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NOTES QUOTIDIENNES 2ème Volume

Ce deuxième volume de Notes Quotidiennes du P. Dehon commence par le récit de son voyage en Afrique du Nord (Tunisie, Algérie) et en Italie méridionale (Sicile, Calabre, Basilicate, Pouilles). Ce périple commence à Naples, le 11 mars 1894 et se termine à Manfredonia, après la visite au sanctuaire de St-Michel Archange du mont Gargano, le 2 avril 1894.

Sur le chemin du retour le Père Dehon s'arrête à Lorette où il célèbre la messe dans la Sainte Maison (3.4.1894). Nous connaissons la profon­de dévotion du P. Dehon pour la Madone de Lorette. En effet, pendant le voyage en Italie effectué en compagnie de Mgr Thibaudier et de M. Mathieu, en février 1877, il a reçu, dans la Sainte Maison, une illumina­tion toute particulière au sujet de la fondation des Oblats du Cœur de Jésus. De Lorette précisément il écrit dans une lettre du 3 avril 1894 adressée au P. Falleur: «C'est là qu'est née la Congrégation en 1877» (AD, B 20/3).

De Lorette, il poursuit son voyage pour Padoue et, passant par Véro­ne, le Lac de Garde et Brescia, arrive à Milan, Monza, le Lac Majeur, Zurich, Bale, Paris, où, à Montmartre, il rend grâce à Dieu de son beau voyage; et, enfin, il rentre à St-Quentin.

Afin que le lecteur puisse suivre facilement le P. Dehon dans son voyage et retrouve les lieux, les villes et les villages qu'il avait visités, nous avons reproduit des cartes géographiques du temps du P. Dehon. En effet, nous conservons le «Guide touristique» dont il s'est servi: Algé­rie et Tunisie par Louis Piesse, «Collection des Guides - Joanne», Lib. Hachette et Cie, Paris 1891 et aussi l'édition, appartenant au P. Dehon, du Nouveau Larousse Illustré, Dictionnaire Universel, publié sous la direc­tion de Claude Auge, Lib. Larousse, Paris, 7 vol.

Le récit du voyage en Afrique du Nord et en Italie méridionale fut pu­blié par le P. Dehon dans un livre intitulé La Sicile, l'Afrique du Nord et les Calabres, Casterman, Paris-Tournai, 296 p. L'imprimatur date du 10 décembre 1897.

Ce deuxième volume contient dix cahiers de Notes Quotidiennes, du 7e au 16e, couvrant une période, très importante et tourmentée, de la vie du P. Dehon: du 12 mars 1891 au juin 1901.

Le 16 mars 1890, faisait sa solennelle entrée dans le diocèse de Sois­sons le nouvel évêque, Mgr Jean-Baptiste-Théodore Duval, autoritaire et prévenu contre le P. Dehon assisté par deux vicaires généraux, les chanoines Mignot et Cardon, qui ne s'étaient jamais montrés favorables au P. Dehon.

Déjà le 22 mars 1890, le P. Dehon note dans son Journal: «Mgr Du­val est rempli de défiances. Il retourne le fer dans la plaie de mon cœur. Fiat. Fiat» (NQ IV, 104 v). Le 7-8 mai de la même année: «J'apprends les préjugés qu'on a en haut lieu (à Soissons) contre moi et contre l'œuvre. Nous ne valons pas cher, il est vrai, mais comme on enchérit encore sur nos défauts! On nous procure la grâce d'expier le passé et de souffrir un peu pour la justice» (NQ V, 4r) et le 19-27 août 1890: «Jours d'épreuve, en réalité, jours de purification et de grâce. L'évêché et l'opi­nion publique parlent de changement à St Jean, de départ prochain et définitif. L'humiliation arrive sous mille formes. Ce brisement prépare les grâces de la retraite» (faite à Fourdrain du 31 août au 6 septembre) (NQ V, 11 v).

Des rapports malveillants et calomnieux continuent à arriver à Mgr Duval: on veut que le P. Dehon cède la direction du collège St-Jean à un prêtre du diocèse, on veut son départ de St-Quentin et, puisqu'il n'est pas possible obtenir la suppression de sa congrégation, on veut le rem­placer comme supérieur général. Le P. Germain Blancal aspire à cette charge et il a le soutien des Pères de la maison du Sacré-Cœur, la maison-mère, outre celui de l'évêché de Soissons.

Nous ne voulons pas reprendre ici toutes les vicissitudes de ces années, que le P. Dehon décrit comme plus douloureuses que celles du «Consum­matum est» (cf NQ IV, 86 v). Pour un exposé plus détaillé nous ren­voyons à la biographie: Leone Dehon e il suo messaggio, par G. Manzoni, scj. Bologna 1989, pp. 261-283.

Toutefois, il nous semble utile d'évoquer les événements les plus im­portants, en particulier, après le troisième Chapitre Général, tenu à Fourdrain (du 6 au 7 septembre 1893). Déjà en juillet 1893, le P. Dehon écrit dans son journal: «Epreuves: dénonciations, calomnies, jours de souffrances… Domine, adjuva nos» (NQ VI, 32r - 32v: 1-15 juillet 1893). A la fin août 1893, il écrit encore: «Epreuves et inquiétudes, d'accusations, de calomnies… Je vais à Montmartre passer quelques heures le 22: J'y reçois des grâces bien sensibles de lumière, de force et de paix. Le Cœur de Jésus est toujours miséricordieux…» (NQ VI, 36 v: 20-30 août 1893).

Le troisième Chapitre Général de Fourdrain, imposé par Mgr Duval un an avant la date normalement prévue (1894), avait manifestement pour but de destituer le P. Dehon et de préparer l'élection du P. Blancal comme su­périeur général. Le chapitre, commencé dans un climat orageux - écrit le P. Dehon - se termina dans le calme (cf NQ VI, 36v - 37r). Mais ce n'était qu'une bonace; parce que la tempête éclata et les oppositions se déchaînèrent et durèrent jusqu'au quatrième Chapitre Général.

Trois sont les principales causes de ces douloureuses épreuves: la bon­té du P. Dehon envers les enfants et les jeunes, exprimée souvent par des gestes d'affection; l'opposition du clergé diocésain pour des raisons de jalousie et d'intérêt (le collège St-Jean et le patronage St Joseph faisaient envie); l'opposition au sein même de la congrégation de la part du P. G. Blancal et ses partisans à la maison du Sacré-Cœur.

Après la longue retraite de Braine (17 octobre - 15 novembre 1893), le P. Dehon renonce à la direction du collège St-Jean. Le 20 novembre, il écrit dans son journal: «Jour de sacrifice. Je quitte l'Institution où j'ai vécu pendant 16 ans, pour habiter la maison du S.-Cœur. J'ai le cœur bien gros et les yeux pleins de larmes. C'est une étape dans ma vie. Pen­dant ces 16 ans, que de grâces reçues, mais aussi que de fautes commi­ses. Des tentations de découragement m'assaillent, mais j'ai voué au Cœur du Bon Maître un amour confiant. Je me jette à ses pieds et j'ose aller jusqu'à son Cœur» (NQ VI, 40 r).

Le P. Dehon aimait beaucoup les élèves du collège St-Jean, qui le payaient de retour. Il avait l'habitude de manifester sa bonté paternelle par une caresse, une tape amicale sur la joue, une légère pression de la main sur le bras ou en les serrant légèrement contre soi, et, parfois, par un baiser sur le front. C'étaient des moyens d'expression de sa bonté et il s'en servait sans distinction aucune. Si jamais il avait des préférences, c'était à l'égard de ceux qui s'orientaient vers le sacerdoce ou la vie reli­gieuse. Il avait un grand ascendant sur les élèves et, si d'abord il sem­blait leur en imposer, il gagnait bien vite leur confiance. Tous les an­ciens élèves du collège St-Jean sont toujours unanimes dans leur convic­tion d'avoir été beaucoup aimés par le P. Dehon. D'où leur indignation quand ils apprirent les insinuations malveillantes que l'on faisait à son sujet. Ils les définirent comme de véritables calomnies.

Certes, à l'origine de ces faux bavardages il y a quelques anciens élè­ves du collège St Jean, déjà corrompus, que le P. Dehon avait dû éloi­gner et qui ont fini par se venger de façon ignoble en le calomniant. On doit aussi tenir compte de la violence de l'anticlèricalisme en quelque sorte viscéral et de la lutte contre la religion en France et en Italie vers la fin du siècle dernier. De plus, les détracteurs étaient bien récompensés.

A propos de l'un d'eux le P. Dehon écrit dans un manuscrit intitulé «Via Crucis»; «Des Pères se sont laissés gagner par un gamin G… J… (Gaétan Jumet), instrument de Satan (suicidé après deux divorces) par de grossières calomnies contre moi» (AD, B 36/6, p. 9-10). Nous som­mes en 1896, au temps du quatrième Chapitre Général de St-Quentin et, d'après une lettre du P. Dehon au P. Falleur, nous savons que Jumet agissait pour de l'argent (Ad, B 20/3, lettre du 12.7.1897).

Hélas, il arriva au P. Dehon de tomber non seulement sur de tels élè­ves mais également sur des professeurs et des assistants corrompus et corrupteurs qui le forcèrent à des solutions drastiques et douloureuses. La majeure partie des responsabilités de ces collaborateurs finissait par retomber sur le P. Dehon. Les incidents scabreux constituaient une friandise recherchée pour les ragots de sacristie et trouvaient facilement accueil auprès du haut clergé et même auprès de l'évêque, Mgr Duval.

Une autre cause de douloureuses épreuves qui s'abattirent sur le P. Dehon de 1889 à 1896, fut la jalousie d'une partie du clergé de Soissons et ses visées intéressées. Le P. Dehon réussit à sauver le collège St Jean, mais, en 1896, dut sacrifier le patronage St Joseph. Le 24 juillet, il écrit dans son journal: «L'évêché prend une décision pénible pour moi. Il confie le patronage St Joseph à M. Mercier. Il y avait 25 ans que j'avais fondé cette œuvre. J'y avais mis des sommes importantes. Je m'y étais dépensé avec toute l'ardeur de mon sacerdoce encore jeune. Il me sem­blait que cette œuvre devait toujours rester entre les mains de notre con­grégation. L'autorité diocésaine en décide autrement. Fiat! Sic vos non vobis…» (NQ XI, 65 v).

Après le patronage St Joseph, le collège lui aussi passera au diocèse, au moment de la loi sur les associations, votée le 1.7.1901, qui frappa la plupart des congrégations religieuses.

Les contrastes au sein même de la congrégation avaient leur centre et leur pivot dans le P. Germain Blancal et cinq pères de la maison du Sacré-Cœur de St-Quentin. Malgré le soutien de Mgr Duval, leur campagne menée contre le P. Dehon, en particulier, lors des deux chapitres généraux (celui de Fourdrain, de 1893 et celui de St-Quentin, dé 1896), jusqu'à la tentative d'une scission, se termina par une défaite. L'esprit de bonté, de longanimité et de modération du P. Dehon remporta la vic­toire. La Providence intervint, elle aussi, par la maladie et la mort de Mgr Duval, le 23 août 1897.

Dans les années 1894-1901 s'affermit également l'apostolat des mis­sions de la congrégation, avec la grande mission du Congo (1897). La mission de l'Equateur, commencée en 1888 s'était terminée par un échec et par l'expulsion des Dehoniens, en 1896, provoquée par la ma­çonnerie.

Le 25 mars 1897, le P. Dehon fait connaissance à Rome du ministre des affaires étrangères du Congo Belge (Zaire), le baron Eetvelde, et re­çoit l'invitation à fonder une mission en Haut Congo, à Stanleyville (Ki­sangani).

Le P. Dehon pense immédiatement au P. Gabriel Grison, un vérita­ble missionnaire, expulsé de l'Equateur en 1896. La mission du Haut Congo est beaucoup plus difficile que celle de l'Equateur, mais, dit le P. Grison, un soldat va partout où il est envoyé.

Ainsi, en compagnie du P. Lux il s'embarque à Anvers le 6 juillet 1897 mais finit par rester seul (son compagnon contracte la fièvre palu­déenne et doit rentrer en Europe), seul dans la forêt équatoriale. Toute­fois il commence son apostolat à St-Gabriel et, à Noël 1897, inaugure la première chapelle. Le Père Gabriel Grison deviendra vicaire apostolique et évêque (1908) de cette mission.

Les années 1894-1901 sont également celles du plus intense apostolat du P. Dehon. Le 6 septembre 1888 il avait reçu de Léon XIII la mission de prêcher ses encycliques (cf NHV XV, 82). Le 15 mai 1891, était pu­bliée l'encyclique Rerum Novarum et, le 15 février, paraissait l'encyclique Au milieu des sollicitudes, sur la diversité des régimes politiques et sur le «ralliement» des catholiques à la IIIe République. Désormais, le chemi­nement du P. Dehon dans les domaines social et politique est sûr. Doré­navant il ne sera ni conservateur ni monarchiste, mais démocrate et ré­publicain, suivant les directives de Léon XIII.

En ce qui concerne le clergé de son temps, le P. Dehon fonde ses espé­rances d'apostolat social quasi exclusivement sur les jeunes prêtres et sur les séminaristes. Le reste du clergé est, dans sa grande majorité, privé de toute sensibilité à l'égard des problèmes sociaux, non pas par égoïsme, mais par une habitude pour ainsi dire innée. Le Père Dehon eut beau­coup à souffrir de l'apathie et de l'incompréhension du clergé de son temps.

En 1895, introduisant la seconde partie du Manuel social chrétien, il écrit: «Il faut aller au peuple! Il le faut! le mot est de Léon XIII». Cet appel s'adresse surtout aux prêtres: «Ils ne peuvent pas rester enfermés dans leurs églises et leurs presbytères… Il ne suffit pas de porter au peu­ple la parole qui instruit et qui console, il faut s'occuper de ses intérêts temporels et l'aider à organiser des institutions qui suppléent aux corpo­rations disparues…». «Que partout on agisse sans plus consommer un temps précieux en de stériles discussions!». C'est l'exhortation de Léon XIII aux ouvriers français, en 1891.

Hélas, des découragés et des abattus parmi les prêtres d'un certain âge il y en a une quantité. Selon eux, «il n'y aurait rien à faire… Non, Messieurs, je me refuse à voir là le dernier mot de notre situation. Hé­las! il n'y a que trop à faire!».

Le P. Dehon analyse, avec douleur et ironie, un manuel, un «manuel d'œuvres rurales», défini comme «excellent» et qui présente les hom­mes comme irrécupérables pour la religion, recommande des œuvres pour les femmes, pour les jeunes filles ou, tout au plus, des patronages pour les garçons et conseille de s'occuper des petits et des malades: «Il n'y a pas d'autre marche: c'est la règle, c'est la loi… c'est ainsi qu'a fait Notre-Seigneur. Voilà jusqu'où est allée l'illusion de prêtres pieux. Ils ont regardé grandir le mal. Ils ont assisté à l'apostasie de tout un peuple, et ils ont fait… des associations de jeunes filles».

Le P. Dehon conclut avec amertume: «Tel est l'esprit qui a régné dans beaucoup de nos diocèses, depuis 1825 ou 1830 jusqu'à nos jours… Et l'on s'étonne que le peuple ait fini par dire que la religion est faite pour les femmes et pour les enfants! Cette génération pusillanime nous a changé le Christ. Ce n'était plus le Christ des ouvriers: pauperes evan­gelizantur, le Christ qui exerçait son apostolat incessant auprès des pé­cheurs, des publicains, des hommes du monde: non veni vocare justos sed peccatores. Le lion de Juda est métamorphosé en une brebis timide» (OS II, 153-158, passim).

«Aller au peuple» signifie pour le P. Dehon faire confiance aux travail­leurs, ne pas agir à leur place, mais les aider à prendre conscience de leurs droits et de leurs devoirs, et surtout, ne pas les priver de la dignité de protagonistes de leur histoire, en particulier, dans le domaine syndi­cal. C'était un désaveu de tout paternalisme et l'exigence de réaliser la justice sociale. C'est un véritable mouvement social que s'organisait ain­si la «démocratie chrétienne».

Le jeune clergé, engagé dans le domaine social, entre dans l'histoire sous le titre d»`abbés démocrates». Parmi eux se fait remarquer un per­sonnage «exceptionnel et incontesté», Léon Dehon qui n'est plus tout jeune mais qui a su conserver la jeunesse de l'esprit. Il se distingue par l'équilibre de ses idées, par son courage pondéré, par son intelligente fi­délité aux directives pontificales, par la sûreté de sa doctrine, présentée avec clarté et avec une sérénité qui se refuse à de stériles polémiques (cf J. Morienval, dans Catholicisme, Hier - Aujourd'hui - Demain, III, 588).

En 1896, la «démocratie chrétienne», un mouvement typiquement social, est encore à ses débuts. Le P. Dehon le soutient avec enthousia­sme parce que le pape lui accorde son soutien: «Léon XIII est… le pre­mier démocrate chrétien» (OS III, 326).

Le P. Dehon participe activement à tous les congrès sociaux et ecclé­siastiques de l'époque et en défend l'utilité dans l'opuscule: Nos congrès, écrit sur l'ordre du card. Rampolla, secrétaire d'état de Léon XIII, et publié en 1897 avec Les directions pontificales politiques et sociales.

A partir de 1894, l'activité sociale du P. Dehon devient vertigineuse soit par le nombre de ses écrits de caractère social (bien six ouvrages pu­bliés entre 1894 - la première édition du Catéchisme social - et 1900 - la rénovation sociale chrétienne), soit par les réunions de Val-des-Bois, en particulier, celles des séminaristes et de jeunes prêtres; soit par les célè­bres conférences sociales, commencées à Rome en janvier 1897 et conti­nuées dans les années suivantes. Cette «vertigineuse» activité l'entraîne, malgré lui, dans le domaine politique. Il accorde son soutien au malchanceux effort d'Etienne Lamy, de conduire les catholiques unis aux élections de mai 1898. C'est le contraire qui se produisit. Dans ces élections précisément, les catholiques français donnèrent un piteux spectacle de leurs profondes divisions, favorisant ainsi les radicaux et les so­cialistes.

A cause de ce «Sedan électoral des catholiques français» (R. Prélot, L'œuvre sociale du chanoine Dehon, éd. Spes, Paris 1936, p. 245), «Léon XIII… éprouva une profonde douleur. L'apaisement qui, depuis six an­nées, avait permis aux œuvres catholiques de France un si bel épanouis­sement, qui avait ramené dans leurs couvents, leurs collèges, leurs novi­ciats, leurs chapelles tant de religieux expulsés depuis 1880, toutes ces heureuses conséquences de la politique du «ralliement», le Pape pres­sentait qu'elles allaient être anéanties» (G. Guitton, s.j., Léon Harmel­-II Après l'Encyclique «Rerum Novarum», Action Populaire Ed. Spes, 1933, p. 146).

Aussi, la «démocratie chrétienne», arrivée au sommet de la gloire en 1897, malgré encore quelques journées lumineuses s'achemine-t-elle en­suite inexorablement vers le déclin. Ce qui surprend c'est le fait qu'un mouvement aussi vital, ressenti comme une nécessité, en particulier par les ouvriers et par le jeune clergé, et soutenu par eux avec tant d'enthou­siasme, s'en aille en fumée et disparaisse dans l'obscurité.

Il est plus intéressant de faire le bilan de ces événements que d'en ana­lyser les causes. En les considérant dans la perspective historique, qui est certainement la plus appropriée et la plus exacte, et qui était celle de Léon XIII et du P. Dehon, nous nous apercevons que le passé a servi pour préparer l'avenir et les fruits en ont été cueillis après la première guerre mondiale (1914-1918).

Comme dans l'Evangile, la semence était tombée non seulement sur les endroits pierreux où elle avait aussitôt levé, mais également dans la bonne terre. La même démocratie chrétienne revivra grâce à l'initiative d'un laïc génial et très actif, Marc Sangnier; les «études sociales» de­viendront les «semaines sociales»; des lois sociales seront approuvées plus tard, et des initiatives et des œuvres sociales, qui n'étaient qu'en germe et assez modestes, vont se développer et deviendront adultes.

A propos de son apostolat social, le P. Dehon écrira dans son Journal (14.3.1912): «J'ai voulu aussi contribuer au relèvement des masses po­pulaires par le règne de la justice et de la charité chrétienne». Il évoque ses publications sur la question sociale, ses conférences, les nombreux congrès auxquels il a participé et ses voyages d'information. Désormais sa tâche est accomplie. Ses religieux prendront le relais: «Là aussi, le travail doit être continué. Les foules ne sont pas encore convaincues que c'est l'Eglise qui détient les solutions vraies et pratiques de tous les pro­blèmes sociaux» (LC, nn. 388-389).

G. Manzoni, scj.

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