nqtnqt-0001-0002

2ème CAHIER (8.2.1869 – 20.2.1870)

Lumina et proposita Notes quotidiennes (1869- 1870)

Ce cahier est résumé dans les 7e et 8e cahiers noirs (NHV)

1 Ne jamais s'abandonner entièrement au repos et à la nature. Tou­jours se retenir un peu. - Eviter l'activité propre et personnelle même dans le bien. N'être qu'un instrument docile entre les mains de Notre­-Seigneur1).

Accomplir en nous «ce qui manque à la Passion du Christ» (Col 1,24). C'est ainsi que les nations sont sauvées, parce que Notre-Seigneur l'a disposé ainsi. Autrement, la prédication est sans fruits.

«Quotidie morior (1 Cor 15,31): «qui nunc gaudeo in passionibus pro vobis, et adimpleo ea quae desunt passionum Christi in carne mea, pro corpore ejus quod est Ecclesia, cujus factus sum ego minister secun­dum dispensationem Dei» (Col 1,24-25). «Ego autem libentissime im­pendam, et superimpendar ipse pro animabus vestris» (2 Cor 12,15) 2. La souffrance concourt avec les œuvres pour la conversion des peuples. «Si posuerit pro peccato animam suam, videbit semen longaevum et vo­luntas Domini in manu ejus dirigetur, pro eo quod laboravit anima ejus; videbit et saturabitur, in scientia sua justificabit ipse justus servus meus justos» (Is 53,10-11). 22 mars

Quand il a plu à Dieu d'envoyer son Fils pour sauver le monde, il a préparé de loin l'humanité sainte, qui devait opérer le salut du genre hu­main, il a sanctifié sa victime avant de l'immoler. Et nous qui devons avoir part aux travaux et aux souffrances de Jésus pour le salut du mon­de, et ensuite à sa gloire, il nous a pris du milieu de nos misères et de nos péchés et il nous unit à son divin Fils et à son œuvre de sanctifica­tion 3 pour le monde. C'est pour nous une garantie de grâces abon­dantes et une obligation d'y correspondre.

Notre-Seigneur fut mis dans un sépulcre neuf, dans un linceul pur et fin avec cent livres de parfum. Ces détails expriment mystiquement les dispositions avec lesquelles nous devons recevoir la sainte Eucharistie.

Messe solennelle de famille à La Capelle. Que de souvenirs! que d'émotions! dans ce sanctuaire de mon baptême, de ma première com­munion et des prières de mon enfance. -Je prêche avec un peu de gau­cherie. Tous les miens sont cependant émus. - Ma santé est chancelan­te. L'étude de la sténographie ajoutée à mes cours m'a fortement surme­né.

4 Retraite. - «Vigilate et orate» (Mc 14,38) (prêchée par M. Gi­bert, consulteur du Concile). Les racines des vices repoussent rapide­ment et étouffent celles des vertus. La persévérance dans les petites cho­ses est héroïque. - Le St. Sacrifice doit être la préoccupation de toute la journée. Il y a un péril imminent d'être un prêtre commun et ordinaire, et il y a en cela une horrible ingratitude.

Noter l'examen particulier… Ecrire les résolutions… Préparer avec soin le St. Sacrifice. Retenir l'esprit d'oraison. - Edifier. Etre soi­-même et tenir ses résolutions en s'estimant la plus vile des créatures.

«Dissipavit omnem substantiam suam» (Lc 15,13). Ainsi faisons-­nous quand nous nous éloignons de Dieu par la diminution de la foi, de l'union, de la confiance 5, de l'amour. Notre lumière, notre chaleur s'éteignent. Nous devenons sans vie, comme un cadavre infect, au lieu d'être «bonus odor Christi» (2 Cor 2,15). Et quand nous revenons, Dieu n'attend pas que nous lui demandions d'être son mercenaire. Il nous attend de loin et nous prépare un banquet. - Résolutions: Unir l'état d'oraison avec la douceur et la gaieté. - Relire à la retraite du mois les résolutions et «Monita pietatis».

«Oportet hunc regnare» (1 Cor 15,25). Il faut que le Christ règne en nous, il nous a rachetés. Il nous nourrit de la vie spirituelle. Il est le roi des siècles et des nations. Nous sommes teints de son sang et marqués de son nom: «Cujus est haec imago!» (Mc 12,16).

Il faut que nous accomplissions en tout sa volonté. Qu'elle soit notre seule règle et notre constante préoccupation. «Beati mundo corde, quo­niam ipsi Deum et Dei voluntatem videbunt» (Mt 5,8) 6. La pureté du cœur des Saints leur a permis de recevoir les révélations, les visions, les visites des anges et de comprendre toujours sa volonté2).

«Continuo non acquievi carni et sanguini» (Gal 1,16). Je me suis at­taché à Jésus-Christ, à son service divin et je travaillerai à m'unir à son Cœur, à ses vertus, à son inaltérable douceur, à son union indissoluble avec son Père. - Le sacrement de l'Eucharistie est le fruit de son amour.

Il n'était point nécessaire pour notre salut. Jésus voulut par amour nous rester présent. Il voulut s'unir à nous et nous unir à son Cœur. Il voulut continuer à se sacrifier et à s'immoler pour nous. - Il faut pren­dre des résolutions, peu nombreuses mais solides, et les faire porter, non sur la fin, mais sur des moyens déterminés 7. Il faut, après nos chutes, nous relever humblement, doucement, pacifiquement3).

«Qui operati sunt justitiam, adepti sunt repromissiones» (Heb 11,33). Saint Jean nous décrit la cour céleste. Il y a, près du Sauveur, une couronne de saints prêtres, et le Sauveur m'y a préparé une place. La voie à suivre est celle des Saints: le renoncement, la fidélité dans les petites choses, l'union avec N.-S.. - Faisons servir nos passions à la gloire de Dieu: qu'il soit le seul objet de notre amour et que son déplaisir soit le seul objet de notre haine.

O mon Sauveur, qui n'avez pas refusé à Marie le vin à Cana, ne nous refusez pas l'eau de la grâce, le vin de la charité; ne refusez pas aux âmes du purgatoire l'eau qui les refraîchisse.

Mon Dieu, qui avez transformé les passions de Paul, d'Augustin et de Jérôme 8 en de Saintes et ardentes affections4), purifiez et transformez les ardeurs de mon cœur en un brûlant amour pour vous. - Donnez-moi une douce gravité dans la conversation et maintenez-moi dans l'esprit d'oraison.

Spiritu serviamus Christo. Servons le Christ en esprit. Entrons dans son esprit, dans l'esprit de sa loi qu'il développe au sermon sur la montagne. Gardons, non l'apparence pharisaïque, mais la vérité de la loi. Confor­mons à son esprit non seulement nos actes mais notre cœur, et, si nous l'aimons véritablement, allons au-delà de ses préceptes et entrons dans l'esprit de ses conseils.

Initium sapientiae timor Domini (Ps 110, 10). Il faut commencer par la crainte, par le raisonnement, par le calcul: Haec arbitratus sum propter Christum 9 detrimenta (Ph 3,7). Il faut compter d'abord: Leve pondus tribulatio­nis ingens gloriae pondus operatur (2 Cor 4,17). Enfin il faut aimer: finis omnium caritas (1 Tm 1,5). Il faut aimer Jésus, seul bien, seul aimable, Jésus qui nous a tant aimés: Omnia arbitror ut stercora, ut Christum lucrifaciam (Ph 3,8).

C'est dans le Christ seul et dans la ressemblance avec lui que St. Paul met sa confiance: et inveniar in illo, per societatem passionum illius, configuratus morti ejus (Ph 3,10). Seigneur, augmentez ma foi et ma confiance. La confiance surnaturelle exclut les petits calculs de la prudence humaine.

Opposons à nos passions la beauté incomparable, seule digne, seule attrayante de Jésus. - Pour la composition de notre extérieur et de no­tre intérieur tenons-nous sous le regard de Dieu5) 10 . Pour nous forti­fier dans la patience et la mortification, comparons le ciel et la terre: Leve (pondus) tribulationis ingens gloriae pondus operatur» (2 Cor 4, 17).

«Marient fides, spes, caritas» (1 Cor 17,13). Il y a la crainte, l'espéran­ce, l'amour. Mais le premier de tous les mobiles est l'amour: «Fortis ut mors dilectio» (Cri 8,6). Seigneur Jésus, comment oublierai-je un instant votre amour? Vous m'attendez à la porte de l'éternité pour me recevoir:

«Euge, serve bone» (Lc 19,17). En attendant, vous vous donnez à moi dans l'Eucharistie… «guis me separabit a caritate Christi?» (Rm 8,35)6).

«Multi ambulant, quos flens dico, inimicos crucis Christi» (Ph 3,18). La voie du salut est dans le renoncement et l'humble soumission à la vo­lonté de Dieu, avec une entière confiance en sa Providence. Je vous rends grâces, ô mon Dieu 11, qui me permettez une si grande familia­rité et intimité avec votre divin Fils. Vous nous ouvrez son palais, qui est l'église, et son Cœur même.

«Christus, sacerdos et victima». A l'autel, nous agissons au nom du Christ: «Sacerdos alter Christus». Ce qu'il nous donne le pouvoir de faire en son nom, ce n'est pas seulement d'instruire le peuple, ce n'est pas de guérir les malades ou de ressusciter les morts, c'est plus que tout cela, c'est de l'offrir lui-même à son Père avec les mérites infinis de la ré­demption. Quelle gravité, quelle sainteté, quelle union avec Notre­-Seigneur, ce ministère n'exige-t-il pas?

11 novembre

«Conversatio nostra in coelis est» (Ph 3,20). Notre conversation doit être avec Dieu et avec les Saints. C'est notre plus grand intérêt. C'est la vie que nous devons 12 continuer pendant l'éternité. C'est le moyen de nous rendre moins indignes de converser avec Dieu si familièrement à l'autel.

Le grand acte de la journée du prêtre, c'est le saint Sacrifice. Sa préoccupation continuelle doit être de plaire à Dieu et au Sauveur Jésus. Marie n'avait pas d'autre pensée. Le grand acte de la rédemption absor­bait toute son âme.

Mon Dieu, si vous m'avez éprouvé par quelque maladie, par quelque retard dans mes études, et quelque difficulté dans l'avancement spiri­tuel, c'est pour ménager mon amour-propre et pour mon plus grand bien. Que votre Saint Nom soit béni!

«Constitui te ut evellas et aedifices et plantes» (Jr 1,10). Il faut se mettre à la besogne et tailler les rejetons du vieil homme; il faut bâtir d'après 13 un plan arrêté; il faut revoir tous les jours ses comptes. Quand une pratique négligée est la cause du retour d'une ancienne mi­sère, il faut réprimer énergiquement cette négligence.

«Dominus prope est. Modestia vestra nota sit omnibus hominibus» (Ph 4,5). Tenons-nous toujours devant Dieu et près de Dieu. Il est pro­che. Le temps est rapide et nous allons paraître devant Dieu pour l'éter­nité. Tout ce qui nous arrive est pour notre plus grand bien. «Nihil solli­citi sitis» (Ph 4,6). Prions seulement.

Les grandes grâces de l'ordination au sacerdoce sont un puissant en­seignement. Cet amour ardent, cette ferveur, cette paix (quae exsuperat omnem sensum - Ph 4,7), Dieu nous les donne quand nous nous pré­parons par un profond recueillement et que nous affirmons franchement notre volonté d'être à lui. En d'autres temps, tout 14 conspire à nous faire descendre au niveau de la tiédeur commune. Renouvelons les dispositions d'alors et nous en retrouverons les grâces.

Mon Sauveur Jésus, vous avez terrassé St. Paul et il fut converti. Vous faites plus que me terrasser chaque jour, vous me relevez et vous m'admettez à votre embrassement sacré. Confirmez ma foi et mon amour. je veux vous servir promptement et sans jamais hésiter, c'est en cela que St. François de Sales place la dévotion: je ne m'inquiéterai pas des autres, vous êtes mon seul maître.

Notre-Seigneur veut bien nous admettre tous les matins à ses chastes noces. Il veut bien regarder comme sien notre corps, honoré du contact de son corps sacré. «Et erunt duo in carne una…» (Gn 2,24)7) 15.

Enseignez-moi, Seigneur, à aimer les hommes comme vous les avez ai­més, pour la plus grande gloire de votre Père. Notre charité ici doit être grande dans la prière, dans le travail, dans la sanctification personnelle.

«Quae didicistis et accepistis, haec agite» (Ph 4,9). Ce que vous avez compris, ce que vous avez senti, quand la grâce de Dieu abondait en vous, mettez-le en œuvre, accomplissez-le à chaque instant, avec foi et crainte, avec espérance, mais surtout avec amour.

Marie, notre modèle, a perfectionné jusqu'à sa mort son union avec Dieu. Mon Dieu, resserrez mon union avec vous devenue intime au jour de ma tonsure, sanctionnée au sous-diaconat, consommée dans le sacerdoce.

«Omnia possum in eo qui me confortat» (Ph 4,13). Je n'ai qu'une chose à faire pour la plus grande gloire de Dieu, l'utilité de 16 mon prochain et la mienne, me sanctifier. Je le puis en vous, ô mon Sauveur Jésus. «Veni et vive in famulis tuis».

Mon Dieu, augmentez ma foi et mon amour. Quel acte divin que la sainte messe! Nous sommes là, à l'autel, les interprètes de la Sainte Trinité, qui nous donne le Rédempteur; du Christ, qui s'offre à son Père; de l'Eglise et de toute l'humanité qui profitent de nos prières. Pouvons-nous passer au milieu d'une telle fournaise d'amour sans en être embrasés? Seigneur, accordez-moi de vous bien traiter à l'autel et de vivre dans la vérité de ma foi.

Je m'unis, ô mon Sauveur, aux larmes que vous avez versées sur moi dans vos longues nuits d'oraison et surtout à Gethsémani. Mon Dieu, 17 que de grâces et de gloire perdues, que de misères amonce­lées dans ma vie passée!

Le saint Sacrifice offert même une seule fois n'est-il pas capable de nous transformer? Ce que nous y recevons est infini, et les grâces de Dieu n'ont d'autre limite que nos dispositions. Pourquoi n'y sommes-­nous pas consommés dans l'amour, comme les Saints?

«Hoc sentite quod et in Christo Jesu» (Ph 2,5). Votre amour filial, ô mon Sauveur, a souffert des péchés des hommes, qui oubliaient et inju­riaient votre Père, pour jouir d'un vil plaisir ou éviter un peu de peine, et vous avez désiré souffrir infiniment pour montrer à votre Père que vous estimez toutes choses comme rien en comparaison de son honneur. Vous vous êtes abaissé 18 infiniment et vous avez souffert toutes les douleurs possibles; et votre Père nous a pardonné et nous a comblés de grâces en se voyant si bien honoré par l'un de nous: «Christus exauditus est propter suam reverentiam» (Heb 5,7).

Mon Dieu, quelle ne doit pas être l'union du prêtre avec vous! Il est votre représentant, le médiateur entre les hommes et la très sainte Trinité. Son cœur doit être un abîme d'amour, de prière, de miséricorde, de pénitence.

Entrons dans les sentiments dans lesquels Notre-Seigneur s'est offert à son Père comme victime. Ce sont les sentiments les plus purs et les plus élevés. «Hoc sentite quod et in Christo Jesu» (Ph 2,5).

«Exemplum esto fidelium in fide» (1 Tm 4,12). Mon Dieu, accordez-moi la grâce d'une foi vive dans mes rapports avec 19 vous, surtout au saint sacrifice.

Mon Dieu, les grâces que vous m'avez accordées pendant cette année ecclésiastique auraient suffi pour me sanctifier mille fois. Ne me laissez plus déchoir de l'union avec vous à laquelle vous me conviez chaque jour avec tant d'amour. Que je comprenne l'amour de la croix comme St. André! Que je voie les choses en vous! Qu'il me suffise, ô mon Sauveur, pour m'entretenir dans votre amour, de considérer qu'à chaque instant au ciel et sur nos autels vous offrez avec amour à votre Père votre Pas­sion pour le salut de mon âme.

Mon Dieu, faites que je ne me laisse pas préoccuper par ce qui m'en­toure! Que j'adore la Majesté que je ne vois pas! Que j'aime l'amour in­fini, qui m'est présent mais invisible! 20. Que je n'oublie pas que cha­que instant a une importance pour l'éternité!

Au saint sacrifice comme au Calvaire, la toute-puissance et la miséri­corde de Dieu le Père nous donnent, pour nous racheter, le Sauveur (quia in ipso complacuit omnem plenitudinem inhabitare et per eum re­conciliare omnia in ipsum, Col 1,19-20)8). - L'Esprit-Saint y est aussi présent et agissant (ex voluntate Patris, cooperante Spiritu Sancto - Messe, prière avant la Communion); quel mystère redoutable! Quelle majesté sur nos humbles autels!

Quel amour! Dieu nous a donné la vie de son Fils pour nous racheter, (Reconciliavit in corpore carnis ejus per mortem exhibere nos sanctos - Col 1,22). Notre cœur était loin de lui: (Inimici sensu in operibus malis - Col 1,21). Ayons foi comme les grands Saints 21 et nous serons tout-puissants. Comme St. François Xavier, nous glorifierons Dieu et nous sauverons nos frères.

Le Concile est une nouvelle manifestation de N.-S. enseignant par son Esprit. L'esprit de l'Eglise pendant le Concile doit être conforme à celui avec lequel est venu N.-S.. C'est un esprit d'anéantissement et de douleur à la vue des péchés des hommes. L'Eglise doit aussi se tenir dans un esprit de recueillement et de pureté, pour recevoir la parole de Dieu, l'action du St.-Esprit, illuminant et inspirant. Elle doit enfin croître en amour à la vue d'un nouveau et immense bienfait et en union avec l'Esprit d'amour.

«Ut exhibeamus omnem hominem perfectum in Christo Jesu» (Col 1,28). Il y a 22 une perfection nécessaire à tous, aux grands comme aux petits, celle qui consiste dans l'accomplissement des préceptes et une autre qui est une faveur exceptionnelle, à laquelle N.-S. conduit quel­quefois les uns ou les autres par sa douce Providence.

Mon Dieu, le monde est affamé de paix, de foi, de religion. Ramenez­-le dans vos sentiers. Eclairez les nations sur ce qu'elles vous doivent. Fortifiez l'unité et l'autorité de l'Eglise, en affermissant l'autorité de vo­tre Vicaire sur la terre.

«Instructi in caritate, in omnes divitias plenitudinis intellectus» (Col 2,2). Là sont les vraies richesses, dans l'amour et dans la connaissance du mystère divin, du mystère de la Rédemption, mystère conçu éternel­lement, accompli au Calvaire 23, renouvelé sur nos autels: «in agnitio­nem mysterii Dei Patris et Christi Jesu, in quo sunt omnes thesauri sa­pientiae et scientiae absconditi» (Col 2, 2-3).

Concile. Faiblesse et force de l'Eglise de Dieu: faiblesse par elle-même, imperfection, obscurité; force en Dieu, stabilité, lumière, vie, quand elle est appuyée sur la pierre angulaire qui est le Christ et sur ses fondements qui sont les apôtres. Intime union de l'Eglise du ciel et de celle de la ter­re. Elles se contemplent et vivent l'une avec l'autre pour Dieu. Vivante image de cette union dans les litanies des Saints dites par le Concile. Comme la foi de Pie IX est admirable et sensible dans ses prières!

Combien est sensible dans l'agitation 249) de ces jours-ci la solidité du roc qui est Pierre. Tout ce qui s'agite hors de lui, s'agite dans les té­nèbres. Tout ce qui n'est édifié sur lui, est bâti sur le sable. Tous les évê­ques réunis composent un édifice indestructible, mais alors seulement qu'il est bâti sur le roc.

Tous les trésors de la sagesse sont dans le mystère de Dieu le Père et du Fils Jésus, dans le mystère de la Rédemption. La croix est le fonde­ment de la vie, «firmamentum fidei» (Col 2,5). «Sicut accepistis je­sum, in eo ambulate» (Col 2,6).

Vous seul, ô mon Sauveur, pouvez rassasier notre cœur altéré d'amour et de perfection, «et estis in illo repleti» (Col 2,10). Tout le reste est vide «omnia vanitas» (Ec 1,2). Vous seul êtes toujours aimable 25.

Vous avez tout fait, Seigneur, pour gagner nos cœurs. Vous n'avez pas voulu que nous agissions sans mérite, mais vous avez entouré notre volonté de tous les secours les plus puissants, grâces extérieures et intérieures, de l'intelligence, des sens, de la volonté. Vous vous êtes donné vous-même.

«Praecipio tibi coram Deo Patre qui vivificat et Domino Jesu Christo, qui testimonium dedit sub Pontio Pilato, bonam confessionem» (1 Tm 6,13). Je t'ordonne à toi, à tes successeurs (usque in adventum Christi) et, proportion gardée, aux prêtres, devant Dieu, qui donne la vie et la mort, «ut serves mandatum» (1 Tm 6,14), que tu conserves le dépôt de la doctrine et que tu vives selon la foi.

La perfection demande l'esprit 26 de pauvreté, l'esprit d'obéissan­ce, l'esprit de chasteté. Par là, nous coupons les racines de la concupis­cence, et nous nous donnons tout entiers à Dieu. Cet esprit est celui de tous les Saints, qu'ils se soient ou non aidés d'une règle pour le prati­quer. Il doit être celui de tous les prêtres, parce qu'il est éminemment l'esprit de J. C., dont ils se nourrissent chaque jour.

Nous avions une dette (chirographum decreti - Col 2,14), vous l'avez payée, Seigneur. Le démon avait le droit de nous torturer, vous lui avez enlevé ce droit (exspolians principatus et potestates - Col 2,15) en payant notre dette et au-delà (palam triumphans illos in semetipso - idem). Vous avez rendu à votre Père le grand témoignage 27 de sa di­vinité outragée (testimonium dedit sub Pontio Pilato - 1 Tm 6,13). C'est notre devoir de conformer toute notre vie à ce témoignage (Praeci­pio vobis bonam confessionem - idem).

O mon Sauveur, je veux que tout mon bonheur soit de vous voir aimé et de vous faire aimer. Je voudrais que toute la vie de la terre et toutes ses puissances, peuples, rois, sciences, arts, vous soient consacrés et glo­rifient votre nom. Imprimez ces sentiments dans mon cœur et faites que je m'oublie moi-même pour ne m'occuper que de votre gloire.

«Ignem veni mittere in terram; quid volo nisi ut accendatur?» (Lc 12,49). Je suis venu apporter le feu du zèle et de la charité, et 28 ce feu me dévore, et je brûle du désir de donner ma vie pour les âmes (Bapti­smo habeo baptizari et quomodo coarctor, usque dum perficiatur - (Lc 12,40). Mon Cœur est à l'étroit dans ma poitrine jusqu'à ce qu'il soit ouvert et qu'il ait versé son sang.

Quels solennels instants que ceux du saint sacrifice. C'est un entretien avec l'infinie Majesté de Dieu le Père. C'est une offrande infinie qui lui est faite. C'est une prière toute puissante qui lui est adressée. Oh! si nous voyions ce que nous faisons à l'autel, nous défaillirions d'amour.

Anniversaire d'ordination. - Quel beau jour c'était, il y a un an, et pourquoi ne l'ai-je pas renouvelé tous les 29 jours depuis lors? «Mo­dicae fidei, quare dubitasti?» (Mt 14,31). Je n'ai pas eu, Seigneur, assez de foi en vous. J'ai oublié que j'étais votre ami (Jam non dicam vos ser­vos - Jo 15,15), et je me suis encore attaché aux créatures. Permettez­-moi, Seigneur, de marcher à vos côtés et de ne plus voir les choses qu'en vous. Renouvelez mon âme aujourd'hui. Ne permettez pas que je souille la belle robe du sacerdoce dont vous m'avez revêtu.

«Vita nostra abscondita est cum Christo in Deo» (Col 3,3). Au ciel est notre vie. C'est là qu'il faut la puiser. C'est devant le ciel qu'il faut agir. C'est là qu'est notre amour, notre lumière, notre force. O mon Sauveur, arrachez mon cœur et donnez-moi le vôtre, afin que (je) vive de cette admirable vie, qui est 30 cachée en Dieu avec vous (Col 3).

«O Jesu, vivens in Maria…» Quelle n'était pas la sainteté de Marie, dont la vie ne faisait presque qu'une avec la vôtre10). Son sang devenait votre sang et sa chair votre chair. Combien elle devait être pure et unie à vous de corps et d'âme. Vous m'accordez une grâce analogue, Seigneur. Vous acceptez mon corps pour le vôtre ou pour membre du vôtre (os ex ossibus - Gn 2,23) et vous voulez bien le considérer comme tel, alors même que vous ne résidez plus en lui sacramentellement. Quelle éton­nante dignité!

Seigneur, vous venez à moi au Saint Sacrifice, chargé des grâces que votre Père accorde 31 à vos infinis mérites et aux prières de vos en­fants, aux prières de vos Saints. Vous nous apportez des grâces pour toute l'Eglise. Accordez-lui celle de dominer la politique, la science et la liberté révoltées contre elle.

Seigneur, le désir que j'ai de me sanctifier et de sanctifier les miens n'est rien, le désir qu'ont les Saints de procurer la sanctification du mon­de n'est rien non plus en comparaison du brûlant désir de votre Cœur pour notre sanctification. Disposez mon cœur, Seigneur, par votre toute-puissance, afin qu'il soit capable de recevoir les grandes grâces que vous lui apportez.

32 Quelle sublime rencontre! Mon Sauveur vient à moi avec son éter­nel amour, son ardent désir de posséder mon âme, sa brûlante affection qu'il exprime au Cantique des cantiques, le zèle de sa Passion et de sa Mort, les dons que les Saints lui ont demandés pour moi… Avec quel amour ne dois-je pas aller à lui, avec quelle reconnaissance, avec quelle compassion pour ses douleurs! Avec quelle joie ne dois-je pas recevoir celui qui m'a tiré du gouffre du péché et me prépare un trône éternel à ses côtés.

O mon Sauveur, l'amour avec lequel St. Jean chercha sur la monta­gne le jeune homme qu'il aimait, n'est qu'une ombre de votre amour pour nos âmes 33. Vous avez tout fait pour nous attacher à vous, vous avez tout fait, vous avez pris les charmes de l'enfance, l'autorité de l'en­seignement, l'attraction du dévouement jusqu'à la mort. Vous nous avez tout promis et tout donné, et vous vous donnez tous les jours, avec quelle tendresse! Donnez-moi votre Cœur pour vous aimer et aimer les âmes; et aussi pour aimer le bien de ma patrie. Elle est aimable comme le jeune disciple de Saint Jean, parce qu'elle a été belle dans sa jeunesse et qu'elle était la fille aînée de l'Eglise. Elle s'est laissée entraîner et elle s'en est allée avec les voleurs. Donnez à ses prêtres le zèle de St. Jean pour la rechercher et la ramener 34.

Mon Sauveur Jésus, qui avez une prédilection particulière pour vos prêtres, à qui vous vous donnez tous les matins avec tant d'amour, donnez-nous en abondance votre Esprit comme à St. Etienne. Vivez en nous dans les mystères de votre enfance, dans l'humilité, la douceur, l'innocence, la soumission.

Le prêtre au saint sacrifice n'est-il pas comme élevé entre le ciel et la terre? N'est-il pas entouré de milliers d'anges, qui admirent son bon­heur? N'est-il pas l'objet de la sollicitude de Marie, de Joseph et de tous les Saints, qui désirent le voir bien traiter leur Dieu? Quelle grandeur dans quel néant! Quel amour! Les prêtres sont, comme St. Jean, ceux que Jésus 35 aime, et Jésus aima St. Jean parce qu'il était pur, vierge, aimant.

Il est toujours également vrai que nous sommes les temples du St-­Esprit et les membres du corps mystique de N.-S.. - Il renouvelle et confirme chaque jour son alliance avec nous: «os ex ossibus ejus» (Gn 2,23)11). Nous ne pouvons donc vivre qu'en sa sainte volonté et en la pu­reté qui convient aux membres de son corps sacré.

Mon Dieu, par l'intercession de St. Thomas de Cantorbéry, accordez-nous le retour de la société civile à la vérité. Que tout vous soit soumis comme tout doit l'être. Entretenez dans mon cœur le soin délicat d'éviter toute 36 souillure quelle qu'elle soit.

Nous sommes vos bien-aimés, Seigneur: «Induite vos sicut electi Dei, sancti, delecti» (Col 3,12). Que ce soit notre seule gloire et que nous sa­chions vous sacrifier tout ce qui est périssable et vain.

Mon Dieu, l'année qui vient de s'écouler, a été pour moi très abon­dante en grâces, je vous en remercie. J'aurais dû la passer dans la plus pure union avec vous, et j'ai trop souvent laissé renaître l'inextinguible concupiscence. Pardonnez-moi. Fortifiez-moi pour l'avenir. Vous con­naissez ma faiblesse, donnez-moi des grâces en conséquence 37. O Ma­rie, ô ma mère, conservez-moi! Si je tombe, relevez-moi!

39 Seigneur, votre bonté nous a préparé de grandes grâces pour cette année. Répandez vos bienfaits sur l'Eglise, sur les peuples, sur les miens, sur votre enfant. Je souhaite que votre règne arrive! Ne repous­sez pas nos indignes prières.

Vous avez aimé la souffrance12), Seigneur, et la contradiction, pour la gloire de votre Père et pour notre salut: «Praecepit ne cui dicerent, hoc dicens: quia oportet Filium hominis multa pati et reprobari 40 et occi­di» (Lc 9,22). Si nous vous imitons, nous serons couronnés avec vous. «Dicebat autem ad omnes: si quis vult post me venire… tollat crucem suam quotidie… Qui me erubuerit, erubescam eum…» (Lc 9,23 et 26).

Dans votre gloire même, Seigneur, vous êtes préoccupé de notre sa­lut: «Dicebant excessum quem completurus erat in Jerusalem» (Lc 9,31). Comment notre cœur ne répondrait-il pas au vôtre? «sic nos amantem, quis non redamaret?»13).

«Omnia et in omnibus Christus» (Col 3,11). Il nous suffit, Seigneur, de vous voir sans cesse pour marcher droit. Vous nous appelez au bien, comme rémunérateur, vous nous 41 éloignez du mal comme juge, et vous gagnez notre cœur comme père, ami, frère, époux. Augmentez en moi cette vie surnaturelle en vous. Augmentez surtout mon amour. «Super omnia caritas, vinculum perfectionis» (Col 3,14).

L'union avec vous, ô mon Dieu, devrait être facile, après les grâces du St. Sacrifice. Elle doit être continue, sans calcul. Elle doit être réveillée par la prière, l'oraison, l'examen.

Les bergers viennent dans leur pauvreté figurer à Bethléem la synago­gue qui finit, et les mages dans leur richesse la gentilité qui va recevoir les faveurs de Dieu. Que votre règne arrive, ô mon Dieu, 42, parmi ces nations maintenant si éloignées de vous!

Combien est pernicieuse l'habitude de s'inquiéter de la réforme des autres et pas de la sienne! C'est là le fond de l'esprit du siècle.

Eternité, Eternité! Quelle folie de s'arrêter à une autre pensée! Pour chaque acte de vertu, nous jouirons mieux de Dieu pendant l'éternité. Ne perdons pas de temps à critiquer autrui. Laissons la sollicitude à qui de droit: «qui praeest in sollicitudine» (Rm 12,8). Réformons-nous sans cesse.

«Oportet sapere ad sobrietatem. Omnia membra non eumdem actum habent» (Rm 3,4). Laissons de côté toute sollicitude inutile pour 43 bien faire ce que Dieu veut de nous. «Reformamini in novita­te sensus vestri, ut probetis quae sit voluntas Dei bona, et beneplacens et perfecta» (Rm 12,2).

Votre enfance, Seigneur, n'avait pas de grandeur apparente, mais sous le voile de votre humilité, il y avait votre majesté, votre puissance, votre amour. De même, sous les espèces eucharistiques à l'autel et à la communion, j'ai véritablement devant moi et en moi votre grandeur, votre bonté, vostre puissance.

Mon Dieu, c'est vous-même, l'infini, l'éternel, vous dont toute la création n'est qu'une faible manifestation, qui venez à moi à l'autel; c'est vous 44, dont toutes les merveilles créées ne sont que l'ombre. C'est vous, ô mon Sauveur, qui êtes descendu du ciel, vous qui étiez au Cénacle et au Calvaire, vous qui sanctifiez et vivifiez l'Eglise, c'est vous qui vous donnez à moi. Combien je suis riche pour honorer votre Père et enrichir les vivants et les morts.

Après votre entrée triomphale au ciel, Seigneur, vous daignez encore venir à nous, vous, devant qui il a été dit: «Elevamini portae aeternales et introibit rex gloriae, Dominus virtutum, Dominus potens in praelio» (Ps 23, 7-8).

«Servi inutiles sumus» (Lc 17,10). L'Eglise n'a pas besoin des hom­mes. Faisons ce qu'elle demande de nous par nos supérieurs, avec la persuasion 45 que nous sommes des serviteurs inutiles. Faisons bien ce que nous avons à faire sans songer à l'avenir.

Puisse je, Seigneur, pratiquer toute ma vie les vertus de votre aimable enfance! Comme vous étiez doux et fort en même temps! obéissant et ac­tif! Quelle délicieuse vie que celle de Marie et de Joseph auprès de vous! (J'assiste aujourd'hui au beau discours de Mgr Pie sur l'Eglise, à St­-André de la Vallée).

Quel bel hommage vous est justement rendu, ô mon Dieu, par les créa­tures: tout ce qu'il y a de pur et d'éclairé sur la terre vous loue, et les impies eux-mêmes sont contraints de se rapprocher de vous aux 46 meilleurs moments de leur vie.

«Et Jésus proficiebat sapientia, aetate et gratia apud Deum et homi­nes» (Lc 2,52). Nous croissons en âge à chaque instant: le passé n'est plus, l'avenir n'est pas encore, et le présent cesse en même temps qu'il commence. Croissons-nous aussi en grâce? Il le faut: «usque ad virum perfectum» (Eph 4,13). Le meilleur moyen, c'est l'amour de Jésus, qu'il faut avoir en tout. «Sic nos amantem, quis nos redamaret?».

Mon Dieu, le temps que nous aurons pour mériter ne sera jamais bien long, il importe de n'en pas perdre un istant14). Nous pouvons marcher sans inquiétude, votre douce Providence ménage tous les évènements pour 47 notre sanctification et nous appellera au jugement au moment le plus favorable.

Quel grand acte que le saint sacrifice! Entre Dieu et le prêtre se parta­ge le monde. Dans le cœur du prêtre est le monde qui souffre, qui sup­plie, qui adore; dans le Cœur de Jésus est tout le ciel qui bénit. Tous nos amis du ciel chargent Jésus de nous apporter leurs dons. Avec Pierre, Seigneur, je vous rends le témoignage de ma foi et de mon amour: «Tu es Christus, Filius Dei vivi (Mt 16,16). - Domine, tu scis quia amo te» (Jo 21,15).

«Consolatus sum in adventu Titi» (2 Cor 7,6). Que nos amitiés soient saintes et elles seront éternelles, et l'absence des amis nous sera moins sensible 48, parce qu'ils nous seront toujours présents dans le Cœur de Jésus.

«Quomodo fiet istud?» (Lc 1,34). Marie n'hésite pas entre la virgini­té et la gloire d'être la mère du Messie. Sa grande préoccupation, c'est sa pureté. Elle a donc en horreur tout ce qui pourrait la compromettre. Imitons-la.

Quelle force admirable dans sainte Agnès! Unissons-nous aux élans d'amour de ces saints. Récitons avec eux les psaumes, les prières de la li­turgie, les noms de Jésus et de Marie.

C'est vous, Seigneur, le même qui êtes plein de vie, de puissance et de gloire dans le ciel, vous que le ciel adore et prie pour le salut de votre Eglise; c'est vous 49 qui venez vous donner à moi, vous offrir à votre Père avec une prière toute-puissante: Sauvez votre Eglise, vos amis, vos enfants15).

«Desponsatio est B.M.V.». Ce sont les épousailles de Marie notre mère. Réjouissons-nous avec notre frère Jésus. Marie qui s'était consa­crée au Temple, a été conduite au mariage par la volonté de Dieu; ren­dons grâces à Dieu avec elle d'avoir été amenés à Rome à la source de la vérité et loin des préjugés et des passions qui entraînent dans l'erreur les hommes les plus éminents de notre France.

O Eglise catholique, que tu es aimable! Tu es née du Côté de mon Sauveur, comme Eve du côté d'Adam, et le Christ a dit 50 de toi: «l'os de mes os et la chair de ma chair» (Gn 2,23)16). Tu es aimable de l'amabilité du Christ ton chef et dé tous les Saints, tes membres. Tu as toutes les grandeurs, toutes les tendances au bien, toutes les puretés. Tous les efforts de la nature pour reconquérir la noblesse de sa première création sont ton œuvre.

St. Paul, obtenez-nous quelque chose de ce zèle que vous aviez pour glorifier le nom du Sauveur Jésus17). Vous viviez de sa grâce et de son amour et vous étiez dans sa main un instrument docile. Obtenez-moi la même grâce dans les proportions des desseins de Dieu sur moi.

«Jerusalem, Jerusalem, quoties volui congregare filios tuos» (Lc 13,34) 51. Seigneur, que de fois, dans votre tendresse, vous avez voulu réunir à votre service toutes mes forces et mes facultés, et cela pour mon bonheur «Compelle me intrare» (Lc 14,23).

Nous vivons en Dieu, en sa grâce, en son Esprit-Saint, nous nous mouvons avec lui et par lui, il faut régler en conséquence notre maintien et nos actions.

Nous ignorons le nombre d'années, de mois, de jours, qui nous est donné, mais il est certainement compté et fort restreint. Ne négligeons donc aucun de ces moments, qui nous sont donnés pour nous ouvrir le ciel, et nous y préparer une félicité éternelle.

52 Quelle belle fête ce fut dans la sainte Famille que ces relevailles! Comme Marie s'attacha plus fortement encore à la pureté et comme elle, croissait en grâce et en charité pour se préparer à devenir la mère de l'Eglise naissante! Jésus s'offrait à son Père avec toutes ses œuvres et celles des siens, tant de peuples, tant d'âmes sanctifiées, tant de victoires remportées par chaque âme.

Ce qui doit le plus nourrir notre pensée, avec les mystères du Sau­veur, c'est sa vie eucharistique et sa vie dans l'Eglise, son corps mysti­que. Nous avons encore présentes les merveilles de l'Ancien Testament 53, nous repassons chaque année les mystères de la vie de Notre-Seigneur et nous avons près de nous sa vie eucharistique et sa vie dans l'Eglise, et nous sommes déjà à la porte de l'éternité. Que de lumiè­res et de grâces!

«Electi Dei, sancti, dilecti» (Col 3,12). Vous m'avez considéré de toute éternité, ô mon Dieu, et vous m'avez aimé; vous avez désiré ma sanctification et vous voyez avec déplaisir toutes les taches de ma vie. Aidez-moi, sanctifiez-moi, ne m'abandonnez pas. C'est au temple, Sei­gneur, que l'on vous trouve; c'est dans l'oraison, le recueillement, le si­lence et la séparation d'avec les créatures18). C'est dans mille petits sacri­fices que vous récompensez 54.

justice et vérité. - Se tenir comme il est juste devant Dieu, dans l'oraison, à l'autel. Devant le prochain, l'estimant, le respectant, ne nous préférant pas à lui; n'aimant dans les hommes que ce qui est selon Dieu et dans l'ordre que Dieu veut.

Soyez en tout mon modèle, ô mon Sauveur. Que je vous voie sans ces­se auprès de moi, m'indiquant la voie et la vérité! Que je me conforme à votre modestie et à vos saintes affections!

Ce n'est pas pour trouver de la douceur dans la piété, qu'il faut vous aimer, Seigneur, mais parce que vous êtes infiniment aimable et le plus généreux des bienfaiteurs. - Il ne faut pas chercher dans l'amitié des hommes 55 un plaisir sensible, mais leur salut et le nôtre.

La dignité du prêtre est immense et les secours qu'il reçoit sont en proportion; mais il ne peut y correspondre que par la voie tracée par les Saints, voie du recueillement, de la mortification, de la paix.

Il faut que toutes mes affections soient surnaturalisées et elles le seront si en elles je ne cherche que le salut des âmes, leur amélioration, leur union à Dieu, la paix surnaturelle et la gloire de Dieu.

«Omnes currunt, unus accipit bravium» (1 Cor 9, 24). Quelle folie de s'arrêter à des riens! «Qui currunt in stadio, ab omnibus se abstinent et quidem propter mercedem temporalem» (idem)19).

Quid ad aeternitatem? Quid ad amorem?» Que sont chacune de 56 nos actions pour l'éternité? Comment répondent-elles à l'amour de Dieu pour nous? Tout le reste est vanité.

«Exauditus est pro sua reverentia» (Heb 5,7). Combien la prière est nécessaire, précieuse, sainte! Vous nous l'avez enseigné, Seigneur, verbo et exemplo. Vous passiez de longues nuits dans ce saint exercice20), «cum clamore valido et multis lacrimis» (idem), et vous étiez exaucé. Donnez­nous, Seigneur, l'esprit de prière.

Quelles saintes fonctions que nous envient les anges, de traiter si fami­lièrement avec notre Dieu! Les anges l'adorent et nous nous entretenons avec lui et nous lui exposons tous nos besoins et toutes les prières de nos amis et nous ne 57 faisons presque qu'un corps et une âme avec lui.

Pour être uni à Dieu à l'autel, il faut l'être dans la journée par le re­cueillement et la vue des choses en Dieu. Il faut à chaque instant faire la volonté de Dieu et chercher sa gloire et le salut des âmes.

Comme le prêtre devrait reproduire la vie de Notre-Seigneur! Il le re­présente, il s'en nourrit. Par cette vie seule il travaille pour l'éternité. Tout le reste est vanité. Et il s'expose à tomber si bas! «Optimi cujusque pessima corruptio».

«Diligatis invicem, sicut dilexi vos» (Jo 13,34); avec la même fin, le même ordre, la même générosité, la même pureté 58.

St. Paul, vous qui aimiez tant Notre-Seigneur, et ne pouviez pas vous rassasier de dire son nom si doux, obtenez-nous la grâce de ne pas nous arrêter dans le stade, mais de courir comme vous «ut compre­hendamus» (1 Cor 9,24)21).

59 J'ai suspendu ici mes notes quotidiennes sur ce cahier. Le Conci­le m'absorbait tout! J'ai écrit sur deux autres cahiers mes notes sur le Concile, au point de vue doctrinal, historique et ascétique22).

3 - Prémisses à la Capelle

4 - Retraite d'octobre par M. Gi­bert

13 - Renouvellement des grâces d'ordination

18 - Union à N.-S. comme victi­me

21 - Le Concile

23 - Ouverture

24 - Jésus seul

27 - Aimer Jésus et le faire aimer

28 - Anniversaire d'ordination

34 - St. Jean

39 - Que votre règne arrive

40 - Union à Dieu

43 - L'Eucharistie

45 - Discours de Mgr. Pie

47 - La messe

49 - L'Eglise

53 - L'union à N.-S.


1)
On retrouve une étonnante similitude de style et de procédé d’exposition entre cette méditation et celle du 13 décembre 67, c’est-à-dire la première des NQ.
2)
Cf. 25 février 1868.
3)
Cf. 4 mars, 6-7 juin 1868, résolutions identiques.
4)
Cf. 3 juin 1868, 1, 6 novembre, 3 décembre 1869.
5)
Cf. 3 novembre 1869.
6)
Cf. 1 février 1868.
7)
Cf. 15, 16 juin 1868.
8)
D’ici le 15 décembre, on ne comptera pas moins de douze citations de la lettre aux Colossiens.
9)
Cette agitation renvoie à la lutte, venant surtout de France et d’Allemagne, con­tre l’infaillibilité pontificale.
10)
Cf. 22 novembre 69, 18 mars 68.
11)
Cette inhabituelle exégèse du texte de la Genèse, se lisait déjà les 18 novembre et 21 décembre de la même année.
12)
En 1868 déjà, l’année commençait par une méditation sur la souffrance du Christ (1 janvier).
13)
Cf. 16 janvier 70.
14)
Cf. 28 janvier 70.
15)
Par le style et par le fond, cette méditation continue celle du 11 janvier 1870.
16)
Cf. 28 décembre 69.
17)
Cf. 20 février 70.
18)
Cf. 14 janvier 68.
19)
Cf. 20 février 1870.
20)
Cf. 24 novembre 1869.
21)
Dans le manuscrit, la note du 20 février se trouve en haut d’une page non­numérotée. Puis viennent des points de suspension; enfin un trait barre le reste de la page qui reste blanche. Sur la page suivante, toujours non-numérotée, nous trouvons la remarque ci-jointe, non datée.
22)
Les deux cahiers auxquels le P. Fondateur fait allusion ici ne sont pas ceux des Notes sur l’Histoire de ma Vie (NHV), comme le croit le Père Yves Ledure; il s’agit des originaux qui se trouvent dans les Archives Dehoniennes.
  • nqtnqt-0001-0002.txt
  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
  • przez 127.0.0.1