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40e CAHIER

1916-1917

Le premier vendredi, je vais au couvent et j'y donne une instruction sur St Joseph1).

Tulerunt eum in Jerusalem ut sisterent eum Domino et ut offerrent hostiam (cf. Lc. 2,22.24).

Joseph et Marie vont à Jérusalem pour y présenter N.-S. et y offrir une hostie…

Une sainte âme (Marie Brotel) vit ce mystère dans une extase, je m'unis à son admiration.

Quel beau groupe! Marie est l'épouse du Cantique. Elle porte Jésus, elle accompagne Joseph: Quae est ista quae ascendit de deserto, deliciis affuens, innixa super dilectum suum (Gant. 8,5). Son cœur déborde de tendresse. 2

Ils sont beaux… plus beaux que Salomon et David, plus beaux qu'Adam et Eve au jour de leur création. Ils se ressemblent tous trois. L'artiste divin les a formés sur le même idéal de beauté. La grâce divi­ne ajoute un reflet céleste à la perfection de leurs traits.

Joseph et Marie sont nos modèles dans l'union à Jésus, dans le zèle pour l'accomplissement de la loi, dans leur immolation.

I. Union à Jésus. - Après l'union de Marie à Jésus, il n'en est pas de plus grande et de plus intime que celle de St Joseph.

Joseph et Jean Baptiste sont les deux plus grands saints. Joseph est plus uni à Jésus, il est père. Trente ans d'union, de vie commune. Cor unum et anima una (Act. 4,32). 3

Union d'intimité, union de famille. Mêmes sentiments: comme Jésus, Joseph est doux et humble. Même volonté: la volonté du Père céleste. Même amour: l'honneur de Dieu et le salut des âmes.

Joseph est père pour Jésus: il le sera pour nous, si nous avons com­me Jésus la simplicité et l'esprit d'enfance.

La paternité de Joseph se continue envers Jésus au ciel; envers l'Eglise et envers nos âmes, parce que la vie de Jésus se continue d'une manière mystique, en l'Eglise et en nous.

II. Zèle pour l'accomplissement de la loi. - Ils vont au temple au jour pre­scrit pour offrir Jésus. Ils accomplissent toute la loi. Ils cherchent en tout la volonté de Dieu. Ils aiment le silence et la vie intérieure. 4 Ils contemplent les mystères de la Rédemption qui s'accomplissent sous leurs yeux. Marie médite ces mystères (Maria conservabat omnia verbes haec in corde suo: Lc. 2,19). Joseph admire avec Marie les événements qui se déroulent conformément aux prophéties (Erant pater ejus et mater mirantes super ea quae dicebantur de illo: Lc. 2,33).

Ils offrent les mérites de Jésus, ils s'y unissent et méritent avec lui.

St Joseph accumule les réserves comme avait fait Joseph, fils de Jacob. Celui-là avait conservé le blé de l'Egypte. St Joseph conserve Jésus qui est notre pain eucharistique, et les mérites de Jésus et de Marie qui sont le pain de la grâce pour tous les temps et surtout pour notre temps de disette. Puisons à ces réserves… 5

III. Joseph et Marie sont victimes avec Jésus. - Comme Abraham, ils offrent leur Isaac et s'offrent avec lui. Tous trois étaient victimes pour l'honneur de Dieu et pour le salut des âmes. Le prêtre Siméon a com­pris que le Sauveur serait immolé selon les prophéties et les figures de l'Ancien Testament. Il annonce la passion de Jésus et la compassion de Marie… Marie et Joseph comprennent comme lui et plus que lui. Marie souffrira davantage parce qu'elle assistera à la passion. Joseph sera victime de compassion et de réparation pendant trente ans. On pleurera souvent à Nazareth sur les péchés des hommes et sur la pas­sion du Rédempteur. Joseph pouvait 6 dire comme David: «Je me nourris de mes larmes le jour et la nuit». Imitons-les et continuons leur immolation, par la pénitence, par les larmes, par la vie réparatri­ce. Accumulons mérites et immolations, avec un grand cœur et des vues larges, pour l'Eglise, pour les peuples chrétiens, pour les âmes du purgatoire…

Son volume de révélations est très intéressant. On n'en a pas fait d'éditions populaires, parce qu'il y a des pages sévères et très réalistes sur le clergé de ce temps-là. Evêques, prêtres et moines sont vivement réprimandés. Il y a parmi eux des lépreux et des muets: des lépreux pour la laideur et la puanteur de leurs vices, des muets qui ne parlent ni à Dieu pour le louer ni aux hommes pour 7 les instruire…

Au livre 6, chap. 65, il y a tout un traité de direction spirituelle donné par N.-S. pour la vie active et la vie contemplative, à l'exemple de Marthe et de Marie. J'en prends copie ailleurs.

Ste Brigitte a de belles choses sur le Sacré-Cœur, dont elle a entrevu le règne. Elle nous donne le sens mystique de la porte que Salomon fit ouvrir au côté droit du temple (III liv. des Rois, ch. 6, v. 8), et des tor­rents qu'Ezéchiel vit sortir du côté droit de l'autel (ch. 47). C'étaient là des figures et des images prophétiques du S.-Cœur. L'aspersion de la messe est également symbolique, c'est pour cela qu'on y chante au temps pascal le «Vidi aquam» d'Ezéchiel. 8

Comme elle est discrète dans sa direction pour son Ordre! Elle ne veut pas de jeûnes exagérés. Il faut de la santé pour travailler au règne de Dieu. Elle recommande les soins de propreté et les bains une ou deux fois par mois. C'est N.-S. lui-même qui lui donne ce conseil…

Pourquoi peut-on louer la prudence du serpent?… Le serpent s'ap­puie sur sa queue et regarde le ciel. L'homme vulgaire regarde la terre comme les ânes…

Pourquoi le serpent d'airain a-t-il représenté N.-S.? C'est que N.-S. a pris l'apparence du serpent en se chargeant de nos péchés, mais il était d'airain, c'est-à-dire incorruptible.

La parole de Dieu est comme la floraison des arbres. Beaucoup de fleurs ne donnent pas de fruits. 9

Rome était à cette époque-là livrée à la corruption et au désordre. Les Papes vivaient à Avignon. Ste Brigitte, comme Ste Catherine de Sienne, fit tout ce qu'elle put pour les ramener à Rome.

Rome est pavée d'indulgences. Elle a eu tant de martyrs qu'on en compterait bien 7000 par jour!

Les religieux eux-mêmes se relâchaient à Rome et ailleurs dans ces temps malheureux. Il n'y en avait pas beaucoup de bons (Vix unus repe­ritur in centum).

Jésus travaille des mains, mais avec discrétion et modération, com­me il convenait à sa dignitié. Après la mort de St Joseph, il a même dû travailler seul pour soutenir sa vie et celle de Marie: Hic est faber et fabri filius (cf. Mat. 13,55). 10

La Sainte Vierge donne à Ste Brigitte une délicieuse description de la vie de Nazareth: «Joseph fut troublé, non pas qu'il doutât de ma ver­tu, mais parce que en voyant la réalisation de la prophétie sur la Vierge Mère, il se croyait indigne de rester avec moi. L'ange lui dit: «Sers-la fidèlement et sois le gardien et le témoin de sa virginité». Dès lors il me servait comme sa Reine et moi je m'humiliais aussi sous son auto­rité. Je faisais continuellement oraison, n'aimant pas à voir ni à être vue, sortant rarement, si ce n'est pour les fêtes principales et pour les veilles et lectures de la synagogue. J'avais mes heures pour les travaux manuels. J'étais discrète pour les jeûnes, selon mes forces. Ce qui nous restait, après que nous avions satisfait à nos besoins, était pour les pau­vres. 11 Joseph n'eut jamais de paroles inconsidérées, ni de murmu­res, ni de colère. Il était patient dans la pauvreté, assidu au travail quand il le fallait, très doux envers ceux qui se montraient insolents (objurgantes), très déférent envers moi. Il était prompt à me protéger contre les indiscrets. Il était tellement mort au monde qu'il ne désirait que les choses du ciel. Plein de foi aux promesses divines, il attendait leur réalisation. Rarement allait-il aux réunions des hommes. Il ne pensait qu'à faire la volonté divine et il a mérité une grande gloire».

Ste Brigitte aimait les pieux pèlerinages. Ste Anne lui apparait à Saint Paul hors des murs, où il y a de ses reliques. Elle est la protectrice des familles.

St Nicolas lui parle à Bari 12 à propos de l'huile de son tombeau. Saint Etienne se manifeste à sa basilique et lui rappelle son martyre. N.-S. l'engage à aller prier au tombeau de St André à Amalfi, et il lui rappelle l'amour de ce saint apôtre pour la croix.

J'ai fait tous ces pèlerinages, il me semble que j'y ai prié de bon cœur. Ces saints ne m'abandonneront pas à ma dernière heure.

Je parcours plusieurs volumes publiés par Em. Soldi sur la langue sacrée. Il y a des choses ingénieuses, mais l'auteur est panthéiste. C'est un livre à refaire. Je crois à des hiéroglyphes primitifs, révélés aux patriarches ou Mages de la Chaldée, comme les signes du zodiaque. Les hiéroglyphes d'Egypte, de Chine, du Mexique viennent de là et les alphabets en dérivent. 13 L'alphabet hébreu (Aleph, Bét, Gimel, Daleth, etc.) est tiré de ces signes, comme l'alphabet égyptien qui a les mêmes noms (Api, Ba, Gamaal, Du … ).

Ces signes devaient former un enseignement sommaire des grandes traditions humaines: le boeuf du sacrifice, le temple et l'autel, l'arbre sacré, le serpent tentateur, l'oeil de Dieu, la croix de la rédemption…

Ces signes devaient être interprétés dans les mystères de la Chaldée, de l'Egypte, de la Grèce, des Celtes, etc. et ils se propageaient dans l'art de toutes les nations…

Le taureau (Alapu, Aleph) en Chaldée, à la porte des palais, s'appe­lait Cherub et rappelait comme signe de force les Chérubins 14 placés par Dieu à la porte du paradis. Y a-t-il là un motif de cette place du tau­reau en tête de l'alphabet? Les fouilles d'Assyrie nous mettront peut-­être sur la trace de l'alphabet primitif. «L'écriture hiéroglyphique était employée pour les idiomes Assyrien, Susien, Arménien et Scytique» (J. Oppert). Or ces peuples appartenaient aux diverses familles des fils de Noé. Cela semble indiquer l'existence d'une écriture commune primi­tive, révélée ou inspirée par Dieu.

J'entre aujourd'hui dans ma 74e année, longum aevi spatium. Mon impression est un véritable écrasement par le souvenir des fautes de ma vie. Je relis les psaumes de la pénitence, ils 15 expriment bien mes sentiments: «Seigneur, ayez pitié de moi. Mon âme est troublée, ne me jetez pas en enfer. Seigneur, ne me jugez pas dans votre colère. Mes fautes sont comme un torrent où je me noie. Je suis attristé et brisé. C'est pour toute ma vie. Ne m'abandonnez pas, Seigneur, je garde con­fiance en votre miséricorde…» (cf. Ps. 6,2; 142,2).

J'ai gâté toute ma vie. N.-S. a voulu se servir de moi pour faire une œuvre, j'y ai mis obstacle tous les jours. Je ne sais que répéter jour et nuit: «Pardon, Seigneur, pardon, pitié, miséricorde!».

Je ne dois pas non plus oublier l'action de grâces, N.-S. m'a tiré de tant de périls pendant ma vie! Quand je l'attristais, il patientait. 16 Après mes fautes, il m'envoyait quelque épreuve, toujours inférieure à ce que je méritais.

J'ai conscience d'avoir fait pleurer aussi ma Mère la Très Sainte Vierge, mais il me semble qu'elle m'a pardonné et qu'elle veut bien oublier!

J'ai longtemps souffert de la sentir attristée et mécontente…

Messe et instruction au couvent. C'est le jour de naissance de la Chère Mère et aussi l'anniversaire de mon baptême (le 24): jour de réparation et d'action de grâces.

Résumé de mon instruction:

Verbum caro factum est (Jo. 1,14): Le Verbe s'est fait chair… St Luc est sobre de détails sur ce grand mystère. Ce n'est pas étonnant, il en tenait le récit de la Sainte Vierge, qui, par modestie, n'a dit que le strict nécessaire. 17 Mais on peut s'aider pour contempler ce mystère des plus belles pages des Pères, surtout de St Bernard, de St Augustin, de St Grégoire le thaumaturge et des vues mystiques de quelques âmes privilégiées, comme Ste Brigitte de Suède.

I. Préparation. - Ecoutons la Sainte Vierge: «Dès que j'entendis, disait-elle, que Dieu avait créé l'homme, qu'il avait donné la loi à son peuple et qu'il l'avait favorisé de tant de miracles, je me proposai de le servir en l'aimant et de me séparer de la vie du monde… Puis quand j'appris au temple que Dieu voulait s'incarner et naître d'une Vierge pour racheter les hommes, je fus saisie d'un amour si intense que je ne pouvais plus penser à autre chose ni aimer autre chose que mon Dieu… 18 Je fis le voeu de virginité, autant que le Bon Dieu voudrait bien l'agréer. Je résolus de vivre dans l'obéissance et la pauvreté, et je désirais être la petite servante de la Vierge privilégiée qui deviendrait la Mère de Dieu…».

Préparation prochaine: l'ange Gabriel descend, entouré d'un grou­pe d'autres anges. Il est environné d'une douce lumière et sa présence remplit la chambrette de parfums. Il tient avec la Ste Vierge le dialo­gue que l'on sait. Marie verse des larmes de joie et d'émotion. Elle prononce son Fiat, puis l'ange se retire: et discessit ab illa angelus… (Lc. 1,38). E comment le grand mystère s'accomplit-il? Marie ne le dit pas à St Luc, mais elle en raconta quelque chose aux mystiques.

II. Le grand mystère. - 19 Quand l'ange Gabriel eut annoncé au ciel le Fiat de Marie, des millions d'anges descendirent pour saluer leur rei­ne. C'est une procession merveilleuse. Ils portent des lis, des palmes et les instruments de la passion. Ils chantent les plus harmonieux Ave Maria, ils disent à Dieu: Nous la voulons pour Reine. Dieu apparaît comme au Sinaï. C'est un soleil aux rayons chauds et lumineux. Dieu demande à Marie de confirmer son Fiat. Il la prévient des souffrances qui l'attendent et qui sont figurées par les palmes et les instruments de la passion. Marie accepte tout pour la gloire de Dieu et le salut de nos âmes. La sainte victime ouvre ses bras en croix et le Verbe comme un 20 rayon de soleil descend du cœur de Dieu dans le sein de Marie. Marie est enivrée de grâce: Exultavit infans in utero meo (cf. Lc. 1,44). Les anges acclament leur Reine et lui donnent ces titres que les figures de l'Ancien Testament annonçaient: elle est le Paradis de délices qui possède l'arbre de vie; le jardin scellé et réservé au Roi; la Cité sainte; le palais du Roi, sa chambre mystérieuse, son lit de repos; le temple, l'arche d'alliance qui contient la manne. Bien plus, c'est le ciel où Marie, plus grande que les Chérubins, est le trône de Dieu…

III. Et après. - «Je cherchais, dit la Ste Vierge, comment et avec quel dévouement je répondrais à tant de grâces». Elle 21 consultait les anges et ils lui répondaient: «Dieu est en vous, il dirigera vos pas». Et avec la grâce de N.-S. qui vivait et tressaillait en elle, elle dirigea sa bar­que sur l'océan de la vie. Elle fuyait les relations du monde et même les douceurs de la fréquentation de ses proches. Elle évitait toute imperfection. Elle consacra à Dieu sa langue pour n'en user que selon la piété et la charité, ses mains pour s'en servir selon ses besoins et ceux du prochain, sa volonté pour se tenir prête à souffrir les épreuves avec patience et à procurer autant qu'elle pourrait la gloire de Dieu.

Telles doivent être aussi nos résolutions. Par la sainte communion nous recevons une grâce analogue à celle de Marie, nous devons imi­ter sa gratitude. 22

Depuis deux siècles la science, la presse et l'opinion sont égarées sur une fausse voie. Il en coûte à l'homme de reconnaître qu'il est un Dieu tombé. Il veut croire qu'il est un être en voie de progresser jusqu'à ce qu'il devienne Dieu.

Il y a deux erreurs fondamentales:

1°. La religion ne serait pas le fruit d'une révélation primitive2) mais une excroissance à guérir ou à rectifier.

2°. La civilisation ne serait pas un don de Dieu aux premiers hom­mes, mais elle serait un terme où tendent les hommes sortis des rangs de la race simiesque et de la sauvagerie.

C'est l'hérésie moderne.

Mais chaque jour Dieu nous fournit 23 de nouvelles armes pour la combattre et quand nous serons débarrassés de cette folie à préten­tions scientifiques, l'humanité fera un bond vers la vraie religion et le vrai progrès.

L'Egypte, l'Assyrie et la Perse nous révèlent chaque jour les mystères de leur histoire. Ce sont là les trois grandes races qui étaient en posses­sion après le déluge de la vraie religion et des principes de la civilisa­tion.

Plus on remonte dans l'histoire de l'Egypte, plus on trouve un art épuré et délicat, avec une vie sociale admirablement organisée et une culture avancée. La race de Cham est aussi celle qui construisit les pre­mières villes en Babylonie.

Les Sémites se développaient dans l'Assyrie et la Chaldée. On sait 24 combien ils excellaient dans les sciences mathématiques et astrono­miques. Ils conservaient les traditions primitives. La Providence nous livre aujourd'hui leurs bibliothèques.

Les Mèdes et leurs cousins les Grecs gardaient les traditions de Japhet. Tous ces peuples étaient d'abord monothéistes. C'est peu à peu qu'ils ont dégénéré et qu'ils sont tombés dans le polythéisme et le panthéisme. Dieu est intervenu pour conserver un peuple fidèle par l'organisation miraculeuse des Hébreux.

Le polythéisme est né de la vénération de la nature, du soleil, des astres et de la terre qui étaient les instruments des bienfaits de Dieu et les symboles de l'action divine. Une autre source du polythéisme 25 est la vénération des grands ancêtres, des chefs de chaque race et des fondateurs d'empire.

Les diverses races gardaient la trace et le souvenir du monothéisme primitif.

Littré3) a stigmatisé les aberrations du XVIIIe siècle au sujet des reli­gions (Philosophie positive, 1869).

Pour l'Egypte, écoutons M. de Rougé: «Nous pouvons établir ce que l'Egypte antique a enseigné sur Dieu, c'est l'unité la plus énergique­ment exprimée: Dieu un, seul, unique, pas d'autres avec lui. - Il est le seul être vivant en vérité. - Tu es un et des milliers d'êtres sortent de toi. - Il est tout fait et seul il n'a pas été fait… Il a fait le ciel, il a créé la terre, il a fait tout ce qui existe…». 26

M. Mariette dit le même: «Au sommet du Panthéon égyptien plane un Dieu unique, immortel, incréé, invisible et caché dans les profon­deurs inaccessibles de son essence. Il a fait tout ce qui existe et rien n'a été fait sans lui…».

Pour l'Assyrie, entendons M. F. Lenormant: «La religion de l'Assyrie et de Babylone était dans ses principes essentiels de la même nature que celle de l'Egypte et de toutes les religions du paganisme. Lorsqu'on y pénétrait au-delà de l'écorce extérieure du polythéisme grossier qu'elle avait revêtu dans les superstitions populaires et qu'on s'élevait jusqu'aux conceptions plus élevées qui en avaient été le point de départ, on y retrouvait la notion 27 fondamentale de l'unité divine, dernier reste de la révélation primitive défigurée par les monstrueuses rêveries du panthéisme» (Commentaire sur les fragments de Bérose).

Dans l'Inde aussi, le Brahmanisme primitif mettait Para-Indra au­ dessus de tous les dieux et les Grecs faisaient de Jupiter le Maître de l'Olympe.

Littré raille nos radicaux, fils de Rousseau et inférieurs à Voltaire, qui fut déiste.

Et l'homme sauvage qui serait la souche de l'humanité? Quelle plai­santerie! Un hottentot serait resté hottentot et ne se serait jamais civi­lisé.

Les sauvages sont les fruits secs, les enfants perdus de la civilisation. Ils se sont éloignés des grands 28 peuples primitifs, emportant quel­ques notions sommaires sur les armes de pierre, la poterie, le tissage élémentaire et même sur les sacrifices et la croyance vague à un Dieu supérieur, en quoi ils sont bien au-dessus de nos radicaux athées ou panthéistes.

Les anciens les ont connus ces sauvages. Job qui vivait avant Moïse parle en son chapitre 30 de ces gens misérables qui vivaient dans les déserts et se nourrissaient de racines, qui poussaient de grands cris de joie quand ils trouvaient des herbes pour se nourrir, qui habitaient dans les cavernes et dans les bois… Job ne les regarde pas comme les ancêtres de l'humanité, mais comme le 29 rebut de la terre et les fils d'hommes insensés, qui n'ont pas su rester auprès des familles d'élite. La vraie science nous delivrera de toutes ces aberrations.

Nos imagiers du moyen-âge ont eu le pressentiment des folies de la science moderne. Ils représentent l'idolâtrie par un homme priant devant un singe (son noble ancêtre). (De Caumont, Archéologie, 5e éd. p. 480).

J'ai revu tous les papiers du P. Blancal. C'était une âme candide. Il a dû conserver intacte son innocence jusqu'à 80 ans. Quel missionnaire infatigable! On peut le comparer à St Liguori. Il a prêché une infinité de missions, de retraites, de carêmes. Il était retenu cinq et six ans d'a­vance 30 pour des retraites ecclésiastiques. Il avait vraiment du fond, de la théologie et en même temps une faconde un peu méridionale. Il édifiait, il touchait, il gagnait la confiance. Il était bon directeur d'â­mes. Nous avons des copies de ses lettres et des notes d'âmes privilé­giées qu'il a longtemps dirigées, comme M.elle de Vézin et une autre dame de Montauban.

Membre de la Société des Prêtres du S.-Cœur de Toulouse, il avait voulu leur donner pour but la réparation et leur joindre une œuvre de religieuses réparatrices. Pendant des années il entretenait de pieu­ses âmes dans ce désir, il écrivait des notices sur la réparation. Il n'a pas abouti là-bas, mais il a trouvé tout cela chez nous. 31 Il a été pen­dant quelques années l'aumônier très assidu de nos Soeurs. Il n'a pas laissé de sermons bien corrects, mais beaucoup de canevas et de notes qu'il retouchait pour les faire servir plusieurs fois…

J'ai relu aussi toutes les notes du P. Rasset. Il m'a été donné par la Providence comme un fidèle auxiliaire et coopérateur. Il a été une vraie victime du S.-Cœur, toujours ballotté dans son ministère et souf­frant pendant vingt ans d'une cruelle maladie d'estomac.

J'ai résumé toute sa vie, ses notes, sa correspondance avec sa bonne soeur. On trouvera là de quoi compléter avec mes notes l'histoire des 30 premières années de l'œuvre.

Nous avons eu vraiment quelques 32 bons prêtres-victimes du S.­Cœur, spécialement le P. André, le P. Alphonse, le P. Modeste, le P. Barnabé et d'autres… J'espère aller les revoir bientôt. La grâce divine me pousse à oublier la terre et à penser davantage à ces amis du ciel qui m'attendent.

Je relis la vie de Gertrude-Marie. C'est un modèle pour les victimes du S.-Cœur. Je fais à son sujet la prière que l'Eglise nous fait faire dans l'office de St Louis de Gonzague: «Mon Dieu, je n'ai pas imité son innocence, donnez-moi la grâce d'imiter sa pénitence et son immola­tion».

Elle a une belle prière en vue de ses derniers moments. Pour moi, la mort n'est plus éloignée, j'adresse la même prière à N.-S. 33 «Laissez-moi, ô mon Jésus, jusqu'à mon dernier soupir, toute mon intelligence, afin que je puisse vous glorifier par ma résignation, ma patience dans les souffrances; afin que jusqu'à mon dernier soupir, je puisse vous dire que je vous aime et que je suis à vous pour toujours. O bien-aimé Jésus, combien je me réjouis d'aller vous voir! Oh! venez, mon Jésus, venez bien vite me chercher. Rien sur la terre ne peut satis­faire mon cœur! L'extrême-onction est le sacre de l'âme; il manque quelque chose à une âme qui part pour l'éternité sans la recevoir; ce secours, cette grâce, vous me l'accorderez, ô Jésus, j'en suis certain. Vous m'avez dit que vous preniez un soin tout particulier de mon âme, peut-il lui manquer quelque chose? Et avant que 34 je ne vous possède dans la gloire, une dernière fois, ô mon doux Jésus, vous sortirez de votre tabernacle pour venir me visiter, m'encourager, me fortifier. Vous resserrerez l'alliance que nous avons contractée, vous la scellerez de votre sang divin…».

Les âmes pieuses font la communion spirituelle et pas assez la mes­se spirituelle. C'est une pratique que la grâce divine m'a inspirée depuis longtemps et je la vois enseignée aussi par N.-S. à la Sr Gertrude-Marie. Que peut-on faire de mieux dans les moments d'ado­ration? Au ciel, c'est la messe perpétuelle. L'agneau est toujours im­molé ou présenté avec les stigmates de l'immolation pour la gloire de Dieu, la joie du ciel, le salut des âmes…

Je me sers de la prière Ego volo celebrare missam… J'offre 35 N.-S. la grande Victime, immolé pendant toute sa vie mortelle et surtout au Calvaire et tous les jours sur tous les autels eucharistiques; immolé dès le commencement dans tous les sacrifices préparatoires et figuratifs de la loi de nature et de la loi mosaïque… Mon offrande est infiniment riche et je suis sûr qu'elle sera féconde.

Je l'offre pour la gloire de Dieu, la joie et l'honneur des anges et des saints. Comme je suis heureux d'ajouter quelque chose à l'hon­neur de Dieu et à la joie des saints et des justes! Je l'offre pour moi, ad utilitatem meam, pour mon profit spirituel et même temporel. Le profit spirituel, c'est l'avancement dans la vertu et dans ma vocation: gau­dium cum pace, le recueillement 36 à la base de tout, le calme, la paix de l'âme pour vivre devant Dieu, pour Dieu, en Dieu, et les vertus subs­tantielles de mon état: obéissance, pureté, détachement, jusqu'à l'a­bandon et l'immolation…

Je l'offre pour toute l'Eglise militante et souffrante, pour tous les hommes vivants: je veux leur porter à tous une grâce, pour qu'ils se rapprochent de Dieu et de N.-S. - et pour toutes les âmes du purgatoi­re: je veux leur offrir à toutes un soulagement.

Je n'oublie pas les besoins actuels et urgents de l'Eglise, de la patrie, de la Congrégation, de la famille. J'ai là un sujet de prière toujours fécond et le plus substantiel qu'une âme puisse trouver. Une messe, c'est un bon coup de rame 37 pour faire avancer le vaisseau de l'Eglise.

Nous avons le 17 mai une touchante cérémonie à la basilique, les noces de diamant du bon abbé Quentin: belle réunion, recueillie et pieuse: messe à 8 heures et bénédiction du Saint-Sacrement, 300 com­munions, félicitations à la sacristie.

M. Quentin a 60 ans de prêtrise, il a dit environ 22.000 messes. Moi, j'ai déjà 48 ans de sacerdoce, j'ai dit environ 17.300 messes. Je devrais être bien avancé en sainteté, mais hélas! Je n'ai pas toujours dit mes messes avec la ferveur de la première. J'ai perdu beaucoup de grâces. Je m'humilie plus que je ne saurais dire.

En continuant mes lectures dans 38 la vie de Gertrude-Marie, je trouve des lumières qui m'ont bien manqué, il y a 40 ans, quand j'avais à juger comme directeur les grâces reçues par la Soeur Ignace. Je n'ai pas été aidé non plus par le P. Modeste et les vénérables religieux que j'ai consultés alors. Ils manquaient comme moi d'expérience de ces choses mystiques. Nous recevions tout ce qu'écrivait la pieuse Soeur comme des révélations, comme des paroles formelles de N.-S.Gertrude-Marie semble avoir su distinguer avec le secours de Dieu les divers modes d'action de la grâce. Deux fois elle en donne l'expli­cation à son directeur, le 27 déc. 1906 et le 30 août 1907.

Elle marque bien trois modes d'action divine. Il y a d'abord les inspirations ordinaires ou lumières 39 d'oraison. Ce ne sont pas des paroles formelles de N.-S., mais des lumières sur un sujet, sur un mystère, sur une parabole, lumières si claires qu'on peut les écrire à peu près comme si les pensées étaient dictées. La personne privilégiée peut dire alors: N.-S. me fit comprendre, me montra… Si elle dit: N.-S. m'a dit cela ou inspiré cela, il ne faut pas l'entendre d'une parole for­melle.

Il y a un second lieu, les paroles intérieures, les locutions formelles de N.-S. Ce sont alors des phrases courtes, des demandes précises, qui sai­sissent l'âme et ne lui laissent pas de doute. C'est ordinairement une mission pour quelque œuvre.

Il y a enfin des connaissances intimes, des impressions qui se pro­duisent dans l'âme sans le 40 secours d'aucune parole, v.g. telle âme est sauvée, telle âme est au purgatoire et demande des prières, telle âme a cette vocation.

L'illusion peut se mêler a ces impressions et parfois aussi aux lumiè­res d'oraison. Les paroles intérieures y sont moins sujettes.

Nous ne connaissions pas ces distinctions et nous nous servions trop dans la pratique de ce que nous regardions comme également divin. Le St-Siège a craint des illusions et des abus et nous a demandé nos copies que nous avons remises fidèlement.

N.-S. avait ses desseins, son œuvre de réparation devait se faire avec l'aide de ces lumières et sans qu'on en eût l'honneur. Fiat! Merci pour tout, pour les grâces et pour l'humiliation. 41 Il fallait aussi cet ensem­ble de circonstances pour que vînt le consummatum est, qui devait immoler la petite œuvre pour qu'elle passât par la mort comme son divin Maître.

J'ai lu tout un volume sur St Basile le grand (ses œuvres oratoires et ascétiques). C'est un des grands saints de l'Orient, avec St Grégoire de Nazianze, son ami, et St Jean Chrysostome.

C'est une belle figure de l'histoire, un philosophe, un écrivain, un théologien, un ascète. C'est le père et le législateur de la vie religieuse en Orient. Etranges vicissitudes de l'histoire! Césarée de Cappadoce était alors une très grande ville avec 400.000 âmes, une rivale d'Athènes et d'Alexandrie, par ses écoles et sa haute culture. 42 Les Turcs ont atrophié tout cela. Les Grecs, par leur félonie envers l'Eglise, ont mérité ce joug.

Parmi les œuvres de St Basile, ses commentaires sur les psaumes sont particulièrement remarquables. C'est un acheminement vers la théologie, que St Jean Damascène commencera à mettre en forme didactique.

«Tout ce qu'il y a d'utile dans les autres livres de la Ste Ecriture, dit St Basile, est résumé dans le livre des Psaumes. Il prédit l'avenir, il rap­pelle le passé, il prescrit la manière de régler sa vie. En un mot, c'est comme un manuel de la doctrine céleste».

Les homélies de St Basile sur les six jours de la création, sur l'hexaméron, sont célèbres à bon droit. On y trouve des 43 pages sur la physique et l'astronomie qui ne sont plus à la hauteur de la science moderne, mais à côté de cela de belles descriptions de la nature rap­pellent Buffon et surtout la réfutation du panthéisme et de l'éternité de la matière surpasse Platon, Aristote et Pythagore.

Césarée était une seconde Bysance, une ville aristocratique, volup­tueuse, corrompue. St Basile est superbe dans ses diatribes contre la vie luxueuse et sensuelle des mauvais riches. Il a des passages dont on pourrait abuser, où il semble dire, comme Proudhon, que «la pro­priété c'est le vol». Il faut le lire avec soin. L'argent acquis par les usu­riers qui prêtent à 12%, n'est-ce pas un vol? 44 Et les richesses accu­mulées sans aucune part faite à Dieu et aux pauvres, n'est-ce pas enco­re un mélange de propriété et de vol?

A ce propos, j'aimerais voir l'Eglise nous donner des règles claires sur le devoir de l'aumône. L'expression traditionnelle, la dîme, indi­querait assez qu'il faut distraire le Xe de ses revenus pour Dieu et les pauvres. Les commandements de l'Eglise disent encore qu'il faut payer la dîme (en Italie). Mais divers casuistes du 18e siècle abaissent la dîme au vingtième. Concina maintient le Xe.

St Liguori se demande quelle part de ses biens on doit donner aux pauvres: «le cinquantième des revenus annuels suffit, dit-il, 45 et la rai­son est que si tous les riches donnaient cela, ce serait assez pour subve­nir aux nécessités communes».

St Liguori envisageait donc une situation locale, sa ville de Naples sans doute, où tant d'œuvres fondées soulagent beaucoup de misères et où le peuple vit de peu de choses. Je tiens qu'en principe ce que les riches doivent donner pour l'ensemble des œuvres, culte, enseigne­ment et aumône, est la dîme, mais si l'état et la Commune se chargent des frais du culte, de l'enseignement et des pauvres, il reste peu à faire à la charité privée. Si l'état vient à retirer ses subventions au culte, s'il frelate l'enseignement et gâte les œuvres hospitalières, les obligations de la charité 46 privée renaissent et grossissent.

Ce que St Basile dit de la tradition est plus clair que le jour pour confondre les protestants: «Parmi les dogmes et les prescriptions con­servées dans l'Eglise, dit-il, les uns sont donnés à l'aide d'une formule écrite (la Bible), les autres nous ont été communiqués avec mystère d'après la tradition des apôtres. Les uns et les autres sont également sacrés et ont la même autorité. Personne n'y contredit, personne du moins parmi ceux qui connaissent tant soit peu les institutions de l'Eglise». Que de choses, dit-il, nous sont venues par la tradition: le signe de la croix lui-même, la formule de la consécration, la bénédic­tion de l'eau baptismale 47 et de l'huile de l'onction, la triple immer­sion, la renonciation à Satan et tout ce qui se pratique au baptême… Les protestants ont besoin de relire St Basile.

Sur le feu de l'enfer, St Basile, comme St Augustin, indique bien que ce n'est pas un feu identique avec celui de la terre. C'est un feu qui ne brille pas et qui ne consume pas. C'est un feu qui s'allie avec les ténèbres. N'est-ce pas une sorte de fièvre???

Sur le régime politique4), quel est bien son sentiment? «Le meilleur, dit-il, n'est pas un prince nommé par voie de suffrages; car souvent le faux jugement de la multitude met le pire à la tête de tous; ce n'est pas non plus l'élection par le sort, car les 48 chances du sort sont absur­des; ce n'est pas enfin la succession héréditaire, parce que trop ordi­nairement les enfants des rois, gâtés par la flatterie et corrompus par les délices, sont destitués de lumières et de vertus… Et alors? C'est, dit­-il, la nature qui donne au roi des abeilles le droit de commander à tous, étant distingué entre tous par sa grandeur, par sa figure, par la douceur de ses moeurs…»??

St Thomas d'Aquin voit le meilleur régime dans la monarchie tempérée par l'aristocratie et la démocratie… En tout cas, l'idéal n'est pas l'état parlementaire dont nous mourons depuis quarante ans. 49

Ma consolation et ma grâce, pendant cet état de siège où nous vivons, ce sont les belles biographies que j'ai sous la main et que je lis et relis. Que d'âmes privilégiées, ces saintes que N.-S. favorise d'une familiarité étonnante! Gertrude-Marie, Thérèse de l'Enfant Jésus, Elisabeth de la Ste Trinité, Marie Brotel, Marie de Jésus Uhlrich, Gemma Galgani, etc. etc. C'est le règne intime du Sacré-Cœur, c'est sa tribu privilégiée. Gertrude-Marie en connaissait douze qui étaient les tabernacles vivants de N.-S., doués de la faveur de garder la présence réelle de N.-S. d'une communion à l'autre. - N.-S. rencontre dans le monde actuel tant d'hostilité et d'indifférence! Il se dédommage en cherchant 50 des âmes simples qui veuillent bien l'aimer d'une amitié très ardente, d'une amitié d'enfant, de soeur, d'épouse, amitié dévouée jusqu'au partage de ses souffrances.

Telle était aussi notre Mère Véronique Lioger. - Voilà plus de deux ans déjà que j'allai à Namur pour donner mon témoignage dans son procès de canonisation. J'ai voulu dire que son grand zèle pour l'œuvre des Prêtres du Sacré-Cœur n'avait pas été inefficace, puisqu'elle a contribué à notre œuvre en nous préparant et en nous donnant le P. André et le P. Barnabé. Notre œuvre a eu deux sources fécondes: nos Soeurs de St-Quentin et celles de Mère Véronique. ­-J'étais assez mala­droit dans cette séance de 51 Namur. J'étais troublé et fatigué, je ne savais pas dire ce qu'il fallait. On me demande, par exemple, si j'avais entendu parler de la sainteté de Mère Véronique avant le livre du P. André. Je répondis que non. Je voulais dire seulement que je ne con­naissais pas les détails de sa sainteté avant ce livre, mais sa réputation de sainteté m'était connue depuis les commencements de notre œuvre, vers 1880, par les témoignages du P. Captier; et même avant, j'avais lu les brochures du P. Giraud: «De l'union à N.-S. dans sa vie de victime», «Jésus-Christ, prêtre et victime», «Immolation et charité», «Lettres à une Supérieure» - et je savais que c'était là l'esprit des bonnes Soeurs Victimes. - 52 J'avais écrit à la bonne Mère5) en 1882, pour avoir l'u­nion de prières entre son œuvre et la nôtre. J'ai assez mal fait ma déposition à Namur, peu importe, la sainte fondatrice sera facilement canonisée quand même. - Que je voudrais imiter un peu ces saintes âmes dans leur tendre amour pour N.-S.! Ma vocation le demande. Fiat! Fiat!

Les premiers jours de juin me rappellent de grandes grâces: ma confirmation, le 1er juin 1857, ma 1ère communion le 4 juin 1854; mon diaconat, le 6 juin 1868. Je n'étais pas très bien disposé au jour de ma confirmation, mais ce sacrement n'a pas des effets passagers, il laisse un caractère qui en renouvelle les grâces pendant toute la vie 53 quand on s'y dispose. Ma 1ère communion m'est encore présente après 62 ans. J'en revois les détails, je puis en renouveler les impressions Je crois avec simplicité que N.-S. m'a pris en affection ce jour-là. J'ai récité la consécration à Marie, la Très Sainte Vierge a bien voulu l'ac­cepter, puisqu'elle a pris soin de ma vocation et de toute ma vie. Oh! le beau jour! le plus beau de ma vie après celui du sacerdoce.

Renouvelez, Seigneur, en moi les grâces de ce jour-là, votre habita­tion en mon âme, l'adoption de Marie, la bénédiction de la sainte martyre et patronne de La Capelle, Sainte Grimonie6), que j'invoque tous les jours.

Pardonnez-moi, Seigneur, toutes mes infidélités, toutes mes défail­lances. Faites-moi miséricorde, comme vous l'avez faite à Ste Madeleine! 54

Je trouve une page consolante dans le P. Giraud7) (Prêtre et hostie, I, 523) : «Il y a une très consolante doctrine qui tend à se généraliser de plus en plus; c'est celle du grand nombre des élus. Aujourd'hui le ser­mon de Massillon n'est plus lisible. Ce qui a fait ce changement, c'est d'abord peut-être le sentiment d'une immense commisération pour cette multitude d'âmes ignorantes de Dieu et de ses droits, qui nous environnent, et dont le nombre va toujours grandissant, dans nos sociétés agitées, affairées, et dissipées de tant de manières. Plusieurs ont de précieuses qualités naturelles. Nous accordons volontiers à la masse le bénéfice de la bonne foi, même à ceux qui nous haïssent et nous persécutent, tenant compte de la première éducation et du milieu où ils ont vécu. Mais il n'y a pas seulement de la compassion 55 qui nous inspire, il y a de très solides raisons. Le P. Lacordaire étonna le monde quand il fit sa fameuse conférence sur ce sujet (conf. 71 en 1851, sur le gouvernement divin). Il ne doutait pas du salut de l'uni­versalité des pauvres, des enfants et des femmes. Le P. Faber8) a repris la même thèse (Le Créateur et la créature, liv. 3, c. 2), et il la soutient d'u­ne manière convaincante. Les ressources de la miséricorde divine sont infinies et Dieu en usera en faveur de ses pauvres enfants égarés…».

La retraite des élèves de l'Institution à l'occasion de la 1ère commu­nion se donne à notre chapelle du S.-Cœur, du 4 au 8 juin, elle se ter­mine par une belle communion d'une quarantaine d'élèves. Cela me rappelle de bonnes journées d'autrefois. Je prie N.-S. d'effacer et d'ou­blier tout 56 ce qui a été défectueux à St Jean.

Du 8 au 12, je prêche une petite retraite et la rénovation des voeux au Couvent. je note mes instructions dans un autre cahier. C'est enco­re un rajeunissement. Puisse mon âme se rajeunir aussi et retrouver toutes les grâces perdues…

Je lis dans Gertrude Marie: «Je demandais non seulement pour les âmes qui sont sur la terre et qui y viendront un jour, et pour les âmes du purgatoire, mais encore pour le paradis tout entier. Cela paraît étrange puisqu'au paradis c'est le bonheur parfait! Mais ce bonheur, mais cette gloire, nous pouvons l'augmenter; et c'est ce que j'ai demandé instamment pour chacun des Saints, pour chacun des Anges, pour la Très Sainte Vierge, pour la Très Sainte Humanité de mon Sauveur, pour l'adorable 57 Trinité elle-même. Cette demande je la fais chaque jour à la ste messe, et je crois ajouter à cette gloire acciden­telle par la vertu de l'auguste sacrifice de l'autel». (Ne demandons-­nous pas tous les jours, au Canon de la messe, que le st sacrifice profite à l'honneur des Saints comme à notre salut?). Le P. Faber abonde dans ce sens: «Quelques écrivains, dit-il, recommandent de prier pour l'ac­croissement de la gloire accidentelle des bienheureux dans le ciel, comme les prêtres le demandent à la messe… C'est aussi l'avis d'Innocent III quand il dit: Beaucoup ou plutôt la plupart des théolo­giens pensent qu'il n'est point improbable que la gloire des Saints puisse s'accroître jusqu'au jour de jugement, et par conséquant que l'Eglise peut légitimement désirer pour eux cette augmentation. 58 Bellarmin, Suarez, Vasquez et Jean Sanchez enseignent la même doc­trine. Soto cite comme un exemple, à l'appui de cette opinion, la joie des anges dans le ciel quand un pécheur fait pénitence» (Tout pour Jésus, ch. 5, p. 123).

St Thomas parait opposé à cette doctrine (3e, Suppl., q. 72). «Les Bienheureux, dit-il, possèdent Dieu qui est tout, ils sont enivrés des joies du ciel…». C'est vrai qu'ils possèdent Dieu, mais ne peuvent-ils pas le mieux posséder, le mieux connaître, le mieux aimer? St Thomas dit cependant que s'ils ne peuvent pas jouir davantage, ils peuvent jouir de plus de choses, quand le bien se fait: Ex hoc quod bona multiplican­tur, de quitus gaudendi ratio eis Deus est, non sequitur quod intensius gau­deant, sed quod de pluribus gaudeant…

J'aime 59 mieux prendre à la lettre et simplement les paroles du Canon de la messe: Ut illis proficiat ad honorem, nobis autem ad salutem.

Jours de grâces et tapages de guerre. Il y a de bonnes fêtes: St Jean Baptiste, les Saints apôtres, le Sacré-Cœur.

Je vais au Couvent le 29, où je donne une instruction.

La fête du S.-Cœur est le 38e anniversaire de mes voeux. Je désire bien me renouveler et m'affermir dans les dispositions que N.-S. attend de moi.

Journées de combats, d'explosions, de canonades. Nos murs trem­blent. Tout le monde est violemment impressionné. On prie malgré le trouble physique et l'agitation nerveuse. Je prie le S.-Cœur de Jésus et le saint Cœur de Marie d'aider la nation 60 française à retrouver sa foi, sa vocation et son zèle pour l'apostolat.

Grande journée de guerre! Des aéronautes lancent des bombes sur la gare, sur un train de munitions. Les explosions se succèdent, com­me au 15 avril de l'an dernier. C'est une sorte de tremblement de ter­re. Près de la gare, des maisons brûlent. Beaucoup de vitres sont bri­sées. La basilique, hélas, est bien éprouvée. Plusieurs vitraux sont tombés. Ce sont des richesses artistiques qui disparaissent. - La lutte se rapproche de Saint-Quentin. Que Dieu vienne en aide à sa pauvre vil­le, si coupable, comme tant d'autres. Elle a toujours eu des amis du S.­Cœur, des dévots à Marie. Le grand martyr, saint Quentin, et ses autres protecteurs 61 célestes la sauveront.

Je trouve dans la vie de la Sr Jeanne Bénigne Goyoz9) des pensées que je fais miennes: «O Jésus, par votre douloureuse agonie, faites que mon âme obtienne miséricorde à ses derniers moments; qu'elle forme de vrais actes des vertus théologales, qu'elle soit humble, patiente, obéissante; qu'elle ne soit touchée que de votre amour et du vrai repentir de vous avoir déplu, ô bonté infinie. Que mon âme ne vive ses derniers moments que pour vous, qu'elle meure pour vous et pour aller revivre en vous éternellement!

O mon Jésus, faites que mon âme passe par la porte de vos cinq plaies et par votre Cœur amoureux pour aller à son Dieu dans un acte d'amour!

O Père, 62 Fils et Saint-Esprit, faites que le dernier acte de ma vie mortelle soit un acte de pur amour de Dieu, que ma dernière douleur soit de vous avoir offensé et mon dernier désir un transport d'amour pour aller vous voir et vous aimer éternellement! Que vos mérites m'environnent et me sauvent; que votre Cœur me sanctifie et que pour aller à vous j'aime ma mort et je fasse de ma vie un sacrifice au divin amour! ».

Nuits agitées. A minuit des avions viennent jeter quelques obus sur la ville et surtout sur la gare. Des projectiles allemands les poursuivent. On se croirait dans une ville assiégée… Plusieurs maisons sont endom­magées. Il faut prier et nous tenir prêts à paraître devant Dieu. 63

Avec la Sr Thérèse de l'Enfant Jésus10), je veux m'élever à Dieu par la confiance et l'amour. Quand même j'aurais sur la conscience tous les crimes qui se peuvent commettre, je ne perdrais rien de ma confiance; j'irais, le cœur brisé de repentir, me jeter dans les bras de mon Sauveur. Je sais qu'il chérit l'enfant prodigue, j'ai entendu ses paroles à Ste Madeleine, à la femme adultère, à la Samaritaine… Non, person­ne ne pourrait m'effrayer; car je sais à quoi m'en tenir sur sa miséri­corde et son amour. Je sais que toute cette multitude d'offenses s'abî­merait en un clin d'oeil, comme une goutte d'eau jetée dans un bra­sier ardent.

Je veux mourir dans ces dispositions de confiance et d'amour envers le Sacré-Cœur de Jésus. 64

Je lis un volume de lettres de St Vincent de Paul. J'y trouve bien des lumières pour ma direction. Il donne au directeur de la maison de Rome de sages conseils: Faire observer la règle et laisser agir la Providence sans chercher à étendre trop vite la Compagnie. - «Oh! que je souhaite que la discipline reluise chez vous! que la douceur, l'humi­lité et la mortification y paraissent particulièrement! Au nom de Dieu, Monsieur, que ce soit là votre principale étude et celle de toute la mai­son! et ne nous empressons point pour l'extension de la Compagnie, ni pour les apparences extérieures. La consolation que N.-S. me don­ne, c'est de penser que, par la grâce de Dieu, nous avons toujours tâché de suivre et non pas de prévenir la Providence, qui sait 65 si sagement conduire toutes choses à la fin que N.-S. lui destine. Certes, Monsieur, je n'ai jamais mieux vu la vanité du contraire, ni le sens de ces paroles que Dieu arrache la vigne qu'il n'a pas plantée».

Le 22 juillet fut toujours pour moi un jour de grâces. Je m'y renou­velle dans l'amour pénitent. J'aime Jésus qui a souffert pour moi. J'aime Jésus qui demeure pour moi dans l'Eucharistie. Je veux l'aimer toujours au ciel.

Une poésie dédiée par la Soeur Thérèse de l'Enfant Jésus au S.­Cœur exprime admirablement mes sentiments, j'en copie une strophe:

J'ai besoin d'un cœur brûlant de tendresse,

Restant mon appui sans aucun retour,

Aimant tout en moi, même ma faiblesse,

Ne me quittant pas la nuit et le jour. 66

Je n'ai pu trouver nulle créature

Qui m'aimât toujours sans jamais mourir;

Il me faut un Dieu prenant ma nature,

Devenant mon frère et pouvant souffrir.

C'est pour nous la fête d'un père. St Ignace a entrevu et préparé le règne du S.-Cœur. Sa Compagnie a eu la grâce de propager cette dévotion. Ses fils ont contribué à développer toutes les formes de ce culte: l'adoration réparatrice, la communion, le Cœur agonisant, le Cœur eucharistique, l'esprit d'immolation.

Ils ont été aussi les protecteurs, les tuteurs, les parrains, les précep­teurs de notre œuvre. Quelle reconnaissance nous devons au P. Modeste, surtout, 67 au P. Dorr, au P. Bertrand, au P. Braun, etc.!

Je prêche aujourd'hui au Couvent et je note ailleurs ma petite conférence…

J'ai fait deux neuvaines pour être guéri de la bronchite qui me fati­gue, mais N.-S. ne veut pas me guérir. Il me fait lire aujourd'hui cette pensée dans Gertrude Marie: «Je voudrais que cette âme me consolât; je voudrais que cette âme fût entièrement mienne; je voudrais qu'elle fût ma victime volontaire. Qu'on ne l'engage pas à demander sa guéri­son, mais plutôt qu'on l'encourage à souffrir…».

A mon âge, la vie est toute remplie de malaises, de souffrances et d'impuissance. Puissè-je 68 faire de tout cela une bonne réparation pour moi et pour les autres!

J'apprends la mort de M. Harmel et de M. Paul de Hennezel. M. Harmel a eu un grand rôle dans le mouvement des Œuvres catholi­ques. Je suis heureux d'avoir partagé les vues et obtenu l'amitié de M. Harmel, de M. de Mun, de M. Vrau et de bien d'autres qui les imi­taient et travaillaient avec eux. Les voilà au ciel, ils demanderont grâce pour moi. L'action sociale catholique et le règne du S.-Cœur ont été deux grandes missions dans lesquelles la Providence m'a assigné un rôle que j'ai rempli bien faiblement.

M. Harmel meurt au moment de l'effondrement de son usine, 69 de la mort de plusieurs des siens et des angoisses patriotiques. Il s'of­frait chaque jour en victime pour la régénération chrétienne du peu­ple. Il meurt en victime de réparation et de salut.

Je n'avais jamais lu en entier les Confessions de St Augustin. Je les lis à loisir. C'est une admirable étude psychologique et philosophique. Nos écrivains modernes, Bourget et autres qui veulent faire de la psy­chologie pourraient trouver là un modèle. St Augustin analyse tous les mouvements de son âme depuis son enfance, le mobile de ses actions, ses passions, ses défauts… Quel bel exemple d'humilité! Il ne craint pas de tracer pour la postérité le tableau 70 de ses fautes et les désor­dres de sa jeunesse. Il a été séduit par les erreurs manichéenne. Il décrit toute la difficulté qu'il a eu à se rendre compte des perfections divines, du problème du mal et de la création. C'est un vrai traité de philosophie où il y a des pages qu'on n'a pas surpassées. St Augustin est le Platon chrétien. Ce livre est plein d'intérêt et de charme, mais il ne peut pas être populaire. La première partie scandaliserait certaines âmes; la seconde est trop métaphysique.

J'y ai trouvé le plan d'une instruction à faire à nos Soeurs pour le jour de St Augustin: 1° Admirable humilité du saint qui nous dévoile les 71 défauts de son enfance, les désordres de sa jeunesse, les erreurs de son esprit. - 2° Sa reconnaissance délicate qui lui fait rechercher toutes les prévenances de la grâce dans le dévouement de sa sainte mère, dans les circonstances providentielles de ses guérisons, de la mort et de la conversion de ses amis, dans les miracles de l'Invention des corps des Saints Gervais et Protais, dans les prédications de St Ambroise, dans les conseils d'amis qui lui racontèrent la vie de St Antoine et la conversion d'un illustre professeur de Rome, dans l'in­tervention du ciel lui-même qui lui crie de prendre et de lire les épî­tres de St Paul où il rencontre une page qui saisit son âme et le conver­tit. - 72 3° Son zèle pour la perfection. Il décrit et pratique la purifica­tion de son âme et sa lutte contre la triple concupiscence; il exhale ses sentiments d'amour pour Dieu;il achève sa perfection dans la vie reli­gieuse, humble et pauvre, dans l'oraison, dans l'exercice du zèle pen­dant quarante années qu'il consacre à convertir l'Afrique; il consom­me son sacrifice dans les souffrances de sa vieillesse et dans l'humble support de la persécution des Vandales, qui détruit toutes ses œuvres…

Je remplace pour quelques jours le P. Black à la Croix. Je prêche le dimanche sur la belle parabole du Samaritain. Notre-Seigneur ne change pas, il 73 est toujours le bon Samaritain. Le grand blessé de Jéricho aujourd'hui c'est nous, c'est notre région, c'est notre ville. Confiance! Le bon Samaritain a grande pitié de nous, il nous donnera ses soins et nous rendra à la santé.

Je propage mon Amende honorable pour la pauvre France. Nous la lisons tous les jours à l'adoration.

Puisse-t-elle toucher N.-S. et le déterminer à nous faire miséricorde! Je fais prier aussi pour les pauvres soldats de toutes nations qui tom­bent chaque jour sur le champ de bataille. Puissent-ils aller tous grossir les rangs des justes au ciel! 74

====Amende honorable21 et prière pour la France==== Divin-Cœur de Jésus, pardonnez à la France qui vous a tant offensé. Elle vous a blessé indignement par ses lois impies et par le relâche­ment de ses moeurs. Elle s'est mise en guerre avec l'Eglise, elle a per­sécuté les communautés religieuses, elle a privé de l'éducation chré­tienne les enfants qui vous sont si chers. Elle s'est inspiré de l'esprit sectaire dans toute sa législation.

Aujourd'hui vous la punissez, nous reconnaissons qu'elle l'avait mérité. Nous vous faisons amende honorable en son nom. Beaucoup de ses enfants s'humilient et reviennent à vous. Ses jeunes gens sacri­fient généreusement leur vie pour elle. Le clergé et les communautés expient les fautes nationales dans la pauvreté et l'exil.

Vous ne demandiez, Seigneur, que dix Justes pour délivrer Sodome. Ayez pitié de cette nation qui a été si longtemps votre peuple préféré et la fille aînée de l'Eglise. Considérez la Vierge Marie qui vous deman­de avec larmes notre salut et notre conversion.

Vous nous avez offert la belle mission de faire régner votre Sacré-­Cœur dans le monde. Nous avons commencé à répondre à votre désir. Donnez-nous la grâce d'achever cette grande œuvre.

Ayez pitié de la France de Saint Louis et des Croisades, de la France de Jeanne d'Arc, de Vincent de Paul et de tant de généreux mission­naires. Laissez-vous toucher par nos souffrances. Considérez nos sup­plications et nos adorations de Paray-le-Monial, de Lourdes et de Montmartre et de tant de communautés réparatrices. Hâtez-vous de nous secourir, pardonnez-nous et sauvez-nous.

O Marie conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous.

J'ai relu toute la mystique de Gorres, cinq volumes assez indigestes. Cela dénote beaucoup de travail, mais comment arriver à des notions claires quand il s'agit d'étudier les mystères et les singularités de la nature, du démon et de la grâce divine? Un pareil sujet est tout rempli de doutes, d'obscurités, de conjectures.

Je ne copie ici qu'une note d'où je puis tirer un profit spirituel. C'est dans la Mystique diabolique: le démon nous édifie quelquefois malgré lui.

Il y avait une épidémie de possessions au couvent de Kentorfs, près de Hamm en Westphalie. Lorsque la Soeur Anne voulait prier, elle ne pouvait le faire avec attention ni remuer 75 la langue; mais si elle se contentait de marmotter ses heures sans aucune attention, elle n'y trouvait aucun obstacle. Elle ne pouvait penser sérieusement à aucune chose bonne; elle semblait alors avoir perdu le sens et le jugement. Si un homme pieux s'entretenait avec elle, il semblait que le démon lui en fit un reproche; mais si elle parlait avec quelques femmes de choses vaines et inutiles, elle en recevait une grande consolation. - Le démon laisse voir par là ce qu'il aime et ce qu'il déteste…

La guerra s'achévera dans quelques mois. On essaiera de rétablir en France un peu de justice et de liberté religieuse; mais il ne faut pas croire que 76 la tourbe manichéenne et maçonnique qui s'était emparée de la rue, de la presse et du parlement abdiquera tout d'un coup. Elle va se relever comme le serpent que l'on blesse. On reverra les orgies de 1871 et plus encore. Il y aura des martyrs pour préparer le relèvement définitif. Puissè-je être de ceux-là! - Saints Martyrs de la Révolution et de la Commune, aidez-nous!

C'est le 38e anniversaire de la 1ère messe à la maison du S.-Cœur Il y avait là des grâces sensibles peu communes pendant les premières années. C'était une atmosphère de grâces, quelque chose qui impres­sionnait l'âme, comme les effleuves chaudes et parfumées des tropi­ques impressionnent les sens. 77 Dieu donne ces grâces-là au com­mencement des œuvres comme un encouragement. Mais la maison a été inaugurée à la fête de la Ste Croix. C'était un présage, et cette chè­re maison a toujours été un calvaire autant qu'un Nazareth.

Anniversaire de l'apparition de La Salette. je prêche au couvent et j'y montre dans les sept douleurs de Marie les étapes de sa vie de victi­me. (Je note cette instruction ailleurs). La Chère Mère vieillit beau­coup mais elle vit toujours dans l'esprit de foi. C'est le caractère de sa vie. - Elle me rappelle la bénédiction du couvent par M. Mathieu. Il y avait là aussi une atmosphère de grâces. La Chère Mère sentait battre les 78 ailes des anges dans toute la maison dont ils prenaient posses­sion avec N.-S. - Comme chez nous le caractère de la maison a été la croix sous toutes ses formes.

La guerre continue, plus intense et plus inquiétante. Je ne puis plus aller à Fayet.

Le 17, je vais au couvent faire une exhortation pour la fête de la Bse Marguerite Marie.

Je montre à nos Soeurs la préparation de leur vocation dans la série des œuvres issues de la source de Pararle-Monial. Marguerite Marie est le modèle de leur vocation.

La pratique en est marquée par les divers mystères du S.-Cœur: vie cachée et union à N.-S. avec les mystères de Nazareth; vie d'adoration réparatrice avec 79 les mystères eucharistiques; vie d'abandon et d'im­molation en union avec la passion de N.-S.

Elles contribueront au règne du S.-Cœur, qui se prépare selon les demandes et les promesses de N.-S. à Paray. «Je régnerai, a-t-il dit en 1689, malgré mes ennemis. Avec le temps j'entrerai dans le palais des grands, la France me sera consacrée et je serai pour elle un puissant protecteur».

Patience, l'heure viendra. N.-S. n'a pas retiré ses promesses. Il les a plusieurs fois confirmées.

En 1823, il disait à la Soeur Marie de Jésus des Oiseaux: «Je prépare toutes choses, la France sera consacrée à mon divin Cœur, et toute la terre se ressentira des bénédictions 80 que je répandrai sur elle. La foi et la religion refleuriront en France par la dévotion à mon divin Cœur».

En 1876, la Ste Vierge est venue nous encourager encore à Pel­levoisin, en révélant le scapulaire du S.-Cœur: «La France souffrira, a-t-elle dit, mais patience et confiance!».

Le mois d'octobre s'est terminé par le pillage des métaux dans la maison. C'est un bien petit sacrifice.

Je lis et relis mes vies de saints, surtout de ces âmes mystiques, qui indiquent le courant de grâces actuel, comme Elisabeth de la Ste Trinité, Gertrude-Marie, Marie Brotel, etc. J'apprends mieux à connaî­tre et à goûter la Ste Trinité et à vivre dans le Cœur de Jésus. Longtemps je cherchais midi11) à 14 heures 81 pour honorer et aimer la Sainte Trinité. Je voulais en sonder le mystère. Maintenant cette dévotion me paraît toute simple, elle parle au cœur. Ce sont les personnes qu'il faut considérer distinctement. Le Père est mon Créateur, l'auteur et le conservateur de la vie. Je lui dois tout. Il est bien plus mon père que celui que la famille m'a donné. Il est plus aimant, plus fidèle, plus dévoué. Je veux l'aimer de tout mon cœur, avec simplicité, avec familiarité même; j'ai confiance en sa providence, en sa miséricorde. Le Verbe, Fils de Dieu premier-né, est mon frère aîné, mon grand frère, et combien aimant, combien dévoué! Il s'est fait homme pour être encore plus intimement 82 mon frère, pour me sau­ver du naufrage, pour souffrir et mourir pour moi. J'aime mon grand frère, je veux l'écouter, le suivre, l'imiter, je veux vivre avec lui toujours…

L'Esprit Saint est mon directeur divin. J'ai toujours aimé mes direc­teurs, combien plus je dois aimer l'Esprit Saint, dont ils ne sont que l'ombre. Je veux le consulter toujours filialement et suivre ses con­seils…

Vie dans le Cœur de Jésus. Ma vie, c'est le sacrifice. Je suis prêtre et victime. Je vis pour les quatre fins du sacrifice. Je renouvelle ces dispo­sitions bien des fois dans la journée. Mais l'autel pour offrir ce sacrifi­ce c'est le Cœur de Jésus. 83 Jésus est à la fois le prêtre et l'agneau vic­time. Son sacrifice seul est vraiment et pleinement efficace et agréable à son Père. J'offre mon cœur avec le sien toute la journée. Le mien est la goutte d'eau mêlée au vin. Je vis dans le Cœur de Jésus, et là je ren­contre mes amis du ciel et de la terre: la Très Sainte Vierge, les anges et les saints, les justes de la terre et surtout les âmes qui me sont unies par une fraternité spéciale de vocation…

Le 21 novembre, cérémonie au couvent. On rappelle quelques grâ­ces des premiers temps: la visite de N.-S. à la chapelle de Colmar, celle des Anges au noviciat de St-Quentin, et les 84 assauts furieux du démon à St-Quentin et à Fourdrain.

Le 8, messe et instruction au couvent. Je rappelle les nombreuses interventions de Marie Immaculée en France, à Paris, à La Salette, à Lourdes, à Pontmain, à Pellevoisin.

A Paris surtout, rue de Sèvres, et à Pellevoisin, Marie a prophétisé les détresses actuelles. «Le sang coulera en abondance, disait-elle à Catherine Labouré12), et le monde entier sera dans l'angoisse…». - «Et la France?, disait-elle à Pellevoisin, que n'ai-je pas fait pour elle? Que d'avertissements! Et pourtant encore elle refuse d'entendre! je ne puis plus retenir mon Fils». Puis elle ajoutait: «La 85 France souffrira». Mais ses dernières parole soutiennent notre espérance: «Courage et confiance!, disait-elle, je suis toute miséricordieuse et mon Fils ne peut rien me refuser…».

Je lis la belle vie de Mgr de Ségur13), vie d'apostolat et d'épreuves, comme la mienne, mais bien plus élevée, plus digne et plus sainte.

Il nous donne la clef des événements actuels. C'était en 1871. «Ce qui est bien douloureusement certain, écrivait-il, c'est que la France voltairienne et apostate, la France révolutionnaire de 89, roule d'abî­me en abîme, et qu'un retour officiel à la religion catholique, la seule religion du vrai Dieu, peut seul nous en tirer. Or, 86 humainement parlant, ce retour n'est guère possible. Espérons contre l'espérance, et attendons un miracle du Dieu des miracles…».

Quand mourut Mgr de Ségur, en 1881, le Comte de Chambord, écrivant ses condoléances au Marquis de Ségur, répétait la même pen­sée: «Les nations ont leur mission spéciale, disait-il, et pour notre bien­aimée France, en particulier, l'Etat sans Dieu est un contre-sens et une apostasie, l'Etat chrétien est une question de vie ou de mort…».

Nous sommes aujourd'hui encore entre la vie et la mort. Rien de bon à attendre du gouvernement actuel. Mais il y a des âmes qui prient et s'immolent, courage et confiance! le Dieu des miracles inter­viendra. 87

Voilà 58 ans que les miracles se répètent et se multiplient à Lourdes, il en faut encore un et il viendra, c'est la guérison et la conversion de la France…

Ce sont les anniversaires précieux de mes ordinations: cinquante ans de tonsure, quarante-huit ans de sacerdoce! Environ dix-sept mille messes!

Chaque année ces beaux jours me donnent un regain de vie inté­rieure. Je sens mieux l'influence de la grâce. N.-S. m'est plus sensible­ment présent. Deo gratias!

Puisse-je garder cette faveur toute l'année et croître toujours dans l'union avec N.-S.!

La Providence me remet sous les yeux des lettres importantes dans la correspondance du P. Rasset14). 88 Il est venu avec moi en 78, après avoir consulté les conseillers les plus sûrs, comme le P. Dorr, directeur du 3e an à Laon, et le P. Modeste de Reims. Il continuait à chercher des confirmations sur les desseins de Dieu pour notre vocation.

En 1880, il écrit au Carmel de Reims pour demander si l'on a quel­ques lumières relativement à une œuvre réparatrice de prêtres. La Supérieure lui fait répondre qu'elle a entendu parler des essais de Grenoble, qui ne réussissent pas beaucoup. (Les initiateurs de là-bas viendront se fondre avec nous).

Il écrit à ses plus pieux amis, M. Coulbeaux, missionnaire en Abyssinie, M. Docé au Brésil. Il en reçoit les meilleures lettres 89 d'en­couragement. L'œuvre de la réparation sacerdotale est si nécessaire! C'est une fleuraison naturelle de la dévotion au Sacré-Cœur.

Surviennent nos épreuves de 1883-1884. L'œuvre est taillée, émondée, circonscrite par le St-Siège. Il y a un consummatum est et une résurrection. Le Père a besoin d'être rassuré, il écrit à ses grands con­seillers, le P. Modeste et le P. Dorr. Ils n'hésitent pas, ni l'un ni l'autre, ils le rassurent et l'encouragent: «Restez fidèle au poste, lui dit le P. Modeste. L'œuvre du Sacré-Cœur, ramenée à son premier plan et réduite aux proportions primitives, réussira, j'en ai la ferme convic­tion. Elle est trop belle et trop nécessaire pour que N.-S. 90 l'abandon­ne. J'ai confiance dans les promesses que N.-S. a faites à la chère Soeur N. N.».

Le P. Dorr n'est pas moins encourageant: «Je crois avec vous, dit-il, que le mieux est de vous laisser mener par l'aimable Providence dont les attentions pour vous ont été si délicates. Les circonstances semblent vous assigner votre place. Laissez-vous faire, comme par le passé; vous n'avez jamais eu à vous repentir de ce filial abandon. Les épreuves sont le partage ordinaire de tous ceux qui se dévouent aux œuvres de Dieu, spécialement à celles qui ont pour objet et pour fin son divin Cœur. Continuez à vous dépenser sans réserve à la propagation et au triomphe de cette belle dévotion. N.-S., j'en ai la confiance, 91 pren­dra soin de vous et de votre avenir».

Il y a aussi une lettre étonnante de l'abbé Paillet qui voulait repren­dre les projets de Mgr Luquet pour une œuvre de Prêtres de l'Adoration Réparatrice. Il voulait fusionner ses projets avec les nôtres. Mais nous voulions garder notre nom du Sacré-Cœur. Le projet n'a pas eu de suite…

Ces vieux souvenirs m'impressionnent. Je revois en résumé toutes les grâces dont N.-S. m'a comblé: le baptême, la vocation au sacerdoce, la vocation à la vie religieuse et spécialement à l'œuvre du Sacré­-Cœur. Puissé-je être fidèle jusqu'au bout à tant de bienfaits divins! 92

1917

La guerre se continue avec toutes les spoliations, les compressions et les rigueurs que comporte une politique sans justice et sans loyauté. L'Europe n'a plus de boussole. Aucune nation ne consulte l'Eglise. Il reste la philosophie et la morale naturelle. Avant le Christ, cela pouvait suffire aux peuples, qui n'avaient pas reçu la révélation. Leur raison n'était pas viciée par l'abus de la grâce. Aujourd'hui, les peuples apos­tats sont abandonnés par Dieu à toutes les folies et à toutes les erreurs d'une raison sans guide et sans direction. On proclame que la force prime le droit, que les promesses n'engagent 93 pas, que les traités sont des chiffons de papier. On emploie la terreur comme moyen d'oppression… Comment cette société européenne se rapprochera-t­elle de Dieu?

Les événements parlent assez haut, la justice de Dieu passe. Mais les hommes ne comprennent pas encore. Ils étaient si loin de la vérité. En 1871, après la guerre, la Commune montre ce que valait l'humanité sans Dieu. On réfléchit et l'on revint à Dieu pour quelques années. Mais Satan a pris le dessus avec sa franc-maçonnerie. Dieu parle de nouveau par la guerre et les châtiments ne sont pas finis. Il aura le des­sus. Tenons-nous calmes, chez nous, dans la prière, la réparation et l'a­bandon. 94

1917. Il y a 40 ans, ce fut pour moi une grande année. Je voulais la vie religieuse. Dieu m'y poussait. J'allai à Rome et à Lorette avec Mgr Thibaudier. Je revis Pie IX.

Le P. Freyd n'était plus là pour me diriger. Le P. Eschbach m'aurait vu volontiers entrer au St-Esprit. C'eût été la rupture avec mon père et peut-être son endurcissement. Puis j'étais tenu à St-Quentin par tant d'œuvres commencées! Je revins, je consultai de pieux jésuites, le P. Jenner, le P. Modeste. Je dis à Mgr ma volonté d'être religieux. La solu­tion parut être, selon l'avis de mes supérieurs et conseillers, de com­mencer à 95 St-Quentin l'œuvre religieuse réparatrice sous le couvert de l'Institution St Jean.

Je ne vois pas quel moyen plus correct j'aurais pu prendre pour connaître et accomplir la volonté de Dieu. Rien d'humain n'est entré dans ma décision. Dieu soit béni! Je n'ai pas de regret à avoir pour cet­te fondation. -J'ai mal répondu, il est vrai, aux desseins de Dieu, j'ai commis beaucoup de fautes; mais je crois que les dons de Dieu sont sans repentir et que sa miséricorde est infinie. Il pardonnera à ma pau­vre âme humiliée et repentante.

Je relis pendant ce mois le livre de St Jean de la Croix sur la Montée du Carmel et la Nuit obscure. Je le 96 résume dans un autre cahier15). Le Saint nous enseigne le détachement de tout ce qui n'est pas Dieu, et il fait cela plus complètement et méthodiquement que les autres auteurs ascétiques. Il nous montre comment il y a péril à s'atta­cher même aux grâces gratuites et aux dons de Dieu, ce qui peut nous causer de l'amour-propre et de la complaisance en nous-mêmes. Tout pour l'amour de Dieu, c'est le grand secret.

Pour l'oraison, après un temps plus ou moins long, l'oraison discur­sive et raisonnée ne dit plus rien à l'âme. Il faut se tenir alors dans la présence amoureuse de Dieu, qui nous donnera la grâce de l'union d'amour. 97

Fin janvier, c'est le pillage des matelas, en attendant le reste. Le Bon Dieu nous exerce au détachement et à l'austérité…

Le 2 février, je vais au couvent. C'est la fête de l'oblation. C'est un grand jour pour nous16).

Le 2 février 78 commença au couvent une intervention surnaturelle de N.-S. pour encourager notre œuvre. Il nous fallait un noviciat pour la vie de victime, N.-S. s'en chargea. Il y avait là un instrument bien préparé. La Soeur Ignace était très unie à N.-S., elle avait eu déjà à plu­sieurs reprises des grâces extraordinaires. Ainsi à pareil jour, le 2 février 71, au jour de son postulat, le petit Jésus représenté sur une gravure avec une croix lui 98 avait mis sa croix sur l'épaule. (Cette gra­vure est à Mons). Elle passa par les divers degrés d'oraison: quiétude, sommeil mystique, extase. Elle eut de grandes souffrances. On m'avait appelé fin janvier pour lui donner les sacrements. C'était la prépara­tion à sa mission. A partir du 2 fév. elle reçut des lumières d'oraison sur notre œuvre et notre vocation. L'année 78 fut pour nous un vrai noviciat.

Les mystères de N.-S., l'Ecce venio, l'Ecce ancilla, la vie cachée, la passion, la formation de St Jean furent le thème de ces lumières d'orai­son qui nous donnaient un vrai directoire sur les 99 vertus de notre vocation.

Pendant les trois années qui suivirent, N.-S. était encore là nous conseillant et nous encourageant, comme il avait fait avec ses apôtres; mais déjà les croix ne manquaient pas: la maladie, la ruine, l'incendie, la mort des parents, un Tolle de l'opinion, des trahisons, etc.; puis vint la grande épreuve et la mort de l'œuvre, le Consummatum est, 1882­-1883. Puis la résurrection en 1884 pour un travail long et pénible d'a­postolat.

N.-S. a permis que nous nous servions assez maladroitement de ses enseignements en donnant le nom de révélations à ce qui n'était que des lumières d'oraison. Mgr Thibaudier 100 demanda une direction à Rome, on nous retira toutes nos copies. Un décret détruisait l'œuvre, c'était le Consummatum est promis et attendu, mais trois mois après un autre décret la faisait revivre et en 1888 elle recevait le plus beau décret laudatif que le St-Siège ait donné pour une petite œuvre nais­sante.

Quelques copies nous sont revenues de chez le P. Modeste17). La Providence permet que la Chère Mère me les prête ces jours-ci. Je les copie et je vois mieux toute le conduite de N.-S. sur notre œuvre. Pour ma part, j'ai bien mal répondu à tant de grâces, mais que puis-je 101 faire maintenant sinon pleurer et demander pardon…

Nos Soeurs me rappellent encore un autre fait extraordinaire de la maison de Colmar. A la fête du S.-Cœur en 1871, le prédicateur de la retraite avait parlé sur ce thème: Exaudivi orationem tuam, sanctificavi domum hanc et erunt ibi oculi mei et cor meum cunctis diebus… (III Reg. 9,3). Il félicitait nos Soeurs de la présence de N.-S. dans leur modeste cha­pelle. La Chère Mère, Sr Providence et une ou deux autres étaient en adoration, N.-S. leur apparut et se montra dans la chapelle, vêtu d'une robe blanche et d'un manteau de pourpre… 102

Pourquoi N.-S. se sert-il souvent de pieuses Soeurs pour faire passer ses paroles et ses lumières à ses prêtres? C'est facile à comprendre: les prêtres sont très occupés par le ministère actif, ils n'ont pas le calme voulu pour les grâces de la vie contemplative.

Ainsi N.-S. n'a pas donné ses instructions sur le S.-Cœur au Père de la Colombière, mais à la Bse Marguerite Marie. Le P. Eudes devait aussi ses lumières en grande partie à une pieuse Soeur.

M. Olier a reçu bien des grâces par la Sr Agnès de Jésus. Le P. Brisson a été aidé dans sa fondation par la Sr Marie de Sales Chappuis. je remercie N.-S. de tout ce qu'il m'a donné par l'entremise de la Soeur M.ie Ignace. 103

15-20 février: journées de grands sacrifices. La maison de St Clément est évacuée en grande partie. On évacue les villages et ensuite on pille, on brûle et on détruit. - Est-ce le sacrifice complet de nos œuvres de France que N.-S. me demande? L'œuvre de St Clément se relè­vera-t-elle? Si la maison de St Jean n'est pas détruite, le collège n'aura plus de raison d'être, puisque les cent communes de la région qui nous donnaient des élèves vont devenir un désert. Fiat! Fiat! Notre vocation est une vocation de victimes.

Chez nous, le secours divin dont je parle à la page précédente a été double: La Sr Ignace m'a communiqué ses vues d'oraison - La Mère Véronique 104 nous a formé dans le P. André le Maître des novices dont nous avions besoin. - Ces lumières ne furent d'ailleurs qu'un complément et une confirmation, car N.-S. m'avait préparé lui-même à l'esprit de notre vocation pendant tout mon séminaire, comme en témoignent mes notes quotidiennes.

Nous avons depuis trois semaines une température de Sibérie, 15 degrés au-dessous de zéro. La Providence ajoute cette épreuve à la guerre.

Fayet est évacué et pillé. Le P. Mathias, à la veille de sa fête, est con­duit avec les autres à Beaurevoir pour prendre le train. Les Soeurs et les orphelines s'en vont également. Tout ce monde 105 chargé de paquets doit former un convoi sinistre sur le chemin boueux de Beaurevoir.

Après le départ, ce sera le pillage et la destruction! Adieu les gra­cieuses chapelles et les maisons pleines de souvenirs. C'est un effon­drement! St Clément a tenu une grande place dans ma vie. C'était notre école de recrutement. J'y suis allé tant de fois! J'y ai tant prêché les enfants! Mais Attila a passé! Toutes nos œuvres passent par la destruction et la mort. Elles ressuscitent sous une autre forme. Fiat! Notre vocation c'est l'abandon et le laisser-faire. 106

Le 2 mars, ler vendredi18), je vais au couvent. C'est le jour anniversai­re de notre oblation au S.-Cœur en 1878: la Chère Mère, Sr Ignace, Sr Marie de Jésus et moi.

Le mois de mars a toujours été pour nous un mois d'épreuves et d'immolation. Je prêche l'abandon à la Providence, j'en montre les exemples dans les mystères de N.-S. et la vie de St Joseph.

Le 12 mars, c'est l'exil19), après plusieurs jours de préparation péni­ble. Il faut abandonner nos maisons et sacrifier un mobilier considéra­ble. Il y a bien pour 25.000 francs de livres. Fiat!

Journée de voyage en fourgon. Nous arrivons le soir épuisés et souf­frants. J'ai cru mourir 107 de battements de cœur en sortant de la gare. Les Jésuites nous reçoivent fraternellement…

Bonne invitation le 16 chez les Pères capucins. Le P. Gardien, pa­rent de notre Jean Guillaume, nous dit que ce cher petit Père aurait apparu après sa mort à sa soeur à Namur…

Le 14 mars je suis entré dans ma 75e année. Je suis en exil à Enghien. Je repasse brièvement les souvenirs de ma vie. Je dois immen­sément à ma mère qui avait reçu à son pensionnat de Charleville l'es­prit de S.-Cœur. De pieuses personnes, parentes et voisines, me fai­saient aimer les choses du culte, les autels, les processions.

Le collège d'Hazebrouck m'a 108 été pendant quatre ans une grande source de grâces. La première retraite donnée par un capucin m'avait saisi et transformé. M. Dehaene me fut un directeur parfait. Les grâces sensibles ne me quittaient guère: mes petites lectures de chaque matin dans l'Imitation, la Vie dévote et et Manuel du S.-Cœur me suffisaient, avec les exercices de Ste Gertrude.

A Paris, N.-S. me fit trouver un directeur parfait, l'abbé Prével, qui m'aida à conserver ma vocation.

Le pèlerinage en Terre Sainte en 1865 affermit ma foi et m'aida pour toujours à me représenter les mystères de N.-S.

A Rome, un saint religieux, le P. Freyd, me conduit rapidement à la vie d'union avec N.-S.

A St-Quentin, ministère actif. 109 Vocation de victime du S.-Cœur. Les croix extraordinaires marquent l'acceptation divine de notre obla­tion.

Beau Bref laudatif de l'Institut en 1888 (24 février), approbation au 4 juillet 1906.

Ma vieillesse est encore marquée par la croix. Fiat! Fiat! Tout pour Dieu, pour l'Eglise, pour la pauvre France, pour l'œuvre du S.-Cœur.

La Chère Mère, supérieure et fondatrice des Servantes du Cœur de Jésus, est morte le samedi 17 à Soignies, en exil. Nous avons eu les funérailles le 20. Grande foule. Le doyen a résumé sa vie et ajouté quelques mots édifiants. C'est une sainte âme qui nous aidera au ciel. Elle a toujours eu une foi peu commune 110 et un caractère d'une rare énergie. Sa vie sera écrite. Elle a prié et fait prier autant qu'aucu­ne âme au monde. Si Dieu me conserve, j'aiderai à écrire cette vie.

La Chère Mère meurt en exil, conformément à sa vie de victime. Ses œuvres et les nôtres seront détruites et ruinées à Fayet et à St.­Quentin. C'est la vocation de job. Fiat! Fiat. - C'est la seconde fois que nos œuvres françaises sont détruites en dix ans. Cela comptera pour apaiser la justice divine.

J'ai des nouvelles de Namur. Le mot d'ordre que le petit P. Jean20) est venu apporter à sa soeur est celui-ci: «L'abandon à tous les vouloirs divins». J'en veux faire ma règle de vie. C'était celle de N.-S. vis-à-vis de son Père. 111

Mois très douloureux encore. Huit jours de maladie et de fièvre. Mais par contre séjour excellent et édifiant chez les Pères jésuites. Le P. Jubaru, supérieur, est plein de bontés et d'égards pour nous. Le P. Derbigny est aux petits soins. Le P. Watrigant me prête des livres et vient souvent me causer de science ascétique et mystique. Je fais là une bonne retraite.

Mon groupe loge à la maison dite des Russes où il y avait avant la guerre des étudiants ruthènes.

Nouvelle épreuve! Un vol de mille francs dans nos sacs. Qui a été l'instrument du diable? Je ne sais pas.

Les jésuites s'occupent avec zèle des évacués et font du bien. 112 Enfin le 19 nous avons nos permis pour nous rendre dans nos maisons à Bruxelles et à Brugelette. Deo gratias21)!

Que de bonnes choses j'ai lues chez les Pères! Le P. Terrien, le P. de Franciosi, et plusieurs autres auteurs ascétiques et mystiques.

J'ai lu le journal spirituel de Lucie Christine22) par le P. Poulain (chez Beauchesne, dépôt à Lyon, 3 avenue de l'Archevêché). Il s'agit, je crois, d'une dame de Paris, associée à l'Adoration Réparatrice. Tout y semble bien être de Dieu, sauf un prétendu règne du St-Esprit, qui viendrait après le règne de N.-S. Il faut interpréter cela bénignement, en l'appliquant à une effusion plus grande des grâces du St-Esprit, qui vient avec le règne de S.-Cœur. 113

Je trouve dans ce journal quelques vues sur la France, où se mani­feste la miséricorde de N.-S.

6 février 1883. «Dans une oraison où j'avais prié pour la France, mon Seigneur me montra l'amour par lequel il veut la sauver, et me dit que c'est nous qui ne le voulons pas encore…».

18 mars 1883. «O mon Dieu, est-ce qu'ils vont encore vous faire de publiques et sanglantes offenses? - Là-bas, dans notre pauvre grande ville (à Paris) contenez l'effervescence du mal… Considérez, mon Dieu, tous vos serviteurs qui, à cette heure matinale, ont déjà secoué le sommeil pour vous dire leur premier acte d'amour… Seigneur, faut-il des âmes au devant de vos coups pour la France? Voici la mienne, je vous l'ai offerte, donnée, faites-en ce que vous voudrez, pour que, avant tout, 114 votre gloire soit vengée… Régnez sur les âmes de France, ô mon Roi! mais aussi ne vous vengez pas avec rigueur: fermez la bouche à votre justice. Ne brisez pas notre pauvre nation. C'est le roseau penché, traitez-la dans l'excès de votre miséricorde et de votre amour, mon Jésus».

26 mai 1883. «Comme je priais mon Jésus avec grande angoisse pour les âmes de la France, il m'assura qu'il ne pouvait permettre qu'aucune se perdit faute de secours… - Mais, mon Dieu, lui dis-je alors, voyez donc les périls et les mauvaises influences de nos temps troublés! Est-ce qu'ils ne nuiront pas au salut des âmes? -je demande­rai moins à celles qui auront vécu dans ces temps, me répondit Jésus; mais sais-tu à quel point je puis faire 115 sortir le bien du mal?».

Lourdes, 25 septembre 1884. «Je vis intérieurement la Vierge Immaculée. Elle me montra son vouloir miséricordieux de sauver la France… Mais il faut que nous y correspondions par plus de foi et de prière, et que nous implorions sans relâche ce secours qui ne deman­de qu'à se donner. Cet amour de Marie était comme un rayonnement céleste, et une splendeur si éclatante et si bienfaisante en même temps qu'elle ne peut s'exprimer».

28 septembre 1884. N.-S. m'a parlé de sa Mère dans la sainte com­munion: «Vois, m'a-t-il dit, combien mon Cœur aime la France, je ne pouvais lui rien donner de plus cher que ma Mère et je la lui ai donnée…». 116

Décembre 1907. «Seigneur, qu'attendez-vous pour nous délivrer? J'attends que le nombre des fidèles qui s'offrent à moi avec un entier abandon dans cette épreuve, soit complet…».

Encore une pensée de Lucie Christine, mais qui n'est plus relative à la France: «Il faut donner Jésus aux autres… mais pour le donner il faut le garder… Si l'on oublie de s'inspirer de lui, voilà tous les pre­miers mouvements imparfaits…».

Le 8 décembre 1891, N.-S. la conduisit en esprit dans une loge maçonnique où l'on profanait les saintes Espèces, pour qu'elle y fit réparation.

D'après mes lectures. Méthode bénédictine avec son grand esprit de foi et son respect des choses saintes. Méthode augustinienne et dominicaine avec son grand attachement à la lumière 117 et à la vérité. Méthode franciscaine avec ses sentiments affectueux et dévoués pour N.-S. Méthode cartusienne et carme avec leur tendance à la con­templation. La méthode de St Ignace conduit aussi à l'union avec Dieu, avec N.-S., mais avec un caractère spécial d'union dans l'action et dans l'apostolat.

A propos de la liturgie, deux parties indiquent surtout l'objet de chaque fête: l'invitatoire de Matines et la collecte de la messe. St Liguori a traité de l'oraison d'union dans le Homo apostolicus et dans le Praxis confessarii.

Quelques notes tirées du P. de Franciosi: Le Sacré-Cœur et la tradition, chez Casterman.

I. Sur l'Ecriture Sainte (du cardinal 118 de Mora, 13e s.):

Christus est forts paradisi…

Fons qui Agar vitam reddidit…

Puteus ex quo Rebecca adaquavit camelos…

Petra deserti…

Aqua de Bethlehem (2 liv. Rois 23).

Fons hortorum…

Vas aquae ad caput Eliae…

Aqua quam vidit Ezechiel egredientem de templo…

Forts Jacob… Natatoria Siloë… Puteus Samaritanae…

Fons aquae vivae (Apoc.).

La prophétie de Jacob relative à Juda: Lavabit in vino stolam suam (Spicilegium Solesm. t. 2).

Les cérémonies de la conclusion de l'alliance: aspersion de l'eau et du sang, etc…

Invention de la Ste Lance (Annales 119 de Baronius 1098). Voir let­tre d'Anselme de Ribemont, dans l'ouvrage de Guibert de Nogent: Gesta Dei per Francos. liv. 5. c. 4.

Le beau miracle de Béryte en Syrie (Annales de Baronius 787). Le crucifix, transpercé par les Juifs, donne du sang et de l'eau qui guéris­sent une foule de malades. Les juifs se convertissent. Cf. Martyrologe rom. 9 nov.

Reliques du Précieux Sang (Acta Sanctorum, 10 septembre). Le pieux martyr Barypsabe l'avait reçu des disciples du Sauveur (une par­tie est venue à Bruges).

Mantoue: dans le tombeau de St Longin en 804: fiole vénérée par Léon III et Charlemagne, retrouvée 120 en 1057, vénérée par St Léon IX. Il passa à l'église de Weingarten en 1090, en partie (Voir Annales de Baronius, an. 804).

Lansperge le Chartreux recommande d'avoir une image du S.­Cœur, qui nous avertisse de recourir au S.-Cœur, d'y chercher conso­lation et conseil (t. 4).

St François de Borgia au Memento mettait le clergé dans la plaie de la main droite, l'Etat politique dans la main gauche, au pied droit les ordres religieux, au pied gauche ses amis et au côté lui-même…

Marie du Divin Cœur (Droste zu Vischering): «La consécration du monde en 1900 sera le prélude des grandes grâces du S.-Cœur».

La vén. Philomène de St Colomba (sa vie par Pie de Langogne). 121 Elle vit les grandes épreuves actuelles de l'église et le triomphe. Elle vit les trois quarts du monde en proie à la désolation et aux boule­versements. Une grande nation entrerait dans le sein de l'église catho­lique… du Cœur de Jésus sortira un torrent de grâces. 1868…

Dans une retraite manuscrite, le P. Ginhac a de bonnes choses pour les supérieurs. J'en veux faire mon profit.

I. Ce que doit être le supérieur: Uni à Dieu, humble, régulier, chari­table, patient, zélé, prudent.

1° Uni à N.-S. pour porter en quelque sorte par l'oraison et les saints désirs, la maison entière sur ses épaules.

2° Humble: doux, calme, modeste, en possession de soi-même… 122

3° Il faut une charité effective, qui s'occupe des besoins du corps et surtout de ceux de l'âme.

Je demande pardon à Dieu de toutes mes fautes comme supérieur. Elles sont nombreuses.

II. Ce qu'il doit faire.

1 ° Veiller sur le choix des sujets: ne pas attendre pour un renvoi qui est à faire.

2° Leur donner une bonne formation: détruire les mauvaises habi­tudes; les former aux vraies vertus chrétiennes et religieuses; leur bien inspirer l'esprit de la société, l'habitude profonde d'en garder les règles, l'union avec tous les confrères…

3° Préparer et former aux emplois , surtout spirituellement: que le sujet se sente envoyé par N.-S. pour cet emploi; qu'il agisse avec N.-S., comme lui et pour lui… 123

4° Entretenir l'esprit de recueillement dans la maison, veiller en silence; régler les relations par lettres ou visites.

5° Esprit de prière: bien commencer, se mettre en présence de Dieu.

6° Fuir la mondanité: l'attache aux choses temporelles, le désir de s'élever, la sensualité…

7° Combattre l'oisiveté, source de grandes tentations.

8° Exiger la régularité, l'obéissance: sans elles viennent le relâche­ment et le désordre; combattre l'esprit raisonneur.

9° Inspirer l'abnégation: y exercer de bonne heure, par l'habitude de la dépendance et de la direction.

10° Union et charité: éviter l'intérêt personnel, les contestations. Ce sont là comme les dix commandements du supérieur… 124

Je suis arrivé à Bruxelles le 19, bien épuisé et fatigué.

Notre chapelle est bien suivie, il s'y fait du bien. Deo gratias! Le repos moral aidera peut-être au relèvement physique.

Un hiver interminable s'ajoute aux épreuves de la guerre. Je lirai encore beaucoup.

Je revois la vie de Sr Thérèse de Jèsus de Lavaur. Elle a des vues sur la grande épreuve mondiale actuelle et sur les châtiments de la pauvre France.

Le 25 juillet 1869, N.-S. lui dit: «Bientôt, ma fille, je ferai luire sur le monde des jours de lumière, de paix et de salut… mais avant et pour que cette lumière paraisse plus éclatante, elle sera précédée de jours de ténèbres, de désordres, d'erreurs…». 125

J'ai vu alors, ajoute-t-elle, comme dans un tableau, la rage de l'enfer faisant un dernier effort pour perdre les âmes en les acharnant plus que jamais contre la Ste Eglise… La terre entière comme bouleversée… Dieu dominant tout par sa toute-puissance et faisant triompher la Ste Eglise par la médiation de Marie Immaculée que tant d'âmes invo­quent avec la plus entière confiance…

20 juillet 1870. J'ai vu à la lumière divine les maux qui vont fondre sur la France. Notre cher pays bien malade a besoin d'un remède énergique pour le guérir et le mettre en état de profiter du Concile… J'ai beaucoup prié pour la Ste Eglise, le très saint Père, la France, pour laquelle, 126 je le sens, Jésus a des prédilections qu'il n'a pas pour d'autres nations.

25 juillet '70. «La France souffrira, elle sera châtiée; mais Jésus, dans sa bonté, ne permettra pas qu'elle périsse, j'en ai la ferme confiance». 8 août. Je te le répète, ma fille, prie beaucoup pour la France, mais sois tranquille…

Au 25 août, comme elle priait Jésus et Marie pour la France, Marie lui dit: «Oui, ma fille, j'aime bien la France, je lui en ai donné bien souvent la preuve… et c'est parce qu'elle m'aime aussi qu'elle sera sauvée par mon intercession toute-puissante sur le Cœur de mon Fils Jésus». Jésus disait: «Je ferai encore grâce à la France en faveur de ma sainte Mère, mais vois ce que font endurer à 127 mon Cœur les fautes de cette pauvre France, que j'avais pourtant comblée de tant de grâ­ces».

Au 8 octobre elle voit un ange qui fait couler sur la terre une eau blanche et limpide. La terre sur laquelle tombait cette eau était cou­verte de ruines, de cadavres, de sang et de boue. Cette eau divine puri­fiait la terre à mesure qu'elle y tombait. Jésus ne m'a rien dit, mais une lumière divine m'a fait comprendre que notre pauvre France n'est qu'un amas de ruines… que l'ange du Seigneur viendra la purifier, en faisant tomber sur elle, du Cœur même de Jésus, l'eau pure de la divi­ne grâce, pour la laver de ses souillures, la guérir de ses maux et lui donner une nouvelle vie. 128 Jésus lui a fait ensuite entendre ces paroles: «Ma fille, on n'est jamais trompé dans ses espérances quand on se confie en moi, qui suis le Tout-puissant. La France est à moi et je l'aime… ».

18 octobre '70. «Jésus veut être consolé et surtout plus aimé dans son sacrement d'amour. Il en sera ainsi après le triomphe de l'Eglise, car c'est par l'Eucharistie que Jésus purifiera et vivifiera les âmes pour qu'elles forment un monde nouveau et un peuple d'élus.

Jésus m'a fait comprendre alors que l'Europe entière, la France sur­tout, était en ce moment plongée dans les plus affreuses ténèbres… que les lumières que je voyais représentaient les saintes âmes qui sont en France et qui sont 129 destinées à l'éclairer… Il m'a semblé que la France, renouvelée par tous les malheurs qui l'accablent, verrait se dissiper les nuages formées par les crimes des hommes, et la nuit étant ainsi purifiée, permettrait aux lumières, c'est-à-dire aux âmes destinées à éclairer les autres, de briller de tout leur éclat».

2 janvier '71. J'ai prié instamment mon Jésus-Hostie d'avoir pitié de notre pauvre France, d'écouter les voeux et les prières de tant d'âmes innocentes et pures qui crient sans cesse vers Dieu pour implorer misé­ricorde. J'ai cru alors que mon Jésus me disait: «J'entends tous ces cris, mon Cœur voudrait les exaucer, mais je ne le puis encore; sois 130 tranquille cependant, ce secours n'est pas bien éloigné. Ah! si les hom­mes comprenaient mon amour! Mais non, ils ne comprennent rien et m'outragent toujours…».

Confiance! le règne du Sacré-Cœur viendra après l'épreuve.

Je rencontre quelques pages de la Vie de Sr Appoline, des Filles de la charité (Poussielgue 1897).

N.-S. lui disait: «Je châtirai la France, mais je ne la perdrai pas. La France ne périra pas, je la sauverai par la croix où mon amour l'a atta­chée». La Soeur disait: «Je ne crains rien pour la France: tous les efforts impuissants des méchants se briseront devant la prière». N.-S. disait: «Disposez de mon Cœur, de mon sang, tout est à vous… Une 131 âme qui me prie avec tout l'abandon de l'amour m'honore plus que les crimes des méchants ne m'outragent».

Après quarante ans de fondation je vois plus clair aux desseins de la Providence sur notre œuvre.

Il y avait eu déjà plusieurs essais d'œuvres de prêtres réparateurs et victimes, notamment à Marseille et à Paris. N.-S. s'est contenté de cueillir là quelques belles âmes et les œuvres n'ont pas eu de suite. Il voulait se servir de moi et de nos Soeurs de St-Quentin: Infirma mundi elegit Deus… Il voulait aussi se servir de la Mère Véronique et du groupe de prêtres qu'elle essayait de former là-bas (le P. André, le P. Charcosset, M. Gallet, etc.).

Tout s'est fait selon le plan divin. 132 Au temps voulu, en 1883­-1884, le groupe de là-bas est venu se joindre à mon néant. J'avais passé par le Consummatum est. C'était la résurrection. C'était une infusion de vie nouvelle. Le P. André a été comme un second fondateur par ses fonctions de Maître des novices. La P. Charcosset nous apportait l'es­prit de Marguerite Marie, il venait de Verosvres et d'Autun.

Pourquoi deux sources? Parce que N.-S. voulait que cette fondation fût appuyée par beaucoup de prières et de sacrifices.

Dans l'histoire de l'Eglise il y a des exemples d'un concours multi­ple pour une fondation. La congrégation des Servites a sept fonda­teurs. Les Trinitaires ont Jean de Matha 133 et Félix de Valois. Les Théatins ont Gaëtan de Thienne avec Pierre Carafa. Quand Pierre Nolasque fonda l'ordre de la Merci, la Ste Vierge avait demandé pour lui le concours de St Raymond de Pennafort et du roi Jacques d'Aragon. Les Pères du St-Esprit ont deux Pères spirituels: Claude Poulart des Places et Libermann.

Non seulement N.-S. nous a donné deux sources de grâces, mais il est intervenu cent fois pour nous sauver dans toutes nos défaillances et nos misères. Humilions-nous, soyons reconnaissants et corrigeons-nous pour ne pas obliger N.-S. à nous envoyer de nouveaux châtiments.

J'ai beaucoup souffert dans ma vie, tantôt parce que N.-S. acceptait 134 mon acte d'oblation et m'envoyait quelque bonne croix, tantôt parce qu'il me punissait à mesure de mes défaillances, pour pouvoir me pardonner… Il aurait pu cent fois me rejeter, il m'a conservé parce que ses dons sont sans repentance.

Encore une mystique dont les vues nous donnent confiance pour la France. C'est une ursuline d'Aix dont le P. André a écrit la biographie. En 1873, N.-S. lui disait: «Je ne châtirai la France qu'en miséricorde. Ce n'est pas la France que je veux perdre, c'est le ver qui la ronge que je veux étouffer. Beaucoup d'âmes seront sauvées dans la grande épreuve. Non seulement la France, mais toute la terre 135 changera de face. Le plus grand nombre des hommes qui vivent sur la terre seront unis dans une même foi. Le Cœur de Jésus règnera par toute la terre, mais surtout en France. Il brillera comme un soleil, tous les cœurs se tourneront vers lui…».

Je lis toute une série de vies édifiantes. Il y a eu tant d'âmes privilé­giées depuis un siècle! Sr Marguerite du St-Sacrement est plus ancien­ne (1619-1648). C'est une mystique analogue à Marguerite Marie. Sa mission était de répandre la dévotion à la ste Enfance de Jésus. La Sr Thérèse de Lisieux a repris cette mission de notre temps. Sr Marguerite était prudente, elle ne prétendait pas faire des révélations. Elle disait: «Je vous donne les 136 pensées que j'ai eues dans l'oraison, je n'y vois rien de plus…».

Elle a bien prié et s'est bien immolée pour la France. Elle a obtenu la naissance de Louis XIV.

N.-S. lui disait: «Je t'ai suscitée pour la protection de mon peuple (de France) comme autrefois Moïse pour la protection d'Israël…» (p. 171). Une autre fois, N.-S. la compare à Esther, chargée de sauver son peuple (p. 198).

St Louis et St Bernard lui apparurent plusieurs fois, l'un pour lui recommander son ancien royaume, l'autre sa chère province de Bourgogne. Elle continue sûrement sa mission au ciel. Si on la béati­fie, la dévotion à l'Enfant Jésus prendra un nouveau développement.

Je note mes autres lectures sur un cahier à part. 137

Dieu est toujours bon. Même quand il éprouve, il a des desseins de miséricorde. Cette grande guerre sauvera une infinité d'âmes. La plu­part des combattants, qui auraient mené une vie de péché, sont saisis par la crainte de Dieu au moment du danger, ils se convertissent et sont sauvés.

Partout, sauf dans quelques familles endiablées, on prie beaucoup et on prie bien. Il y a des conversions. On sent que la justice de Dieu passe et on s'incline. Dans les couvents et chez les âmes pieuses, la foi est plus vive et plus éclairée. On comprend qu'il faut une mesure suffi­sante de réparations et d'expiations pour obtenir miséricorde. On se mortifie, on répare, on s'adresse en toute confiance à Marie et au Cœur de Jésus. 138

Le règne du Cœur de Jésus se prépare, on l'intronise dans les familles.

Quelles leçons de détachement et de sacrifice dans toutes ces spolia­tions! Quelles lumières sur la vanité des choses du monde… Pour moi, N.-S. a voulu me faire faire une retraite de trois ans. Je n'ai fait que des lectures spirituelles pendant la guerre. J'avais aussi beaucoup de cho­ses à mettre en règle. J'étais séparé du monde, sans voyages, sans jour­naux ni correspondance. Il fallait un coup de Providence comme cette guerre pour me donner ces avantages. Il en est de même sans doute de beaucoup de personnes. Dieu est toujours bon!

139 Table des matières

1916 Görres 74
Mars. St Joseph 1 Pressentiments 75
Ste Brigitte 6 14 septembre 76
L'alphabet primitif 12 19 septembre 77
14 mars 14 Octobre 78
25 mars 16 Novembre 80
La fausse science 22 Décembre 84
Avril: P. Blancal 29 19-26 décembre 87
P. Rasset 31
Mai: Gertrude-Marie 32
La messe spirituelle 34 1917
Comment Dieu parle 37 Janvier 92
St Basile le grand 41 Février 97
Juin: Mes Saintes 49 15 février 103
Anniversaires 52 23 février 104
Le nombre des élus 54 Mars 106
Bonnes journées 55 La Chère Mère 109
La gloire des Saints 56 Avril 111
Fin juin 59 Lucie Christine 112
Le 1er juillet 60 Méthodes d'oraison 116
Comment je veux mourir 61 P. de Franciosi:
10 et 11 juillet 62 le Sacré-Coeur 117
Confiance 63 P. Ginhac: les supérieurs 121
St Vincent de Paul 64 Bruxelles. Sr Thérèse
Ste Madeleine 65 de Jésus de Lavaur 124
St Ignace 66 Sr Appoline 130
Août 67 Notre fondation 131
M. Harmel 68 Sr St-Gabriel 134
St Augustin 69 Mai. Sr Marguerite du
Septembre 72 St-Sacrement 135
Amende honorable 74 L'épreuve 137

1)
Instruction sur St Joseph: Dans ce titre on parle de St Joseph, mais en réalité c’est un commentaire de l’épisode évangélique de la présentation de Jésus au temple. On parle donc de Joseph et Marie qui ensemble offrent leur enfant Jésus à Dieu; on souligne aussi leur volonté de s’offrir eux-mêmes avec Jésus, comme «victimes» au bon plaisir de Dieu.
2)
Révélation primitive. Encore une fois la question d’une révélation à l’origine de l’humanité, question mêlée ici aux questions concernant l’origine des religions et l’o­rigine de la civilisation. Les hypothèses avancées par certains savants sont tout à fait discutables aussi bien pour les savants que pour les croyants. Dans de telles hypothèses il y aurait des «erreurs fondamentales» si on avait la prétention d’exclure toute intervention providentielle de Dieu dans l’histoire de l’humanité.
3)
Littré (Émile), philosophe français (1801-1881). Il se consacra spécialement à des études linguistiques et attacha son nom à cette œuvre «magnifique» qui est son Dictionnaire de la langue française. Il avait été élevé en dehors de toute idée religieuse, mais il n’était pas un sectaire, comme supposait l’évêque d’Orléans Dupanloup, son adversaire acharné. Avant sa mort il se rapprocha même de la religion dont il s’entre­tenait volontiers avec l’abbé Huvelin. En 1867, avec M. Wyrouboff, il fonda la «Revue de philosophie positive» et, dans cette revue, en 1870 il publia un article sur les «Origines organiques de la morale» qui eut du retentissement.
4)
Un autre passage qui nous étonne est dû à l’incertitude qu’il manifeste à pro­pos du régime politique de l’état. Le meilleur, écrit-il, n’est pas le prince nommé par voie de suffrages (cf. aussi cahier XXXIX, n. 121: «Suffrage universel»); ce n’est pas non plus l’élection par le sort; ce n’est pas la succession héréditaire, ni «l’état parle­mentaire dont nous mourons depuis quarante ans». Mais alors lequel? Et, en se refu­giant sous les ailes de St Thomas, il rêve l’impossible mélange d’une «monarchie tempérée par l’aristocratie et la démocratie» (n. 48). Evidemment pour une exposi­tion exhaustive de la pensée politique du P. Dehon il faudrait se référer à toutes ses «Œuvres sociales». Cf. aussi le cahier «Notes de lectures 1916», pp. 1-30 (AD B. 14/8.a).
5)
J’avais écrit à la bonne Mère (Véronique): Dans l’AD nous n’avons pas cette lettre à la Mère Véronique, datée de 1882. On a une lettre, dans laquelle le P. Dehon deman­de «l’union de prières» entre les deux œuvres, mais elle est datée du 11 déc. 1884 et elle est adressée à Mère Marie-José, qui a succédé à Mère Véronique (cf. AD B. 35/4c).
6)
Sainte Grimonie patronne de La Capelle: c’est une autre forme du nom de la martyre irlandaise Germaine, vénérée dans la région de Laon avec sa soeur Probe.
7)
Giraud (Sylvain): Ici on voit cité un passage du livre très connu Prêtre et hostie, que le P. Dehon utilise spécialement pour la composition des premiers chapitres de son ouvrage Le Cœur sacerdotal de Jésus.
8)
Faber (Frédéric-William): Ici on voit cité son ouvrage La création et la créature. Mais le vrai titre de cet ouvrage en anglais est «The Creator and the creation» (London 1858). Pour une note biographique de Faber, cf 111,507,102.
9)
Sr Jeanne Bénigne Goyoz: Le P. Dehon cite des pensées qu’il emprunte à sa bio­graphie. Pour d’autres extraits des écrits de cette religieuse, cf. AD B. 14/6.b, cahier «Pensées II», pp. 90-94.
10)
Sr Thérèse de l’Enfant Jésus: On peut trouver des extraits de ses écrits, choisis et copiés par le P. Dehon, dans le cahier «Pensées II», pp. 85-87 (AD B. 14/6.b) et dans le cahier «Notes de lectures 1916», p. 33 (AD B. 14/8/a).
11)
Je cherche midi à 14 heures: Une phrase que le P. Dehon cite souvent. On peut y entrevoir l’intensité de sa vie de foi et sa profonde union avec le mystère de la Sainte Trinité.
12)
Catherine Labouré. Le P. Dehon rappelle ici les apparitions relatives à la médail­le miraculeuse. Dans le cahier gardé à la boîte 15/1.1-2, daté de 1917, il cite une annonce de la Vierge qui prévoit trois grandes épreuves, c.à.d.: la révolution de 1830; la guerre de 1871; et aussi la grande guerre européenne (1914-1918). Dans ce même cahier il rappelle les apparitions de Pellevoisin de 1876.
13)
Ségur (Gaston de) passa presque toute sa vie à Paris (1820-1881). Ordonné prê­tre, avec d’autres prêtres il fonda une communauté de ménage, de prières et d’apos­tolat, et avec eux il se consacra entièrement aux œuvres de la jeunesse: patronages, retraites, cercles catholiques, groupes de jeunes ouvriers. Tombé malade, il employa ses loisirs à composer Réponses aux principales objections contre la religion. En 1854 il devint complètement aveugle et passa ses 25 dernières années en s’adonnant de nou­veau aux œuvres ouvrières et aux initiatives de charité. Cf. extraits de la biographie de M. de Ségur (AD B. 14/8.a, pp. 71-73; et aussi les notes biographiques dans NQ I, 513,26 et NQ II, 609,13).
14)
On voit, dans ces pages, comme une relecture des débuts de l’Œuvre à partir d’une étude plus attentive de la correspondance du P. Rasset… Dans les pages suivantes (nn. 94-103) on a une autre relecture, mais alors d’après ses propres souvenirs.
15)
Je le résume dans un autre cahier. C’est le cahier «Notes de lectures 1916», pp. 82­95 (cf. AD B. 14/8.a).
16)
Le 2 février. un grand jour pour nous: On connaît le motif: c’est le 2 février 1878 que commencèrent les «illuminations» de Sr Marie-Ignace sur la nature et les finalités de l’Œuvre, «illuminations» que le P. Dehon a toujours considérées plus ou moins comme signe et garantie du caractère surnaturel de sa vocation comme fondateur (cf. aussi cahier XXXIX, n. 105).
17)
Quelques copies… chez le P. Modeste. Dans nos archives (AD B. 34/7) un petit cahier noir, qui porte en titre (sous la couverture): Table des vues d oraison de la Sr Ignace. Il comprend: 1. un calendrier de ces «vues d’oraison» (du ler février au 14 octobre 1880); 2. des textes assez développés et qui se retrouvent dans le Directoire (réparation sacerdotale; l’amour pur et désintéressé; le saint abandon); 3. un «som­maire de la vie religieuse d’après les enseignements donnés par N.-S. à une humble servante du Sacré-Cœur»; 3. une «table d’après le carnet de la Sr Marie de Jésus». (il s’agit d’une copie dactylographiée, avec «Concordat cum originali» du P Walzer, 26 déc. 1953). On a un autre document (AD B. 34/8) qui porte en titre: Vues d’oraison de Sr Marie de St-Ignace sur l’Œuvre des victimes du Sacré-Cœur. Il concerne les vertus propres à notre vocation (nombreux passages dans le Directoire). On en a trois copies: une de la main du P. Dehon dans un cahier de 69 pages; deux autres dactylographiées, avec « Concordat cum originali» du P. Walzer, 22 décembre 1953. Au sujet de ces documents, cf. aussi NHV XIII,85-100.
18)
Le 2 mars, 1er vendredi: C’est une erreur: le 2 mars 1878 c’était un samedi; le 1er vendredi était donc le 1er mars.
19)
Le 12 mars, c’est l’exil: «Quelle douloureuse situation pour lui, que celle de se voir contraint à abandonner le berceau tant aimé de la Congrégation, sans aucun espoir de le retrouver… Chargé de son baluchon, il parti, comme tout le monde, pour le lieu de concentration, mais en tète de ses religieux, donnant ainsi à tous l’exem­ple» (Ducamp, p. 481).
20)
Le petit Jean: C’était Jean du Cénacle, le P. Guillaume.
21)
Après cinq mois de résidence forcée à Enghien, le P. Dehon reçoit la permis­sion de se rendre dans notre maison de Bruxelles. Ainsi il rentra de nouveau en rela­tion avec la plupart de nos maisons.
22)
Lucie Christine. C’est un pseudonyme, employé pour éditer les vues de prière de Mathilde Bertrand (1844-1908), veuve et mère de cinq enfants. Favorisée de grâces mystiques, elle les mit par écrit uniquement pour obéir à son directeur spirituel. Sa spiritualité est à la fois eucharistique et réparatrice. Le P. Dehon reprend des extraits du Journal de Lucie Christine dans son «Cahier de lectures 1917», pp. 18-20 (cf. AD B. 15/1.2; cf. aussi Dict. Sp. IX, 1130).
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