche après la Pentecôte, je n'écrivis que l'exorde. Je disais à mes auditeurs que le sens général de l'évangile du jour était une exhortation au pardon des injures, et que je voulais, en en parcourant les détails, leur faire saisir, avec l'aide des lumineuses interprétations des Pères de l'Eglise, quelques traits des sentiments intimes de N. S., dont le Cœur sacré 115 laisse déborder l'affection à travers toutes les paroles / que revêt sa pensée…

Pour le Prône du XXIVe dimanche après la Pentecôte, j'écrivis un ser­mon complet et travaillé sur le Jugement dernier. je pensai qu'il me serait toujours utile d'avoir dans mes notes un discours sur un sujet si important.

Dans l'exorde, j'indiquais mon but: «C'est par cette grande vue du jugement de Dieu que tant de pécheurs ont été touchés et convertis, et que tant de justes ont été soutenus et affermis dans les, voies de la piété chrétienne. Ce sont là, M.f. (mes frères), les fruits habituels de cette considération, et par là je puis sans témérité me promettre, avec le secours de la grâce, ou de vous retirer de vos égarements, si vous vous êtes laissés malheureusement séduire et entraîner par la passion, ou de vous établir dans une sainte persévérance et de vous attacher plus fortement que jamais aux devoirs d'une vie pieuse et réglée, si vous avez eu jusqu'à présent le bonheur de l'embrasser et de la suivre.»

Puis j'annonçais ma division: «Sans suivre littéralement l'évangile, je me propose de vous montrer d'abord comment ce grand fait 116 du jugement général s'impose à notre foi, / puis comme quoi il est conforme aux déductions de notre raison, et enfin combien il importe de nous en émouvoir dès aujourd'hui.»

I. … « Je n'ai pas la prétention de vous redire les soixante ou quatre-vingt circonstances dans lesquelles l'Esprit-Saint s'adressant à toutes les générations depuis Moise jusqu'aux apôtres nous avertit de redouter le jugement de Dieu et nous dépeint ses rigueurs et son effroyable appareil. Quelques textes suffiront pour compléter l'enseignement divin résumé par St Mathieu (1).- Puis je citais: Joël, chap.III; Daniel, chap.XII; St.Pierre, épître II, chap.III; St Paul, 2e ép. aux Corinthiens, chap.III (2), et épître aux Romains, chap. II; St Jean, Apoc.Chap.XX - et je développais ensuite le texte de St Mathieu.

II. Notre raison nous dit que Dieu se doit à lui-même de manifester la vérité avec éclat et de faire triompher la justice. Il faut qu'après s'être lassé, pour ainsi dire, de voir la vérité obscurcie par les ténèbres de l'aveuglement et du mensonge, Dieu l'en fasse sor­tir avec éclat, suivant cette admirable parole de Tertullien: Exurge, veritas, et quasi de patientia erompe. /

Le monde est rempli d'hypocrites qui, sous l'apparence de 117 l'honnêteté, cachent des vices honteux, un orgueil sans borne, une corruption dégradante, une avarice sordide … La vérité infaillible de Dieu et sa justice rigoureuse se doivent à elles-mêmes de détruire toutes ces erreurs et de lever tous ces masques. Il faudra que Dieu redresse un jour les complaisances criminelles de nos jugements humains à notre égard et à l'égard des autres. Il faudra qu'il rétablisse l'équilibre entre l'oppresseur et l'opprimé. Il faudra que toute vallée soit comblée et que toute colline soit humiliée, c'est-à-dire que la justice absolue soit rendue à tous et que les injustices et les iniquités, qui sont le fond de notre vie terrestre, soient toutes réparées.

Il n'est pas moins certain que le jugement particulier ne satisferait pas complètement la vérité et la justice de Dieu. Le jugement général est nécessaire:

1° à l'égard du Fils de l'homme. Méconnu des juifs, crucifié par les païens, blasphémé par les hérétiques, insulté par les impies, déshonoré par les chrétiens, il faut qu'il soit un jour aux yeux de tous solennellement vengé, il faut qu'une réparation solennelle, éclatan­te 118 lui soit faite. / Il faut que le monde entier tombe une fois à genoux devant celui qui, pour l'amour du monde, voulut mourir sur une croix.

2° Il faut que justice soit faite à l'égard du juste. Traité mainte­nant comme son divin Maître, méconnu, méprisé, persécuté com­me lui, il faut qu'un jour il voie sa couronne d'ignominie changée en couronne de gloire. Il faut que l'ordre, publiquement violé à son égard, soit publiquement rétabli.

3° Il faut que justice soit faite à l'égard du pécheur. Sur la terre, couronné de roses, nageant dans les plaisirs, se moquant impuné­ment de Dieu et de sa loi, il faut qu'il reconnaisse un jour, le front dans la poussière, l'empire souverain de celui dont il osa braver les ordres, les promesses et les menaces. Il faut qu'au regard des hom­mes et des anges, le vice audacieux soit un jour couvert de l'ignomi­nie et du mépris, dont il essaya si longtemps de flétrir la timide ver­tu.

4° Il faut que justice soit faite à l'égard de l'homme tout entier. L'âme seule aura comparu au jugement particulier; il faut qu'à 119 son tour le corps soit jugé et que l'homme reçoive publique­ment, / dans son corps et dans son âme, la récompense ou le châti­ment des œuvres que son âme et son corps ont accomplies de con­cert pendant leur union mortelle.

Il faut que justice soit faite à l'égard de l'homme considéré avec toutes les conséquences de ses actes, de ses bonnes et de ses mau­vaises actions. Nos exemples, nos écrits, nos œuvres produisent indéfiniment après nous des fruits bons ou mauvais. C'est donc à la fin du monde seulement que les résultats de notre vie morale pour­ront être jugés dans leur ensemble;

6° Il faut que toutes les hypocrisies soient dévoilées.

7° Enfin, il faut que justice soit faite à l'égard de la Providence divine. Calomniée, niée par les aveugles mortels, il faut qu'un jour lei monde entier rende hommage à la sagesse de ses conseils, à la dou­ceur de ses voies, à la profonde économie de sa conduite. En un mot, il faut que tout rentre un jour dans l'ordre troublé par le pé­ché. Ce n'est pas assez, il faut que tout y rentre d'une manière écla­tante, solennelle. Or, un jugement public, universel, de toutes les nations assemblées, est l'unique moyen de réparer publiquement l'ordre publiquement violé…/

III. La nécessité de ce grand fait est telle que nous serions 120 insensés si nous ne donnions pas dès aujourd'hui nos soins à choi­sir et à préparer la part qui nous y sera réservée … Chacun de nous peut se dire: je serai certainement présent à cette scène décisive; mais sera-ce parmi les justes ou parmi les pécheurs? Le choix dé­pend de moi et c'est aujourd'hui, c'est chaque jour, c'est à chaque instant de ma vie que mon jugement se prépare et que ma sentence, définitive se formule…» Ne dormons donc pas comme les autres, di­sait St Paul (I Thess., V 6-7), mais veillons et gardons nous de l'eni­vrement du péché.» «Pour nous préparer à ce jugement formidable, dit St Bernard (Serm. VIII, in Ps.90), nous devons nous juger nous­-mêmes et prévenir notre juge en exerçant présentement sur nous une justice qui nous exempte de la condamnation terrible que nous aurions à craindre.» «L'esprit des justes, dit St Grégoire le Grand, est sans cesse occupé par la pensée de ce sévère examen qu'ils auront à subir après la mort» (Moral.in Job.liv. VIII, chap. 13). «Maintenant, dit St Augustin,vous / pouvez accommoder votre af­faire avec votre juge, 121 hâtez-vous donc de l'arranger, avant qu'il prononce sur vous son jugement final» (De decem chordis. ch.2)…

Pour la fête de St Pierre, je montrais le Christ prenant Simon, fils de Jonas, avec ses qualités et ses défauts naturels, avec son bon sens, sa générosité, sa hardiesse, sa présomption, et le transformant pour en faire Pierre, le premier et le modèle des Papes; Pierre, avec une foi d'une trempe à part, une charité qui n'a pas de frontière, avec un zèle qui entraîne et conduit tout selon les règles de la prudence et de la sagesse, avec une autorité qui est la plus haute de ce mon­de …Pierre vit dans son successeur, qui a droit à notre docilité, à no­tre affection, à notre concours…

Dans un sermon sur le S.-Cœur, je montrais l'étendue de l'amour du Cœur de Jésus. J'ai noté seulement à cette occasion les textes de l'Evangile qui nous montrent la bonté de N. S. pour l'enfance et la jeunesse; pour les âmes dévouées (ses amis de Béthanie et St Jean); pour les pécheurs; pour les âmes affligée, pour la patrie, pour les foules; bonté qui a son expression suprême dans la Passion et l'Eucharistie. /

122- Les autres instructions que j'ai eues à faire dans l'année, je ne les ai pas écrites. L'œuvre du Patronage prenait une bonne part de mon temps.

Le Patronage était devenu très vivant. Sa chapelle était toujours pleine le matin à la messe et trop petite le soir au salut. Je parlais à mes enfants et jeunes gens le matin et le soir. Le matin, je prenais ordinairement pour thème les Conseils de Mgr de Ségur aux jeunes ouvriers. Ce petit livre est écrit avec tant de foi et il a des comparai­sons et des exemples si bien développés! Mgr de Ségur savait bien qu'il faut aux ouvriers et aux enfants des choses concrètes, qui frap­pent l'imagination en même temps que la pensée. Notre-Seigneur ne nous a-t-il pas donné l'exemple en parlant au peuple en parabo­les? On perd son temps en parlant au peuple d'une manière ab­straite et philosophique.

Le soir, je donnais, comme l'an passé, quelque récit de Terre Sainte. Les petites notes qui me restent me rappellent ce qui a été fait chaque dimanche. En voici l'indication concise.

1er janvier. - Messe assez nombreuse. Après la messe, souhaits des Jeunes gens du Cercle et des enfants du Patronage. Courte réunion le soir. Punch au Cercle. Loterie. /

4 janvier. - Pièce jouée par le Cercle: «l'Avare». Récompenses 123 trimestrielles. Allocution par M.Pluzanski, secrétaire du Comité, professeur de philosophie au Lycée.

11 janvier. - Solennité de l'Epiphanie. Grâce à mes souvenirs de voyage, je donne au récit du mystère un cachet oriental et réaliste qui intéresse les enfants.

18 janvier. - Je décris Cana en Galilée et les noces dépeintes par l'Evangile.

25 janvier.- Récit de la Présentation. Description du Temple. Son état actuel: la mosquée d'Omar.

1er février. - Exhortation à déposer à la Caisse d'épargne du Patronage. Lecture de traits rapportés par le Bulletin de la Société de St-Vincent-de-Paul relativement à l'économie au Patronage.

8 février. - Lecture d'autres traits sur la charité au Patronage.

11 février. - Concert de l'Orphéon. Nous avions déjà, en effet, un orphéon bien organisé qui nous donnait de beaux choeurs.

15 février. - Dimanche gras. Concert. Loterie.

17 février. - Mardi gras. Féerie jouée par les jeunes gens du Cercle. Loterie. Le mercredi, cendres distribuées matin et soir. /

22 février. - Récit de la mort édifiante d'un membre du Cercle, 124 Ferdinand Querette, âgé de 19 ans. Il était mécanicien chez M. Mariolle. Il n'avait pas pratiqué depuis 3 ou 4 ans. Il s'est montré avide de la sainte communion et l'a reçue avec ferveur. Il éprouva une joie très sensible: «Quelle grande grâce, disait il, que le Bon Dieu soit venu me visiter! Je n'aurais pas voulu le recevoir avec la plus petite faute sur la conscience, il ne serait pas venu volontiers dans mon cœur.» Il me témoignait une affection filiale. Il était heureux de se sentir en état de grâce. « Mère, disait-il, si ça ne te faisait pas trop de peine, je voudrais mourir de suite, parce que j'ai la grâce et j'irais au ciel.» Comme je compatissais à ses souffrances, il me dit: «Je suis fort par la grâce de Dieu et je ne manquerai pas à la pa­tience.» Il montrait un respect pieux pour son scapulaire, il prenait avec dévotion et;confiance quelques gouttes d'eau de Lourdes.

J'ai souvent vu chez mes malades cette action intense de la grâce.

125- J'avais commencé pour mes jeunes / gens du Cercle un cours d'Economie chrétienne, qui avait lieu toutes les semaines. Ils y venaient nombreux et attentifs. J'en ai encore les notes.

Dimanche ler mars. Ouverture du mois de St Joseph. Allocution par M.Prévot, curé de St Jean.

Salut le mercredi: bénédiction avec la vraie Croix.

8 mars. Allocution sur St Joseph et sa puissante protection, par le R.P.Loiez, prédicateur du carême à la basilique.

15 mars. Solennité de St Joseph. Messe solennelle; pain bénit. Le mercredi, allocution de M.Geispitz.

22 mars. Récit de l'Annonciation. Description de Nazareth.

25 mars. Les Rameaux, Béthanie, le Mont des Oliviers, le Temple. Retraite pascale.

Lundi, sermon sur le péché, par M.Prévot;

Mardi: sur l'éternité par le P.Catillon;

Mercredi: sur le jugement et la confession, par M.Prévot;

Le jeudi et le vendredi, je donnai des récits de la Passion.

Pâques, 5 avril. Communion générale. /

Le lundi: Promenade, salut à Dallon. Le soir, réunion mensuelle.

126

10 avril. Le soir, souhaits de fête très solennels pour la St Léon. Punch, offert par le Cercle.

Dimanche 12 avril. Fête. Soirée dramatique. On joue Baldini. Loterie, gâteaux.

Les 13-16. Assemblée générale des cercles à Paris.

17 avril. Soirée dramatique pour le public: Baldini. Compte-rendu de l'Assemblée de Paris.

19 avril. Concert. Compte-rendu de l'Assemblée de Paris. Punch rendu au Cercle.

26 avril Détails de l'Assemblée de Paris.

Dimanche 3 mai. Récompenses au Patronage. Assemblée mensuel­le au Cercle.

10 mai. St Jean à la Porte Latine. Fête des imprimeurs. Panégyrique du Saint. Pain bénit à la messe. L'écusson de la corpo­ration est orné de fleurs.

Organisation de la musique instrumentale.

14 mai. Ascension. Historique des corporations ouvrières.

17 mai. Suite du même sujet, d'après Léon Gautier. /

24 mai: Pentecôte. Récit d'une fête au Cercle Montparnasse; la 127 translation des reliques de St Generosus.

Le lundi, jeux de société au Cercle.

31 mai: Annonce de Fête-Dieu et des processions.

7 juin - 14 juin = Processions dans la ville, toute l'œuvre y prend part avec ses bannières. Visite de Monseigneur.

21 juin. St Louis de Gonzague a Rome. Souvenirs: sa chambre, sa fête annuelle au Collège Romain.

28 juin - 5 juillet: St Pierre: récits de la vie de Pie IX. Traits de sa bonté et de sa piété.

12-15-26 juillet. Traits de la vie de St Vincent de Paul. lere commu­nion renouvelée. Récompense aux enfants du catéchisme des ap­prentis.

9 août.-Grande fête dans la cour pour le Compte-rendu annuel. M. le Sous-Préfet et M. l'Archiprêtre président. Le Comité protecteur et les bienfaiteurs ont été invités. La fanfare inaugure ses exécu­tions. Le Cercle joue la pièce intéressante et dramatique de «Georges l'ouvrier». /

128 16 août. - Même fête pour les familles de nos enfants.

23 août. - Je suis au Congrès de Lyon. L'allocution est faite au Patronage par M.Prévot.

30 août. Récit de l'ensemble de mon voyage à Lyon, la Salette, la Grande Chartreuse.

6 septembre. Récompenses trimestrielles. Résumé du Rapport de M. Decaux à Lyon sur les Patronages.

13 septembre. Histoire abrégée de la vraie Croix. Je donne le soir à la Société de St-François-Xavier le récit du Congrès de Lyon.

20 septembre. Description de La Salette, dont on fête l'anniversai­re.

1, 2, 3 octobre: retraite des dignitaires.

4 octobre. Fête des Saints Anges. Communion des dignitaires. Allocution du P.Gironnet, dominicain…

11 octobre. Conseils pour la foire. Séance à 5 heures. Nos jeunes gens jouent «Georges l'ouvrier» pour les sociétaires de St-François­-Xavier.

25 octobre. L'œuvre des soldats est assez vivante: 15 soldats assi­stent à la messe. / Fêtes corporatives de St Luc et de St Crépin.129

Mes notes s'arrêtent là. Je n'ai plus inscrit ensuite l'objet des in­structions et la caractéristique de chaque dimanche.

Paris, 12-16 avril. L'Œuvre des Cercles n'avait que deux années d'existence, mais elle avait déjà une grande situation et paraissait devoir transformer la France.

Elle réunissait ce que la France avait de plus chevaleresque, des officiers chrétiens, des marins, des magistrats, des hommes d'œuvres. Elle allait au peuple, et voulait rapprocher les classes pour les conduire toutes ensemble à Jésus-Christ. Le plan était splendide. L'Œuvre a fait un bien immense et le fait encore. Elle a contribué puissamment au réveil de la vie sociale chrétienne. Si elle avait pu évoluer en 1875 et accepter la République, elle nous aurait donné une république chrétienne, mais elle ne le pouvait pas, parce qu'el­le avait recruté son personnel dirigeant parmi les tenants les plus fidèles de l'idée monarchiste. Depuis lors, elle n'a plus eu une gran­de action, mais les études sociales qu'elle a lancées transformeront peu à peu notre / société individualiste et révolutionnaire. 130

Dans son numéro de janvier 1874, le Bulletin des Cercles catholi­ques d'ouvriers résumait ainsi les débuts de l'Œuvre:

«Deux années nous séparent aujourd'hui de cette soirée de Noël (1871) où, réunis dans une chambrette du Cercle Montparnasse, les premiers fondateurs de l'Œuvre (M. de Mun, M.de La Tour du Pin, M.Maignen) se sentirent inspirés à jeter à la Révolution maîtresse des classes ouvrières, leur énergique défi.- La première année de l'Œuvre commença par l'ouverture à Paris des Cercles de Belleville et de Montmartre, et se continua par la fondation de Comités unis à celui de Paris, dans les grandes villes du Midi de la France. A la fin de l'année, quatre Cercles allaient être ouverts à Paris et dix Comités étaient constitués en province. Le Livret-diplôme des socié­taires était adopté par l'Union des Associations catholiques. Enfin, un Conseil enseignant avait réuni, sous le vocable de Jésus-Ouvrier, les religieux les plus éminents des grands ordres établis à Paris, pour diriger l'enseignement distribué dans les Cercles de l'Œuvre.

131 «La deuxième année de l'Œuvre s'est ouverte par le bienfait d'une bénédiction spéciale et des grâces diverses dont le Saint-Père daignait combler l'Œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers. Sous cette bénédiction, le nombre des Cercles s'est doublé a Paris, celui des Comités locaux s'est triplé, et à l'heure qu'il est, l'Œuvre, unie par le lien religieux, est servie par trente Comités et est représentée par cinquante Cercles pouvant compter ensemble dix-mille sociétaires.

«Les étapes marquées au cours de cette année ont été: au mois d'avril, le succès vraiment au-dessus de toute attente des Missions et des Conférences publiques dirigées à Paris par le Conseil de Jésus-ou­vrier; au mois de mai, l'Assemblée générale qui a réuni dans un esprit de travail et d'union remarquable trois cents membres actifs de l'Œuvre; au mois d'août, le beau pèlerinage régional de Paris et du Nord à N.-D.-de-Liesse, et dans toute la France le déploiement des bannières de l'Œuvre; au mois d'octobre, l'appel fait en faveur de l'Œuvre par les grands journaux religieux qui l'ont élevée à la hau­teur d'une institution catholique, et l'ont appelée l'Œuvre de la Réconciliation, l'Œuvre de l'Avenir. /

132 «L'année 1874, en commençant sous ces auspices, nous ou­vre de grands horizons et nous impose de fermes devoirs…»

La deuxième Assemblée annuelle a été ouverte le dimanche 12 avril, par une réunion intime et recueillie des membres de l'Œuvre, dans sa chapelle de Jésus-ouvrier (23, rue des Carmes), devenue cette année bien étroite pour les recevoir.

A l'issue de la Messe célébrée par le chapelain, le R.P.Dulong de Rosnay (de la Société de Marie), ému par l'aspect même de ces hommes de dévouement, qu'une si ferme union d'efforts venait d'appeler à la même heure de toutes les régions de France, fit pas­ser cette émotion dans leurs cœurs par sa parole sacerdotale. Ce bon Père devait parler plusieurs fois dans ce congrès et toujours avec une émotion pénétrante, une élégance de style et un habile emploi du lieu commun qui me ravirent.

Les réunions suivantes se tinrent dans la belle salle de la société d'Horticulture, rue de Grenelle. Mgr de Ségur avait accepté la présidence d'honneur de cette journée et il clôtura la séance par une' des chaudes et gracieuses allocutions / dont il avait le secret. 133 On avait entendu un rapport de Léon Gautier sur les travaux du Conseil de Jésus-ouvrier et un rapport du Comte de Mun sur le Comité de Paris. La soirée se termina au Cercle Montparnasse, à qui revenait l'honneur de donner à ces hôtes aimes le spectacle vi­vant de l'une de ses Assemblées mensuelles.

Le lundi, messe matinale à l'église du Jésus; le matin, lecture des rapports des diverses zones du Nord et de l'Est; l'après-midi, lecture des rapports des zones du Sud et de l'Ouest.

Le soir, réunion au beau cercle St Antoine, avec une allocution simple et fermement chrétienne du colonel Lion, président du Comité de Lyon.

Le mardi, rapport sur la direction d'un Cercle, par le vicomte Le Sieur; rapport sur le fonctionnement intérieur du Cercle par M. de Givry. Le Président de l'Assemblée provoquait les objections et les explications. «Tour à tour, dit le rapport, durent ainsi monter à la tribune, malgré leur modestie: MM.le colonel Lion (de Lyon), le ca­pitaine de vaisseau Rallier (de Lorient) Sépulcre (de Maubeuge), 134 l'abbé Dehon (de / Saint-Quentin), l'abbé Frachon (de Dinan), Guiol (de Marseille), de Lautrec (de Béziers), de la Barthe (de Toulouse), Milcent (de Paris), de Castelnau (de Sainte­Affrique), Benoist d'Azy (de Nevers), etc … Chacun de ces hommes éminents (pour moi, c'est trop flatteur) rendait une note harmoni­que dans le concert vraiment admirable de l'Œuvre, et les pauses marquées par l'intervention des secrétaires, MM. de Mun (Paris), de Parseval (Nord), Georges Martin (Centre), de Langalerie (Sud­Ouest), etc … et par le doyen de l'Œuvre. M.Maignen, secondaient d'une manière heureuse les accords variés.

La soirée de cette journée se termina dans une petite fête au Cercle de Vaugirard, où la parole charmante de M.le capitaine de vaisseau Rallier tint tout ce qu'il nous avait appris à en attendre.

La matinée du mercredi était consacrée à la formation et au fonc­tionnement des Comités, sur les rapports présentés par MM.G.Martin et de La Tour du Pin. Ces messieurs mettaient en lu­mière deux principes: celui de l'Association de la classe dirigeante à la classe ouvrière et celui de la division du travail dans cette œuvre commune. /

135 L'après-midi de la quatrième journée appartenait à l'ensei­gnement religieux et général dans les Cercles et hors des Cercles. M. l'abbé Brettes parla des Missions dans les faubourgs de Paris, le P. Dulong de Rosnay des Conférences publiques et Léon Gautier des publications de la bibliothèque populaire. Inutile de dire que tous trois nous intéressèrent bien vivement.

Le soir, Assemblée solennelle. La salle était devenue trop petite malgré ses douze cents sièges. S.E. le Cardinal de Paris fendait avec peine les rangs respectueux, et c'est en cheminant sur les épaules de la foule que le capitaine de Mun parvint à la tribune, pour y faire entendre, semblable, comme il disait, au clairon qui sonne le matin du combat, les accents vibrants de sa foi religieuse et sociale.

La maréchale de Mac Mahon avait voulu prendre rang sur les degrés de l'estrade, témoignant ainsi de sa sollicitude chrétienne pour une œuvre de régénération sociale.

Le jeudi, dernière messe et communion générale au cercle du Gros-Caillou. Mgr Marguerie officiait et le P.Fristot fit entendre sa parole déjà connue et aimée. /

A 3 heures, la vieille église de St-Germains l'Auxerrois s'ouvrait à 136 la foule des congressistes qui avaient le bonheur d'y entendre la parole éloquente du P.Monsabré et d'y recevoir la bénédiction pontificale des mains du nonce, Mgr le Prince Chigi. Le pontife, of­ficiant pour la première fois sous la pourpre romaine, était acclamé à sa sortie par les cris de Vive Pie IX.

A 8 heures du soir, un banquet de 200 couverts était offert par le Comité de Paris à ses confrères de province, et les santés portées aux acclamations unanimes firent vibrer, une dernière fois, les cœurs à l'unisson; MM. de Villermont, célébrant le Saint Père; Paul Vrignault, la bannière de l'Œuvre; le colonel Borson buvant au Comité de Paris, le comte de Mun à ceux de province, le R.P.Dulong de Rosnay à l'armée,le capitaine de vaisseau Rallier à l'armée, le député Keller à l'Alsace et à la Lorraine, le capitaine de la Tour du Pin aux Dames Patronnes de l'Œuvre, le capitaine de Mun aux membres absents, le Comte de Mun aux ouvriers, et M.de Lautrec donnant en la langue poétique du midi le récit d'une fête ouvrière.

Puis on se dit un cordial au revoir, en / emportant des résolu­tions 137 généreuses et une confiance joyeuse.

Le 2 février, j'avais pu réunir un Comité protecteur, composé des personnes les plus marquantes de la ville. Cette réunion fut un véri­table événement politique et social. Toutes les notabilités de la ville en faisaient partie: la magistrature, l'administration, les officiers, les industriels. Toute la ville était gagnée à cette Œuvre qui défiait la critique. La liste du comité peut seule en donner une idée exacte: Président d'honneur: M. l'Archiprétre; Président: M.Hector Basquin, fabricant de broderies; Vice-Présidents: M.Guerard, juge d'instruction; M.Faroux, notaire; Trésorier: M.Guillaume, conserva­teur des hypothèques; Secrétaires: M.Pluzanski, professeur de philo­sophie au lycée; M.d'Arcosse, substitut. Membres: MM. Abraham Jules, négociant; - Arpin-Paillette, propriétaire - Fernand et Gustave Arrachart, négociants en vins.- Basquin Pruvost, négociant - Béguin, propriétaire - Bénard, architecte, adjoint au maire de la ville! - Bernard, procureur de la République - Biel, apprêteur - Black, in­dustriel - Cardon, notaire - Cordier, médecin 138 des hospices - Coutant, / administrateur des hospices - Delherm de Novital, com­missionnaire en sucres - Delesale, ancien principal du collège de Verdun - Demamet, ancien négociant - Faglin, avocat - Falise, négo­ciant, maire de Rouvroy - Fargeon, receveur des finances Fouquier Henri, propriétaire - Huet Jacquemin, ancien maire - Hurstel, fila­teur - Jourdain, filateur -Julien, ancien maître de pension - Jullien­ Fouquier, juge suppléant - Lebée, manufacturier - Lecot, propriétai­re - Lehoult, manufacturier - Mabille, propriétaire - Mairesse, bras­seur - Malézieux, vice-président de la Chambre de commerce - Maréchal, apprêteur - Moureau, imprimeur - Parmentier juge suppléant - Pichon, vérificateur de l'enregistrement - Quentin, banquier, président du tribunal de commerce - Raffort, négociant Roger-Rousseau, négociant - Roux, sous-préfet.

C'était un temps de vraie liberté de conscience que celui où les sous-préfets, les procureurs, les magistrats osaient patronner offi­ciellement une œuvre catholique.

Quatre réunions du Comité ont été tenues dans l'année.

Le 2 février, le Comite s'est institué. J'ai rendu compte de l'état de l'Œuvre. / Nous avons organisé la souscription et promis 139 le titre de fondateurs à ceux qui donneraient 200 f. et au-dessus de bienfaiteurs à ceux qui donneraient de 50 à 200 f. de membres ho­noraires à ceux qui donneraient annuellement de 10 à 50 f.

Le 9 mars, outre les membres déjà cités, nous avions M.d'Ersu, ju­ge, et M.Merlin, sous-préfet, auquel devait succéder M.Roux. J'ex­posai à nouveau l'état de l'Œuvre. Le Cercle comptait 53 sociétai­res et 10 aspirants. J'y avais fondé un cours d'économie chrétienne, qui se fit régulièrement chaque semaine pendant plusieurs années et auquel assistaient une vingtaine d'auditeurs. Le Patronage avait 250 enfants inscrits, dont 170 au moins venaient assidûment chaque semaine. L'Œuvre commençait à entraîner une grande partie de la ville dans un courant chrétien. Les constructions avaient coûté 19.000 francs, sur lesquels il restait 6.000 francs à payer. Il fallait songer à acheter le terrain pour lequel nous n'avions qu'une promesse de vente au prix de 20.000 francs. /

Le 11 avril, troisième réunion. Nous établissions une commission 140 d'études comprenant, outre M.Basquin, président, M.Lebée, manufacturier, M.Moureau, imprimeur, M Jourdain René, filateur; M.Bernard, procureur de la République; M.d'Arcosse, substitut; M.Faglin, avocat; M.Pluzanski, professeur de philosophie au lycée. Cette commission eut ses réunions mensuelles jusqu'en 1876.

Le 28 septembre, quatrième réunion de l'année: état de l'œuvre et des souscriptions, compte-rendu des congrès de Paris et de Nantes.

Pour décrire la vie de l'Œuvre en 1874, je n'ai qu'à emprunter quelques pages au rapport présenté par notre secrétaire M.Pluzanski, à la réunion annuelle de janvier 1875…

«Le Patronage comptait, à sa fondation, 40 enfants,

au ler janvier 1873 200

Il compte au ler janvier 1875 301

Le cercle comptait, à sa fondation

En octobre 1873 23 membres

Il compte actuellement 139

L'Œuvre de St-Joseph étend donc actuellement son action sur 440 membres.

Ils se répartissent ainsi: /

141 Ecoliers 82

Apprentis et ouvriers 324

Commis ou employés 34

Si l'on veut avoir quelques renseignements sur leur persévérance, voici des chiffres qui témoignent de la constance des uns et de la mobilité des autres, mais qui ne sont pas décourageants.

«Sur ces 440 actuellement inscrits, 186 faisaient déjà partie de l'Œuvre au ler janv. 1874. 18 étaient parmi les 40 de juin 1872. De ces 40, 4 ou 5 ont quitté la ville; 9 autres ne peuvent plus fréquenter l'Œuvre pour des motifs légitimes, comme la maladie ou l'occupa­tion du dimanche.

«La moyenne des présences, le dimanche, a été, dans le dernier mois de 206.

«La Caisse d'épargne de l'Œuvre a 198 comptes ouverts.

«Tous nos jeunes gens accomplissent le devoir pascal. 200 assi­staient à notre messe de minuit, qui a été très édifiante, 160 s'y sont approchés de la Sainte Table. Tous les dimanches, d'ailleurs,il y en a quelques-uns qui le font. Nous avons déjà eu la douleur de voir mourir de nos jeunes patronnés: tous sont morts en bons chrétiens. L'un d'eux, Ferd. Q. (1) ouvrier mécanicien âgé de 19 ans, que l'épreuve de la maladie avait ramené aux pratiques religieuses, don­nait en mourant à son directeur les marques / de la plus sincère 142 reconnaissance et de la plus vive affection, et il consolait lui-même sa pauvre mère en lui parlant du ciel!

«Depuis le dernier compte-rendu, les réunions de la semaine sont devenues plus nombreuses. La maison est d'ailleurs ouverte tous les soirs aux membres du Cercle de 7 à 10 heures. M.l'abbé Geispitz a continué ses cours de musique vocale, et tout le monde a pu juger, aux réunions de St-François-Xavier et à plusieurs saluts donnés à la Collégiale, ce que l'Orphéon de St Joseph, qui compte 50 mem­bres, avait fait de progrès en peu de temps. Une fanfare a été aussi organisée et des cours de musique instrumentale établis. M.Daub a bien voulu nous offrir gratuitement de former cette jeune; fanfare,et voilà que, vieille de huit mois seulement, elle commence déjà à faire du bruit dans le monde; à la Sainte-Cécile, elle est allée se faire entendre à la Collégiale, suivant bravement sa bannière, don de M.le Président du Comité protecteur. Enfin, il a été donné aux jeunes gens du Cercle une suite de leçons sur l'Economie socia­le chrétienne.

«Le bien appelle le bien, comme le mal appelle le mal. Outre ces différentes institutions qui complètent notre Œuvre, il en a été en­core essayé une, qui est susceptible,si les ressources ne manquent pas, d'un grand développement, et dont tout le monde reconnaîtra la grande utilité. Beaucoup de jeunes / ouvriers ou commis vivent seuls 143 dans St-Quentin, soit parce qu'ils sont orphelins, soit par­ce que leurs parents n'habitent pas la ville. Cet isolement les expose à des dangers que tout le monde devine … Combien il leur serait avantageux qu'une Maison de famille leur offrît à des prix modiques un asile où la société de camarades choisis et les bons conseils de leur directeur les préserveraient des mauvaises fréquentations et du désordre! C'est dans cette intention que quelques petites cham­brettes viennent tout récemment d'être disposées au second étage de la maison de St Joseph…

«Si quelqu'un de mes lecteurs voulait connaître dans son détail la vie intérieure de notre Œuvre, je l'engagerais à venir la visiter au moment où elle est dans toute son activité, c'est-à-dire le dimanche après trois heures. Ce n'est pas que le dimanche commence pour nous à trois heures; nous avons déjà eu le matin la messe et une courte instruction, mais c'est le moment où nous avons tout le monde … Voici d'abord dans le vestibule un de nos jeunes chefs de section, sentinelle volontaire qui se prive un moment des jeux pour 144 assurer le bon ordre de la maison: pour / entrer, il faut lui fai­re bon visage et exhiber sa carte; heureusement, je suis connu, une bonne poignée de mains et nous passons. Voici le guichet du con­trôle où l'on dépose sa carte, où les amateurs de journaux pren­nent leurs abonnements aux Petites lectures (48 numéros illustrés pour 0,20 par an); puis la Caisse d'épargne qui sollicite les écono­mies de nos jeunes gens dès leurs premiers pas dans la maison; elle ne refuse rien: pour cinq, pour dix centimes, on vous ouvre un compte; une fois qu'on a cinq francs, elle vous donne un livret, et les petits ruisseaux finissent par former une rivière. Depuis la fon­dation de l'Œuvre, notre Caisse d'Epargne a reçu 4.763 f….Ah! si nous pouvions faire prendre aux 50 ou 60 jeunes gens (c'est la moyenne), qui nous ont confié aujourd'hui leurs économies, l'habitude de ne pas vivre au jour le jour et de se réserver des ressources pour les moments difficiles!

«Nous avons pénétré dans la cour. Vous n'avez peut-être jamais vu de billard flamand, un jeu que nous avons importé ici, qui ne coûte pas cher et qui est devenu très populaire parmi nos jeunes Saint Quentinois? Voici notre préau: trapèzes, barres fixes, anneaux, tout est occupé: c'est un plaisir / pour ces enfants condamnes souvent 145 pendant la semaine à une certaine immobilité ou à des mouvements automatiques toujours les mêmes, de pouvoir ici se détendre un peu les nerfs! Voyez tout ce monde courir, grimper, crier à pleins poumons; c'est une si bonne invention que le repos du dimanche! car, ne vous y trompez pas, c'est se reposer que se démener de la sorte.

A l'autre bout de la cour, voilà des pelotons qui manœuvrent sous le commandement d'instructeurs volontaires, de vétérans d'Alsace ou d'Algérie! Dans quelques années, quelques-uns cette année même, ces conscrits iront au régiment, et ils se trouveront bien de se présenter sachant déjà distinguer leur droite de leur gau­che ou même ayant des notions bien plus étendues de la théorie militaire. Nous entrons dans la salle; autour de longues tables, voici, près du poêle, les gens paisibles qui préfèrent à une partie de bar­res, quelques jeux tranquilles ou une vieille collection de l'Illustration, qu'ils recommencent consciencieusement à feuilleter tous les dimanches. Pourquoi faut-il que ces joueurs ou ces lecteurs si calmes soient dérangés sans cesse, surtout quand il pleut, par les turbulents qui de la cour ou du préau refluent dans cette salle? C'est / notre salle à tout faire: à peine construite, la ruche est déjà 146 trop petite pour l'essaim qui s'y presse ! Pénétrons ensuite près de l'autel qu'une cloison roulante sépare du reste. C'est aujourd'hui un jour de fête; la lampe allumée annonce que Notre­Seigneur séjourne aujourd'hui toute la journée parmi nous; cet en­fant, ce jeune homme que vous voyez au pied de l'autel et dont no­tre entrée a troublé un instant la prière, appartient à une petite congrégation pieuse qui s'est donné la mission de ne pas laisser de tout le jour le Saint Sacrement sans adorateurs: laissons-le à son re­cueillement loin du bruit dont retentit toute la maison. Qui sait ce que lui inspirera cette méditation ? Un ou deux ont déjà pris le che­min du petit séminaire …A coup sûr, ce jeune homme que nous avons ainsi surpris, ne deviendra ni un mauvais ouvrier ni un mau­vais citoyen, ni un paresseux au travail ni un lâche devant l'ennemi!

«Voulez-vous maintenant que nous montions au premier étage, spécialement réservé au Cercle? Voici d'abord le salon de conversa­tion, refuge des plus tranquilles: sur la table, tous les journaux qu'on 147 veut bien nous donner: le journal de St-Quentin, Le Conservateur / de l'Aisne, le Bulletin français, le Petit Moniteur, La Semaine religieuse, les Annales de la Propagation de la foi, etc … Mais le bruit des carambolages nous attire dans les autres sal­les: le président élu du Cercle nous a aperçus, il vient nous faire les honneurs de son département, et nous montrer la bibliothèque du Cercle et les salles de jeux. Avec quatre assesseurs, également élus, c'est lui qui veille au bon ordre intérieur et administre le budget du Cercle, car le Cercle a sa liste civile; celui que vous voyez circuler au milieu des groupes, un carnet à la main, est un sociétaire dévoué qui a accepté la tâche ingrate d'être collecteur des impôts. Chaque membre doit, en effet, une cotisation de 0,50 par mois; la gratuité ne vaut rien en pareil cas,on ne s'attache qu'à ce à quoi on a con­tribué de ses deniers … Vous voyez là bas notre cher directeur occupé à un entretien particulier dont je devine le sujet; il est en train de remonter le courage de ce grand et fort garçon que troublent) les railleries du dehors, et qui, naturellement plein de bons senti­ments, irait à la messe, à confesse, à tout ce qu'on voudrait, si l'on pouvait lui donner cet anneau grâce auquel Gygès se rendait invisi­ble 148 quand il voulait. / Ah! le respect humain des ateliers!…Pas plus tyrannique, direz-vous, que le respect humain des salons!

«Vous voyez beaucoup de monde dans ces salles, mais pas assez de tables, pas assez de chaises, pas assez de becs de gaz, pas assez de place; il faudrait déjà pouvoir reculer les murs!

«Je ne vous ai pas encore tout montré. Voici le réduit où est la bi­bliothèque des plus jeunes enfants. Engageons-nous dans cet étroit escalier; nous voici dans un grenier qu'ont décoré, autant qu'il en était susceptible, des artistes de bonne volonté et qui sert à différen­tes petites réunions. Pour le moment, vous voyez, c'est une classe; ces vingt enfants ne peuvent pas fréquenter les cours d'adultes si libéralement ouverts tous les soirs dans la ville ou ne s'en conten­tent pas; ils sont bien mal installés, mais leur zèle supplée à tout, et répond au dévouement de leur instituteur qui, malgré ses occupa­tions de la semaine, est encore venu offrir à l'Œuvre ses services désintéressés. Mais la cloche sonne; tout le monde va se réunir dans la grande salle transformée en chapelle. Tous les jeux cessent, c'es la règle: aut bibat aut abeat, comme disaient les anciens dans leurs festins. Mais nos jeunes gens n'ont garde de s'en aller; / après le court exercice qui composera le salut, ils 149 entendront une cau­serie familière de notre directeur; c'est un récit de voyage, un avis important, la réfutation d'un de ces préjugés irréligieux qui cou­rent les ateliers ou les bureaux.

Après cette réunion générale, voulez-vous, tandis que les jeux re­prennent, assister à celle de la conférence de charité qu'ont formée trente des plus dévoués de nos jeunes gens, et que l'un d'eux prési­de? Cette conférence se charge de visiter quelques familles malheureuses; vous verrez comment, avec de petites bourses et un bon cœur, on parvient encore à faire quelques aumônes et à con­soler quelques misères.

«Mais ne croyez pas la journée finie. Je vous ai dit que c'était aujourd'hui jour de fête. Les enfants du Patronage vont s'en aller, mais les membres du Cercle vont aller dîner et reviendront. Quelle est le programme de ce soir? Peut-être un punch, rendu par le di­recteur (auquel ils ont eu soin de souhaiter la bonne année), avec assaisonnement de chansons et peut-être de bons avis discrètement intercalés. Tenez, notre fanfare sera de la fête, il y aura une séréna­de, nos musiciens ont apporté leurs instruments. Peut-être au lieu de punch et de sérénades / n'aurons-nous qu'un simple thé avec une 150 conférence d'un des membres du Comité protecteur, ou bien une scène dialoguée jouée par quelques jeunes gens du Cercle.

Nos soirées du Cercle se suivent chaque mois et ne se ressem­blent pas. Je ne vous parle que des fêtes privées du Cercle; trois ou quatre fois par an nous avons nos fêtes générales, qui consistent surtout dans des représentations dramatiques; ces représentations; essayent d'être elles-mêmes un enseignement et d'inculquer à l'au­diteur des idées saines et de généreux sentiments; c'est Georges l'ou­vrier ou le sujet si national des Zouaves pontificaux à Patay. Aristote se­rait content de nous puisque ce n'est qu'à sa fameuse «purification des sentiments» que sert chez nous l'art dramatique.

«Au mois d'août, la réunion a pu se tenir dans la cour; les parents de nos jeunes gens étaient invités; l'assemblée était honorée de la présence de M. l'Archiprêtre, de M.le Sous Préfet, de M.le Président de la Société industrielle, etc. Dans l'intervalle des chants, et des re­présentations scéniques, on a distribué aux plus méritants des li­vrets d'honneur qui, dans toutes les villes où leur travail 151 pour­ra les appeler, leur serviront de lettres / de recommandation au­près des œuvres analogues à la notre et de tous les amis des bons jeunes gens.

…Apres cette description de notre vie intime, notre Secrétaire concluait: «Et maintenant, mon cher hôte, que vous avez tout visité, il ne me reste plus qu'à vous dire: Jugez et concluez! Qui est-ce qui n'a pas le désir de voir la moralité et l'esprit d'ordre grandir parmi la population ouvrière? Qui est-ce qui n'y a pas intérêt? Vous trou­vez, me direz-vous, une certaine naïveté à ceux qui espèrent renou­veler en quelque temps la face de la terre: soit, et cependant quand' Dieu le veut, cela arrive (voyez Organisation chrétienne de l'Usine du Val-des-Bois, brochure publiée au Secrétariat de l'Union, rue de Verneuil, 32). Mais ne pensez-vous pas que c'est un devoir de soute­nir une Œuvre qui, sans avoir des prétentions aussi générales, a en­trepris, si je puis dire, de défricher un coin de terre et de travailler pour sa modeste part à ce renouvellement que la grâce de Dieu peut amener un jour? Figurez-vous une cité où, entre patrons et ouvriers, il y aurait une émulation généreuse de conscience, de ju­stice, de charité, de dignité morale, de bonnes moeurs, de dévoue­ment à la chose publique, / de sollicitude pour 152 les infortunes privées, d'un mot, de christianisme. Ne serait-ce pas l'âge d'or de l'industrie et le dernier mot de l'économie politique? Où le travail serait-il plus régulier, la production plus abondante, les crises mieux évitées ? - Mais cette cité idéale n'a jamais existé et n'existera jamais - Je le sais, le paradis n'est pas de ce monde, mais le monde peut y ressembler plus ou moins. Efforçons-nous donc, mon chers hôte, d'y augmenter la part du bien, et si l'Œuvre de St-Joseph vous en offre quelques moyens, n'hésitons pas à la soutenir autant qu'il est en nous.»

N'était-ce pas un bon moment que celui où ces choses étaient di­tes et publiées par un professeur de lycée et entendues par un Sous­-Préfet et par toute la haute bourgeoisie de la ville?

Ce compte-rendu indique aussi ma besogne. La dimanche il fal­lait se multiplier. En semaine, il y avait les visites des malades, des irréguliers, les fêtes à préparer, l'apostolat quotidien au Cercle, les conférences, etc, etc. Grâce à Dieu, je crois que cette vie surmenée ne m'éloignait pas trop de l'union avec Dieu, cependant mon âme en souffrait un peu.

153

M.Pluzanski, dans son rapport de janvier 1875, l'annonçait ainsi: «Monseigneur, appréciant l'utilité des œuvres qui s'adressent à la jeunesse, a constitué, sous sa propre présidence, un Bureau diocé­sain des œuvres ouvrières, dont notre comité de St-Quentin a four­ni les plus nombreux éléments. Ce Bureau diocésain est surtout un bureau de renseignements et un comité de propagande: il se met en rapport avec messieurs les curés de toutes les paroisses du diocè­se, les engage à fonder des œuvres de jeunesse, leur communique des renseignements, les éclaire par l'expérience des œuvres déjà fondées, et examine avec eux comment les différentes œuvres peu­vent être appropriées aux besoins spéciaux de chaque localité…»

Je pris le Secrétariat du Bureau et je m'efforçai d'en être la che­ville ouvrière. Avec l'autorisation de Monseigneur, je commençai une grande enquête sur l'état des œuvres et des associations dans le diocèse. J'envoyai à tous les curés le questionnaire suivant:

1° Quelles sont les associations chrétiennes de jeunes gens ou d'hommes établies dans la paroisse ?

2° Depuis combien de temps chaque association y est-elle fondée

154 3° Combien chacune d'elles compte-t-elle de membres ?

4° Quels sont les règlements de ces associations? (M.le Curé est prié d'en adresser une copie à l'évêché en renvoyant le questionnai­re.)

5° Ces règlements sont-ils observés?

6°-7° Y a-t-il des indulgences accordées aux associés? Quelles sont-elles?

8°-9° Les associés célèbrent-ils avec piété leur fête patronale? Quel est, à cette occasion, le chiffre ordinaire des communions?

10° Les associés visitent-ils leurs malades?

11° Entendent-ils la messe pour les membres décédés?

12° Ne pourrait-on rendre les associations plus nombreuses et plus ferventes, en stimulant le zèle par de charitables industries et en procurant de temps à autre le bienfait d'une retraite.

13° Si les associations n'existent pas dans la paroisse, ne parvien­drait-on pas à les fonder à la suite d'une mission plus spécialement destinée aux hommes ?

14° Les jeunes garçons sont-ils patronnés après la première com­munion?

15° Y a-t-il au moins pour eux, dans le cours de l'année, quelques réunions spéciales à l'église ou à la cure? /

16° S'ils quittent la paroisse, sont-ils chaleureusement 155 re­commandés par écrit au curé de la commune où ils vont résider?

17° Les hommes les plus chrétiens de la paroisse ne pourraient-ils pas se grouper, sous l'invocation de St Vincent de Paul pour se con­certer et se vouer à la visite des affligés, des pauvres et des malades?

18° Quelles sont les personnes ecclésiastiques ou laïques, domici­liées dans le voisinage et qui seraient disposées à prêter au Conseil des associations un concours actif et efficace?

L'ensemble des réponses fut navrant. Il n'existait presque rien comme associations et partout on signalait l'indifférence ou l'irréligion des hommes. Je rendrai compte de cette enquête plus loin, à propos du Congrès de Liesse.

Partout ou il y avait quelque espoir de fonder ou de développer une œuvre, j'écrivis et j'envoyai des documents.

Le Bureau diocésain devait garder une assez grande activité ju­squ'en 1878.

Pendant ces cinq années, j'entretins une correspondance assez nombreuse, je fis imprimer et propager divers documents et comp­tes-rendus et je provoquai et organisai les congrès / de N.-D.de Liesse, 156 de St Quentin et de Soissons.

Il se tint du 24 au 28 août. Il compta 850 membres. Ce fut le triomphe de M.Harmel, ses rapports y furent les plus remarqués. Pie IX écrivit après le Congrès: «Bien-aimés fils, nous vous félicitons du fond du cœur des progrès de votre Union et du fruit de ses travaux. Votre congrès de Lyon Nous a donné des preuves évidentes de ces développements, car il a dépassé le précédent par le grand' nombre d'Evêques ou de délégués épiscopaux qui y ont assisté; et l'éclat que lui a donné la très longue énumération des œuvres ré­cemment agrégées à l'Union a été surtout rehaussée par le dessein très noble, quoique difficile à réaliser, de diriger les efforts de votre zèle plus spécialement vers l'organisation chrétienne des usines, où sont agglomérés un si grand nombre d'ouvriers, afin de veiller sur tant de familles et de ramener cette portion nombreuse du peuple à la pensée du salut et aux devoirs du bon citoyen…»

J'assistai au congrès comme délégué du diocèse. Je n'y fus ni ora­teur, ni rapporteur. Je ne parlai dans les commissions que pour in­terroger et m'instruire. /

157 Mgr Dours avait écrit au mois d'août à Mgr de Ségur: «Monsieur le Président, je suis heureux de vous annoncer que j'ai constitué à St-Quentin un Bureau diocésain des œuvres ouvrières, qui ont toutes mes sympathies, et que j'attends les meilleurs résul­tats de l'organisation de ce Bureau.

J'ai chargé M.Fabbé Dehon, vicaire de la collégiale de St­-Quentin, de représenter, au prochain congrès de Lyon, le diocèse de Soissons et Laon, comme mon délégué et comme le délégué du Bureau diocésain.»

Je logeai à Lyon au Séminaire où se tenaient les commissions du Congrès. Les réunions générales avaient lieu dans la belle salle de fêtes du pensionnat des Frères (1).

Le travail se partagea entre dix commissions, dont quelques-unes se tinrent simultanément.

J'écris ici les noms des présidents et secrétaires de ces réunions. Ces noms me rappellent tant de personnes aimées et estimées !

lère Commission: l'Union.-Président, Mgr de Segur; Secr.le vte René de St Mauris.

2e Com.- Propagation de l'Union.- Presid. / le R.P.Vincent de 158 Paul Bailly; Vice-prés. le cher frère Joseph, assistant du Sup.gén. des Frères; secr. l'abbé Augeraud, d'Angoulême.

3e Les Œuvres.- Président M.Beluze; vice-président, M.l'abbe Debeaux, de Tours; Secr. M. l'abbé Jules Hugonin, de Bayeux.

4e Les Cercles de Militaires et de Marins.- Président: le R.P.Joseph, de Genève; Vice-président, l'abbé Debras, d'Aire sur la Lys.

Les Œuvres de jeunesse.- I. Œuvres générales dans les villes de plu­sieurs paroisses. - President M.Pabbé Peigné, de Nantes; Vice­Prés. M. l'abbé Tournamille, de Toulouse.

6° Oeuvres de jeunesse.- II Oeuvres paroissiales dans les villes de plu­sieurs paroisses.- Prés. M.l'abbé Goux, de Toulouse; VicePrés., M.le cha­noine Guillèbert, de Toulouse; Secr. M.Pabbé Camut, de Chalons­sur-Marne.

Œuvres de jeunesse, dans les villes d'une seule paroisse et dans les campagnes.- Président, M.Pabbé Dufour de Chaumel, d'Agen; Vice-prés. M.1'abbé Perné du Sert.

8° Les Œuvres de propagande populaire.- President, M.Brac de la Perrière, de Lyon; Vice-prés. M. le Comte de Caulaincourt, de Lille; Secr. M.Giselar, de Périgueux.

9° Œuvres d'enseignement et de bonnes lectures. / - Présid.le 159 R.P.Marquigny; Vice-Prés. M. l'abbé Vernhet, de Saint-Affrique; Secr. M. l'abbé Blanche, de Dôle.

10° Les œuvres de l'usine.- Président, M Jullien, député de la Loire; Vice-Prés. M. Léon Harmel; Secr. M. de Lebucquière, d'Amiens.

Conférence ecclésiastique. Président, M. l'abbé Timon-David; secr. M. l'abbé de la Coste.

Tous les membres du congrès étaient d'ailleurs tenus au courant des travaux des différentes commissions, grâce aux résumés rédigés avec autant de zèle que de talent et d'esprit par M.Fabbé Tournamille, et qui étaient lus chaque soir en Assemblée générale.

Je ne puis guère que citer les noms des rapporteurs. La plupart de ces noms sont connus, c'était l'élite de la France des Œuvres, les comptes-rendus de ces congrès sont le livre d'or de l'apostolat de notre temps.

1ère commission: - De la fondation des Bureaux diocésains, par M. l'abbé Tournamille, de Toulouse - Des travaux des bureaux diocésains: M.Vagner de Nancy (rapport remarquable sur l'activité et les industries du premier Bureau diocésain de France, fondé par Mgr Foulon, à Nancy).- De l'action des correspondants diocésains, par M.le 160 Comte Gaston Yvert. / - Du recensement des œuvres ou­vrières, par M.Paul Lerolle, avocat à Paris - De la propagande dans les séminaires, par M.Fabbé de la Coste.

2ème Commission.- Sur les publications de l'Union, Bulletin, Manuel, documents, etc; par le R.P. Germer­Durand et par le R.P. d'Arbois de Jubainville.

3ème Commission.- Monographies: de l'Œuvre des Cercles, par M.de la Tour du Pin, du Cercle des jeunes amis,de Lyon, par l'abbé du Clot; de la Société de St-Joseph, d'Orléans, par M. des Francs; de N. D. de Toutes-Joies, de Nantes, par l'abbé Peigné.

4ème Commission.- Monographies: du Cercle militaire de Versailles, par le R.P.Féron, Eudiste; du Cercle militaire de Riom, par l'abbé Faure, aumônier militaire; du Cercle de Marins de Toulon, par M.Félix Julien, officier de marine.

5e Commission.- Monographies: de l'Œuvre de jeunesse, de Marseille, par M.Timon-David; du Patronage de Nazareth, à Paris, par le R.P.Lautiez; de l'Association des jeunes gens du faubourg St­Germain à Paris, par l'abbé de Cabanoux, du clergé de St Thomas­-d'Aquin.

6e Commission.- Monographies: de l'œuvre paroissiale de St-Sernin à Toulouse, par l'Abbé Goux; de l'œuvre de Morlaix, par M. Guéguenon, cure de Morlaix. /

7e Commission.- Monographies: de l'œuvre de la Tessouale (dio­- 161 cèse d'Angers), par l'abbé Leblanc, curé de la Tessouale; d'une œuvre de Nancy, par M. Vagner.

8e Commission.- Moyens d'associer les membres des œuvres à la Propagation de la foi, à l'œuvre de St-François-de-Sales, etc.,par l'abbé Lambey de Troyes; des conférences de St-Vincent-de-Paul dans les œuvres, par M.Paul Decaux…

9e Commission.- Des conférences publiques établies dans les Cercles de Paris par le Conseil de Jésus-Ouvrier, par M Joseph Aubineau; de l'œuvre de St-Charles à Lille, par le Comte de Caulaincourt.

10e Commission.- Les œuvres de l'usine. Rapports de M.Harmel, de M.Feron-Vrau, de M.le Chanoine Schorderet.

- Conférence ecclésiastique: Rapports du R.P.Hello et de l'abbé Bernard, de Lyon, sur les retraites et la piéte dans les œuvres.

- Rapports généraux du R.P.Vincent Paul Bailly, du R.P.de Varax, de M.Camille Remont, du Vicomte de St Mauris.

Comme le disait le Bulletin de l'Union après les brillants congrès de Poitiers et de Nantes, on pouvait se demander s'il serait possible de retrouver des journées aussi belles et d'aussi / douces 162 émotions. Grâce à Dieu, le congrès de Lyon a répondu de la manière la plus consolante à cette question. L'enthousiasme de Nantes s'est renouvelé et il s'est complète par une conviction énergique et de fortes résolutions. La méthode des monographies est excellente,elle vaut mieux que tous les raisonnements, elle permet à tous les auditeurs de se dire: Cur non potero quod isti et istae ?

Je pris des notes sur les rapports de M.Harmel et j'en donnai le résumé, à mon retour, à mes ouvriers du Cercle et à ceux de la Societé de St-François-Xavier.

1er Rapport. Nécessité des associations chrétiennes dans 1'usine.

Chap.I. Nécessité des associations à cause de la situation présente des ouvriers de l'usine.

Des maîtres impies l'obligent à travailler le dimanche.

L'entassement confus d'hommes, de femmes et d'enfants produit une permanence de crimes inconnue aux temps passés.

Le respect humain exerce une tyrannie qui impose les idées les plus monstrueuses sur la religion, la famille, la morale et la société.

Les associations détruisent le respect humain.

La joie de l'âme affranchie se reflète dans les relations des ou­vriers entre eux et avec les patrons. /

163 Chap. II. Nécessité de l'extension des associations à tous les membres de la famille, aux jeunes filles, aux femmes, aux hommes (M. Harmel agrémentait sa démonstration par des traits charmants qui montraient le dévouement et l'apostolat en action parmi les ou­vriers).

Chap. III. Organisation des associations en vue de satisfaire aux trois grands besoins de l'ouvrier:

Besoins religieux: instruction chrétienne, facilités pour les sacre­ments;

Besoins utilitaires: cours techniques, conférences, institutions de prévoyance, secours dans l'infortune, possession du Foyer.

Besoins récréatifs: fêtes et jeux du dimanche; fêtes périodiques.

Chap.IV. Utilité de réunions générales, soit religieuses, soit utili­taires ou récréatives, pour montrer l'union de la famille et pour l'édification générale.

2e rapport. Des Œuvres dans les villes.

Les œuvres sont faciles dans les villes. Nous avons trouve les ou­vriers délaissés, égares, mais avides du salut qui leur a été si souvent refuse. On est toujours étonné de leur empressement admirable à revenir à Dieu. Nous avons vu les maisons ouvertes par / l'amour chrétien à ces pauvres frères, devenir trop petites avant 164 qu'on 'ait eu le temps d'en terminer les aménagements.

Toutes les associations doivent être menées de front dans les villes, en même temps que toutes les institutions économiques et d'enseignement. Il faut refaire la société en refaisant la famille. Les œuvres isolées n'ont pas pu arrêter la décadence constante qui désorganise nos populations. La société retourne au paganisme avec une vitesse effrayante. Sans les associations étendues à toute la famille, la société sera perdue et nous finirons dans un immense cataclysme qui nous emportera avec nos œuvres isolées et balaiera cette génération qui a chasse Dieu.

3e rapport. De la propagande des œuvres de l'Usine.

Il faut désillusionner notre société. Sans la religion, toute l'économie sociale moderne n'est qu'un mensonge qui nous prépare des catastrophes nouvelles.- Pas de joie sans la paix de l'âme.- Pas de bien-être sans l'économie, la tempérance et la modération, qu'enseigne la religion. Pas de famille sans le respect et les bonnes moeurs. Rien de tout cela sans la religion. Ce ne sont donc ni les sociétés 165 coopératives, ni les caisses d'épargne et de secours, ni la / hausse des salaires qui sauveront notre société, si on s'obstine à repousser Dieu.

M.Harmel indiquait aussi sommairement les résultats de ses œuvres.

Résultats religieux: le règne de Dieu dans l'usine; 1200 commu­nions par mois.

Résultats économiques: institutions de tout genre: assurances, caisses de secours, caisses d'épargne. 49 déposants ont laissé en six mois 11.000 f. Des ouvriers qui sont entrés à l'établissement avec des dettes, ont aujourd'hui un capital de deux, trois, quatre jusqu'à six mille francs, grâce aux œuvres chrétiennes, qui sont une source d'économie et d'épargne.

- Le congrès se termina par diverses cérémonies. Le samedi,salut donné par l'archevêque à la cathédrale. Vénération du cœur de St Vincent de Paul.

Le dimanche, fête au cercle de la Croix-Rousse (1). Mgr Callot et Mgr de Ségur y assistent ainsi que M.Ducros, préfet du Rhône et plusieurs officiers supérieurs. Le général Bourbaki a envoyé la musi­que du 16e de ligne. Le PJoseph obtient un grand succès par son discours patriotique.

166 - Les congressistes allèrent le lendemain / remercier Dieu,les uns à Ars, les autres à Paray. J'avais fait ces pèlerinages l'année précédente, je préférai aller cette fois à la grande Chartreuse et à La Salette.

La Chartreuse a un double charme, son beau site et les grands souvenirs de St Bruno et de toute une lignée de grands moines. Bruno avait bien choisi cette solitude, belle et sauvage, qu'il a appelée le Désert et qui est située entre ciel et terre à mille mètres d'élévation, séparée de l'agitation du siècle par un cirque de mon­tagnes.

Le désert n'a d'accès que par le défilé ou la gorge de Fourvoirie (forata via), et dans les siècles passés, une double porte fermait le défilé et des gardiens veillaient là pour protéger la solitude du Désert.

Je montai par Voiron et St Laurent. Quel beau trajet! La route val droit vers les montagnes boisées, puis elle monte la gorge du Guiers où le torrent mugit dans son lit abrupt et pierreux. On passe les usi­nes de Fourvoirie, le défilé, le pont hardi de St-Bruno, les tun­nels. Une porte rappelle l'ancien fort de l'Aiguillette, qui protégea le Désert contre les Huguenots et contre la bande / du fameux 167 Mandrin. On s'avance entre des murailles de rochers et on ar­rive enfin sur le plateau, en face du vaste monastère et des cimes al­tières du Grand-Som.

C'est de Cologne que Bruno vint là en 1033 pour chercher la soli­tude et une belle nature qui lui parlât de Dieu. Une chapelle mar­que la place de son premier monastère, dans la forêt. Un siècle après, une avalanche détruisait les bâtiments élevés par St Hugues, évêque de Grenoble. Le monastère actuel date du 17e siècle (1766).(1) L'Etat s'en est adjugé la propriété et le prête aux bons moines,qui se font des revenus en vendant leur liqueur. Leurs ri­ches bénéfices sont d'ailleurs consacres en grande partie aux bon­nes œuvres. La région qui les entoure a profité la première de leurs! bienfaits,ils ont aidé à la construction d'une foule d'églises, d'éco­les, de mairies et d'hospices.

Quelle bonne journée j'ai passée là! Je parcourus avec émotion la grande galerie silencieuse sur laquelle donnent les réfectoires et les chambres des officiers du couvent, puis la Salle du Chapitre avec sa statue de St Bruno par Foyattier et ses grands tableaux 168 co­piés de Lesueur, / et enfin le vaste cloître avec ses 130 arcades en partie du XIVe et du XVIIe siècles.

J'aimerais la vie du Chartreux avec sa modeste cellule, ses livres, son jardinet. J'ai souvent désiré cette vie, mais la Providence m'a re­tenu dans la vie active où je suis beaucoup moins assuré de sauver mon âme.

L'ordre des Chartreux compte une vingtaine de monastères,dont la moitié en France. Heureuses solitudes où des âmes donnent à Dieu l'amour intense que les gens du monde ne peuvent pas lui of­frir !

J'aime beaucoup Grenoble. Elle occupe un des beaux sites de no­tre France. Elle a ses deux torrents l'Isère et le Drac, plus vifs et plus limpides que les grands fleuves de Lyon et son cirque de mon­tagnes autrement imposant que Fourvières et la Croix-Rousse. Sa vieille église Notre-Dame, à demi romane, a été fondée par Charlemagne. J'aime son beau ciborium du XIVe siècle avec ses mille détails inventés par le génie des siècles chrétiens. Il peut être comparé au beau ciborium d'Adam Kraft à Nuremberg. J'aime à vénérer à l'église St André le tombeau de Bayard. Ces Héros chré­tiens méritent nos hommages presque à l'égal des Saints. /

169 Le palais de justice a succédé à l'ancien château des Dauphins et au parlement, il en a de beaux restes des époques de Louis XI, de Charles IX, de Louis XIV. On y voit encore l'abside de son ancienne chapelle ogivale. Les parlements d'autrefois étaient bien autre chose pour la dignité et la liberté que nos pauvres tribu­naux et Conseils généraux d'aujourd'hui. Vizille a son grand châ­teau des Casimir Perier, ancien château des Dauphins. C'est là que se tinrent les Etats du Dauphiné, qui demandèrent le vote des impôts par les représentants du peuple en 1788.

Je montai lentement de Vizille à Corps avec les vieilles diligences. La route gravit la vallée de la Romanche jusqu'au grand lac de Laffrey. On se trouve là aux pieds du Grand-Serre qui a 2.000 mè­tres et du Tabor qui en a 2.386. Plus loin à La Mure on est aux pieds du Seneppé. A La Salle, on se rapproche du torrent du Drac que l'on domine de 300 mètres.

Je couchai à Corps, qui est situe sur une terrasse fertile.

J'eus la bonne fortune d'entendre de la bouche de Maximin le récit des apparitions de 1846 et j'en fus / profondément ému. 170

Je passai une bonne journée à La Salette. Les Pères y sont très ho­spitaliers. La grande église de style roman a été bâtie en 1852. Toutes les pierres ont été portées là à dos de mulet. C'est une œuvre de foi.

Les groupes qui représentent les apparitions parlent à l'âme. On éprouve un sentiment de tristesse et de pénitence auprès de la sta­tue de la Vierge explorée.

Hélas! les châtiments que la Sainte Vierge nous a prédits ont déjà été bien terribles et ils ne sont sans doute pas terminés, pui­sque la nation continue à offenser Dieu par ses lois, par sa vie publi­que, par son gouvernement!

Le Bon Dieu a ses desseins mystérieux. Au moment où l'Œuvre du Val-des-Bois devenait le point de mire de toute la France, quand tous les hommes de zèle se réjouissaient de voir résolu le problème de l'usine chrétienne, Dieu permit que toute l'Œuvre du Val fut momentanément anéantie. Un incendie aux causes inconnues dé­vora toute l'usine du Val dans la nuit du 13 septembre.

171 En face des ruines fumantes, M.Léon / Harmel écrivait au P.Vincent de Paul Bailly les chrétiennes paroles qui suivent:

Très-vénéré et très-aimé Père,

Les applaudissements de Lyon m'effrayaient et je voyais Dieu contre nous (M.Harmel avait en effet interrompu les applaudisse­ments à Lyon en s'écriant: Messieurs, vous me faites peur, je n'ai ja­mais formé les œuvres que dans les humiliations…)

L'humiliation est le commencement de toute œuvre sérieuse. Nous devons donc être rassurés, car l'épreuve est si grande que la moisson devra être immense.

Notre magnifique établissement n'est plus qu'un amas de ruines. Trois heures ont suffi pour détruire ce qui avait coûte tant d'ar­gent et tant d'années.- Quel réveil dimanche à 3 heures du matin! Quelle douleur poignante depuis ce temps! Tous nos pauvres ou­vriers sont au désespoir, mais ils ont une douleur chrétienne. Lundi (fête de l'Exaltation de la Croix) à 7 h. du matin, toute notre famil­le faisait la communion, suivie de plus de deux cents de ces pau­vres, qui sont venus demander au S. Cœur la force et le courage. 172 Nous ne savons comment nous ferons / pour caser nos chers ouvriers pendant les 6 à 8 mois que va durer la reconstruc­tion. Nous sommes plus émus de leur douleur que de la nôtre. Priez avec nous pour qu'aucune de ces chères âmes ne se perde dans cette affreuse transition de 6 à 8 mois.

Nous sommes assurés, mais vous savez qu'il y a néanmoins des pertes immenses. Que la sainte volonté de Dieu soit faite et qu'il daigne faire servir cette nouvelle épreuve à sa gloire et au salut des âmes!

Malgré toutes les douleurs qui encombrent ma volonté inférieu­re, j'ai foi que cette épreuve est un bienfait, spécialement pour les œuvres de l'usine…»

Ce douloureux événement donna une immense notoriété aux œuvres de l'usine. La famille Harmel se montra admirable. Elle loua une usine à Neuville et y transporta une grande partie des ou­vriers. On y installa des dortoirs. Les familles restèrent au Val et les ouvriers venaient s'y retremper le dimanche. Les jeunes filles al­laient travailler à Bazancourt. Les Soeurs de Charité veillaient sur telles.

Toutes les œuvres de France envoyèrent leur souscription aux ouvriers du Val. / La nôtre fut une des premières. Cela contribua à 173 développer la fraternité qu'entretenaient les congrès et les journaux spéciaux aux œuvres, particulièrement le Bulletin.

Mon ministère de vicaire demeurait très chargé.

Les relations du Patronage augmentaient mes confessions et mes malades.

J'avais toujours les catéchismes des Frères (1), que je soignais de mon mieux. Pour les persévérants, je me servais du catéchisme du Concile de Trente, que je mettais à leur portée.

Nos Soeurs Servantes du Cœur de Jésus me demandaient aussi un peu de temps. J'allais les confesser, je leur faisais une conférence sur la vie religieuse chaque semaine, en m'aidant des deux volumes de St Liguori sur «La Véritable épouse de Jésus-Christ» et du «Traité de la Perfection chrétienne», de Rodriguez. Je faisais aussi un caté­chisme à leurs orphelines.

J'allais souvent dans les quartiers populaires relancer mes absents du Patronage. Je visitais leurs familles et j'insistais pour qu'on me les envoyât le dimanche. Je soignais mes conférences d'Economie chrétienne aux membres du Cercle / 174 J'étudiais l'économie so­ciale intégrale, le progrès national au triple point de vue moral, in­tellectuel et matériel. On étudie ordinairement l'économie tempo­relle et matérielle séparée, on s'expose ainsi à lui donner la pri­mauté. Il est bon que le développement national soit présenté dans son ensemble. Ce n'est plus, si l'on veut, l'économie politique dans son sens vulgaire, soit, mais c'est vraiment l'économie sociale inté­grale; et il est bien nécessaire de la présenter au public dans un temps comme le nôtre où les tendances matérialistes dominent la vie publique.

Je voudrais pouvoir compléter plus tard ce travail et le livrer à la publicité.

Je voulais faire quelque chose pour le clergé, parce que sa sancti­fication est le meilleur des apostolats. Je recevais la petite revue de M.Lebeurier «Études ecclésiastiques sur les devoirs du sacerdoce et du mi­nistère pastoral», je résolus de fonder une association sacerdotale sur le modèle de celles que M.Lebeurier avait déjà suscitées en divers; diocèses.

175

J'en parlai à mon ami, M.Petit, curé / de Buironfosse. Nous pen­sâmes qu'il était bon d'avoir un dignitaire du clergé pour présider l'association, et nous eûmes bientôt l'assentiment de M.Frion, doyen de Neuilly.

Les pourparlers prirent plusieurs mois. Nous fûmes en mesure d'organiser l'association au mois de juillet, dans une retraite spé­ciale faite chez les jésuites, à leur maison du troisième an à St-­Vincent de Laon.

Le Rév. Pere Dorr nous donnait la retraite.

Le 28 juillet commençaient nos réunions. Nous étions six pré­sents: M.Frion, doyen de Neuilly; M.Petit, curé de Buironfosse; M. Legrain, curé de Gandelu; M.Déjardin, curé de Mont-Notre­Dame; M.Petit, curé de Montigny et moi. Nous lisons le Bref de Pie IX et la lettre pastorale de Mgr Simor sur les Clercs séculiers vivant en communauté. Nous adoptons la Vie d'Holzhauser (1) comme guide et la revue de M.Lebeurier comme organe de notre associa­tion. Mgr Dours nous envoie ses encouragements. Nous adoptons le règlement d'Holzhauser (2) , avec l'espoir d'avoir plus tard dans le diocèse un centre de vie commune. M.Frion est élu président, M.Petit assistant et moi secrétaire.

Les membres présents prononcent la formule / suivante: 176 «Pour la plus grande gloire de Dieu, le salut de mon âme et de celles de mes frères, moi… e fais pour un an la promesse de stabilité dans l'Oratoire diocésain de Soissons, de dévouement à cet institut et de fidélité à ses règles.»

Nous commençâmes dès lors notre envoi régulier du Compte rendu de conscience mensuel à notre président, M.Frìon. L'Oratoire allait se développer. Outre les six adhésions déjà citées, il obtint peu à peu celles de MM. Leleu, vicaire à Saint­-Quentin; Luzurier, curé d'Andigny, Rasset, curé de Clamecy, Marchal, professeur à St-Léger, Caron, doyen de Coucy, Lemaire, vi­caire de Guise, Dufour, vicaire de Chauny, Brochart, de St Quentin, Houppeaux, curé de Luzoir, Dufour, cure de Cuisy, Jovenay, vicaire de Château-Thierry, Hecq, vicaire de Crécy.

Les réunions des années suivantes devaient se tenir au grand sé­minaire de Soissons pendant les retraites pastorales. /

177 L'Oratoire fit certainement un très grand bien en mainte­nant un certain nombre de prêtres dans la fidélité à leur règlement quotidien.

J'avais obtenu de Monseigneur Dours qu'il voulût bien envoyer une circulaire à son clergé avec notre programme d'enquête. Il le fit à la date du 4 décembre 1874. En voici la teneur:

«Monsieur le Curé,

Vous n'ignorez pas l'élan qui est donné dans toute la France aux œuvres et aux associations qui ont pour but de ramener Us hommes à la pratique de la religion, et plus spécialement de conserver la foi parmi nos populations ouvrières. Après avoir gémi avec vous sur le mal si profond de notre société, et après avoir prié Dieu de nous en indiquer les remèdes les plus efficaces nous avons vu avec bonheur la création et le développement providentiels de ces œuvres. - Notre diocèse n'est pas reste étranger à ce mouvement. Plusieurs de ces associations y prospèrent, mais nous désirons les voir s'y généraliser. C'est pour cela que nous avons créé un Bureau diocé­sain des Œuvres ouvrières, qui recevra / bientôt une organisation plus 178 complète et commencera des réunions périodiques. Ce Bureau reliera les œuvres déjà fondées et en suscitera de nouvel­les.- Mais nous avons besoin de savoir au juste où en est le diocèse sous ce rapport. Dans ce but, nous vous adressons le questionnaire ci-joint que vous voudrez bien remplir consciencieusement et nous renvoyer très exactement dans la quinzaine.

Voici un aperçu des œuvres dont vous aurez à nous signaler l'exi­stence ou à nous faire espérer la prochaine réalisation dans votre paroisse:

1° Œuvres destinées aux enfants: catéchismes de persévérance, patronages des écoliers, œuvre des petit savoyards (dans les villes), orphelinats;

2° Œuvres destinées aux adolescents et aux jeunes gens: associa­tions de persévérance, patronages, cours du soir, œuvres de pre­mière communion (préparation spéciale des apprentis), hôtelleries ou maisons de famille, confréries, cercles, orphéons et musiques in­strumentales ayant un caractère religieux;

3° Œuvres d'hommes: confréries ouvrières, confréries de piété, sociétés de secours mutuels, cercles, réunions dites de la Sainte Famille, Conférences de St-Vincent-de-Paul, etc.; /

4° Œuvres sans lien d'association: retraites spéciales, 179 bi­bliothèques, messes spéciales, cours publics, etc.

Nous vous engageons tout spécialement à nous signaler exacte­ment: 1° ce qui reste des anciennes confréries ouvrières et l'impor­tance de l'esprit chrétien qu'elles ont encore ou qu'elles pourraient reprendre sous votre impulsion; 2° les Œuvres que vous comptez fonder prochainement; il n'est guère de paroisses où l'on ne puisse créer, avec des chances de succès, au moins une bibliothèque e une œuvre de persévérance pour la jeunesse; 3° celles de ces œuvres pour la fondation ou la direction desquelles vous désirez des renseignements ou des documents pratiques. Le Bureau diocésain) sera chargé de vous les procurer.

Nous comptons sur votre exactitude. Veuillez agréer, etc.

Jean Jules, év. de Soissons.»

Dans un diocèse très discipliné et très agissant comme celui de Cambrai, nous aurions reçu en quinze jours autant de réponses qu'il 180 y a de paroisses. Dans le nôtre, nous n'avons pas reçu le / tiers des réponses attendues. Il faut compter avec les vieillards, les découragés, les distraits, etc.

Je résumai les résultats de l'enquête pour les présenter au con­grès diocésain qui allait se tenir bientôt à N.-D.-de-Liesse, je donne ici ce résumé…

«Ma tâche, comme Secrétaire du Bureau diocésain, est de vous rendre compte de l'état des Œuvres et des Associations d'hommes dans notre diocèse, d'après les réponses qui ont été faites au que­stionnaire envoyé par Monseigneur. Nous avons à parcourir une carrière, ne faut-il pas connaître notre point de départ? Ouvriers hardis et entreprenants, nous nous proposons d'édifier de belles Œuvres dans notre diocèse, ne faut-il pas sonder d'abord le terrain sur lequel nous aurons à bâtir?

«Mon rapport sera nécessairement défectueux en plus d'un point, car un assez grand nombre de réponses au questionnaire nous ont manqué, sans doute à cause de la non-existence d'associa­tions d'hommes dans un certain nombre de paroisses et du peu d'espoir d'arriver prochainement à en établir, en raison des difficultés qu'on s'exagère peut-être.

«Vous verrez qu'il y a en effet beaucoup à faire à cet égard dans notre cher diocèse. / Mais la grandeur de la tâche, loin de vous 181 abattre, vous fera comprendre l'urgence d'une action énergi­que et fortifiera vos résolutions.

«Je serai l'écho fidèle des réponses que j'ai reçues Je montrerai d'abord la nécessité pressante des Œuvres, qui nous est surabon­damment démontrée et qui prouve que notre assemblée est, pour notre diocèse, un événement providentiel, dont nous ne saurions trop louer Dieu…

« I. Quelle est la grandeur du mal?

Ce chapitre est un de ceux qu'on n'aborde que devant une as-j semblée comme celle-ci, composée d'hommes de dévouement.) Pour d'autres, ce serait un motif de perdre courage et de reculer) devant le grandeur de la tâche. Pour vous, ce sera un stimulant énergique. Vous savez que l'honneur grandit avec l'importance de l'obstacle vaincu; et la gravité du péril, loin de vous décourager, double vos forces et vous porte à recourir à des moyens plus puis­sants: Voici donc les impressions de tristesse et quelquefois de dé­couragement qui nous arrivent de plus de quarante paroisses du diocèse.

l° Difficultés qui résultent de l'état général des paroisses. - Un curé nous écrit: «Il n'y / a plus de sève, plus de vie reli- 182 gieuse dans les pauvres âmes de nos contrées, autrefois si riches en associa­tions comme en monuments religieux.» Un autre: «Des préventions contre tout ce qui touche de près ou de loin à la religion ne laissent guère d'espoir, au moins prochain, du côté des hommes.» Un autre: «L'esprit révolutionnaire compte trop d'adeptes et même de propa­gateurs ici. Nous n'avons que deux hommes vraiment chrétiens, dont l'un, vieillard infirme et sourd, ne peut être un élément d'as­sociation, et l'autre par sa position ne peut prendre d'initiative.» Un autre encore: «L'égoïsme et l'amour de l'argent sont de grands obstacles. Le peu de bons chrétiens qui restent sont trop avancés en âge pour penser à rien entreprendre.» Dans une paroisse: «Les hommes les plus chrétiens ne remplissent pas le devoir pascal.» Dans une autre: «Il n'y a pas d'hommes chrétiens: trois seulement! sur sept cents habitants.» Dans une autre: «Quelques hommes seule­ment remplissent le devoir pascal, et la plupart sont étrangers à la paroisse par leur naissance.» Une cure de canton ne compte que deux hommes qui s'approchent des sacrements à Pâques, et par ca­ractère, comme par / éducation, ils ne seraient pas disposés à faire 183 davantage.» Ailleurs: «On ne connaît pas le dimanche, il n'y a de réunions qu'aux danses nocturnes et au cabaret.» Un curé nous dit: «Nous n'avons pas un seul homme chrétien.» Un autre: «Si l'on entend par chrétiens des hommes qui s'approchent des sacrements, je ne pense pas qu'il y en ait dans ma paroisse.» Un autre encore: «Dans une paroisse où pas une femme n'assiste aux vêpres, y a-t-il lieu à des associations de jeunes gens ou d'hommes ?»

(Ces constatations navrantes faites par 40 curés auraient pu être formulées encore par 300 autres, si la tristesse et le découragement ne les avaient pas empêchés d'écrire.)

«Voici une appréciation qui, sous une solution originale, cache une situation bien triste: «Ne pouvant avoir mes paroissiens qu'à la Saint Antoine, fête patronale du pays, je me demande depuis long­temps s'il n'y aurait pas possibilité d'établir parmi les jeunes gens une association de St Antoine.. Je vais essayer. La fête patronale est célébrée avec une certaine religion. On croirait manquer à 184 tous ses devoirs / si l'on manquait à la messe de St Antoine le 17 janvier, mais cette assistance suffit à peu près pour toute l'année…» Hélas! dans ce faible reste de pratique religieuse, n'y a-t-il pas enco­re plus de superstition que de foi ?…

«Un curé a fait donner une mission, il y a quelques années, dans la paroisse où il réside, les missionnaires ont été chassés. Dans la pa­roisse annexe, le respect humain a empêché les fruits de la mission. Comme communions pascales, dans la paroisse principale, il n'y a pas un seul homme et il n'y a qu'une femme…»

«Voici une autre correspondance qui donne avec quelques détails la situation religieuse de la région la plus déshéritée de notre diocè­se, la Brie: «Nous n'avons pas d'associations chrétiennes et je ne vois pas qu'il soit possible d'en fonder. Il est excessivement rare que quelques jeunes gens ou quelques hommes assistent à la messe le dimanche. Il y a dans cette paroisse l'indifférence la plus complète et la plus invincible en matière de religion. Excepté aux principales fêtes de l'année, il n'y a guère que cinq hommes à la messe le di­manche et les / mêmes ne viennent pas deux dimanches de suite. J'ai essayé de beaucoup de manières à les faire venir, J'essaie 185 encore tous les jours; toutes mes démarches restent infructueuses et mes peines inutiles. Que faire ? Impossible de les instruire à l'église: l'été, ils n'y viennent pas, sous prétexte qu'ils n'ont pas le temps; l'hiver, ils n'y viennent pas davantage, sous le prétexte qu'il fait trop mauvais et trop froid !…»

(N'y a-t-il pas, hélas ! vingt-cinq diocèses de notre pauvre France qui sont à peu près dans la même situation !)

«Pour compléter ce sombre tableau, indiquons les principales causes auxquelles un de nos correspondants attribue, non sans rai­son, le triste état dans lequel se trouvent la plupart de nos paroisses rurales au point de vue religieux.

Ce sont: 1° l'indifférence de la loi civile, sinon dans les textes, au moins dans l'application, relativement à la profanation du diman­che. Cet abus en est arrivé actuellement au suprême degré de la li­cence: labourer de la terre, semer les champs, conduire les engrais, tout cela se fait sans aucune / espèce de honte. Les 186 réclama­tions que nous faisons en chaire ne font qu'irriter, sans retenir per­sonne. 2° l'établissement d'une foule de sucreries, râperies, bascu­les. Souvent ces usines sont de véritables écoles de démoralisation. Certains contre-maîtres sont des athées qui quelquefois s'en vantent publiquement. On y travaille nuit et jour, dimanches et fêtes. Les jours de la Toussaint et de Noël ne sont même pas distingués des jours ordinaires. 3° la liberté illimitée d'ouvrir des cabarets et les habitudes d'alcoolisme. 4° Les mauvais journaux achèvent d'égarer les esprits et d'en ôter les précieux germes de foi qui s'y trouvaient encore…

«Devant cet envahissement de l'indifférence et du matérialisme, reculerons-nous et céderons-nous le terrain? Non, ce ne serait pas chrétien. La croix est un étendard de combat, les apôtres ont vain­cu d'autres obstacles…»

L'enquête n'a pas donné cependant que ces résultats attristants. On y trouve quelques lueurs d'espérance. Une quarantaine de pa­roisses ont des catéchismes de persévérance plus~ou moins suivis. Soissons et Laon ont, comme St Quentin, des œuvres assez largement organisées./ 187 Dix paroisses de campagne ont des Patronages plus ou moins vivants, notamment Liesse, Epieds, Lemé, Fíeuculaine, Landouzy-la-ville et Montescourt.

Triste situation! fruit du gallicanisme et du jansénisme. En met­tant la religion en dehors de la vie politique et sociale, on en a éloi­gné les hommes d'abord, puis la population presque entière.

Après l'exposé de ce tableau tracé par les dépositions des témoins eux-mêmes il ne m'était pas difficile de prouver au Congrès de Liesse la nécessité urgente d'un apostolat infatigable aidé par des moyens nouveaux, mais hélas je devais être trop peu suivi.

Le journal de St-Quentin n'était pas mauvais, il était libéral, pétri de respect humain et incapable de concourir à l'essai de restaura­tion qu'on voulait tenter. M Julien était souvent le confident de mes projets. Nous nous décidâmes avec lui à tenter la fondation d'un journal catholique et monarchiste. C'était un projet hardi,dans un milieu aussi peu favorable que l'était / la région de St Quentin. 188 Nous trouvâmes quelques actionnaires à St-Quentin. Je fis ap­pel à toute l'aristocratie du département. Il y avait partout de la confiance, nous rencontrâmes beaucoup de bonne volonté et un concours assez actif.

Voici le noms des principales familles auxquelles je m'adressai et ce fut presque partout avec succès.

- Dans le soissonnais: M.de la Prairie, M.de Violaine, M.de Blavette, M.de Flavigny, M.de Cacqueray, M.de Sahune, M.Eug.Rigaux.

- Dans le laonnois: M.de Sars, le baron Nachet, M.de Rougé, M.La Tour du Pin, M.de Saint-Valier, M.de Grilleau, M.de Hennezel, l'abbé L'Eleu de la Simon, la Marquise de St-Chamans. /

- Dans la région de Château-Thierry: 189

le Comte de Lavaulx,

M.de Tillancourt,

M.Brajon de Viffort,

- Au canton de Braisne:

M.de Laurès à Jouaignes,

M.Debonnefoy de Montbazin à Paars;

- Au canton de La Fère:

Les Biver de S.Gobain,

M.Rohart de Barisis,

- A Chauny: M.Leroy, - Au Nouvion: M.Lenain-Proyart, - Au Catelet: M.Loiseau, de Villeret.

- Au mois de décembre, le Conservateur de l'Aisne commençait à paraître. Il allait lutter dix ans et s'assimiler ensuite le Journal de St Quentin.

Je trouvai encore à cette nouvelle œuvre pas mal de soucis. L'im­primeur, M.Penet, nous tenait assez raide. Parfois l'argent man­quait et il fallait chercher des bailleurs de fonds de bonne volonté. Les rédacteurs dépassaient souvent le but et froissaient bien des lec­teurs. L'affirmation catholique dans ce département a fait du 190 bien / et l'œuvre se continue par le Journal de St-Quentin.

Table des matières

X Cahier
1873: Deuxième année de Vicariat (Suite)
Le Patronage: son influence
Le Patronage: fêtes et pèlerinage 4
L'Œuvre des Cercles 6
Le Patronage: causeries du dimanche 8
Ministère, catéchismes 13
Bois-d'Haine: Louise Lateau 16
Nos Soeurs 19
Retraite à Soissons 24
Notes quotidiennes 25
Etudes et lectures 28
Actes épiscopaux 38
Correspondance: Lettres à ma famille 43
Lettres du P.Freyd 59
Lettres de M.Demiselle 61
Lettres diverses 63
Congrès de Nantes 65
Nantes 71
Auray; Sainte-Anne 75
La Rochelle 76
Saintes - Angoulême - Bordeaux 80
Buglose - Pouy - Dax 83
Pau 84
Lourdes - Bétharram 87
Tarbes - Toulouse 88
Montpellier - Marseille 90
Lyon 92
Ars - Paray 94
X Cahier
1874: Troisième année de Vicariat
Fondations 97
Prédications 98
Instructions au Patronage 122
Œuvre des Cercles: Assemblée annuelle 129
Comité protecteur 137
Marche de l'Œuvre 140
Bureau diocésain 153
Congrès de Lyon 156
La Chartreuse 166
Grenoble - La Salette 168
Incendie du Val 170
Ministère 173
Oratoire diocésain 174
Enquête diocésaine 177
Le Journal 187
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  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
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