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39e CAHIER

1915-1916

Voilà treize mois d'occupation. La prière reprend plus ardente et plus générale avec le mois du Rosaire. La guerre1) aussi se ranime plus terrible et plus implacable. L'expiation n'est pas encore suffisante. Il y a eu trop de crimes commis contre Dieu et contre l'Eglise, et les cou­pables sont encore au pouvoir. Je mets ma confiance en Dieu seul. Je relis une communication d'une âme mystique que le P. Lamour me transmettait en 1911. N.-S. aurait dit au 29 juillet 1902: «Mes petits amis, je vous préviens que je sauverai Sodome ensevelie dans les cri­mes, c'est la fille aimée de l'Eglise, 2 c'est le pauvre royaume de ma Mère immaculée, dont elle pleure tous les jours l'iniquité. Mes bien-­aimés, écoutez cette parole: je la sauverai, je l'ai promis, je le redis encore; je ferai pour la sauver des choses qui ne se sont jamais faites et ne se feront jamais… Oui, je la sauverai, mais il me faudra beaucoup de victimes, il me faudra beaucoup de sang…». Je ne sais pas ce que vaut cette communication, mais au fond elle répète ce que N.-S. a dit depuis un siècle aux âmes privilégiées: il sauvera la France après l'avoir châtiée.

«L'homme intime» t. II. Encore un beau livre. Il nous décrit la grâ­ce dans ses rapports avec la Divinité sous cinq figures principales que nous trouvons dans la 3 sainte Ecriture et dans la Tradition; par la grâ­ce , et plus parfaitement par la gloire: 1° nous devenons de nouvelles créatures, des hommes nouveaux; - 2° nous sommes des temples de Dieu; - 3° nous sommes enfants de Dieu; - 4° nous sommes les amis de Dieu; - 5° enfin la grâce constitue un divin mariage entre Dieu et l'â­me, et l'âme devient l'épouse de Dieu.

L'homme nouveau. - C'est l'homme élevé à la vie surnaturelle par la grâce avec les vertus et les dons qui sont comme les facultés de l'hom­me nouveau et la grâce du moment par laquelle ces facultés entrent en acte.

L'homme sanctifié par la grâce ou par la gloire est comme un mon­de nouveau que la raison n'aurait pu ni explorer, ni 4 même soupçon­ner… Et dans ce monde nouveau, Dieu est présent d'une manière nou­velle aussi.

L'homme temple de Dieu. - Dieu est présent partout. L'univers est son temple, le ciel aussi et nos sanctuaires - mais nos âmes sanctifiées par la grâce sont le sanctuaire tout spécial de la Sainte Trinité. Dieu est pré­sent partout par son essence, par sa puissance, mais il y a plus que cela dans la grâce: c'est par un contact direct, c'est par communication, par génération de similitude que la Nature divine nous marque de son empreinte et nous consacre.

Le rôle de la Nature divine en nous est d'agir et de s'unir, le rôle des divines Personnes est d'habiter. Habiter, c'est entrer en société, en intimité, en communications mutuelles. 5 La sainte communion a pour but d'accroître cette intimité. Après la sainte communion, la Sainte Trinité nous. est toujours plus présente et plus intime, et l'hu­manité même de N.-S. continue à agir en nous par le contact de sa puissance et de son influence.

Nos devoirs envers Dieu présent: nous devons laisser Dieu travailler à édifier cette demeure et l'y aider; nous devons l'y laisser habiter com­me chez lui, comme dans sa maison. Notre âme est le temple de Dieu, Dieu veut y voir régner la sainteté, la vertu, la modestie, le recueille­ment, la louange divine, la prière, le sacrifice. C'est un sanctuaire vivant qui est plus cher à Dieu que les temples de pierre et de marbre. 6

L'homme, enfant de Dieu. - Nous sommes enfants de Dieu par une génération spirituelle qui nous constitue dans la ressemblance de Dieu. Nous sommes, par la grâce, enfants de lumière et enfants d'a­mour. Notre vie spirituelle doit progresser sans cesse. Elle s'alimente par la vérité, par l'Eucharistie. Il n'y a pas seulement en notre âme la ressemblance de notre Père, mais notre Père lui-même y habite. Il nous regarde avec complaisance. Il est ravi de retrouver en nous sa res­semblance, sa beauté, sa pureté, sa sainteté, sa vie.

Quand Ste Marguerite de Cortone2) se convertit, N.-S. l'appelait: «Pauvre petite, poverina!». Mais quand elle se fut purifiée par les lar­mes et la confession générale, 7 il l'appela: « Ma fille!» et elle tomba dans une extase d'amour. O mon Père, pardonnez-moi toutes mes infidélités.

L'homme, ami de Dieu. - Il faut une égalité de proportion entre les amis. Le Verbe s'est abaissé jusqu'à nous pour nous élever par la grâce jusqu'à la Divinité.

L'amitié se prépare par des provocations d'amour. C'est d'abord l'humanité du Verbe qui nous provoque: - 1° Bonté du Verbe se faisant homme et vivant trente-trois années pour nous. - 2° Jésus en croix par amour pour nous. - 3° Bonté de Jésus se faisant notre aliment, notre voisin, notre compagnon de route. - 4° Bonté et amour de Jésus nous attendant au ciel.

Provocations de la Divinité: - 1° Dieu créateur par amour: 8 il nous donne la vie et crée toute la nature pour embellir notre existence. - 2° Il crée l'ordre surnaturel, la grâce et la gloire, et avec elles il se donne lui-même. - 3° Il nous donne la vérité qui provoque notre foi. - 4° Ses promesses appellent notre confiance. - 5° Sa bonté, révélée et connue, provoque notre amour. - 6° Sa bonté est toute belle, elle est aimable. - 7° Elle est joyeuse et provoque la joie et la paix. - 8° Elle est puissante, active, empressée, fidèle…

Comment devons-nous répondre à tant d'amour? Les actes de l'a­mitié, d'après St Thomas: 1° Penser à l'ami; 2° vouloir du bien à l'ami; 3° vouloir être et vivre à Dieu; 4° vie en union et cœur à cœur; 5° juger les choses comme lui; 9 6° partager ses joies et ses souffrances…

A propos de l'amour de Dieu, St François de Sales3) a ces gracieuses réflexions, qui nous aident à comprendre nos relations d'amour avec Dieu: «Certes, Philothée, ceux-là n'ont pas bien rencontré qui ont estimé que la seule ressemblance était la convenance qui produisait l'a­mour; car qui ne sait que les vieillards aiment tendrement et cherchent les petits enfants, et que les petits enfants aiment réciproquement les bons anciens; que les savants aiment les ignorants, pourvu qu'ils soient dociles, et que les malades aiment leurs médecins? Je pense donc, chè­re Philothée, que la convenance qui cause l'amour ne consiste pas toujours en la ressemblance, mais en la proportion et correspondance 10 de l'aimant et de la chose aimée. Le médecin aime le malade et le savant son apprenti, parce qu'ils peuvent exercer leurs facultés sur eux. Les vieillards aiment les enfants, non pas pour avoir de la sympathie avec eux, mais parce que l'extrême simplicité, faiblesse et tendresse des uns, rehausse et fait mieux connaître l'extrême prudence, fermeté et assurance des autres. On est bien aise de sentir les avantages qu'on a sur les moindres, et cette dissemblance est agréable. Au contraire, les petits enfants aiment mieux les vieillards, parce qu'ils les voient amusés et embesognés d'eux». O mon Dieu, ne suis-je pas devant vous comme le malade, l'apprenti et l'enfant sont devant le 11 médecin, le maître et le vieillard? Accordez-moi votre amitié bienveillante.

St François d'Assise4) a bien chanté les provocations de la nature à l'amour: «Le ciel et la terre me crient sans cesse, toute créature me crie que je dois aimer. Chacune d'elles me dit: de tout cœur aime, aime l'amour qui n'a pas dédaigné de t'étreindre lui-même; l'amour soupire après toi; toutes, il nous a créées pour t'attirer à lui. Oui, je vois abonder sans mesure la douceur et l'amabilité de cette lumière attrayante qui se répand en tout lieu… Loué soit Dieu mon Seigneur pour toutes ses créatures et spécialement pour notre frère glorieux, le soleil. Seigneur, il est vraiment votre image… Loué soit 12 mon Seigneur pour notre soeur la lune et pour les étoiles… Loué soit mon Seigneur pour notre frère le vent, pour l'air, les nuages, la sérénité et toutes les saisons… Loué soit mon Seigneur pour notre soeur l'eau, qui est très utile, humble, précieuse et pure… Loué soit mon Seigneur pour notre frère le feu… Il est beau, il est délicieux, il est puissant et fort… Loué soit mon Seigneur pour notre mère la terre. Elle nous don­ne les aliments, elle soutient nos pas, elle produit des fruits divers, des fleurs aux couleurs variées… Loué soit mon Seigneur pour les souf­frances elles-mêmes qu'on endure avec patience et pour notre soeur la mort à laquelle on ne peut échapper…». 13

Mais c'est surtout la vie de N.-S. et par-dessus tout sa passion, qui provoque l'amour. «Le Christ si beau, s'écriait St François, m'a entraîné tout entier; je m'embrase en le voyant et je pousse un cri d'a­mour: Amour que tant je désire, ah! fais-moi mourir d'amour!… La sagesse n'a pas su te contenir ni t'empêcher de répandre sans cesse l'a­mour. Tu naquis de l'amour et non de la chair, ô Amour incarné, afin de sauver l'homme. Pour nous embraser, tu as couru à la croix… Là ne peut se trouver que l'amour; le regard et la volonté, tout est enchaîné par l'amour sur la croix; l'homme est étreint dans un amour immen­se …».

En face des souffrances du Sauveur, notre amour se manifeste par 14 la compassion et la réparation. N.-S. nous en sait gré et il en est touché. «Soyez bénis, disait-il à la B. Angèle de Foligno5), vous qui avez partagé et pleuré ma passion. Soyez bénis, vous qui avez été trouvés dignes de compatir à ma torture, à mon ignominie, à ma pauvreté. Soyez bénis, ô fidèles mémoires qui gardez au fond de vous le souvenir de ma passion! Ma passion, unique refuge des pécheurs; ma passion, vie des morts; ma passion, prodige de tous les siècles, vous ouvrira les portes du royaume éternel… Dans les siècles des siècles, vous qui avez eu pitié, vous partagerez la gloire!

Soyez bénis… Je suis venu chez moi et au lieu de me repousser com­me un persécuteur, vous 15 avez offert au Dieu désolé l'hospitalité sacrée de votre amour! J'étais nu sur la croix, j'avais faim, j'avais soif, je souffrais, je mourais, j'étais pendu par des clous, vous avez eu pitié! Soyez bénis, ouvriers de miséricorde! A l'heure terrible, à l'heure épouvantable, je vous dirai: Venez, les bien-aimés de mon Père, car j'a­vais faim sur la terre, et vous m'avez offert le pain de la pitié…».

L'âme, épouse de Dieu. - Le titre d'épouse de Dieu est le plus beau. «Pour traduire les affections du Verbe, dit St Bernard6), on n'a pu trou­ver de plus doux nom que ceux d'époux et d'épouse. Entre époux, tout est commun, rien de propre, rien de séparé: 16 même héritage, même habitation, même table». Entre Dieu et l'âme, mêmes pensées, mêmes amours, mêmes œuvres, même esprit.

Beauté de l'Epoux: Magnus Dominus et laudabilis nimis (Ps. 47,2). «Il s'est fait petit, dit St Bernard, et comme tel il a mérité surtout mon amour». Plus petit dans la crèche de Bethléem qu'il ne l'est en son éternelle génération: voilà pourquoi je l'aime. Plus petit dans l'atelier de Nazareth, travaillant sous la direction de Joseph, qu'il ne l'est fabri­quant le monde avec ses mains divines: voilà pourquoi je l'aime. Plus petit, errant de bourgade en bourgade, tendant la main au pain de l'aumône, qu'il ne l'est dictant des lois au monde, servi et adoré par les esprits bienheureux: voilà pourquoi 17 je l'aime… Mais s'il trouve le moyen de s'abaisser encore davantage, par une seconde incarna­tion, il se rendra plus aimable toujours. Plus petit, restant silencieux dans le tabernacle, qu'il ne l'était lorsqu'il parlait au monde, pour pro­clamer la vérité dont il doit vivre: voilà pourquoi je l'aime. Plus petit, mystérieusement immolé sur l'autel, qu'il ne l'était lorsque les mira­cles découlaient de sa main puissante et que les bienfaits naissaient sous ses pas: voilà pourquoi je l'aime. Plus petit surtout dans mon cœur: mon cœur, voilà le berceau où ii repose, l'atelier où il travaille, la région où il vit, le calvaire où il s'immole, le sépulcre où il s'enseve­lit; non, nulle part il n'est aussi 18 petit que dans mon cœur, c'est pourquoi nulle part je ne sais l'aimer davantage. Parvus Dominus et amabilis nimis.

L'union et ses conditions. - L'union avec Dieu commence avec le baptême. Elle peut aller se perfectionnant toujours jusqu'aux épousail­les mystiques, qui sont une grâce extraordinaire.

Mais pour avancer, pour entrer en Dieu toujours davantage, quelles sont les conditions? C'est la pureté, le recueillement, la mortification, l'attention à Dieu, la générosité des vertus, l'amour; c'est l'étude et la contemplation de la divinité et celles de l'humanité de Jésus qui est la voie et le centre de l'union.

Quel est le temps de l'union? 19 C'est le présent. Vous n'êtes plus dans le passé; vous n'êtes pas encore dans l'avenir. Votre vie réelle n'est que dans le présent. «L'Esprit de Dieu, a dit le P. de Ravignan7), n'est ni dans le passé ni dans l'avenir; pour Dieu, il n'y a ni passé, ni avenir, Dieu vit, il est! Pour lui tout est présent. Dégageons-nous donc de tou­te crainte, de toute sollicitude de la veille et du lendemain… Si nous vivons au présent, nous sommes sûrs que le passé sera bien réparé, l'a­venir bien préparé». C'est dans le présent seulement que mon âme et Dieu se rencontrent et s'unissent. «Evidemment dans ce moment je ne veux pas offenser Dieu: dans ce moment, le seul où Dieu avec toutes ses grâces soit devant moi, 20 et moi avec toutes mes forces devant lui, je me jette en lui, je m'abandonne à lui, je fais ce que je dois et tout est bien. Dieu nous veut sous cet abri, il nous y remplit de son esprit, de son amour, de lui-même.

Le présent peut être particulièrement précieux et fécond: tel le moment de la prière, de l'oraison, de l'office, de la messe, des sacre­ments; mais quand même il serait rempli par de vulgaires occupations ou par des souffrances, il est toujours l'unique moyen de nous unir à Dieu» (Caussade8): Abandon à la Providence)…

Comment se fait l'union? Notre corps lui-même doit être en harmonie avec Dieu. Il s'unit à Dieu par la chasteté 21 selon son état, par la mor­tification de tout ce qui est mauvais, par l'oblation de tout ce qui est bon, de tout ce qui est dans l'ordre, même les fonctions communes, le boire, le manger, le repos, par la lutte et l'effort pour la vertu.

Union des pensées: Penser à l'époux, ce n'est pas tout, il faut confor­mer nos pensées aux siennes.

Union des colloques: Dieu a parlé par la sainte Ecriture et surtout par son Fils. Mais il y a aussi des colloques intimes, des colloques sans paro­les où Dieu donne des impressions de grâce et où l'âme répond par des actes d'amour, d'adoration, de reconnaissance, de prière…

Union des regards: Un regard sur vous de temps en temps, pour 22 vous humilier, pour vous surveiller, pour vous rendre tel que Dieu vous veut; un regard aussi sur les pécheurs et sur les amis de Dieu, afin de prier pour eux; mais habituellement regardez Dieu. Lui seul mérite d'être regardé.

L'union des volontés: C'est l'unité suprême du saint mariage, avec l'u­nion et la fusion des cœurs.

L'union des souffrances: Les anges nous l'envient. Portons la croix avec Jésus pour la réparation et pour le salut des âmes. Soyons unis à lui jusque dans la mort.

Union dans la paix: Tenons-nous aux pieds de Jésus avec Madeleine. Il nous laissera parfois reposer sur son Cœur comme St Jean. 23

Fruits de l'union: Dieu attend de nous une pureté et une générosité croissantes. L'union devient plus ardente par la sainte communion et par la contemplation. Elle devient toujours plus forte et plus généreu­se: Quis nos separabit a caritate Christi (Rom. 8,35). L'union nous sancti­fie et nous transforme; elle devient agissante et féconde. Si l'apostolat de l'action ne lui est pas possible, elle agit par la prière et la souffran­ce. L'union se consomme dans le ciel.

7e volume de l'«Homme intime»9). Avec M. Sauvé, je repasse toute ma théologie au point de vue ascétique. Ne faut-il pas profiter des pénibles loisirs que la guerre nous impose? 24

Ce volume traite de l'Eglise, de la communion des saints et des sacrements. J'en note quelques pensées seulement pour les graver dans mon souvenir.

L'Eglise: - Pourquoi devons-nous tant aimer l'Eglise? Parce que l'Eglise, c'est l'auguste et infiniment aimable Trinité s'ouvrant et répandant dans la création ses trésors de lumière et d'amour; parce que l'Eglise, c'est Jésus toujours présent, toujours vivant et se dévelop­pant par le monde entier dans les âmes, et un jour au ciel éclatant dans les anges et dans les bienheureux, d'une gloire immense et éter­nelle. «Le Saint-Esprit est dans l'Eglise, il en est l'âme infinie, forte et suave en même temps; sa présence est constante, son action 25 conti­nue. L'Eglise sent à tout moment, sans interruption, au-dedans d'elle­-même ce souffle inspirateur» (Mgr Berteaud). L'Esprit Saint habite en elle pour la vivifier, l'illuminer, la sanctifier.

C'est par une émanation, une communication de l'autorité divine que l'Eglise nous dirige.

Qu'il s'agisse du Pape, des Evêques, des prêtres, des supérieurs, il n'est pas dans l'Eglise le moindre degré d'autorité qui ne vienne du sein de Dieu par le Cœur de Jésus. Quelque part que je me place dans l'Eglise: que je sois devant un décret ex cathedra du Souverain Pontife, ou devant les Constitutions d'un Concile oecuménique, en présence des lois les plus graves de l'Eglise 26 ou en présence de la moindre rubrique préceptive de sa liturgie, ou du plus humble article d'un règlement d'Ordre religieux, d'une Congrégation, d'une commu­nauté quelconque, du moment que ce règlement est approuvé par l'autorité légitime, c'est toujours à une autorité surnaturelle qui vient, non de la nature, mais directement du sein de Dieu même que j'ai affaire. Combien dès lors je dois respecter et aimer toutes les prescrip­tions que je rencontre au sein de l'Eglise. Dans chacune d'elles, ma foi, si elle est vraie, doit voir un rayon qui, parti du sein de Dieu le Père, source de toute autorité, a passé par le Verbe, s'est imprégné d'a­mour en passant par l'Esprit Saint, 27 a passé aussi par le Cœur humain de Jésus, et vient jusqu'à moi, réclamant ma vénération profonde, ma soumission sans réserve et mon amour.

La vie sociale chrétienne. - Comme la grâce consacre la nature, ainsi l'autorité surnaturelle consacre l'autorité naturelle: loin, par exemple, de vouloir empiéter sur le pouvoir civil, elle le laisse régir à son gré l'ordre temporel, et n'intervient dans ce domaine que lorsqu'elle voit des iniquités s'y commettre: Propter peccatum, a dit Boniface VIII dans une Bulle célèbre: elle peut évidemment condamner une guerre injus­te, flétrir un commerce immoral, dénoncer et punir des attentats au droit naturel et surnaturel, écarter même un obstacle qui s'oppose 28 gravement et obstinément au bien surnaturel et suprême auquel elle est chargée de mener les âmes… Mais elle ne prétend pas autrement s'immiscer dans l'ordre temporel. Sauf cette réserve, elle a le droit et le devoir de rayonner dans la vie sociale aussi bien que dans la vie familiale ou dans la vie privée… Il n'y a qu'un Dieu qui doit régner dans les temples et dans la Cité, dans les secrets des âmes et dans le grand jour de la vie publique.., «Les nations, en tant que nations, appartiennent à l'Eglise. Il y a en elles une personnalité distincte de celle des individus, et cet être qui leur est propre doit vivre de la vie surnaturelle. Pas plus que lés particuliers, les nations n'ont le droit de s'en tenir à la vie 29 de simple nature; elles ne le peuvent pas sans por­ter atteinte aux destinées de l'individu et de la société. L'élément sur­naturel ne blesse pas la nature; il la conserve en l'exaltant. L'être col­lectif d'une nation n'a rien qui se refuse aux transfigurations de la grâ­ce. Proscrire le surnaturel de la vie d'une nation, c'est exiler l'âme du corps. Sans doute le corps humain est la réalisation exacte d'un exem­plaire; dira-t-on qu'il se suffit à lui-même et qu'il est inutile qu'une âme entre dans ce corps et l'élève à la dignité d'homme? Ainsi de la société: elle a ses éléments constitutifs dans l'ordre de simple nature; elle n'a pas besoin du principe surnaturel pour exister, 30 mais en pénétrant chez elle, ce principe l'agrandit et la transfigure; il met dans sa vie du divin, des vertus nouvelles et plus vastes» (Mgr Berteaud).

La communion des saints10). - On n'imagine guère l'enthousiasme qu'éprouve le génie de Copernic, de Képler, de Newton, en soupçon­nant ou en découvrant la loi splendide dé la gravitation: de la gravita­tion dès satellites autour des planètes, des planètes autour du soleil, des étoiles autour les unes dés autres et de tous les systèmes stellaires autour d'un centre commun.

Une loi de gravitation, infiniment plus belle règne dans l'Église. C'est «la communion des fidèles avec Dieu en Jésus-Christ qui est le chef de l'humanité réconciliée, 31 et la communion des hommes réta­blie entre eux en Jésus-Christ».

Merveilleuse encore la circulation des mouvements ou des fluides dans le monde matériel… Quel mystère superbe et profond que celui de la circulation de la lumière à travers l'espace! Le vulgaire ne remar­que pas ces phénomènes des ondes lumineuses, des ondes caloriques; il ne soupçonne pas les ondes magnétiques qui se propagent sur la ter­re, ou de la terre aux astres, des astres à la terre, des astres entre eux. Mais les ondes divines de la prière, de la joie, des satisfactions et des mérites sont tout autrement belles, puissantes et rapides.

Enfin l'on croit que les ondes lumineuses et magnétiques se trans­mettent ainsi sur la terre ou d'un astre à l'autre 32 à travers un milieu plus subtil et plus universel que la lumière elle-même et qu'on nomme l'éther. Ce qui est plus certain encore c'est qu'il y a dans le monde spi­rituel un milieu plus parfaitement communicateur, c'est la Divinité elle-même, c'est l'Esprit de Jésus qui veut bien se faire le moyen de la communion des saints, comme il en est le principe et la fin.

Dieu a conçu l'Église comme une famille. C'est en commun que la grande famille de Dieu est sortie de son cœur, c'est en commun qu'el­le y doit retourner.

La communion des saints, c'est le flux et reflux des biens divins dans la cité de Dieu, c'est-à-dire entre Dieu et nous, entre la terre et le ciel, entre la terre et le 33 purgatoire et sur la terre entre les âmes… Notre vie surnaturelle, semblable à la vie si rayonnante de Dieu et pou­vant se servir de Dieu comme transmetteur et comme milieu d'influen­ce, peut agir au loin et puissamment.

Un mystère saisissant de la communion des saints est la translation des grâces d'une âme négligente aux âmes fidèles.

Ce courant d'idées de la communion des saints est bien celui que la grâce m'inspire depuis longtemps. C'est mon oraison de tous les jours: «Gloire à Dieu dans le ciel. Gloire à la Ste Trinité et à l'Agneau. Paix et grâce sur la terre, par Jésus-Christ et par la communion des saints».

J'offre à la Ste Trinité tous 34 les mystères de Jésus, en sacrifice d'holocauste, d'amour, de réparation et de prière. J'offre à Jésus son propre amour qui est mon meilleur trésor, puis Marie et Joseph, Michel et Jean Baptiste, les étoiles de première grandeur du ciel spiri­tuel; puis les anges et les saints en général, mes protecteurs en particu­lier et les saints du Sacré-Cœur.

Je me fais une litanie quotidienne, selon l'esprit de l'Église: les patriarches, Adam, Eve, Hénoch, Noé; Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Melchisédec, job, Tobie et les autres; les prophètes, Moïse, Aaron, Josué, Elie, Samuel, Isaïe, Jérémie, Ezéchiel, Daniel et les autres; les ancêtres et parents du Sauveur, David, 35 Ezéchias, Josias, Anne, Joachim, Zacharie, Elisabeth, Jean Baptiste et les autres; les apôtres, Jean, Pierre, Paul, Jacques, André, Jacques, Philippe, Barthélemy, Matthieu, Thomas, Simon, Thadée; les amis et disciples, les Bergers, les Mages, les Innocents, Madeleine, Marthe, Lazare…; les martyrs, Etienne, Ignace, Laurent, Sébastien, Tharcis, Denis, Quentin, Grimonie (patrone de La Capelle); les docteurs, Léon, Augustin, Grégoire, Ambroise, Jérôme, Basile, Nazianze, Chrysostome, Thomas d'Aquin…; les pontifes, Sylvestre, Nicolas, Martin, Rémy, Borromée, François de Sales, Thomas de Villeneuve…; les confesseurs, Benoît, Bernard, François, Dominique, Ignace, Néri, Vincent de Paul, Jean 36 Bosco, Jean Vianney; Louis de Gonzague, Stanislas, Berchmans; Louis Roi, Henri, Etienne, Edouard; les vierges et saintes femmes, Catherine, Marguerite, Félicité, Perpétue, Agathe, Lucie, Agnès, Cécile,Monique, Chantal, Catherine de Sienne, Jeanne d'Arc; Thérèse de Jésus, Thérèse de l'Enfant Jésus…; les saints et saintes du Sacré-Cœur, Gertrude, Mechtilde, Marguerite Marie, Claude de la Colombière, Madeleine de Rémusat, Jean Eudes, Mère Véronique, Marie de Jésus…

Avec tous, je dis le Pater. Notre Père, que votre nom soit loué au ciel et sur la terre! Que votre règne arrive! Que toutes les intelligences créées vous connaissent, que tous les cœurs 37 vous aiment, que tou­tes les volontés vous obéissent! Donnez-nous le pain quotidien, le pain de l'âme surtout. A l'Eglise, son pain, c'est la vérité, c'est la sainteté, ce sont les conquêtes de l'apostolat; aux nations, c'est la prospérité, mais c'est aussi le respect de la religion et de la justice; aux familles religieu­ses, c'est la ferveur et la fidélité à leur vocation; aux âmes du Purgatoire, c'est la délivrance; à moi-même, c'est la conversion et la sanctification.

Chaque âme en priant ainsi est un astre spirituel qui fait son évolu­tion mondiale quotidienne et qui porte partout la lumière, la chaleur et la vie.

La source infinie où l'âme puise pour se faire ainsi 38 distributrice de grâces, c'est le Cœur de Jésus, spécialement au Calvaire dans l'acte du sacrifice.

La vie de victime. - L'union la plus féconde à l'action rédemptrice du Sauveur se fait par la participation à sa vie d'hostie ou de victime.

Il est des âmes dont la souffrance offerte pour le salut du monde forme la caractéristique dominante: telles sainte Lidwine11), Catherine Emmerich12)… La souffrance n'est plus seulement pour elles chose intermittente, mais leur état normal: on peut les appeler des victimes, dont c'est la mission de reproduire les dispositions sacrifiées de Jésus, dans sa vie sur la terre et dans l'Eucharistie. Et même, sans souffrir ni aussi continuellement, ni aussi profondément, on trouve des âmes, et peut-être à notre 39 époque plus que jamais, des âmes plus particuliè­rement intimes avec le Cœur de N.-S., surtout dans la sainte Eucharistie, qui ont choisi pour idéal, pour principal objectif, d'imiter la sainte Hostie. Dans la sainte Hostie, elles adorent et veulent imiter toute vertu chrétienne dont Jésus est le modèle. Le Verbe dans l'Eucharistie se tait; ces âmes aiment à imiter son silence. Elles unis­sent volontiers le sacrifice que ce silence implique au sacrifice de Jésus Hostie pour le salut du monde. Elles parlent dans la mesure où la Providence le commande ou le désire.

Dans la sainte Hostie, Jésus n'agit pas sensiblement. Ces âmes s'efforcent de suppléer par leurs œuvres extérieures à cette adorable impuissance; mais elles acceptent avec amour 40 les immolations que la divine Providence impose à leur activité, aux ardeurs de leur zèle.

La sainte Hostie veut être dans un état d'absolue dépendance entre les mains du prêtre qui la consacre et la distribue. Ainsi ces âmes s'a­bandonnent à une règle qui fait de leur vie tout ce qu'elle veut, ou bien à un supérieur qui, en leur imposant de nouveaux sacrifices, peut les immoler plus que la règle elle-même.

Enfin Jésus à l'autel est vraiment sacrifié. Il s'immole à l'autel com­me au Calvaire pour le salut du monde, et il demeure au tabernacle en l'état de victime: ainsi les âmes victimes ont l'ambition sainte d'imiter dans toute leur vie la sainte Hostie. Pour elles, 41 comme pour Jésus, le sacrifice recommence tous les jours. C'est un état habituel. Elles veu­lent être des hosties, en même temps que des orantes et des agissantes, unies à l'adorable Hostie de nos autels, pour réparer, expier, attirer les miséricordes divines, sauver, même au loin, les âmes.

Cette disposition convient éminemment au prêtre. Elle lui a été recommandée à l'ordination: Imitamini quod tractatis.

Les sacrements, le sacerdoce. - Les prêtres sont par les sacrements les médiateurs et les distributeurs de la vie, comme ils le sont de la vérité par la parole.

Le caractère de l'Ordre est un pouvoir ou plutôt le fondement d'un pouvoir sur le corps réel de Jésus, c'est-à-dire sur l'Eucharistie, - 42 et un pouvoir sur le corps mystique de Jésus, c'est-à-dire sur l'Eglise. C'est le pouvoir de donner Jésus et l'Eglise et la Création à Dieu, - et c'est le pouvoir non moins prodigieux de donner Dieu et le ciel aux âmes. Jésus est venu sur la terre pour remplir ce double rôle. Depuis qu'il est rentré au ciel, il veut que, par une mystérieuse communication, nous remplissions visiblement ce double rôle à sa place, tandis qu'il conti­nue de le remplir invisiblement dans l'Eucharistie, dans les âmes, dans le ciel.

La vie sacerdotale se passe entre la terre et le ciel… Ce doit être le mouvement naturel de l'âme et de la vie sacerdotale de s'emparer de la Création, - comme le Psalmiste en ses cantiques, - et de l'Eglise, - pour l'offrir à Dieu avec son divin Fils. 43 Offrir à Dieu avec Jésus les trois Eglises et des âmes toujours nouvelles, n'est-ce pas là pour le prê­tre la grande affaire? A quoi bon rester sur la terre, quand on est prê­tre, si ce n'est pour donner Dieu aux âmes et les âmes à Dieu? Nous ne sommes prêtres que pour cela. N'est-ce pas là toute notre ambition et toute notre joie? Et que sont nos autres douleurs auprès de celle qui doit torturer notre cœur, quand nous voyons les âmes s'obstiner à vivre séparées de Dieu ou à se perdre?

Ecoutons les accents apostoliques de M. Olier13): «J'éprouve de vio­lents transports pour servir Dieu; et ne pouvant me répandre moi-­même partout, je demande avec instance des sujets pour les envoyer dans tout l'univers, afin d'y faire connaître N.-S. au très saint 44 Sacrement et d'opérer ainsi par eux ce que je voudrais faire moi-­même. Je voudrais avoir des bras qui puissent embrasser le monde entier pour le porter à Dieu et le remplir d'amour…».

Les fins dernières (VIIIe vol.): étude ascétique sur le purgatoire, l'en­fer et le ciel.

J'aime cette pensée de Ste Catherine de Gênes que la miséricorde divine n'est jamais absente même en enfer. Elle y tempère la justice et le damné sent qu'il souffre moins qu'il ne l'aurait mérité.

Le purgatoire. - La plus grande peine du purgatoire est le feu inté­rieur qui consume les âmes. C'est un feu d'amour. C'est un besoin et un désir brûlant d'aller à Dieu que l'âme a entrevu. 45

Y a-t-il aussi un feu physique extérieur? Les saints, et notamment Ste Catherine de Gênes, nous permettent de penser que les âmes les plus délicates ou les plus épurées n'auraient pas à souffrir cette peine. Les Grecs ne parlent pas de feu extérieur dans le purgatoire et le concile de Florence ne les a pas blâmés pour ce silence. Cependant l'enseigne­ment commun des théologiens y admet un feu physique qui prend les âmes par l'extérieur pour les purifier.

Mais ces âmes supportent tout avec patience et résignation parce qu'elles ont l'espérance; et le ciel et la terre se penchent vers elles pour les aider et pour abréger leur expiation…

L'enfer. - Est-ce que tous les 46 damnés haïront Dieu formellement? Est-ce que tous le maudiront et le blasphémeront? De graves théolo­giens, tels que Estius, Sylvius, de Pressy le contestent. La mort, disent­-ils, saisit et fixe à jamais l'âme dans l'état de péché où elle la trouve; or un bon nombre de damnés n'ont pas haï Dieu formellement, n'ont pas blasphémé Dieu: pourquoi le blasphémeraient-ils dans l'éternité? Ils sont hors de Dieu et s'en iront éternellement dans cette voie où l'on n'aime plus Dieu, où l'on n'est plus aimé de Dieu; mais pourquoi le haïraient-ils d'une haine formelle? pourquoi le maudiraient-ils?…

Où est l'enfer? Au centre de la terre, disent les Pères et les théolo­giens. St Augustin, 47 après avoir émis un doute, adhère à la doctrine commune.

Il y a en enfer un feu véritable, un feu sensible, un feu corporel, c'est l'enseignement commun. Ce feu extérieur punit l'adhésion désor­donnée aux créatures. Mais quel est-il? Ce n'est pas le feu grossier que nous allumons et qui s'éteint faute d'aliment. Ce serait une sorte d'at­mosphère brûlante, comme le feu qui rayonne à travers les espaces… Selon St Thomas et beaucoup de théologiens, le feu de l'enfer fait souffrir les âmes comme une chaîne étroite qui captive douloureuse­ment leurs facultés. Ces âmes étaient faites pour l'immensité divine et pour l'immensité du monde et voilà qu'elles se trouvent asservies 48 à un vil élément qui les enchaîne étroitement dans leurs pensées, dans leur activité…

Dieu ne punit pas les damnés autant qu'ils le méritent. Si grande et si obstinée est sa miséricorde infinie, qu'elle trouve encore à s'appli­quer à ses ennemis éternels jusqu'au fond de l'enfer; elle fait que la justice ne pousse pas ses rigueurs jusqu'aux dernières limites de ses droits. C'est la pensée de St Thomas, de St Bonaventure, de St François de Sales, de Bossuet. «Un rayon d'amour divin, comme dit Ste Catherine de Gênes, reluit encore dans les peines des damnés». Les saints en contemplant l'enfer et en voyant ces peines diminuées, 49 sont ravis de l'infinie miséricorde de Dieu.

Le ciel. - Le bonheur essentiel du ciel n'est pas seulement dans les cieux transfigurés, séjour de délices, ni dans la glorification des corps, la perfection de l'âme et la société des élus, mais surtout dans la vision intuitive de Dieu, la vision de Jésus, la conversation avec Jésus et la Divinité, l'union à Dieu, l'amour d'amitié pour Jésus et la Divinité. Les Cieux nouveaux ne seront pas moins beaux ni moins riches que les cieux actuels par le nombre des astres. La magnificence de Dieu est admirable dans les cieux. M. Faye compte trente mille soleils qui ont leurs planètes et leurs satellites. 50 Herschel comptait cinquante mil­lions d'astres dans la voie lactée et il y a des myriades d'autres nébuleu­ses. Et ce que nous voyons n'est peut-être que l'entrée de cette suite de cieux dont parle l'Ecriture. Ces géants stellaires nous étonneront. Le soleil est quatorze cent mille fois plus gros que la terre, et bien des étoiles sont des millions de fois plus grosses que le soleil. Les distances de ces astres sont effrayantes. L'étoile la moins éloignée de la terre, qui appartient au Centaure, en est éloignée de plus de six trillions de lieues. Un rayon de lumière qui va du train de soixante-dix-sept mille lieues à la seconde, 51 mettrait peut-être un million d'années à nous venir de certaines étoiles. Les saints parcourront ces espaces avec la rapidité de la pensée… N'y a-t-il pas place dans ces immensités pour des paradis délicieux où les justes trouveront plus de charmes qu'Adam au Paradis terrestre?…

Je relis ma Retraite du S.-Cœur. Bien que fort imparfaite, elle a fait quelque bien. Elle a un défaut facile à corriger, si on en donne une édition après moi. J'y ai mis, dans le cours des méditations, des textes latins sans les traduire. On s'en plaint dans les communautés de reli­gieuses. C'est surtout sensible dans quelques méditations. Je recom­mande qu'on n'en donne pas une autre édition 52 sans corriger cela.

31 oct. Ma vie ne sera plus longue. J'ai cru mourir la nuit passée. J'ai eu un accès violent de bronchite sans pouvoir cracher. J'étouffais, j'étais étranglé. Je crois qu'il s'en est fallu de bien peu que ce ne fût fini. Les infirmités de la vieillesse sont un avertissement de chaque jour. Tous les organes s'affaiblissent. C'est un navire usé qui s'enfonce­ra un de ces jours. - A l'approche du grand jour, je sens tout le poids de mes péchés et toute la pauvreté de mes œuvres. La miséricorde de Dieu est toute mon espérance, avec la bonté maternelle de Marie et l'aide de tant de saints que j'ai tant aimés et que j'ai invoqués 53 cha­que jour. Je renouvelle ici l'expression de tout mon repentir pour tou­tes mes défaillances.

Les mois passent et nous sommes toujours au même point. Cette guerre sera longue, très longue. Dès lors qu'on a exclu de la politique la justice, le droit et la charité chrétienne, on arrivera à la guerre perpétuelle. Il y aura des trêves, mais pas de paix sérieuse. Les païens reconnaissaient au moins en théorie les lois de la justice entre les nations. Nous sommes tombés au-dessous d'eux. On proclame aujourd'hui que la force prime le droit, c'est la politique des bêtes fau­ves. Quelle belle chose était la Chrétienté, sorte de fédération des nations catholiques 54 avec l'arbitrage du Pape, qui a évité tant de guerres!

Le Bon Dieu châtie terriblement l'Europe, puisse-t-il la ramener toute entière à l'observance du droit chrétien dans le sein de l'Eglise catholique!

Le Pape nous fait dire trois messes le 2 novembre. Heureuse pen­sée! Il y a eu tant de fondations de messes supprimées ou réduites! Et puis il y a tant de morts dans cette guerre! Pour ma part, je demande à N.-S. de suppléer par cette moisson de messes à tout ce qui a pu être défectueux dans les miennes ou celles de mes confrères: messes oubliées, retardées, messes omises par négligence. Puisse cette pluie de grâces vider le purgatoire! 55

Je relis l'abbé Pioger14): «Dieu dans ses œuvres». J'ai rencontré sou­vent ce prêtre chez mon oncle à Paris en 1860-62. Que Dieu est grand dans ses œuvres! Le soleil est un million et demi de fois plus grand que la terre. La planète Jupiter est mille fois plus grande que la nôtre. La lumière met huit minutes pour nous venir du soleil à raison de 75.000 lieues par seconde. Pour venir des étoiles les plus proches, com­me de l'a. du Centaure, elle met trois ans. Pour des étoiles éloignées, il lui faudra des milliers ou des millions d'années. Cela donne au monde des dimensions qui surpassent toute conception. 56 Il n'est pas proba­ble que Dieu ait fait tous ces mondes à l'infini pour l'agrément des habitants de la terre. Il y a sans doute bien des mondes habités, sinon par des êtres semblables aux hommes, au moins par d'autres êtres dont la vie est accommodée au régime de ces planètes.

Où est le ciel? Dans quelque planète heureuse où les âmes des justes sont réunies avec Jésus et Marie. Est-ce une des planètes de notre système solaire? Jupiter ou Saturne? Est-ce au loin sur une planète du système central autour duquel tournent le soleil et les étoiles? Dieu le sait et j'espère y aller bientôt voir tout ce 57 que j'aime: Jésus, Marie, Joseph, St Jean, les anges, les saints et les justes. J'y vais tous les jours promener en esprit. J'ai confiance en la miséricorde du S.-Cœur.

Je lis un volume du P. Chaignon15) sur la paix de l'âme. C'est bien loin de valoir le traité de la Paix de l'âme du P. de Lehen16), que j'ai lu avec tant de satisfaction au séminaire. Le bon P. Chaignon a réuni là des notes diverses pour remplir un volume. Ce qu'il y a de meilleur n'est pas de lui, ce sont des extraits de divers auteurs sur le saint aban­don. J'en noterai quelques passages.

Du P. Milley, S.J. (mort à Marseille en odeur de sainteté): «Ma dispo­sition présente et tous mes sentiments 58 se réduisent à celui de ne voir que Dieu; ne pas m'éloigner de lui d'un moment, l'avoir toujours présent par la foi, l'espérance et l'amour, voilà tout. Je ne vois plus qu'une chose digne de mes soins, c'est de faire la volonté de Dieu… La présence de Dieu est la vie de l'âme. On ne peut rien faire de mieux que de travailler à vivre de Dieu, pour Dieu, en Dieu et devant Dieu. Aimons-le de toute l'étendue de notre âme. Ne soyons occupés que de lui et pour lui. Qu'il nous soit tellement présent que nous n'aperce­vions que lui en nous et en toutes choses. Abandonnons-nous pleine­ment à sa bonne et maternelle Providence…».

Du P. Caussade: «La mesure de notre perfection est celle de notre soumission ou de notre abandon aux soins de la Providence. L'ordre de Dieu, le bon plaisir de Dieu, la volonté de 59 Dieu, l'action de Dieu, la grâce, tout cela est une même chose en cette vie. Notre per­fection n'est autre chose que notre coopération fidèle à ce travail divin… La pratique active de l'abandon consiste dans l'accomplisse­ment des devoirs qui nous sont imposés par les lois générales de Dieu et de son Eglise et par l'état particulier que nous avons embrassé. Son exercice passif consiste à se soumettre avec amour à tout ce que Dieu nous envoie à chaque instant… Plût à Dieu que tous les hommes con­nussent combien il leur serait facile par cette voie d'arriver à une émi­nente perfection! Il ne s'agit pour eux que de remplir les simples devoirs du christianisme et de leur état, d'embrasser avec amour les croix qui s'y trouvent 60 attachées, et de se soumettre à l'ordre de la Providence pour tout ce qui se présente à faire ou à souffrir sans qu'ils le cherchent.

Il n'y a de vraie paix que dans la soumission à l'action divine. L'âme qui ne s'attache pas uniquement à la volonté divine, ne trouvera pas plus son contentement que sa sanctification dans les divers moyens qu'elle pourra essayer, et dans les exercices spirituels même les plus excellents… La vraie pierre philosophale est la soumission à l'ordre de Dieu, qui change en or divin toutes nos occupations, nos ennuis, nos souffrances. Pour acquérir l'amitié de Dieu et toutes les gloires du ciel, il n'y a pas plus à faire que nous ne faisons, ni plus à souffrir que nous ne souffrons. Il n'y a que les dispositions du cœur à changer. 61 Oui, la sainteté est un simple fiat, une simple disposition de volonté confor­me à celle de Dieu. Qu'y a-t-il de plus aisé? Car qui ne peut aimer une volonté si aimable et si bonne? L'âme qui voit la volonté de Dieu en toutes choses, les plus désolantes comme les plus faciles, reçoit tout avec joie et avec un respect égal… Si nous considérons l'amour divin dans toutes les créatures et dans tous les événements de la vie, nous communions à cet amour par l'abandon à l'action divine… Dieu se fait le guide et le protecteur des âmes qui s'abandonnent à lui. Le grand et solide fondement de la vie spirituelle est de se donner à Dieu, pour être conduit et dirigé par lui selon son bon plaisir pour tout à l'inté­rieur comme à l'extérieur». 62

De St François de Sales: «Soyons ce que Dieu veut, pourvu que nous soyons à lui. Ne nous arrêtons pas à la défiance et à la crainte… Mais, dites-vous, j'ai commis plusieurs fautes… Eh bien! quel serait le fou qui pensât en avoir commis plus que la miséricorde divine n'en saurait pardonner? Qui oserait mesurer la grandeur de ses crimes à l'immen­sité de cette miséricorde, qui les oublie aussitôt que nous nous en repentons pour son amour?».

Du P. Surin17): «Le véritable abandon, qui attire sur nous le regard amoureux du Seigneur, consiste à laisser le passé à sa justice, qui, pen­dant cette vie, est toujours miséricordieuse, et à confier l'avenir aux soins paternels de sa Providence… Nous sanctifierons le moment pré­sent, en renouvelant, 63 aussi souvent que nous en sentirons le besoin, l'acte de recueillement que nous aurons dû faire avec toute notre énergie; mais ce recueillement doit être fort paisible et résider dans l'intime de l'âme, beaucoup plus que dans la partie sensible… Un pai­sible regret du temps mal employé, joint à une application très attenti­ve pour bien user du moment présent, voilà le vrai caractère de l'a­mour de Dieu».

De Bossuet: «L'acte d'abandon est le plus parfait et le plus saint de tous les actes… Cet acte livre tout l'homme à son Dieu: son âme, son corps, ses pensées, ses désirs… Nous qui ne pouvons rien faire par nous-mêmes que nous tourmenter vainement, laissons-nous aller avec foi entre les bras secourables de notre Dieu, de notre 64 Sauveur et de notre Père: car c'est alors que nous pouvons véritablement lui donner ce nom, puisque, comme des petits enfants, innocents et simples, sans peine et sans inquiétude, nous jetons en lui toutes nos sollicitudes… Cet acte par lequel nous nous livrons à l'action divine, n'est pas l'inac­tion et l'oisiveté. Nous allons avec ardeur à nos exercices parce que Dieu le veut; nous recourons continuellement à la prière, aux sacre­ments comme aux secours que Dieu nous a donnés pour nous soute­nir. Ainsi, un acte si simple renferme tous nos devoirs, avec le désir efficace d'employer tous les remèdes que Dieu a préparés à nos infir­mités spirituelles».

Du P. de Ravignan: «Il faut vivre au présent. Quand l'esprit s'élève, vit au présent devant Dieu, 65 ne garde que le désir le lui plaire, et fait de toutes ses forces ce que le devoir demande, il possède une vie presque angélique. L'esprit de Dieu n'est ni dans le passé ni dans l'avenir; pour Dieu, il n'y a ni passé ni avenir, Dieu vit, il est! Pour lui tout est pré­sent. Dégageons-nous donc de toute crainte, de toute sollicitude de la veille et du lendemain; il ne s'agit pas de savoir ce qu'il a voulu, ce qu'il voudra, mais de se conformer à ce qu'il veut au moment présent. Si nous sanctifions le présent, nous sommes sûrs que le passé sera bien réparé, l'avenir bien préparé… La paix, la douce tranquillité est là, à la porte de nos âmes; elle entrera et s'établira en nous à la suite d'un bon acte d'abandon»… 66

Cérémonie de vêture et profession au couvent. Que de souvenirs se pressent dans ma mémoire! Cette maison a eu une telle influence sur ma destinée! Beaucoup de grâces me sont venues par elle et aussi beaucoup d'épreuves. C'est là que ma vocation spéciale s'est déter­minée et là aussi que j'ai reçu les lumières pour en fixer l'esprit. De là aussi est venu le consummatum est et un abandon prolongé. Il reste l'a­nalogie de but, l'union de prières et de sacrifices et une solidarité mystérieuse dont il faut laisser le secret à Dieu. Puisse cette journée de grâces effacer tout ce qu'il y a eu de défectueux dans la collaboration des deux œuvres! 67

Du 5 au 8 je prêche trois jours de récollection aux bonnes Petites Soeurs des pauvres. Je prends pour thème le Pater18).

1. Pater noster qui es in coelis (Mat. 6,9-13) : Les apôtres demandaient à N.-S. comment il fallait prier. Il leur enseigna le Pater. Ce n'est pas seu­lement une prière vocale, c'est un état d'âme qu'il nous demandait, c'est une règle de vie intérieure qu'il nous donnait. Nous devons vivre en enfants de Dieu…

1°. Dieu est notre Père… par la création, par la rédemption, par la vocation… Toute vie vient de lui. Il nous a donné la vie du corps par nos parents, l'âme par une création directe, la grâce par le baptême, la vocation… Il conserve et il accroît ce qu'il a donné. Il est toujours Père. Il conserve la vie, les facultés de l'âme; il conserve 68 et multi­plie la grâce sous toutes ses formes: grâce habituelle, grâce actuelle, prévenante, concomitante. Il aide à l'action. - Il est plus Père que ne le sont les pères et les mères dans la vie animale et humaine. Il y a une ombre de sa paternité dans l'instinct des animaux: l'oiseau nourrit ses petits, d'autres animaux les allaitent. L'homme soignera pendant vingt ans l'éducation de son fils. Dieu fait plus, il conserve notre vie et nous entoure de soins jusqu'à notre dernier souffle…

2°. Nous sommes les enfants de Dieu. Il faut vivre dans cette pensée, dans cette disposition. C'est la grâce de la rédemption. «Vous n'avez plus reçu, dit St Paul aux Romains, l'esprit de servitude dans la crainte, mais l'esprit d'adoption des enfants, cet esprit qui 69 nous porte à crier: Abba, Pater» (Rom. 8,15). «Voyez, dit St Jean, combien nous aime notre Père céleste, qui veut que nous ayons le titre et la qualité de ses fils» (cf. 1 Jo. 3,1) .

Soyons fiers d'un tel Père, désirons son règne et sa gloire: «Père, que votre nom soit sanctifié, que votre règne arrive! ». Il attend de nous: adoration, respect, obéissance, docilité; … la confiance en sa bonté;… l'amour filial surtout et l'union. L'enfant bien né se plaît auprès de son Père…

3°. Notre Père… Dieu est le Père commun de la famille humaine: tous sont nos frères. Plus intimes sont nos frères de la famille chrétien­ne, de la communauté, de la maison. Prions pour tous. Aimons-nous les uns les autres; supportons-nous. 70 Père, donnez-nous notre pain quotidien: à l'Eglise, le pain de l'unité et de la sainteté; à la patrie, paix et prospérité; à chacun de nous, la vie temporelle et le progrès spirituel». Prions même pour nos ennemis: N.-S. l'a fait au Calvaire et une grâce de contrition tombait sur ses bourreaux. St Etienne l'a fait et il obtenait la conversion de St Paul…

II. Dimitte nobis debita nostra (Mat. 6,12): Notre Père, pardonnez­-nous nos offenses. Nous sommes vos enfants, mais des enfants souvent imparfaits et défectueux.

1°. N.-S. a décrit le pécheur sous les traits de l'enfant prodigue, cela s'appliquait bien aux juifs qui avaient gaspillé l'héritage de grâces de leur peuple. Les paraboles se pourraient multiplier à l'infini. N.-S. eût pu décrire 71 une jeune fille vêtue de blanc qui s'éloigne de sa mère sans permission pour chercher des compagnes dissipées. Elle revient salie, déchirée, blessée. C'est l'image du péché. Ses larmes obtiennent son pardon.

N.-S. parlant à une âme favorisée de grâces mystiques lui montrait le péché sous le symbole d'un jardin en hiver: plus de feuilles, de fleurs, de fruits. Ce n'est pas la mort. Elle peut venir après de grands froids. Le bon Maître qui aime les fleurs, les fruits et les parfums, peut-il se plaire dans ce jardin à l'aspect sinistre?

Une vision de Marguerite Marie nous donne encore une juste idée du péché. Il apparaissait dans l'état de l'Ecce homo et disait que l'in­différence et l'ingratitude 72 des hommes l'avaient réduit à cet état.

Examinons-nous sur toutes nos fautes. Envers Dieu, pour la piété, manque d'exactitude, d'attention, de ferveur; - pour la sainte commu­nion, pensées étrangères pendant la préparation et l'action de grâ­ces…

Envers le prochain: antipathies, préférences, critiques, railleries; pour la règle: l'exactitude, le silence.

Pour les voeux: obéissance prompte, cordiale, affectueuse.

Pour la pauvreté, ne rien prendre sans permission ou sans en ren­dre compte.

Modestie des pensées, des regards.

2°. Pénitence. - Motifs de contrition: la laideur du péché: jardin sans fleurs et sans fruits. 73 La Passion de N.-S. L'odieux soufflet chez Anne expie notre amour propre; les impropères chez Caïphe réparent notre orgueil; la flagellation correspond à notre sensualité, à l'amour de nos aises; le fiel aux péchés de la langue contre la tempérance ou la charité; les clous paient pour nos actes de désobéissance.

Revenons à Dieu. Retournons-nous vers le soleil de grâce, et le prin­temps renaîtra dans notre âme.

Modèles de conversion: l'Enfant prodigue se lève, il va vers son père et s'humilie. - La jeune fille salie et blessée va vers sa mère qui deman­de pardon pour elle à son père.

Madeleine apporte aux pieds de Jésus le parfum d'un humble amour et sur ses beaux cheveux 74 le parfum d'un culte dévoué. Faisons comme l'enfant blessé qui va à sa mère. Sa mère l'excuse, le père pardonne et se détourne pour essuyer une larme d'attendrisse­ment. Allons à Marie, elle nous excusera auprès de Jésus. Notre­-Seigneur pleurait aussi sur Lazare qui symbolisait le pécheur…

3°. Pénitence pour le monde. Notre Père, pardonnez-nous nos péchés, à tous. Le monde! Il n'est pas beau. Rappelez-vous les plaintes de N.-S. à Marguerite Marie, à Ste Catherine de Sienne, à la vén. Agnès Steiner; les plaintes de Marie à La Salette, sa demande de pénitence à Lourdes. 75 L'apôtre St Jean disait: le monde entier est livré à l'or­gueil, à la concupiscence, à la convoitise. Voyez le monde d'aujourd'hui: des gouvernements persécuteurs, des peuples indiffé­rents, des sectes endiablées, des familles en dissolution, des haines sociales, la passion pour l'argent. La guerre avec ses horreurs est le fruit du péché.

Les couvents doivent être des asiles de pénitence et de réparation, des sauvegardes, des paratonnerres pour la société. - Là est le sel de la terre; s'il s'évente, avec quoi la terre sera-t-elle conservée? C'est la vigne choisie selon l'expression biblique: N.-S. y cherche des raisins. Le S.-Cœur devra-t-il répéter cette plainte: J'ai cherché des consola­teurs, 76 des cœurs compatissants et je n'en ai pas trouvé? Depuis un demi-siècle, N.-S. cherche des victimes pour apaiser la justice de son Père, puissions-nous comprendre et goûter cet esprit de victimes répa­ratrices!

III. Fiat voluntas tua sicut in caelo et in terra (Mat. 6,10): Que votre volonté soit faite! Jour de résolution. Don de nous-mêmes à Dieu.

1°. Sicut in caelo. Les anges sont nos modèles (Ps. 103). Ce sont de purs esprits, rapides comme le vent et comme la lumière, ardents com­me le feu: Qui facis angelos tuos spiritus et ministros tuos ignem urentem (Ps. 103,4). Ce sont les ministres et les envoyés de Dieu. Ils louent, ils aiment, ils servent Dieu. Ils viennent 77 nous aider: Gloria in excelsis Deo et in terra pax hominibus (Mat. 2,14). Les anges gardiens sont nos amis dévoués et fidèles. St Raphaël est leur modèle: il conduit, il con­sole, il guérit. - Les saints au ciel s'unissent aux anges pour louer Dieu et prier pour nous. Combien est admirable l'obéissance des anges! Ils suivent le regard de Dieu pour savoir ce qu'ils doivent faire, où ils doi­vent aller.

2°. Et in terra. Faisons comme eux. Cherchons la volonté de Dieu pour la faire. Admirables modèles: Jésus lui-même: il fait toujours la volonté de son Père. «Je suis venu pour cela, dit-il. Je fais ce qui est de mon Père. Je ne fais jamais ma volonté…» (cf. Mc. 1,38J o. 8,29).

Marie se dit la servante du Seigneur. 78 Elle n'a pas d'autre souci que de faire la volonté de Dieu.

Et les saints! Les martyrs vont aux supplices. Dieu le veut! Voyez les Catherine, les Agnès, les Cécile, les Quentin… Les apôtres: Pierre, Paul, et ceux des âges postérieurs, les Irénée, les Hilaire, les Martin. Ils vont au loin et bravent tous les sacrifices: Dieu le veut! Les prédica­teurs: Dominique, François, Ignace, François de Sales, Vincent Ferrier.

Ils se dépensent: Dieu le veut! Les missionnaires: François Xavier, Pierre Claver, Gabriel Perboyre… Les hommes d'œuvres: Jean de Dieu, Camille de Lellis, Vincent de Paul: Dieu le veut!

Les hommes, surtout les religieux et religieuses sont les anges de la terre, les ministres, 79 les envoyés de Dieu. Ils prient, ils aiment, ils servent Dieu. Ils aident le prochain.

Il faut vivre dans cet esprit, servir Dieu avec ardeur, avec fidélité, avec amour; tout par amour, tout en union avec N.-S. Il faut souvent revenir à cette union, par un souvenir, par un regard. Offrons chaque action à Dieu. Il aime ces attentions répétées.

3°. Service passif. Les anges nous l'envient. Ils ne peuvent pas souf­frir pour Dieu et pour les âmes.

Aimons la mortification et la pénitence. Acceptons la croix de cha­que jour: épreuves du corps, souffrances; épreuves de l'âme, peines, scrupules; épreuves de la vie commune, frottement des caractères; épreuves des œuvres et de la vie sociale. 80

Abandon, consécration de tout nous-mêmes. Si l'épreuve est dure, nous pouvons dire un moment comme N.-S.: «Que ce calice s'éloigne de moi! », mais nous ajouterons toujours: «Seigneur, que votre volonté soit faite, et non la mienne!» (Mat. 26,39).

Le 10 déc. je donne aux Soeurs Servantes du Cœur de Jésus une conférence que je vais résumer ici.

Quae est ista quae progreditur quasi aurores… (Cant. 6,9). Quelle est cel­le qui s'avance belle comme l'aurore?

L'aurore prélude au grand jour. Dieu en a fait le symbole de Marie qui prépara la naissance du Sauveur.

Marie comme la colombe de 81 l'arche présageait le salut.

Comme l'épouse du Cantique, elle devait être le lis entre les épines, le jardin réservé.

Nous considérerons le lieu du mystère, les premières grâces de Marie, les fruits à retirer de la fête.

I. Le lieu du mystère. - Ce lieu n'est pas indifférent. Dieu choisira Bethléem, la cité du pain, pour y manifester le pain descendu du ciel, et Nazareth, la ville des fleurs pour le printemps de la vie du Sauveur.

L'Immaculée Conception s'accomplit à Jérusalem, près du Mont Moriah où le patriarche Abraham offrit son Isaac, près du temple où le peuple de Dieu offrait les agneaux du sacrifice, près de la piscine pro­batique où se préparaient ces agneaux, près du prétoire où 82 l'Agneau de Dieu devait être condamné à mort.

L'âme de Marie descend du cœur de Dieu dans le sein de Sainte Anne. Elle est en possession de toutes ses facultés. Elle s'humilie devant Dieu comme fera le Verbe Incarné en entrant dans le monde: Exinanivit semetipsum (Phil. 2,7). Elle contemple le monde et elle est toute émue de miséricorde pour la pauvre humanité. La sainteté de Dieu la saisit, elle voudra rester vierge et pure pour être digne du sein de Dieu d'où elle est sortie. Ces sentiments domineront toute sa vie, elle les exprimera au jour de l'Annonciation et dans son Magnificat. Elle se dira la servante du Seigneur dont le nom est saint; elle exaltera 83 la miséricorde divine qui vient sauver le monde.

Quelles seront ses premières impressions? Voisine du temple, elle désirera prendre part de bonne heure au culte du Très-Haut et s'unir aux âmes sincèrement religieuses. Près de la piscine, elle sera bercée par le bêlement des agneaux du sacrifice. Près du tribunal, elle aura le pressentiment des épreuves du Sauveur décrites par les prophètes…

II. Quelles sont ses premières grâces? - Elles sont esquissées au beau psaume 44 où David a décrit avec enthousiasme le Rédempteur et la Reine assise à ses côtés. Astitit Regina a dextris tuis in vestitu deaurato cir­cumamicta varietate (Ps. 44,10). La Reine viendra, vêtue du manteau d'or 84 de la charité et de la pureté, avec toutes les broderies qui sym­bolisent les autres vertus. L'humilité est sa première grâce, elle sait si bien qu'elle est toute de Dieu et toute pour Dieu. Comme St Michel et mieux que lui, elle s'écrie: Quis ut Deus!

La miséricorde l'envahit: elle voit une si grande différence entre le spectacle du monde et son idéal de sainteté.

Pour garder sa pureté toute céleste, elle ira vivre au temple dès que son âge le lui permettra. Comme le psaume l'a prévu, elle fera le sacri­fice de la vie extérieure et de la vie de famille pour être toute à Dieu.

III. Adducentur Regi virgines post eam (Ps. 44,15). - D'autres épouses 85 partageront avec Marie l'union au Sauveur. Ce sont les âmes pieu­ses et en particulier les religieuses qui célèbrent leurs fiançailles et leurs épousailles dans les beaux jours de la vêture et de la profession. Ces âmes doivent imiter Marie Immaculée. Leurs cœurs doivent être comme un jardin fermé où croissent la violette de l'humilité, le lis de la pureté, la rose de la charité (St Bernard).

Comme Marie, elles quittent la maison paternelle. De là vient la fécondité de leurs prières. Au lieu des parents qu'elles quittent, Dieu leur donne des âmes qui sont comme les fils de leurs sacrifices. Pro patribus tuis, nati sunt titi filii… (Ps. 44,17). 86

Mon souvenir se reporte au sanctuaire de la maison de Ste Anne que j'ai revu en 1911. Les Pères Blancs m'en ont fait les honneurs. J'ai célébré la messe à l'autel de l'Immaculée Conception. Puissent tous nos précieux sanctuaires de la Terre Sainte n'être pas trop éprouvés par la guerre avec les Turcs!

Me voici arrivé à la période jubilaire de ma vie ecclésiastique. Il y a cinquante ans que j'ai pris la soutane. Dans un an, j'aurai cinquante ans de tonsure; dans deux ans, cinquante ans de sous-diaconat; dans trois ans, cinquante ans de sacerdoce… si je vis encore. J'ai reçu bien des grâces dans les commencements. J'ai commis bien des fautes dans une si longue période. 87 Chaque anniversaire de ces beaux jours m'apporte un renouveau de grâce. C'est bien sensible encore cette année. Puissé-je me renouveler entièrement et ne plus retomber! C'est la vie intérieure qui m'attire. Je relis les notes que j'ai écrites sur ce thème: union à Dieu, union à N.-S. J.-C., présence de Dieu, paix inté­rieure, intention pure, contemplation… Il n'y a qu'une nuance entre les diverses écoles de spiritualité. Toutes visent à l'union avec Dieu et avec N.-S.; mais suivant la grâce de la personne ou du temps, les uns s'arrêtent davantage à l'union de présence par la mémoire, d'autres à l'union de pensée par l'oraison, d'autres à l'union de volonté et du cœur.

Je note une impression qui me 88 paraît avoir son importance. L'âme humaine est présente dans tout le corps, mais elle agit principa­lement dans tel ou tel organe suivant les circonstances. Elle est dans mes yeux quand je regarde, dans mes mains quand j'agis, dans mes pieds quand je marche, dans mon cerveau quand je pense… Il me sem­ble qu'elle concentre ou intensifie son action près du cœur quand elle aime. Quand je me livre à des sentiments affectueux, mon cœur se dilate, il bat plus fort, mon sang est plus chaud. Il y a de l'analogie entre le cœur physique, organe directeur de la vie du corps, et le cœur moral, qui est le maître des actes de l'âme. Le cœur est donc plus que le symbole de l'amour; il est l'organe le plus 89 intimement associé aux mouvements affectifs de l'âme. On peut dire qu'il est le symbole de l'amour, mais c'est un symbole vivant et participant aux actes qu'il symbolise. On a dit parfois, même dans de graves docu­ments ecclésiastiques, qu'il est l'organe de l'amour, c'est une manière de parler, mais personne ne s'y méprend. Cela veut dire que les mou­vements affectifs de l'âme sont sensibles dans le cœur qui est l'organe le plus impressionné par les affections humaines…

St Jean et les trois degrés de la vie spirituelle.

Je suis allé au couvent pour la belle fête de St Jean. On m'y a exprimé des souhaits de fête dans un langage bien surnaturel et bien conforme à notre vocation. 90 J'ai répondu par une conférence sur St Jean et les trois degrés de la vie spirituelle.

Duo discipuli secuti sunt Jesum (Jo. 1,37). Deux disciples, André et Jean, suivirent Jésus, et ils l'ont suivi jusqu'au plus haut degré de la vie surnaturelle.

Sainte Catherine de Sienne, dans ses Colloques, rapporte une instruction de N.-S. sur les trois degrés de la vie spirituelle: pénitence, union, abandon. Considérons ces trois degrés dans la vie de St Jean.

I. Au 1er degré,l'âme se tient aux pieds de Jésus. C'est la place de Madeleine, la place des pénitents. Le pénitent se souvient de ses fau­tes, il a confiance en la miséricorde divine, il fait des efforts pour acquérir les vertus, il s'y applique 91 assidûment. St Jean a-t-il passé par ce degré? Oui, et il y a excellé. Il était assidu aux prédications de St Jean Baptiste. Il les goûtait et en profitait. Il se purifiait sans doute par les jeûnes, les veilles et les cilices. C'est à lui et à St André que Jean Baptiste révéla d'abord les titres de Jésus, «l'Agneau de Dieu qui effa­ce les péchés du monde» (Jo. 1,29). Jean et André désireux de se puri­fier s'empressèrent de suivre Jésus. Ils l'accompagnèrent chez lui et sûrement se jetèrent à ses pieds. Jean B.» n'avait-il pas dit qu'il était l'Agneau de Dieu et le Fils de Dieu? Pendant le temps de sa formation, surtout la première année, St Jean devait être habituellement en esprit et souvent en fait aux pieds de Jésus. Il voit tous 92 les malades et les suppliants, le lépreux, le possédé, l'aveugle-né se jeter aux pieds de Jésus, il s'y met en esprit avec eux. Il voit Madeleine baigner de ses lar­mes les pieds de Jésus, il verse sûrement aussi quelques larmes de péni­tence en union avec Madeleine. Est-il donc un pécheur lui aussi? Il est un juste, mais les justes ont quelques imperfections et ils se les repro­chent sévèrement, parce qu'ils connaissent la sainteté de Dieu. Le Seigneur a voulu marquer dans l'Evangile quelques imperfections de St Jean, pour faire comprendre aux âmes pieuses qu'elles ne doivent pas se décourager si quelque faiblesse leur échappe. C'est ainsi que St Jean manifeste quelque vanité quand, à l'instigation de sa mère, il demande 93 pour son frère Jacques et pour lui les premières places au royaume des cieux. Une autre fois, il prie Jésus de frapper de la foudre une ville peu hospitalière, mais Jésus l'exhorte à la patience et lui dit: «Vous ne savez pas de quel esprit vous êtes» (Luc 9,55). Jean sommeille un peu à Gethsémani, il s'enfuit avec les autres quand judas arrive, mais il revient sans tarder.

Comme St Jean a dû pleurer ces fautes, lui qui désirait tant la pureté de l'âme! Comme il a dû s'exercer aux vertus que Jésus lui recommandait: à l'humilité, la douceur, la prière, la persévérance dans l'épreuve!

II. St Jean est plus spécialement encore le modèle de la vie unitive. Il en est devenu le 94 type et le modèle dans son repos sur la poitrine du Sauveur. N.-S. a donné à ses disciples tout le code de la vie d'union dans son discours après la Cène, mais St Jean seul l'a bien compris et bien retenu.

Il avait puisé la lumière et l'instinct de cette vie d'union sur la poi­trine du Sauveur. «Je suis la vigne et vous êtes les branches», dit le Sauveur, «restez unis à la vigne» (Jo. 15,4). C'est le principe: les bran­ches reçoivent du tronc la sève, la vie et la fécondité. «Celui qui obser­ve les commandements est celui-là qui demeure uni. Nous viendrons, mon Père et moi, et nous demeurerons en lui et nous l'aimerons…» (cf. Jo. 14,23). Jésus prie pour cette union: «Mon Père, faites qu'ils soient un entre eux et avec nous, 95 comme nous sommes un nous-­mêmes» (cf. Jo. 17,21). Comment s'entretient cette union? Par la con­templation quotidienne et habituelle des perfections divines et des mystères de la vie de N.-S. L'assiduité à l'union est fréquemment récompensée par la dévotion affective. Parfois cependant N.-S. se cache, il ne laisse pas sentir sa présence. C'est ainsi que pendant les 40 jours après sa résurrection, il se manifestait à certains jours et se laissait désirer les autres jours. N.-S. veut nous habituer à nous tenir dans l'u­nion, même quand nous n'en goûtons pas la douceur.

III. Le troisième degré de la vie spirituelle, c'est le baiser de la face, le baiser de paix, l'esprit d'abandon et d'immolation qui donne à l'âme une paix imperturbable. 96 Osculetur me osculo cris sui (Cant. 1,1). N.-S. donnait le baiser de paix à ses apôtres chaque fois qu'il les revoyait après une absence. L'Eglise garde cette tradition. Souvent à la messe le prêtre embrasse l'autel qui représente N.-S., et il transmet la paix aux fidèles en se retournant et en disant: Dominus vobiscum ou Pax votis.

La paix se trouve dans l'union de conformité et d'abandon. L'âme qui ne veut plus que la volonté de Dieu, consolante ou crucifiante, ne peut plus être troublée. L'abandon patient est celui de Simon de Cyrène; l'abandon joyeux est celui des âmes généreuses. St Jean s'est formé à l'abandon quand il a entendu le Sauveur 97 dire trois fois à Gethsémani: «Père, que votre volonté soit faite!» et ensuite: «Levez­-vous et allons au-devant des persécuteurs» (cf. Mat. 26,39 et 46).

Jean se livre avec Jésus pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes. Il s'unit à toutes les immolations de Jésus: au portement de la croix, au crucifiement.

La lance du centurion perce moralement le cœur de St Jean avec celui de Marie. C'est avec Marie qu'il fait bon à s'immoler et ce sera la carrière de St Jean, prêtre du S.-Cœur et prêtre victime.

98

1916

Que sera cette année? Elle commence dans des conditions pénibles. La guerre se continue, immense et acharnée. St-Quentin est toujours en état de siège. Tout ce que Dieu veut est bon. Il éprouve pour puri­fier. Il offre aux âmes le salut et aux nations la paix et la prospérité. Les hommes s'agitent comme des insensés. Ils croient que tout dépend d'eux et ils sont le jouet de la Providence. Je m'incline devant la volonté divine. Je prie, je supporte l'épreuve pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes. J'attends l'heure de la miséricorde.

Nos missions du Congo et du 99 Cameroun19) sont bien éprouvées, mais le règne de l'Evangile ne s'étend que par la croix.

Je n'avais jamais lu les Dialogues de Ste Catherine de Sienne. Les loi­sirs de la guerre me procurent la grâce de lire beaucoup de choses excellentes. Ces dialogues viennent du ciel. Ce n'est pas une science acquise, dit la Bulle de Canonisation de la Sainte, mais une science infuse. J'en note quelques pensées.

Sur l'Eucharistie: «Regarde, ma fille bien-aimée, dit le Seigneur, quel­le excellence acquiert l'âme qui reçoit comme elle le doit ce pain de vie. Elle est en moi et moi en elle, comme le poisson dans la mer; je suis dans l'âme et l'âme est en moi, l'Océan de la paix. Dans cette âme réside la grâce, et la grâce demeure quand l'accident du pain 100 est consommé. Je lui laisse l'empreinte de la grâce, comme fait le sceau qu'on pose sur la cire chaude. Lorsqu'on retire le sceau, l'empreinte du sceau reste; de même la vertu de ce sacrement reste dans l'âme; elle conserve la chaleur de la divine charité; elle garde la lumière de la sagesse de mon Fils…».

Sur les prêtres: «Je leur ai donné la charge d'administrer le soleil (spi­rituel), en leur confiant la lumière de la science et la chaleur de la divi­ne charité, et avec cette lumière et cette chaleur, la couleur, c'est-à-dire le sang et le corps de mon Fils…».

«Mes ministres doivent faire trois parts des biens qu'ils reçoivent de vous. Ils vivront de la première; ils assisteront les pauvres avec la secon­de et consacreront 101 la troisième à l'Eglise et à ses besoins…».

«L'Eglise est comme le cellier qui renferme le sang de mon Fils uni­que. A la porte de ce cellier est mon Christ sur terre, le Pape; il en a les clefs; il est chargé de distribuer le sang et de désigner ceux qui aideront son ministère dans toute l'étendue de la chrétienté. Comme il les a choisis pour ses auxiliaires, il a le droit de les corriger de leurs fautes, et je veux qu'il en soit ainsi. A cause de la dignité dont ils sont revêtus, je les ai affranchis du pouvoir et de la servitude des princes de la terre. Le plus grand malheur qui puisse arriver à l'homme, c'est de se faire leur juge et leur bourreau…».

Sur la chute d'Adam: «Après avoir créé toutes choses bonnes et par­faites, j'ai enfin créé l'homme à mon 102 image et ressemblance, et je l'ai placé dans un jardin qui, par la faute d'Adam, a produit des épi­nes, tandis qu'il n'avait donné d'abord que des fleurs embaumées d'in­nocence et de sainteté. Tout obéissait à l'homme; mais dès qu'il eut commis sa faute, il trouva la révolte en lui et dans les autres créatures. Le monde devint sauvage, et l'homme qui le résume, partagea son sort…». L'état sauvage n'est pas l'état primitif de l'homme comme le pensent nos évolutionnistes. C'est une dégénérescence qui est allée en grandissant pour les tribus et les races séparées et éloignées des pre­miers centres où se conservaient mieux les lumières primitives, la Chaldée et l'Egypte, par exemple. 103

Mais c'est surtout la doctrine de l'Union à Dieu qui remplit ces com­munications divines. L'union commence par la pénitence et s'élève à l'amour, à l'abandon, à l'immolation.

Nos trois facultés y concourent. La mémoire nous rappelle le bien­fait de la création, les droits de Dieu et nos fautes passées. Elle nous conduit à la pénitence.

L'intelligence médite les mystères et les attributs divins, la grandeur de Dieu, ses perfections, la bonté du Rédempteur, ses promesses; et l'âme se porte à l'amour intéressé d'abord, puis à l'amour pur et oublieux de soi-même.

La volonté s'attache au divin bien-aimé, elle imite le Rédempteur dans son amour 104 de la croix pour l'honneur de Dieu et le salut des âmes.

L'union ne se fait pas sans un travail assidu et persévérant.

Le Christ sert de pont pour nous conduire au ciel. L'âme se tient d'abord aux pieds du Sauveur dans la pénitence. Elle s'élève à son Cœur par la vie d'amour qu'elle entretient en se dégageant des créa­tures et en purifiant ses affections. Elle parvient au baiser de la bou­che, au baiser de paix avec son Dieu par l'abandon à la volonté divine, par l'amour de la croix et l'immolation quotidienne.

Les vues de Ste Catherine de Sienne sont toutes remplies de l'esprit du Sacré-Cœur. 105

Le 2 février20) est pour moi un grand jour, il me rappelle les grâces extraordinaires que j'ai reçues en 1878. Que n'en ai-je mieux profité! Je vais ce jour-là au couvent et je donne une conférence ou médita­tion sur le mystère du jour.

Lumen ad revelationem gentium (Lc. 2,32). -Jésus parut sans doute à Siméon tout lumineux comme le buisson ardent. La mission du Rédempteur sera de se consumer dans les flammes de l'immolation jusqu'à ce qu'il s'éteigne sur la croix.

I. L'Eglise représente ce mystère par les cierges de la Chandeleur. Le cierge symbolise Jésus au jour de la Présentation; il le représente tous les jours à la messe: la liturgie demande qu'un cierge spécial soit 106 allumé sur l'autel pendant la présence de la divine Victime, depuis l'élévation jusqu'à la communion.

Le cierge symbolise encore le Sauveur ressuscité au samedi saint et jusqu'à l'Ascension.

Gracieux symbole! La cire blanche représente le corps du Sauveur. Elle est tirée du suc des fleurs, comme Jésus est sorti de la fleur de Jessé. On sait que les abeilles sont vierges, la reine seule a dans une ruche les fonctions de la maternité. La cire sort du sein des avettes comme Jésus est sorti du sein de la Vierge Marie.

La cire est blanchie par un long travail comme le corps de Jésus a pâli sous le pressoir de la passion. La flamme qui s'élève de cette cire rappelle la divinité de N.-S. manifestée par ses œuvres et par sa 107 résurrection…

II. Une mystique (Marie Brotel) vit l'Enfant Jésus, au jour de la Présentation, lumineux comme un buisson ardent, mais avec les âmes justes, surtout Marie et les vierges, qui participaient à sa lumière et for­maient avec lui un faisceau lumineux.

Les cierges symbolisent aussi les âmes justes. Chaque fidèle porte son cierge à la procession de la Chandeleur. Tout chrétien reçoit au baptême un cierge allumé qui représente la grâce divine. Il présente son cierge au jour de sa 1ère communion et dans les grandes circonstan­ces de sa vie, ordination, vêture, profession religieuse, etc. On l'allume encore auprès de son lit d'agonie. Il est toujours le cierge, allumé par la grâce et consumé per l'immolation… 108

III. N.-S. a souvent demandé à Marguerite Marie de se consumer comme un cierge21) pour la gloire et l'amour du S.-Cœur. Se consu­mer… C'est la pensée constante de la bienheureuse. Elle se consume dans la prière, dans la souffrance et dans l'apostolat. Elle prie, elle souffre, elle offre l'immolation de Jésus pour le salut des âmes. Elle voudrait donner des millions de vies.

Elle a son apostolat spécial: faire connaître et aimer le S.-Cœur. C'est sa préoccupation constante dans ses fonctions de maîtresse des novices, dans ses relations, dans sa correspondance. Elle suscite des apôtres du S.-Cœur: le P. Claude de la Colombière, le P. [Croiset?].

Elle s'abandonne à toutes les immolations que la Providence met 109 sur son chemin. Elle se sacrifie aussi par ses mortifications. Suivant le conseil de N.-S., elle porte partout par sa prière les grâces du S.-Cœur. Elle fait plusieurs grands voyages en esprit chaque jour. Avec Marie et son bon ange elle porte le calice du sang de Jésus au Purgatoire, à Rome, dans les pays hérétiques et infidèles; et partout elle sème les grâces du S.-Cœur.

Voilà notre modèle. Semblables à des cierges bénis, consumons-­nous chaque jour dans la prière, l'abandon et l'immolation pour le règne du S.-Cœur et pour le salut des âmes.

Je repasse dans ma mémoire toute ma participation à l'action socia­le chrétienne. C'était une vocation, 110 une mission providentielle. J'avais souvent à Rome dirigé mes lectures dans ce sens là. J'aimais à lire de Maistre, de Bonald, Blanc de St Bonnet, la Politique de Bossuet, les thèses de Bellarmin sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat.

En 1872, je fonde le Patronage, j'y ajoute successivement le Cercle, l'association des Patrons chrétiens, une réunion d'études sociales.

Je provoque de beaux congrès:

à N.-D. de Liesse en 1875;

à St Quentin en 1876;

à Soissons en 1878.

Je suivais les congrès des œuvres ouvrières présidés par Mgr de Ségur et ceux des Cercles, présidés par Albert de Mun.

Pendant plusieurs années, nous avions des réunions diocésaines d'é­tudes 111 sociales, à Soissons, à St-Quentin, à Laon. C'est de là qu'est sorti le Manuel social chrétien, qui a eu un grand retentissement et s'est vendu à plus de 10.000 ex.

En 1893, réunions diocésaines à Liesse. Pendant dix ans, réunions annuelles d'études au Val des Bois, où j'avais souvent la présidence. Rencontré là M. Fonsegrive, Goyau, l'abbé Gayraud, l'abbé Lemire, Marc Sangnier, M. Glorieux, M. Vanneufville, M. Perriot…

En 1895, réunion à St-Quentin.

En 1896, congrès ouvrier à Reims, congrès national, réunions ecclé­siastiques.

Réunions à Benoîte-Vaux, à Rodez. Congrès démocratique à Lyon.

En 1897-1898-1899, conférences à Rome, honorées par la présence 112 de plusieurs cardinaux et encouragées par Léon XIII, dont je suis l'écho. Je publie ces conférences en plusieurs volumes: Catéchisme social - Rénovation chrétienne - Directions pontificales. Plusieurs de ces volu­mes sont traduits en italien, en arabe, en hongrois, en portugais. Ils deviennent classiques en plusieurs séminaires de France et d'Italie.

Je provoque à Rome des réunions d'études sociales auxquelles prennent part des hommes éminents: le P. Warnz, le P. Janssen.

J'ai des entrevues pour une entente commune avec le P. Lehmkuhl, le chanoine Pottier, le P. Vermeersch.

En 1897 encore, conférences à Mende, à Alais, à Nîmes.

En 1900, congrès à Cahors. Congrès franciscain à Rome. 113 Congrès de Bourges.

La pratique marchait de front avec la théorie. Les œuvres de St-­Quentin se continuaient. Elles étaient initiées dans les paroisses de fau­bourg, par des prêtres que j'avais élevés.

Au Val surtout nous collaborons avec M. Harmel depuis 30 ans et au Brésil depuis vingt ans avec les patrons chrétiens de Camaragibe. Tout n'a pas été parfait dans ce mouvement social. Dans toute réforme sociale, il y a des exagérés et des emballés.

Pour moi, j'étais trop romain pour qu'il y ait quelque danger de m'égarer. J'ai essayé de retenir sur la pente Marc Sangnier et l'abbé Lemire. 114

J'ai signalé à Bourges les hardiesses du Vicaire général d'Alley.

Le St-Siège m'a donné un certificat de correction doctrinale en me nommant consulteur de l'Index.

Dans tout cet apostolat je ne voyais que le relèvement des petits et des humbles, selon l'esprit de l'Evangile.

Je relis les Psaumes. Pourquoi la critique moderne s'applique-t-elle à en refuser la paternité à David? Personne ne prétend qu'ils soient tous de lui: une trentaine environ ont été écrits manifestement après la captivité de Babylone.

Mais il est certain que l'ensemble ou la majeure partie est de David. Toute la tradition juive et chrétienne l'affirme. Les Psaumes sont le livre de David. Quatre-vingt- 115 huit sont attribués à David lui-même par le texte hébreu ou par la tradition consignée par les Septante. Vingt-six sont attribués à ses collaborateurs, ses secrétaires, ses chan­tres: Asaph, Ethan et les fils de Coré. Il les a faits siens, il les a insérés à sa collection. Cela fait cent quatorze psaumes davidiques.

Les trente-six autres y ont été ajoutés peu à peu. C'est ainsi que nos livres liturgiques s'enrichissent parfois d'un office nouveau, sans qu'ils cessent d'être dans l'ensemble les livres de St Pie V et du Concile de Trente.

Je lis le livre de l'abbé Leman sur la prophétie de l'Emmanuel en Isaïe, je crois y voir une lumière nouvelle. Les chapitres 116 XI et XII d'Isaïe annoncent le règne du Messie. Le chap. XII est connu comme l'annonce du Sacré-Cœur: «Vous puiserez avec joie aux sources du Sauveur et sa grâce abondera sur toute la terre» (Is. 12,3.5).

Mais le chap. XI aussi annonce deux levées d'étendard du Christ, verset 10 et verset 12.

Au verset 10, c'est le signe de la croix, le signe du fils de Jesse dont le tombeau sera glorieux. Cet étendard conquerra les nations: Ipsum gentes deprecabuntur. C'est la diffusion de l'Eglise parmi les peuples. Et plus tard le Seigneur interviendra à nouveau pour ramener les restes d'Israël: Adjicet Dominus secundo manum suam ad possidendum residuum populi sui (Is. 11,11). Il lèvera un 117 nouvel étendard aux yeux des nations, mais c'est pour ramasser à lui de tous les coins de la terre les fugitifs d'Israël et les dispersés de Juda: Et levabit signum in nationes et congregabit profugos Israël et dispersos Juda… (Is. 11,12).

Ce qui me prouve ou du moins m'autorise à penser que ce nouvel étendard est bien le Sacré-Cœur, c'est que son annonce précède immédiatement le beau chapitre XII où toute la tradition voit l'annon­ce du règne du Sacré-Cœur.

Il y a d'étranges ressemblances entre la France, fille ainée de l'Eglise, et le peuple de Dieu. Quand notre peuple offense le Seigneur, Dieu le visite et le ramène à lui en le punissant. 118 Isaïe a des pages que l'on croirait écrites pour nous. Le prophète reproche surtout à Israël ses lois impies. Nous en fabriquons hélas! tous les jours en France depuis trente-cinq ans. Dieu pardonne plutôt les fautes person­nelles des souverains que les lois qui font régner l'impiété dans la nation. Chap. X: «Malheur à ceux qui font des lois d'iniquité et qui publient des décrets injustes, privant de leurs droits les faibles de mon peuple, faisant des veuves leur proie et des orphelins leur butin…» (vv. 1-2). Aujourd'hui, les faibles sont les prêtres et les religieux, les veuves sont les religieuses, les orphelins sont les enfants astreints à l'école sans Dieu.

«Que ferez-vous, dit le Seigneur, 119 au jour de ma visite, quand la ruine fondra de loin? Vers qui fuirez-vous pour trouver du secours? Où confierez-vous vos trésors? (à Bordeaux peut-être). Parmi vous les uns seront faits prisonniers et les autres mourront» (vv. 3 et 4).

Comme les rois de Babylone, nos grands ministres se sont élevés au­dessus des étoiles et se sont dits égaux à Dieu (cf. Is. 14,13). «Holà Assur! Verge de ma colère, bâton auquel j'ai confié ma vengeance, je t'ai envoyé contre une nation impie, je t'ai expédié contre un peuple objet de ma colère, pour enlever ses dépouilles et le livrer au pillage; pour le fouler comme la boue des places publiques…» (Is. 10,5-6).

Nous savons qui est cet Assur 120 envoyé contre nous…

«Le Seigneur va faire fondre sur les coupables les eaux du Fleuve, eaux grandes et profondes, le roi d'Assyrie et toute son armée: il débordera de son lit et se répandra sur toutes ses rives. Il se précipitera sur Juda, il inondera, il montera, il atteindra jusqu'au cou» (Is. 8,7-8). - jusqu'au cou et non jusqu'à la tête. Jérusalem a été épargnée, - et chez nous Paris a échappé aux débordements du Fleuve.

Mais quand son œuvre sera accomplie, le Seigneur visitera Assur… le joug sera brisé par l'onction de l'huile. La miséricorde divine pardon­nera au peuple repentant (Is. 10,24-27). 121 «N'aie pas peur, ô mon peuple, qui habites Sion, un tout petit délai encore, et ma colère sera passée: Adhuc paululum modicumque et consummabitur indignatio et furor meus super scelus (Is. 10,25).

«Il y a une infinité d'esprits grossiers et stupides que l'on ne peut réformer en leur donnant l'intelligence de la vérité, mais en les retenant dans les choses qui sont à leur portée et en les empêchant de juger de ce qu'ils ne sont pas capables de connaître» (Nicole: De la justesse d'es­prit, dans le ler discours préliminaire à la Logique de Port-Royal). Donnez aux hommes du peuple le droit d'élire les chefs de leurs corporations, c'est bien. Mais qu'ils puissent choisir les législateurs 122 c'est au-dessus de leur portée. Le suffrage universel égal et direct est une utopie. Avant Nicole, le St-Esprit avait dit: Stultorum infinitus est numerus (Eccle. 1,15 vulg.): la sagesse ne court pas les rues…

J'ai lu et relu le livre de l'Ecclésiastique. Il m'a émerveillé. Il est trop négligé. Il devrait être un livre de chevet, comme l'Imitation. Il en fau­drait faire une édition populaire: traduction libre, paraphrase, adaptation à nos moeurs. Combien il surpasse tous les moralistes classiques: La Bruyère, Vauvenargues, Pascal, La Rochefoucauld! Il joint, à la plénitu­de de la doctrine, de grandes beautés littéraires. Il donne les règles de la vie civile comme celles de la vie religieuse. 123

On le range parmi les livres salomoniens. Il a été écrit cependant par Jésus fils de Sirach, un des Septante qui ont traduit la Bible en grec au temps des Ptolémée. Mais le prologue nous dit que ce Jésus était nourri de la lecture des livres anciens. Il s'est inspiré de Salomon et il était guidé par l'Esprit Saint.

J'en vais donner une très courte analyse. Cela m'édifie.

1. Origine divine de la Sagesse soit incréée soit créée. La crainte de Dieu en est le fondement et l'amour de Dieu la couronne. Ses fruits: la paix, ce qui en hébreu signifie tout bien: la prudence, la justice, la douceur, la patience.

2. Union à Dieu (conjungere Deo). Abandon à sa volonté dans l'humi­lité 124 et la patience. Confiance en Dieu, il est bon et miséricor­dieux. Se sanctifier en sa présence.

3. Les enfants de la Sagesse forment l'assemblée des justes et le peu­ple qu'ils composent n'est qu'obéissance et amour. Ce chapitre a tout un traité sur l'obéissance et le respect dûs aux parents. L'aumône effa­ce les péchés comme l'eau éteint le feu.

4. Exhortation à la charité, à la bonté envers les pauvres. - Dieu éprouve les justes, mais s'ils sont fidèles, il revient à eux avec ses conso­lations.

5. Ne pas abuser de la patience et de la bonté de Dieu. Il est patient mais il aura son heure.

6. De l'amitié. Choisir un ami désintéressé et vertueux. C'est un tré­son Si vous trouvez un sage conseiller, passez souvent le seuil de sa por­te. 125

7. Ne point désirer les dignités, les honneurs. - Aimer Dieu et respecter les prêtres. - Souvenez-vous de vos fins dernières et vous ne pécherez pas.

8. Ne méprisez pas les vieillards, vous vieillirez à votre tour.

9. Rester fidèle aux anciens amis. Penser à Dieu et parler des choses de Dieu.

10. Les rois sont dans la main de Dieu. S'ils sont justes et sensés, Dieu les maintiendra. S'ils sont orgueilleux et impies, Dieu les perdra. Il en est de même des assemblées et des conseils de gouvernement.

11. Prudence, charité, discrétion. Ne pas s'agiter. Les biens et les maux, la vie et la mort, la pauvreté et la richesse viennent de Dieu. La règle de vie et les bonnes œuvres ont aussi leur source en lui. Soyez fidèles à Dieu jusqu'à la mort. 126

12. On ne connaît les vrais amis que dans l'adversité.

13. Sur les rapports avec les grands. - Eviter de les fréquenter s'ils sont orgueilleux et impies. Ne pas se lier facilement avec de plus riches que soi. Ils vous domineront, vous feront dépenser avec eux, vous regarderont de leur hauteur: Quid communicabit cacabus cum olla (Eccli. 13,3). (De ce chapitre sont tirées les fables du pot de terre et du pot de fer, du loup et de l'agneau).

14. Portrait de l'avare. A table même il est partagé entre le besoin de manger et le désir d'épargner. - Fragilité de la vie: les feuilles tom­bent et d'autres poussent. - La sagesse semble habiter un sanctuaire mystérieux, il faut y pénétrer, y vivre, y demeurer avec elle. 127

15. La sagesse est comme une épouse, une mère. Elle nourrit l'âme du pain de l'intelligence, elle la conseille, elle l'inspire, la console, la revêt d'un vêtement d'honneur. - Dieu n'est point l'auteur du péché: il a créé l'homme libre. Il a mis devant lui l'eau et le feu, la vie et la mort, c'est à lui de choisir.

16. Dieu bénit les familles et les nations où règne la justice. Il frappe les coupables: rappelez-vous Sodome et les Israélites au désert.

17. Dieu a fait l'homme à son image. Son regard ne le quitte pas. Il fait miséricorde à ceux qui se convertissent.

18. Magnifique éloge de la grandeur divine. - Néant de l'homme: il est comme une goutte d'eau à la mer, un grain de sable au désert. Cependant Dieu en a pitié. -Joindre à l'aumône de douces paroles. 128

S'instruire avant de parler.

Se sanctifier avant de mourir.

Prier sans cesse.

S'avancer dans la vertu.

Se recueillir avant la prière.

19. L'ouvrier sujet au vin ne deviendra jamais riche. Celui qui négli­ge les petites économies se ruinera. Le vin et les femmes font tomber les sages eux-mêmes. Avertir son prochain avec douceur, si on le voit disposé à en profiter.

20. De la parole: qu'il faut en user selon la vérité, la prudence, la justice, la bénignité.

21. Fuyez le péché comme on fuit le serpent. La science du sage se répand comme une eau qui déborde. Le cœur de l'insensé est un vase fêlé qui ne peut rien retenir.

22. Le paresseux est comme aspergé 129 de boue par le mépris qu'on fait de lui. Le fils indiscipliné est la honte de son père. L'homme qui vit mal est plus à plaindre qu'un mort. Sa compagnie pèse sur les épaules comme le plomb, le sable, le sel, comme une mas­se de fer. Se fâcher contre un ami est réparable, mais le déshonorer, le trahir, dévoiler ses secrets, c'est faire évanouir l'amitié, comme une pierre fait envoler des oiseaux.

23. Belle prière contre l'intempérance de la langue, contre les mou­vements de l'orgueil, la gourmandise et l'impureté. - Si vous fréquen­tez les grands, ne méprisez pas l'origine modeste de vos parents. - L'avare, l'impudique et l'adultère seront châtiés par Dieu qui voit tout et dont le regard perce les murailles et les ténèbres de la nuit. 130

24. Le chapitre XXIV est un des plus beaux de ce livre et de toute l'Ecriture Sainte. C'est le magnifique éloge de la Sagesse, que l'Eglise a tant utilisé dans la liturgie (Ego ex ore Altissimi erodivi… quasi cedrus exal­tata sum in Libano…). Il s'applique à la Sagesse incréée d'abord, à Dieu et à son Verbe; puis à toute la diffusion de cette Sagesse dans le Christ, dans la Vierge Marie, dans les Saints, dans l'Ecriture, dans le peuple de Dieu… Au temps du Christ, annoncé par David, la Sagesse se répandra comme les eaux qui débordent du Phison, du Tigre et de l'Euphrate. Elle jaillira du Paradis comme l'eau d'un canal creusé de main d'hom­me. Ce sont là les sources qui jaillissent du Sacré-Cœur… 131 Quelques interprètes, comme Raban Maur22) et Palacius l'ont entrevu: «Le Christ, dit Raban Maur, est le réservoir des eaux immenses de la vie divine, réservoir qui donne ses eaux à l'Eglise pour la féconder, comme le Sauveur lui-même l'a dit: Celui qui boira de l'eau que je donnerai aura en lui une source de vie éternelle (Jo. 4,14) » (Com. in Sap.).

25. C'est une belle chose qu'un vieillard sage, prudent, de bon con­seil et craignant Dieu.

26. Deux vocations dangereuses, celle de marchand et celle de caba­retier. - Bel éloge de la femme sérieuse, chaste et pieuse.

27. Utilité des afflictions. - Règles de la conversation.

28. Les péchés de la langue.

29. Faire l'aumône. Ne prêter 132 qu'avec prudence.

30. De l'éducation des enfants.

31. Des inquiétudes de l'avare.

32. Bonne tenue dans les repas. Faire la volonté de Dieu. Prendre conseil. Veiller et prier.

33. Garder son rang et son autorité. Ne point donner son bien avant sa mort. Fermeté et bonté envers les serviteurs.

34. Prendre soin des ouvriers: les traiter avec justice et avec bonté. 35. Les sacrifices doivent être offerts à Dieu avec soin et avec géné­rosité.

36. Belle prière pour la patrie, pour le peuple de Dieu. Conseils pour le mariage.

37. Du choix des amis et des conseillers.

38. Honorez les médecins. C'est Dieu qui les a créés pour vous gué­rir. Purifiez-vous de vos péchés qui sont la principale cause des mala­dies. 133 Pleurez la mort de vos proches et pensez à la votre. - Les arti­sans se sanctifient en travaillant. Ils offrent leurs fatigues à Dieu et observent la loi du Seigneur.

39. Bel éloge des sages. On l'applique aux prophètes et aux reli­gieux (Sapientiam omnium antiquorum exquiret sapiens…). Ils consacrent leur temps à étudier la loi de Dieu et les exemples des anciens.

Toutes les œuvres de Dieu sont bonnes. Les souffrances éprouvent les bons et punissent les mauvais.

40. Eloge de la pureté, de la sagesse, de la douceur, de l'union dans la société, de la miséricorde envers les pauvres, de la crainte de Dieu. La beauté de la vertu surpasse tous les biens de la terre. 134

41. Tout ce qui est à réprouver: vices, injustices, incivilités même: mettre ses coudes sur la table… ne pas rendre un salut…

42. Dans une maison où il y a beaucoup de mains, tenez tout fermé, donnez tout compté et pesé; et ne manquez point d'écrire ce que vous avez donné et reçu.

De l'éducation des jeunes filles. Louange de Dieu et de ses perfections.

43. Ode superbe sur la puissance de Dieu manifestée dans la nature.

44. Eloge des Saints (Laudemus viros gloriosos...). L'auteur loue les patriarches, les juges et les saints rois qui ont instruit et gouverné le peuple de Dieu: Hénoch, Noé, Abraham, Isaac, Jacob.

45. Moïse, Aaron, Phinéés et David.

46. Josué et Caleb, Samuel et les juges. 135

47. Nathan et David… Salomon a loué Dieu de tout son cœur, mais son salut reste douteux.

48. Elie, Elisée, Ezéchias…

49. Josias, Jérémie, Ezéchiel, Zorobabel - puis l'auteur remonte à Joseph, à Sem, à Seth, à Adam…

50. Le livre doit donner des fruits abondants. Heureux qui se nour­rit de ses conseils, qui les médite et les met en pratique.

51. Action de grâces pour les lumières reçues.

- Les modernistes sont à la recherche d'une morale et ils pataugent dans le chaos. Qu'ils prennent donc l'Ecclésiastique, ils y trouveront toutes les règles de la vie privée, de la vie de famille, de la vie sociale… 136

La guerre me donne le loisir de lire le gros in-folio des Révélations de Ste Brigitte de Suède. J'y reviendrai. Je m'unis ici à elle pour prier pour la France.

C'était vers 1346, pendant la guerre de cent ans, quand Edouard III et Philippe de Valois se battaient comme deux bêtes fauves (Video quasi duas bestias ferocissimas), et conduisaient leurs peuples à l'extermina­tion.

Plusieurs fois la Sainte Suédoise prie pour la France (Liv. IV, chap. 105). «Comme je priais, dit-elle, je vis au ciel St Denis qui disait à la Ste Vierge: «Vous êtes la Reine de miséricorde et vous êtes devenue la Mère de Dieu pour le salut des malheureux, ayez donc pitié du royau­me de 137 France, qui est le vôtre et le mien: le vôtre, parce que ses habitants vous honorent comme ils peuvent, et le mien parce que je suis leur patron et qu'ils ont confiance en moi. Vous voyez, que d'âmes sont en péril! Les corps tombent comme ceux des animaux, les âmes tombent en enfer comme la neige. Ayez pitié d'eux. Priez pour eux, vous êtes le secours de toutes les âmes». La Mère de Dieu répondit: «Allons ensemble auprès de mon Fils». Jésus répond: «Mère, demandez ce que vous voudrez» - et Marie: `Je vous prie avec St Denis et d'autres Saints dont les corps reposent là-bas, d'avoir pitié du royaume de France…». Mais N.-S. se plaint de ces deux rois 138 intransigeants et de leurs troupes vénales qui peuplent l'enfer… et il demande surtout aux hommes du Roi de France une vraie humilité». N'est-ce pas enco­re ce qu'il faudrait aujourd'hui, que les hommes de France, gouver­nants et parlementaires, reconnussent qu'ils ont fait pendant 35 ans des lois abominables…

Une autre fois (liv. 6, ch. 34) N.-S. et sa divine Mère demandent que le Pape intervienne, qu'il convoque les deux rois, qu'il leur rappelle la Passion du Sauveur et les fins dernières pour les amener à faire la paix. - Et plus loin encore il fait dire au Pape Clément de négocier la paix, puis d'aller à Rome ouvrir le jubilé.

Je prie avec Marie et les Saints de France pour notre pauvre royau­me…

139 Table des matières

Octobre 1915 1 Les morts 54
Ch. Sauvé: La grâce 2 Dieu dans ses oeuvres 55
L'homme nouveau 3 L'abandon 57
L'homme temple de Dieu 4 22 novembre 66
L'homme enfant de Dieu 6 Décembre. Les Petites Soeurs 67
L'homme ami de Dieu 7 L'Immaculée 80
L'âme, épouse de Dieu 15 Cinquante ans 86
L'union et ses conditions 18 Saintjean 89
Ch. Sauvé: L Eglise 23
La vie sociale chrétienne 27
La Communion des Saints 30 Janvier 1916 98
La vie de victime 38 Ste Catherine de Sienne 99
Les sacrements, le sacerdoce 41 Février: Chandeleur 105
Ch: Sauvé: Les fins dernières 44 Action sociale 109
Le Purgatoire 44 Les Psaumes 114
L'enfer 45 Isale et le S.-Coeur 115
Le Ciel 49 La visite du Seigneur 117
La Retraite du S.-Coeur 51 Le suffrage universel 121
Avertissement 52 L'Ecclésiastique 122
Novembre 53 Ste Brigitte 136

1)
«La guerre continue implacable», parce que l’expiation n’est pas encore suffisan­te. «Je sauverai (la France) mais il me faudra beaucoup de victimes, il me faudra beaucoup de sang» (n. 2). Langage typique d’une spiritualité victimale, fondée sur une conception où Dieu apparaît comme un justicier en colère contre les pécheurs, et seulement après que sa justice aura reçu une satisfaction adéquate, il pourra don­ner son pardon. C’était une conception assez répandue les siècles passés, et assez fré­quente aussi dans les écrits du P. Dehon, même si elle s’alterne avec des pages sur l’a­mour infini et miséricordieux de Dieu.
2)
Marguerite de Cortone, sainte, née en 1247 à Laviano, près de Cortone. Elle con­nut une jeunesse désordonnée, mais en même temps cultivait une compassion singu­lière pour les affligés. Le jour même où son séducteur fut tué, elle partit pour Cortone. Ici elle obtint d’être admise au tiers-ordre de St François, après trois ans de pénitence en expiation de ses péchés. Elle passa le reste de sa vie dans la prière et en meurtrissant son corps par de sanglantes disciplines; expira le 22 février 1297.
3)
François de Sales, saint: né en 1567, dans le château de Sales en Savoie. Il étudia droit civil et ecclésiastique à Padoue, et théologie à Paris. Ordonné prêtre il se dévoua pour reconduire à la foi catholique le Chablais. Evêque de Genève résidant à Annecy, il proposait l’idéal de la sainteté dans une bonté composée de douceur et de tendres­se. D’après lui, pour atteindre la sainteté il faut avant tout aimer: d’où l’importance de l’amour dans n’importe quel état de vie. Il exposa cette doctrine d’abord dans L’introduction à la vie dévote (1608), son chef-d’œuvre, qu’il composa pour répondre aux besoins spirituels de sa cousine Philotée; et ensuite, dans Le Traité de l’amour de Dieu (1616), lié plutôt au milieu conventuel de Ste Jeanne de Chantal. Son message est toujours le même: «Tout est à l’amour; tout en l’amour et pour l’amour, en la sainte Eglise». L’amour, pour lui, est à la fois le terme auquel il faut aboutir et le moyen pour l’atteindre; l’amour affectif, d’abord; mais pour tendre à l’a­mour effectif, et le rendre plus facile. «Le cœur amoureux aime les commandements de Dieu; et plus ils sont de chose difficile, plus il les trouve agréables parce qu’il com­plaît plus au Bien-Aimé et lui rend plus d’honneur» (Traité, 1. VIII, ch. V).
4)
François d Assise, saint, né en 1182. Sur les fonds baptismaux il avait reçu le nom de Jean, mais son père, Pietro di Bernardone, riche marchand drapier, ne l’ap­pelait que Francesco, François, étymologiquement le français, et ce nom prévalut bientôt. Après avoir cherché son bonheur avec des compagnies de jeunes gais et sans soucis, il se rendit compte que ces divertissements, loin de l’assouvir, creusaient enco­re davantage sa faim de bonheur. Un jour qu’il prie devant la chapelle délabrée de Saint-Damien, il croit s’entendre réclamer la restauration matérielle de l’église en rui­ne. Et alors il s’engage sur place… En 1208, en entendant la page évangélique: «Ne prenez ni or, ni argent, ni bâton…», il est saisi comme d’un éclair. «Voilà bien ce que je cherchais», s’écrie-t-il; et sur-le-champ il se revêt à la façon d’un manant ombrien de l’époque et commence à prêcher à ses concitoyens la pénitence et la paix. Quelques disciples se joignent à lui. Ils vivent ensemble à l’aventure, sous un toit à l’a­bandon, priant de compagnie, vivant d’aumônes et donnant leurs soins aux malades et aux lépreux. Un prestige inouï s’attache à son œuvre. En 1217, à l’issue du pre­mier chapitre général, François se trouve en état d’envoyer des missionnaires dans tous les pays de l’Europe. Et quatre ans après, à l’occasion d’un nouveau chapitre, 5000 Frères se donnent rendez-vous près du couvent de Riotorto. En 1224 François partit avec Frère Léon pour la solitude du mont La Verna,, où il fut marqué des stigmates du divin Crucifié. Deux ans durant, il fut torturé par ces plaies mystiques, auxquelles s’ajoutèrent d’autres épreuves d’ordre physique et moral. Enfin il consomma son martyre en 1226, à Notre-Dame des Anges, en s’endormant paisible et joyeux dans, les bras de «sa soeur» la mort. Doux de manières, d’un naturel paisible, François se montrait affable, indulgent, ferme en ses résolutions, inébranlable en sa vertu, époux de Mme Pauvreté, aimant la paix et les oiseaux, débordant de joie, simple en toutes choses, irradiation joyeuse de la tendresse miséricordieuse d’un Dieu qui est Amour.
5)
Angèle de Foligno : cf. cahier XXXVII, note 19.
6)
Bernard de Clairvaux, saint. Né en 1090 près de Dijon en France, mort le 20 août 1153, il entra très tôt dans le cloître, mais en entraînant avec lui son oncle, ses cinq frères et un groupe d’amis. Après trois ans de noviciat chez les cisterciens, il fut chargé de fonder le monastère de Clairvaux: il n’avait que 25 ans et il était déjà abbé. C’est par lui surtout que la règle cistercienne, version plus austère de la règle de St Benoît, au XIIe siècle séduisit tant d’âmes. L’action pastorale de Bernard a touché presque tous les aspects de la vie de l’Église: la rénovation de la vie monastique, ses interventions sur le rôle des évêques, sa lettre De consideratione sur le rôle et les devoirs du Pape, sa dévotion envers la Vierge Marie, et enfin son admirable traité De diligendo Deo, paru vers 1126 et qui explique la théologie de l’amour de Dieu, un amour même affectif… Empruntant la belle formule de Sevère de Milève (qu’il croyait de St Augustin), il explique: Causa diligendi Deum, Deus est, modus, sine modo diligere («La rai­son d’aimer Dieu c’est Dieu lui-même; et la mesure de l’aimer, c’est de l’aimer sans mesure»).
7)
Ravignan (Xavier Delacroix de), jésuite, né à Bayonne en 1795, mort à Paris 1858. En 1837 il succéda à Lacordaire pour le Carême de Notre-Dame. Pendant dix années, dans ses conférences, il aborda: la lutte religieuse; la raison et la foi; le fait divin; l’Église catholique; les préjugés légitimes; le dogme; le décalogue… Ses confé­rences connurent un grand retentissement comme provocation à redécouvrir le sens de la foi pour tout le monde. Editées, elles ont rempli quatre volumes.
8)
Caussade (Jean Pierre de), jésuite, né à Quercy 1675, mort à Toulouse en 1851. Il est connu surtout pour son traité sur L’abandon à la Providence. Cet ouvrage a été com­posé par des recueils de lettres qu’il avait envoyées comme directeur d’esprit à ses dirigées. Dans l’édition définitive, ces lettres sont réparties en 7 livres. En appendice vient la dissertation du P. Ramière, avec des textes empruntés à Bossuet, Surin, St François de Sales… et l’acte d’abandon attribué au P. Pignatelli. D’après Caussade, l’a­bandon est une disposition active et passive: active parce qu’elle commande l’accom­plissement du devoir; passive en ce qu’elle accepte par amour tout ce que Dieu nous envoie. Ainsi elle fonde la dévotion au moment présent qui nous maintient sans cesse à l’écoute de la parole de Dieu inscrite dans les êtres comme dans les événements.
9)
«L’homme intime» de Sauvé. Il s’agit du volume VII, sur la vie chrétienne, mais on étudie surtout les aspects sociaux de la vie chrétienne et la communion des saints, et donc l’Église.
10)
La communion des saints Le P. Dehon en parle avec émotion. Il la conçoit com­me communion des fidèles avec Dieu en Jésus-Christ, et communion des hommes entre eux, encore en Jésus-Christ. Mais il la voit aussi comme flux et reflux des biens divins dans la cité de Dieu, c’est-à-dire entre Dieu et nous, entre la terre et le ciel, entre la terre et le purgatoire et, sur la terre, entre les âmes…
11)
Lidwine ou Lydwine, sainte, née à Schiedam (Hollande) en 1380. A l’âge de 16 ans, en patinant elle tomba; ce qui provoqua des fractures qui furent à l’origine d’une maladie incurable. Le long des 35 ans qu’elle vécut encore, par la méditation de la passion du Sauveur et par l’Eucharistie, elle fut amenée à souffrir avec joie, pour l’ex­piation des péchés du monde.
12)
Emmerich (Anne Catherine), née en 1774 à Flansk, dioc. de Munster, de pauvres et pieux paysans. En 1802 elle est reçue au couvent des Augustines de Dulmen. Après une longue série d’événements tout à fait extraordinaires, le 29 déc. 1812 elle voit des rayons partant de la blessure du Sauveur, qui vont frapper ses mains, ses pieds, son côté droit. Ces stigmates lui seront, jusqu’à sa mort, source de douleurs indicibles. Elle a dicté beaucoup de méditations, prières, illuminations intérieures, éditées dans la suite en plusieurs volumes: un livre sur la passion du Christ; une vie de la Ste Vierge Marie; une vie de Notre-Seigneur en 5 volumes. Elle mourut le 9 février 1824.
13)
Olier (Jean Jacques), fondateur de la société de St-Sulpice. Né en 1608, il fit la théologie en Sorbonne. Ordonné prêtre en 1633 il se mit sous la direction du P. de Condren qui l’envoya d’abord donner des missions et ensuite le sollicita de fonder avec d’autres «les séminaires». Tout au début ils sont trois. On décide que la petite communauté n’aura d’autre lien que «le noeud des trois Personnes adorables». En 1645 M. Olier achète un terrain près de St-Sulpice et là on bâtit le séminaire. D’où le nom donné à la société. Bien qu’il soit mort à 48 ans, M. Olier a écrit beaucoup. Disciple des deux fonda­teurs de l’Ecole française, P. de Bérulle et P. de Condren, c’est lui qui en a exprimé la doctrine avec le plus de perfection. Parmi ses livres on doit citer au moins: La journée chrétienne, Le catéchisme chrétien pour la vie intérieure, Explication des cérémonies de la grand’­messe de paroisse, Traité des saints ordres, etc. Principe général pour lui c’est que «l’humanité sainte de Notre-Seigneur a été anéantie en sa propre personne… ayant en soi une autre personne, savoir celle du fils de Dieu, qui recherchait seulement l’intérêt de son Père;… de même nous devons être anéantis à tous propres desseins et à tous propres intérêts, et n’avoir plus que ceux de Jésus-Christ, afin d’y vivre pour son Père» (Catéchisme intérieur).
14)
Je relis l’abbé Pioger «Dieu dans ses œuvres». Le P. Dehon avait rencontré et con­nu l’abbé Pioger durant son séjour à Paris.
15)
Chaignon (Pierre), jésuite (1791-1883). Pendant 33 ans il prêcha plus de 300 retraites pour ecclésiastiques. Il a aussi publié les livres: Le prêtre à l’autel…. Angers 1853; Nouveau cours de méditations sacerdotales, 3 vol., Angers 1858.
16)
Lehen (Edouard Brignon de), jésuite (1807-1868), maître des novices chez les jésuites et puis professeur au grand séminaire de Blois. On lui doit deux ouvrages très différents mais importants: 1. La voie de la paix intérieure, Paris 1855 (cité ici par le P. Dehon); 2. Institutes du droit naturel… et du droit des gens, 2 volumes, Paris 1868, inspirées de Taparelli et présentées comme un commentaire du Syllabus.
17)
Surin (Jean Joseph), un des plus grands mystiques jésuites de France, né en 1600, et mort en 1665. Disciple du P. Lallemant, il est devenu plus grand que le mai­tre. Son œuvre Catéchisme spirituel a été mise à l’Index en 1695; dans la suite, on l’a encore réimprimée, avec des corrections. On a de lui encore: Cantiques spirituels, Paris 1664; Fondements de la vie spirituelle, Paris 1669; Dialogues spirituels, 3 vol., Paris 1704; etc.
18)
Je prends pour thème le «Pater». Le «Pater» est la prière enseignée par le Christ lui-même à ses disciples, d’où les appellations «prière du Seigneur» et «oraison domi­nicale». Les évangiles en donnent deux versions différentes: Mat. 6,9-13 et Lc. 11,2-4. Il n’est pas possible de présenter ici une histoire complète du rôle joué par cette priè­re dans la tradition chrétienne. On peut trouver un exposé très développé et bien documenté dans le Dict. Spir. XII, 388-413.
19)
Le P. Dehon rappelle ici l’expulsion, en 1916, de nos missionnaires allemands du Cameroun. Quelques-uns sont rentrés en Europe. Le P. Zicke, après un séjour de quelques mois dans l’île de Fernando Poo, est allé en Espagne, où il est mort en 1958. Il est considéré le «fondateur» de la province scj en Espagne (cf. aussi Cahier XXXIV, note 25; Cahier XLI, note 15).
20)
Le 2 février est pour moi un grand jour. C’est le jour qui rappelle au P. Dehon les grâces extraordinaires, reçues en 1878. C’est donc le souvenir de Sr Marie-Ignace, comme il raconte dans ses NHV XIII,72: «Le 2 février elle (Sr Marie-Ignace) eut une syncope plus longue et une sorte d’état de mort. On me fit chercher, comme j’étais son confesseur et directeur, et j’accourus avec les saintes huiles pour lui donner les derniers sacrements. Mais elle se releva encore. C’est alors quelle s’ouvrit à la Chère Mère…». Le P. Dehon sera encore plus explicite dans NQ XL, n. 97 et suivants. Et quand même, dans sa lettre au P. Falleur du 3 avril 1894 (AD B. 20/3) il écrit: «J’ai dit la Messe dans la Santa Casa. C’est là qu’est née la Congrégation en 1877».
21)
Se consumer comme un cierge. expression typique pour indiquer un dévouement total pour la gloire et l’amour de S.-Cœur. Un dévouement que Ste Marguerite Marie vécut dans la prière, la souffrance et l’apostolat. Elle a suscité des apôtres, insiste le P. Dehon, et il cite: «le Père de la Colombière, le P.» (et l’écriture est interrompue…, peut-être pour un vide de mémoire!… Il pensait, évidemment, au P. Croiset, la pre­mière «conquête» apostolique de Ste Marguerite Marie).
22)
Raban Maur, moine bénédictin, né à Mayence vers 776. Ses œuvres, très nom­breuses, comprennent des traités de philosophie, commentaires de l’écriture sainte, opuscules de circonstance, etc. Nommé archevêque de Mayence en 847, il mourut en 856.
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