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XIII Cahier

=====Notes sur l’histoire de ma vie

VIIe période: Saint Quentin – Congrégation et Institution – 1877-1893

Année scolaire: 1877-1878

Ce fut pour moi une grande année.

J'avais à mettre en train l'institution St-Jean et la Congrégation. J'étais encore vicaire; le Patronage et les œuvres étaient en pleine activité. C'était trop, aussi je devais être éprouve par un état de sain­te inquiétant au milieu de l'année. J'avais trop à faire, j'étais sur­mené.

Les impressions aussi fatiguent et épuisent et je devais en éprou­ver de bien profondes et parfois de bien douloureuses dans ces es­sais de vie nouvelle.

Je noterai d'abord mes souvenirs relatifs à l'Institution, puis ceux qui se rapportent aux œuvres et au ministère, et enfin ce qui regar­de la Congrégation. /

Quoi de plus important que la retraite?

Quoique surcharge d'occupations par les constructions, l'organi­sation, l'inscription des élèves, j'ai voulu la donner moi-même à mes professeurs ou plutôt la faire avec eux.

Je n'en ai écrit qu'un canevas, mais il me semble répondre aux dispositions que Dieu demandait de nous, et si j'avais à prêcher des professeurs, je ne verrais rien de plus pratique à leur dire.

Nous sommes aux pieds de N.-S. pour quatre jours, pour recevoir une mission…

Il faut nous y présenter purs, attentifs et généreux.

1° Purs. C'est une condition pour recevoir les lumières: «Beati mundo corde, quoniam ipsi Deum videbunt» (Mt 5,8). C'est une condition pour se présenter dignement. N.-S. purifie ses apôtres (il leur lave les pieds) avant de leur donner le sacerdoce et la mission qui en résulte. Qui est assez pur pour paraître devant Dieu? Les Anges tremblent en sa présence.

Les âmes pures s'approchent de Dieu avec simplicité et confian­ce.

Adam souillé se cachait instinctivement.

Samuel innocent disait avec simplicité: / «Parlez, Seigneur, 3 vo­tre serviteur écoute » (1 Rg 3,10).

Marie disait humblement à l'envoyé de Dieu: «Ecce ancilla Domini» (Lc 1, 38).

Prière: «Cor mundum crea in me, Deus … asperges me hyssopo et mundabor… auditui meo dabis gaudium et laetitiam» (Ps 50, 12.9­10).

Résolutions: s'humilier, se confesser dès le commencement de la retraite.

2° Attentifs. Dieu parle aux âmes qui l'écoutent. «Loquere, Domine, quia audit servus tuus» (1 Rg 3, 10). «Non in commotione Dominus» (3 Rg 19, 11). Imit. lib. III, c.1 «Audiam quid loquatur in me Dominus Deus. Beata anima quae Dominum in se loquentem audit. Beatae mires quae venas divini susurri susci­piunt. Beati oculi qui exterioribus clausi, interioribus sunt intenti.»

Dieu parle aux âmes dans 1'oraison: « In meditatione mea exar­descet ignis» (Ps 38, 4).

Il faut parler à Dieu avant d'agir auprès des hommes: N.-S. nous en donne l'exemple: « Ascendit in montem orare… et descendit ad turbas » (Lc 6, 13.17).

Résolution : Laisser toute préoccupation étrangère à la retraite : «Praebe, fili mi, cor tuum mihi» (Pr 23, 26). 4

3º Généreux. La retraite est un temps de grâce, mais Dieu ne donne qu'à ceux qu'il trouve disposés et généreux : «Date et dabitur vobis» (Lc 6, 38).

Nous nous donnerons entièrement, comme saint Paul après sa conversion à Damas : «Domine, quid me vis facere ?» (Ac 9, 6).

Générosité prompte : Pierre et André, appelés par Notre Seigneur quittent sur le champ leurs filets et leur père : «Dixit eis : Venite post me…continuo…relictis retibus et patre, secuti sun eum» (Mt 4, 19-20.22).

Générosité persévérante, comme celle de saint Jean au Calvaire…

Deuxième méditation

Regard d'ensemble : Vue de foi.

1º Ouvrons les yeux de notre foi.

«Justus ex fide vivit» (Rm 1,17). «Conversatio nostra in caelis est» (Ph 3, 20). «Quaerite primum regnum Dei» (Mt 6, 33).

Représentons-nous tout le ciel qui nous contemple. Rappelons-nous la vision de saint Jean : «Audivi vocem dicentis : scribe quae vides, et conversus, vidi… viginti quatuor seniores, etc…» (Ap. passim).

Il faut que je voie le présent et l'avenir : mon Dieu, sa volonté, ses désirs, ses promesses, ses menaces… 5 mes devoirs… la grandeur de ma mission… le prix de ces jeunes âmes…leur avenir, leur influence pour le bien ou pour le mal.

2º Les personnes au ciel :

Le Sauveur sur son trône éclatant : il est père, il est sauveur, il est juge…

La très Sainte Vierge, ma mère et la mère de nos élèves.

L'armée des Anges et des Saints: nos patrons, St Jean en particu­lier.

Les patrons de nos enfants, leurs ancêtres admis dans la gloire des cieux.

Leurs anges gardiens.

3° Les actes

N.-S. nous bénit.

Il nous donne mission…

Il nous parle de son Eucharistie, de son Cœur, de sa Croix.

Il exhorte, il promet, il menace.

Il veut que nous le prions.

Marie, les Anges, les Saints nous nous adressent tour à tour leurs recommandations affectueuses mais fermes…

Mission divine pour l'enseignement.

6 1. «Sicut misit me Pater et ego mitto vos…/ euntes docete… (Jo 20, 21; Mt 28, 19).

Nous devons enseigner au nom de N.-S.

Notre mission est bien divine: nous sommes «envoyés» par notre évêque, qui est envoyé par Pierre vivant en Pie IX, qui est envoyé par Jésus-Christ.

Supposons donc que nous sommes présents à la première mission des apôtres, qui est la source de la notre.

2° Circonstance de la mission des apôtres.

«Cum sero esset die illo» (Jo 20, 19). C'était tard, les apôtres avaient prié et attendu le Sauveur. «Una sabbatorum» (Jo 20,19), c'était le jour du Seigneur, jour de prière et de communion, sans doute. «Et fores essent clausa» (Jo 20, 19), les portes étaient fermées. Tout était dans la calme et le silence. Il n'y avait pas de di­stractions ni d'occupations étrangères. C'était comme une retraite.

«Ubi erant discipuli congregati», c'était une réunion de disciples dans la prière et la charité.

«Venit Jésus et stetit in medio eorum» (Jo 20, 19): Jésus vint et se tint au milieu d'eux. O mon Sauveur, vous voici venu aussi aujourd'hui dans notre modeste sanctuaire et vous êtes au milieu de nous. /

7 «Et dixit illis: pax vobis» (Jo 20, 19). Merci, Seigneur, nous nous inclinons sous votre bénédiction. Puisse cette paix toujours régner dans nos âmes et dans nos relations!

«Gavisi sunt ergo discipuli, viso Domino … dixit ergo iterum: pax vobis, sicut misit me Pater et ego mitto vos…» (Jo 20, 20-21).

3° Comment faut-il enseigner ?

«Euntes docete… (Mt 28, 19). Enseignez en mon nom, comme je le ferais moi-même… avec dignité, gravité; avec zèle, soin, travail; avec des vues de foi; en pensant aux conséquences de notre œuvre: la vie chrétienne de ces enfants, le salut de leurs âmes, le bien de l'Eglise.

Mission divine pour l'éducation.

1° Nous devons diriger, élever, sanctifier. «Docentes eos servare omnia quaecumque mandavi vobis» (Mt 28, 2(l).

«Erunt prava in directa…» (Lc 3, 5). «Instaurare omnia in Christo» (Eph. 1, 10). «Apparuit gratia Dei, salvatoris nostri, omnibus hominibus, erudiens nos, ut abnegantes impietatem et saecularia desideria, sobrie et juste et pie vivamus in hoc saeculo» (Tt 2, 11)./

2° Nous recevons une puissance sur les âmes analogue à celle 8 accordée par N.-S. à ses disciples sur les corps:

«Convocatis duodecim dedit eis potestatem spirituum immundo­rum ut curarent omnem languorem et omnem infirmitatem…(Mt 10, 1) «leprosos mundate, mortuos suscitate» (Mt 10, 8).

Le succès fut prodigieux:

«Et ait illis: videbam Satanam sicut fulgur de caelo cadentem… In ipsa hora exultavit Spiritu sancto et dixit: confiteor tibi, Pater, quia abscondisti haec a sapientibus et revelasti parvulis… (Lc 10, 18,21). Voilà la condition: l'humilité.

3° Maladies à guérir

L'orgueil. Il engendre la désobéissance, l'envie, l'ingratitude, les injures, la vanité, la susceptibilité, le mensonge, le mauvais esprit, l'esprit d'indépendance et de critique. Il faut en réprimer les écarts et en diriger l'énergie.

La sensualité: paresse, perte des moeurs. Réprimer et surtout pré­venir.

Concupiscentia oculorum. Chez les adultes, c'est la cupidité. Chez les enfants, c'est la curiosité, la légèreté, la dissipation.

Seigneur, bénissez notre mission comme vous avez béni celle de vos disciples. /

Sanctification personnelle.

1° «Ecce ego vobiscum sum» (Mt 28, 20). En donnant aux apôtres leur mission, N.-S. leur promet de demeurer uni à eux, s'ils lui sont fidèles.

St Paul craignait de négliger sa propre sanctification en travail­lant à celle du prochain. «Omnia facio propter evangelium ut parti­ceps ejus efficiar» (1 Cor 9, 23). Je veux participer aux vertus que j'enseigne, aux grâces que je procure. «Castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne forte cum aliis praedicaverim, ipse reprobus efficiar» (1 Cor 9, 27).

2° Je suis avec vous et en vous: paroles pleines d'encouragement et d'affection.

Avec vous et en vous par la grâce… Avec vous pour vous bénir, vous encourager, vous fortifier.

«Sine me nihil potestis facere» (Jo 15, 5). Ne faites rien sans moi, rien dans des vues naturelles. Je veux être avec vous. C'est votre for­ce et votre garantie, c'est votre grâce.

3° Je suis avec vous dans vos enfants, «quicumque susceperit 10 puerum unum / in nomine meo, me recipit, et qui me receperit, re­cipit eum qui misit me» (Mt 18, 5. 10, 40). «Amen dico vobis, quam­diu fecistis uni ex his fratribus meis minimis, mihi fecistis» (Mt 25, 40). Je tiens comme fait à moi même le bien que vous ferez à ces enfants.

Charité mutuelle 1° Condition pour l'exercice fécond de l'apo­stolat. C'est une force.

Jésus envoie ses disciples deux à deux. «Frater qui adjuvatur a fra­tre, quasi civitas firma» (Pro 18, 19).

C'est un exemple.

«Ut sint unum sicut et nos» (Io 17, 11). 2° Précepte important, réitéré.

«Mandatum novum do vobis ut diligatis invicem, sicut dilexi vos, ut et vos diligatis invicem» (Jo 13, 34). C'est au moment où N.-S. épanche son cœur après la cène: «Filioli, adhuc modicum vobi­scum sum» (Jo 13, 33). Il se répète plusieurs lois: «Hoc est praecep­tum meum ut diligatis invicem sicut dilexi vos» (Jo 15, 12).

St Jean répète souvent le précepte du Seigneur: «Carissimi, diliga­mus invicem» (1 Jo 4, 7).

3° Comment pratiquer cette charité. «Sicut dilexi vos» (Jo 15, 12)./

Aimons notre sanctification mutuelle. Exerçons cette charité 11 par la prière, par l'union et la confiance, par les conseils charita­bles, par les services réciproques.

Que cette charité s'étende au soin des domestiques.

«Si quis domesticorum curam non habet, est infideli deterior» (1 Tm 5, 7).

De l'Eucharistie 1° Jésus nous parle de son Eucharistie. Il désire toujours s'offrir sur l'autel pour la gloire de son Père et pour notre salut.

«Desiderio desideravi manducare hoc pascha vobiscum» (Lc 22,15). «Ignem veni mittere in terram et quid volo nisi ut accenda­tur» (Lc 12, 49). «Deliciae meae esse cum filiis hominum» (Pro S, 31). «Accipite et manducate» (Mt 26, 26). «Hoc facite in meam commemorationem» (Lc 22, 19).

Jésus indique par ces mots les actes et les sentiments qu'il attend de nous.

2° Les actes

«Hoc facite». Aimez à rompre le pain. Aimez à me rendre présent 12 si vous êtes prêtres, à me recevoir si vous ne l'êtes pas./Appliquez votre zèle à rendre la communion fréquente…

3° Les affections

«In meam commemorationem». Pensez à moi. Faites y penser. Visitez moi.

J'attends vos visites, vos hommages et surtout vos cœurs.

Je veux être au milieu de vous. J'espère n'y pas être dans l'aban­don, dans l'isolement, dans l'oubli, dans l'indifférence.

J'attends vos consolations, … vos réparations.

Le Sacré-Cœur 1°Jésus nous parle de son Cœur.

Nous avons pour cette dévotion une grâce et une mission spécia­le.

Cette grâce spéciale est notre trésor et notre force. Jésus nous ap­plique les désirs et les promesses qu'il exprimait à Marguerite Marie. 2° Ses désirs

Nous devons répandre l'amour de son Cœur et par là ses grâces et ses trésors; lui procurer consolation et réparation.

«Mon divin Cœur est si rempli d'amour /pour les hommes et pour 13 toi en particulier, que ne pouvant plus contenir en lui-mê­me les flammes de son ardente charité, il faut qu'il les répande par ton moyen.

«Je t'ai choisi, malgré ton indignité et ton ignorance, pour l'ac­complissement de ce grand dessein, afin qu'il paraisse mieux que tout soit fait par moi…

3° Les promesses

«Tu ne manqueras de secours que lorsque mon Cœur manquera de puissance…

« Je bénirai les maisons où mon Cœur sera honoré.

« Je donnerai aux prêtres qui l'honoreront le talent de toucher les cœurs.

« Je répandrai d'abondantes bénédictions sur toutes les entrepri­ses de ceux qui honoreront mon Cœur…

La Croix 1°Jésus nous parle de sa croix.

L'amour de la croix est le fond de l'esprit chrétien.

La dévotion au S.-Cœur ne va pas sans l'amour de la croix. «Si quis vult venire post me, abneget semetipsum, tollat crucem suam» (Mt 16, 24)./ « Exemplum dedi vobis ut quemadmodum ego feci, ita et 14 vos faciatis» (Jo 13, 15). .

N.-S. a sauvé le monde par le sacrifice, il nous invite à le suivre.

Comme chrétiens, comme prêtres, comme disciples et apôtres du S.-Cœur, nous devons mener une vie de sacrifice et d'immolation, pour imiter N.-S. et pour le suivre.

«Absit mihi gloriari, nisi in cruce D.ni nostri Jesu Christi» (Gal 6, 14).

2° L'amour de la croix est nécessaire à notre sanctification per­sonnelle, pour expier nos fautes, pour obtenir des grâces…

«Castigo corpus meum et in servitutem redigo, ne postquam aliis praedicaverim, ipse reprobus efficiar» (1 Cor 9, 27).

Résolutions: accepter les sacrifices envoyés par la Providence, s'imposer des sacrifices volontaires.

3° Le sacrifice n'est pas moins nécessaire pour féconder notre mi­nistère auprès des enfants; pour que les fruits de la Passion du Sauveur leur soient appliqués.

«Adimpleo ea quae desunt passionum Christi, in corpore meo, pro corpore eius, quod est ecclesia» (Col 1, 24)./ 15 Il y a des maux dont on n'obtient la guérison que par le jeûne et la prière.

«Accessit ad Jesum homo (genibus) provolutus ante eum, dicens: Domine, miserere filio meo quia male patitur-et obtuli eum di­scipulis tuis et non potuerunt curare cum. Respondens auteur Jesus ait: O generatio incredula et perversa, quousque ero vobiscum? usquequo patiar vos? … et curatus est puer … Tunc discipuli: Quare non potuimus curare eum? Dixit illis: propter incredulitatem ve­stram: hoc auteur genus non ejicitur, nisi per orationem et jeju­nium» (Mt 17, 14-20).

Marie

1° Elle est notre mère, notre reine… « Ecce mater tua» (Jo 19,27). «Adstitit regina a dextris tuis» (Ps 44, 10). Elle est la mère et la rei­ne de nos enfants.

Prenons ses ordres et demandons sa protection maternelle. 2° Demandes de Marie

Ces enfants sont à moi. Leurs âmes sont le bruit du sang de mon Fils. Aimez-les comme je les aime./ Elevez les comme je voudrais les 16 élever moi-même.

Ayez pour eux la sollicitude que j'avais pour Jésus: «Dolentes quaerebamus te» (Lc 2, 48). Il faut qu'ils ressemblent a leur frère ai­me.

3° Nos demandes

Nous ne pouvons rien sans vous. Toutes les grâces nous viennent par vous.

Vous savez ce qu'il nous faut et ce qu'il leur faut.

Vous serez la reine de la maison. Nous nous consacrons à vous.

Les Saints

1° Bien des Saints portent un vif intérêt a ces enfants et vou­draient nous le dire.

St Joseph, leur père, les aime comme des frères de Jésus.

St Jean, l'apôtre et l'ami des jeunes gens. On sait son zèle pour le jeune homme d'Ephèse qui se perdait.

Les Saints patrons de ces enfants. Les patrons de leurs églises. Leurs ancêtres selon la foi et la nature. Les Saints que la Providence et l'Église ont commis à la garde de la jeunesse: Louis de Gonzaga, Stanislas, Berchmans, etc. /

17 2° Leurs demandes

St Jean se charge de les formuler dans sa 1ère épître. «Scribo vo­bis, infantes, quia cognovistis Patrem» (1 Jo 2, 14).

Aux plus jeunes, nous devons apprendre à vivre en enfants de Dieu. «Scribo vobis, adolescentes, quoniam vicistis malignum» (1 Jo 2,13).

Aux adolescents, nous devons apprendre à vaincre les tentations. «Scribo vobis, juvenes, quia fortes estis» (1 Jo 2, 14).

Nous devons former les plus grands à la lutte et à l'action, par une science solide de la religion, par la connaissance de leurs devoirs d'apostolat et de leurs devoirs sociaux; par l'initiation aux œuvres.

3° Nos demandes

Invoquons les saints qui ont pour mission de protéger l'enfance et la jeunesse et ceux qui portent à nos élèves un intérêt particulier: st Joseph, st Jean, st Louis de Gonzaga, st Berchmans, st Thomas d'Aquin.

18 Les Patrons de notre institut./ Les Patrons de nos enfants.

St Quentin et les protecteurs de la ville.

Les saints Anges

1° Comme ils aiment nos enfants qui Dieu a confiés à leur garde! «Angelis suis Deus mandavit de te» (Ps 90, 11). Ils ne perdent pas de vue. «Mittam angelum meum, qui praecedat te, te custodiat in via, et introducat…» (Ex 23, 20).

Ils sont prêts à les défendre sévèrement. «Videte ne contemnatis unum ex his pusillis; dico enim vobis quia angeli eorum in caelis semper vident faciem Patris mei qui in caelis est» (Mt 18, 10).

2° Leurs demandés

Aimez ces enfants. Veillez sur eux. Partagez notre ministère au­près d'eux. Ayez avant tout pour but d'en faire des saints.

Accompagnez-le de vos conseils, de vos soins. Soyez leur provi­dence.

Qu'ils soient purs comme nous. Qu'ils partagent nos prières, nos amours. Qu'ils nous remplacent sur la terre pour faire ce que nous faisons aux cieux…

Pour cela, il faut que vous soyez vous- / mêmes remplis de l'esprit 19 de Dieu.

3° Nos demandes

Aidez-nous. Dieu vous y convie. J'ose dire qu'il vous l'ordonne. «Angelis suis mandavit de te ut costodiant te in omnibus viis tuis» (Ps 90, 11).

St Raphaël, gardien des gardiens, envoyez vos célestes auxiliaires au secours de nos enfants…

Conclusion

1° Résolutions

Je me souviendrai de ma mission. «Vidi caelum apertum…»(Ac 10,11) .

Je garderai l'union avec le ciel, la présence de Dieu, de Marie, des Anges et des Saints.

Je vivrai de la foi.

«Justum autem in fide sua vivet» (Hab 2, 4). «Dixi: Nunc coepi» (Ps 76, 117).

2° Reconnaissance

Remercions N.-S. pour les grâces de la retraite.

Il le désire, il y tient, il l'attend de nous. Il y attache des promes­ses des grâces.

20 Rappelons nous la guérison des dix lépreux. / «Occurrerunt ei decem viri leprosi et steterunt a longe clamantes: Jesu, praeceptor, miserere nostri … Dixit eis: ite et ostendite vos sacerdotibus; et fac­tum est, dum irent, mundati sont. Unus ex illis ut vidit quia munda­tus est, regressus est cum magna voce magnificans Deum, et cecidit in faciem ante pedes ejus gratias agens… Respondens autem Jésus dixit: nonne decem mundati sunt? Et novem ubi sunt? Non est in­ventus qui rediret et daret gloriam Dei nisi hic alienigena. Et ait illi: surge, vade, quia fides tua te salvum fecit» (Lc 17, 12-19).

La reconnaissance, c'est le salut.

3° Persévérance

«Qui perseveraverit usque in finem, hic salvus erit» (Mt 10, 22).

Garder toute l'année l'esprit de la retraite, comme on garde tou­te la journée l'esprit de l'oraison.

Se remettre pour cela chaque jour, le matin à l'oraison, à midi et la soir pendant les examens, dans les dispositions de la retraite.

En renouveler et raviver les résolutions./

Les premières années furent particulièrement de belles années, actives, prospères, joyeuses et fécondes pour la formation chrétien­ne des jeunes gens.

La rentrée dépassa nos espérances.

Le réfectoire prépare se trouva trop petit. Les dortoirs étaient remplis. Nous avions soif de nous agrandir et nous commençâmes à convoiter les maisons voisines. La chapelle s'achevait trop lente­ment à notre gré.

Le noyau de maîtres et d'élèves venu de Laon forma le meilleur fond de la maison. Les élèves de M. Lecompte avaient besoin d'être formes.

Plusieurs personnes pensaient que j'aurais bien fait de ne pas re­prendre cette maison et d'acheter un terrain plus vaste. La critique est facile. Je n'étais pas en mesure d'acheter. Je commençais l'œuvre avec 500 f. dans ma bourse. Chez M. Lecompte, le louais avec promesse de vente, c'était plus lucile.

Nos bonnes Soeurs vinrent m'aider pour le matériel. Elles se chargèrent de la cuisine et de la lingerie. Ce fut un grand appoint. Elles apportèrent / dans la maison l'ordre, la propreté et un ton de 22 charité et de douceur qui en faisait vraiment une maison chré­tienne, une maison de Dieu.

Je dois une reconnaissance immense à deux soeurs en particulier qui m'ont témoigné un dévouement inépuisable: la soeur Marie Oliva et la soeur Marie Claire. Dieu seul peut les récompenser.

Je veux aussi en passant rendre justice à une pieuse femme, ma­dame Guillaume Irlande, qui a rendu service à la maison pendant de longues années, en me témoignant un grand dévouement.

Les premiers succès avaient bien leur contrepoids. Quelle lourde entreprise! sans ressources assurées! Étais je bien dans la volonté de Dieu?

Jusque-là, j'avais eu tout le monde polir moi à Saint-Quentin et dans le diocèse. J'étais aimé en ville. J'allais rencontrer désormais une hostilité persistante. La moitié de la ville avait des attaches au lycée. Je ne pouvais plus être persona grata à tout ce monde-là. Les pensionnats laïques de la ville avaient aussi leur clientèle, je deve­nais pour eux un concurrent. A Laon, on ne me pardonnait 23 pas de recueillir / les dépouilles de l'institution Notre-Dame. On m'ac­cusait sottement d'être cause de sa chute. A Chauny aussi et à Vervins, je me heurtais à des concurrences. Cela m'était très sensi­ble. Je n'avais pas un tempérament de lutteur. Ma nature me portait à être bon pour tous et j'aimais qu'on le fût pour moi.

C'était aussi un grand souci que de faire bâtir, et les travaux en cours gênaient bien la marche de la maison.

La chapelle s'arrangeait. Mgr Mathieu nous avait donne genti­ment un ancien autel de la basilique et nous avait payé des vitraux. La chère chapelle fut inaugurée à Noël. C'était pour moi une profonde émotion chaque fois que j'avais la grâce d'élever un autel de plus à Notre-Seigneur.

Cette petite chapelle a vu descendre du ciel bien des grâces. Des vocations y sont nées. Des enfants y ont communié comme des an­ges.

Je faisais faire chaque matin une petite méditation à nos enfants. Beaucoup en profitaient bien.

24 Dans la journée, à la rentrée de / l'étude du soir, je faisais la lecture spirituelle. Ce petit ministère était béni de Dieu. La plupart de nos enfants se confessaient toutes les semaines. Nous avions or­dinairement le dimanche une cinquantaine de communions. Je conseillai aux enfants d'aller, à la récréation de midi, faire une peti­te visite au saint sacrement, beaucoup en prirent l'habitude.

Une petite conférence de St-Vincent-de-Paul se constitua de suite. Nous en avions les éléments dans les élèves de Laon. C'était une bonne formation à l'apostolat. Les dignitaires surtout pouvaient dé­velopper leur initiative. La conférence organisa une loterie qui de­vait se renouveler tous les ans et qui rapportait prés de mille francs.

Je commençai aussi une congrégation de la Sainte Vierge. Je la fis ériger et agréger à Rome. Nous avions chaque dimanche une bon­ne réunion avec allocution et bénédiction du Saint Sacrement.

Geoffroy fût le premier président de la conférence. Plusieurs des premiers membres devinrent prêtres: Geoffroy, Waguet, Delloue. Lecomte mourut séminariste. Savard mourut jeune, dans les dispo­sitions d'un petit saint. /

Notre petit journal de famille, l'Aigle de St Jean, a donné cet 25 intéressant petit résumé de l'histoire de la Conférence dans sa première année:

«Lorsque le 16 janvier on nous assembla pour la première fois au nombre de dix, petit noyau qui devait se développer jusqu'au chif­fre de vingt-deux membres, on nous proposa deux buts que nous devions nous efforcer d'atteindre: notre propre sanctification et l'assistance matérielle et spirituelle des pauvres. La grâce divine, la protection du Saint patron de la société et les sages avis de nos maî­tres nous ont aidés à marcher vers ce double but…

«En pensant aux besoins matériels de nos familles pauvres, nous n'avons pas négligé le spirituel: la plupart des enfants de nos pau­vres erraient dans les rues, nous les avons fait entrer dans les asiles et les écoles; des garçons plus âgés ont été admis au Patronage; en­fin nous avons obtenu que dans chaque famille le père ou la mère, sinon tous deux, aillent à la messe le dimanche. Nous sommes par­venus à inspirer à plusieurs la résignation à leur sort et l'amour 26 du Sauveur Jésus pauvre comme eux. Nous / avons organisé des catéchismes pour les enfants qui allaient faire leur première communion …

«Nos ressources pour l'année se sont élevées à 658 fr… Les recettes sont ainsi reparties:

Quêtes aux réunions hebdomadaires: 51,90

Quêtes de la messe du dimanche: 138,10

Abonnements à l'Aigle de S.Jean: 287,75

Dons particuliers: 36,95

Produit net de la loterie: 120,75

Questure (amendes pour objets égares) 16,50

Location des livres de la bibliothèque 6,50

Total: 658,45

La Conférence a eu vingt-deux réunions.

16 janvier. - Première réunion: dix membres présents. Exposition par M. le supérieur du double but de l'œuvre; histoire abrégée de S.Vincent de Paul; élection d'un président, d'un secrétaire et d'un trésorier; étude des moyens de se procurer des ressources.

20 janvier - Création d'un petit journal «La Semaine littéraire» passant de main en main. Douze membres présents; élection d'un vice-président; lecture du règlement; détermination de la manière dont on ira visiter les familles.

27 janvier - Seize membres. Trois des conférenciers rendent compte de leur première visite chez les pauvres: profond émotion; achat de linge et de couvertures. /

27 17 février. - Tirage de lit loterie égayé par d'amusantes mystifications. Réunion des actionnaires de la lithographie sous la prési­dence de M. l'archiprêtre: fondation de l'Aigle de S.Jean.

24 février - Compte-rendu de la loterie et des commencements du journal.

31 mars - Allocution de M. Marchal. Organisation pour les vacan­ces de Pâques. Les familles seront visitées par les externes.

12 mai- Dix-huit membres. Allocution de M.Marchal sur la néces­sité de se préparer à vivre dans un temps d'épreuves où nous au­rons de puissants ennemis à combattre. Compte-rendu des visites aux familles.

26 mai - Dix-huit membres. On décide l'abonnement à l'œuvre des bonnes lectures.

17 juillet- Réception de la lettre d'agrégation à la Société générale de St Vincent-de-Paul.

19 juillet - Fête solennelle de St Vincent de Paul. Communion générale des conférenciers. Distribution extraordinaire, à nos famil­les pauvres, de secours consistant en linge, habits et chaussures.

- Les œuvres de la Propagation de la foi et de la Sainte Enfance étaient aussi bien organisées dans la maison. Les dizainiers étaient encouragés dans des réunions spéciales. /

La Congrégation de la Sainte Vierge fut érigée par Mgr Thibaudier le 21 février.

«Persuadé, dit-il dans son décret, qu'une pieuse association de prières entre les élèves de l'Institution St-Jean est de nature à les en­tretenir dans la piété, à les fortifier dans l'accomplissement de tous leurs devoirs. Nous avons érigé: et érigeons par les présentes, dans l'oratoire de l'Institution St Jean, une confrérie sous le titre de l'Immaculée Conception de la Très Sainte Vierge. Elle sera, par les soins de M. l'abbé Dehon, affiliée à une Archiconfrérie romaine, afin que les associés puissent jouir des privilèges et indulgences ac­cordées par le St-Siège…»

L'agrégation à la Prima primaria est datée du 10 avril 1878.

Nos réunion avaient lieu le dimanche. Nous récitions les petites vêpres de la Sainte Vierge, je faisais une exhortation, le secrétaire li­sait le résumé de l'exhortation précédente et le compte-rendu de la réunion. J'encourageais nos jeunes congréganistes à donner l'exemple, à communier fréquemment et pieusement. Je deman­dais leurs notes de la semaine. Je leur enseignais la dévotion au S.­Cœur et l'esprit de réparation. /

29 Voici les noms des vingt-huit premiers membres:

Eugène Savard Charles Geoffroy

Charles Mercier Louis Baudelot

Paul Lesur Gustave Macon

Georges Lefèvre Florent Martigny

Gustave Hazard Julien Lequeux

Emile Black Pierre Courtois

Auguste Dubois Cephas Mennechet

Clovis Degois Edmond Alliot

J.B.Riedmuller Albert Delloue

Henri Camus Joseph Heymes

Bernard de Ligonès Eugène Hadingue

Auguste Waguet Henri Leduc

André Faroux Albert Cuveleue.

La Congrégation a toujours fait un très grand bien dans la mai­son. Elle a préparé quelques vocations et formé de petits saints qui sont morts comme des Louis de Gonzague, comme Eugène Savard, Céphas Mennechet, Emile Black, Eugène Lecomte.

Les mois de S Joseph, de la Sainte Vierge, se firent pieusement. L'Aigle de St Jean donnait cette note en son numéro du 2 juin:

«Nous espérons que nos chers élèves, qui nous ont offert durant le beau mois qui vient de finir, le spectacle d'une piété si grande en­vers la Mère de Dieu, ne se montreront / pas moins fervents durant 30 le mois du S.-Cœur. Ils se souviendront que notre chapelle et notre maison sont placées sous son divin patronage et que la dévo­tion au S.-Cœur de Jésus est la dévotion favorite de ceux qui prient pour l'Église et pour la France.

Au carême nos élèves allaient assister aux sermons de la basili­que.

Nos professeurs étaient pleins de zèle. Ils utilisaient tous les moyens d'émulation, les camps, les sabbatines (1), les menstruales, les examens trimestriels.

Je donnais les places et les notes le samedi. On préparait les notes dans le conseil du vendredi. Les élèves recevaient des témoignages proportionnes à leurs notes. On en tenait compte pour les sorties du mois.

L'Aigle raconte plusieurs petites séances littéraires. J'en donne ici une note du 31 mars.

«Nos petites séances hebdomadaires sont en progrès; elles pré­sentent plus d'intérêt et plus d'animation et laissent entrevoir dans le lointain l'aurore des séances académiques. Le 23 mars, les élèves du premier cours de français nous baisaient entendre une série de morceaux d'un choix très heureux: Une scène de Britannicus; l'hi­stoire des trois lapins, / qui fait toujours rire; deux assauts, 31 l'un d'histoire naturelle, l'autre de littérature; les scènes les plus comi­ques des Plaideurs. Voilà une matière bien propre à intéresser.

Qu'on nous permette deux petits reproches: d'abord les assauts n'ont pas eu toute la vivacité désirable … en second lieu, une pro­nonciation plus distincte et plus énergique aurait mieux fait goûter les beautés des scènes qui nous ont été débitées… »

Chaque semaine une classe avait son tour.

- Tout n'était cependant pas, parfait dans les classes. Tel professeur faisait trop de lectures, tel autre négligeait la correction des copies, tel autre manquait de discipline. J'allais quelquefois assister aux classes pour encourager et pour observer.

J'exigeais le mélange de quelques auteurs chrétiens aux auteurs païens.

Quelques élèves étaient d'admirables travailleurs et ils prépa­raient les succès des années suivantes aux examens du baccalauréat et aux écoles de l'Etat.

Parlons de notre Aigle. Il a commencé en février et il a eu la pre­mière année cent abonnés. Ce n'était pas une merveille. Il 32 don­nait d'ordinaire une histoire édifiante, / un morceau littéraire, quelques nouvelles générales et les petites nouvelles de la maison.

Il a été utile surtout parce qu'il donnait les places d'honneur et le tableau d'honneur. C'était un moyen d'émulation. Les familles at­tendaient le journal pour y voir les noms de leurs enfants et ceux-ci travaillaient pour être au journal.

L'abbé Glorian, un de nos professeurs, aimait la lithographie, il s'occupait de faire imprimer le journal par un jeune ouvrier.

L'Aigle prenait une petite part au mouvement social. II protestait contre les fêtes sacrilèges du centenaire de Voltaire; il encourageait aux démonstrations en l'honneur de Jeanne d'Arc; il réfutait le so­cialisme.

Empruntons-lui une note sur les Devoirs des catholiques dans les circonstances actuelles.

«Il y a en ce moment trois classes de catholiques, les timides, les modérés, les dévoues.

Les timides sont volontiers chrétiens dans leur intérieur, mais ils craignent de l'être ostensiblement. - Il ne faut pas se compromettre - Prier Dieu chez soi, passe; assister aux offices et remplir ses de­voirs, passe encore, mais n'en demandez / pas davantage. Les 33 œuvres de zèle, les pèlerinages, les pétitions à signer et à faire si­gner, ce n'est plus leur affaire. Ils ont trop peur de s'afficher com­me catholiques. Ainsi faisait jadis Nicodème, quand il allait trouver N.-S. la nuit par crainte des Juifs (propter metum Judaeorum). - Il faut avoir pitié de ces pauvres catholiques, qui peut-être un jour fi­niront par prendre courage, mais il ne faut pas en être. Tout ce que nous leur demandons pour le moment, c'est de ne pas traiter de fa­natiques et d'exagérés les catholiques moins prudents qui n'ont pas peur de se compromettre.

Les modérés sont plus dangereux. Ils prêchent la conciliation, ils rêvent de transactions étranges…. ils redoutent par-dessus tout la lut­te et ils sont toujours prêts à signer clos paix boiteuses, enfin ils n'ont que des paroles de blâme pour les catholiques dévoués qui ne veulent pas abaisser leur drapeau devant l'ennemi. Pour ceux-à, dit le P. Marquigny, il faut être impitoyable. C'est par leur faute que toutes les batailles sont perdues.

Les catholiques dévoues, Mgr Mermillod les a définis d'un mot: ce sont, a-t-il dit, des convictions qui se montrent et des cœurs / qui se donnent. Toutes les œuvres de zèle les trouvent prêts; ils 34 sont toujours sur la brèche, ne rougissant pas de Jésus-Christ, mais proclamant hardiment qu'il est le roi des peuples comme le roi des âmes. - C'est avec ces catholiques qu'il faut être, chacun dans la mesure de ses forces, car c'est par eux que Dieu donnera le triomphe à son Eglise…»

Nous n'avions que quatre mois d'existence et déjà l'un de nos élèves mourait, au commencement de mars. C'était un bon petit enfant de la classe élémentaire, à peine arrivé â l'âge de raison, Eugène Baudouin. Sa mort lit une grande impression sur nos élèves. Un de nos professeurs écrivit à cette occasion une petite poésie assez bien inspirée. Je la reproduis:

Pourquoi pleurer, ô tendre mère, Lorsque les anges, dans les cieux, Chantent des choeurs harmonieux Pour accueillir leur nou­veau frère? Pourquoi par vos habits de deuil Assombrir sa blanche couronne? Quand votre enfant est sur un trône, Pourquoi le cher­cher au cercueil? /

35 A Dieu vos sanglots semblent dire:

«Ne me l'aviez-vous pas donné?

«Pour moi n'aviez-vous pas orné

«Ses lèvres roses d'un sourire?

«N'aviez-vous pas créé pour moi

«Son doux oeil, sa main caressante,

«Son cœur aimant, sa voix bruyante,

«Ses jeux et son naïf émoi?»

O mère, gardez l'espérance,

Dieu n'a pas maudit votre sort;

Il est Père, et son Fils est mort,

Son cœur comprend votre souffrance.

Votre Eugène, c'est par honte, Qu'il semble aujourd'hui vous le prendre, Pour le garder et vous le rendre sur le seuil de l'éternité.

Sur le dur chemin de la vie, Dans vos dangers et vos combats, Cet ange guidera vos pas Jusqu'à la céleste patrie: Toujours planant sur votre front, Et compagnon toujours fidèle, Il essuiera de sa blanche aile Les pleurs que vos yeux verseront. /

S'il s'était flétri sur la terre,

36

Au lieu d'aller au Paradis;

Si les méchants vous l'avaient pris

Pour le souiller loin de sa mère,

Si Dieu n'avait point accordé

Son repentir à vos alarmes?

O mère, il faut sécher vos larmes,

Ce que Dieu garde est bien gardé.

Aux vacances de Pâques, on lit des prodiges d'activité pour ache­ver les travaux de la maison. Trois professeurs, M.Marchal en tête, se mirent à peindre la chapelle, en protégeant leurs soutanes par des blouses blanches.

Les élèves turent émerveillés à la rentrée. L'un d'eux décrivit ain­si sa surprise dans l'Aigle:

La première chose qui frappa mes yeux, lorsque je rentrai à St­-Jean, ce furent nos beaux marronniers en fleurs. Quels splendides bouquets! et quelle ombre protectrice vont nous donner leurs lar­ges feuilles, qui s'étendent comme des ombrelles au-dessus de nos têtes! Déjà ils avaient montré leurs boutons et leur feuillage naissant le jour du départ, alors qu'on commençait à chanter l'alléluia de la 37 résurrection. Cependant / nos yeux étaient destinés à d'autres surprises: la renaissance n'était pas seulement au dehors dans la nature, mais l'art s'était plus à faire entrer le printemps dans l'intérieur de la maison. En entrant dans le réfectoire, je vois la salle agrandie et devenue assez spacieuse pour contenir deux cents élèves; des peintures d'un vert tendre répandent un jour plein de gaieté: puissent les nouveaux frères qui doivent la remplir nous arriver le plus vite possible! - Après le souper, nous nous rendons à la chapelle pour le mois de Marie; jamais transformation plus complète n'avait ébloui mes yeux. J'hésitais à croire que je me trouvais devant ces mêmes murs que j'avais laissés tristes et nus, et que je retrouvais enrichis de peintures artistiques. Qui donc avait étendu sur la voûte ce bleu de ciel sillonné de filets rouges? Qui avait dessiné ces guirlandes, semé sur les murs ces croix, ces aigles, ces cœurs et ces roses blanches? Les peintres qui avaient décoré la basilique étaient-ils venus décorer la chapelle de St-Jean? Il n'était venu au­cun artiste, mais il en était resté. Plusieurs de nos maîtres s'étaient privés de leurs vacances pour s'armer du pinceau et avaient 38 dé­pense / durant dix jours une activité étonnante. Au jour prochain de la première communion, Notre-Seigneur trouvera toutes les de­meures bien préparées, non seulement le sanctuaire des âmes, mais encore le sanctuaire matériel».

La maison avait sa fête patronale à la Saint-Jean. Ce jour-là Mgr Mathieu vint chanter la messe. Il fit une allocution à nos élèves et dîna avec nous. Il était très bon pour nous. Je conduisais dîner chez lui le dimanche ceux de nos élèves qui avaient été quatre fois les premiers. Il venait souvent nous voir.

Pour la Saint-Jean, nos grands élèves avaient préparé une pièce «l'Abbé de l'Épée», qu'ils donnèrent à la salle du Patronage.

Mais la grande tête, la fête animée, vivante, bravant, c'était la Saint-Léon, le 11 avril. Ce jour-là on taisait une grande excursion de manière à combiner un pèlerinage avec une fête foraine. Les deux premières années, on alla à Noyai où se trouve un petit sanctuaire de Notre-Dame-de-la-Salette. /

L'Aigle a eu un grand numéro spécial pour rendre compte de la 39 fête.

Nos jeunes professeurs avaient remue ciel et terre pour rendre la fête intéressante. Les grands allèrent visiter Cuise. M.Godet nous prêta une prairie où les enfants trouvèrent des chevaux-de-bois et tous les jeux forains imaginables. Il y eut grand banquet, champagne, et l'on revint bien tard.

C'était bien pour l'esprit de famille, mais c'était une grosse orga­nisation avec pas mal d'inconvénients.

Le jour de la première communion fut une de mes bonnes journées de l'année, je la laisse décrire par l'Aigle:

«Comme le disait le lendemain, avec des accents si émus, M.le Supérieur, c'était la première moisson récoltée dans le champ de St-Jean; c'est pourquoi les quinze enfants qui recevaient leur Dieu pour la première fois étaient l'objet d'un intérêt particulier. Sa Grandeur Mgr l'Evêque de Soissons avait voulu donner elle-même à ces enfants privilégiés le pain qui fait les anges et l'onction qui fait les soldats du Christ; leurs parents et leurs amis au / nombre de 40 plus de cent étaient venus pour être les témoins de leur bonheur; leurs condisciples et bien des membres de leurs familles les accom­pagnaient au banquet sacre. - Sa Grandeur, pour préparer nos jeu­nes communiants à l'immense bienfait de l'Eucharistie, leur adres­sa une instruction sur le développement que les vertus chrétiennes devaient prendre dans leurs âmes; Elle leur fit comprendre, avant de leur donner le sacrement de confirmation, qu'ils allaient être plus heureux que les apôtres, ceux-ci n'ayant pas encore reçu le Saint Esprit étaient demeurés faibles et chancelants même après leur première communion; vous, au contraire, mes enfants, leur di­sait Monseigneur, vous serez fortifiés d'avance contre les défaillan­ces de votre jeune age. A midi, Sa Grandeur dut s'apercevoir que sa parole avait trouvé un écho dans les cœurs en entendant les prote­stations si chrétiennes et si chaleureuses que lui faisaient, au nom de leurs condisciples, un enfant de la première communion et un élève de seconde. Le soir, deux allocutions furent adressées à nos chers enfants: la première avant la rénovation des voeux du baptê­me, par M. l'abbé Tournemolle, curé de Fontaine-Notre-Dame; l'autre, avant la consécration à la 41 Sainte Vierge, par M. le Supérieur de / l'Institution Notre-Dame de Valenciennes. Il appar­tenait à M. l'archiprêtre de clore une fête si touchante par sa parole si pleine de douceur et d'onction. Il raconta l'histoire du jeune Tarcisius, qui mourut martyr en défendant contre les païens le tré­sor de l'Eucharistie qui lui avait été confié. «O mes enfants, dit-il, gardez avec soin, comme Tarcisius, le précieux dépôt qui vous a été confié ce matin, gardez-le contre la fureur des méchants qui vou­draient vous le ravir».

Nous voudrions redire mot pour mot l'allocution faite par M. le Supérieur le lendemain à la messe d'actions de grâces; pour la rap­porter dignement, il faudrait l'écrire avec les douces larmes qu'elle nous a fait verser. C'était mieux qu'un discours, c'était l'épanche­ment d'un cœur paternel qui débordait de tendresse et de joie. « Mes chers enfants, dit-il, il m'appartenait à titre de père de vous adresser la parole hier, mais mon cœur était trop plein, je n'aurais pu que pleurer et sangloter devant vous; aujourd'hui que mon émotion est plus calme sans être moins profonde, je ne trouve pas de plus belles paroles à vous adresser, à vous enfants de S.-Jean, que celles inspirées par N.-S. / à votre patron S. Jean, à son apôtre 42 bien-aimé: «Tene quod habes ut nemo accipiat coronam tuam» (Ap 3,11). «Gardez ce que vous possédez, afin que personne ne reçoive votre couronne à votre place. - Voilà ce que dit le Dieu de sainteté et de vérité, celui qui a la clef de David, la clef des trésors célestes; celui qui vous a ouvert hier la porte de son tabernacle, la porte de son cœur, celui qui promet de vous ouvrir la porte de son paradis, sans que personne au monde puisse vous la fermer. «Je connais vos œuvres, dit-il, scio opera tua (Ap 2,2), je connais votre entrée et votre sortie, je connais tous vos mouvements; je sais que vous êtes bons, mais aussi que vous êtes faibles; je sais que vous êtes innocents et pleins de pieux désirs, mais que vous avez peu de vertu, modicam virtutem habes (Ap 3,8). Cependant ne craignez rien, je vous protégerai à l'heure de la tentation, si vous ne reniez pas mon nom, si vous me restez fidèles. Voici venir contre vous des hommes de la synagogue de Satan, c'est-à-dire, du monde pervers, qui se disent juifs ou orthodoxes, et qui mentent; ils chercheront à vous séduire et à vous corrompre; mais ne craignez rien, je ferai en sorte qu'ils soient forcés / de respecter votre innocence, d'admirer votre fidé ­43 lité, de s'incliner devant vous, si vous voulez bien correspondre à mes grâces: faciam ut adorent ante pedes tuos (Ap 3,9). Je viendrai bientôt, la vie est si courte; patience et courage; gardez ce que vous possédez, afin que personne ne reçoive votre couronne à votre place…

Pendant toute cette année, la correspondance toujours bienveil­lante et affectueuse de l'évêché est relative à St-Jean et au congrès régional que nous voulions tenir a Soissons.

Le 2 octobre 77, Mgr écrivait à M. Mathieu: «Ces lignes vous se­ront communes, si vous le voulez bien, avec M. Dehon… Je me suis sérieusement occupé, depuis hier, de vous trouver un bon sujet. Je crois tout à fait le tenir dans la personne d'un sous-diacre que vous connaissez un peu, M.Philippot, qui a de bons motifs d'examiner dans un milieu nouveau quelle direction lui conviendra le mieux dans la sainte carrière. Il est très intelligent et semble fort bon; je vous le recommande, si l'un de vous a la direction de son âme: forti­ter et suaviter… L'heure du courrier me presse. Adieu, je bénis 44 le patron, le directeur, tous les maîtres et les / élèves de notre chère Institution St Jean…»

- M. Philippot devait hélas! bien mal finir, mais cette lettre même montre qu'il avait un esprit inquiet et indécis (1).

- 19 nov. «…Je suis heureux que M. Branly (ancien professeur du lycée) vous apporte sa collaboration… Vous ne dites rien de votre santé… Que nos enfants soient toujours sages laborieux et gais».

- J'étais déjà souffrant d'une bronchite et je devais rester toujours souffreteux. J'ai pensé que N.-S. avait accepté mon sacrifice.

- 27 nov. «Mon bien cher chanoine, il fallait vous attendre, et vous vous attendiez sans doute, à des épreuves; les œuvres naissantes sur­tout n'en manquent jamais. Elles vivent, avec la grâce de Dieu, de longanimité, c'est-à-dire de douceur et de fermeté; les instruments de la Providence doivent pratiquer, à l'exemple du parfait Ouvrier, l'attingit a fine… fortiter et suaviter (Sap 8,1). Il n'y avait pas à hésiter sur le renvoi de vos deux élèves. Je ne m'étonne pas, du reste, que, une première année, il se soit glissé chez vous quelques enfants malsains. Ne faites pas de bruit de votre expulsion; mais, dans l'oc­casion, faites connaître comment vous entendez votre devoir dans les questions de moralité. / Que l'on n'attribue 45 votre sévérité qu'à votre dévouement… Soyez le meilleur des frères pour tous vos messieurs, mais en tenant à la règle et à tout ce qui intéresse votre belle œuvre. De la gaîté entre vous comme avec les élèves, mais de la piété, du courage, de la délicatesse devant le devoir.- Si vous croyez qu'une petite lettre de moi, vers le mois de janvier, vous soit utile, vous pourrez la provoquer par un compte-rendu de ce pre­mier trimestre, sans que la mesure tire à conséquence pour l'ave­nir.- Vous êtes bien sage de revenir à la santé, et Dieu est bon de vous y aider. Veuillez et qu'il daigne continuer. Affectueusement à vous.»

- D'autres collèges nous disputaient certains professeurs; le 13 dec. Mgr m'écrivit:

«Si vous le voulez bien, ces lignes demeureront confidentielles, du moins entre vous et M. l'archiprêtre … Avec l'appui de Mgr Ginoulhiac, j'avais mis lin à la chasse au personnel entre les huit éta­blissements diocésains de Lyon: je ne suis pas disposé à la laisser fai­re ici. Ma ferme intention est de placer moi-même les sujets, en m'entourant des conseils et des lumières que Dieu daignera mettre à ma portée.. Je remercie Dieu avec vous de l'amélioration / de vo­tre 46 santé, et vois avec bonheur que le rétablissement complet ne se fera pas attendre longtemps… Pour le congrès, je pense au mois de septembre, pour les jours qui suivront le synode, si nous avons le bonheur de pouvoir le célébrer…» (1)

- 20 dec.. Mon bien cher chanoine, Je reçois ce matin une lettre de M. Harmel (au sujet du congrès): nouvelles instances; Mgr l'ar­chevêque donnera son concours (1); mais j'aimerais à m'assurer aussi celui des autres évêques de la province. Le sacre de Mgr Obré, que l'on prévoit pour le milieu de janvier, me fournira une bonne occasion de les en entretenir; j'attendrai probablement jusque­-là. Mais vous pouvez commencer le travail préparatoire, de manière à agir promptement, sitôt que Nosseigneurs les évêques auront adhère et qu'on aura déterminé l'époque. - Si, comme je l'espère, nous pouvons tenir le synode cette année, il ne faudra guère comp­ter sur moi pour les préparatifs; mais, a cela près, vous pouvez tout attendre de mon bon vouloir. Vous n'ignorez pas combien vous se­rez vous-même occupé, vous devez donc vous chercher des auxiliai­res capables. Ébauchez et présentez-moi, si vous voulez, un avant­ projet d'ensemble…» /

47 - 26 dec. «Je viens de réfléchir à notre congrès dans ma solitu­de du soir… J'offre le Grand Séminaire avec toutes ses ressources, moyennant une indemnité modeste. S'il ne suffit pas, nous avise­rons.

J'accepte, encore une fois de pourvoir au matériel, en comptant au besoin sur l'indulgence, Soissons étant petit.- Mais quant aux programmes, aux invitations, distributions de travaux et autres cho­ses de ce genre, il me semble qu'elles devraient être l'affaire d'une commission, nommée par les évêques, et dont les membres de­vraient se mettre en rapport. Vous êtes mon délégué ecclésiastique; il serait peut-être bon d'en designer un laïque: proposez-moi, si vous le voulez, deux ou trois noms, ou je chercherai à Soissons.. J'attends vos communications.»

- 16 janvier. «Le Congres provincial est à peu près arrêté: local, Grand Séminaire de Soissons; Archevêque, président; adhésion d'Amiens et de Beauvais, Mgr l'Archevêque va écrire à Châlons. On fera peu de bruit dans les journaux. On voudrait me laisser le plus possible à faire; mais je ne puis accepter de particulier que l'hospi­talité. Cependant ne manquons pas de zèle. Dites-moi ce qui / vous 48 paraîtra possible et opportun…»

- 5 fév. - «On paraît décidé à taire rédiger le programme du con­grès par une commission de quelques membres pris dans tous les diocèses de la province. Je désirerais que vous y fussiez mon délé­gué. Je nommerai à Soissons une commission locale, composée de MM. Vincent, Demiselle, Guyenne et Guéneret, qui s'occuperait des préparatifs, sur vos indications pour le diocèse, sur celle des au­tres délégués pour le reste de la Province. Si à un moment donné vous avez besoin d'un secrétaire, je tâcherais de vous le trouver.»

- 30 mars. - M.Rasset était déterminé à se joindre à moi pour l'œuvre du S.-Cœur, Mgr m'écrit: «Je suis tout disposé à vous don­ner M.Rasset, après la Trinité; mais il faudrait me proposer pour lui des fonctions déterminées; noms avons si peu de prêtres… Croyez, mon cher ami, que je serai toujours extrêmement heureux de vous seconder, en tout ce qui dépendra de moi. Je bénis votre personne, votre œuvre, vos collaborateurs, vos enfants, vos desseins.»

- 22 avril - «L'époque que vous proposez pour le Congrès me con­vient… Sur ce point, comme sur l'ensemble de l'organisation, je m'en / rapporte à vous. Négociez et faites en sorte que vos 49 col­lègues de la commission provinciale se tiennent en rapports avec leurs évêques. Je nommerai la commission soissonnaise sitôt que ce­la paraîtra d'une utilité pratique. C'est à ce moment-là que je re­nouvellerai mon invitation personnelle aux évêques. J'aimerais que les prédicateurs du congrès fussent pris dans la Province et que l'on eût pour chaque jour un prédicateur différent. M. Tourneur, vicaire général de Reims, parle fort bien. MM, Mathieu, Vincent, Guyenne, Prévost, Dehon (s'il n'est trop occupé d'ailleurs), Millière, Mimil, etc. pourraient faire leur journée. A tant faire que d'être provincial, j'aimerais qu'on le fût complètement,

Je vous félicite et vous remercie du bien qui se fait à St-Jean. Au retour de vos confrères et de vos élèves (après le congé de Pâques), dites-leur que je les bénis avec la plus paternelle affection. Que per­sonne ne réponde a demi à l'appel et aux grâces du Bon Dieu. Je ne demande pas mieux que de vous accorder M.Rasset; mais veuil­lez me dire ce que vous comptez précisément faire de lui: quand on a un 50 conseil, il faut le consulter le plus possible / et lui rendre habituellement un compte exact des choses; je ne voudrais pas qu'on élevât ici des objections plausibles contre le déplacement ou la nouvelle destination de M. Rasset. Je vous bénis très particulière­ment et suis votre affectionné en N.-S….»

- Braine, le 3 mai. - «Sans aucun doute, vous pouvez provoquer une réunion préparatoire des délégués diocésains. J'ai un grand re­gret que mon absence inévitable de l'évêché ne me permette pas d'y offrir à tous l'hospitalité. Mais le grand Séminaire sera honoré de leur offrir la table. Je laisserai des ordres pour qu'il y ait chez moi deux lits à votre disposition. Vous nommerez vous-mêmes votre président. Veuillez seulement faire part à Mgr l'Archevêque de vos délibérations…»

- Amiens, le 20 juin. - «Je trouve en arrivant ici des lettres de N.N. S.S. de Reims et de Châlons, je cause avec Mgr d'Amiens et vous écris sans retard … Après examen, nous croyons devoir adopter pour le Congrès la 2e quinzaine de septembre, le 17 si vous voulez… Veuillez donc l'aire des circulaires et mettez-les mon compte … Pardon de la peine que je vous donne.

- Paris, 21 juillet. «On m'a demandé un prix pour St-Charles (1): je ne pouvais le refuser; / peut-être ne serez vous pas tâché d'en 51 donner également un en mon nom. Voici en tout cas une petite somme à laquelle vous pourrez assigner cet usage. Tracez-moi, je vous prie, le programme de la commission locale qu'il me semble utile de nommer au plutôt heur le Congrès…»

Quelle grande bienveillance le bon et saint évêque nous témoi­gnait!

La distribution des prix eut lieu le 5 août, à la salle des fêtes du Patronage. J'en emprunte le récit à notre très fidèle Aigle de St­-Jean…

Le jour de la distribution des prix n'est-il pas le jour de la fonda­tion définitive d'une maison? A dater de ce moment, nous ne som­mes plus un essai, nous sommes une œuvre; déjà nous avons un passé dans lequel les familles chrétiennes trouveront une garantie pour l'avenir… M. le Supérieur disait, au lendemain de la première communion: «Voici la première moisson recueillie par nous à St Jean.» Il pourrait dire maintenant: «Voici la seconde moisson, mois­son générale cette fois, à laquelle prennent part tous ceux qui ont labouré et semé…/

Un des assistants nous disait avoir été frappé de la figure 52 bon­ne, franche et épanouie de nos élèves: que de choses renfermées dans cette seule réflexion! la paix de la bonne conscience, le senti­ment du devoir accompli, la bonne harmonie entre les condisci­ples, l'attachement à la maison, la douce certitude d'être chéris de leurs maîtres, à qui en retour ils montrent une confiance inébranla­ble dans leurs rapports quotidiens; voilà ce que l'observateur dut li­re sous les visages rayonnants, et ce que nous avons constaté avec bonheur pendant toute l'année…

La cérémonie a commence par un choeur de Méhul: Dieu d'Israël, chanté par l'orphéon de l'Institution. Alors, M. le Supérieur prit la parole et lut un discours sur l'influence de la religion dans les let­tres, les arts et les sciences. Dans l'impossibilité de reproduire in ex­tenso cette thèse si savante et si concluante, nous nous contente­rons d'en donner quelques extraits, et nous invitons ceux de nos lecteurs qui n'assistaient pas à la cérémonie à la lire dans le Conservateur de l'Aisne du mercredi 7 août.- Par manière d'intro­duction, l'orateur établissait la supériorité des maisons religieuses pour l'éducation. Il s'appuyait d'abord sur le témoignage des hom­mes d'expérience et des grands esprits. /

53 Voici en quels termes un évêque anglican parle de l'éducation en Amérique, pays où loti a créé écoles neutres, c'est-à-dire sans Dieu: «Il aimerait mieux, dit-il, voir le mahométisme enseigné dans son diocèse que d'y voir s'implanter ces écoles d'où la religion est complètement bannie.» Le président de la mission française à l'Exposition de Philadelphie, en 1876, dans son rapport sur l'ensei­gnement en Amérique, raconte la décadence des écoles neutres et la supériorité encontestable, la prospérité toujours croissante des écoles catholiques.

- Si l'éducation n'est pas rendue aux prêtres, disait Joseph de Maistre, les maux qui nous attendent sont incalculables, nous se­rons abrutis par la science sans Dieu… M.Guizot disait: «L'instruc­tion n'est rien sans l'éducation, et il n'y a pas d'éducation sans la re­ligion. L'âme ne se l'orme et ne se règle qu'en présence et sous l'empire de Dieu qui l'a crée et qui la jugera.» Enfin M.Thiers dé­clare que «l'école ne sera bonne que si elle reste à l'ombre de la sa­cristie.» «Quel serait, selon la remarque d'un orateur moderne, un peuple dont l'éducation n'aurait pas réprimé dans l'enfance les in­stincts dépravés? Un peuple qui a de la science et point de foi; 54 de l'intelligence et point de principes; un / peuple qui connaît la haine, non l'amour; la révolte, non l'obéissance, le mépris, non le respect; le blasphème, non l'adoration; la volupté, non la cha­steté… Allez dans un collège où la religion est négligée ou méprisée, quelle désolante vision! Quelle laideur morale à l'âge où la vie a ses plus beaux rayonnements! Essayez de rencontrer là des enfants qui domptent leur égoïsme, leur orgueil, leur indépendance, leur colè­re, leur volonté surtout; vous n'y parviendrez pas; l'enfant sans reli­gion ne dompte pas ses passion… L'éducation qui n'est pas franche­ment chrétienne laisse l'intelligence sans principes, sans conviction, sans certitude; elle laisse le cœur sans ouverture, sans expansion et sans charité; elle manque de force et de grâce pour cultiver la plus belle des vertus, la pureté… Il faut que le maître soit un homme de Dieu pour faire une garde sainte autour chu cœur de l'enfant qu'habite une pureté encore ignorante et candide, ou autour du cœur de l'adolescent qui renferme l'orage et déjà connaît l'hon­neur d'une chasteté éprouvée.»… Pour prouver ensuite que dans les lettres et les arts aussi bien que dans l'éducation, la religion n'est pas la faiblesse mais la puissance, M. le Supérieur jetait un rapide / coup d'oeil sur l'histoire entière de la littérature et des 55 sciences. «Commençons par la littérature. Je laisse de coté la grammaire: nos adversaires nous cèderaient encore facilement la supériorité sur ce point: Lhomond, le bon abbé Lhomond, l'auteur des classiques élé­mentaires, est toujours leur maître. Considérons la littérature française. Nos vieux poèmes tombés dans l'oubli avec nos splendi­des cathédrales ont reconquis leur honneur de nos jours. La Chanson de Roland est la perle de nos deux cents poèmes natio­naux; c'est notre Iliade, avec une l'orme moins parfaite, mais avec une pensée plus haute que celle d'Homère; c'est le tableau de la noble et chevaleresque France, fille aînée de l'Eglise, et de l'armée du Sergent du Christ… La Renaissance s'engoua de l'antiquité païenne et fit dévier la littérature nationale… Victor Hugo, tout comme Bossuet, regrette que la littérature du grand siècle n'ait pas invoqué le christianisme au lieu d'adorer des dieux païens, et que les poètes n'aient pas etc, comme ceux des temps primitifs, des prê­tres chantant les grandes choses de leur religion et de leur patrie… Malgré cela, le XVIIe siècle est tout notre. C'est Bossuet 56 avec son génie d'historien / et d'orateur; c'est Racine, dont les ouvrages deviennent de plus en plus élevés, à mesure qu'il devient de plus en plus religieux. C'est Massillon et Bourdaloue, le Cicéron et le Demosthène modernes; c'est Corneille avec son Polyeucte. - Au 18e siècle, Voltaire dut les premiers développements de son esprit à deux Jésuites distingués, et il ne s'éleva jamais tant que lorsqu'il voulut être un instant chrétien. - Les quelques pages de Rousseau qui offrent le plus de charme sont celles où il se laisse aller comme par distraction à louer les vertus chrétiennes.- Le grand mouvement littéraire de la restauration au l9e siècle a été provoque par le ré­veil religieux. On sait quelle profonde émotion produisit le livre de Chateaubriand sur le «Génie du Christianisme». - M.de Bonald atta­qua de front, et avec autant de succès que de dignité, les aberra­tions de son temps.- Joseph de Maistre, dans ses «Considérations sur la France», donna la philosophie de la Révolution française avec une hauteur de vues et une logique admirable.- Lamartine devait aussi voir son génie se développer sous la garde de la foi et lui em­prunter ses plus suaves inspirations. - Victor Hugo disait, en 1824: «La Révolution a eu sa littérature hideuse et inepte comme elle. / 57 L'ordre renaît de toutes parts dans les institutions, il renaît éga­lement dans les lettres… La foi épure l'imagination, nous avons des poètes.»

La foi est aussi le flambeau et la clef de l'histoire. L'histoire du monde, c'est l'histoire de l'action providentielle de Dieu sur la ter­re. L'histoire du monde, c'est l'histoire chu Christ: le Christ préparé, le Christ révélé, et manifesté, le Christ luttant et régnant. En dehors de cette lumière, tout historien est petit, tout enseignement de l'hi­stoire est méprisable. «Mettons donc, dit Chateaubriand, l'éternité au fond de l'histoire des temps; rapportons tout à Dieu, comme à la cause universelle.» C'est cette manière d'écrire l'histoire qui élève Bossuet d'une hauteur incomparable au dessus des plus célèbres hi­storiens de l'antiquité…

- La révélation chrétienne n'est pas non plus une entrave pour les sciences. Le récit mosaïque trace d'une manière lumineuse les grandes lignes de la science astronomique et de la science physiolo­gique, et les savants modernes auraient évité bien des illusions, bien des ridicules, s'ils avaient tenu compte des données de la révéla­tion …(1). La religion dans l'art a fait les Raphaël, les Michel-Ange, les Fra Angelico, les Dominiquin, les Bramante et les auteurs / Mo­destes et inconnus des cathédrales de Reims, d'Amiens, 58 de Laon et de St-Quentin.­

Aux industriels et aux agriculteurs, je pourrais montrer la Source de la richesse dans le travail et le renoncement chrétien, l'apaise­ment de toutes les haines sociales dans les institutions charitables et moralisatrices du catholicisme. Dans nos maisons d'éducation seu­lement, les enfants sont initiés à la connaissance et à la pratique de ces œuvres catholiques qui contiennent la solution du redoutable problème social…»

Après ce discours, la distribution des prix commença par les prix d'honneur. Dans la première division, le premier prix d'honneur a été mérité par Charles Geoffroy, de Ribemont; le 2e prix par Eugène Savard, d'Origny Ste-Benoîte; dans la seconde division, le 1er prix a été obtenu par Pierre Courtois, de Moy, et le 2e par Victor Wirtz, de Montretril-sous-Laon. - Après la proclamation des prix de la classe de quatrième, M. l'archiprêtre, président de la cérémonie, adressa à nos élèves une allocution dans ce langage affectueux et paternel que tout le inonde lui connaît. D'ailleurs, celui qui déclare si aimablement / qu'on a toujours des privautés pour les nouveaux­-nés, peut-il se défendre de parler avec 59 tendresse aux enfants de St-Jean? L'un de nos jeunes gens dut être agréablement surpris lor­squ'il entendit ses paroles citées par M. l'archiprêtre qui les avait prises pour thème de sort allocution: «Nous voulons devenir à St­-Jean des hommes aux mâles vertus et surtout de bons chrétiens.»

La distribution fut interrompue de temps à autre par des poésies déclamées avec entrain et intelligence. Elle se termina par un choeur «les Adieux», qui exprimait à la fois la joie de revoir la mai­son paternelle et le regret de quitter la grande famille de St-Jean.

Nous nous plaisons à rendre ici témoignage au zèle infatigable de notre maître de chapelle qui a su si bien préparer et diriger ses jeu­nes musiciens… Un Te Deum, suivi de la bénédiction du St Sacrement a termine la cérémonie. Espérons que cette bénédiction céleste suivra pendant les vacances et ramènera heureusement au port maître et élèves: Dominus custodiat introitum tuum et exitum tuum (Ps 120,8).

Pour les vacances, il y avait bien des arrangements matériels 60 à faire. J'avais acheté dans le cours de l'année, au 25 / février, deux maisons voisines, celle du tonnelier Dassonvillers et celle des de­moiselles Maury. La maison Dassonvillers nous était nécessaire, nous n'avions à l'entrée du collège qu'un long boyau. Je payai la maison trois fois sa valeur. J'ai été ainsi amené à faire à St-Jean suc­cessivement de grandes dépenses sans arriver à avoir un établisse­ment bien organise, et cela me mit sur le dos des dettes qui furent une des croix de toute ma vie.

Le Patronage s'était continué toute l'année avec un entrain ma­gnifique. Il regorgeait de monde, ainsi que le Cercle, tous les di­manches. Un grand bien s'y faisait. Je confessais beaucoup de jeu­nes gens chaque samedi. Plusieurs fêtes eurent lieu dans l'année. Nos jeunes ouvriers jouèrent des drames et comédies: en octobre, l'Auberge de la mort; le 6 décembre, les Horloges de Pornic; le 17 février, Chacun son métier; le 11 avril, Nathanie ou l'enfant prodi­gue.

La Saint-Léon eut sa splendeur accoutumée.

J'avais toujours mes fidèles auxiliaires: M. Julien, M.Guillaume, M.Santerre, M.André, M. Filochet. Je ne pouvais plus guère aller re­lancer les absents chez eux, / c'est M. Julien et M. Santerre 61 qui s'en chargeaient et ils le faisaient avec un zèle héroïque. M. Brochard m'aidait comme aumônier. Il avait un petit appartement dans une maison que nous avions achetée rue St-Martin.

Nous avions chaque semaine nos réunions de Conseil. Il fallait s'occuper de recueillir les souscriptions, de recruter les membres honoraires, d'organiser les sermons de charité.

Il y eut encore aussi cette année quelques réunions de patrons où j'exposais les devoirs des patrons chrétiens.

Notre Conseil faisait l'onction de Bureau diocésain. Je correspon­dais avec bien des curés pour les encourager à fonder des patrona­ges. Je leur fournissais les documents et règlements.

Notre maison de famille était en pleine activité. Elle comprenait des pensionnaires et des orphelins. La Soeur Marie Véronique en était la providence. Le dortoir était resté à la rue des Bouloirs. Le réfectoire et la cuisine étaient à la rue St-Martin, à l'autre extrémité de nos locaux.

Nous comptions, au ler avril 1878, 27 enfants et jeunes gens. J'en ai / gardé la liste avec le chiffre de la petite pension que 62 payaient ceux qui travaillaient; la voici:

Pécantet Charles33 f.Opsor Bernard0
Camus Raoul33Briey Joseph25
Brabançon Henri33Blot Charles33
Mennevret30Broyon Eugène25
Thomas Jules18Théry Louis12
Dabocia Marcel14Montagne Louis0
Wavrans Charles17Montagne Léon0
Glaux Emile25Montagne Edouard0
Ferraille Onésime30Leytner Alois9
Douay Alfred30Lucien Georges5
Brancourt Pierre22Brunin Raymond0
Lombart Maurice25François Joseph0
Massart Albert25Déflines Albert25
Gourdin Paul25

Plusieurs étaient bien bons.

Tous obéissaient bien à la Soeur.

C'était une œuvre nécessaire à St-Quentin, et i1 la faudrait repren­dre.

Mon association de la jeunesse catholique se continuait aussi. C'était moins facile qu'au Vicariat, je ne pouvais plus avoir les grands élèves du lycée. Cependant nos réunions eurent lieu toute l'année et furent assez vivantes.

63 Mes causeries étaient un petit cours de / droit naturel. Je trai­tai de la Famille, de la Société civile, du Culte social, de l'Égalité, des Aristocraties, de la Propriété, de l'Hérédité, de l'Autorité, de l'Origine du pouvoir, de sa transmissions, etc.

Sur la question qui nous préoccupe tant aujourd'hui, le ralliement, je donnai cette solution, marquée dans les procès-verbaux: «L'usurpation peut être légitimée par la voie de la prescription.

S'il arrive que le rétablissement de l'ordre légitime devienne im­possible pour le présent ou pour l'avenir, l'intérêt de l'État exigeant qu'il soit mis un terme à la division qui règne sans cause raisonna­ble entre les citoyens, le souverain dépouillé de son droit y doit re­noncer. Toutefois, il faut remarquer que le moment où la prescrip­tion politique est acquise est souvent difficile à déterminer. » J'ajoutais que la conscience des catholiques peut être aidée à résoudre ce cas de conscience par les directions du St-Siège. C'est ce qui eut lieu souvent dans notre histoire, au temps de Clovis, à l'avènement des Capétiens, en 1801 à l'occasion du Concordat et dans ces dernières années à propos de la République. /

- L'association avait en même temps le caractère de conférence 64 de chante. Elle continuait à visiter les pauvres.

Voici les noms des jeunes gens de St-Quentin qui en ont fait par­tie plus ou moins assidûment:

Basquin Henri - Basquin Léon - Beaufrère - Black Octave - Blin Jules - Blin Amédee - de Catalan Charles - Delesalle Albert - Hénocq Eugene - Hurstcl - Jourdain Maurice - Julien Paul - Lamotte Fernand Poissonnier - Mairesse Léon - Malézieux André - Urion - Maréchal Fernand - Maréchal Henri - Mornard Henri - Moureau Pierre - Moureau Paul - Raffard Adrien - Raffard Jules - Roger Paul - Vitart - Voisin Paul - Basquin Georges - Raffard Maurice - Largillère Henri - Damay Léon - Fournier.

Quelques-uns n'ont fait que paraître à ces réunion et n'en ont guère profité, mais plusieurs y ont certainement affermi leur foi.

J'étais encore vicaire en titre. J'avais gardé quelques fonctions à la basilique: confessions, assistances, etc. Ajouté au reste, c'était trop. Au mois de mai, j'étais à bout de mes forces, je crachais le sang, et la santé allait demeurer chancelante / pour toujours. 65

C'est un sacrifice que N.-S. me demandait.

Je donnai ma démission du vicariat pour atténuer un peu ma be­sogne. J'avais gardé aussi jusque-là les confessions ordinaires des Augustines, je les laissai.

Notre belle réunion provinciale des œuvres se tint à Soissons du 16 au 20 septembre. Mgr l'Archevêque de Reims était là, avec les évêques de Chalons, de Beauvais, d'Amiens, de Monaco.

Le programme n'était pas chargé, il y avait quelques rapports seu­lement.

1ère Question: des Bureaux diocésains:

Rapporteur, M. Mimil, de Reims.

2ème Question: Repos du dimanche dans les villes, les usines, les campagnes:

Rapporteur, M. Harmel.

3° Œuvres de piété, adoration nocturne:

Rapporteur, M. de Lebucquière, d'Amiens.

4° L'Œuvre des Cercles:

Rapporteur, M. Paul de Hennezel.

5° L'enseignement et les bonnes lectures:

Rapporteur, M. Aubry, avocat à Amiens.

6° Associations de patrons, industrie, arts et métiers, agriculture

Rapporteur, M. Harmel.

7° Du rôle des laïques dans les œuvres: /

66 Rapporteur, M. Pannet, vic. gén. de Châlons.

8° Patronage dans les villes et les campagnes:

Rapporteur, M. l'abbé Le Conte, de Châlons.

9° Œuvre des sourds-Muets de St-Médard:

Rapporteur, M. Bourse, de Soissons.

- Plusieurs de ces rapports sont des petits chefs-d'œuvre. Ils seront toujours bons à consulter.

Je ne m'étais pas réservé de rapport, j'étais trop occupé et souf­frant. J'allai plusieurs fois pendant les séances vomir le sang à plei­ne cuvette dans ma chambre. Je pris cependant un peu part aux di­scussions, mais bien modérément.

Ces journées de congrès réveillaient le zèle parmi les prêtres mieux que n'eût fait une retraite.

Cette première année, j'étais presque seul. J'avais deux Frères laï­ques, Vinchon et Heymès, qui n'ont pas persévéré. C'est surtout dans mes entretiens avec nos bonnes Soeurs que je vivais de l'esprit de notre œuvre. J'allais souvent malgré mes occupations leur dire la messe. J'étais leur confesseur, leur directeur. Je leur faisais des conférences. Je m'entretenais souvent avec la « Chère Mère». Nos pensées sur l'Œuvre étaient les mêmes. C'est / ainsi 67 que je m'ancrais de plus en plus dans mes résolutions et dans ma confian­ce en la volonté de Dieu pour la fondation de l'Œuvre.

En prêchant l'esprit de notre vocation aux Soeurs, je me le prê­chais à moi-même.

Les Soeurs que nous avions à St-Jean aussi, la Soeur Marie Oliva en particulier et la Soeur Marie Claire étaient si excellentes que leur conversation m'aidait a vivre de l'esprit de foi.

J'aurai à reparler plus loin de la Soeur Marie de Jésus, je vais don­ner ici le compliment qu'elle me lut à ma fête. C'est bien imparfait comme versification, mais la poésie de l'âme y chante pieusement et on y trouve bien l'esprit due nous nous efforcions d'avoir:

O Père vénéré, vos enfants en ce jour, Confiées par le Seigneur à vos soins, votre amour, Déposent à vos pieds les souhaits très ar­dents Que forment aujourd'hui leurs cœurs reconnaissants.

Nos voeux, o très-bon Père, oh! comment les offrir,

Sinon vous promettant de toujours accomplir

Avec fidélité la parole divine,

Qu'en traits de feu par vous Jésus en nous imprime? /

68 Et ne sera-ce pas l'unique récompense,

Si vous voyez qu'en nous l'amour de la souffrance

Avec un Dieu souffrant s'enflamme davantage?

Et ne sera-ce pas le véritable gage

Du respect, de l'amour et de la gratitude

Que vous doivent nos cœurs pour la sollicitude

Que vous nous témoignez toujours si paternelle?

Mais pour vous aujourd'hui que pouvons-nous donc faire?

Oh! ce sera d'offrir notre ardente prière,

Prière humble et soumise, afin que le Seigneur

Vous accorde sa grâce et sa douce faveur,

Que toujours et partout, qu'en tout Il vous bénisse,

Qu'à sa gloire toujours le bien vous réussisse!

Mais qu'Il daigne surtout, qu'Il daigne recevoir

La première victime qu'en vous nous devons voir!

Ne nous semble-t-il pas que c'est sur votre trace

Qu'à Jésus nous devons aller avec sa grâce?

Comme à votre parole, oui, c'est à votre exemple

Qu'il nous faut vivre en paix à l'abri du saint temple.

Oui, vous serez vraiment le prêtre et la victime.

Jésus vous a marqué d'un sceau pur et sublime!

Vous lui ressemblerez, vous serez son image,

Et de nos cœurs pieux un incessant hommage

Vers lui remontera afin que dans le cours

De votre sainte vie II vous aide toujours!

Oui, Jésus le désire, Il veut en vous revivre.

Son chemin de douleurs, il vous faudra le suivre. /

69 Ainsi que de lui-même il sera dit du vous:

«Que vient-il en ce jour annoncer parmi nous?»

Et vous leur répondrez: «C'est la saine doctrine,

C'est le Verbe de Dieu, la parole divine,

Oubliée aujourd'hui thème chez le chrétien

Que Dieu veut retrouver parmi son peuple saint!»

Oui, Jésus le demande, un nouveau sacerdoce

Doit refleurir encore à l'ombre de son Cœur,

Et si notre prière et nos voeux Il exauce,

Vous-même vous serez premier réparateur.

Le monde n'est-il pas comme une mer immense

Submergé d'une froide et molle indifférence?

Et le prêtre lui-même au pied de son autel

Est-il encore souvent le ministre fidèle?

Hélas! triste tableau! et plus triste Jésus!

Vous venez en ce monde et n'êtes plus reçu.

L'on ne vous connaît plus, et qui vous aime encore?

Votre peuple choisi à peine vous adore.

Vous êtes méprisé, bafoué et trahi

Par ceux que votre main libérale a nourris

De votre sang divin, votre chair adorable

O Seigneur, notre Dieu, ô Sauveur admirable!

Pour tant d'indignités, il faut réparation

A nous, vous adressez votre amoureuse plainte

De voir qu'en tous les cœurs votre flamme est éteinte.

Ce ne serait donc point une vaine illusion!

Oui, votre saint amour doit revenir sur terre, /

Il doit germer encore, le méchant doit se taire. 70

De même qu'autrefois du fond des Catacombes

La louange divine s'échappait de la tombe,

Qu'ainsi sur notre siècle une nouvelle aurore

Se lève, et que soudain, que d'un sublime essor

Parte de tous les cœurs, s'élève vers le ciel

Un hommage plus pur et le voeu solennel

Que votre loi, mon Dieu, oubliée si longtemps

En honneur désormais sera chez vos enfants…

Et ne croyez-vous pas que ce soit la demande Que nous fait le Seigneur, afin qu'à tous Il rende Avec son doux pardon une paix sa­lutaire Et que son règne enfin reparaisse en la terre? Oui, c'est à cet effet que vos enfants prieront Et pour la sainte cause en victimes of­friront Et leurs biens, et leurs corps, leur être tout entier Puisse en son pur amour Jésus les consumer! Oh! ils seront par lui, j'en suis sûre, exaucés, Ces voeux que nous osons pour vous lui adresser… Daignez donc nous bénir, ô très vénéré Père, Pour que Jésus écoute et notre humble prière El les souhaits ardents que forme notre Cœur, Afin que nous puissions en la patrie un jour, Près du Père cé­leste en l'éternel séjour, Tout rayonnant d'amour, de splendeur et de gloire Avec vous répéter les doux chants de victoire A Jésus, no­tre Dieu, notre divin Sauveur! 11 avril 1878. /

71 Ces vers qui n'ont rien de parnassique montrent bien quelles étaient l'élévation de pensée et la générosité d'âmes de ces bonnes Soeurs.

Ici se place un des incidents les plus graves de ma vie.

J'avais eu l'idée de l'Œuvre du S.-Cœur depuis un an déjà, je l'avais commencée depuis six mois, quand une pieuse Soeur, j'ose­rais dire une sainte Soeur crut avoir des révélations qui encoura­geaient et qui confirmaient notre fondation.

Soeur Marie Ignace était entrée au Postulat en Alsace, le 2 février 1871 fête de la Purification de la Sainte Vierge (1). Elle était venue en France, à Molain, avec les autres Soeurs, à Noël 1872. On a su plus tard qu'à cette date là, au moment où la communauté passait par des épreuves en Alsace et était indécise si elle devait venir en France et si elle était appelée à vivre, la pieuse Soeur s'était offerte à Dieu comme victime pour le bien de la communauté.

Elle avait reçu le saint habit avec d'autres postulantes à la fête du S.-Cœur en juin 1873. Elle s'est toujours fait remarquer par sa piété candide, par sa ferveur ardente, / par une modestie qui 72 char­mait tous ceux qui l'approchaient, enfin par son obéissance et sa mortification. Cette dernière vertu était en elle bien souvent plus admirable qu'imitable.

Depuis son offrande en victime pour l'œuvre en 1872, elle éprouvait habituellement de vives souffrances en son âme et en son corps. Ces souffrances s'étaient bien accentuées de 1875 à 1878. La bonne Soeur dépérissait et paraissait être souvent en danger de mort. En 1877, elle avait souvent à la chapelle une sorte de syncope suivi d'un long sommeil. Le P. Jésuite: (P. Jenner) qui donna la re­traite à la communauté en 1877, au mois de juin, était d'avis qu'il s'agissait là d'un sommeil plutôt surnaturel que naturel. A la fin de janvier 1878, la Soeur eut le pressentiment et comme un avertisse­ment surnaturel qu'elle allait mourir. Le 2 février, elle eut une syn­cope plus longue et une sorte d'état de mort. On me fit chercher, comme j'étais son confesseur et directeur et j'accourus avec les saintes huiles pour lui donner les derniers sacrements. Mais elle se releva encore. C'est alors qu'elle s'ouvrit à la Chère Mère de son état intérieur et lui dit qu'elle entendait la voix de N.-S. /

73 Du moins elle le pensait. Elle avait des lumières, lui semblait entendre des paroles. Ses angoisses mortelles avaient été une mort mystique qui préparait ces communications.

Ces grâces de lumières allaient durer plusieurs années, jusqu'en 1883.

La bonne Soeur n'y mêla pas la moindre vanité. Elle ne s'ouvrit qu'à la chère Mère, et a son confesseur quand il l'interrogeait. Elle craignait d'être dans l'illusion.

Les vertus de la Soeur et le caractère pieux des lumières reçues parurent à la chère Mère, à moi-même et au Père Jenner une ga­rantie de l'origine divine de ces communications.

La Sainte Eglise, par l'organe du Saint-Office devait juger plus tard, en 1883-1884, que ce n'étaient pas des révélations divines, quoique la doctrine en fût très pure et très élevée.

J'ai remis en 1883 au Saint-Office le texte de toutes ces communi­cations. Je ne les ai donc plus. Quelques pages cependant m'en sont revenues, parce que le P. Modeste, S J. qui en avait la copie, me les a remise. /

74 Voici quel fut le thème de ces communications dans l'année 1878.

2 février: Je veux, oui je veux des prêtres victimes. Dis-le lui. Je fe­rai tout. Il n'a qu'à se montrer docile (le P.Jean) à ma voix et à ma grâce.

15 février: Parabole du règne: notre vocation.

28 février: St Joseph, patron et modèle de la vie de victime.

1 mars: Marie, Jean et Madeleine victimes au Calvaire. - Le prêtre, sa dignité, réparation sacerdotale.

3 mars: Plaintes sur les prêtres. Leurs infidélités. Réparation sacer­dotale, spécialement au temps du carnaval.

6 mars: St Joseph, modèle d'union à Jésus et a_ Marie. Sa vie ca­chée; sa prière; son repos; ses entretiens; sa vie intérieure; sa dignité.

8 mars: Les cinq Plaies. La plaie du Cœur, source du voeu de vic­time.

13 mars: Union fraternelle entre les âmes consacrées, entre les membres de l'œuvre.

15 mars: Le Précieux sang. Grâce de la souffrance. Les effusions du sang de Jésus. L'amour n'est pas sans douleur.

15 mars: La lance et les clous - Le St Suaire.

17 mars: L'amour pur et désintéressé.

18 mars: Le petit chien. Affection, fidélité, / attachement, 75 re­connaissance .

22 mars: La mort spirituelle ou mystique. Nisi granum frumenti.

25 mars: Notre-Dame-de-La-Salette pleure sur le peuple choisi. Marie médiatrice et réparatrice.

30 mars: Tous les mystères de Jésus doivent se reproduire pour cette œuvre. Attendre pour tout l'heure de la Providence.

31 mars: St Joseph, son esprit de foi.

1 avril: Tolle, crucifige. Le Cœur de Jésus demande une mort.

3 avril: Charité; il n'y a point de différence de langues. «But de l'œuvre: pur amour, sacrifice.

5 avril: Explication mystique du titre de la Croix, esprit de l'œuvre.

6 avril. Marthe et Marie. La contemplation et l'action. Fidélité dans les épreuves.

7 avril: Même sujet: esprit de victime chez Marthe et Marie; Chez la Ste Vierge, St Joseph, Jésus.

7 avril: Le voile violet sur la croix; symbolisme.

8 avril: Générosité de Sainte Véronique. «Commendo spiritum: abandon.

9 avril: L'Agonie, les souffrances.

10 avril: Le silence de Jésus. Le pur / amour, l'abandon: tout ac­cepter. 76

12 avril: Sur notre nom d'Oblats.

14 avril: Le roi de Sion: douceur et humilité; les Rameaux. « Confiance filiale et abandon dans les souffrances.

15 avril: Pater, dimitte illis: le pardon des offenses.

18 avril: Jeudi Saint: La Sainte Eucharistie. Notre but: vie inté­rieure. Vie principalement cachée, silencieuse, aimante, souffrante.

20 avril: Descente aux Limbes: St Joseph.

« : Ne perdez point les grâces reçues, par la distraction.

21 avril: Sentiments de Jésus, de Marie, de St Jean et des saintes femmes. Amour de retour. Désir de le prouver par la souffrance.

22 avril: Apparition aux disciples d'Emmaüs. Les lundis de fête. Réparation.

23 avril: Apparition a Sainte Madeleine: Noli me tangere.

24 avril: Les grâces les plus précieuses sont les souffrances.

25 avril: Ne craignez pas, vous cherchez Jésus crucifié. Les saintes femmes; Madeleine, modelé pour chercher Jésus. 77

26 avril: Ne cherchez pas le vivant parmi / les morts. - Le jour de Pâques ne viendra qu'a la fin de votre vie. - Vous ne pouvez suppor­ter que peu a la fois. - Réciter: Regina Coeli et… Sancta Mater…

28 avril: Formation…Epreuves…Laisser faire…Confiance pour l'avenir… Comment il faut prier en toutes circonstances.

30 avril: Le bon pasteur… La conduite du bon pasteur est propor­tionnée aux circonstances et aux forces de chacun … Mais combien de brebis ne le connaissent pas! Réparation.

«Tu m'entends et tu ne me vois pas … Beati qui non viderunt et credi­derunt. Foi pure, immolation du cœur. Sacrifice intérieur. «Je suis le Fils du Dieu vivant, l'époux des âmes pures.»

«Chercher Jésus avec Madeleine (amour empressé). Va vers mes frères (servir Jésus dans la personne de ses frères). Ne plus aban­donner Jésus, ni par crainte, ni a cause de la vie passée, ni a cause des tentations ou persécutions.

1 mai: Marie, vie de silence et de recueillement. - Pratique pour le mois de mai. - Recueillement de St Joseph, des victimes, des prêtres. -Vie d'amour, d'immolation, d'union, de victime. /

Marie, jardin fermé, source scellée. 78

Préparation à la Pentecôte; les exercices spirituels.

3 mai: Invention de la croix. La croix, don de Jésus. Per crucem redemisti mundum. La croix, moyen de réparation. «Tu l'as vu, l'enfant est né (l'œuvre), il doit être élevé à l'ombre de la croix.» Matériaux de l'édifice.

8 mai: Avis aux supérieurs: silence, paroles sobres et saintes.

10 mai: La colombe. Son vol et son repos. Pureté, simplicité, dou­ceur. Elle s'élève au-dessus de la terre. Elle se cache, soupire et gé­mit. Son repos (moi pour vous et vous pour moi). Les repos de Jésus: le sein de Marie, la cache, Nazareth, le Calvaire, l'Eucharistie, les cœurs…

12 mai: St Joseph, sa pureté, ses épreuves, sa loi, son amour. Père, patron, modèle. Il prépare l'étable… Fidélité dans les petites choses.

13 mai: L'esprit de pauvreté; renoncement; obéissance parfaite; laisser-faire.

15 mai: Le regard fixé sur Jésus; voir Jésus partout et toujours.

16 mai: Le prêtre, sa grandeur; le saint Sacrifice.

22 mai: St Jean «Dominus est ». Confiance, / abandon, amour fidèle, 79 union…

24 mai: Auxilium christianorum.

« M'aimes-tu plus que les autres?

Nos protecteurs: Marie, Joseph, Jean.

29 mai: Épreuves et angoisses. Confiance filiale.

30 mai: Foi vivante et véritable: S.Joseph, Abraham, les Mages.

1 juin: La profession au pied de la croix: abandon, conformité, résignation.

6 juin: Le renoncement, condition de l'union avec le S.Cœur de Jésus. Le pur amour ne s'attache ni à la joie ni a la souffrance. Il n'est besoin pour être victime ni de santé ni de force.

9 juin: Introduxit me in cellaria sua, ordinavit in me charitatem.

Le véritable amour.

10 juin: Ne craignez pas, vous cherchez Jésus crucifié.

19 juin: Fête-Dieu: adoration en esprit. Offenses à Jésus par les âmes consacrées et dans le sacrement de son amour. La passion re­nouvelée. Réparation.

23-24 juin: St Jean, son esprit. Les voeux, la profession, l'apôtre St Jean.

«La confession, sincérité, franchise.

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21 juillet: Confiance filiale, Caractère / d'une victime: amour pur et désintéressé.

22 juillet: Conformité, abandon.

2-3 décembre: la retraite.

15 décembre: Le bonheur de la vie religieuse.

Tout cela était bon, pieux et d'une élévation de doctrine bien ex­ceptionnelle.

J'inclinais à l'accepter comme vues d'oraison, comme lumières surnaturelles. La chère Mère m'assurait que c'étaient des dictées de N.-S. La bonne Soeur le croyait. Voici ce que m'écrivait la chère Mère le 8 avril:

«Vénéré Père, Je vous envoie ci-joint la suite de ce que je vous ai envoyé hier, et ici je dois vous dire que tout ce que contiennent les pages ci-jointes, n'a pas été répété, écrit après que N.-S. l'avait dit, mais cet­te fois sous sa dictée même. La bonne Soeur voulait, sur la demande que je lui avais faite, m'écrire ce qui lui avait été dit sur la maison de Béthanie, et au lieu de pouvoir écrire cela, N.-S. a commencé à lui dicter ce que vous trouverez sur ces pages, et de manière que quand elle avait fini ou plutôt qu'il avait cessé de parler, elle ne sa­vait plus rien de ce 81 qu'elle avait écrit. / Elle en tint effrayée et se mit à dire: «Mon Jésus, qu'ai je fait? Est-ce bien vous qui m'avez fait écrire? Ah! que je ne suis pas sous une illusion, ne le permettez pas, je vous prie.» Et la voix répondit aussitôt: «Écris encore ce que je vais te dire», et alors il ajouta ce que vous trouvez à la fin de la com­paraison concernant l'Évangile du jour et sa prière à son Père. Que Jésus est donc merveilleux dans ses œuvres! Je vous dirai encore que toutes ces dernières instructions lui ont été dites en allemand, et Sr Marie de Jésus qui les a traduites, m'a dit que c'était regretta­ble que vous ne puissiez pas les lire en allemand, tant les expres­sions sont belles et choisies. Elle m'a dit que ce dont je vous envoie la copie aujourd'hui est, en allemand, un vrai morceau de littératu­re dont la Soeur est naturellement incapable, quoiqu'elle écrive convenablement en allemand…»

J'eus le tort de croire tout cela. N.-S. ne donne pas ainsi de longs sermons dans ses révélations. J'aurais dû n'accepter ces pieuses pa­ges que pour leur valeur théologique et comme des lumières d'oraison. C'est ce que devait décider / le Saint-Office en 1883.

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Ayant accepté le fait de la révélation, on peut penser l'impression que j'éprouvais. C'était pendant plusieurs années une vie un peu factice d'attente, de désirs, de joie, de crainte, surtout quand aux vues pieuses se mêlaient quelques prophéties.

Bien des faits me faisaient persévérer dans la foi que j'accordais à ces révélations.

La préparation de la Soeur m'avait paru avoir tous les caractères de l'action divine.

Ses vertus étaient vraiment exceptionnelles.

Les communications étaient d'une doctrine très pure, très élevée et très nourrie d'Écriture Sainte.

Le démon y paraissait opposé. Il obsédait visiblement la petite soeur copiste. Il avait fait entendre des bruits nocturnes à la maison de St-Quentin et à celle de Fourdrain.

M.Genty paraissait guéri de la pierre par les prières de la Soeur. La Soeur semblait lire vraiment dans les âmes. Elle avait conscien­ce de nos troubles, de nos dispositions.

Il y eut ce fait très particulier du don d'un jardin, rue Richelieu, 83 par M. / Lecot (frère Joseph d'Arimathée) le vendredi saint à 3 heures. C'était une analogie toute mystérieuse avec le don fait par Joseph d'Arimathée de son jardin et de son tombeau pour y dépo­ser le Christ.

Il semblait aussi y avoir quelques prédictions réalisées.

Pour M. Vincent (1880) qui hésitait à se donner à l'œuvre «Je le rendrai incapable», il eut en effet toute une année de souffrances nerveuses avant de mourir.

Pour le P. Jacques (avril 80) «il se donnera le ler mai et cela se réalisa.

En 1878, annonce de croix pour la Compagnie de Jésus: cela se réalisa en 1880.

En fév. 82 «il ne le verra pas mourir», et par suite de circonstances bien particulières, je ne vis pas mourir mon père. Je m'étais absenté une journée pour aller à Soissons sur la parole du médecin qui me disait qu'il n'y avait pas de péril prochain…

J'entendais aussi des témoignages extrinsèques bien favorables: Monseigneur Gay, le Rev. Père Modeste, le Père Schwindenhammer, 84 le Dr Didiot, le Père Vincent de Pascal, le P.Sébastien / Wiart avaient cru reconnaître comme moi dans ces communications une véritable intervention divine.

Les révélations elles-mêmes portaient le cachet de l'action divine. Comme la Soeur doutait, elle crut entendre N.-S. lui dire le 16 juin: «Quel est l'Esprit qui te parle? N'est-ce pas l'esprit d'humilité, d'obéissance, de sacrifice?»

Le 10 juin: «C'est moi, ne craignez pas … Vous cherchez Jésus cru­cifié.» - « Je veux que tout soit soumis à l'obéissance.»

- J'aurais dû m'en remettre plus pleinement à Mgr Thibaudier, qui réservait toujours son assentiment.

Il y eut d'ailleurs bien des prédictions non réalisées, notamment bien des vocations annoncées, et la promesse que les ressources perdues par le procès relatif au testament de Soeur Marie des cinq Plaies reviendraient. Elles ne sont pas revenues.

En résumé, après le jugement du Saint-Office, je reconnais plei­nement que ces longues dictées n'étaient pas des révélations. Je gar­de le sentiment qu'il y a eu du divin, des grâces exceptionnelles et en particulier des lumières d'oraison d'une grande élévation de doc­trine. /

Les quelques pages qui me sont revenues par le P.Modeste trai­taient de la vie religieuse et de notre vocation. Je les copie ici.

I. Esprit et but de la vie religieuse.

(Au commencement d'une retraite, le 2 déc. 78)

«Leva, Jerusalem, oculos tuos, et vide potentiam regis: ecce Salvator venit solvere te a vinculo.» Ces paroles sont employées pour le saint temps de l'Avent, mais ne conviennent-elles pas tout spécialement pour le temps actuel, temps de grâce pour vous.» Lève tes yeux, Jérusalem, et vois la puissance du roi.» Vous aussi maintenant, vous devez lever les yeux de votre esprit, regarder au-dessus de tout ce qui est terre­stre, Vous occuper purement de ce qui concerne votre âme, votre perfection, chercher â pénétrer plus avant dans l'esprit de votre vo­cation et de votre but, â reconnaître et à accomplir de plus en plus la volonté et les desseins de Dieu. Vous devez voir la puissance de ce roi des cœurs, de ce roi de l'amour qui veut régner sur vous et en vous, et vous devez vous confier à cette puissance, la puissance de son amour auquel néanmoins on résiste si fréquemment. - «Voici votre rédempteur qui vient vous délivrer des 86 liens.» Il vous don­ne ce temps de grâce et avec / lui les moyens de rompre et de bri­ser les liens qui arrêtent encore vos cœurs dans le libre élan vers le Seigneur votre Dieu, afin de vivre pour lui, libres et détachés de tout ce qui est terrestre, naturel et périssable, et pour porter les liens de son amour et la liberté des enfants de Dieu, liens qui attachent et unissent l'âme de la manière la plus intime à son Dieu, de telle sorte qu'elle puisse dire avec l'apôtre S.Paul: «Je vis, non ce n'est plus moi qui vis, c'est J.-C. qui vit en moi et moi en lui.» Il s'est livré tout entier pour moi et je me livre entièrement et sans réserve pour lui à son bon plaisir, à sa volonté. Je suis sa victime, (sa servante), qui ne cherche et ne connaît rien d'autre que l'accomplissement de la volonté du Seigneur, son contentement et son avantage, et qui est prête à les lui procurer aux dépens de sa vie et de son honneur, de ses forces et de sa santé, en s'écriant avec le prophète: «Dirupisti vincola mea, tibi sacrificabo hostiam laudis et nomen Domini invocabo.» Vous avez brisé les liens qui me tenaient éloigné de vous, c'est pourquoi je vous offrirai un sacrifice de louanges, je veux exalter 87 votre bonté et votre miséricorde envers moi qui en étais si peu digne. /Je veux vous remercier et m'attacher uniquement à vous, le Dieu et le Seigneur de mon cœur; je veux vous rendre hommage à vous seul, vous servir et vous aimer pardessus tout, sacrifier par amour pour vous tout ce qui n'est pas vous-même; et quand ces liens déréglés, ces liens d'esclavage de la nature corrompue et des créatures cher­cheront de nouveau à m'enlacer, j'invoquerai votre saint nom, dans lequel seul on peut trouver secours et assistance; oui, j'invoquerai le nom de mon Rédempteur qui se laisse attacher et enchaîner par ses créatures et d'une manière si cruelle, pour me donner la liberté, pour entraîner tous les cœurs par les doux liens de son amour, pour les délivrer tous des lourdes chaînes de la servitude du péché; j'invoquerai avec foi, avec confiance et avec amour le nom de celui qui se laissa attacher et conduire comme un agneau que l'on con­duit à la boucherie, sans faire entendre la moindre plainte; cet agneau, je veux le suivre dans le chemin par lequel il a marché, je m'efforcerai d'imiter les dispositions de son Cœur et comme lui et par amour pour lui je veux souffrir et mourir.»

/ 3 décembre. - «Cherchez le Seigneur pendant qu'on peut le 88 trouver, invoquez-le pendant qu'il est proche de vous.» Le temps de la retraite est particulièrement celui où je me laisse trouver par ceux qui me cherchent sincèrement et avec vérité, qui m'invoquent avec humilité et confiance, implorant ma lumière, mes grâces, le pardon pour le passé, la force et la persévérance pour l'avenir, mais aussi c'est également le temps Où je cherche, et qu'est-ce donc que je veux trouver? Des cœurs qui me connaissent, qui m'aiment, qui me servent et qui veulent se donner entièrement à moi. Moi aussi, j'appelle, pour être écouté, heur être reçu et accueilli dans les cœurs que j'aime si profondément, que j'ai sauvé et rachetés, que j'ai choisis pour ma demeure, ma propriété toute spéciale, pour mes amies et mes épouses, dont je demande à être aimé. Je me tiens à la porte et je frappe et j'appelle. Ouvre-moi, mon amie, ma soeur, mon épouse; ouvre-moi, me, cheveux sont humides de la ro­sée de la nuit: non, ils sont même trempés de mon sang que j'ai ré­pandu pour vous; et maintenant encore, c'est l'ingratitude, l'infidé­lité et l'insensibilité de mes amis, de mon peuple choisi, qui m'arra­che / la sueur de 89 sang (mystiquement sans doute), et c'est pour essuyer cette sueur, pour me consoler et me dédommager de cette douleur, de ce manque d'amour, que je cherche-des cœurs qui soient prêts à me procurer cette consolation, qui veuillent, avec l'as­sistance de ma grâce, l'aire tous les sacrifices que je demande.»

15 décembre 1878. - Gaudete in Domino, iterum dico gaudete. Réjouissez-vous dans le Seigneur; je vous le dis une seconde fois, réjouissez-vous. C'est à vous, surtout en temps d'épreuves et de souffrances, que s'adressent ces paroles, car les épreuves et les souf­frances sont les vraies causes de la véritable et sainte joie.

Elles sont maintenant autant de pas qui vous conduisent au but, vous rapprochant davantage du Cœur de votre Dieu et vous rendant plus semblables à lui. Elles sont inévitables, indispensables, et ne devraient-elles pas vous porter à la joie en voyant enfin venu le temps qui apporte avec lui tant de faveurs, tant de grâces, car plus on fait de pas en avant, plus on surmonte d'obstacles, et plus on se rapproche du but plus tôt on y arrive. L'apôtre dit plus-loin ces paroles: «Que votre modestie soit connue de tous les hommes», mais 90 moi je vous dis: non seulement / votre modestie, mais vo­tre patience, votre générosité, votre amour pour la souffrance et pour le sacrifice, toutes ces vertus qui doivent marquer et distinguer les victimes de mon amour.

Persévérez dans la prière, les louanges et les actions de grâces en­vers Dieu, dans la paix de Dieu, cette paix qui surpasse tout senti­ment et qui est un bruit de la croix, du renoncement à soi-même, de l'abnégation et du sacrifice, cette paix que le monde ne peut don­ner et qu'il ne connaît pas, précisément parce qu'il ne veut pas con­naître et qu'il n'aime pas la croix, les souffrances et le sacrifice, et par conséquent il ne connaît pas non plus la douceur de la paix qui y est contenue et qui en découle.

6 janvier 1879. - «Ayant ouvert leurs trésors, ils lui offrirent de l'or, de l'encens et de la myrrhe.» Ces trois présents sont expliqués de diverses manières dans l'esprit de la Sainte Eglise, car les desseins de Dieu sont insondables et ses voies impénétrables, ainsi que s'ex­prime le psalmiste. Il en est de même de ses paroles et de ses œuvres, elles sont inépuisables, infinies, de sorte que chaque fidèle peut croire qu'elles sont réglées comme si Dieu les avait réglées pour lui, pour sa condition et pour son état. C'est / 91 dans ce sens que l'apôtre des nations dit: Jésus-Christ m'a aimé et s'est livré pour moi.

- Voici les trois principaux dons que je demande maintenant des victimes qui veulent se donner entièrement à moi (des victimes de mon Cœur). Quand une vertu se trouve véritablement dans le cœur, toutes les autres y sont aussi nécessairement; néanmoins il en est une qui est la plus éclatante, qui est la marque distinctive, le ca­chet, le fondement de toutes les autres, c'est l'or d'un amour pur, véritable, sincère, d'un cœur plein de pureté d'intention, animé d'une foi vive, d'une confiance liliale et inébranlable. Quand l'or est fin et pur, on y remarque le plus léger attouchement; oui, le moindre souffle en ternit l'éclat et voilà la perfection à atteindre avec le secours de ma grâce et la fidèle coopération à cette grâce.

L'encens employé au sacrifice, c'est la volonté, le jugement, la rai­son avec toutes les facultés et les forces de l'esprit immolées par l'obéissance. La volonté est ainsi sacrifiée entièrement et sans parta­ge, elle est semblable au parfum de l'encens qui s'élève jusqu'au trône de Dieu, au trône de l'agneau et là est accepté avec complai­sance. / La volonté propre doit se laisser consumer comme le 92 grain d'encens et disparaître dans les flammes de l'amour de mon Cœur. Ne vouloir que ce due Dieu veut et se remettre entièrement à lui, sans délai, sans réserve, pour le temps et pour l'éternité; être prêt à tout, se laisser faire, accepter tout avec amour, comme voulu et permis par Dieu, voilà un sacrifice qui m'est agréable.­

La myrrhe, c'est le corps, la nature qui est condamnée à mort, ce sont les souffrances, quelque nom qu'elles portent, de quelque côté qu'elles viennent, supportées dans l'esprit de pur amour, par amour et avec amour, en esprit de réparation et d'expiation, en union avec les miennes; elles sont de grande valeur et de grande ef­ficacité, bien qu'elles soient sans éclat, si petites, si minimes qu'elles soient en elles-mêmes.

Ainsi donc, c'est un cœur pour aimer, un corps pour souffrir, une volonté pour la sacrifier, y renoncer entièrement et à sa place aimer par-dessus tout la volonté de Dieu et chercher à l'accomplir. Voilà le don par excellence.­

N'ai-je pas encore en cela donné l'exemple de la plus haute per­fection, d'une perfection infinie? J'ai marché en avant sur ce che­min du sacrifice, je l'ai rendu praticable pour tous mes vrais 93 di­sciples, pour mes amis et mes épouses. Où trouver, / en effet, un Cœur qui ait aime davantage, plus purement, plus parfaitement et plus généreusement que celui de votre Dieu et rédempteur, que le Cœur di Jésus, le Cœur de la victime de l'amour? Qui a plus et plus douloureusement souffert? Et pour qui? pour quoi? Ma vo­lonté n'était-elle pas celle du Père Céleste? Ecce venio! Me voici, avais-je dit, pour taire votre volonté…

3 mars. (La réparation sacerdotale). N.-S. a choisi parmi ses frè­res adoptifs, rachetés de son sang, des frères privilégies (les prê­tres), pour leur confier ses trésors. Il les a revêtus de son propre pouvoir, leur a donné preuves sur preuves de sa bienveillance, de son amour, de la confiance qu'il avait en eux; il a remis tout le peu­ple sous leur autorité et il est devenu en quelque sorte lui-même leur sujet. Une partie de ces enfants privilégiés demeure certaine­ment fidèle à l'emploi confié; ils conservent et défendent de toutes leurs forces contre les serres de l'ennemi les biens remis à leurs soins, quelques-uns même périssent de la mort des héros dans la lutte pour la cause et les droits de leur Père, de leur Frère, Sauveur et Bienfaiteur. Mais n'y en a-t-il pas une partie qui passent 94 à l'ennemi, qui livrent par trahison et noire / ingratitude les biens de leur Père et de leur Roi?

D'autres ne vont pas aussi loin, mais ils voient tout cela avec in­différence, s'occupent de leurs propres intérêts, se donnent leurs aises avec les biens dont ils ne sont cependant que les administra­teurs, ne s'occupent ni du déshonneur, ni du dommage que peut supporter leur Père et Frère si libéral, pourvu qu'eux-mêmes ne soient ni dérangés ni attaqués. Une dernière partie enfin prennent part à ces événements, mais plutôt pour leur propre gloire et par ambition que par amour pour leur Roi. Ils combattent, mais veu­lent par là s'acquérir la réputation de héros; ils veulent être victo­rieux, mais que la victoire soit attribuée à leur valeur, à leur coura­ge, à leur adresse; ils veulent mériter des récompenses pour eux­-mêmes; leur intention, leur mobile d'action n'est pas désintéressé, n'est pas de pur amour et reconnaissance comme il devrait être. Tout cela attriste le cœur du bon Père, mais davantage encore celui du Fils et dit Frère de ces ingrats pour lesquels il n'a rien épargne, pour lesquels il s'est sacrifié afin de les rendre heureux et de leur prouver son amour. Dans ces amères douleurs, il cherche quelqu'un pour le consoler, pour compenser et guérir les plaies que l'ingratitude et l'infidélité lui ont faites. Des frères / devraient par leur amour, leur 95 attention continuelle à tous ses désirs et leur soin incessant a lui plaire, à le servir, à lui procurer de la joie, lui faire en quelque sorte oublier l'injustice et l'outrage de la part non pas de ses ennemis mêmes, mais de ses amis, de ses frères, de ses enfants. Ils doivent former une armée qui ait pour but de ren­dre à leur Roi, Seigneur et Frère l'honneur qui lui a été ravi, les biens qui lui ont été arrachés, de guérir les plaies qui lui ont été fai­tes par ses frères, par ceux-là même qu'il avait élevés au rang de ses égaux, avec lesquels il avait partagé son pouvoir et ses titres, et mê­me de tout y consacrer, de tout sacrifier, leur vie, leur liberté, leurs biens, si l'accomplissement de leur but l'exige; en temps de paix, former une garde d'élite; en temps de guerre et dans le danger, prouver la valeur, l'héroïsme qui méritent l'amour et la confiance accordés par leur Seigneur et Maître, de n'avoir en vue en tout tem­ps, en toute circonstance, que son honneur, sa gloire, ses avantages, de ne chercher d'autre récompense que le sentiment intime d'ac­complir la volonté de leur bon / et aimable roi et de le consoler ainsi. 96

28 février S.Joseph, patron et modèle de la vie de victime. Il fut aussi victime et même tout spécialement par le cœur, car combien de rudes épreuves ne lui imposait pas son privilège d'être en même temps l'époux de Marie et le père nourricier de Jésus, mais il se soumit de la manière la plus parfaite à la volonté et aux desseins de Dieu, qu'ils lui fussent compréhensibles ou non, agréables ou péni­bles à accomplir. Il était un instrument dans les mains de Dieu, pour accomplir ses décrets, et par conséquent un modèle parfait de la vie de victime.

St Joseph est un brillant modèle pour le prêtre-victime lui-même, quoiqu'il n'eût pas la dignité sacerdotale dans la véritable accep­tion du mot. Qui donc me reçut entre des mains plus pures, moi l'agneau sans tache destiné au sacrifice? Qui me traita avec plus de respect, plus d'amour, une intention plus pure, en un mot toutes ces vertus que la vraie foi seule inspire? A la présentation au tem­ple, n'était-ce pas par les mains de Joseph et de Marie que j'offris ma vie au Père céleste en expiation pour le monde pécheur et cou­pable? 97 Ces dispositions et ces sentiments / en ce jour si impor­tant au ciel et sur la terre, n'étaient-ils pas aussi ceux de son propre sacrifice en union avec celui de Marie: et le mien? C'est ainsi que toute sa vie a été véritablement celle d'une victime.

17 mars. L'amour pur et désintéressé.- L'immolation des victimes du Cœur de Jésus se consomme par le pur amour et l'abandon. Ces dispositions sont comme la perfection et la condition du voeu de victime. Oh! combien sont rares les âmes desquelles N.-S. est aimé d'un amour pur et désintéressé! Combien n'y a-t-il point mê­me d'âmes consacrées, qu'il comble continuellement de bienfaits et qui malgré cela ne sont point reconnaissantes, pensent bien peu à lui et passent leur temps à s'occuper d'elles-mêmes, de leurs sati­sfactions corporelles ou spirituelles, ou bien s'occupent des créatu­res, cherchent à leur plaire et a les contenter? Et si même on s'oc­cupe de N.-S., comme on le fait par exemple plus longuement le di­manche, le jour qui lui est consacré, est-on bien auprès de lui avec toutes ses pensées, tout son cœur, avec une intention pure et surna­turelle? L'Époux peut-il donc être pleinement persuadé et satisfait de l'amour 98 et de la fidélité de son épouse,/ quand même elle remplit ses devoirs, si avec cela elle se comporte à son égard avec indifférence, insensibilité ou froideur?

- Haec est virgo Sapiens quem Dominus vigilantem invenit. C'est donc cette disposition de tenir en tout temps son attention, ses inclina­tions, ses pensées et ses aspirations dirigées vers l'objet de son amour qui nous fait trouver toujours vigilants, comme il est dit au Cantique des cantiques: Dormio sed cor meum vigilat. Alors même que le corps est occupé d'autre chose, qu'il se livre même légitimement au repos, au sommeil, le cour, l'esprit, la volonté doivent être di­rigés sur N.-S., qui est le dernier but, la dernière fin, le centre de toutes choses. C'est cet amour qui ne se meut, n'opère et n'agit qu'en lui, pour lui et par lui, qu'il demande, mais qu'on lui retire si fréquemment. Praebe, fili mi, cor tuum mihi. Mon enfant, donne-moi ton Cœur, ton amour, ta volonté, ton intention, qui seule donne de la valeur, aux yeux de Dieu, aux actions les plus grandes comme aux plus petites. C'est ce que St Augustin voulait exprimer par ces paroles: Aimez et faites ce que vous voudrez.

8 avril. Le saint abandon. N'est-ce pas le propre d'une victime de se mettre / totalement, sans réserve, sans résistance ou soins 99 pour l'avenir à la disposition de celui à qui elle est offerte? L'aban­don est comme un résumé des vertus de foi, d'obéissance, de con­fiance et de charité. Celui qui croit en la Providence de Dieu, qui se confie en sa bonté, qui l'aime et qui obéit à toutes les manifesta­tions de sa volonté, celui-là pratique la vertu d'abandon. C'est tout le fond de la vie de N.-S., comme il en témoigne lui-même, depuis sa première parole: Ecce venio, ut faciam, Deus, voluntatem tuam, ju­squ'à ce dernier cri: In manus tuas, Domine, commendo spiritum meum. C'est la disposition du saint Cœur de Marie, qui était toujours prê­te à s'écrier: Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum.. C'est jusqu'à un certain point le fond de la vie chrétienne, comme l'exprime notre prière quotidienne: Fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra. Mais c'est par dessus tout la disposition essentielle d'une victime.

C'étaient là de pieuses vues d'oraison. C'était bien l'esprit de N.-S., mais non sa parole dictée.

100 - Le 28 juin était la fête du S.-Cœur./ Je fis mes voeux. J'en avais le plus vif désir. Monseigneur Thibaudier m'y autorisa. II savait qu'il y avait plus d'une année que je m'y préparais. II délégua M. l'archiprêtre pour les recevoir. La petite cérémonie se lit dans l'ora­toire de St-Jean. M.Rasset était là comme postulant, avec les deux Frères qui n'ont pas persévéré. Deux Soeurs y assistaient aussi. Je me donnai sans réserve au S.-Cœur de Jésus, et dans ma pensée mes voeux étaient déjà perpétuels. Mon émotion fut bien profon­de. Je sentais que je prenais la croix sur mon épaule en me donnant à N. S. comme prêtre réparateur et comme fondateur d'un institut nouveau.

(En même temps que je faisais mes trois voeux publics, je faisais le voeu privé de victime selon les indications du P. Giraud ) (1).

Cette date du 28 juin 1878 sera sans doute retenue dans l'œuvre comme date de sa fondation.

Le P.Rasset qui était là devait entrer définitivement le 12 août.

C'est au mais d'août que nos Soeurs achetèrent à la famille Hibon la maison de la rue Richelieu. Elles avaient d'abord pensé y faire une fondation pour elles, mais elles comprirent que cette mai­son 101 convenait admirablement pour notre noviciat et elles / nous en cédèrent l'usage.

C'était assez prés de St-Jean pour que je puisse y aller tous les jours et y diriger le noviciat, et c'était assez sépare pour qu'on y eût le calme et la paix.

Nous pûmes y entrer et y célébrer la messe le 14 septembre, le jour de l'Exaltation de la Sainte Croix. La divine Providence a de ces à-propos lumineux. Ne fallait-il pas qu'une œuvre de réparation fut fondée sur la croix?

Le premier novice après le P.Rasset fut le Père Joseph Paris, qui entra le 4 octobre.

Le plus grand événement de l'année fut la mort de Pie IX, suivie de l'élection de Léon XIII.

Pie IX mourut en saint, comme il avait vécu. Son testament est un acte héroïque d'humilité. Tandis que d'autres princes se prépa­rent des tombeaux, Pie IX demanda la sépulture la plus simple. On lisait dans son testament: «Mon corps, devenu cadavre, sera enseveli dans l'église de St-Laurent-hors-les-Murs, près de la pierre marquée du sang du martyr. La dépense du monument ne doit pas excéder 400 écus.» /

Il ajoutait que l'inscription de son tombeau devait être la 102 suivante:

Os et cendres du Pape Pie IX

Souverain Pontife

Il a vécu…années

Il a passé dans le Pontificat… années

Priez pour lui.

- Les armoiries de sa noblesse devaient être remplacées par une tête de mort.

Il voulait être auprès des martyrs, auprès des catacombes, auprès de ses zouaves, auprès des tombes du peuple romain.

On le mit là en effet, mais il était tant aime que tout l'univers chrétien voulut souscrire pour la décoration merveilleuse de la cha­pelle où repose son modeste sarcophage.

Le peuple chrétien tenait Pie IX pour un saint, et on parlait de plusieurs miracles obtenus par son intercession.

Voici comment Mgr Mermillod annonçait dans son mandement la mort de Pie IX et l'élection de Léon XIII: «La rapide élection de Léon XIII répond à l'attente universelle; il y a dans les âmes catholi­ques comme un pressentiment que le glorieux tombeau de Pie IX 103 est le portique de l'ordre social chrétien. / Le grand Pontife a qui l'univers entier a rendu des hommages dans un deuil plein d'espérance, nous semble Moïse dirigeant le peuple de Dieu à tra­vers les souffrances et les luttes; ses prières nous ont obtenu Josué, qui nous conduira à la Terre Promise des triomphes évangéli­ques…

Pour moi personnellement, j'aimais extrêmement Pie IX que j'avais vu de près et dont j'avais pu apprécier toutes les grandes qua­lités d'esprit et de cœur. Mais j'avais connu aussi au Concile le grand caractère et la science de Léon XIII, et j'attendais de lui un grand pontificat.(10)

Ses armes portaient un arc-en-ciel, un de nos jeunes professeurs en montra le symbolisme dans ce gracieux sonnet que publia l'Aigle de St Jean:

Jéhovah dit un jour en contemplant la terre:

«L'homme s'est corrompu, je veux l'anéantir.»

Et sous des flots vengeurs versés par sa colère,

On vit avec effroi l'univers s'engloutir!

Alors Dieu se souvins qu'il était notre Père: «Ne craignez plus, dit­-il, de déluge à venir; «Si l'homme de nouveau me déclare la guerre,

«En voyant l'arc-en-ciel, j'oublierai de punir./

Aujourd'hui comme alors le crime nous inonde, 104

Et déjà s'apprêtant à foudroyer le monde,

Sur les peuples ingrats Dieu tient son bras levé.

Mais il voit resplendir sur l'arche de l'Église

L'assurance de paix qu'il nous avait promis:

L'arc-en-ciel a paru, l'univers est sauve.

En vérité, si Léon XIII ne vois pas le relèvement de l'Église, il l'a bien préparé et assuré: il en a posé les bases dans ses directions.

- Léon XIII ne tarda pas à manifester son affection pour la France, qui devait être un des traits distinctifs de son pontificat.

Répondant à une adresse des Universités catholiques de France, après avoir loué le zèle des catholiques de France pour la fondation de ces Universités, il ajoutait: «C'est ainsi que la France, en dépit de ses malheurs, reste toujours digne d'elle-même et montre qu'elle n'a pas oublie sa vocation. Personne plus que le Vicaire de J.-C. n'a de motifs pour compatir aux douleurs de la France, car c'est en elle que le Saint-Siège a toujours trouvé l'un de ses plus vaillants sou­tiens. Aujourd'hui, hélas! elle a perdu une partie de sa puissance… Et pourtant que n'a-t-elle pas fait pour le Saint-Siège, même après ses désastres? Elle lui avait déjà / donné les 105 reje­tons de ses plus illustres familles, la petite armée du Pape étant en grande partite composée des enfants de la France; et du moment qu'il n'a plus été possible pour eux de servir la cause du Pape avec l'épée, la France a témoigné de mille autres manières son attache­ment au Saint-Siège: ce sont les offrandes de la France qui tourment toujours une part considérable élu denier de St Pierre… Une si gran­de générosité ne saurait rester sans récompense, Dieu bénira une nation capable de si nobles sacrifices, et l'histoire écrira encore de belles pages sur les Gesta Dei per Francos.»

====Mai – Progrès des idées antireligieuses Le 16 mai – Le centenaire de Voltaire==== Une fausse tactique des conservateurs et des catholiques augmen­ta beaucoup la force du parti antireligieux. Les catholiques et les conservateurs restaient attachés aux vieux partis politiques, bien qu'il fût évident qu'il n'y avait aucun espoir sérieux de retour pour la monarchie. C'était mettre l'Eglise en opposition avec les masses populaires qui voulaient la république. La Chambre marchait de plus en plus vers les idées républicaines. Chaque élection partielle apportait un accroissement à la gauche. Ils étaient environ 106 360 qui se tenaient / étroitement uni, et votaient de plus en plus contre les idées religieuses pour prendre le contre-pied des conservateurs. Ni Mac-Mahon, ni les conservateurs ne comprirent bien la Situation. Mac-Mahon décrète la dissolution de la Cambre et prit un ministère orléaniste, le ministère de Broglie, c'était préparer un succès croissant à la gauche. Le ministère du 16 mai présida aux élections qui ramenèrent à la Chambre les 363 républicains et plus encore.

Le parti anticatholique provoqua de grandes démonstrations en l'honneur de Voltaire à l'occasion de son centenaire au 30 mai. L'idée n'était pas heureuse pour la gauche. La glorification de Voltaire, courtisan de Frédéric II, ne pouvait pas réussir en France après la guerre de 1870. Il y eut pour les catholiques un succès d'opinion assez facile. On rechercha dans Voltaire ses flatteries pour la Prusse et ses expressions de mépris pour la classe ouvrière et on publia cela sous toutes les formes, journaux, brochures, tracts, conférences, etc. On prit occasion aussi de ce malencontreux centenaire pour glorifier Jeanne d'Arc. Voici comment notre Aigle résumait les démonstrations catholiques: /

«Remercions Dieu, la France ne périra pas! L'acte de foi par 107 lequel elle a répondu aux provocations et aux blasphèmes du cen­tenaire suffit à assurer le salut d'une nation. Elle a passé au pied des autels cette journée néfaste du 30 mai. Sur toute la surface de son territoire, dans la dernière église de campagne comme dans nos glorieuses basiliques, la place manquait aux fidèles accourus à la voix de leurs évêques heur prier et heur réparer. Qu'importe si à la, même heure, quelques échappés de Bade et de Gênes, quelques ba­teleurs de poésie ou de presse ont réuni dans un cirque ou dans un théâtre deux ou trois mille badauds pour entendre leurs harangues emphatiques, leurs reniements et palinodies! Ils ont avec eux l'écu­me cosmopolite qu'ont fait monter à la surface nos convulsions po­litiques; ils n'ont pas la France! - Les couronnes destinées à Jeanne d'Arc n'ont cessé hier d'arriver à Paris. Des députations étaient chargées par les villes ou les diverses corporations d'accompagner ces hommages des Français à la mémoire de la vierge de Domrémy. Ces protestations des âmes chrétiennes contre les farces sacrilèges préparées en l'honneur / de Voltaire par des radicaux oublieux de l'honneur et de la patrie…» 108

J'avais peu de loisirs cette année. Mes études étaient déterminées par le cours de mes œuvres. Je dus me remettre un peu aux études classiques, littéraires et scientifiques, pour suivre les travaux des élèves et présider aux examens dans les classes.

Pour préparer mes conférences aux réunions de la jeunesse chré­tienne, je me servis de Monsabré, Conférences de 1872 sur la famil­le; de Taparelli, droit naturel; des œuvres de Blanc de St Bonnet, de l'ouvrage de M. Chesnel sur le droit social chrétien…

En vue de mon discours de distribution de prix, je lus divers ou­vrages sur la littérature chrétienne. Ce fut là une bien douce occu­pation. J'y trouvai autant d'édification que d'intérêt.

Une publication me frappa dans l'année et j'en pris note, celle des propositions erronées que le Saint-Siège avait soumises en 1862 aux évêques réunis pour la canonisation des Martyrs japonais. C'était la préparation du Syllabus. Chaque proposition était quali­fiée d'une note officielle. Les libéraux auraient besoin de 109 reli­re souvent ce catéchisme des / erreurs modernes. J'en copie quel­ques propositions:

1. Progressus civilis requirit ut humana societas constituatur su­per fundamentis mère humanis, nullo habito respectu ad religio­nem, perinde ac si ea non existeret.

- Propositio impia, injuriosa religioni, in atheismum inducens, subversiva ordinis moralis et verbo Dei contraria.

2. Lex moralis, actionum humanarum moderatrix, est a religione radicitus separabilis, nec ulla indiget sanctione divina. -

- Prop. complexiva sumpta falsa, impia, haeresim sapiens et erro­nea.

3. Intelligentia humana intra sensationum fines sistit, doctrina moralis in utilitatum supputatione, politices in sola materialium vi­rium conjunctione.

- Prop. complexive sumpta falsa: quoad primam partem, materia­lismum invehens et haeresi proxima; quoad secundam partem, to­tius moralitatis eversiva; quoad tertiam, ordinis moralis et socialis destructiva.

4. Ea est intelligentiae humanae spontanea vis, ut omnis divina revelatio sit ordini sociali inutilis.

- Haeretica.

110 5. Dogma de peccato originali ac dogma / de instauratione totius humani generis per Christum nihil confert ad praesentem so­cietatis conditionem ejusque leges agnoscendas.

- Falsa, erronea et haeresi proxima…

7. Christianismus, prout ab Ecclesia catholica traditur, neque exercuit, neque natura sua exercere potest influxum salutarem in jus civile, in jus politicum, neque in jus gentium.

- Falsa, erronea, Ecclesiae injuriosa et quatenus supponit christia­nismum melius tradi posse quam in Ecclesia catholica, haeretica.

8. Doctrina evangelica de mutuo fratrum auxilio non respicit nisi personas privatas: neque unquam applicari potest relationibus poli­ticis in favorem legitimorum guberniorum, quae injuste hostes sive interni sive externi aggressi sunt (principe de non-intervention).

- Perniciosa societati, seditiosa, juris publici et gentium destructi­va, haeretica.

9. Bonum societatis christianae postulat ne spiritualis potestas sit a civili potestate distincta et independens.

- Falsa et haeretica.

12. In qualibet recte constituta societate, legislatio actusque regi­minis debent tanquam regulam sectari indifferentiam systematicam inter veritatem et errorem in negotio religionis. /

- Impia, indifferentismum inducens, rectae rationis et religioni injuriosa. - 111

13. Licet theologice verum sit unamquamque nationem christia­nam debere partem constituere unius ejusdemque Ecclesiae univer­salis, uni capiti supremo subjectae; politice tamen utile foret ut quaelibet earum constitueret Ecclesiam nationalem sub primatu re­spective imperantis.

- In schisma inducens et haeresi proxima.

14. Politica gubernia tam clero quam popolo imponere possunt ectheses seu formularia theologica, licet ejusmodi sint, quae ne­queant ab apostolica Sede aut ab oecumenicis conciliis probari.

- Schismatica et haeretica.

15. Ecclesia nihil debet decernere quod obstringere possit fide­lium conscientias in ordine ad usum rerum temporalium.

- Haeretica.

16. Opponitur spiritui Evangelii quod Ecclesia bona temporalia possideat, nec ipsa legitime acceptare potest aut acquirere proprie­tates seu possessiones ad ministrorum sustentationem, ad cultus exercitium et pauperum levamen.

- Dudum damnata in Concilio Constantiensi et in bulla Martini V, ac haeretica. /

112 23. Nulla ecclesiastica potestas, neque ipse Summus Pontifex aut Concilium oecumenicum potest excommunicationis senten­tiam ferre in supremum imperantem.

- Haeretica.

26. Dominatio temporalis Romani Pontificis adversatur doctrinae evangelicae.

- Haeretica.

27. Haec dominatio temporalis non est magni momenti, pro spi­ritualibus catholicitatis negotiis, neque potest componi cum princi­piis boni civilis regiminis.

- Complective sumpta falsa, haeresim sapiens et erronea.

32. Orbis catholicus nullum habet jus ad tuendam conservatio­nem et integritatem dominii temporalis Papae.

- Falsa, temeraria, erronea.

36. Voluntas populi seu populare suffragium ejusmodi est per se auctoritatis, ut nulla indigeat ratione ad suorum actorum validita­tem.

- Quatenus constituat voluntatem populi seu suffragium populare Supremam legem independentem a jure naturali et divino, haereti­ca.

38. Principia insurrectionis, quae proclamata sunt in favorem re­centium eventuum in Italia, concordant cum sanae theologiae dot­trina / circa tyrannidem. 113

- Falsa, injurosa theologiae et seditiosa.

42. Societas domestica seu familia a lege tantum civili suae exi­stentiae legitimitatem derivat.

- Falsa, contraria juri naturali et divino; quatenus vero intelligatur de societate seu familia christiana, haeretica.

44. Progressus socialis inducere debet abolitionem indissolubilita­tis vinculi coniugalis.

- Haeretica.

47. Proprietas non minus adversatur legi justitiae quam legi chari­tatis christianae, neque fundatur injure naturae et gentium, sed unice in jure civili.

- Falsa et haeretica.

48. Conforme est sanae theologiae ac juris publici doctrinae, quod gubernia sint vera proprietaria bonorum quae obtinent Ecclesiae, familiae religiosae, hospitia aliaque loca pia.

- Falsa, contraria Concilio Tridentino (sess.XXII, C.XI de ref.) et alias damnata in Constitutione cujus initium «Licet» juxta Joan. XXII, IV Kal. nov. 1327.

50. Proprietates et filii ita ad nationem pertinent ut jura proprie­tatis et jura parentum in filios eorumque educationem a nationis / concessione dimanent. 114

- Complexive sumpta impia, juri naturali ac divino contraria.

51. Bona proinde societatis constitutio postulat ut natio quae per Statum repraesentatur, sub una alterave forma, directe aut indirecte monopolium habeat institutionum ac domiciliorum educationis, eorumque proprietatem, sive individualiter sive collective suman­tur.

- Erronea, perniciosa, juris divini et ecclesiastici laesiva.

52. Obligationes speciales quae ordinum religiosorum essentiam constituunt, ex Evangelio originem non trahunt.

- Haeretica.

54. Communitates religiosae, quae operibus exterioribus charita­tis minime devoventur, nullam existentiae legitimam rationem ha­bent.

- Falsa, erronea, perniciosa et haeresi proxima.

55. Juxta recta politices principia statui debet ut religiosos ordi­nes a guberniis catholicis a priori tamquam suspecti habeantur.

- Injuriosa statui religioso, detrahens institutioni ab Ecclesia pro­batae et fundatae in Verbo Dei, ac de haeresi suspecta.

56. Quidquid sit de ultimo uniuscujusque hominis fine in altera 115 vita, finis supremus ad quem / societatis politicae debent leges omnes in actiones dirigere, est cultura et perfectio ordinis materia­lis.

- Impia, materialismo favens, erronea, ordinis moralis ac materia­lis eversiva.

5%. Principia evangelica eo tendunt ut extenuent et fere extin­guant legitimos activitatis humanae progressus in ordine materiali.

- Falsa, religioni christianae injurosa, calumniosa et haeresi proxi­ma.

58. Elementum materiale sibi primas partes vindicare debet in ju­ventutis educatione.

- Impietati favens, perniciosa, erronea, verbo Dei contraria.

Ces censures ne sont pas officielles. C'était un projet qui a été communiqué par le Saint Siège aux évêques en 1862 sous le sceau du secret. L'évêque de Montréal qui l'a divulgué en 1878 a eu sans doute l'autorisation du St-Siège.

Toutes les erreurs modernes sur la société civile, la famille, la pro­priété sont là caractérisées. Les évêques, pour leurs lettres pastora­les, les prédicateurs des villes pour leurs conférences peuvent trou­ver là un thème inépuisable. /

Mes relations avec mes anciens condisciples de Rome devenaient plus rares. M. Désaire m'écrivait encore et me parlait de ses velléités de venir avec nous.

M. de Dartein m'écrivait de Nancy le 28 février: «Que d'événe­ments déjà dans ces deux premiers mois! Notre grand et cher Pontife Pie IX nous a quittés pour recevoir au ciel sa couronne. Quelle émotion la mort de ce vieillard a causé dans le monde en­tier! Quel réveil de la foi dans ces hommages unanimes rendus à la mémoire de ce Pape si doux et si ferme! Vraiment on croyait sentir comme un souffle divin. Puis ce conclave, dont on s'effrayait depuis tant d'années, comme il a été calme et rapide! N'est-ce pas encore la main de Dieu? Et ne peut-on pas espérer que du haut du ciel en­core Pie IX protégeait ses enfants?

- Le Saint-Père m'a empêché de vous parler tout d'abord d'une autre perte pour nous irréparable, notre excellent Père Dugas. Hélas! je savais par un de mes frères, commandant de zouaves en Algérie, que ce cher ami nous serait enlevé; ce mal ne pardonne pas, et d'ailleurs n'était-il pas mûr pour le ciel? Quel esprit et quel cœur d'élite! Quel bien il aurait fait en demeurant sur cette triste terre! 117 Dieu ne l'a pas voulu, que son saint nom soit béni! / Et que notre pieux ami nous assiste du haut du ciel où, je l'espère, il est heureux maintenant.

J'ai fait écrire au P. Supérieur d'Alger par mon frère, pour avoir quelques détails sur ses derniers moments. Il s'est endormi douce­ment, sans agonie, son mal ayant fait des progrès très rapides dans les trois derniers jours. On n'a pas pu le ramener à Alger; il est mort à Ben-Aknoum (c'est la campagne des Pères jésuites). Son frè­re, appelé par dépêche, n'a pu que ramener son cercueil à Lyon…

Mon bon maître, M. Dehaene m'écrivait le 1er avril: «M. le Supérieur et bien digne ami, j'ai lu avec le plus vif intérêt la répon­se que vous avez bien voulu faire aux deux questions que j'ai pris la confiance de soumettre à votre sage appréciation et je vous en re­mercie de tout cœur. Sur la question des classiques, je suis entière­ment de votre avis, et je voudrais même qu'on lie donnât en au­teurs païens que les plus beaux extraits, avec l'analyse substantielle du reste: les enfants auraient ainsi une idée générale de l'auteur et se nourriraient de ce qu'il contient de plus sain et de 118 plus élevé, et je crois qu'ils pourraient se / disposer facilement et sérieu­sement aux épreuves du baccalauréat par cette méthode.

Votre projet de congrégation me plaît de tout point: il y a là et St François et le dévotion de la fin des temps, et l'esprit d'immolation et d'expiation: quoi de plus opportun? Vous avez l'agrément de votre évêque; des indications providentielles et sur­naturelles vous guident, dites-vous: eh! bien, cher ami, marchez avec confiance! Votre ancien maître sera peut-être un de vos pre­miers disciples. Je le voudrais de tout cœur.

J'ai parcouru le 1er numéro de votre Semaine littéraire, il est charmant. La difficulté sera de maintenir cette publication et de l'alimenter constamment. Mais Dieu bénira vos efforts et puis St Jean est si doux et si fort.

Voici quelques vers que m'inspira un jour ce désir d'immolation et de sacrifice à l'Esprit d'amour, qui transporte l'Aigle de Pathmos:

«Jésus crucifié, sois ma seule richesse:

Que pour te ressembler sont, mon unique effort;

Que m'unir à ta croix, me perdre en ta tendresse,

Soit de mon cœur blessé l'incomparable sort!

Laissez-moi désormais rebut des créatures,

Objet, comme un lépreux, de dégoût et d'horreur,

Foulé par le passant comme des balayures, /

Etaler de Jésus l'opprobre et la douleur. 119

Laissez-moi, pour sauver un frère qui s'égare,

Franchir avec Jésus le roc et le ravin,

Arracher intrépide une âme au noir tartare

Et puis la ramener heureuse dans son sein.

Laissez-moi dévoré par les divines flammes

Goûter la grande loi de Jean le bien-aimé,

Répandre, s'il le faut, mon sang pour prix des âmes

Et mourir de douleur et d'amour consumé!»

- Veuillez m'abonner â votre Aigle et en attendant que j'aille voir ce que vous faites à St-Quentin, croyez-moi plus que jamais votre tout dévoué…»

Pour compléter cette année, je dois indiquer encore une petite visite à l'Exposition et une apparition au Congrès de Chartres avec une visite à mon ami Palustre à Tours. Je me lis inscrire à cette occa­sion dans la Confrérie de St-Martin. /

Année scolaire: 1878-1879 120

Nous avions fait pendant les vacances divers travaux d'améliora­tion et approprié les deux maisons achetées. voici l'impression des rentrants marquée â l'Aigle, c'est sous forme de métaphore: «Rentré à St-Jean, l'Aigle trouve son aire embellie, agrandie même dans la mesure du possible et du nécessaire; des couleurs gaies, douces et lumineuses réjouissent partout la vue; il lui semble que sa demeure est neuve. Pour qui donc tous ces préparatifs? demande-t-il. On lui répond qu'il devra bientôt abriter sous ses ailes puissantes cent cin­quante jeunes aiglons qui viennent s'instruire à l'école du Disciple bien-aimé et qu'on voit dans ce grand accroissement une étonnante bénédiction de Dieu…»

Nous étions encore bien à l'étroit. Il y avait surtout la maison Dubois, occupée par un marchand de vin, dont les magasins péné­traient assez avant dans nos cours. Je l'achetai le 23 décembre de cette année, mais le marchand de vin Michel avait un long bail et il 121 fallut lui donner une grosse indemnité / pour qu'il voulût bien s'en aller.

Chaque année nos élèves avaient une retraite. C'est le bon Père Modeste qui la prêcha cette année. Il devait prêcher ensuite la re­traite des Soeurs.

Voici comment un élève racontait ses impressions: «Nous avons eu cette semaine l'insigne bonheur de consacrer trois jours à la re­traite, et de retremper nos âmes par la méditation des vérités de la religion, principalement des fins dernières de l'homme. Quels heu­reux jours! Qui pourrait redire les douces impressions que nous avons ressenties! Vous qui avez suivi pour la dernière fois la retraite au collège, puissiez-vous en avoir profité!… Nos journées étaient partagées entre les instructions du R.P.Modeste et nos propres médita­tions. Nos prières devaient être agréables à Dieu, sortant de cœurs uniquement occupés du Créateur, du Juge, du Sauveur des hom­mes. On ne pouvait nous parler du Fils de Dieu sans nous entrete­nir aussi de sa Sainte Mère. Notre bon prédicateur le comprenait et il nous fit sentir que jamais nous n'aurions assez de respect, de vénération et d'amour pour celle qui est notre mère en même tem­ps / que la Mère de 122 Dieu…

La communion générale réunit nos cœurs en une seule prière qui s'éleva vers le ciel pour demander à Dieu la grâce de persévérer dans les résolutions que la retraite nous inspira.»

Ces retraites transformaient nos enfants. On y touchait du doigt l'action de la grâce.

Nous perdîmes dès le début de l'année deux élèves, Paul Geoffroy de Cuise et Eugène Savard d'Origny. Paul Geoffroy était un bon enfant de 14 ans, simple et bien élevé. Il s'éteignit en no­vembre après quelques mois de maladie.

Eugène Savard était un petit saint. Sa vie, fort édifiante, a été écri­te par M. Rigaud et publiée en brochure. Voici comment un de ses condisciples a raconté ses funérailles:

«Un de nos camarades devait fêter la Saint-Jean avec les anges.

Oui, avec les anges: car, nous aimons à le penser, quelques heures de purgatoire ont suffi à purifier cette jeune âme que nous avions connue si belle et si candide. Quelle émotion remplissait nos cœurs quand nous entrâmes dans cette maison, où nous l'avions vu, naguère encore, si plein d'expansion et de franche gaîté, si doux contre la souffrance! Une seule pensée le préoccupait pen­dant sa longue maladie: / revenir au plus tôt parmi nous, pour vi­vre de cette vie de 123 St Jean qu'il aimait tant. Qu'il nous était pé­nible de l'entretenir dans cette chère illusion! Nous aurions en tant de joie à fêter son retour, à sentir longtemps encore l'influence de ses vertus! Et maintenant, il était là, couché dans sa bière, dormant du sommeil du juste. C'était vraiment le sommeil du chrétien mort dans les bras de son Dieu. Un de ses amis l'avait vu la veille et nous disait que ses traits n'avaient rien perdu de leur angélique dou­ceur …Nous déposâmes sur soin cercueil une couronne, symbole de celle qu'il allait bientôt recevoir ou qu'il avait peut-être déjà reçue au ciel. N'était-ce pas pour hâter sein entrée dans son royaume que Dieu l'avait appelé à lui la veille de Noël, en sorte que la nouvelle de sa mort fût presque aussitôt suivie de messes et de communions offertes pour le salut de soin aine… Une assistance considérable avait voulu donner à la famille un nouveau témoignage de sympathie et à notre ami une dernière marque d'estime. Ce n'était qu'un en­fant, mais l'ascendant de ses vertus lui avait déjà conquis le respect universel. Il régnait / dans cette 124 foule ce calme qu'on ne re­trouve qu'aux funérailles des justes…

Après la messe, M. le curé d'Origny monta en chaire et se fit, en termes émus, l'écho des sentiments qui s'agitaient au fond de tous les cœurs. Bien des larmes coulèrent au récit des vertus de notre ami et pourtant ce n'était là qu'une esquisse à grands traits d'une vie si courte, mais déjà si riche en bonnes œuvres… Repose en paix, cher ami! Ton corps peut bien se glacer dans son froid linceul; mais ton âme est au ciel et là tu intercèdes pour tous ceux que tu as aimés sur la terre, et tu demandes à Dieu d'appeler un jour à Lui tous tes condisciples (et maîtres) d'Origny, de Laon et de Saint­-Jean!»

Je transcris aussi quelques lignes du discours de M. Jardinier: «A l'heure des adieux ou plutôt de l'au revoir», je salue la dépouille mortelle de cet enfant de 14 ans, avec le même respect que celle du vieillard consommé en âge et en vertu. J'entends, en effet, le Livre de la Sagesse nous dire à tous: ce qui rend la vieillesse vénérable, ce n'est ni la longueur de la vie, ni le nombre des années. C'est la pru­dence de l'homme, même jeune, qui lui tient 125 lieu de cheveux blancs; et la vie sans tache,/ même courte, est une heureuse et glo­rieuse vieillesse. Vous qui avez connu Eugène Savard, habitants de cette paroisse, maître et élèves de Notre-Dame à Laon, de Saint­-Jean à St-Quentin, dites-le moi, le coup de pinceau donne par l'Esprit Saint lui-même, ne met-il pas sous nos yeux la figure pure et rayonnante de notre cher enfant? Qui n'a échange avec charme quelques mots avec lui? Qui ne s'est senti attiré vers lui? Qui ne s'est trouve meilleur en le quittant? La piété, c'est-à-dire l'amour pratique de Dieu, de ses commandements et de ses sacrements, c'était le fond de cette nature essentiellement chrétienne… La piété chez Eugène Savard a-t-elle été une entrave à l'étude? Non, comme a dit le grand apôtre St Paul, «la piété est utile à tout, elle a les pro­messes de la vie qui passe et de cette autre vie qui ne passe pas.» Aussi, voyez Eugène Savard, soit à Laon, soit à St-Quentin! En lutte avec des esprits d'élite, quel est son rang? Le premier invariablement. Il est à l'Excellence ou au tableau d'honneur à poste fixe. Chaque trimestre apporte à sa famille la note Optime, chaque année une moisson de prix; et quand ses maîtres veulent citer / un modè­le 126 pour le travail, l'obéissance, la politesse, le bon ton, ils di­sent à leurs élèves: «Regardez Eugène Savard! «…Nous rendons les derniers devoirs à notre bien-aimé défunt à la veille de la fête patro­nale de cette maison qu'il aimait tant; à la veille aussi de cette fête des Saints Innocents, dont il va grossir le gracieux cortège autour de l'Agneau divin…»

Monseigneur était toujours très bienveillant pour nous. Ses lettres reflètent toute l'histoire de l'année. Il nous confia comme élève un petit parent Edgard Thibaudier d'Halti et il s'en préoccupait beau­coup.

29 septembre - « Je vous félicite de la rentrée qui s'annonce, et vous prie de vous faire aider le plus possible en toutes choses, afin de ne pas tenter Dieu et que votre santé suffise.

Je vous enverrai Edgard le 7… le plaisir de vous annoncer qu'il s'est sensiblement discipliné; la douce, calme et grave fermeté de M. Labitte réussit. Je crois que l'ambition sera chez lui un mobi­le assez fort… »

Le 4 nov. il parle de la bonne Soeur Ignace: «Votre bonne Soeur est pour moi l'objet d'un intéressant et respectueux examen. Mon avis 127 est que l'on continue de l'observer avec beaucoup / d'égards, mais sans donner de suites pratiques à ses indications quand celles-ci paraîtraient offrir le moindre inconvénient. Il faut éviter avec le plus grand soin de l'attacher à ses inspirations: si elles viennent de Dieu, Dieu saura bien se faire discerner à une attention sincère et sans parti-pris. Une illusion du démon ne me paraît guère conciliable avec tant de piété, de vues justes et utiles, de modeste candeur. Reste l'hypothèse des illusions d'une belle, chaste, mais frêle et vive nature. Le Bon Dieu ne nous demande pas de juger, mais au contraire d'être circonspects jusqu'à ce qu'il nous permette d'atteindre la certitude morale.»

Lyon, 15 nov. - « Je respecterai profondément l'œuvre de Dieu chez la bonne Soeur, tant que l'action divine me paraîtra probable. Mais, jusqu'à la lumière d'une véritable certitude morale, Dieu ne nous demande pas davantage, au contraire. Attendre, observer, n'agir que dans la mesure indiquée manifestement ou manifeste­ment inoffensive.»

- Plusieurs lettres sont relatives à Edgard et à M. Marchal.

3 janv. 79 - «Vous avez bien fait de vous soigner. Évitez le plus 128 possible les accidents auxquels la / saison vous expose plus qu'un autre, pour le moment… Je désirais vous voir pour vous recommander une grande réserve relativement à vos vues et à vos œuvres vis-à-vis des personnes dont vous n'êtes pas absolument sûr (on commençait à nous critiquer) (1); et pour vous engager à me faire, avec graves motifs à l'appui, la demande d'un ou deux séminaristes auxiliaires, le moins possible, mais le nécessaire. Je sais maintenant qui vous donner. Seulement je suis résolu de ne pas laisser nos élèves du Séminaire plus d'une année dehors.»

8 janvier - «Je vous envoie M. Carbonnier, élève de dernière année au séminaire, sous-diacre, âgé de moins de ans et l'un de nos deux ou trois meilleurs sujets. - Vous voudrez bien ne lui don­ner que les fonctions dont vous m'avez parlé, qui, je crois, lui coûte­ront des efforts médiocres. Je désire qu'il ait du temps, 1° pour se mettre en mesure de passer à la fin de l'année un bon examen sur le traité de l'Église, 2° pour se préparer au baccalauréat ès lettres; j'aimerais qu'il pût obtenir ce grade en novembre. Mon intention arrêtée est de l'envoyer l'an prochain à l'Université de Paris.»

Fin janvier Mgr allait à Rome, nous lui donnions une adresse de nos communautés pour le Saint-Père. /

14 avril. M. Mathieu et moi avions demandé à Rome pour Mgr les titres 129 de Comte romain et Assistant au trône pontifical, il m'écrit: «Mon cher chanoine, je vous remercie des sentiments que vous me témoignez, à l'occasion de la grâce que le Saint-Père a dai­gné me faire: je supposais bien que vous n'étiez pas indifférent à une chose dont vous devez être un peu l'auteur. Quoi qu'il en soit, Deo dicamus gratias! (1)- D'après les nouvelles données par la Semaine et le Conservateur, les pHques auront été bonnes à St-Quentin. Celles de Soissons, par la bonté divine, sont relativement très édi­fiantes… Je vous remercie, mon cher chanoine, de tous vos dévoue­ments. Il vaut mieux, ce me semble, même pour vos élèves, ne don­ner la confirmation à St-Jean que tous les deux ans. Vous pourriez même ne les y présenter qu'un an après leur première communion. Mais je tiens à vous visiter et à vous donner la sainte messe tous les ans. La haute impartialité de notre monde officiel n'exigera sans doute pas davantage de la mienne.» (Il savait qu'on nous jalousait.)

Vervins le 5 juin - « Priez pour un évêque physiquement un 130 peu lassé par des courses / prolongées, attristé de beaucoup de choses, mais, somme toute, assez heureux de voir ce qui reste enco­re de foi parmi les peuples. J'ai de plus en plus la conviction que, si la France n'avait que des prêtres saints, laborieux et sages, avec la grâce de Dieu, elle redeviendrait chrétienne en dix ans. - Mais il faut commencer la réforme par soi-même.»

5 juillet - … Vous pouvez apposer l'Imprimatur avec ma signature au compte-rendu du Congrès. Vous devez être pressé de fixer le jour de votre distribution des prix. Mais je suis obligé de me deman­der si je pourrai faire tous les voyages et soutenir toutes les séances que j'ai encore en perspective. Le 19, je dois bénir l'Hôtel-Dieu de Chateau-Thierry, confirmer le lendemain à la paroisse, visiter ensui­te Charly. Le 5 août, cérémonie à Chàlons. Ici, St-Méclard, St-Léger, Liesse, St-Charles, St-Jean; bénédiction de St-Eloi; bientôt après, 15 jours de retraites pastorales, sans compter l'imprévu. Je suis trop fai­ble en ce moment pour envisager tout cela sans inquiétude.- Si vous voulez placer votre distribution des prix en dehors des 4, 5 et 6 août, je ferai tout mon possible pour y assister. Je tiens encore da­vantage, je l'avoue, à bénir St-Eloi: c'est l'église 131 des pauvres. / Je suis heureux des bonnes nouvelles que vous me donnez d'Edgard. M.Lamour, aumônier de la Croix de Chauny, me deman­de à entrer à votre noviciat. Je suppose que vous le connaissez et qu'il s'est d'abord adressé à vous. En tout cas, c'est un prêtre très pieux.. Je ferai ce que vous désirez … Bien affectueusement à vous.»

19 septembre - (Après quelques épreuves au sujet du personnel des professeurs et de quelques religieux). «Courage, mon cher Supérieur! On ne fonde pas une œuvre telle que la vôtre en mar­chant sur un tapis de roses sans épines. Vous avez cueilli cette année de magnifiques fleurs: Je m'émerveillais que Dieu semblât vous les donner gratis, je vois qu'il vous les a fait payer, pas trop cher néanmoins. L'important n'est pas que la main du jardinier re­ste sans égratignures, mais que le jardin soit bien cultivé. Je bénis le jardinier et son enclos, affectueusement, en leur commun maître et le mien.»

Les associations et œuvres intérieures étaient bien vivantes. La Congrégation m'édifiait. Les collectes pour la Propagation de la Foi et la Sainte Enfance marchaient bien. / La conférence avait ses 132 réunions hebdomadaires où je faisais toujours une causerie sur le zèle, les œuvres, l'action sociale, etc. Elle fit cette année une belle loterie, qu'on tira joyeusement le 8 décembre et qui rapporta 200 francs. Nos jeunes gens demandaient des lots à nos fournis­seurs et ils en achetaient quelques-uns. Les externes plaçaient des billets en ville. A certaines années le produit s'éleva à 800 f et 1000 f.

La première de l'année fut celle de S.Nicolas, le 6 décembre. Nos jeunes gens donnèrent une représentation dramatique au profit du Patronage. Ils jouèrent gentiment deux pièces: Le sourd ou l'Auberge pleine, le. Joueur ou les deux Frères… Pendant un entr'acte, M.Lefèvre, habillé en S. Nicolas et monté sur un âne fort effarou­ché, traversait la salle en jetant des bonbons: grande joie pour nos petits élèves.

Le 27 décembre, à la belle fête de St Jean, les élèves jouèrent Vildoc et L'Examen.- En février, pour le carnaval, ils jouèrent: Les tribulations du Marquis de la Grenouillère et Monsieur Deschalumeaux.

Nous conduisions deux fois l'an le groupe / de nos premiers de 133 classes chez M. l'archiprêtre: avant les vacances du jour de l'an pour lui souhaiter la bonne année, et en février pour lui souhaiter sa fête, la saint-Adolphe. II nous recevait toujours paternellement. Il donnait des gâteaux a nos enfants, et il les exhortait a demeurer plus tard des chrétiens complets et agissants.

Au mois de juin la première messe d'un de nos jeunes professeurs fit une très grande impression sur les élèves. Un d'eux écrivait: «Il y a des émotions qu'on renonce à décrire, comme devant certains paysages le pinceau s'arrête et retombe découragé. C'est dans les larmes qu'il faudrait tremper notre plume, mais larmes de joie, larmes bien douces qu'on sent couler avec délices et dont la trace bénie ne s'efface, jamais au fond de notre coeur. Ce jeune prêtre, il a vécu au milieu de notes, humble et dévoué; nous l'avons vu monter successivement tous les degrés qui le séparaient de l'autel; et voici qu'après s'être prosterné une dernière fois sur le pavé du temple, après avoir courbé le front sous la main du pontife et présente ses mains à l'onction de l'huile sainte, il nous revient investi 134 / de mystérieux pouvoirs, comme la voix éloquente d'un de nos maîtres a bien su nous le rappeler… Bénissons Dieu de nous avoir fait assister à ce spectacle touchant dont le souvenir restera gravé dans nos cœurs…»

Mais la grande fête de l'année, c'était 1a St-Léon. On y pensait un mois d'avance. L'Aigle en donnait un beau programme tout doré, et il en publiait le récit dans un supplément illustré.

Nous faisions encore cette année, comme l'an dernier, le pèleri­nage de Noyal. Partis de bonne heure, nous étions là à 9 heures au sanctuaire de N.-D.-de-la-Salette. Je disais la sainte messe. Nous ter­minions là une neuvaine en faveur de l'enseignement chrétien qui était combattu sous toutes les formes par la majorité du Parlement. C'était la fête de N.-Dame Auxiliatrice. Nous faisions cette neuvaine en union avec tous les catholiques de France. L'Aigle résumait ainsi l'allocution que je prononçai à la messe:

«Mes chers enfants, un grand acte se passe en ce moment en France.

Deux camps sont en présence, le camp des catholiques, et un camp que nous regardons comme ennemi, mais que nous voudrions ramener à nous et à Dieu. La France chrétienne, prosternée au 135 pied des / autels de N.-D. Auxiliatrice, termine aujourd'hui une neuvaine de prières pour obtenir le triomphe de l'enseigne­ment chrétien. Vous étés encore trop jeunes pour bien comprendre la portée de cette lutte; cependant vous vous êtes unis à ce concert de supplications, vous avez récité chaque jour cette prière toute puissante du Souvenezvous qui fait une douce violence au cœur de Marie. Jésus ne laissera pas les écoles sans Dieu régner sur la France; il ne permettra pas qu'on ravisse à leurs maître 20.000 en­fants formés par ses prêtres et 300.000 enfants instruits par ses Frères et ses Soeurs dans les écoles primaires. Le Triomphe sera-t-il prochain, nous l'ignorons, et peut-être notre foi trop languissante ne le mérite pas; mais ce triomphe est certain… Et ces hommes qui veulent ainsi porter une main sacrilège sur l'enfance chrétienne,, ont-ils donc oublie les menaces du Sauveur contre ceux qui scanda­lisent les petits enfants? N'entendent-ils pas Jésus qui leur dit: Laissez venir à moi ces enfants que je forme par les mains de mes prêtres, de mes Frères et de mes Soeurs et n'ayez pas / l'audace de les repousser loin de moi. 136 Les Anges gardiens de ces enfants pourraient crier vengeance contre vous et attirer sur vos têtes les malédictions du ciel…»

Auprès la messe et le petit déjeuner, c'est toute une journée de jeu dans le parc de M. de Raveneau, dîner dans la serre, auquel vient assister Monseigneur qui confirmait dans la région, puis à nouveau jeux forains, courses, etc.; le soir, salut, souper, représenta­tion de la petite pièce «La Grammaire», feu d'artifice, retour. Nous ne rentrions qu'après minuit. Nos enfants étaient heureux mais fati­gués. Nos jeunes professeurs avaient vraiment trop chargé le pro­gramme.

La distribution des prix eut lieu le 2 août. Nous étions heureux de proclamer nos deux premiers succès au baccalauréat. Albert Delloue d'Hirson, et Georges Lefèvre de Laon avaient été reçus à la première partie des lettres.

Voici le compte-rendu de l'Aigle:

«Plus de soixante prêtre venus de tous les points du diocèse ho­noraient la cérémonie de leur présence, en dépit des difficultés du samedi et maigre les fatigues d'une chaleur excessive.- La vaste 137 salle des fêtes du Patronage était comble; / la foule des parents et amis des élèves s'y pressaient de bonne heure, heureuse de témoi­gner sa vive sympathie pour cet établissement dont les succès s'affir­ment et que la divine Providence destine à produire tant de bien. A peine la séance était-elle ouverte que M. l'archiprêtre qui la prési­dait recevait le télégramme suivant qui trahit toute la tendresse de Mgr notre évêque envers l'Institution: «Souhaits de bonnes vacan­ces et recommandations paternelles de sagesse aux chers enfants de St-Jean. Odon, év. de Soissons.» On voit bien manifestement par cet­te délicate attention que retenu par les exigences de sa lourde charge épiscopale, Sa Grandeur était véritablement présente d'esprit au milieu de cette fête de famille. - Les intermèdes de la di­stribution ont été fort heureusement et agréablement remplis… Les élèves ont fort bien interprété quatre choeurs: Le mois de vacances, Les trois jours de Colomb, Le matin et la Chanson du chasseur- La céré­monie s'est terminée selon l'usage, à la chapelle du Patronage par le chant du Te Deum et la bénédiction du St Sacrement; et l'im­mense assistance s'est retirée délicieusement impressionnée par les émotions douces 138 et salutaires ressenties / pendant ces trois heures si vite passées.

Je lus un discours sur le patriotisme chrétien, notre bon petit journal en donnait ainsi le résumé:

«.Le patriotisme reçoit de la foi son plus bel éclat et sa plus gran­de puissance.- Qu'est-ce que la patrie? Pour le commun des hom­mes, la patrie est le champ que déchire la charrue et qui donne au moissonneur le grain dont il se nourrit; c'est la maison qui abrite la famille, les bois qui bornent l'horizon, le fleuve qui arrose la plaine, les villages épars sur les coteaux voisins. La patrie va plus loin, elle s'étend jusqu'aux frontières et renferme dans son sein de grandes cités, de riches établissements industriels, de savantes écoles et de brillantes académies. La patrie a son histoire et ses glorieux souve­nirs. En elle se concentrent tous nos souvenirs de joies, d'honneur et de prospérité. Tous les hommes qui tic sont pas dénaturés ai­ment la patrie, comme l'a dit gracieusement le poète Ovide:

nescio qua natale solum dulcedine cunctos

Ducit, et immemores non sinit esse sui. (1)

Pour le chrétien, c'est plus que cela. Pour lui, le champ porte la bénédiction de Dieu; le lien de la famille est l'effet d'un sacrement; le foyer est un sanctuaire de prières; le temple est là qui unit les membres de la / cité dans la charité; le sol de la patrie a 139 été trempe du sang des martyrs; il porte les monuments des œuvres de ses pères; sa race a auprès de Dieu des ambassadeurs qui sont ses Saints, et son histoire des faits d'armes qui sont la lutte de la patrie pour son Dieu. - Non, la foi n'éteint pas l'amour de la patrie, elle l'éclaire et le fortifie, comme elle élève et grandit tout ce qui est no­ble et bon dans la nature.

«L'homme religieux aime sa patrie en Dieu. Si elle n'a pas la vraie foi qu'il a la conscience de posséder, il s'efforcera de l'y con­duire par sa parole, par ses oeuvres, par ses prières et par ses lar­mes; il sera prêt à donner son sang pour elle…

«Le Romain d'aujourd'hui est fier de son sang qui est aussi un don de Dieu et de sa foi que lui apportèrent les apôtres; sa patrie, c'est avec ses collines riches de traditions et les ruines de son art an­tique qu'il ne dédaigne pas, la chaire et le sépulcre de Pierre, les ca­tacombes, les basiliques et tous les trésors sacrés de la religion.

«La Pologne ne sépare pas de l'amour de ses plaines et de la fierté de sa race le souvenir de Miécislas, son premier roi chrétien, de Jagellon, de l'évêque Stanislas son glorieux martyr, de Sobieski, 140 le héros dont Dieu se servit pour / arrêter l'invasion musul­mane.

«Pour l'Irlande, la patrie ce ne sont pas seulement ses humides prairies et ses montagnes basaltiques, c'est le grand Patrick son apô­tre, ce sont ses vieux monastères qui en avaient fait l'Île des Saints, ce sont les ancêtres qui ont lutté contre l'asservissement, c'est l'ar­dent orateur O'Connel qui obtint, à force d'éloquence, le Bill de l'émancipation.

«O France, notre patrie, qu'es-tu pour nous? La terre de nos aïeux, Francs ou Gallo-romains; la terre qu'ils ont choisie, la terre où les conduisit la Providence.- Tu es le sol qui nous a nourris, le lieu où nous avons trouvé l'abri et le vêtement, le champ des luttes et des victoires de nos ancêtres. Tu as bien d'autres charmes que ceux d'une patrie commune. Si tu n'étais pas mon pays de naissan­ce, tu serais mon pays d'adoption.

«J'ai visité les trois continents du vieux monde. J'ai parcouru l'Europe de Constantinople à Dublin, j'ai vu le Bosphore et la Corne d'or, les grands fleuves de l'Allemagne, le Danube et le Rhin, les fiords et les forêts de la Norvège, les canaux de la Hollande, les cités industrielles de l'Angleterre, les paysages de l'Ecosse, l'Espagne et ses églises, l'Italie, son beau ciel, ses ruines et ses 141 musées, et je proclame / que tu restes pour moi le plus beau des royaumes après celui du ciel.

«N'as-tu pas les grands sites des Alpes et des Pyrenées, l'Océan à l'Ouest et la Méditerranée au midi, les riches cultures et les grandes industries de la Flandre, les prairies et les plages de la Normandie, la Bretagne à l'aspect sévère, aux moeurs primitives, la Touraine et ses monuments, la Bourgogne et sa Côte d'Or, la Provence et ses baies toujours embaumées Où règne un printemps perpétuel?

«J'aime tout cela en toi. Tout cela charme mes yeux, mais je m'élève plus haut, j'ouvre l'histoire et je découvre une alliance in­dissoluble entre ce sol et les hommes de notre race qui l'ont défri­che, défendu, cultivé, enrichi, orné, marque de leur cachet et pour ainsi dire animé de leur vie.

«Je m'émeus à la vue de cent périls encourus et je salue tes défen­seurs glorieux, Vercingétorix, Clovis et Charlemagne, Louis IX, Charles V, Bayard, Duguesclin, Jeanne d'Arc, François 1er, Louis XIV et son incomparable cortège.

«J'admire ta richesse et je salue les grands moines qui t'ont défri­chée; les abbayes qui les premières ont protégé les laboureurs, et les grands ministres de la paix, Suger, Sully, Colbert. /

«Je m'élève encore et je vois briller au premier rang dans toutes 142 les gloires de l'esprit, dans toutes les branches de l'art et tous les genres de la littérature. Je trouve en toi comme deux génies et comme un double peuple. Le cours de ton histoire a deux zéniths, l'un au XIIIe et l'autre au XVIIe siècle. J'avoue même que le pre­mier fait plus encore que le second vibrer en moi la fibre patrioti­que. C'est bien le génie franc dans sa pureté qui a produit nos gi­gantesques cathédrales, ce type architectural de la grandeur et de la poésie: Chartres, Reims, Amiens, Beauvais, Saint-Quentin et Notre­Dame de Paris; les grandes abbayes filles de Cîteaux et de Cluny, et ces rangées d'anges et de saines, statues si graves et si pieuses qui en ornent les portiques; et les châsses des martyrs, chefs-d'œuvre d'orfèvrerie et les miniatures des missels et des légendes.

«C'est bien de l'esprit français que découle la prose joyeuse et fi­ne de Villehardouin et de Joinville, et la poésie chevaleresque et noblement fière du Roman de Roncevaux et des épopées du temps.

«La gloire du XVIIe siècle est moins purement nationale. Est-ce 143 un réveil de la race gallo-/romaine et une prédominance de cet élément premier de la population? Est-ce le résultat des études de l'humanisme et de l'influence des Médicis et comme une con­quête intellectuelle de la France par l'Italie? Toujours est-il que Rome et la Grèce ont leur hart de l'honneur qui revient au grand siècle français. J'ai dit leur hart, car ce ne sont pas de simples copi­stes, mais aussi de glorieux créateurs que Corneille et La Fontaine, Bossuet, Racine, Boileau, Molière, Claude Perrault, Lesueur, Poussin, Mensard et Le Notre.

«Oui, ô France, j'aime ta belle nature, tes arts, ton génie et ta gloire … Mais mon regard porte plus haut encore. Tu as d'autres at­traits qui me captivent bien davantage. Tu es une nation baptisée; tu es une nation d'élite parmi les nations chrétiennes. J'ai vu de près des peuples qui n'ont bas reçu ce don de Dieu, et j'y ai vu ré­gner, à Cote de quelques épanouissements de la raison et même de l'art, l'esclavage, le vol et la corruption.

«Toi, ô France, tu as été des premières parmi les nations qui ont répondu à la vocation du Christ, de celles qu'il a comblées de bien­faits, de celles à qui il a donné la civilisation, la justice, 144 la paix et l'honneur, en leur demandant / en retour et pour leur propre avantage, de recevoir la loi évangélique, de l'accepter, de l'embras­ser, de la faire entrer dans leurs lois, dans leurs moeurs, de la défen­dre au besoin et d'assurer sa liberté.

«Et parmi toutes les nations aimées du Christ et bénies dans le Christ, n'as-tu pas été la plus aimée et tout particulièrement bénie?

- Le sang des martyrs est comme le baptême d'une terre; n'as-tu pas été arrosée du sang de Denis de Paris, de Photin de Lyon, de Symphorien d'Autun, de Quentin et de tant d'autres?

«J'aime dans une nation la sagesse des évêques, la science des docteurs, la sainteté des vierges; n'es-tu pas la patrie d'Hilaire et d'Irénée, de Martin et de Remi, de Geneviève et de Jeanne d'Arc, de François de Sales et de Vincent de Paul?

«Trois grandes épreuves ont ralenti dans le cours des siècles la marche triomphale de l'Eglise, l'arianisme qui niait la divinité de Jésus-Christ et occupait la moitié de la chrétienté; le mahometisme qui imposait par le cimeterre la superstition et le fanatisme et qui s'avança jusqu'aux portes de Rome; enfin le protestantisme qui, de­scendu du Nord, / menaçait d'envahir toute l'Europe chrétien­ne.145 Je me sens incliné à aimer la chevaleresque nation que je verrai en ces luttes suprême la première à défendre la royaume du Christ. J'ouvre l'histoire et je trouve la France à la tête des défen­seurs de l'Eglise. Avec Clovis, elle refoule les peuplades ariennes. Avec Charles Martel, elle écrase le mahométisme à Poitiers. Non contente de l'avoir chassé de son sol, elle va le frapper au coeur: Les croisades naissaient aux champs de Vezelay et de Clermont. Elles sont si françaises par leur esprit et par leur caractère, qu'en tout l'Orient le nom de Francs est resté pour désigner les enfants de l'Europe…

«Ah! chers enfants, soyez toujours dévoués à votre patrie et à l'Eglise qui l'a formée et ennoblie… La patrie française sans l'Eglise sans passé, sans histoire, sans honneur et sans espérance. Il nous resterait Vercingétorix, les dolmens et les druides, ou peut­-être Mercure, Vénus, Brutes, Sénèque et Néron. Merci. J'aime mieux la France de Charlemagne, de Louis IX et de Louis XIV; la France de Racine et de Bossuet, / la France de Martin de Tours et de 146 Vincent de Paul, la France de la Vierge Marie et du Christ.»

Je me dégageais peu à peu du Patronage. Le P.Rasset m'aidait. Il se mettait peu à peu à la direction qu'il devait conserver jusqu'en 1885. Je partageai d'abord la besogne avec lui, puis je le laissai seul. Mais j'avais toujours le gros souci et la responsabilité des ressources.

M. l'archiprêtre commença à m'aider pour cela, il voyait que j'en avais assez avec St-Jean. Je continuais à tenir les réunions hebdomadaires du Conseil. M.Julien, M.Guillaume, M.Santerre, M.Filachet m'édifiaient par leur zèle et leur dévouement constant. M.Santerre était un apôtre pour toute la population ouvrière. M.Arrachart apportait un grand concours pour les ressources. Il cherchait des bienfaiteurs.

Le Cercle s'affermissait, mais le Patronage des enfants perdait du terrain. Il eût fallu deux aumôniers distincts. Je ne trouvais pas assez d'écho. Je voyais bien que l'Église de France lie pouvait se relever que par l'apostolat ouvrier. Il faut que le clergé de 147 France arrive à le / comprendre.

J'avais encore aussi cette année mes réunions de jeunes gens avec des conférences apologétiques et sociales.

Les catholiques ne comprirent pas les aspirations populaires, ils s'obstinèrent dans leurs espérances et leurs intrigues monarchistes. Ils eurent de très mauvaises élections pour la Chambre en octobre 78. Les 363 furent réélus et pour affermir la république, ils commencèrent le Kulturkampf, qui devait durer tant d'années. MacMahon fut amené à démissionner le 28 janvier. Grévy fut élu. Le Parlement se mit à défaire toutes les bonnes lois votées depuis six ans. Le privilège des Universités libres fut diminué, on travailla à laïciser l'enseignement primaire. Jules Ferry essaya d'atteindre l'enseignement secondaire par son fameux article 7.

Les prières publiques se tirent encore à Versailles pour l'ouverture des Chambres. Bon nombre de députés et de sénateurs y assistèrent.

Mgr Goux leur parla avec une sainte liberté: «Honneur, disait-il, à celui qui le premier trouva dans son crieur cette grande pensée vraiment patriotique. / Ceux qui votèrent cette loi tirent 148 acte de sagesse; leur décision lit honneur à la France et lui rendit la confiance des nations. Votre mission, élevée, importante entre toutes, est de faire cette grande chose qu'on appelle la loi. La loi est la règle des actions humaines; elle s'impose à la conscience à la condition qu'elle soit juste. Or, la justice n'est pas quelque chose d'individuel et de changeant, la justice est éternelle, elle est réglée par la sagesse divine et par la raison des choses. four l'interpréter, vous avez besoin du secours d'en-haut…»

La Chambre, continuant ses exploits, choisit pour fête nationale le 14 juillet, pour bien se séparer de toute idée religieuse.

Monseigneur Dupanloup mourut le 15 octobre. Il avait été bon pour moi. C'était une nature ardente. Ses premiers succès lui avaient peut-être donné quelque vanité. Il eut trop confiance en son sentiment au Concile, et il batailla sans courtoisie et sans mesu­re. Il a toujours eu une activiste dévorante et il a montré un grand zèle pour l'éducation chrétienne de la jeunesse.

Mgr Pie fût nommé cardinal au consistoire de mars. Il a toujours été pour / moi extrêmement bienveillant. Il devait hélas! mourir 149 l'année suivante. Autrement il m'aurait bien aidé dans les cir­constances difficiles par lesquelles je devais passer.

Léon XIII commençait à révéler son grand caractère et sa mis­sion providentielle. Sa première lettre apostolique, du 28 mars 78, s'adresse aux Cardinaux. Il leur témoigne sa confiance. Il se réjouit du rétablissement de la hiérarchie en Ecosse.

Sa première Encyclique Inscrutabili du 21 avril 78 est superbe, c'est déjà le programme de tout son pontificat. Il constate le malai­se social: l'oubli des vrais principes sociaux, l'oppression capitaliste, l'utopie socialiste. Il rappelle que la civilisation chrétienne était l'œuvre de l'Eglise, en s'éloignant d'elle, on retourne vers la barba­rie.- Il fait pressentir l'esprit de son pontificat en indiquant les pon­tifes qu'il prendra pour modèles: Léon-le-grand, Alexandre III, Innocent III, Pie V, Léon X. Avec eux, il défendra les droits de Dieu et de l'Église, il encouragera les lettres et les arts. Il réclame l'indé­pendance du Souverain Pontificat, il annonce son intention de fa­voriser l'étude de la philosophie Chrétienne. Il 150 recommande les associations / nouvellement instituées de divers côtes pour favo­riser les intérêts catholiques.

Le 4 août 79, il donne sa belle Encyclique Aeterni Patris qui doit être le point de départ d'un renouvellement de la philosophie chrétienne ruinée dans ses fondements par le cartésianisme et le kantisme.

Chaque année aura désormais ses lourdes croix. Cette année, j'étais sérieusement malade de la poitrine. J'eus encore des crachements de sang et une douleur continuelle près de l'épaule m'annonçait qu'il y avait une plaie au poumon.

Au dehors, c'était un Tolle qui devait avoir un assez long retentis­sement. Tout le monde n'est pas bienveillant et charitable, même dans le clergé. On critiquait beaucoup: «Des prêtres qui veulent fonder une nouvelle congrégation! Des prêtres qui veulent se faire réparateurs! Des prêtres qui écoutent les visions des religieuses! etc, etc.

La croix est bonne, elle expie nos péchés.

Pour ma vie intérieure, je n'avais pas le temps d'écrire mes im­pressions. Je suivais l'esprit des pieuses vues d'oraison de Sr Ignace. Quelques vocations se préparaient et se révélaient. / Le P.Joseph 151 et le P.Stanislas vinrent pour la rentrée d'octobre 1879.

Cette pieuse soeur copiait les vues de Sr Ignace. Elle se sanctifiait. Elle était dévouée â l'œuvre corps et âme. Elle nous vit malades de la chère Mère et moi, elle offrit sa vie pour prolonger les nôtres (2).

Pendant ses copies, le démon la torturait, la tentait, la tourmen­tait. Quand j'allais dire la messe au couvent, je la bénissais, cela la soulageait pour quelques heures. Plusieurs fois les plumes se brisè­rent dans ses mains; une lois un porte-plumes en fer fut contourné en forme de serpent. Nous attribuions cela au démon.

Dans ses loisirs, elle mettait quelques pieuses pensées en forme de vers.

9 déc. 78: Sitio! J'ai soif!

Venez, ô mes enfants, j'ai soif de votre amour,

Je prodigue le mien à vous tous chaque jour,

Je demande toujours, sans cesse on me repousse,

N'écouterez-vous pas ma prière humble et douce?

27 déc. St Jean.

Sur le Cœur de son Dieu repose doucement

l'Apôtre aimable et pur, qui puise un moment

A la source divine, au Cœur du Dieu très sage,

Force pour l'avenir, pur amour et courage. /

152 Le Consummatum est! - Allusion aux épreuves par lesquelles l'œuvre devait passer:

Oui, tout est consommé et l'œuvre est accompli!

Le moment solennel par le Seigneur prédit,

Le voici donc venu! il faut avec courage,

Avec la foi des saints, prononcer la parole

Que nous apprit le Maître, à la divine école,

Ce Maître qui voulut retracer son image!

Mais ne l'oublions pas: de la mort naît la vie.

Si au Père éternel la gloire à lui ravie

Est rendue à nouveau par le cœur des humains,

S'il y peut accomplir de nouveau ses desseins,

Alors se répandra sur toute créature

Le flot d'amour issu de la source très pure

Du Cœur sacré d'un Dieu dont le dernier soupir

Fut d'amour, de pitié, de paix et de désir;

Mais qui but l'amertume et le fiel du calice,

En fit tout son bonheur, sa joie et son délice.

Le Sauveur dut souffrir, dut mourir sur la croix,

La nature et la mort exercèrent leurs droits,

Et tout fut consommé, mais du sein de la mort

Jésus ressuscité avec éclat ressort

Et laissant son Eglise après lui sur la terre

S'élève dans les cieux vers son céleste Père.

10 octobre 78. Sa conversion et ses regrets.

«Seigneur, pour tant d'amour, que rendre à votre Cœur? / 153

Le mien n'est que faiblesse et misère et langueur,

Mais il s'unit au votre et sa force y retrouve:

Le passé me le dit, le présent le me prouve.

Oui, je veux vous aimer, je le veux fermement;

Je veux a votre Cœur redire incessamment

Que vous êtes mon tout, mon seul bien sur la terre,

Mon unique trésor au divin sanctuaire,

Ou, pour nous, vous vivez inconnu et cache.

Pourtant il fut un temps où mon cœur relâché

Se montra lâche, ingrat et vous fut infidèle,

A votre volonté indocile et rebelle,

Où pour vous il n'avais que froide indifférence.

Il vécut sans amour, sans foi, sans espérance.

Il oublia qu'un Dieu le voulait posséder,

Un Dieu qui par amour pour lui condescendait

A réclamer de lui ce pauvre cœur ingrat

A le suivre partout en chacun de ses pas,

Le réclamant sans cesse et demandant l'amour

Pour celui qui s'immole à l'autel chaque jour!

Ses accents répétés n'avaient aucun écho

Sur une âme livrée au monde, à ses propos.

Mais pour cette aine aussi la paix au nom auguste

Ne pouvait exister, car c'est le don du juste.

Un incessant remords rongeait ce cœur sans calme

Un trouble sans issue était maître en cette âme

Qui ne pouvais trouver ni plaisir ni douceur

Sentant un vide affreux dans le bond de son coeur/

Oubliant ce qu'un Dieu pour elle a daigné l'aire, 154

Elle attacha son cœur à un monde éphémère

Triste époque en ma vie! Déplorable moment!

A quoi donc songeais-tu, pauvre âme, en cet instant?

O prodige d'amour! Mystère inconcevable!

Jésus, mon bien-aimé, velus êtes admirable!

Cette âme avait reçu le don immérité

De vous connaître, vous, l'auguste Vérité,

D'être par privilège appelée au banquet

Qu'au peuple élu de Dieu vous avez préparé.

Elle avait rejeté cette faveur insigne;

Oui, elle était coupable, elle en était indigne,

Elle avait méprisé le choix de son Seigneur,

Elle avait repoussé tout l'amour de son Cœur.

Elle avait accordé dans son âme l'entrée

A l'ennemi de Dieu: son cœur et sa pensée

Etaient tous deux remplis d'images mensongères

S'accentuant toujours, lui devenant plus chères…

Mais au loin dans le temple, au pied du tabernacle,

Vivait un cœur pieux admis dans le cénacle

Du Cœur même de Dieu. Sans repos il priait,

Et Jésus tendrement à cette âme disait

Le danger si pressant de sa soeur infidèle;

Il lui montrait souvent combien ce cœur rebelle

S'exposait aux rigueurs de son divin courroux.

Il se lassait enfin de retenir les coups

De sa justice, et las il eût permis au crime /

155 De posséder cette âme à qui sa main divine

Avait fait des faveurs signalées et sans nombre.

Le ciel était bien noir et l'avenir bien sombre.

Les deux soeurs le sentaient: l'une aux pieds du Sauveur

Implorait le pardon, priait avec ferveur,

Suppliait, gémissait, conjurait avec larmes,

Et répandait son cœur en de justes alarmes

Pour la pauvre égarée…

Trois ans s'étaient passés!

Triste et fatale époque en mes jeunes années!

Enfin par le remords et le doute assaillie

Je résolus soudain de réformer ma vie.

Cent fois au bord du gouffre et le pied dans l'abîme

J'éprouvais en moi-même un sentiment intime,

Comme un secret instinct qui me disait: «Regarde,

Vois ce cœur si fervent, voilà ta sauvegarde!

Sa prière à mes yeux te vaut le repentir.

Il n'est jamais trop tard, viens, tu peux me servir,

Tu peux encore aimer ce Dieu juste et clément,

Il ne refuse rien à l'amour repentant.

Oui, tu peux lui prouver par une humble prière

Que ta douleur est vraie et ton regret sincère.

Viens, souffre, aime et répare, et tout est pardonné.

Ton trône auprès de moi t'est de nouveau donné.»

C'était vents, mon Jésus, votre divine voix!

J'étais coupable, oh! oui, mais un rayon de foi

Toujours était resté dans le fond de moi-même, /

Et m'avait soutenu au sein du péril même.156

Enfin je me rendis, dès lors je pus renaître

A la vie véritable… Je sentis en mon être

Une impulsion puissante, un invincible attrait

Vers tout ce qu'avec crainte autrefois je fuyais.

Oui, j'étais appelée. Ce n'était plus en vain

Que Jésus à mon âme avait tendu la main.

Je quittai pour toujours ces lieux où l'esclavage

Du monde avait en moi fait un si grand ravage!

Et depuis que j'habite en vos saints tabernacles,

Que j'entends tous les jours vos mystérieux oracles,

Je me dis: O Seigneur, pouviez-vous bien choisir

Un plus pauvre instrument que moi pour vous servir!

Oui, je veux vous aimer pour cet amour immense,

Et que mon être entier voué à la souffrance

Se consume à vos pieds dans l'humble repentir,

Dont les puissants effets se feront ressentir

Par un amour plus pur, plus ardent, plus sincère,

Un total abandon, une oblation entière.

Oui, je veux me soumettre à votre volonté

Toujours pleine pour moi d'une auguste bonté,

Vivre de vous, pour vous, en vous uniquement

Et mourir à vos pieds, toujours en vous aimant!

21 nov. 78. Hymne de reconnaissance à S Joseph.

(Dans cette pièce, la pieuse Soeur indique déjà l'offrande 157 qu'elle a faite de sa vie et qu'elle / sent acceptée pour un père bien-aimé dont les jours paraissaient comptés).

- Joseph, mon protecteur et mon bien-aimé père,

Oh! tu le sais combien je t'aime et te vénère,

Tu voulus m'adopter, je devins ton enfant,

Et mon cœur te sera toujours reconnaissant.

C'est toi qui m'amenas à ma douce patrie;

Tu dirigeas mes pas vers l'enceinte bénie.

C'est toi qui me reçus ici en ce beau jour

Où l'on chantait ton nom, ta gloire et ton amour.

Mais j'ignorais encore l'inconnu bienfaiteur,

Et m'étonnant parfois de trouver en mon cœur

Quelque bon sentiment, un désir de bien faire,

J'ignorais jusqu'alors qu'au ciel j'avais un père

Qui voulait prendre soin d'une aussi pauvre enfant,

Et qui veillait sur elle en gardien vigilant.

Oui, c'était par Sa grâce, à son intercession,

Que Dieu m'avait voulu laisser ma vocation.

Je lui devais aussi la force et le courage

D'avoir brisé d'un coup le joug de l'esclavage,

D'avoir rompu soudain ces noeuds où la nature

Avait donné mon cœur tout à la créature.

Cette invisible main qui soutenant mes pas

M'empêchait de tomber, Joseph, c'était ton bras

Mon divin protecteur me demeura fidèle,

Jésus m'avait confiée à sa tendre tutelle.

C'est à lui que je dois d'habiter en ces lieux. /

Il m'apprit à connaître, à mieux aimer mon Dieu, 158

Ce Jésus prés duquel il habita lui-même,

Qui vécut faible enfant, lui, le Sauveur suprême,

Et dans les bras duquel en paix il put mourir.

Qu'une semblable grâce il daigne m'obtenir

Un an s'était passé depuis le jour heureux

Où le Cœur de Jésus, si tendre et généreux

M'avait fait recevoir sous les sacrés auspices

De mon doux bienfaiteur en ce lieu de délices.

Oui, un an écoulé, et j'ignorais encor

Que j'avais en Joseph un ami, un trésor;

Quand durant le beau mois qui ramène sa fête,

Quelque chose à mon cœur me dit et me répète:

Vas à Joseph, oui, vas et par lui, mon enfant

Adresse ta prière à Jésus tout-puissant.

Cent fois durant la jour cette même pensée

A mes yeux, à mon cœur tour à tour présentée

Ne me laisse en repris ni la nuit ni le jour,

Me presse, me poursuit, m'invitant à l'amour

De celui que Jésus nomma son tendre père,

Qu'il aima, qu'il chérit, qu'il vénéra sur terre.

A ce moment béni, je fis un prompt retour

Sur le temps écoulé et je vis que toujours

Je lui devais la force et l'appui dans la lutte,

Un courage nouveau, l'espoir après la chute,

Pour ramener mon cœur vers celui de Jésus,

A qui seul tout honneur et tout hommage est dû. /

C'est à Joseph qu'est dû mon bonheur d'aujourd'hui. 159

Oui, je le reconnais et c'est vraiment à lui

Qu'il me faut exprimer toute reconnaissance.

Il signala pour moi de son bras la puissance,

De Marie il m'obtint la protection aimable

Et du divin Sauveur le regard favorable

Et Marie a son tour me prenant par la main

M'amena jusqu'aux pieds de Jésus trois fois saint,

Et lui dit: «Agréez pour votre fiancée

Une enfant que Joseph a toujours protégée,

Rien en elle ne peut charmer votre regard,

Mais son cœur est sincère, elle veut prendre part

A la douleur, aux maux, à la tristesse amère

Qui vous remplit, alors que regardant la terre

Vous n'y trouvez partout que mépris, que froideur,

Pour le brûlant amour de votre Sacré-Cœur.

Et pour le sentiment qui l'anime à cette heure,

Descendez en cette âme, cri son humble demeure,

Et formez avec elle une étroite union

Pour que de votre gloire et votre possession

Le désir en son cœur chaque jour davantage

S'allume, et que du ciel le divin héritage

Soit présent a ses yeux comme un terme certain

Pour quiconque ici-bas remplit votre dessein,

Ce dessein tout d'amour et de miséricorde

Qui voudrait ramener la paix et la concorde

Partout où de la croix la bannière arborée /

160 Sera de votre Cœur très aimant décorée.»

A son auguste Mère, il ne refuse rien,

Le Sauveur notre Dieu, notre souverain Bien,

A ma pauvre âme il veut s'unir, à sa prière.

Oh! puissé-je toujours ne chercher qu'à lui plaire!

Joseph tu me guidas, alors que j'ignorais

Ce qu'à ta protection, ton amour, je devais;

Et maintenant qu'enfin je commence à comprendre

Cet amour que jamais je ne saurais te rendre,

M'abandonnerais-tu? Oh! non, car mon désir

Tu le sais, c'est d'aimer, de vivre et de mourir

pour Jésus, pour son nom, pour son œuvre bénie, Qui puise au divin Cœur et sa source et sa vie. …C'est toi qui présentas à mes yeux étonnés Un terme de trois ans à mon âme fixés, Et si tu me convies aux noces éternelles M'invitant à m'asseoir aux fêtes im­mortelles, Serait-ce une illusion quand sans cesse je pense Que Dieu prend en pitié mon indigne existence, Qu'il accepte l'offrande et qu'il reçoit le don Que je fis de moi-même en entier abandon, En ce moment pénible où nos cœurs contristés Croyaient d'un père aimé les jours déjà comptés. C est toi qui chaque jour à tout instant, toute heure, Présente à mes regards ma derniè­re demeure Comme une récompense au devoir accompli. Hélas! ju­squ'à présent, comment l'ai-je rempli? /

Oh! que n'ai je cent cœurs pour aimer et souffrir, 161

Et pour les immoler a Jésus, les offrir

Afin que sa douleur devienne moins amère,

Pour que son œuvre aussi s'affermisse et prospère!

Oh! que mon cœur du moins se consume d'amour,

Qu'il s'offre constamment, qu'il meure chaque jour.

Et le terme écoulé, si je dois vivre encore

Une nouvelle vie doit commencer alors,

Vie dont le noviciat fait durant la souffrance

Aura plus de motifs, de gages d'espérance…

Mais non, mon sacrifice est reçu, je le sens,

Dans le calme et la paix, j'attends l'heureux moment

Qui doit me réunir à mon auguste Père,

A Jésus mon époux, à sa divine Mère

Et c'est a toi, Joseph, à toi mon protecteur

Que je devrai le ciel et l'éternel bonheur.

….

12 déc. 78. Ecce venio. (A l'occasion de sa profession).

«Il appela mon cœur, Jésus le Roi du ciel A ma pauvre âme il vint, le Fils de l'éternel, Il lui dit: Viens à moi, me servir dans mon temple, Viens imiter ma vie et suivre mon exemple.

Viens accepter ma croix, viens consoler mon cœur, Viens souf­frir, viens aimer, soulager ma douleur; Et qui donc t'a créée, et qui t'a mise au monde? C'est l'auteur de tout bien qui d'amour sura­bonde. /

162 Qui t'a donné la vie, l'être et le mouvement,

Et qui te les conserve encore à tout moment,

Sinon ce même Dieu auteur du la nature

Et qui répand ses dons sur toute créature.

N'est-il donc pas vraiment et bien digne et bien juste

De rendre honneur et gloire au Dieu saint et auguste

En des hymnes sacres d'incessantes louanges

Répétées dans le ciel par les neuf choeurs des anges.

Et s'il veut qu'avec lui nous allions à la croix,

De nous le demander n'a-t-il donc pas le droit?

Pourrai-je donc me plaindre, si lui-même l'a prise,

Que sur mes bras aussi à mon tour il l'ait mise?

Me voici, ô mon Dieu, et votre volonté

Je la veux accomplir avec docilité.

Je suis là, je me donne et ne veux qu'une chose,

Que votre cœur du mien en liberté dispose.

Me voici, prête à tout ce que Jésus ordonne,

Au gré de ses désirs mon être j'abandonne;

En toute circonstance, en tout temps, en tout lieu,

Je viens pour accomplir les desseins de mon Dieu.

Me voici, mon Jésus, et suivant tous vos pas

Auprès du monde ingrat qui ne vous connaît pas, /

Me voici consolant les pauvres affligés 163

Et tous les cœurs vers vous cherchant a diriger.

Me voici au milieu d'âmes jeunes encor

Qui viennent près de nous chercher le vrai trésor

De votre saint amour, qui leur est nécessaire

Pour y puiser courage en la souffrance amère.

Me voici près du lit du pauvre et de l'infirme

Lui retraçant la vie de l'auguste Victime

Lui parlant de sa croix, ses souffrances, sa mort

Lui faisant accepter, même estimer son sort.

Me voici à vos pieds, et c'est là le séjour

Préfère de mon cœur pour dire son amour;

Me voici reposant et délassant mon âme

Y retrempant sa force, y ranimant sa flamme.

Aux sources du Sauveur, je bois, jusqu'à l'ivresse

Et je puise à longs traits l'ardeur et l'allégresse

Qui font vivre en Jésus et redire avec lui

A son Père Éternel: O mon Dieu, me voici.

Me voici m'immolant en pratiquant vos lois

Imitant votre exemple, écoutant votre voix

Me voici soumettant ma volonté entière

Et ne refusant rien à Jésus notre frère.

Me voici toujours prête et toujours acceptant 164

La joie et la douleur toujours en vous aimant,

Car souffrir dans l'amour, aimer dans la souffrance

C'est pour une victime une douce espérance.

Me voici, ô Seigneur, faites ce qu'il vous plaît,

Je ne résiste plus à vos desseins de paix,

Je m'abandonne à vous, à votre sainte Mère

Et je prends pour appui Joseph mon tendre père.

Ces poésies, incorrectes dans la forme, expriment les sentiments les plus élevés et les plus généreux.

Cette pieuse Soeur avait donc offert sa vie pour sauver et prolonger celle d'un père aimé dont les jours paraissaient comptés, et elle sentait que son sacrifice était agrée.

C'est au mois de novembre qu'elle s'était offerte. Elle demandait à Dieu 15 mois pour se préparer en union avec les mystères du Rosaire. Elle pensait que cela la mènerait jusqu'en mars 1880. Elle comptait les 15 mois à partir du 25 novembre 1878, fête de Sainte Catherine. Elle avait écrit ce petit tableau:

25 nov. 1878 - Incarnation

25 déc. - Visitation /

165 25 janvier 1879 - Naissance de N.-S.

25 fév. - Purification

25 mars - Jésus retrouvé

25 avril - Agonie de N.-S.

25 mai - Flagellation

25 juin - Couronnement d'épines

25 juillet - Portement de croix

25 août - Crucifiement

25 sept. - Résurrection

25 oct. - Ascension

25 nov. - Descente du St-Esprit

25 déc. - Assomption

25 janv. - Couronnement de Marie

	Mars 1880!

Elle pensait aller au ciel en mars 1880. Mais son calcul n'était pas logique. N.-S. ne voulut pas lui laisser passer les mystères glorieux sur la terre; il la prit à la fin d'août, au mystère du crucifiement.

Pendant tous ces mois, elle notait ses impressions sur son carnet. Je ne connais rien de plus touchant et de plus édifiant. Je reproduis ces notes. Tout me porte à croire que la pieuse Soeur mourait pour moi. Je serais / mort sans doute au mois d'août sans le 166 sacrifice qu'elle fit de sa vie. C'est une seconde vie que Dieu m'a donné, et comme j'en use mal! Quelle n'est pas ma confusion! … Miserere mei Deus!!!

«décembre 78. - Mon Dieu, je vous remercie de frapper sur ma tête, je vous l'ai demandé, je vous en rends grâces, mais épargnez, soulagez les autres (son père; spirituel et sa mère supérieure). Que je souffre à leur place!

Une pensée m'a toujours frappée: Saint Joseph est-il dit dans les paroles de Jésus à sa servante, fut épargné, il ne vit pas les plus grandes effusions de sang de son fils, de son Jésus. Son cœur paternel fut ému dès la première goutte de sang lors de la circoncision, et la douleur de voir la passion et la douleur du divin Maître lui fut épargnée.

Ce divin Maître, dont la mort est nécessaire à la résurrection, à la vie de la réparation demandée, ne serait-ce point l'œuvre elle-même, qui doit mourir, périr pour revivre.- L'enfant est confiée à Joseph et à Marie (La Soeur voyait là l'Œuvre confiée a elle-même et à sa Supérieure. Elle était l'enfant privilégiée de St Joseph.) Cela me semble si clair parfois. L'avenir / se déroule devant moi 167 comme un tableau, tableau que je ne verrai plus dans la réalité, puisque la mort m'est réservée après l'accomplissement de mon devoir, si je sais imiter Joseph, qui se laissa servir comme instrument fidèle pour les desseins de Dieu; et comme lui alors je mourrai entre les bras de Marie, de ma mère, de Jésus, en la personne qu'il choisît pour se communiquer tout entier avec les trésors de richesse incomparable de son Cœur. (Elle mourut entre les bras de sa mère supérieure et de Sr Ignace). Le mois de mars 1880 sera mémorable! Ce sera pour ainsi dire la première goutte de sang versé, mais Jésus sera là jusqu'au bout (N.-S. abrégea ses souffrances et la prit à la fin des mystères douloureux).

Si tous ces pressentiments, ô mon Jésus, qui me montrent si clai­rement le terme de ma vie après 15 mois de profession, me mon­trant cette pauvre et inutile existence acceptée pour l'œuvre de Dieu, pour épargner deux êtres plus nécessaires, un être surtout in­dispensable, si nous répondons à la grâce divine, si la souffrance ne nous trouve pas lâches; si ces pressentiments me trompent aussi peu que celui qui m'avait montré la croix dans les trois longs jours 168 d'agonie / précédant ma profession, en me faisant trembler, redou­ter cette expiation qui allait commencer, appréhender de prendre sur moi un fardeau que je ne saurais porter et qui n'était autre que mal (de poitrine) qui sert de voile extérieur au mal réel qui termi­nera mes jours, alors ils viennent vraiment de vous…

Pourquoi ne puis-je presque pas me soumettre, quand pourtant je sais que cela ne durera pas, que c'est l'hiver de l'épreuve, et que St Joseph au mois de mars signalera sa puissance en ma faveur, mais seulement si je suis fidèle et si je subis l'épreuve jusque-là malgré toute humiliation, malgré que cela me force parfois à vivre exclue de la société de mes soeurs, comme un pauvre paria inutile et gê­nant! Mais d'un autre côté, si c'est là pour moi l'humiliation et le mépris aux yeux des hommes, n'est-ce pas encore une grâce qui me permet de vivre ainsi seule à seule avec et pour Jésus? S'il ne veut pour moi ni récréation, ni plaisir, ni satisfaction d'aucune sorte; s'il veut, Lui, être seul toute ma joie et ma consolation dans les 169 larmes de l'amour et du repentir à ses pieds, / toujours près de lui, quelle reconnaissance encore ne lui en dois-je pas? Et cependant, que de fois je suis lâche! Je pense à moi au lieu de ne songer qu'à sa volonté. S'il demande parfois de moi ce que je crois ne pouvoir donner, le sacrifice de cet intime moi en tout et partout, s'il me semble qu'il l'exige plus impérieusement, plus promptement que d'autres, c'est qu'il m'a remis une plus grande dette qu'à d'autres; comme à Madeleine, il m'a plus pardonné et il a par conséquent plus de droits sur ce chétif et triste cœur…

Je vis trop vite et trop violemment pour vivre longtemps. Les exi­stences si violentes, dont chaque pas est tracé par un éclair, soit de grâce divine, soit de lourde chute, soit d'amer repentir, soit de rude expiation, ne sont jamais longues. Dieu y montre sa puissance, y si­gnale sa force, y prouve sa miséricorde et son amour; sa puissance dans l'instrument dont il se sert pour une si grande œuvre, sa force dans le secours de son bras, sa miséricorde et son amour dans les grâces infinies dont il le comble…/

Mon Dieu, imposez-moi les sacrifices que vous demandez de moi, 170 forcez-moi à les faire de manière à ne pas me permettre d'y échapper, c'est le seul moyen pour que je ne sois pas infidèle à toutes ces grâces. Ma libre volonté me perd, je cherche toujours à échapper à ce qui coûte à l'amour-propre, mettez-moi dans l'impos­sibilité de fuir la souffrance quelle qu'elle soit, je vous le demande à genoux. jours quelque souffrance visible pour cacher la véritable qui avance et qui, je le crois, deviendra visible au mois de mars, à ce moment suprême qui commencera réellement l'acceptation d'une victime. Pourquoi cette longue préparation de toute heure, de tout instant déjà si longtemps avant, si ce n'était pas réellement ma mort que Jésus voulait, quand sera accompli le devoir qu'il m'a confié; pourquoi devrais-je remplir tout acte comme le dernier de ma vie et m'efforcer continuellement d'amasser des richesses pour le ciel? Si c'était uniquement pour effectuer une mort spirituelle, ô Jésus, je bénirais encore vos desseins, ils seraient pleins de miséricorde, et 171 si vraiment vous / prenez cette chétive existence, soyez béni toujours d'épargner ceux que vous avez choisis pour accomplir vo­tre œuvre…

On s'apercevra de mon mal quand il sera trop tard…

La vie de St Joseph fut un continuel acte d'union avec Jésus. Puissé-je avoir sans cesse ce modèle sous les yeux! A tout instant je pense à ne le perdre de vue et pourtant que de fautes!…

Serait-il possible que tout cela me trompe? Comme preuve, je n'ai demandé que la souffrance, je l'ai, mars approche, je sens l'ac­ceptation…

Satan se moque de moi: que je puisse m'imaginer, moi, être acceptée en victime! (Tentation)… Peu m'importe, si je me le suis ima­giné, je n'y aurai pas perdu mon temps, et d'ailleurs n'est-ce pas un bélier qui fut immolé à la place du fils de la promesse?.. J'accepte tout, une vie longue et d'incessants travail et souffrance, si vous le voulez, ô Jésus. Rien, rien jamais que votre volonté et votre amour.

- Février - «Dans le silence et dans l'espérance sera votre force.» O mon Dieu, soutenez-moi. /

172 1er vendredi de février 79 - La Chère Mère vient de me promet­tre que si je suis fidèle St Joseph viendra me chercher quand je mourrai; et cela aujourd'hui où je sens si-distinctement que je n'ai que peu de temps à vivre. Oh! Jésus, que chaque respiration de mon cœur soit un acte de pur amour!

Le samedi - Je ne mérite pas toutes ces preuves que vous me don­nez, ô Jésus, sans que j'ose presque vous les demander. Hier, ce sen­timent de ma mort était, s'il est possible, plus vivant encore que d'habitude et je pensais: «si pourtant Jésus m'en donnait quelque si­gne soit en rêve ou autrement!», et cette nuit j'ai vu notre Père (St Joseph), comme il m'arrive souvent depuis que je crois à mes pres­sentiments. Ce matin, ces paroles se trouvaient sur mes lèvres: «Je veux sur les accents de la reconnaissance publier partout ses bien­faites, etc.» Oui, c'est à lui que je dois tout de Jésus. Je crois malgré tout doute. Joseph en a été aussi beaucoup affligé et troublé. Que ma vie soit comme la sienne un acte de foi dans une union perpé­tuelle à Jésus, continuée dans son amour. - Oui, je crois pourtant et malgré tout.

Mercredi 12 février - O Jésus, vos jugements / sont-ils donc si 173 redoutables que la crainte soit si horrible et si poignante? Me serez-­vous donc un juge inflexible? Non, vous m'accorderez le pardon, je le sens, je le sais, je le crois. Oui, faites-moi expier dès ici-bas, faites­-moi souffrir, je le veux. Oui, tout ce que vous voudrez, mais votre grâce, être votre victime, vue et connue de vous seul, c'est ma seule ambition.

O mon Jésus! et jamais personne à qui demander un conseil! Travailler, je le veux; je le voudrais fidèlement, mais seule, toujours seule avec mon impuissance et mon incapacité! J'ai votre secours, le sais, mais ma faiblesse, ma misère est si grande, et ma foi par mo­ments si lâche et si faible!

N'est-ce pas encore un grand bonheur, une faveur, de pouvoir ainsi vivre cachée, souffrir sous votre seul regard, o Jésus! C'était le sort de St Joseph. O mon père, donnez-moi de vous imiter, d'être fidèle et de laisser faire tout ce que Jésus voudra…

Une vie en préparation à la mort! … Ce grand moment sans cesse devant les yeux!…

Mon mal progresse, est-ce donc illusion?

Ces terreurs, ces angoisses effroyables de la mort et des juge­ments de Dieu et des peines / de la vie future, tout cela est-ce 174 donc encore illusion?…

J'ai demandé à Jésus de me cacher même la certitude de mon ac­ceptation, si je devais avoir le malheur d'y rechercher la moindre satisfaction en dehors de son bon plaisir seul et unique; il m'exauce et je sens que le doute sera mon partage jusqu'au dernier jour.

Oui, le silence et l'espérance, c'est le seul gage assuré de la per­sévérance. Oh! que ne suis-je plus pure pour vous aimer davantage, ô Jésus!…

Il me faut mériter de mourir, comme d'autres achètent la vie au prix de tous les sacrifices, de ce qui leur coûte le plus. Peu importe, s'il le faut, si l'œuvre de Dieu le demande. Serai-je lâche jusqu'au bout? La prière sans la souffrance et le sacrifice est de nulle valeur. Frappez donc, Seigneur, et épargnez les autres. C'est la seule grâce que je vous demande par l'intercession de St Joseph, si telle est vo­tre volonté.

31 mars- Si vous voulez de moi, telle que je la vois sous mes yeux, cette vie longue de travail dans une perpétuelle souffrance, cachée aux yeux des hommes, vue de Dieu seul, j'accepte encore avec votre grâce. /

175 Avril: - A peine ce mois de mars passé, la pensée de la mort, qui avait durant ce mois fait place à celle d'une vie sans fin, mort de chaque jour, de toute heure, de tout instant, revient com­me naturellement, et au commencement de cette grande semaine de douleur, semaine de la Passion, je le considère spécialement comme une grâce, puissé-je m'en rendre digne!

Mai - Merci, o ma mère, soutenez-moi dans la lutte, oh! toujours, toujours, car sans vous je succombe,_je sois sans force et sans courage. Et cependant je veux, mais j'ai peur, peur de souffrir, d'ex­pier. Et cependant, il faut tout, tout expier. Dieu est inflexible pour ses servantes. Je le remercie et je suis dans toutes les angoisses et les terreurs de l'agonie.

18 juin - Voilà donc pas à pas la réalisation. Je suis sérieusement malade, je le sens. Depuis le 31 mai, on a commencé à me soigner. Jésus est bon, il ménage un peu de souffrance.

On veut me donner tous les soulagements et il n'y a que ceux qu'il me faudrait que personne ne songe à me donner. C'est donc ainsi que je l'ai toujours cru. / On s'apercevra de mon vrai mal quand 176 il sera trop tard heur y remédier. Et maintenant que j'ai, ce semble, des preuves, je doute de tout! … Si du moins je savais souffrir en silence! Je tâche de me taire, mais je me plains toujours…»

Le dernier mois, la petite victime n'avait plus la force d'écrire. Elle mourait le 27 août, le mercredi, jour dédié à St Joseph.

Année scolaire: 1879-1880 177

C'était notre troisième rentrée. Elle était très belle comme nom­bre, mais elle, m'apportait une pénible expérience, c'est que les va­cances détruisaient en grande partie les habitudes religieuses con­tractées par nos enfants pendant l'année. La plupart abandon­naient pendant deux mois leurs confessions et communions. Motifs: nos familles ne sont plus guère chrétiennes, et beaucoup de curés ne savent pas s'y prendre et ne sent pas sympathiques aux jeu­nes gens. Aussi nos collèges n'obtiennent leur plein résultat que pour quelques natures d'élite; quelques jeunes gens au caractère bien trempé et peur les rares jeunes gens dont les familles sont sérieusement chrétiennes. Pour les autres cependant, notre œuvre n'est pas entièrement inefficace, il leur reste un fend de foi et une habitude de frayer avec le prêtre qui aideront à leur salut et à l'éducation chrétienne de leurs enfants. /

Un de nos élèves rendait compte ainsi de la retraite: 178

Nos âmes se sont retrempées durant trois jours de retraite, depuis le mercredi soir jusqu'au dimanche matin. Les instructions furent données par le R.P. Conrad de l'ordre des Capucins. Avec une grande finesse d'observation et une exacte connaissance du cœur humain, il nous a enseigné l'étude de nous-mêmes et nous a fourni les moyens de persévérer dans la vertu. - Certaines personnes pourraient croire que ce temps de halte est un temps perdu pour les études; il n'en est rien. Outre que les bénédictions de Dieu descendent plus abondantes sur les âmes et contribuent au développement de toutes les facultés, la retraites assure en grande partie les progrès de toute l'année. Le calme qui s'établit dans le cœur, l'ordre qui se fait dans les idées, les résolutions qui raniment la volonté, la prévoyance qui cherche d'avance; les moyens de vaincre les obstacles et de réparer les défaillances futures, et enfin l'ineffable douceur que l'on goûte à bien faire, voilà les fruits de la retraite et ce sont de précieuses garanties pour tout le reste de l'année. /

C'étaient les belles années du pèlerinage de Saint-Quentin. Il était dans tout son beau. On y venait pendant plusieurs jours, on ve­nait par paroisses, on se confessait et on communiait.

J'avais toujours l'honneur et la joie de voir les évêques chez M. l'archiprêtre.

Nos jeunes donnèrent dans leur journal ce gracieux compte-ren­du:

C'était vraiment un beau spectacle de voir dimanche et lundi ces flots de peuple qui se pressaient sous les voûtes de la vieille basili­que. Non, la foi n'est pas morte; les chemins de Sion ne pleurent pas encore puisqu'on vient en foule à ses solennités. Plusieurs sans doute y viennent attirés par la curiosité, par le renom d'un grand orateur; mais plus d'un, même parmi ceux-là, se retire ému et for­tement ébranlé. Qui résisterait à ce courant de prières qui vous porte jusqu'aux pieds de Dieu? Les chants sacrés avec leur mâle harmo­nie, redisent les supplications pressantes, les larmes, les joies, les craintes, les cris de triomphe du saint roi David, parlant au nom de Jésus-Christ et de l'Eglise. / L'hymne célèbre sur un mode 180 lyri­que les combats et la victoire du glorieux patron de la cité. Un in­stant, les chants sont suspendus et une voix éloquente nous rappel­le les grands enseignements de cette journée. C'est Mgr Mermillod, évêque d'Hébron, qui pour adoucir les tristesses de son exil, sème par toute la France cette parole évangélique qu'un gouvernement persécuteur lui interdit de répandre dans son diocèse. Ne pouvant reproduire tout son discours, nous en analyserons quelques passa­ges…

«Le catholicisme apporte la solution des problèmes sociaux. Le grand péril de notre siècle, c'est l'antagonisme du capital et du tra­vail, de l'ouvrier et du patron … Un Dieu! s'écrie l'ouvrier que tour­mente l'envie et qu'irrite la misère, je ne le vois pas. Je n'ai pas de pain, mes enfants se meurent et je suis sans travail, où est donc vo­tre Dieu? - Une jeune fille s'approche de lui, lui prend la main et lui dit avec un sourire: Eh! bien, ce Dieu m'a dit quand j'avais vingt ans et que j'étais heureuse et riche: quitte ta mère, renonce à ses ca­resses, prends une robe de pauvre, une robe grise et va dans la rue, tu iras chercher les malheureux, les abandonnés, / et quand tu les rencontreras, tu leur diras: J'ai quitté ma mère, mes 181 frères et mes soeurs pour me faire ta soeur à toi, pauvre abandonné, ta soeur par amour, ta soeur de charité. - Et l'homme qui souffre a des lar­mes dans les yeux, il regarde le ciel et il dit: maintenant je crois que j'ai un père dans le ciel, puisqu'il m'envoie une soeur sur la terre.»

«Le christianisme donne la solution des problèmes patriotiques. Riche de tous les dons de la terre, votre patrie a reçu en partage le générosité chevaleresque: le besoin de sacrifice et de dévouement; elle a toujours été le champion des nobles causes; on rencontre ses missionnaires et ses religieuses sur tous les rivages; ses soldats, par­tout où il y a une injustice à réprimer. Aussi comme N.-S. semble l'avoir aimée! Il lui a légué Lazare et sa famille; il en a fait la Béthanie de son Église; St Jean Lui envoie ses disciples, St Pierre fait choix d'apôtres zélés pour l'évangéliser; St Remy la trempe dans le baptistère de Clovis, aux époques difficiles de son histoire, Dieu lui donne Charles Martel et Jeanne d'Arc; la sainte Vierge / 182 la vi­site à La Salette et à Lourdes, comme pour lui apporter le gage de salut … Ces pèlerinages, dont le réveil rappelle les beaux siècles de foi, sont bien faits pour nous inspirer confiance en ses destinées. Comme autrefois sainte Eusébie, les peuples se sont agenouillés sur la rive du fleuve et à leur prière les ossements des martyrs ont repa­ru à la surface des oncles, et leur culte a retrouvé son ancienne splendeur. Les Saints reviennent, la France sera sauvée. L'Église vaincra. Sa barque est agitée par la tempête, mais elle peut dire au pilote qui la gouverne: Tu portes Jésus-Christ et sa fortune.»

Pour confirmer les paroles de l'orateur, le chant du Credo s'élève comme une attestation solennelle de la victoire de cette foi qui se réveille … Les reliques des Saints sont portées triomphalement au milieu d'un cortège d'honneur. Pour leur faire hommage, la basili­que a revêtu ses plus riches ornements; une illumination merveil­leuse fait étinceler les peintures du choeur et les vitraux de l'abside. La statue de St Quentin paraît reposer sur un trône de lumière et sous une couronne de feu…/

«Le Pontife exilé n'a pas voulu quitter la cité de Saint-Quentin sans venir donner une bénédiction spéciale aux enfants de St-Jean. Nous avons vu avec quelle noblesse et quelle simplicité un évêque sait subir la persécution; il nous a semblé voir l'auréole des confes­seurs environner le front de celui que nous comparions à St Athanase.

- Inclinés sous sa bénédiction, nous avons senti et compris mieux que jamais la communion des Saints et la catholicité de l'Église. Chassé loin de ses fils, ce pasteur persécuté trouve partout des en­fants… Les impies ont empêché sa voix de retentir dans la cité de Genève, et voici que cette voix se répand par toute la terre: In omnem terram exivit sonus eorum (Ps 18, 5).

Il y a un charme particulier à jouir de l'entretien familier d'un orateur qui nous a auparavant subjugués par son éloquence… Citons un trait de son allocution:

«Mes enfants, nous a-t-il dit, on se demande parfois avec inquiétude si on fait la volonté de Dieu dans la position qu'on occupe. Or, un beau jour, arrivent deux gendarmes qui vous tirent d'embarras; Ils vous conduisent à la frontière avec ordre de / prendre 184 le chemin de l'exil. Voilà comme je suis certain de faire la volonté de Dieu en faisant mon métier d'exilé…» Et Mgr ajouta: «Il y a, mes enfants, trois positions d'où pas un gendarme ne pourra vous arracher, vous et moi, «Le Cœur de Jésus, le cœur de l'Église et le cœur de la France…»

- Nous le retrouvions encore à l'Assemblée générale des conférences de St-Vincent-de-Paul, où il nous parlait de nouveau avec un grand charme. Quel a été, disait-il, le plan de Dieu dans l'établissement des conférences? Elles sont appelées à unir tous les membres de la société et à sanctifier l'avènement de la démocratie. Aujourd'hui, c'est la tactique des ennemis de l'Église de montrer en elle le prêtre isolé et de taxer l'activité chrétienne de cléricalisme, comme si le prêtre seul y était intéressé… La Providence leur répond, en montrant que la loi et l'apostolat ne sont point l'apanage exclusif de la milice sacerdotale, mais que le laïque est appelé; lui aussi, à sauver les âmes, à servir l'Église et à la défendre par ses actes. Cette réponse, elle est donnée dans vos conférences qui ont pour but d'aider au salut de lame du pauvre en portant / secours à son corps … On suspectait l'Église de s'attarder 185 dans de stériles regrets du passé; on la disait inféodée à une forme de société détruite à jamais par l'avènement de la démocratie; mais ses fils se sont levée et l'ont vengée de cette nouvelle insulte en multipliant les œuvres charitables, ils ont montré qu'elle a des remèdes et des ressources pour toutes les époque, et seuls ils ont travaillé efficace­ment au rapprochement des classes de la société…»

Les lettres de Mgr Thibaudier reflètent toute l'histoire de l'année. Elles sont souvent relatives à Saint-Jean et quelquefois a l'œuvre du S.-cœur. Je note ici celles qui regardent St Jean.

26 nov. 79 - Je me réjouis des bons résultats de votre retraite. Puisse notre cher Edgard en cultiver les fruits jusqu'à sa première communion!… (1). Je conserve un certain chagrin de ma dernière entrevue avec M. Philippot, non parce que le cher abbé m'a reparlé de son désir d'entrer dans un ordre religieux, mais par­ce que je l'ai trouvé gêné, maniéré et loin de cette ouverture filiale qu'il avait eue 186 précédemment avec moi (2). Aurait-il / parti­cipé plus que je ne le supposais aux entraînements dont vous m'avez parlé (esprit d'indépendance et de légèreté d'un ou deux professeurs)?… Je vous bénis, ainsi que vos œuvres et le petit créo­le…

2 déc. -..Je ne répondrai pas à la lettre d'Edgard, parce qu'elle ne vient ni de sa raison ni de son coeur. Quand il parle du lycée, le pauvre petit parle de ce qu'il ignore. Qui de nous donc est intéressé à le retenir parmi nous, du moins autrement que par notre affec­tion pour lui? Je connais les lycées et je connais Edgard; je sais qu'il n'y serait pas heureux; j'ai malheureusement tout lieu de craindre que, non seulement il n'y serait pas bon, mais qu'il y deviendrait mauvais. Que lui manquerait-il à St-Jean, s'il était sage? On ne l'ai­merait presque pas plus dans sa famille que nous ne l'aimerions. C'est à lui de voir s'il veut profiter des avances que la Providence lui a faites et que nous lui faisons…

1 janvier 1880 - Que Notre-Seigneur daigne bénir votre personne, vos collaborateurs, vos élèves, vos Frères en son divin Cœur, toutes vos œuvres… Combien j'aime mon cher Edgard, quand vous me di­tes, comme aujourd'hui, qu'il est / raisonnable, sage et bon. Je ferai le 187 plus tôt possible quelque chose pour lui…

20 mars - Recevez mes félicitations sur les bonnes dispositions de vos chers enfants. J'espère que leur piété et leur courage, avec la sainte grâce de Dieu, ne triompheront pas moins des influences amollissantes de la saison où nous entrons que des rigueurs de l'hi­ver…

12 juillet - Tout mon concours possible vous est acquis pour votre personnel. Si on ne vous laisse pas M.Desmaret, on le remplacera. Vous pouvez compter sur M.Glorian. Nous examinerons la question de M.Labitte…

A la Saint-Nicolas, nos élèves jouèrent une jolie pièce fort comi­que sur Don Quichotte, par Bouly de Lendain: la pièce rappelait fort agréablement les principales scènes du roman de don Quichotte par Cervantes. Les acteurs étaient Vénière, Triquet, Lesur, Flinois, Martigny, Courtois, Vilfort, Camard, Martin, Lecas. Trois de ces jeunes gens ont eu une courte carrière et sont morts bien jeunes…

188 A la Saint-Jean, 27 décembre, / la pièce était jouée par le­s jeunes gens du Cercle.

Au carnaval, 8 février, «Rêve et réveil», comédie jouée par les élè­ves. Acteurs: Martigny, Courtois, Triquet, Hermance, Vilfort, Lamour-Damez, Lesur, Paille, Cornibus, Guesnon, Lecointe, Boucquey, Alliot, Gagneux, Gamard, Humbert, Fournier, Tampigny, Herbert.- Ces noms expriment tout un monde: des avo­cats, des médecins, des agriculteurs, des commerçantes, des profes­seurs, quelques-uns favorises de la fortune, d'autres se tirant péni­blement d'affaire, l'un ou l'autre essayant des colonies ou de l'Amérique. Grâce à Dieu, nous avons vu très peu de nos élèves pas­ser au camp anticatholique.

La grande fête de l'année était toujours la Saint-Léon. Cette fois on alla à Marteville: visite à Vermand, aux remparts de son camp ro­main, jeux dans la belle propriété de M.Mauduit

L'Aigle publiait les programmes et les comptes-rendus. J'en tire ces quelques lignes relatives à la soirée des souhaits de fête: «En quelques mots émus, M. le Supérieur nous remercia des souhaits que / 189 nous formions pour lui. Puis, élevant nos pensées, il nous montra comment à St­-Jean tout s'unissait pour porter nos âmes vers les grandes et belles choses. Aujourd'hui la fête de famil­le, où le père et les enfants épanchaient dans une douce intimité leurs sentiments de mutuelle affection. Le soir, la fête littéraire si pleine d'attraits pour l'esprit et de consolations pour notre cœur de Français. (On devait jouer la belle pièce d'Henri de Bornier, la Fille de Roland). Le lendemain, la fête religieuse, l'union des âmes au banquet divin, afin de s'y retremper dans l'amour de N.-S. et de sa sainte Eglise. Enfin, mardi, la fête de campagne, où nous pour­rons admirer dans un beau parc les merveilles que l'art fait produi­re à la nature. Ainsi le corps et l'esprit et le cœur trouveront chacun de nobles jouissances.

Se tournant alors vers plusieurs parents que leur sympathie pour la maison avaient amenés à cette fête, M. le Supérieur se félicita de leur présence. Ils étaient témoins de la douceur de nos joies et, comme représentants des familles absentes, / ils achevaient 190 de former ce cercle de sollicitudes et d'affections qui entoure ici notre enfance. Enfin leur confiance généreuse et leur noble dévouement soutiendraient nos maîtres dans la lutte qu'ils auront bientôt à sou­tenir pour la liberté de l'enseignement chrétien…»

A Vermand, la fête eut tout l'entrain ordinaire. Après la visite aux vieux remparts et au château de Caulaincourt, eurent lieu les jeux ordinaires: jeux forains, montgolfières, courses, tir à la carabine, tombola, retraite aux flambeaux, etc, etc.

Table des matières

Année scolaire 1877/1878
Note générale
La retraite 2
St Jean: rentrée 21
Epines 22
Piété 23
Conférence de St-Vincent-de-Paul 24
Congrégation (de la Sainte Vierge) 28
Mois de dévotion 29
Etudes 30
L'Aigle 31
Mort d'un élève 34
Chapelle 36
Saint-Léon 38
Première communion 39
Lettres de l'évêché 43
Les prix 51
Agrandissement, 59
Œuvres: Patronage 60
Maison de famille: orphelinat 61
jeunes gens 62
Vicariat 64
Congrès de Soissons 65
L'œuvre du S.-Cœur 66
Sr Marie-Ignace 71
Vues d'oraison 85
28 juin: mes voeux 99
Maison du S.-Cœur 100
Mort du Pape 101
Progrès de l'impiété 105
Etudes 108
Correspondance 116
Année scolaire 1878/ 1879
St Jean: rentrée 120
La retraite 121
Nos morts 122
Lettres de l'évêché 126
Conférence: loterie 131
Nos fêtes 132
Les prix 136
Les autres œuvres - Evénements contemporains 146
Dans l'Eglise 148
L'Œuvre du S.-Cœur 150
Sr Marie de Jésus 151
Sa mort 164
Année scolaire 1879 / 1880
St-Jean: rentrée et retraite 177
Le Pèlerinage de St-Quentin 179
Mgr Mermillod 183
Lettres de l'évêché 185
Nos fêtes 187
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