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DISCOURS, RAPPORTS ET DEBATS

Aux Assemblées
des œuvres ouvrières catholiques

1875 - 1894

LETTRE DE CONVOCATION DE L’ASSEMBLEE GENERALE DES ŒUVRES DU DIOCESE DE SOISSONS1

Monsieur,

«Plusieurs diocèses, et en particulier ceux de Cambrai et d'Arras voi­sins du nôtre, ont déjà tenu des réunions dans le but de généraliser les résultats des Congrès Catholiques qui ont eu lieu ces dernières années à Paris, à Nantes et à Lyon. Monseigneur l'Evêque de Soissons désire qu'une assemblée de ce genre se tienne prochainement à Notre-Dame de Liesse».

«Notre diocèse ne possède pas jusqu'à présent beaucoup d'Œuvres, mais les réponses faites au Questionnaire du Bureau diocésain montrent que le clergé a compris la nécessité des Associations catholiques dans les conjonctures critiques que traverse en ce moment la société chrétienne. L'élan est donné, bien des œuvres vont surgir. Il importe donc qu'une réunion prochaine entretienne ces bonnes volontés et les stimule par le récit des résultats obtenus ailleurs».

«Le Bureau diocésain, pour répondre au désir de Monseigneur, prend l'initiative de cette réunion, de laquelle nous espérons de si heureux fruits. Elle se tiendra à Notre-Dame de Liesse, les 10 et 11 Mars pro­chain. Nous vous proposons dès aujourd'hui le Programme des Questions qui doivent y être traitées, mais il pourra subir des modifica­tions partielles».

«Monseigneur veut bien déléguer un de MM. les vicaires généraux pour présider l'assemblée en son nom. Nous demanderons le concours des membres du Bureau central de l'Union des Œuvres Ouvrières, du Comité de l'Œuvre des Cercles Catholiques, dans lequel notre départe­ment est si bien représenté, et de l'apôtre de l'usine chrétienne, M. Léon Harmel, filateur au Val-des-Bois, près Reims».

«Un des principaux résultats de cette réunion sera d'encourager les œuvres des campagnes, plus difficiles peut-être, mais non moins neces­saires que dans les villes. L'esprit chrétien et la pratique religieuse se perdent dans nos campagnes, la corruption des villes y a pénétré. Des Associations chrétiennes y ramèneront la foi avec les convictions sérieu­ses et l'énergie du devoir.»

«Nous savons par les correspondances de plusieurs prêtres zélés, que des résultats ont été obtenus dans certaines paroisses rurales qui parais­saient d'abord offrir peu de ressources pour l'établissement de ces Œuvres».

«La question de l'usine donnera à cette assemblée un grand intérêt. L'industrie nous envahit: faudra-t-il nécessairement acheter ses avanta­ges matériels au prix de la démoralisation de nos populations ouvrières? Non, l'usine chrétienne n'est pas un rêve irréalisable; nous en avons des types admirables où, grâce à un ensemble d'œuvres et d'institutions di­verses, on a pu faire revivre la vigueur de la foi chrétienne, les coutumes des familles les plus honorables, et avec le bonheur du devoir accompli, l'esprit d'ordre, et d'économie qui assure la prospérité de l'avenir. Pen­ser à supprimer l'usine serait une utopie ridicule; il faut christianiser l'usine. Notre réunion diocésaine fera appel à tous les industriels pour les engager à prendre les moyens qui ont abouti ailleurs à de si merveil­leux résultats».

«Nous vous prions instamment, Monsieur, de faire part de notre pro­jet à ceux de vos amis ecclésiastiques ou laïcs qui s'intéressent à ces œuvres multiples et qui veulent y contribuer par leur action, par leur in­fluence, ou par leurs souscriptions.

Pour le Bureau diocésain,

J.-B. HANNUS, S. J. L. DEHON, Vic.

Rapport général sur l'état des œuvres
et associations d'hommes

Ma tâche, comme secrétaire du Bureau diocésain, est de vous rendre compte de l'état des Œuvres et des Associations d'hommes, dans notre diocèse, d'après les réponses qui ont été faites au questionnaire envoyé par Monseigneur. Nous avons à parcourir une carrière: ne faut-il pas connaître notre point de départ? Ouvriers hardis et entreprenants, nous nous proposons d'édifier de belles Œuvres dans notre diocèse, ne faut-il pas sonder d'abord le terrain sur lequel nous aurons à bâtir?

Mon rapport, Messieurs, sera nécessairement défectueux en plus d'un point, car un assez grand nombre de réponses au questionnaire nous ont manqué, sans doute à cause de la non-existence d'associations d'hommes dans un certain nombre de paroisses et du peu d'espoir d'ar­river prochainement à en établir, en raison des difficultés qu'on s'exagè­re peut-être.

Vous verrez, Messieurs, qu'il y a en effet beaucoup à faire à cet égard dans notre cher diocèse.

Mais la grandeur de la tâche, loin de vous abattre, vous fera compren­dre l'urgence d'une action énergique, et fortifiera vos résolutions.

Je serai l'écho fidèle des réponses que j'ai reçues. je montrerai d'abord la nécessité pressante des Œuvres, qui nous est surabondam­ment démontrée et qui prouve que notre assemblée est, pour notre dio­cese, un événement providentiel, dont nous ne saurions trop louer Dieu.

Je décrirai sommairement ce que nous possédons déjà en fait d'Œuvres de chaque espèce, et ce chapitre assez consolant vous fera voir que tout n'est plus à faire, que le ferment est dans la masse et que nous avons déjà chez nous quelques Œuvres modèles qu'il sera facile d'imiter. En­fin j'indiquerai en passant quelques procédés heureux, quelques moyens ingénieux qui nous ont été signalés, laissant aux rapports spéciaux le soin de décrire chaque genre d'Œuvre en détail et d'en expliquer la pra­tique.

Mais avant que j'aborde les diverses parties de mon sujet, il me sem­ble, Messieurs, que vous attendez de moi que je sois l'interprète de votre reconnaissance envers ceux à qui nous devrons le succès de notre assem­blée. Je n'ai point d'autre droit à cet honneur que celui d'être inscrit le premier au programme, mais vous êtes impatients d'entendre formuler ces sentiments de vos cœurs, et vous ne me pardonneriez pas d'en retar­der l'expression.

Grâces soient donc rendues à Monseigneur l'évêque de Soissons qui nous a encouragés avec tant de bienveillance à préparer cette réunion et qui bénit paternellement nos travaux. C'est pour nous une grande tris­tesse que sa mauvaise santé le tienne éloigné de nous.

Grâces soient rendues aux hommes éminents, étrangers à notre diocè­se, qui sont venus dès aujourd'hui, ou qui viendront demain nous éclai­rer des lumières de leur expérience et nous animer de l'ardeur de leur zè­le.

C'est l'amour de l'Eglise et l'amour de la France qui nous ont valu ce concours.

C'est une province de la France, et c'est un diocèse de l'Eglise que l'on a vu en nous, et nous répondrons dignement à tant de dévouement en multipliant nos Œuvres pour rendre notre province digne de la Fran­ce catholique et notre diocèse digne de l'Eglise notre mère.

Ce chapitre est un de ceux qu'on n'aborde que devant une assemblée comme celle-ci, composée d'hommes de dévouement. Pour d'autres ce serait un motif de perdre courage et de reculer devant la grandeur de la tâche. Pour vous, Messieurs, ce sera un stimulant énergique. Vous sa­vez que l'honneur grandit avec l'importance de l'obstacle vaincu; et la gravité du péril, loin de vous décourager, double vos forces et vous porte à recourir à des moyens plus puissants.

Voici donc les impressions de tristesse et quelquefois de décourage­ment qui nous arrivent de plus de quarante paroisses du diocèse.

Un curé nous écrit: «Il n'y a plus de sève, plus de vie religieuse dans les pauvres âmes de nos contrées, autrefois si riches en associations com­me en monuments religieux».

Un autre: «Des préventions contre tout ce qui touche de près ou de loin à la religion ne laissent guère d'espoir, au moins prochain, du côté des hommes».

Un autre: «L'esprit révolutionnaire compte trop d'adeptes et même de propagateurs ici. Nous n'avons que deux hommes vraiment chré­tiens, dont l'un, vieillard infirme et sourd ne peut être un élément d'as­sociation et l'autre par sa position ne peut prendre d'initiative».

Un autre: «L'égoïsme et l'amour de l'argent sont de grands obstacles. Le peu de bons chrétiens qui restent sont trop avancés en âge pour pen­ser à rien entreprendre».

Dans une paroisse: «Les hommes les plus chrétiens ne remplissent pas le devoir pascal». Dans une autre: «Il n'y a pas d'hommes chrétiens: trois seulement sur sept cents habitants». Dans une autre: «Quelques hommes à peine remplissent le devoir pascal, et la plupart sont étrangers à la paroisse par leur naissance». Une cure de canton ne compte que deux hommes qui s'approchent des sacrements à Pâques, et par caractè­re, comme par éducation, ils ne seraient pas disposés à faire davantage». Ailleurs: «On ne connaît pas le Dimanche, il n'y a de réunions qu'aux danses nocturnes et au cabaret». Un curé nous dit: «Nous n'avons pas un seul homme chrétien». Un autre: «Si l'on entend par chrétiens des hommes qui s'approchent des sacrements, je ne pense pas qu'il y en ait dans ma paroisse». Un autre encore: «Dans une paroisse où pas une fem­me n'assiste aux Vêpres, y a-t-il lieu à des associations de jeunes gens ou d'hommes?».

Voici une appréciation qui, sous une solution originale, cache une si­tuation bien triste: «Ne pouvant avoir mes paroissiens qu'à la Saint­Antoine, fête patronale du pays, je me demande depuis longtemps, s'il n'y aurait pas possibilité d'établir parmi les jeunes gens une association de Saint-Antoine, sur le pied de celle de Saint-Hubert. Je vais essayer. La fête patronale est célébrée avec une certaine religion. On croirait manquer à tous ses devoirs si l'on manquait à la messe de Saint-Antoine, le 17 janvier, mais cette assistance suffit à peu près pour toute l'année. Peut-être y aurait-il là le commencement d'une mine à exploiter, en fon­dant une association de Saint-Antoine».

Hélas, dans ce faible reste de pratique religieuse, n'y a-t-il pas encore plus de superstition que de foi?

Une autre paroisse, dans ses beaux jours, compte deux hommes et une douzaine de femmes à la messe.

Voici un rapport où perce quelque découragement: «Le curé n'a que la prière et l'administration des sacrements avec une instruction brève et seulement par occasion. Il n'obtient de respect que par sa conduite réser­vée et son amour pour la solitude!».

Un autre curé s'écrie: «Triste! Triste! du côté des hommes et des jeu­nes gens. La mauvaise presse et les journaux impies sont recherchés avec avidité, les mauvais livres préférés aux bons. On se défie de ce qui vient du presbytère. Les réfutations irritent au lieu d'éclairer. Les sacrifices du curé pour propager les bonnes lectures passent pour intéressés et lui valent la haine des radicaux de l'endroit. Que faire?».

Un curé a fait donner une mission il y a quelques années, dans la pa­roisse annexe, le respect humain a empêché les fruits de la mission. Comme communions à Pâques, dans la paroisse principale, il n'y a pas un seul homme, et il n'y a qu'une femme. Dans l'annexe, pas un hom­me, environ trente-huit femmes. La mauvaise presse fait là des ravages considérables. La masse de la population n'est pas mauvaise, mais ceux qui sont impies font bien du mal aux faibles. Ces hommes pervers font tous leurs efforts pour empêcher le bien. Tous les moyens leur sont bons, pourvu qu'ils arrivent à leurs fins.

Voici une autre correspondance qui donne, avec quelques détails, la situation de la région la plus déshéritée de notre diocèse, la Brie: «Nous n'avons pas d'associations chrétiennes et je ne vois pas qu'il soit possible d'en fonder, présentement du moins. Il est excessivement rare que quel­ques jeunes gens ou quelques hommes assistent à la messe le dimanche. Il y a dans cette paroisse l'indifférence la plus complète et la plus invinci­ble en matière de religion: c'est désolant. Excepté aux principales fêtes de l'année, il n'y a guère que cinq hommes à la messe le dimanche, et les mêmes personnes ne viennent presque jamais deux dimanches de suite; j'ai essayé de beaucoup de manières à les faire venir. J'essaye encore tous les jours; toutes mes démarches restent infructueuses et mes peines inutiles. Que faire? Impossible de les instruire à l'église. L'été, ils n'y viennent pas, sous prétexte qu'ils n'ont pas le temps; l'hiver, ils n'y viennent pas non plus, sous le prétexte qu'il fait trop mauvais et qu'il fait trop froid. Les choses étant ainsi, il n'y a pas lieu de penser à établir aucune association chrétienne».

Pour compléter ce sombre tableau, permettez-moi, Messieurs de vous indiquer les principales causes auxquelles un de nos correspondants at­tribue, non sans raison, le triste état dans lequel se trouvent la plupart de nos paroisses rurales, au point de vue religieux.

Ce sont:

1° L'indifférence de la loi civile, sinon dans les textes, au moins dans l'application relativement à la profanation du saint jour du dimanche. Cet abus en est arrivé actuellement au suprême degré de la licence: la­bourer la terre, semer, conduire les engrais dans les champs, tout cela se fait sans aucune espèce de honte. Les réclamations que nous faisons en chaire ne font qu'irriter, sans retenir personne.

2° L'établissement d'une foule de sucreries, râperies, bascules. Sou­vent ces usines sont de véritables écoles de démoralisation. Certains contre-maîtres sont des athées qui, quelquefois, s'en vantent publique­ment. On y travaille nuit et jour, dimanches et fêtes. Les jours de la Toussaint et de Noël même ne sont pas distingués des jours ordinaires.

3° La liberté illimitée d'ouvrir des cabarets. Une paroisse de mille âmes, compte quatorze maisons où l'on débite de l'eau-de-vie. La belle loi répressive de l'ivresse n'est pas appliquée: on n'y pense même pas.

4° Les mauvais journaux qui nous viennent de Vervins, de Laon et surtout de Saint-Quentin, achèvent d'égarer les esprits et d'en ôter les précieux germes de foi qui s'y trouvaient encore.

Tel est, Messieurs, l'état de la vigne du Seigneur, et si nous n'étions pas aujourd'hui réunis pour l'action, si nous avions le loisir de nous lais­ser aller aux impressions de notre cœur, nous redirions volontiers et avec trop d'à-propos les lamentations de Jérémie.

Devant cet envahissement de l'indifférence et du matérialisme, reculerons-nous, Messieurs, et céderons-nous le terrain? Non, ce ne se­rait pas chrétien.

La croix est un étendard de combat. Les apôtres ont vaincu d'autres obstacles.

Nous rendrons ces populations au Christ, par l'éducation de l'enfan­ce, et par les missions.

Les missions sagement conduites obtiennent de grands résultats. Il les faudra répéter plusieurs années dans la même paroisse. Il y faudra pro­céder graduellement et avec prudence, en ne prêchant d'abord que la morale du Décalogue, avec plus de bonté que de sévérité, et ne réservant pour la seconde et la troisième année la question de la pratique des sacre­ments; mais il ne faut jamais perdre confiance dans le résultat de nos ef­forts. Le prix du sang de Jésus-Christ n'est pas épuisé.

Il y a de la part de nos campagnes une plainte générale et spontanée relative aux fabriques de sucre. Il y a là un péril qu'il importe de connaître, afin de voir s'il est possible d'y remédier.

Voici quelques échos de ces plaintes.

Un curé nous écrit: «L'abus toujours croissant du travail du dimanche dans nos fabriques de sucre, laisse peu de facilité pour l'organisation des Œuvres ouvrières. En effet, en dehors du confessional, au temps pascal, comment entretenir familièrement ces hommes et ces jeunes gens, empê­chés maintenant d'assister aux saints offices, et même, depuis cette an­née, à la messe des jours de fête? Comment les réunir quand ils répon­dent: Mais si je ne vais pas aux betteraves, si je ne me rends pas à la fa­brique, même le dimanche, il n'y aura plus d'ouvrage pour moi pendant la mauvaise saison».

Dans un doyenné, en hiver, les hommes sont tenus à la sucrerie ainsi que les jeunes gens. En été, tout le monde est aux champs.

Dans une paroisse, il est difficile, pour ne pas dire impossible, d'obte­nir de bons succès religieux et moraux, à cause des fabriques de sucre qui pullulent dans le pays et où l'on prend tous les ouvriers sans distinc­tion de sexe.

Ailleurs, un catéchisme de persévérance n'a pas réussi: la faute en est attribuée aux fabriques de sucre.

Un curé a fait, à plusieurs reprises, des essais inutiles pour des réu­nions de persévérance. Les fabriques de sucre ou les filatures prennent un tiers des garçons de la paroisse, dès l'âge de 12 ans; un second tiers entre dans les fermes où l'on ne s'occupe pas de leurs âmes; quelques­uns à peine persévèrent un an ou deux après leur première communion.

Dans une autre paroisse, après une courte persévérance, les enfants sont enlevés, les uns par les fabriques, et les autres par les vanneries qui occupent là beaucoup d'enfants.

Enfin, une dernière plainte non moins triste: «L'établissement, depuis quatre à cinq ans, de trois fabriques de sucre dans un voisinage trop rap­proché malheureusement, commence à nous faire beaucoup de mal, et à compromettre sérieusement le mouvement de régénération religieuse qui semblait promettre de si heureux fruits quelques années auparavant».

Ces citations suffisent pour bien établir la situation. Le développe­ment de l'industrie, à une époque d'indifférence religieuse, a prodigieu­sement aggravé le mal social du travail du dimanche. Si l'on n'y apporte remède, il est clair qu'il en résultera une démoralisation toujours plus grande de l'ouvrier, la décroissance de ses forces physiques, et, avec l'impiété, l'esprit révolutionnaire et subversif de l'ordre social. Et com­me je parle à des croyants, je n'ai pas besoin d'ajouter que ce travail ne produira qu'une prospérité éphémère qui croulera par des événements inattendus que la Providence aura ménagés.

Nous chercherons le remède, en étudiant la douzième question du programme.

Des exemples précieux pourront nous l'indiquer. On pourra citer comme modèle un fabricant de sucre de l'Amiénois qui suspend la fabri­cation le dimanche pendant douze heures, au prix de sacrifices pécuniai­res dont il sera sans doute dédommagé par la Providence.

Voici, pour conclure ce chapitre, un autre élément de solution, in­complet, mais non sans valeur, fourni par un de nos correspondants, mais aucune n'a réussi. Les fabriques de sucre qui existent dans mes deux paroisses éloignent de l'église et de mon influence, les hommes et les jeunes gens, pendant l'hiver. Durant l'été, beaucoup ont pour pré­texte les travaux de la campagne. Célébrer, le dimanche, dans les princi­pales fabriques de sucre, au moment du relais, une messe à laquelle as­sisteraient les ouvriers de jour et de nuit, serait peut-être le seul moyen d'entretenir quelques pratiques religieuses parmi les hommes, dans des paroisses comme la mienne. - Ce serait possible au dire des gérants. Ce ne serait, hélas! qu'interrompre la prescription contre le matérialisme, en attendant qu'on puisse rendre à Dieu le jour qui lui appartient».

Voici un fait capital qui ressort bien clairement des réponses au questionnaire du Bureau diocésain. Le ministère paroissial ordinaire n'obtient pas la persévérance des jeunes gens. Les causes en peuvent être multiples, La mauvaise éducation, la vie de cabaret, la presse impie, l'esprit révolutionnaire, le travail du dimanche, la disparition des an­ciennes confréries, et peut-être quelque découragement qui nous a fait reculer devant la difficulté, en sont sans doute les principaux motifs. Ce que je veux établir surtout, c'est que le fait est constant, et à lui seul, ce fait légitimerait cette réunion et serait une réponse au développement de nos Œuvres. Voici, Messieurs, une série de témoins qui vont déposer en faveur de ma thèse. «Les jeunes gens cessent de venir à l'église aussitôt la première communion, par la raison qu'ils sont sans délai appliqués à certains travaux, les uns jusqu'à midi, les autres jusqu'au soir. Rien de plus désolant et de plus décourageant pour un curé. Il nous faut christia­niser les enfants avec d'autant plus de peine, qu'ils nous arrivent sans aucun sentiment religieux, et avec la certitude que nous n'obtiendrons aucun résultat. Nous croyons que ces pauvres enfants font bien leur pre­mière communion; mais le travail du dimanche est pour eux le coup de mort. je vous écris ces lignes avec les larmes aux yeux et la plus amère tristesse dans le cœur».

Voilà bien le mal décrit dans toute sa plénitude, écoutez d'autres té­moins: «Dans une cure de canton, la plupart des jeunes garçons quittent le pays après la première communion, mais ceux qui y restent ne vien­nent pas à l'église, même aux quatre grandes fêtes de l'année». Ailleurs, «la discipline étant nulle dans l'école et dans la famille, les enfants sont sauvages et sans frein».

«Quant aux garçons, dit un autre rapport, il est déjà très-difficile au curé de les avoir pour les préparer à la première communion. Un bon nombre travaillent à la fabrique de sucre ou à la culture, avec leurs pa­rents, le dimanche. L'année même qui précède leur première commu­nion, on ne peut les avoir régulièrement au catéchisme, ni à la messe, même en les menaçant d'être refusés pour la première communion: c'est à prendre ou à laisser».

Ici, les jeunes gens aussitôt après leur première communion restent étrangers à toute pratique chrétienne.

Là, ils ne remettent que rarement les pieds à l'église, une fois leur pre­mière communion faite.

Un curé dit que chez lui, il n'y a rien à faire, même auprès des en­fants, qui ne fréquentent les sacrements qu'autant qu'ils vont à l'école. Les parents ne tiennent à la première communion que pour être libres en­suite de faire travailler leurs enfants le dimanche.

Dans une ville, après la première communion, les enfants de la classe aisée s'occupent de leurs études; ceux de la classe pauvre échappent à l'action du clergé à peu près sans remède pour le plus grand nombre. Dans plusieurs paroisses les plus jeunes garçons viennent peu ou pas du tout à l'église, après la première communion. Quelques-uns fréquentent les sacrements pendant une année ou deux, puis on ne les revoit plus.

Il est inutile, n'est-il pas vrai de multiplier ces témoignages. Nos con­frères ont amplement prouvé que les conditions ordinaires du ministère paroissial sont insuffisantes pour assurer la persévérance des jeunes gens. Ils ont prouvé, par la même raison, la nécessité de nos Œuvres qui disposent de mille moyens pour arriver à ces résultats: attraits des jeux, lien des associations, appât des récompenses, émulation, habitudes de piété, etc.

Nous avons rencontré cependant parmi ces témoignages une difficulté que je ne puis passer sous silence. Plusieurs de nos confrères pensent qu'il n'y a rien à faire parce que les enfants sont astreints au travail du dimanche par les habitudes locales et souvent par les exigences des pa­trons et des parents eux-mêmes.

je puis répondre, en me basant sur une expérience plusieurs fois répé­tée: commencez des réunions du dimanche soir pour vos jeunes gens et bientôt vous aurez des auxiliaires puissants pour obtenir dans votre pa­roisse le repos du dimanche.

Vous en aurez fait comprendre la nécessité à vos jeunes gens, vous au­rez convaincu leur raison, gagné leur cœur, excité leur désir par les moyens divers dont vous disposez, et bientôt ils prieront leurs patrons, ils supplieront leurs parents de leur permettre d'aller à la messe. Ils quit­teront, s'il le faut, avec le consentement de leur famille, un patron trop exigeant. Ils conviendront avec un autre qu'ils feront chaque jour de la semaine une heure de travail de plus, pour être libres le dimanche.

Votre Œuvre établira dans ce sens un courant d'idées et d'habitudes qui peut-être amènera la réforme de votre paroisse. Vous aurez réalisé la pensée qu'exprima le Souverain Pontife lui-même, dans un des Brefs ad­mirables par lesquels il a encouragé nos Œuvres. Les enfants de ces Œuvres seront devenus eux-mêmes des apôtres dans leurs familles et dans vos paroisses.

Mais le paragraphe suivant de mon rapport prouvera mieux encore, par ce qui s'est fait déjà, la possibilité de ce qui est à faire.

Le premier des moyens à employer pour obtenir la persévérance des jeunes gens, c'est le catéchisme de persévérance, et il faut entendre par là un catéchisme spécial, différent de celui de la première communion. Sans lui, la première communion est aussitôt oubliée que faite, la semen­ce jetée ne germe pas, vous l'avez reconnu et vous l'avez déploré. Avec lui, la foi et les pratiques chrétiennes s'affermiront dans les âmes, et vous aurez réellement élevé des générations chrétiennes.

Le fait est certain, nos rapports l'attestent, les jeunes gens ne persévè­rent ordinairement que là où sont établis des catéchismes de perseveran­ce.

Sans doute les difficultés signalées par vous sont grandes; le naturel des enfants, les usages, l'éducation, le travail du dimanche, tout semble s'opposer à votre zèle. Cependant, Messieurs, ces catéchismes sont pos­sibles, même dans les campagnes et vous nous en donnez la meilleure preuve, car vos rapports nous signalent cette institution dans une qua­rantaine de paroisses.

Les difficultés vaincues nous disent assez combien il a fallu de zèle et de dévouement pour rendre ces catéchismes nombreux et durables. Il a fallu sans doute une puissante initiative pour gagner les enfants à ces réunions, pour les presser d'y venir, pour y intéresser autant que possi­ble, les instituteurs et les parents.

Il a fallu se donner bien de la peine pour mettre ces catéchismes en honneur, en y attachant une sérieuse importance, en les préparant avec grand soin, en leur donnant autant que faire se peut l'organisation com­plète qu'ils ont dans les villes.

Il a fallu enfin déployer toutes les industries du zèle et tous les moyens d'émulation, en créant des dignités, des récompenses, en organisant des dialogues, des conférences, des fêtes auxquelles on convie les familles. Si vous avez fait cela, Messieurs, vous en avez été récompensés en ob­tenant la persévérance des jeunes enfants de vos paroisses jusqu'à l'âge de 14 ou 15 ans.

Si vous ne l'avez pas fait, mettez-vous à l'œuvre et si vous aimez à trouver la voie tracée d'avance, par des conseils et des renseignements pratiques, procurez-vous un volume précieux de Mgr Dupanloup, inti­tulé: L'Œuvre bar excellence, ou Entretiens sur le catéchisme. Vous y trouverez les renseignements que vous désirez, sur la nécessité des catéchismes de persévérance, même dans les campagnes, sur la méthode pour les faire, et pour les mettre en honneur, sur les moyens de les bien ordonner et de les rendre intéressants.

Mais, Messieurs, vous l'avez remarqué vous-mêmes, les mêmes rai­sons qui prouvent la nécessité de ces catéchismes, démontrent aussi leur insuffisance. Pour qu'ils aient tout leur effet, il faudrait qu'après eux, la journée du dimanche fût complétée par l'assistance aux offices, et par les pures distractions de la famille ou de l'amitié chrétienne: la promenade, les délassements honnêtes, les veillées aux récits traditionnels et moraux. Mais tout cela a disparu de nos mœurs. Vous l'avez compris, et vous en avez cherché le remède. C'est pour y pourvoir que surgissent partout les Œuvres de persévérance qui ont toujours le même but avec des noms et des moyens différents. Dans les villes, ce sont des Patronages ou des Œuvres de jeunesse, avec une organisation complète, un local appro­prié, des réunions de tout le dimanche, quelquefois une chapelle spéciale et tout un ensemble d'institutions, des congrégations de zélateurs, une bibliothèque, une caisse d'épargne, un orphéon, des fêtes religieuses et profanes, des cours et conférences. Nos principales villes: Saint­Quentin, Soissons et Laon possèdent des Œuvres importantes qui se rapprochent de cet idéal. Le Patronage de Saint-Quentin, en particulier, a une organisation complète, un local d'une valeur de cinquante mille francs, une chapelle spéciale et deux cent cinquante patrones.

Dans les campagnes, les Œuvres de persévérance sont plus simples; elles ont ordinairement pour asile le presbytère ou l'école. elles réunis­sent les jeunes garçons pendant les soirées du dimanche, et elles ajoutent au catéchisme de persévérance ce qui lui manquait, l'attrait de jeux in­nocents, l'expansion, le lien de l'association, des habitudes d'éducation chrétienne et le charme des bonnes amitiés.

Tout cela est réalisable, Messieurs, et dix paroisses de campagne (no­tamment: Epieds, Lemé, Fieulaine, Landouzy-la-Ville, Liesse, Nonte­-scourt), dans notre diocèse, possèdent ces Œuvres si utiles.

Quelques autres en ont seulement adopté certaines pratiques, comme des réunions mensuelles ou aux principales fêtes.

Enfin, plusieurs de nos correspondants ont manifesté l'intention de commencer bientôt.

Ici M. le rapporteur répond en quelques mots aux objections et aux difficultés qui trouveront plus au long leur solution dans le rapport spécial, indique les moyens d'at­trait qu'on trouve également plus loin, et recommande comme moyens de persévérance des enfants, les confréries, le caisse d'épargne, les récompenses périodiques, les dignités et emplois.

Mais, il y a, dit-il, une difficulté qu'on a omise et qu'il faut vaincre; c'est la persévé­rance des directeurs dans l'entreprise que leur zèle leur a suggéré.

Il termine ainsi:

Je ne puis clore ce chapitre, que vous me pardonnerez d'avoir tant al­longé en raison de son importance, sans vous signaler le modèle des di­recteurs d'Œuvres de jeunesse et le livre nécessaire à ces directeurs, je veux parler de M. Allemand, de sainte mémoire, fondateur de l'Œuvre de la jeunesse, à Marseille, et de sa vie, écrite par M. Gaduel, vicaire gé­néral d'Orléans. Voulez-vous devenir un bon directeur d'Œuvre et fon­der une Œuvre belle et durable, méditez ce livre et faites-en votre vade­mecum.

J'ai voulu, Messieurs, pour ne pas abuser de votre patience, partager mon rapport en deux parties. La première partie est terminée. Après avoir reconnu la grandeur du péril, nous avons vu la nécessité et les moyens d'agir efficacement sur l'enfance et la jeunesse. Mais notre Dieu n'est pas seulement le protecteur des faibles et l'ami des enfants. Toute force vient de lui, et l'accomplissement de sa loi est l'honneur et le salut des hommes, comme il est le soutien et la vertu des enfants. A ce soir donc la seconde partie de ce rapport qui sera plus spécialement relative aux Œuvres d'hommes.

La Société de Saint-Vincent de Paul est l'Œuvre des Œuvres pour les hommes. C'est par elle que tout ce qui restait de vital parmi les chrétiens de nos villes s'est conservé, et fortifié dans ces dernières années.

Les questionnaires nous en signalent une douzaine qui ont produit dé­jà depuis plusieurs années des merveilles de charité, de sanctification, de zèle et de fruits précieux de tout genre.

Saint-Quentin en compte trois, deux dans les paroisses et une au Cer­cle Saint Joseph; Soissons en a deux, une dans la ville, une au petit sémi­naire. Laon, Saint-Gobain, Moy, Le Nouvion, Seboncourt, Sains, Fieulaine et plusieurs autres paroisses possèdent des conférences.

Un rapport spécial vous en entretiendra et vous encouragera chaleu­reusement à en fonder partout.

Ces associations tendent à se multiplier dans le diocèse. Dans les siè­cles passés, la charité mutuelle s'exerçait entre les membres de chaque corporation ou confrérie.

Ces institutions si chrétiennes ont été détruites aux cris de vive la Fra­ternité! Elles ne retrouveront toute leur vigueur qu'avec la renaissance de la foi. Elles sont rarement aujourd'hui spéciales à un corps d'état. El­les peuvent prendre de magnifiques développements pour peu qu'elles soient animées de l'esprit chrétien. C'est ce qui est arrivé à Saint­Quentin où la Société de secours mutuels de Saint-François-Xavier compte sept cents membres titulaires et deux cents membres honoraires. Le rapport spécial donnera les détails nécessaires sur cette Œuvre et ses avantages.

Deux paroisses de campagne nous signalent des Sociétés catholiques de secours mutuels. L'une est seulement en formation, l'autre date déjà de sept ans. Le curé est un des administrateurs. Les règlements proscri­vent la débauche et commandent la visite des sociétaires malades.

Le curé a fait faire une bannière avec l'image de saint Martin.

Les sociétaires vont à la messe et suivent cette bannière aux proces­sions des principales fêtes, c'est-à-dire huit ou dix fois par an.

Dans quatre autres paroisses, des Sociétés de secours mutuels sont sur le point de se fonder.

Le Bureau diocésain y a envoyé des règlements modèles pour que les curés s'efforcent d'y introduire le plus possible d'éléments chrétiens.

Enfin, cinq paroisses nous signalent des Sociétés de secours mutuels déjà existantes, mais purement civiles. L'une d'elles ne fonctionne pas bien régulièrement.

Dans une autre, on a admis des individus tellement immoraux, qu'il a été impossible au curé d'en faire partie.

En résumé, il y a un mouvement vers la création de ces Sociétés qui sans nul doute se développera. Il faut que la religion en prenne la direc­tion: ce sera un moyen de ramener les hommes à la foi et c'est en même temps un devoir de la charité chrétienne.

Nous aimons nos frères les ouvriers, nous sommes dévoués à leurs in­térêts matériels, comme à leurs intérêts spirituels, et nous savons qu'en dehors de la charité chrétienne, toutes les associations périront tôt ou tard minées par l'égoïsme matérialiste et impie.

Tout se tient dans la vie et dans les institutions d'un peuple. Ce peu­ple est-il religieux, la religion étend son influence à tout ce qu'il y a en lui de vie, tant publique que privée. Ses fêtes, son travail, ses délassements, tout se fait sous l'inspiration et selon l'esprit de la religion. La religion élève, embrasse et vivifie tout.

Les associations musicales sont bonnes à la condition d'être au moins un moyen d'honnête et chrétienne récréation. Elles seront excellentes, si elles servent plus directement à la gloire de Dieu, si elles ont pour but, par exemple, de rehausser l'éclat des cérémonies religieuses ou d'attirer à des réunions de charité.

Nos correspondants nous signalent cinq Orphéons et une musique instrumentale qui remplissent ces conditions, c'est peu, mais c'est assez, cependant, pour prouver qu'il y a un moyen pratique pour réunir des jeunes gens et des hommes, dans un but chrétien.

D'ailleurs, les associations musicales ont toujours existé et résultent d'une inclination de notre nature qui est bonne en elle-même; il ne faut donc pas songer à les supprimer, il faut les christianiser.

Dans l'état actuel de notre société, les associations de musique vocale sont plus faciles à organiser chrétiennement que celles de musique instrumentale.

Celles-là peuvent plus facilement avoir un but religieux et tenir leurs réunions dans une sacristie, au presbytère, à l'école ou dans une maison chrétienne. Celles-ci ont trop de tendance vers l'estaminet, elles dessè­chent trop la gorge et subissent plus difficilement, par habitude, sans doute et à cause du contraste de leur tapage avec la vie calme du presby­tère, l'influence de la religion.

Il ne faut pas cependant renoncer à diriger chrétiennement tout ce qui est viril, fût-ce une musique militaire, une société d'archers ou de cara­biniers. Craignons de justifier une assertion impie que nous con­damnons tous les jours.

Il existe un assez grand nombre d'associations de ce genre, dans le diocèse et spécialement dans les archiprêtrés de Saint-Quentin et de Château-Thierry. Elles ont généralement une origine religieuse et un rè­glement chrétien.

M. le Rapporteur entre ici dans quelques détails sur les origines de ces Sociétés, sur leur constitution, qui n'était pas sans analogie avec les Cercles catholiques d'aujourd'hui.

Et il continue:

Les réponses au Questionnaire en signalent une douzaine. Les règle­ments en sont excellents; mais ils sont généralement assez mal observés. On retrouve dans ces règlements non pas seulement un parfum d'an­tiquité et des noms vénérables, un grand maître, un connétable, un pré­vôt, etc., mais encore l'esprit de foi, et des pratiques religieuses. Ces re­glements indiquent comme but de la confrérie, l'union de tous les mem­bres par des rapports honorables, et certaines pratiques religieuses. Saint Sébastien en est le patron et sa fête y est en grand honneur: le curé est ordinairement le grand maître; il fait toujours partie du conseil.

A la fête du patron, les associés assistent en corps à la messe et au salut solennel. Quelques compagnies font célébrer tous les trois mois des mes­ses pour leurs membres vivants ou défunts. Les règlements interdisent l'ivrognerie et le blasphème.

M. le Rapporteur pense qu'il y a, dans les faibles restes de ces institutions, un moyen d'arriver à former des associations chrétiennes de jeunes gens, il laisse au rapport spé­cial le soin d'indiquer les voies et moyens.

Il termine ainsi:

Je ne puis pas cependant passer sous silence une proposition faite par un de nos correspondants et digne d'être prise en considération.

Ces associations, dans l'arrondissement de Château-Thierry, ont con­servé une vaste organisation. Il y a un capitaine général de l'arrondisse­ment, et une nombreuse réunion pour le tir du prix provincial. Malheu­reusement le jour choisi pour cette fête est ordinairement le jour de la Pentecôte et c'est pour les compagnies, qui cheminent tout le matin, l'occasion de manquer la messe. De plus, un usage fondé sur la fraterni­té chrétienne dégénère en abus: on offre aux compagnies qui arrivent le vin d'honneur, et comme les compagnies arrivent successivement, on boit beaucoup, et la réunion de l'après-midi à l'église ne brille ni par l'ordre, ni par la retenue, ni par la piété. Le Bureau diocésain ne pourrait-il pas, en se basant sur les règlements eux-mêmes des confréries qui sont si sages et si chrétiens adresser une requête au digne capitaine général, pour que la fête soit reportée, s'il est possible, au lundi de la Pentecôte, et pour que le vin d'honneur ne soit bu qu'une fois, à l'heure où toutes les compagnies sont arrivées.

Nous pourrons prendre cette décision après la lecture du rapport sur la huitième question du programme.

Les Confréries différent des Œuvres, en ce qu'elles n'ont générale­ment pour but de réunion que des exercices religieux.

Ce sont des messes annuelles ou plus fréquentes pour les vivants ou pour les défunts, des communions régulières, des prières quotidiennes et des offices en commun.

Au premier rang, et pour la dignité et pour la ferveur, il faut placer, sans contredit, les tiers-ordres divers.

Vous ne me pardonneriez pas de prendre la peine de vous en décrire les avantages, l'union avec les grands ordres religieux, la pratique des conseils de perfection autant qu'elle est possible dans le monde, la direc­tion suivie et souverainement salutaire.

Les congrégations des différents tiers-ordres sont peu nombreuses dans notre diocèse. Ne pourraient-elles pas l'être bien davantage? Ah! que nous sommes peu osés, Messieurs. Et cependant, il y a une généreuse audace à laquelle la raison elle-même promet la victoire, et que la foi ne désapprouve pas quand elle est basée sur la confiance en Dieu.

Nous ne pouvons pas faire de nos jeunes gens de simples chrétiens? tentons d'en faire des saints, et peut-être réussirons-nous. Une grande et difficile entreprise enthousiasme tous les cœurs généreux et les séduira plutôt qu'une Œuvre ordinaire et facile. N'est-il pas, du reste, dans les voies ordinaires de la Providence, qu'il y ait dans chaque agglomération quelques âmes appelées à la pratique des conseils de perfection.

Au second rang, parmi les associations de piété, je placerai les congré­gations de la Sainte-Vierge, les associations des Saints-Anges ou du Sacré-Cœur, et autres associations analogues qui se multiplieront avec nos œuvres. Elles existent dans nos petits séminaires et dans les pension­nats catholiques. Elles sont véritablement l'âme des Œuvres de jeunes­se, et elles devraient exister dans les paroisses. Dans une Œuvre, il y a toujours quelques jeunes gens d'élite, portés à la piété et capables d'ac­quérir sur les autres une influence salutaire.

Il faut les grouper en association de piété. Ce sera véritablement le sel de l'Œuvre et l'expérience prouve que c'est le seul moyen de perpétuer les Œuvres, d'affermir leur esprit et de fixer leurs traditions: c'est l'état­major qui est nécessaire dans une armée, c'est la force et l'aide des direc­teurs, c'est dans leurs mains un levier docile et puissant. Et c'est sans doute pour n'avoir pas profité de ce moyen que plusieurs Œuvres n'ont pas duré. C'est tout le secret de la prospérité de nos Œuvres de Saint­Quentin.

Parmi les confréries dont une quarantaine au moins nous sont encore signalées dans le diocèse, il en est qui méritent une mention particulière. Une paroisse de canton possède une association déjà ancienne de Saint-Philippe de Néri, qui réunit tous les mois ses membres, hommes et jeunes garçons, à l'école des Frères, pour entendre une instruction du doyen.

C'est le germe d'un patronage et d'un cercle, et c'est de bon augure pour cette paroisse, c'est une imitation lointaine des Œuvres de persévé­rance fondées en Italie, bien longtemps avant les nôtres, par Saint Phi­lippe de Néri.

Une autre paroisse possède une nombreuse association de Saint­François-de-Sales, qui admet les enfants dès leur baptême, et dont tous les membres portent le nom de François.

Il y aura là encore une occasion de réunir les enfants et de les grouper en une Œuvre de persévérance.

Beaucoup d'autres confréries plus ou moins anciennes (l'une d'elles, sous le patronage de saint Maur, fait remonter sa fondation à l'an 1392) admettent des membres des deux sexes et par suite rentrent moins dans notre cadre. Je pourrais signaler celles de Saint-Caprais, de Saint-Blaise, de Saint-Denis, de Saint-Sébastien, de Sainte-Anne, de Saint-Lambert, de Saint-Vincent, etc. Elles ont toutes des règlements analogues. Elles exigent généralement une légère cotisation annuelle pour les frais de la fête patronale, et une messe de requiem à faire dire au décès de chaque as­socié.

Dans quelques paroisses où ces confréries sont populaires, la réunion des enfants qui en font partie, pourra favoriser la création d'une Œuvre de persévérance.

Les confréries du Saint-Sacrement, autrefois si répandues et aujourd'hui encore si ferventes dans toutes les paroisses d'Italie sont de­venues fort rares dans notre diocèse. Une des plus anciennes, celle de Vervins remonte au temps de la célèbre Nicole.

Ces vieilles confréries, Messieurs, vous paraîtront surannées: il n'en est rien.

Elles répondent encore aux besoins de notre époque, et peuvent y re­prendre une merveilleuse vigueur. La confrérie du Saint-Sacrement a été rétablie à Bordeaux, il y a peu d'années. Elle a commencé avec qua­tre hommes. Elle en compte aujourd'hui plus de quatre mille, et dans chaque paroisse, quand vient le jour de l'Adoration perpétuelle, on peut voir pendant chaque heure du jour et de la nuit de quarante à quatre­vingts hommes devant le Saint-Sacrement. Ils ont pris de plus l'engage­ment d'accompagner, un cierge à la main, le Saint-Sacrement durant les processions.

Dans beaucoup de paroisses, il existe des confréries de Saint-Nicolas pour les jeunes garçons; cela pourra fournir l'occasion et le vocable d'une Œuvre de persévérance.

Dans une campagne, les jeunes gens se disent de la confrérie de saint Pierre et à ce titre, communient tous les mois. Il n'y a ni règlement, ni institution canonique. Pourquoi ne pas agréger cette confrérie à quelque archiconfrérie existante? Il suffirait d'en écrire le règlement et ce serait une œuvre presque toute faite.

Enfin, il me reste à vous signaler de nombreuses confréries de corps de métiers, reste précieux qu'il ne faut pas laisser disparaître, arbre dessé­ché par les vents des révolutions, qu'il faut arroser par notre zèle, et par toutes les industries du dévouement, pour lui rendre sa vigueur, sa flo­raison et ses fruits.

Saint Eloi est partout le patron des cultivateurs, saint Louis des fi­leurs, sainte Elisabeth des tisserands, saint Paul des vanniers, Saint Jo­seph, de ceux qui travaillent le bois.

Ces anciennes corporations ont, Messieurs, de bien profondes racines dans les familles et dans les traditions ouvrières. Il se fait dans notre so­ciété contemporaine un travail latent pour les faire rentrer dans nos mœurs.

Elles ont été si bien associées à la vie chrétienne, qu'elles tendent à re­vivre avec la foi elle-même. Il faudrait diriger et favoriser ce mouve­ment.

Aidons avec prudence, mais avec zèle, cette heureuse tendance. De­mandons à ces corporations une statue du patron, une bannière, une fête annuelle, une messe pour les défunts, et nous arriverons à reconstituer des associations avec des réunions périodiques, une caisse de secours et un règlement chrétien qui exclue le travail du dimanche, et les propos ir­réligieux et immoraux des ateliers.

Mais pour cela, Messieurs, ne faut-il pas que nous prenions à cœur, les intérêts des travailleurs et que nous étudions assidûment l'économie chrétienne, et les diverses institutions propres à développer le bien moral et matériel du peuple? -

Pour ceux d'entre vous. Messieurs, qui aimeraient à trouver une indi­cation sommaire des ouvrages à consulter pour ces sortes d'études, je les engage à prendre au Bureau de la réunion, le document publié par le Bureau central sous le titre de Bibliothèque du Directeur.

Je ne puis m'étendre sur un sujet sur lequel nous entendrons un rap­port spécial, et aussi, nous l'espérons, la parole autorisée et sympathique de quelqu'un des membres du Comité de l'Œuvre. Je veux être le pre­mier cependant à vous annoncer une bonne nouvelle, c'est que le cercle de Saint-Quentin, déjà nombreux puisqu'il compte cent quarante mem­bres, va prendre de nouveaux développements en entrant dans la grande Œuvre des cercles par son adhésion aux bases et aux règlements de cette Œuvre.

Puisse cette ville, qui a eu trop souvent tant d'influence pour le mal, devenir pour le diocèse, par l'impulsion qu'elle donne aujourd'hui aux Œuvres ouvrières, un ardent foyer de vie catholique.

Les questionnaires nous signalent en outre un cercle de jeunes gens qui reçoit l'hospitalité au petit séminaire de Soissons et deux petits cer­cles de campagne.

Quant au beau cercle de Notre-Dame de Liesse, je ne puis m'abstenir de louer sa magnifique organisation.

Son histoire compte déjà plus d'un événement glorieux. Il a donné l'exemple dans le diocèse de l'union avec le comité de l'Œuvre. Il a reçu en 1873, la visite triomphale de tous les cercles de la région du Nord. Il a inscrit dans ses annales cette splendide journée du 17 août, journée d'émotion, de bonheur et d'espérance, journée de joie et d'enthou­siasme qui demandait à être décrite par une grande âme et un noble cœur et qui a trouvé son digne narrateur dans le secrétaire général de l'Œuvre des cercles.

Cette journée, vous vous en souvenez, c'était la résurrection du passé et c'était le présage de l'avenir.

Ces foules d'hommes calmes, recueillis, priant, pleurant d'émotion, parcourant, en disant des cantiques, la longue route de Coucy à Notre­Dame de Liesse; ces hommes qui recevaient avec piété la sainte Eucha­ristie et qui acclamaient l'Eglise, son chef auguste et la France catholi­que, il nous semblait que c'était un rêve. C'était, grâce à Dieu, une con­solante réalité et c'est le présage de journées plus belles que nous rever­rons, quand la tempête sociale sera apaisée. Cette journée, ce fut sans doute l'inspiration du généreux M. Harmel, quand il décrivit à l'Assem­blée de Lille les processions de l'avenir à Notre-Dame de La Treille. C'eût été demain, si nous avions eu le bonheur de le posséder, l'inspira­tion de celui qui en fut l'âme et l'organisateur, de M. le capitaine de Mun.

Le cercle de Notre-Dame de Liesse datera d'aujourd'hui, Messieurs, un autre événement glorieux, c'est la réunion de ce congrès qui y reçoit une si aimable hospitalité, c'est la présence d'hommes si éminents qui ont eu foi dans l'avenir de notre diocèse.

Vous avez ratifié d'avance, j'en suis sûr, les remercîments que j'adresse, en votre nom, au digne créateur et directeur de ce cercle et à ses membres zélés qui nous prêtent un si généreux concours.

Ma tâche est remplie, Messieurs; je crois vous avoir décrit complète­ment les besoins et les espérances de notre diocèse relativement aux Œuvres et aux Associations d'hommes.

Puisse notre assemblée élever sur ces bases un splendide édifice formé d'Œuvres nombreuses, unies par le ciment de la religion, pierres vivan­tes, comme celles de l'Eglise de Dieu, et comprenant depuis les fonda­tions jusqu'au sommet, l'enfance, la jeunesse, l'âge viril, les campagnes et les villes, les classes ouvrières et les classes dirigeantes, maison mysti­que et spirituelle, dont Notre Seigneur Jésus-Christ soit le seul et vrai maître.

M. Harmel. - A propos des sociétés de secours mutuels je crois devoir appeler l'attention de l'Assemblée sur une illusion trop commune: il ne faut pas baser grande espérance sur les Œuvres qui n'ont du christia­nisme que quelques signes extérieurs. Il faut que nos Œuvres soient avant tout et franchement catholiques, c'est le seul moyen d'arriver à des résultats sérieux.

M. l'abbé Dehon. - Un rapport spécial sur les sociétés de secours mu­tuels répondra à l'observation de M. Harmel.

M. Léon Harmel. - Il ne faudrait pas croire que les Œuvres ne peu­vent être établies dans les campagnes que pour les enfants. Allons droit au but, commençons par des associations d'hommes et les Œuvres d'en­fants s'établiront facilement ensuite.

M. l'abbé Dehon. - Il est facile d'établir d'abord des Œuvres d'hom­mes là où se rencontreront des hommes de cœur et d'énergie comme M. Harmel. Ailleurs les associations d'enfants et de jeunes gens seront plus promptement réalisables. Commençons par ce qui est le plus à notre portée.

M. le chef de bataillon de Perceval. - Nous nous trouvons en pleine cam­pagne contre la démoralisation. Nous n'avons pas le temps de former longuement des recrues. Nous organisons nos troupes en nous battant. Commençons par des Œuvres d'hommes, le reste se fera nécessaire­ment.

Du bureau diocésain; son organisation;
ses correspondants; sa mission;
ses rapports avec les œuvres; ses ressources
1)

L'un des vœux adoptés avec le plus unanime empressement dans les Congrès généraux de l'Union des Associations ouvrières catholiques, fut celui de voir se généraliser en France l'organisation des Bureaux diocé­sains.

C'est tout à la fois un moyen de favoriser le développement de nos Œuvres et une preuve de leur multiplication. C'est un moyen de les de­velopper, parce que le Bureau diocésain est, pour le diocèse, ce que le Bureau central de l'Union et le Comité de l'Œuvre des Cercles sont pour la France entière, un foyer d'action et d'impulsion, un centre de renseignements, un lien de force et de coopération.

Le Bureau diocésain est le plus souvent établi dans la ville épiscopale. Cependant dans les diocèses où une autre ville compte des Œuvres plus importantes et une population ouvrière plus nombreuse, c'est quelque­fois cette ville qui est choisie. C'est ce qui a eu lieu pour Lille et pour Toulon et, dans notre diocèse, pour Saint-Quentin.

Le nombre des membres composant le Bureau diocésain n'est pas li­mité. Il est très-variable. Le rapporteur de l'assemblée régionale tenue à Auch, émit l'opinion qu'un Bureau diocésain composé de quatre ou cinq membres dévoués et actifs, peut obtenir des résultats plus grands que s'il était plus nombreux.

Le Bureau diocésain de Saint-Quentin se compose de sept membres dont les noms ont été publiés il y a quelques mois dans la Semaine Reltgteu­se. Ce sont: MM. l'abbé Prevot, curé de la paroisse Saint Jean; Hector Basquin, fabricant de broderies, président du comité du Cercle catholi­que d'ouvriers de Saint-Quentin; Charles Lecot; Pluzanski, professeur de philosophie au Lycée; Guillaume, conservateur des Hypothèques; Julien, ancien maître de pension; l'abbé Dehon, vicaire.

Le titre de président du Bureau est réservé à Monseigneur l'évêque de Soissons.

Nous avons accepté de le constituer à Saint-Quentin parce que Mon­seigneur l'a désiré. Le jour où il le voudra nous céderons aux hommes d'Œuvres de la ville épiscopale l'honneur de se dévouer à leur tour. Nous n'avions pas d'autre intention, en prenant cette charge, que celle de faire modestement quelque bien. Nous pensons que nous avions pour cela une mission providentielle, au moins temporaire. Le bon Dieu nous a confirmés dans cette confiance en bénissant nos travaux, et cette belle assemblée en est le plus beau témoignage.

Ainsi constitué, le Bureau diocésain doit avoir de nombreux cor­respondants.

Tout à l'heure nous ferons appel à votre charité pour lui procurer des ressources. Les ressources sont nécessaires mais ne suffisent pas. Il faut pour les mettre en œuvre une forte organisation. Il nous faut des cor­respondants cantonaux qui nous envoient un rapport périodique sur les Œuvres de leur canton, leurs efforts et leurs succès. Et pour en venir de suite à la pratique, je supplie, Messieurs, ceux d'entre vous qui sont dé­cidés à accepter ce mandat, de donner leurs noms au secrétariat après cette séance. Nous chercherons ensuite des correspondants pour les can­tons qui ne sont pas représentés ici. Il est bien entendu que nos princi­paux correspondants seront toujours MM. les doyens, mais il nous fau­drait aussi dans chaque canton un laïque dévoué qui voulût bien prêter son concours au Bureau et à toutes les Œuvres de l'Union. Et c'est ce correspondant, Messieurs, que nous espérons trouver parmi vous.

Il faudrait même dans les cantons principaux et spécialement dans ceux qui auraient déjà un certain nombre d'Œuvres, non pas seulement un correspondant, mais un conseil cantonal composé de quatre ou cinq hommes dévoués qui se réunissent périodiquement, se partagent les pa­roisses pour y faire de la propagande en faveur des Œuvres et conti­nuent ainsi l'action du Bureau diocésain. Ceci se pratique déjà dans plu­sieurs diocèses. L'exemple en est parti de Nancy.

Telle est, Messieurs, l'organisation idéale d'un Bureau diocésain. Voyons maintenant comment il remplira sa mission.

La mission du Bureau, nous l'avons dit, est de travailler à la création et au développement des Œuvres. Son point de départ est de s'assurer d'abord de l'état des Œuvres dans le diocèse, par l'envoi d'un question­naire pratique. Les réponses lui permettent de reconnaître le terrain sur lequel il doit agir. Il découvre par là des essais à encourager, des bonnes volontés à guider, des lacunes à combler. Il a, comme disait M. Vagner au Congrès de Lyon, la carte charitable du pays à conquérir et il sait où porter son zèle et ses services.

Cela fait, tout en s'adressant à tout le diocèse par la presse, par les journaux catholiques et la Semaine Religieuse, il envoie partout où il le juge utile, des comptes-rendus, des notices, des documents divers, des règle­ments modèles. Il agit plus directement par la correspondance, il presse, il encourage, il répond aux objections.

Par ses correspondants, il pourra multiplier son action et faire éclore, dans une visite et un entretien, un projet qu'avait fait germer une circu­laire ou une lettre.

En tout cela, bien entendu, le Bureau diocésain n'a d'autre autorité que celle de l'expérience et des lumières qu'il puise lui-même dans ses relations avec le Bureau central, et dans l'assistance aux congrès géné-raux. L'action du Bureau diocésain est plus suppliante ou fraternelle qu'elle n'est autoritaire.

Enfin à des intervalles plus ou moins éloignés, le Bureau diocésain provoque, avec l'assentiment de Mgr l'Evêque, une assemblée diocésai­ne, ou un congrès pour donner une plus vive et plus générale impulsion au développement des Œuvres, et pour réaliser les vœux formulés dans les Congrès généraux.

Tel est, Messieurs, l'ensemble des travaux que nous devrons accom­plir avec l'aide de Dieu et la vôtre.

Votre Bureau diocésain ne date que de quelques mois, et il se compose de membres trop chargés d'autres occupations. Il a pu cependant, vous le savez, publier un questionnaire, envoyer environ trois cents docu­ments et une centaine de lettres personnelles. Enfin il a provoqué cette assemblée en comptant sur votre concours et sur votre bienveillance.

Pour remplir sa mission, le Bureau diocésain a besoin de ressources. Il a des correspondances nombreuses. Il aura des documents et des comptes-rendus à imprimer et à distribuer. Vous trouverez bon, sans doute, que ceux des rapports lus à cette assemblée qui seront les plus uti­les et les plus pratiques, avec le résumé de nos séances et de nos conclu­sions, soient livres à l'impression pour être envoyés aux ecclésiastiques du diocèse et aux laïques dévoués qui n'ont pas pu se rendre à notre ap­pel.

Enfin il faudrait que tout en comptant sur les Œuvres-Mères de Pa­ris, le Bureau diocésain pût quelquefois donner un modique secours aux Œuvres naissantes ou embarrassées par une gêne momentanée.

Le Bureau diocésain fera en somme tout le bien que vous voudrez. Sa mission se résume en un mot, faire de la propagande, et pour faire de la propagande il faut des ressources, et qui aura du zèle pour lui en procu­rer si ce n'est vous? Le Bureau central marche au même but sur une plus vaste échelle, et il y consacre environ 30,000 francs par an. Le Comité de l'Œuvre des cercles se plaint de n'avoir à dépenser pour la propagande que 15,000 fr. par an. Nous serons plus modestes: cependant il nous faut des ressources. Nous vous demandons donc des souscriptions et nous vous prions d'en demander à vos amis. La souscription est ouverte au secrétariat, laissez-y quelques pièces de monnaie, ne serait-ce que la dif­férence entre le chiffre de vos frais de séjour et la valeur de la pièce d'or ou du billet de banque que vous remettrez à notre caissier.

Les dons faits pour une fois seront très-bien venus. Les promesses de souscriptions annuelles assureront davantage l'avenir de l'Œuvre. La souscription sera continuée dans la Semaine Religieuse du diocèse, avec l'agrément de ses directeurs.

Permettez-moi, Messieurs, en finissant, de réclamer votre indulgence pour le peu qu'a fait jusqu'à présent votre Bureau diocésain. Vous pou­vez compter sur le dévouement de ses membres. Il aura recours au vôtre pour l'organisation des correspondances régulières avec chaque canton. Et grâce à cette action simultanée, nous arriverons, comme les diocèses qui nous ont devancés, à créer des Œuvres nombreuses qui ramèneront la foi parmi les jeunes gens et les hommes de notre cher diocèse.

M. le Président. - Les marques d'approbation qui sont données à ce rapport prouvent qu'il est adopté par toute l'Assemblée. - La parole est à M. le chevalier Harmel sur les Œuvres de l'usine.

M. Léon Harmel. - Nous appelons2) Œuvres de l'usine toutes les Œuvres de la famille ouvrière. Nous voulons reconstituer la famille ouvrière par les associations catholiques. Il faut que les associations embrassent tous les membres de la famille pour que l'esprit chrétien règne seul au foyer. Par l'ensemble des Œuvres, nous réaliserons l'idéal que nous dé­crivions à Lille et dont voici quelques traits:

J'ouvre le livre étonnant de l'avenir à l'histoire de Lille en 1884… C'est au mois de mai, par un beau dimanche, au jour d'un pèlerinage à l'église achevée de Notre-Dame de la Treille. En tête, la bannière du Sacré-Cœur de Jésus, le divin régénérateur de l'usine. Elle est portée par un délégué des comités catholiques de Lille, et entourée d'une escor­te d'hommes, faite par une députation de ce comité.

Voici d'abord les tout petits enfants, essaim frais et gracieux conduit par les sœurs…

Voilà une autre bannière, c'est celle de Sainte-Philomène, l'associa­tion des petites filles avant la première communion… «Regarde, dit une paysanne à sa voisine, dans ce groupe autour d'une statue, tu verras Mélanie, une de mes petites filles. Elle est conseillère… Tu ris, quand je te dis qu'elle est conseillère, si jeune encore? Mais c'est ainsi dans toutes leurs associations du petit au grand; et ce n'est pas une fonction sans em­ploi. Elle est chargée des jeux à courir, et elle y met un zèle, une ardeur qui entraînent toutes les autres…

Croirais-tu que mon gendre est maintenant conseiller! Il paraissait un franc vaurien; mais ils ont su si bien le prendre, qu'ils l'ont changé tout à fait. Je voudrais que tu voies maintenant quel bon ménage! Ce n'est pas tout, ils sont vraiment devenus riches. C'est facile à comprendre. D'abord, Jean ne met plus les pieds au cabaret; ensuite, ils ont ce qu'ils appellent des œuvres économiques, où on a tout à moitié prix. Voilà des gens qui aiment l'ouvrier!…».

Pendant que la brave paysanne parlait, le défilé continuait. Voici l'as­sociation des Saints-Anges, puis l'association des Enfants de Marie. Ces cohortes charmantes, ces fraîches voix chantent les louanges de Marie, ces groupes de jeunes filles vêtues de blanc, portant et accompagnant les statues des vierges célèbres de Lille, tout ce spectacle émerveillait ces flots d'ouvriers venus de loin pour contempler ce touchant défilé de la fa­mille ouvrière, honorée et aimée…

Cependant la corporation défilait toujours à flots pressés. - Autour de la bannière de sainte Monique, un groupe de Dames patronnesses, puis les veuves, puis les mères.

Enfin nous entendons la musique des Cercles catholiques d'ouvriers, et nous voyons défiler les associations de Saint-Louis de Gonzague, les Patronages, chacun avec sa bannière et son conseil, puis les Cercles, ayant à leur tête le comité composé de patrons, d'officiers et d'hommes généreux, ayant tous donné leur cœur et leur dévouement aux ouvriers… Et toutes ces voix unies chantèrent le Magnificat.

L'âme de la sainte Vierge agrandissait le Seigneur, et l'Œuvre de l'usine aussi agrandit le Seigneur de tous ces milliers de cœurs qu'elle lui a donnés.

Et nos âmes se réjouissent en Dieu Sauveur parce qu'il a regardé l'abaissement où était tombé son serviteur l'ouvrier.

Et voici maintenant que le monde chrétien le proclame bienheureux. Ce Dieu puissant a chassé le démon de l'usine où il avait établi son trône.

Et il a fait entrer dans l'Eglise ces foules innombrables qui étaient sur le chemin de la perdition.

Et pour opérer ces merveilles, il s'est servi de quelques patrons aux­quels il a donné la soif des âmes.

Et cette soif a été grandissant à mesure que Dieu l'a satisfaite. Et on a vu que Jésus avait adopté l'ouvrier pour son enfant.

Se souvenant de sa miséricorde qui lui a fait choisir pour lui-même la vie d'ouvrier.

Gloire au Sacré-Cœur qui a tout fait; que toute louange, tout hon­neur et toute reconnaissance lui soient donnés à jamais par cette grande famille ouvrière qu'il a sauvée.

Nous obtiendrons ces résultats merveilleux par l'union des associa­tions.

Il y a deux grandes forces sociales qu'il faut mettre en activité: le Bu­reau diocésain et l'Œuvre des Cercles. Il faut que ces deux forces soient unies dans l'action. Trop souvent nos œuvres se nuisent par une mesquine envie. Le Bureau diocésain embrasse toutes les Œuvres. Le Comité des cercles est comme l'avant-garde qui va de l'avant et entame la lutte. Il faut qu'il soit ensuite soutenu et secondé par le Bureau diocé­sain.

Celui-ci doit s'occuper également des Œuvres de femmes. Les fem­mes sont assez généralement chrétiennes. Elles ont une grande influen­ce, surtout par l'éducation. Elles sont le pivot de la régénération sociale. Il faut les unir en association.

Les principes de l'Œuvre des Cercles sont féconds. Il faut les appli­quer à toutes les Œuvres. Le Bureau diocésain, en stimulant partout les Œuvres de femmes et de filles, devra les établir sur les bases de l'Œuvre des Cercles. Il faudra un comité directeur de dames patronnesses. Et, pour donner de la vie à l'association, il faut aussi un conseil actif parmi les patronnées. Ce qui tue nos Œuvres, c'est que nous ne faisons pas travailler leurs membres à la vie des associations.

M. de la Tour du Pin. - Nous voulons aborder résolument le monde du travail et unir toutes les Œuvres dans notre action en leur communi­quant la fécondité de nos principes. Une prochaine et solennelle réunion des patrons catholiques de Paris sera pour nous l'occasion d'entrer dans cette voie. Je remercie la Société de Saint-Vincent de Paul, représentée ici par M. Decaux, du concours qu'elle veut bien nous donner, en nous aidant à réunir tous les patrons ou chefs d'industrie avec lesquels elle est en relations.

M. Léon Harmel. - Les Œuvres ne sont pas aussi difficiles à établir qu'on le croit généralement. L'incendie du Val-des-Bois nous fournit une nouvelle occasion de le reconnaître. Les Œuvres se sont établies dans les filatures, où nous avons placé nos ouvriers provisoirement. A Neuville, par exemple, nous avons carrément expliqué aux patrons et aux ouvriers la nécessité de diriger les âmes des ouvriers vers Dieu. Nous avons posé franchement le sentiment chrétien comme base de tout bien moral et même matériel. La chose a été acceptée, les Œuvres se sont établies, fonctionnent bien et probablement survivront à la résidence de nos ouvriers dans cette usine.

C'est un devoir pour les patrons d'établir les Œuvres. Nous avons charge d'âmes, c'est une vérité certaine. Nous avons une sorte de pater­nité à laquelle répondent des devoirs. Nous avons, de plus, des torts bien graves à réparer. Les patrons ont perdu en partie les ouvriers. Les entas­sements des usines, les mélanges des sexes et notre indifférence ont fait de nos ateliers des foyers de corruption. Il faut réagir contre l'empoison­nement des âmes auquel nous avons concouru. Autrement nous serons coupables devant Dieu, devant l'Eglise et devant la société.

Il faut abaisser la barrière qui sépare le patron de ses ouvriers. Il faut braver l'influence du respect humain. Soyons les apôtres de nos ou­vriers. Ramenons-les à Dieu par nos associations catholiques. Unissons­nous pour arriver à gagner les patrons qui seraient opposés à ces princi­pes et à notre action pour le bien.

M. de la Tour du Pin. - On nous demande comment faire quand le pa­tron s'oppose à nos Œuvres. Je réponds: il faut agir sans lui par les Œuvres, par l'Œuvre des Cercles. A défaut de celui qui devrait soigner le blessé de l'Evangile, le Samaritain en est chargé. Le Samaritain, c'est l'Œuvre des Cercles. Elle remplace le patron, en attendant que les pa­trons arrivent à faire leur devoir.

M. Léon Harmel. - Les Œuvres remplacent provisoirement les pa­trons et les convertiront eux-mêmes. En voici un exemple. Dans une usi­ne, des ouvriers formés par les Œuvres se refusèrent doucement, mais fermement, à travailler le dimanche. Il fallut que le patron y consentît et le travail du dimanche fut supprimé.

Voici encore quelques traits qui prouvent l'efficacité merveilleuse de nos Œuvres. La mort d'un de nos associés est comme un jour de fête pour nos corporations ouvrières. Il n'y a pas de maladie un peu longue qui ne finisse par des actes de vertu héroïque et des dispositions subli­mes. Les malades sont visités par tous les confrères de la corporation. Quand la mort approche, chacun va leur porter ses commissions pour le ciel. C'est un père, c'est une mère, qu'on leur demande de saluer. C'est un saint patron qu'on leur demande de prier. On se réunit autour de leur couche quand ils reçoivent les derniers sacrements.

Naguère, une jeune fille expirante demanda que ses compagnes de l'association des Enfants de Marie vinssent chanter auprès d'elle un can­tique pendant qu'elle se préparait à la mort. Ses compagnes chantaient doucement l'Ave Maris stella dans la chambre voisine quand elle rendit le dernier souffle et les chants de la terre se continuèrent sans doute pour elle par les chœurs les plus suaves du ciel.

Nos Œuvres sont des sources de consolation: Courage donc et multiplions-les. Je tiens à vous recommander, en finissant, un petit livre rempli d'excellentes choses, c'est le Petit manuel du Patronage, qui se vend à bas prix, chez V. Sarlit, éditeur à Paris.

M. le Président remercie M. Harmel de tous les développements qu'il a bien voulu donner à l'Assemblée. La parole est au R. P. Marquigny. Le R. P. Marquigny. - Ma tâche, Messieurs, est à moitié remplie. Quand je me suis rendu à l'appel de l'excellent P. Hannus, je ne savais pas que vous auriez le bonheur de posséder les initiateurs eux-mêmes ou les apôtres des grandes Œuvres ouvrières. Je me proposais de vous ex­poser leurs principes et leur mode d'action. Après eux, il ne reste presque rien à dire.

Vous avez tous compris déjà la nécessité d'une nouvelle forme de l'apostolat. La société chrétienne a subi de si cruelles atteintes qu'il faut, pour la guérir, des remèdes nouveaux. Il a fallu un grand bouleverse­ment moral pour que vous voyiez surgir des jésuites journalistes et des missionnaires en pantalons rouges et en épaulettes. C'est qu'il faut re­courir à tous les moyens pour sauver la société exposée aux plus grands périls. La question sociale, c'est au fond la question morale, et la que­stion morale, c'est la question religieuse. C'est pour cela, comme le re­marquait naguère un journal (Moniteur universel, 24 janvier 1875) ordi­nairement moins bien inspiré, que nous travaillons directement à la restauration de la patrie en écrivant de nouveau le Pater et les Comman­dements de Dieu dans les consciences où ils étaient effacés.

Les premiers organisateurs de nos Associations ouvrières n'en avaient pas vu toute la portée sociale. Ils cherchaient personnellement à faire quelque bien, sans entrevoir les immenses résultats des principes qu'ils posaient. Ils établissaient, sans s'en douter, les fondements d'un grand édifice. C'est dans l'obscurité que ces fondations s'affermissaient. Tant mieux, l'ennemi du bien eût cherché à les détruire.

L'Œuvre des Cercles, désormais, va prêter son concours à l'ensemble des Œuvres de l'Usine. C'est une gigantesque entreprise. Elle est néces­saire pour la reconstitution de la société chrétienne et pour la transfor­mation de la classe ouvrière.

L'Œuvre des Cercles seule n'eût pas suffi pour obtenir un si grand ré­sultat. M. Harmel, fort de son expérience, a formulé ainsi les principes de la régénération de la société. Il faut une entière simultanéité dans ses auteurs pour unir les forces de tous ceux qui peuvent aider aux Œuvres; dans ses moyens pour utiliser tous les éléments que Dieu a mis à notre disposition pour tendre à notre fin; dans ses objets en embrassant tous les membres de la famille.

L'action sera simultanée dans ses auteurs par le concours de tous ceux qui peuvent développer les Œuvres. Il faut que tous se prêtent un mu­tuel appui. Les comités des Cercles, le Bureau diocésain, les Conféren­ces de Saint-Vincent de Paul et les autres conseils et comités des Œuvres s'uniront ensemble pour que la classe supérieure tout entière se porte au service de la classe laborieuse.

L'action sera simultanée dans les moyens, si l'on procure à l'ouvrier tous les avantages de l'âme et du corps. Il a été dressé, à Lille, un catalo­gue détaillé des avantages temporels qu'on s'efforcera de procurer aux divers membres de la corporation ouvrière.

Cette énumération, tout aride dans la forme, est au fond très­intéressante: nous la reproduisons presque intégralement.

Pour l'instruction. Ecoles primaires gratuites; fournitures de classes données ou prêtées; concours trimestriel entre les enfants patronnés, ré­compenses publiques un dimanche devant les familles; visite des enfants dans les écoles par un patron que delèguera le comité; écoles profession­nelles pour fournir des employés et des contremaîtres chrétiens.

Pour la famille: Logements moraux. Dots aux filles qui ont passé les trois dernières années dans l'association, si le conseil reconnaît que la conduite est parfaite; mariage chrétien célébré avec le concours des con­pagnes de la jeune mariée et des camarades de l'époux; mariage préparé gratuitement au point de vue légal; enterrements honorés et gratuits; soins spéciaux pour les veuves et pour les enfants orphelins; hôtelleries pour ceux qui sont loin de leurs parents; pensions chrétiennes à très-bon marché; maisons de retraite pour les vieillards qui n'ont pas d'enfants ou que leurs enfants ne peuvent pas nourrir; maisons de famille pour les orphelins et orphelines.

Pour la santé: Soins des malades à domicile, et certains lits à l'hôpital où les malades des associations seraient visités, consolés par leurs frères; médecins et médicaments gratuits; soins spéciaux pour les jeunes mères et les jeunes enfants; crèches.

4° Pour l'aisance: Nourriture à prix réduits, vêtements au prix de gros, caisse d'épargne avec primes, caisse de secours, caisse de retraite, assu­rances sur la vie, assurances contre les accidents.

Pour le travail: S'occuper de placer les ouvriers de la corporation qui seraient sans ouvrage; les placer, autant que possible, chez les patrons qui soutiennent les Œuvres.

6° Pour la joie: En dehors des fêtes spéciales à chaque Œuvre, fêtes gé­nérales conservant le caractère catholique et de nature a faire contre­poids aux fêtes mondaines.

Pour créer et doter cet ensemble d'associations, il faut des hommes et des ressources. Il faudra des comités influents et actifs, soit identiques avec les comités des cercles, soit composés des représentants des Œuvres diverses. Ces comités provoqueront des réunions auxquelles présidera toujours l'esprit catholique. Des devoirs sacrés, les plus chers intérêts de l'ouvrier, détermineront sans peine les patrons à verser chaque année une cotisation proportionnée à la totalité des salaires. Ces versements des industriels seront employés au fonctionnement des Œuvres écono­miques, à la fondation et à l'entretien des cercles, des patronages, des Œuvres de filles et de femmes.

Il faudra aussi, pour que ces œuvres aient de la vie et que les ouvriers y prennent un intérêt sérieux, qu'il y ait dans chaque association un con­seil de dignitaires ouvriers. Organisés de cette façon, les Œuvres ouvriè­res préparent la vraie solution de la question ouvrière, parce qu'elle ren­dent leur place légitime aux principes de l'association et du patronage fé­condés par l'esprit catholique. C'est ainsi que nous obtiendrons la récon­ciliation des classes de la société.

Le principe de l'association était largement appliqué dans notre an­cienne société. Il répond à une inclination de notre nature et il est encore fortifié par l'esprit chrétien. Aussi voit-on toujours les hommes de labeur chercher à s'unir en corporations pour s'assurer la jouissance du fruit de leur travail et se garantir contre les redoutables épreuves de la vie. D'au­tre part, l'Eglise a constamment entouré de sa maternelle sollicitude les confréries, qui, par l'accomplissement des devoirs de religion, par la pratique de la charité, offraient aux travailleurs des consolations et des joies communes.

L'association ouvrière n'aura de vie et de fécondité et ne sera une for­ce civilisatrice qu'en s'inspirant largement de l'esprit catholique. A cette condition seulement, les cœurs s'élèveront jusqu'à l'exercice désintéres­sé des vertus sociales. Pour que l'association reprenne sur les classes po­pulaires l'influence si puissante et si bienfaisante qu'elle exerçait autre­fois, il faut la ramener aux traditions de foi, de confraternité et de liberté chrétienne qui animaient les anciennes confréries.

L'association des travailleurs exige, pour complément, le patronage des classes élevées et particulièrement celui des chefs d'industrie; et ce patronage lui-même, pour être fécond, devra s'exercer selon l'esprit ca­tholique. L'ouvrier sent qu'il a besoin de conseil et de protection, et il consent à se laisser diriger par une main paternelle qu'il sait charitable et désintéressée.

Il faut rendre à l'ouvrier le Christ dont on l'a dépouillé. Réparons le mal fait par nos pères. Le mal est venu d'en haut; il faut que le bien vienne d'en haut et soit rendu à la classe ouvrière par la classe dirigean­te.

L'organisation des Œuvres ouvrières a été proclamée par le Souve­rain Pontife un dessein très-noble. Il bénit le zèle qui se tourne vers ces vastes agglomérations d'ouvriers, afin de procurer par l'éducation chré­tienne le lien d'un si grand nombre de familles, afin de ramener à Dieu, à la pensée du salut et aux devoirs de citoyens honnêtes, cette partie con­sidérable du peuple que, pour le malheur de la patrie, le mensonge a dé­tournée de la foi et des sentiments religieux! Et il ajoute: «Bien que cette Œuvre doive rencontrer des obstacles, poursuivez-la vaillamment, ap­puyés sur le secours d'En Haut!».

La bulle même du jubilé révèle à tous les chrétiens les généreuses préoccupations du vicaire de Jésus-Christ. Pie IX demande que les sub­sides de l'aumône soient appliqués à fonder et à soutenir les institutions pieuses, qui sont réputées, en ces temps, servir le mieux au bien des âmes et des corps. Nous avons tous vu, sous ces mots, avec l'éminent cardinal de Cambrai, nos Œuvres ouvrières. Travailler à les organiser, c'est donc faire véritablement une œuvre jubilaire.

Travaillons sans crainte de l'avenir. Des révolutions peuvent venir, qui détruiront nos Œuvres. Les racines profondes qu'elles auront pous­sées donneront des rejetons après la tourmente et elles aideront puissam­ment à la reconstitution sociale.

M. de Parseval remercie chaleureusement le R. P. Marquigny qui a ré­pandu avec une généreuse profusion les lumières et les encouragements sur l'Œuvre des cercles et sur la nouvelle croisade qu'elle va entrepren­dre. Il remercie ensuite M. Paul Decaux pour le concours que la Société de Saint-Vincent de Paul prête charitablement à l'Œuvre des cercles dans son apostolat.

M. Léon Harmel. - Il faut, Messieurs, à nos discours, des conclusions pratiques, il faut que personne ne sorte d'ici tranquille et sans la volonté d'agir. je demande que chacun s'inscrive pour fonder une Œuvre dans l'année.

M. l'abbé Jardinier demande à M. Harmel comment il s'y prendrait dans une paroisse où il y a peu de ressources pour fonder des Œuvres.

M. Léon Harmel. - Je commercerais par faire donner une bonne mis­sion et je jetterais ensuite les filets pour commencer les associations. Si le diocèse ne vous fournit pas assez de missionnaires, adressez-vous aux co­mités généraux des Œuvres, ils vous en procureront.

M. le Président. - La proposition de M. Harmel serait plus pratique sous cette forme: tous les membres de l'assemblée s'engagent à contri­buer de tous leurs moyens à la création ou à l'affermissement d'une Œuvre.

Cette proposition, mise aux voix, est adoptée à l'unanimité.

M. le Président lit ensuite les huit propositions suivantes qui résument la première partie des travaux de l'Assemblée.

I. L'Assemblée diocésaine fait appel au zèle de ses membres pour la création des correspondants cantonaux du Bureau diocésain et des Con­seils cantonaux des Œuvres. Elle fait appel à leur charité pour la souscription permanente en faveur du Bureau diocésain.

II. L'Assemblée diocésaine invite tous les directeurs et présidents d'Œuvres du diocèse à s'agréger, pour leur plus grande utilité, aux Œuvres générales, telles que l'Union des Œuvres ouvrières catholi­ques, le Comité de l'Œuvre des Cercles catholiques d'ouvriers et le Conseil central des conférences de Saint-Vincent de Paul.

III. L'Assemblée émet le vœu: l° Qu'un catéchisme de persévérance spécial se fasse dans les paroisses du diocèse. 2° Que des réunions domi­nicales s'établissent de plus en plus pour favoriser la persévérance des jeunes gens et des jeunes filles.

IV. L'Assemblée émet le vœu que des Patronages complets d'enfants et d'apprentis soient créés partout où le chiffre de la population le per­met.

V. L'Assemblée émet le vœu que les hommes de bonne volonté des paroisses où il n'y a pas encore de Cercles catholiques, se mettent en rap­port avec le Comité de l'Œuvre, pour arriver à la constitution d'un Co­mité et par suite à la création d'un Cercle.

VI. L'Assemblée émet le vœu que les sociétés de secours mutuels à créer soient organisées tout à fait chrétiennement.

VII. L'Assemblée est d'avis que des conférences de Saint-Vincent de Paul peuvent être établies même dans les campagnes, et qu'elles aide­ront puissamment à l'organisation des autres Œuvres.

VIII. L'Assemblée est d'avis qu'il ne faut pas dédaigner ce qui reste de foi et de vie chrétienne dans les anciennes corporations et confréries, et dans leurs règlements, mais qu'il faut, au contraire, s'efforcer d'y fai­re rentrer peu à peu la vie chrétienne dans toute sa plénitude.

Ces propositions sont agréées sans opposition.

Assemblées diocésaines, leur utilité,
leur mode d'organisation
3)

L'an dernier, les assemblées diocésaines nous étaient signalées comme l'objet d'une espérance fondée, mais non pas encore comme un fait ac­quis. A la fin de son éloquent rapport sur les Bureaux diocésains, M. Vagner nous disait: «Je n'ai que peu de mots à ajouter sur les assemblées diocésaines, création nouvelle, mais offrant des avantages si sérieux qu'elle ne tardera pas a être adoptée et qu'elle acquerra droit de cité dans un grand nombre de diocèses». C'était l'augure d'un homme de foi qui a le sens des Œuvres et qui entrevoit leur avenir. Et avec cet esprit pratique qui a fait le succès de son rapport, M. Vagner nous montrait d'avance l'utilité de ces assemblées et nous en esquissait l'organisation.

Aujourd'hui, Messieurs, nous n'avons plus à vous parler d'une sim­ple espérance qui entraine toujours avec elle quelque chose de vague et d'incertain. L'épreuve n'est plus à faire. Cette question se présente à nous avec des faits, avec des résultats considérables, avec une organisa­tion complète, avec un succès assuré. Sans doute quelques-unes des réu­nions qui se sont tenues ne rentraient pas rigoureusement dans le cadre des assemblées diocésaines d'Œuvres ouvrières. Tantôt, comme à Auch et à Lille, on avait fait appel à toute une région ou bien à une province ecclésiastique, tantôt les Œuvres ouvrières n'obtenaient qu'une place restreinte au programme. Sans méconnaître les raisons qui ont fait pré­férer cette méthode en certaines circonstances, nous avons à cœur de fai­re ressortir plus spécialement l'utilité des assemblées diocésaines propre­ment dites et d'en montrer le fonctionnement. Vous nous permettrez pour être pratique et pour nous appuyer sur des faits, de vous citer souvent la réunion de Notre-Dame-de-Liesse, réunion véritablement diocésaine et réalisation heureuse et complète du vœu formulé l'an passé.

Qu'est-ce d'abord au juste qu'une Assemblée diocésaine? C'est, nous disait M. Vagner, un diminutif des congrès généraux tels qu'ils ont existé à Nevers, à Poitiers, à Nantes et à Lyon. Cette définition, Messieurs, suf­fit à elle seule à remplir la moitié de notre tâche. Des hommes, venus presque tous de bien loin pour prendre part à ces assises de la charité, se­ront facilement convaincus de l'utilité qu'il y aurait à en reproduire dans leur diocèse au moins un diminutif.

Si le Congrès général est un foyer brûlant de zèle, l'Assemblée diocé­saine n'aura-t-elle pas quelque chose de sa chaleur? Si le Congrès géné­ral est semblable à ces anciennes prédications de croisades, où chacun s'enthousiasmait pour la croix du Christ et cédait à l'entraînement de l'éloquence apostolique et de l'inspiration d'en haut, la réunion diocé­saine n'éprouvera-t-elle pas aussi quelques secousses de ce souffle surna­turl qui électrise et qui transporte? Oui, Messieurs; nous l'avons consta­té, après une Assemblée diocésaine nous avons entendu sortir de toutes les lèvres des exclamations telles que celles-ci: «Il faut agir! Il faut orga­niser l'association catholique!» et encore «avec de tels hommes et de tel­les Œuvres la France sera sauvée».

Si le Congrès général est comme un soleil resplendissant qui illumine toutes les Œuvres, l'Assemblée diocésaine ne peut-elle pas être compa­rée à un astre secondaire, dont les clartés sont utiles en leur temps. Et pour suivre la même comparaison, ne peut-il pas arriver que l'éclat du Congrès général qui embrasse tant d'Œuvres et qui réunit tant de lu­mières ne fatigue un peu le regard ébloui, que reposera ensuite la lumie­re plus calme et plus mesurée de l'Assemblée diocésaine?

Nous sentons, Messieurs, l'importance de nos Congrès. Mais le bien, dit un vieil adage scholastique, est diffusif de lui-même. Notre cœur, si consolé dans ces réunions, n'y est pas encore satisfait. Nous voudrions les voir cent fois plus nombreuses. Qui de vous ne s'est dit: «Que n'avons-nous ici tous les hommes de bonne volonté qui voudraient faire des Œuvres et n'en savent pas la méthode! Que n'avons-nous ici tous les tièdes, qui céderaient à l'entraînement commun et s'enthousiasme­raient pour le bien!». Le moyen de réaliser ces vœux, c'est de mettre à la portée de tous ces réunions si fructueuses en les reproduisant dans tous nos diocèses, sinon avec la même ampleur qu'à l'Assemblée générale, du moins aussi largement que nous le pouvons. Un foyer de zèle ne suffit pas à réchauffer la France, allumez-en quatre-vingts et chacun d'eux n'eût-il que le quart ou le cinquième de la chaleur du premier, l'effet gé­néral n'en sera pas moins prodigieusement multiplié.

Que manque-t-il la plupart du temps pour la création d'une Œuvre? Que l'organisation en soit mieux connue, qu'on en ait parlé dans la ré­gion, qu'on ait pu s'en entretenir avec quelqu'un qui l'ait vue fonction­ner ailleurs, qu'on ait pu faire partager son zèle ou son enthousiasme à quelque collaborateur; et ce sera toujours là le fruit d'une Assemblée diocésaine.

Enfin l'Assemblée diocésaine a sa raison d'être qui lui est propre. Elle a des avantages que ne possède pas même le Congrès général. Chaque diocèse a des besoins particuliers, des conditions spéciales au point de vue de l'industrie, des campagnes, des Œuvres. Ici se rencontrent des mines en grand nombre, là des usines à feu continu, ailleurs des garni­sons nombreuses et des Œuvres militaires, sur les côtes des Œuvres de marins et de mousses. Dans certaines régions, il y a de précieux restes des anciennes confréries et corporations qu'il est facile de faire revivre. L'Assemblée diocésaine étudiera toutes ces questions locales. Elle appré­ciera les conditions particulières et les besoins spéciaux des Œuvres et des populations de la contrée.

Nous ne devons pas dédaigner ce qui est petit selon le monde et grand devant Dieu. Il y a des curés de campagne qui n'ont pas de ressources parce qu'il n'y a plus de vie chrétienne dans leurs paroisses. Ils ont be­soin de connaître les Œuvres pour essayer de les établir. Leur pauvreté ne leur permet pas d'aller au loin pour profiter des Congrès généraux. Nous en avons vu plusieurs faire jusqu'à quinze lieues à pied, ou retran­cher pendant plusieurs semaines quelque chose du nécessaire de leur ta­ble, pour assister à l'Assemblée diocésaine. Est-il un argument plus élo­quent en faveur de la multiplication de ces assemblées!

Enfin ces réunions feront revivre dans les associations catholiques un esprit qui est dans les traditions de l'Eglise, l'esprit diocésain, l'attache­ment au diocèse, à ses Œuvres, à ses traditions, à ses sanctuaires, au­près desquels se tiendra l'Assemblée, à ses pèlerinages que l'Assemblée ravivera. je crois, Messieurs, être en droit d'estimer que vous avez maintenant reconnu et apprécié l'utilité des Assemblées diocésaines. Il me reste à vous en décrire brièvement l'organisation.

Il faut trouver avant tout pour chaque diocèse un organisateur. Et. Messieurs, je crois pouvoir affirmer sans témérité que la divine Provi­dence nous en a désigné aujourd'hui d'un seul coup une soixantaine, en nous envoyant ces délégués de NN. SS. les Evêques qui seront, dans chaque diocèse, les hommes les plus aptes à préparer et à promouvoir ces Assemblées. L'assentiment de l'évêché leur est assuré d'avance. Leur compétence ne peut être mise en doute. Leur succès est certain. Com­ment d'ailleurs douterions-nous de la possibilité de trouver dans chaque diocèse un homme qui se dévouât à cette mission, nous qui avons la pré­tention de former partout des Bureaux diocésains, c'est-à-dire des réu­nions d'hommes d'Œuvres et d'action, agréés par l'évêché pour pro­mouvoir les Œuvres dans leur diocèse et aptes par conséquent à organi­ser des Assemblées diocésaines? Les Bureaux ou les Correspondants dio­césains prendront la plus grande part à cette organisation.

La direction une fois trouvée, tout le reste viendra de soi. Si l'Evêque du diocèse ne peut pas présider lui-même l'Assemblée, il voudra bien déléguer pour cela un de ses vicaires généraux. La ville à choisir pourra varier d'année en année. La ville épiscopale offrira souvent plus de faci­lités et de ressources. Il serait bon d'alterner entre les principales villes du diocèse. Le local de la réunion sera souvent un séminaire. Il pourrait être un vaste Cercle ou un collége ecclésiastique, ou, plus tard et bientôt, nous l'espérons, une Université catholique.

L'époque la plus propice sera peut-être le mois de septembre. C'est le mois des vacances et des pèlerinages. C'est le mois où les séminaires sont libres. C'est le mois où l'on est encore sous l'émotion du Congrès géné­ral. Les organisateurs de l'Assemblée en ont rapporté le feu sacré qu'ils doivent communiquer à leur diocèse. C'est le moment favorable pour réaliser les vœux et les conclusions du Congrès général. Nous ne blâme­rions pas cependant ceux qui voudraient profiter d'une époque qui leur paraîtrait plus opportune.

La préparation du Congrès demande une certaine activité. Il est bon de s'y prendre au moins six semaines ou deux mois à l'avance. Il faut adresser une invitation, sous forme de lettre circulaire, à tout le clergé du diocèse et à tous les laïques dévoués aux Œuvres, dont on demande­ra les noms aux curés de cantons et aux hommes influents que l'on

connaît. Dans le diocèse de Soissons, douze cents circulaires et un appel fait dans la Semaine religieuse et dans les journaux nous ont procuré, dans une saison défavorable, environ deux cent cinquante adhésions.

Les frais de l'Assemblée sont couverts par le prix des cartes d'adhé­rents. Pour l'organisation matérielle, elle est celle de toutes les réunions et de tous les pèlerinages. On peut obtenir quelque réduction sur les che­mins de fer. S'il y a un séminaire, la question des logements et de la ta­ble commune devient facile à résoudre. A Notre-Dame de Liesse, tous les ecclésiastiques purent être logés dans les familles et tous les laïcs dans les hôtels moyennant une fort modique somme.

Les séances diverses et les repas eurent lieu dans les salles du Cercle qui avait aussi l'avantage de montrer aux congressistes une Œuvre mo­dèle et d'ajouter aux réunions du Congrès, l'attrait d'une de ces soirées recréatives, qui nous charment toujours par la bonne grâce et la candeur des jeunes gens qui sont en scène. Vous n'oublierez pas de prévoir l'or­ganisation d'un secrétariat, qui, sans atteindre la perfection de celui de nos Congrès généraux, offrira cependant des renseignements utiles et des documents variés gratuits ou non, dont la distribution sera confiée à vos soins par le Comité de l'Œuvre des Cercles et par le Bureau central de l'Union.

Quel sera, nous demandez-vous maintenant, le fonctionnement des séances de l'Assemblée? Vous en avez publié d'avance le programme. Vous avez imité celui des Assemblées qui se sont tenues ailleurs. Vous vous êtes assurés du concours de quelques hommes éminents dont vous avez fait valoir les noms dans vos invitations et vos journaux. Vous avez osé même frapper à la porte du Bureau central, du Comité de l'Œuvre des Cercles, du Conseil général de la Société de Saint-Vincent de Paul. Vous avez obtenu des délégués. Ce sera là votre Bureau d'honneur. Vous vous êtes assurés d'un rapport général sur l'état des Œuvres dans le diocèse, dressé par le Bureau ou le Correspondant diocésain, soit après l'envoi d'un questionnaire à toutes les paroisses, soit d'après des relations précédemment établies.

Vous avez, au moins un mois d'avance, demandé aux hommes d'Œuvres du diocèse, quelques rapports et quelques monographies. C'est assez pour bien remplir, avec quelques courtes discussions et le vo­te de conclusions pratiques, les deux ou trois jours que durent d'ordinai­re ces Assemblées.

Joignez-y l'attrait d'un pèlerinage commun, soit dans la ville de l'As­semblée, soit aux environs, et le succès de votre entreprise est assuré.

Vous pourrez encore proposer aux membres laïcs de l'Assemblée, de les réunir ensuite pour une courte retraite, afin qu'après avoir cherché les moyens de sauver les autres, ils ne soient pas eux-mêmes réprouvés, selon la pensée de saint Paul. Une telle Assemblée produira en abondan­ce les fruits les plus précieux. Vous verrez surgir des comités de Cercles, des conférences de Saint-Vincent de Paul, des associations de persévé­rance, des Œuvres de tout genre en un mot, et ceux mêmes qui n'ob­tiendront pas de suite un résultat éclatant, songeront aux moyens de créer des Œuvres, en essaieront quelqu'une modestement et sans bruit, ou en laisseront au moins germer l'idée qui pourra éclore l'année sui­vante.

En résumé, l'organisation des Assemblées diocésaines, comparée à celle des Congrès généraux, peut être mise en parallèle avec l'établisse­ment de la hiérarchie sacrée et la création des diocèses dans les immenses régions où suffisait d'abord un vicariat apostolique. Notre chère France était, il y a quelques années, comme un vaste désert pour les associations catholiques d'hommes. Les Congrès généraux y ont jeté la bonne se­mence; le Bureau central en a été comme le vicaire apostolique. Au­jourd'hui, nous pouvons lui déférer l'honneur d'être parmi nous comme un métropolitain. Les Bureaux diocésains s'organisent avec les Assem­blées diocésaines. La France est conquise aux Œuvres comme les pays nouveaux sont conquis à la foi. Les associations catholiques s'organisent en se multipliant et se rattachent à des centres intermédiaires sous l'im­pulsion supérieure du Bureau central.

La charité règne et avec elle le Christ. Dieu en soit loué!

Rapport et débats4)

Rapport de Saint-Quentin. - «La fondation de Saint-Quentin s'est réu­nie à notre association au Congrès de N.-D. de Liesse. En dehors des rè­glements relatifs au Comité, à son action, à ses devoirs qui n'avaient point été appliqués avant cette réunion, l'Œuvre en tant que Cercle avait suivi la voie indiquée par notre plan général et on s'était efforcé d'établir l'association ouvrière sur des bases franchement catholiques. Aujourd'hui, en outre des progrès réalisés sur ce point, on peut consta­ter un commencement d'action très-efficace de la part du Comité, sur la classe dirigeante de la ville». M. le Secrétaire cite une réunion de jeunes gens dirigée par M. l'abbé Dehon qui fournira bientôt des auxiliaires à l'Œuvre et plus tard des membres au Comité. Quant au Cercle il possè­de un Conseil intérieur animé d'un excellent esprit, une association de piété et une conférence de Saint-Vincent de Paul. On y admet les com­mis et les hommes mariés.

M. l'abbé Dehon répond aux objections qui lui sont faites à propos de l'admission des commis, qu'à Saint-Quentin il n'existe pas une différen­ce très-grande entre les commis et les ouvriers, qu'ils appartiennent sou­vent à la même famille, ont passé par les mêmes écoles, et que de plus l'industrie particulière du pays, la fabrication de la dentelle, fait de beaucoup de ces derniers de véritables artistes dont la situation ne cède en rien à celle des commis.

M. le Président comprend la valeur de toutes ces raisons qui permet­tent de sortir de la règle habituelle, mais maintient qu'en général il est dangereux d'admettre les commis. Ils prennent bientôt une influence qui humilie les ouvriers, les désintéresse du gouvernement du Cercle en les écartant du Conseil intérieur, et met le plus grand obstacle à l'établis­sement de l'association. Quant aux hommes mariés, il est parfaitement d'avis qu'on les admette comme sociétaires et qu'on leur donne entrée dans le conseil. Sur ce point les Cercles de Paris eux-mêmes ne suivent pas leur règlement.

M. le Secrétaire de division reprend la lecture des rapports.

M. le comte de la Tour-du-Pin.

Tout groupe d'hommes qui se meut dans un milieu populeux, tout courant d'idées qui sollicite l'attention publique, rencontrent dans la so­ciété d'autres groupes et d'autres courants.

Ces rencontres engendrent des réactions réciproques qui influent en manières diverses sur les éléments en contact, transformant les uns, for­tifiant les autres, et produisant finalement le trouble ou la paix sociale, suivant que les uns ou les autres prévalent.

Les fondateurs de l'Œuvre des Cercles, ne perdant pas de vue l'ac­tion sociale qui est le but de leur association, durent attacher une impor­tance plus grande que ne le font les Œuvres de charité à sa vie extérieu­re, et donner un rôle, non sans doute prépondérant, mais du moins pro­cédant tout le reste de l'action, aux services extérieurs qui sont réunis au titre de la propagande dans tous nos secrétariats, et y constituent la lre section de leurs travaux.

Au secrétariat général de l'Œuvre, nous classons cette tâche tout ex­térieure de la 1re section en deux directions, - celle de la presse, qui vise à agir sur l'opinion publique, - et celle des relations, qui veille aux rap­ports à nouer avec les autorités religieuses, politiques et sociales, en un mot, avec les forces constituées dans la société, tandis que l'action de la presse s'adresse plus particulièrement à la multitude des individualités désagrégées, qui n'ont plus guère d'autre lien entre elles que celui du journal de leur opinion ou de leur accoutumance.

De cette classification des services extérieurs ressortant à la 1er section en deux directions bien distinctes, celle de la presse et celle des relations, est née pour nous l'indication de présenter à l'Assemblée générale un rap­port sur chacune de ces directions, établi par ceux mêmes de nos confrè­res qui en exercent respectivement le soin; mais il a paru convenable au chef de section qui porte la responsabilité de leur ensemble d'esquisser auparavant à grands traits ces deux carrières des dévouements dont l'emploi lui est confié, afin de faire ressortir ainsi ce qu'eût omis volon­tiers la modestie des auteurs de chaque rapport, à savoir l'étendue et la difficulté de leurs tâches respectives.

Saisir l'opinion publique d'une idée, la nourrir de faits ou d'applica­tions de cette idée, la préserver contre les tentatives imaginées pour dé­naturer l'idée ou ses applications, tel est évidemment le premier souci de toute entreprise de propagande sociale. - Cette action, que nous avons souvent appelée d'avant-garde, peut avoir pour arme une publication propre à l'Œuvre et créée par elle.

Mais dans la pratique habituelle il est plus facile et peut-être plus adroit d'exercer cette action de propagande et de défense au moyen de feuilles indépendantes de l'Œuvre, qui, sans engager officiellement la responsabilité de la direction de la presse, la servent officieusement dans un champ beaucoup plus étendu que ne pourrait être celui d'une feuille spé­ciale. - Nous nous sommes servis à dessein de ce mot de «direction de la presse» emprunté au langage administratif, parce qu'il caractérise près de tous les gouvernements et de la plupart des grandes entreprises pri­vées le service extérieur que nous avons également constitué au secréta­riat général de l'Œuvre.

A mesure qu'un tel service se développe, il est de sa nature de devenir moins apparent. - Aujourd'hui qu'il est à peine organisé, il nous livre avec simplicité ses premiers instruments fournis par le dévouement. - Mais quand il aura progressé, ses moyens en se multipliant se confon­dront, et il ne sera complet que le jour où il n'apparaîtra plus, parce qu'il aura formé alors dans la bonne presse une école de publicistes con­firmés dans nos voies, et que le courant d'idées suscité par l'Œuvre aura amené sur le terrain social cette rencontre des bons esprits, qui ne sont encore unis que sur le terrain religieux.

Ce jour-là rapprochera sans doute notre pays de celui du salut.

Le même désir de propagande et d'union doit inspirer les relations de l'Œuvre avec toutes les sociétés animées de la même foi, sinon du même esprit. Mais cette différence d'esprit ne laisse pas de créer au service des relations une difficulté toute particulière.

En effet, la foi de l'Œuvre n'est pas sans rencontrer même sur le ter­rain social beaucoup d'exemples et d'émules. - Mais son esprit ou, si l'on veut, son procédé est absolument nouveau dans la société des gens de bien, et ne peut manquer d'y produire une évolution aussi considéra­ble dans ses effets que sujette à contradiction dans son origine. - En ef­fet, depuis le triomphe des erreurs modernes jusqu'à ce jour, les efforts des hommes de bonne volonté pour exercer une heureuse influence so­ciale se produisaient individuellement - c'est-à-dire isolément. L'Eglise seule avait conservé des congrégations qui ont toujours été et sont encore aujourd'hui ses éléments de force; mais dans notre pays en particulier, les confréries avaient disparu de chez les laïques, et il s'était formé chez eux tout au plus des sociétés organisées - mais pas une véritable associa­tion, - car une association de piété ne peut se produire qu'autour d'une chapelle, et les chapelles ont disparu… Sans développer ici plus qu'il ne sied cette remarque capitale, ni évoquer à son appui l'exemple des or­dres de chevalerie religieuse et militaire, qui furent le rempart de la so­ciété chrétienne contre des périls moindres que ceux qui l'atteignent de nos jours, nous trouvons dans l'économie politique un phénomène mo­derne qui peut concourir à la même démonstration, à celle de la nécessi­té de l'association.

L'association est en effet le ressort qui, depuis les grandes découvertes de la science et les progrès matériels qu'elles ont amenés dans l'indus­trie, a dû y remplacer le patron par la compagnie industrielle ou l'atelier domestique par la fabrique, c'est-à-dire l'élément organique de produc­tion par la réunion des capitaux et la division du travail. Or une loi ana­logue s'impose par les mêmes raisons dans l'ordre intellectuel, et c'est ainsi qu'inspirés par les plus saines traditions comme par les plus con­stantes observations, nous avons apporté l'esprit d'association dans l'exercice du dévouement, rompant ainsi à la fois avec les deux fléaux connexes de la société politique moderne - l'individualisme et la cen­tralisation.

Mais de même que la révolution industrielle résultant de la substitu­tion de la machine à l'outil ne s'est pas accomplie sans troubler profon­dément l'ordre économique, de même dans l'ordre social le principe d'association ne saurait reparaître sans éprouver beaucoup de résistan­ces, qui ne proviennent pas toutes des détracteurs jurés de notre foi. - Et cela d'autant plus qu'il est accompagné dans l'Œuvre de deux autres revendications fondamentales de lois naturelles, trop méconnues encore par suite de l'infiltration générale des erreurs philosophiques, à savoir; que toute action sociale doit chercher son principe dans le dévouement chrétien de la classe élevée, et ne peut s'accomplir que par la participa­tion de la classe populaire.

Affirmer la hiérarchie sociale par le devoir des grands et par le droit des petits, c'est heurter à la fois les uns et les autres; et appeler votre at­tention là-dessus, c'est vous révéler le secret de toutes les oppositions, même inconscientes, que nous soulevons, soit chez nos adversaires, soit chez nos amis.

Ce sont pourtant là les difficultés par lesquelles doit passer journelle­ment le service des relations de l'Œuvre, aussi bien celui qui s'exerce de par chacun des Comités, que celui qui porte devant le Comité de l'Œuvre la charge de la direction extérieure. - Ajoutons-y les chances d'acci­dent, plus aisées à pressentir qu'à spécifier ici, et nous aurons quelque indulgence pour ceux d'entre nous qui sont préposés à ces soins, où une faute est si facile à commettre, si difficile à réparer, et dont nul n'oserait accepter la responsabilité, si la grâce de Dieu n'était que le partage des habiles au lieu d'être le don promis aux cœurs simples.

Messieurs, je voudrais ajouter quelques mots à ce rapport qui n'est qu'à l'état d'épreuve. Un de nos confrères nous a dit que nous ne par­lions que d'abstractions; s'il est une page abstraite, c'est celle que je viens de lire. Je n'ai point à m'excuser, car la chose est dite comme elle est en réalité; le but de l'Œuvre est une abstraction. En tête de notre constitution, nous voyons que ce but est «le dévouement des classes diri­geantes aux classes populaires»; or si, au point de vue grammatical, il y a là une hardiesse de langage, c'est pour mieux faire ressortir l'abstrac­tion. Nous n'avons pas pour but d'organiser des Cercles, mais des dé­vouements. Nous sommes donc en plein dans l'abstraction et, quand je traite des relations de l'Œuvre avec les autres Œuvres, il est bien cer­tain que je suis encore obligé de faire de l'abstraction. Responsables vis­à-vis du Comité de l'Œuvre, de l'idée que nous en faisons concevoir au dehors, nous butons chaque jour, moi et les hommes qui me secondent, contre ces difficultés inhérentes au but abstrait que nous nous propo­sons.

S'occuper exclusivement du Cercle, le considérer comme l'unique but de notre Œuvre, ce serait bientôt prendre notre Œuvre pour une entre­prise de lieux de réunion où au lieu d'absinthe on consomme de l'orgeat, et où l'on joue le répertoire scénique du Palais-Royal, en y substituant au rôle d'une Madeleine celui d'une Madelon.

Cela se fait ailleurs, mais nous n'y faisons pas concurrence, ou du moins nous avons d'autres visées et nous ne pouvons nous empêcher d'être dans l'abstraction, sauf à ce que vous en fassiez l'application.

Hier, toujours à propos d'abstraction, on s'est plaint de n'avoir pas les noms de tous les membres de l'Œuvre; un seul parmi nous, que vous aimez, que vous admirez, ne suffit-il pas à couvrir les autres? Pour ré­pondre au désir qui nous a été exprimé, il faudrait répandre un tableau indiquant notre organisation, nos noms, nos professions, la cotisation annuelle par laquelle nous coopérons matériellement à l'Œuvre; vous sentez que cela aurait certains inconvénients. Nous apportons tous notre activité à l'Œuvre, et il est de notre devoir de ne pas l'entraver dans sa marche, par des actes inconsidérés, comme aussi de ne pas créer de diffi­cultés au Gouvernement qui favorise notre Œuvre et s'est exprimé pu­bliquement à cet égard dans les termes les plus loyaux, les plus dignes, il ne nous est pas permis de publier des pièces qui malignement exploitées seraient bientôt insérées dans le Rappel et soulèveraient dans l'opinion soi-disant libérale un long cri de: «Ne tolérez pas cela!» (Très-bien! tres-­bien!».

Toutefois, comme nous faisons appel aux responsabilités, nous ne dé­clinons pas la nôtre et nous nous proposons de publier, aussitôt la clôture de l'Assemblée, votre adresse au Saint-Père sans les signatures du Comi­té de l'Œuvre. Quand nous aurons pu ainsi, comme Alcibiade, couper la queue de notre chien, nous laisserons aboyer ceux qui nous sont oppo­sés.

Enfin, pour répondre, en la partie qui me concerne, à ce qui nous a été demandé, je vous dirai qu'à la tête de notre service des relations se trouvent MM. Louis Milcent, auditeur au Conseil d'Etat, et le marquis des Cars, lieutenant d'infanterie, propriétaire d'un grand château qu'il n'a sans doute pas acheté sur ses économies. A la direction de la presse, vous apercevez M. de Saint- Victor, non moins grand propriétaire, agri­culteur, colon algérien, ancien député, etc… On nous a demandé des biographies, en voilà! (Rires).

J'oubliais de me présenter: le comte de la Tour-du-Pin, vieux soldat, 24 ans de service, 8 campagnes, une citation et pas d'autre littérature (Rires).

M. l'abbé Dehon. - Je voudrais vous communiquer ma pensée sur les idées de M. de la Tour-du-Pin, qui, dans la thèse générale du rap­port, s'est placé sur le terrain social.

Je crois qu'il est bon que nous soyons convaincus du but social de l'Œuvre, je crois qu'il est bon de nous pénétrer de cette action sociale. D'après le témoignage d'écrivains des plus autorisés, qui ont reçu l'ap­probation de l'Eglise, la foi est encore au fond des âmes et il y a à espérer que beaucoup d'âmes se sauvent, mais le grand mal, c'est le mal social; ce que nous avons le plus à redouter, c'est l'apostasie des nations, l'apos­tasie produite depuis un demi-siècle. Dans le Syllabus, l'Eglise a eu en vue les erreurs sociales; il y a tout un chapitre qui concerne ces erreurs et les relations de la société civile avec l'Eglise. Dans les travaux prépara­toires du Concile, une part a été donnée aux questions sociales, à l'orga­nisation sociale, aux rapports de l'Eglise avec la société. C'est donc là le grand mal de la société moderne, et on doit attaquer de front les erreurs sociales. Cela est si vrai, l'erreur sociale est si bien le mal du jour, que les catholiques eux-mêmes se sont laissé imprégner de ces erreurs. Nous avons vu une école catholique remplie de zèle, de dévouement, une école admirable par le talent qu'elle a montré, qui s'est laissé séduire par quelques-unes des erreurs modernes sur la société et l'Eglise, et on a eu à condamner des hommes qui portaient le nom de catholiques avec une autre épithète que l'Eglise ne supporte pas. D'un autre côté, dans un ou­vrage très-intéressant, un vicaire général de Quimper nous fait connaître qu'il n'y a guère que dix séminaires où les questions sociales soient étudiées. Donc, l'erreur sociale a envahi tous les esprits, et on est bien faible pour la combattre, puisque dans les séminaires même les questions sociales ne sont pas étudiées.

L'Œuvre des Cercles a pris une initiative admirable en proposant l'étude de ces questions sociales; le Comité de l'Œuvre a donné ainsi un exemple que nous devons suivre. Ils se sont faits disciples avant de se fai­re maîtres; ils ont bien voulu entendre, comme nous le disait M. le com­te de Germiny, des Conférences sur le Syllabus, comme point départ des études à entreprendre. Nous devrions suivre cet exemple. Les Comités de province devraient s'attacher à rectifier toutes les erreurs qui peuvent rester dans les intelligences relativement à l'établissement chrétien de l'Etat. Il se trouvera dans presque toutes les villes un laïque ou un ecclé­siastique qui pourra communiquer le fruit de son travail à ses confrères. Puis, il pourrait y avoir adjointes aux Comités des Conférences de jeu­nes gens.

M. de Germiny a parlé de ces réunions, de ces parlottes, qui forment des jeunes gens à l'exercice de la parole; pourquoi n'y aurait-il pas de réunions de ce genre en dehors, à côté des Comités?

Il reste auprès de nous un grand nombre de jeunes gens qui se vouent aux arts industriels; la plupart n'ont aucune culture intellectuelle; per­sonne ne songe à les grouper, personne ne s'occupe d'eux. Il faudrait dé­gager les erreurs de leur esprit. Ces réunions réussiraient fort probable­ment et les jeunes gens dont je parle donneraient un grand appoint à la réorganisation sociale. Nous avons ici M. Beluze qui vous dira que tou­tes les réunions de ce genre qui ont été formées par les jeunes étudiants en droit, en médecine, ont réussi. Nous devons faire tout notre possible pour que les jeunes gens qui se destinent à l'industrie, connaissant notre Œuvre, s'enthousiasment pour cette entreprise sociale.

Si maintenant je passe à ce qui touche les ouvriers, je dirai que la Re­vue et le Bulletin ne suffisent pas à la diffusion de l'Œuvre; il faut quelque chose qui soit à la portée de nos ouvriers, de nos jeunes gens, pour sti­muler leur zèle. Nous avons éprouvé un véritable chagrin quand le Mo­niteur des jeunes ouvriers de M. Maignen a cessé de paraître. Nous voulons que nos jeunes ouvriers aient de l'initiative, parce que l'action sociale demande de l'initiative, et les Conférences que nous leur faisons sont in­suffisantes; il nous faut une publication pour donner de l'initiative à nos ouvriers qui ont, je vous assure, une grande ardeur; il faut que leur in­telligence soit éclairée. Il me semble que l'action sociale chrétienne, exercée ainsi parles Conférences, parles publications susciterait un véri­table patriotisme chrétien. Ce qui manque aux institutions de notre pays, c'est l'organisation chrétienne. Les nations ne vivent plus chré­tiennement, les individus vivent encore chrétiennement, mais une fois qu'ils entrent dans la société, ils cessent de vivre chrétiennement; je crois que par les moyens que je viens de vous indiquer vous ferez œuvre de véritable patriotisme chrétien (Très-bien!).

M. le Président. je remercie M. l'abbé Dehon d'avoir si bien expri­mé nos propres idées; nous voulons comme lui répandre et faciliter l'étu­de des questions sociales; il est surtout important d'appeler l'attention des jeunes gens sur ces questions, car c'est à eux qu'il appartient de les rétablir.

Compte rendu annuel
de l'Association de Saint Joseph
5)
(23 juillet 1876)

Vous n'attendez pas de nous, en ce moment, un compte rendu détail­lé, qui vous redise toute la vie intime de notre œuvre. Il serait superflu de vous décrire nos journées du dimanche, partagées entre les exercices religieux et les délassements de l'esprit et du corps, ou nos soirées de la semaine occupées par les réunions pieuses et charitables, la récréation et l'étude de la musique.

Nous avons fait cela dans les comptes rendus précédents. Ce serait au­jourd'hui, pour la plupart d'entre vous, une redite fastidieuse.

Nous nous proposons donc seulement de vous rappeler les principes sur lesquels s'appuie notre œuvre, son efficacité et ses espérances, puis de vous indiquer rapidement nos progrès et notre situation financière.

J'ai reçu trop de preuves de votre sympathie, pour avoir besoin de chercher à la conquérir en commençant ce discours.

C'est plutôt à votre indulgence que j'ai lieu de faire appel pour un tra­vail écrit à bâtons rompus dans les courts instants que laisse la direction d'une œuvre complexe jointe aux occupations ordinaires du ministère paroissial.

LA SITUATION SOCIALE, RAISON DE NOS ŒUVRES

Nous vous disions l'an dernier notre but.

Avec vous et avec tous les esprits judicieux de notre siècle, nous avons vu avec tristesse l'envahissement du mal social. Nous avons sondé les plaies profondes de la société, le paupérisme, l'antagonisme des classes, l'immoralité croissante dans le peuple. Puis, consultant notre cœur de chrétiens, nous avons pensé qu'il ne fallait pas se contenter de gémir avec les gens honnêtes et timides, ni d'émettre de creuses formules avec les utopistes.

Nous sommes allés droit à la difficulté et nous avons appelé sur le mê­me terrain, sur le terrain de la charité chrétienne, le riche et le pauvre, le patron et l'ouvrier, pour qu'ils travaillent ensemble à la solution du pro­blème, pour que les malentendus se dissipent, pour que l'union se réta­blisse, que le règne de l'Evangile renaisse et que la plaie sociale soit gué­rie. Ce rôle était généreux et chevaleresque, il nous plaisait de le pren­dre.

Les enquêtes de l'autorité administrative, comme celles de l'initiative privée, ont justifié dans ces dernières années l'assertion, par nous sou­vent émise, que le malaise social provenait surtout d'un mal moral.

La chambre de commerce de la Seine répondait au questionnaire de l'Assemblée: «Les ouvriers économes et laborieux sont dans des condi­tions satisfaisantes. Les autres subissent la peine de leur inconduite et de leurs excès. Un grand nombre s'épuise par l'abus des boissons alcooli­ques et les plaisirs énervants du milieu dans lequel ils vivent».

Un ancien ministre, philosophe assez lettré pour bien décrire le mal, mais pas assez chrétien pour trouver le remède, M. J. Simon, l'avait dit d'une façon plus saisissante encore:

«Chose terrible, écrivait-il, le pain manque plus souvent dans les mé­nages d'ouvriers par la faute du père que par la faute de l'industrie. Dans la seule journée du lundi, le cabaret absorbe le quart de l'argent gagné dans la semaine, peut-être même la moitié. C'est l'ordre et le tra­vail plus encore que le bon salaire qui assurent le bien-être. Ainsi le mal est surtout un mal moral».

Nous aimons à prendre nos témoins dans un camp peu suspect de sé­vérité envers l'ouvrier, qu'il flatte souvent outre mesure. Citons encore le tableau de la débauche du lundi tracé avec vigueur par l'écrivain que nous nommions tout à l'heure.

«Tout est en combustion dans les faubourgs; le vin ou la bière coule à torrents; la musique fait entendre ses sons criards; on boit, on danse et on se bat toute la nuit. Ceux que la police n'entraîne pas au violon sor­tent de là, après deux jours, ruinés, abrutis, avilis, n'osent plus se mon­trer ni à l'atelier, ni dans leurs familles, objets d'horreur et de dégoût pour les ouvriers honnêtes. Si l'on trouve dans les ateliers tant d'ou­vriers dont la main tremble, dont la vue est trouble, dont le bras succom­be sous le poids du marteau, quelle en est la cause? Est-ce le feu de la for­ge et le fer incessamment frappé sur l'enclume? Non; le travail fortifie, c'est la débauche qui tue; c'est elle qui fait les invalides, qui peuple les rues de mendiants et les hôpitaux d'incurables. Et si l'on se glisse le jour dans les mansardes des faubourgs, pourquoi ce poële éteint, ce lit sans matelas et sans couvertures, cette armoire vide, ces enfants mourants, moitié de phthisie, moitié de faim? Y a-t-il eu une crise industrielle? Les ateliers refusent-ils de l'ouvrage? Le père ne sait-il que faire de sa volon­té et de ses bras? Non, non. Sa femme et ses enfants vivraient s'il vou­lait; c'est lui qui leur vole leur lit et leur vêtement, lui qui les condamne au froid, à la faim, à la mort, lui, le lâche, qui a mangé leur substance au cabaret».

Ce tableau est malheureusement trop exact. Et cependant l'ouvrier a le cœur généreux, et il serait facile de le réhabiliter. Il n'est pas le seul coupable, il n'est peut-être pas le plus repréhensible. L'enquête a cons­taté qu'une des causes les plus directes de la démoralisation des ouvriers, c'est la violation du dimanche. Or, attribuer à l'ouvrier la res­ponsabilité tout entière de cette faute serait manquer à la justice. C'est un lieu commun de l'accuser de fêter le lundi. La vérité est que rendu in­différent par des exemples partis de plus haut, il ne tient aucun compte du dimanche.

Le sort de l'enfant de l'ouvrier n'est pas moins déplorable. Il est jeté à l'âge de douze ou treize ans au milieu d'un atelier, également inconnu au patron qui le paye, sans savoir son nom peut-être, et aux ouvriers qui l'emploient, grandissant au milieu du vice, dont il a chaque jour le spec­tacle sous les yeux, apprenant presque inconsciemment à répéter les blasphèmes qui retentissent sans relâche à ses oreilles. N'est-il pas per­mis, en face de cette situation, de se demander si ce n'est pas par ironie que nous parlons quelquefois de civilisation moderne?

Il faut à l'apprenti au sortir de l'école un patronage paternel, destiné à suppléer l'action de la famille absorbée par les travaux de l'atelier. Se re­poser sur le père de ces soins attentifs est, dans la plupart des cas, chimé­rique; il ne le peut pas et souvent même ne le veut pas. Qu'a-t-on donc fait pour eux en-dehors de nos œuvres? Quelles sont les institutions pu­bliques ou privées destinées à les moraliser? Il n'est pas étonnant qu'un grand nombre se livrent de bonne heure à la débauche; qu'ils brisent bientôt tous les liens qui les attachent à la religion et à la famille, et qu'ils quittent même le foyer paternel, au lieu d'aider leurs parents dès qu'ils peuvent se suffire, afin de jouir en égoïstes d'un salaire qu'ils seront seuls à consommer.

Tel est le mal dans toute son ampleur. Aucun remède sérieux ne lui a été opposé en-dehors des œuvres de l'Eglise. Ce remède n'est certaine­ment pas dans la feuille impie ni dans le roman socialiste qui se lisent au cabaret entre deux verres d'eau-de-vie.

Il faut toute l'action de nos œuvres avec les conseils assidus d'un di­recteur, l'émulation du bon exemple, l'attrait des joies honnêtes et la force surnaturelle de la religion pour assurer l'éducation chrétienne de l'apprenti et pour relever la dignité morale de l'ouvrier.

L’ASSOCIATION CHRETIENNE, REMEDE AU MAL SOCIAL

Il n'est pas d'économistes qui ne constatent, dans le monde industriel d'aujourd'hui, un mouvement irrésistible vers l'association. C'est, du reste, un besoin instinctif de l'humanité. De ces aspirations étaient nées autrefois, sous la direction bienfaisante de l'Eglise, les associations de métiers; nous voyons aujourd'hui les associations renaître de leurs cen­dres, mais cette fois, ce semble, pour activer l'antagonisme des classes. Leur forme, ce sont les chambres syndicales; leur objet apparent, la dé­fense des intérêts personnels; leur but réel, la lutte mieux organisée con­tre les patrons.

Les chambres syndicales ouvrières se comptent aujourd'hui à Paris par centaines; c'est dire que demain elles envahiront nos villes de pro­vince. Les journaux nous entretiennent chaque jour de leurs projets in­quiétants.

Une aspiration légitime, qui pourrait être dirigée pour le bien des ou­vriers et la prospérité industrielle, est exposée à devenir bientôt, sous l'influence des idées révolutionnaires, une arme de combat, peut-être un instrument de ruines.

Les chefs des établissements industriels ont, s'ils le veulent, un grand rôle à remplir. Leur mission est de prendre la tête du mouvement qui entraîne les ouvriers vers l'association, mais pour lui rendre sa vraie di­rection, en s'efforçant de lui donner pour base l'esprit chrétien.

Il n'est point question ici de rétablir tout d'une pièce les corporations de métiers, de limiter la liberté du travail. Tout cela a sans doute vieilli et ne saurait convenir aux temps modernes. Mais ce qui ne passe pas, ce qui demeure, comme l'essence même de la vie sociale, c'est le besoin de s'associer; or les associations qui se forment actuellement, sous des noms divers, seront chrétiennes avec les patrons ou révolutionnaires contre les patrons. L'autorité, qui chaque jour échappe à ceux-ci; peut cependant être reconstituée entre leurs mains, à condition de lui donner pour type celle du père de famille. Dès que l'ouvrier reconnaîtra dans le patron une sollicitude paternelle, il sera désarmé; dès que le patron considérera ses ouvriers comme ses enfants, il sera respecté, et la paix sociale refleu­rira.

Voilà le grand but que nous ne perdons pas de vue, tout en regrettant de n'avoir pas jusqu'à présent marché aussi rapidement dans cette voie que nous l'aurions désiré. Il nous faudrait pour cela un concours plus ef­ficace de la part des patrons. Aussi les supplions-nous d'étudier avec nous l'organisation de l'usine chrétienne, de protéger, de soutenir et d'encourager nos œuvres, et, pour éclairer et pour diriger leur zèle, de lire la Revue des questions sociales et ouvrières, publiée par l'Œuvre des cercles6).

Nous pouvons nous féliciter déjà de voir cet esprit de patronat chré­tien réveillé dans la société saint-quentinoise, par l'initiative de M. l'ar­chiprêtre, dans l'association des mères chrétiennes. Les dames qui ont reçu de la Providence les dons de l'éducation chrétienne et la fortune, qui donne des loisirs, visitent, consolent et dirigent par leurs conseils les mères chrétiennes de la classe ouvrière. Qu'elles me permettent de les inviter à s'abonner à la Revue des associations catholiques. Elles y trou­veront des articles qui les intéresseront, et elles demanderont à leurs ma­ris de leur expliquer ceux qui traitent des questions économiques ou so­ciales auxquelles les dames sont souvent moins initiées.

LES INTERETS MATERIELS DU PATRON ET DE L’OUVRIER

Il est des esprits chagrins, portés à dénigrer tout ce qui est grand et à méconnaître toutes les pensées généreuses, qui ont cru nous accorder la grâce d'une appréciation favorable en nous louant du zèle que nous met­tons à faire jouer honnêtement quelques enfants, le dimanche. Nous avons fait voir déjà combien notre but est plus élevé, puisque nous tra­vaillons de la manière la plus active et la plus efficace au relèvement mo­ral de nos populations industrielles.

Avec l'Eglise, nous joignons toujours le bien matériel au bien moral; nous encourageons nos apprentis et nos ouvriers au travail et à l'épar­gne.

Notre caisse d'épargne qui sollicite leurs économies chaque dimanche, crée chez eux des habitudes qui dureront, nous l'espérons, toute leur vie. Leurs dépôts s'élèvent au nombre de trois mille environ par an et ce qui reste à leur avoir, après des remboursements utiles, dépasse aujourd'hui 4,000 francs.

La fortune d'un ouvrier ne date-t-elle pas souvent d'un premier en­couragement à l'épargne donné par un patron ou par un protecteur? En voici un exemple entre mille:

Un industriel de Roubaix avait dans sa fabrique un ouvrier adonné à l'ivrognerie et mangeant ainsi tous ses salaires. Cet ouvrier se casse la jambe et reste sans ressources. Le patron, ne voulant pas abandonner ce malheureux, lui offrit de soutenir sa famille, à condition qu'il le rem­bourserait plus tard par un prélèvement sur ses salaires. Quand il fut guéri, chaque semaine, une réduction légère fut opérée sur les gains de l'ouvrier. Au bout de l'année, le remboursement complet avait eu lieu, le patron lui proposa de continuer la retenue. «Je placerai, dit-il à cet ou­vrier, vos économies; dans deux ans vous pourrez acheter la maisonnette où vous logez». Au bout de deux ans l'ouvrier était propriétaire.

Ce fait se reproduit ici chaque jour en des proportions moindres. Bien des patrons et des parents de nos apprentis les encouragent et les habi­tuent à l'épargne en leur donnant de petites sommes à déposer chaque semaine et ils s'assurent de leur régularité en se faisant présenter leurs li­vrets.

Toute notre action sur leur volonté tend encore à leur inspirer le goût du travail. Toute la vie de l'œuvre les éloigne du chômage funeste du lundi. Ils doivent être et ils sont, en général, des ouvriers modèles dans leurs ateliers. Aussi nos plus anciens obtiennent-ils déjà la confiance de leurs patrons et l'avantage de devenir surveillants ou contremaîtres.

Les patrons qui ont observé de près le bon esprit de nos œuvres enga­gent leurs ouvriers à les fréquenter, et nous demandent volontiers des apprentis ou des commis débutants.

C'est dans la même pensée d'encouragement au travail que nous avons organisé notre exposition industrielle, modeste cette année, mais pleine d'espérance pour l'avenir. Nous voulons par là, développer chez nos ouvriers le goût, l'activité, l'intelligence et favoriser ainsi leur pros­périté temporelle.

NOS PROGRES

Nous parlons ailleurs du développement, déjà bien large mais encore insuffisant, qu'a pris notre local; c'est du progrès de l'œuvre vivante, du progrès de nos associés, progrès numérique et progrès moral, que nous voulons ici traiter.

Notre nombre a encore gagné depuis l'an dernier; cependant il s'est accru lentement. Les salles du Cercle déjà remplies n'offraient plus d'espace aux nouveaux venus, et la cour du patronage, encombrée de briques et de mortier, rendait trop facile la concurrence aux fêtes forai­nes et aux rives du canal. Nous comptons actuellement 170 membres au Cercle et 260 au Patronage, en tout 400 et quelques associés. Mais nous estimons que, sans grandir beaucoup en nombre, notre association a ga­gné en valeur. N'en est-il pas d'un groupe d'hommes comme d'une ter­re cultivable? On peut, sans ajouter à sa quantité, multiplier indéfini­ment son prix. Il suffit pour cela d'en perfectionner la culture. C'est en ce sens que notre œuvre a surtout progressé cette année. Elle a crû en sagesse et en force; nous avons vu avec la plus grande joie se développer en elle l'esprit d'initiative qui contraste si heureusement avec la faiblesse de caractère si générale dans nos contrées.

Les conseillers et dignitaires du Cercle surtout tiennent au progrès de leur association, à son bon esprit, à la dignité de ses membres. Il y a là un élément nouveau de zèle et d'apostolat pour notre ville. Ils ont pris leur œuvre à cœur. Ils nous apportent par leur dévouement un puissant et précieux concours. Leur action multiplie et prolonge la nôtre. Ils sont plus mêlés que nous à leurs compagnons de travail. Ils portent le bon exemple et le bon conseil là où nous ne pouvons pas atteindre.

Il est, du reste, dans l'esprit de nos œuvres de développer cette initia­tive qui forme des caractères énergiques et puissants pour le bien.

La stabilité de l'œuvre a également progressé. Nous comptons désor­mais un bon nombre de fidèles qui sont assidus à l'œuvre en toutes sai­sons. Ils y donnent le ton, ils en forment l'esprit et ils assurent définitive­ment sa durée.

Cette œuvre encore inconnue, il y a quatre ans, à Saint-Quentin, y a désormais conquis droit de cité. Elle a prouvé sa vitalité, sa force. Elle peut apporter un puissant concours au relèvement social.

Les ouvriers y viennent assidûment, nous demandent la voie à suivre pour arriver à l'ordre moral et chrétien. C'est une armée dévouée pour le bien, à nous de lui fournir des cadres.

Je voudrais pouvoir signaler le même progrès dans l'action dirigeante, je ne le puis.

Les patrons, qui nous trouveront toujours respectueux et dévoués, nous ont déjà aidé généreusement par l'appui de leurs sympathies et par le concours de leurs souscriptions.

Nous leur en témoignons notre reconnaissance.

Ils nous doivent un autre concours, celui de leurs personnes, celui de leur intelligence, de leurs études et de leur influence personnelle. Ils le reconnaîtront et ils nous l'offriront.

Les révolutions sociales et les transformations industrielles et écono­miques ont distrait les esprits de plus d'un devoir depuis un siècle. Autrefois le patron accomplissait, envers les quelques ouvriers de son petit atelier, ses devoirs de paternité morale et de protection, en les con­seillant, en leur donnant l'exemple, en portant intérêt à leur famille, à leur foyer, à leur fortune, à leurs enfants.

Les révolutions sociales ont fait oublier ces devoirs. L'organisation de la grande industrie en a changé les conditions.

C'est une vaste réforme à susciter, c'est une renaissance à provoquer. La foi chrétienne est à l'œuvre. L'expérience est faite déjà. Nous avons, auprès de Reims, une usine chrétienne, une filature qui a commencé avec des groupes ouvriers analogues à ceux de Saint-Quentin et de Reims, et qui est maintenant un paradis terrestre, où règnent la charité, la paix, l'aisance et le bonheur par le moyen des associations catholi­ques.

Le branle est donné. Nous avons vu à Paris, au mois d'avril, à l'as­semblée des cercles, un groupe de grands industriels de Roubaix, de Saint-Dizier, de Rouen, de Laval, de Fourchambault, de Maubeuge et d'autres villes, décidés à reproduire les œuvres du Val-des-Bois.

Nous supplions les patrons chrétiens de Saint-Quentin de se joindre à nous pour étudier l'organisation de ces œuvres et pour travailler au pro­grès moral et matériel de la population ouvrière de notre ville.

Je suis heureux de pouvoir signaler, dans cet ordre d'idées, le con­cours que nous prêtent quelques jeunes gens d'élite de la société saint­quentinoise, qui ont pris à cœur ces questions, y ont appliqué leur bril­lante intelligence, et déjà se sont mis à l'œuvre pour nous aider autant que le comportent leurs loisirs.

Ils ont bien voulu se charger de donner des conférences aux réunions mensuelles du Cercle. Ils ont traité déjà de l'Organisation du travail; de l'Inégalité des conditions, des Maisons d'ouvriers et des Monts de piété.

Ils apportent ici le charme de la jeunesse, l'influence du talent et l'honneur du dévouement. Ils sont aimés et ils peuvent être assurés de notre reconnaissance.

Ces jeunes gens seront, sans nul doute, plus tard, les membres les plus dévoués de notre comité, et ils trouveront leur place dans une association de patrons chrétiens, qui ne peut tarder de se former à Saint-Quentin, comme elle vient de se former à Lyon, à Marseille, à Nancy, à Lille, à Nantes, et dans d'autres villes industrielles, pour l'étude des questions d'économie sociale et l'organisation des ateliers chrétiens.

NOTRE MAISON DE FAMILLE

Une institution qui complète notre œuvre et qui est susceptible de grands développements, si les ressources ne manquent pas, c'est notre maison de famille.

Nous avions cruellement souffert de voir d'excellents jeunes gens, ar­rivés de la campagne pour apprendre un état ou se former au commerce, perdre tout le charme de leur naïveté et leurs bonnes habitudes, par un séjour de quelques mois dans un mauvais garni; et des orphelins trop âgés pour être reçus dans les hospices, mais trop jeunes pour se suffire à eux-mêmes, devenir les victimes de leur faiblesse ou de leur inexpérien­ce. Ces orphelins, abandonnés à eux-mêmes, ne tardaient pas à se met­tre dans le cas d'être envoyés en maison de correction; ou bien ils étaient recueillis et exploités par des personnes avides, qui les mettaient aux plus rudes travaux et leur dispensaient avec parcimonie le pain du corps sans songer à leur âme.

Nous leur avons ouvert un asile encore insuffisant. Nous avons orga­nisé déjà quinze lits, et ils sont tous occupés par des enfants et des jeunes gens dont huit sont orphelins.

Hier encore, la maison en accueillait deux. Une lettre d'une personne honorable de la ville nous demandait leur admission en ces termes: «Monsieur, je prends la liberté de vous présenter deux enfants, deux orphelins, dont on a mis la mère en terre aujourd'hui. Trop âgés pour être admis à l'Hôtel-Dieu, mais bien incapables encore de se diriger, ils viennent, en suppliant, vous demander un asile et la protection de saint Joseph. Le plus jeune, âgé de treize ans, travaille en filature, l'aîné, qui a quinze ans, pourra faire ce que fait son frère, aussitôt, qu'on lui aura trouvé de l'ouvrage, en attendant, il peut servir les maçons».

En pareille circonstance, nous ne savons pas douter de la Providence, et nous comptons bien qu'elle ne nous fera jamais défaut.

Cette œuvre, comme toutes celles qui répondent à un besoin réel, grandira nécessairement. Des personnes généreuses voudront en assurer l'avenir par leurs dons et leurs souscriptions.

SITUATION FINANCIERE

La langue des chiffres est toujours aride. Ce chapitre, pour ne pas vous importuner, a besoin d'être court et clair.

Voici, en quelques mots, le bilan de notre caisse.

Mais, d'abord, avant d'arriver au problème de mathématiques, je me trouve arrêté par un problème moral ou, si vous voulez, psychologique. Quel ton vais-je prendre dans ce chapitre? Ferai-je ressortir les diffi­cultés de notre situation, ou bien me montrerai-je entièrement rassuré? La présence de nos bienfaiteurs me dit de faire valoir notre détresse pour exciter leur générosité.

Celle de nos créanciers me dit de faire ressortir toutes nos ressources pour ne pas perdre le crédit dont nous jouissons. Un plus fin politique y serait embarrassé.

Cependant, je crois avoir trouvé la solution du problème. Je vais es­sayer de rassurer nos créanciers en alarmant nos bienfaiteurs.

Il y a un an, nous avions couvert le prix de notre première construc­tion et de notre mobilier, en tout 27 ou 28,000 francs. Nous faisions ap­pel à votre générosité pour réunir la valeur du premier terrain qui est de 20,000 francs. Et nous vous disions qu'après avoir obtenu cette somme, nous posséderions une œuvre sans dettes, mais avec un local de moitié insuffisant.

«Cette charge, vous disions-nous, pourrait nous effrayer, si nous avions moins de confiance en la Providence. Mais il est une autre préoc­cupation qui nous pèse bien davantage, c'est l'exiguïté de nos salles et de notre cour. Chaque dimanche, nous souffrons de leur étroitesse. La jeu­nesse a besoin d'air et d'espace. Ce sera, l'hiver prochain, un dur crève­cœur de refuser chaque jour des sociétaires, faute de place pour les ac­cueillir dans cet asile de religion, de sagesse et de bonheur.

Il nous faut un local plus vaste, ajoutions-nous, et nous ne voulons pas croire qu'il nous manque longtemps. La Providence a des faveurs pour les hommes de foi».

Puis, nous vous racontions le trait d'un homme de Dieu que nous avons connu en Italie, un prêtre de Turin, don Bosco, qui fonda, sans ressources personnelles, d'immenses orphelinats. Nous vous disions comment, se promenant un jour sur la plage génoise, cherchant en son esprit le moyen de faire face aux pressantes exigences d'un créancier, il rencontra soudain un petit vieillard dont la mise n'annonçait pas l'opu­lence. Et le dialogue suivant s'établit entre eux: - N'êtes-vous point don Bosco? dit l'inconnu. - Oui, mon ami, pour vous servir, répondit le vénérable prêtre en s'apprêtant à lui donner son dernier écu. - Eh bien, prenez ceci, mon père, et veuillez prier pour moi. Puis il disparais­sait après avoir glissé dans la main du protecteur des orphelins un pli contenant dix-neuf billets de mille francs.

Nous ajoutions, en terminant: «Des surprises aussi heureuses sont ra­res, nous comptons davantage sur le concours généreux de tous pour ob­tenir le résultat désiré».

Qu'est-il arrivé, depuis un an? Tout ce que nous avions osé souhaiter s'est accompli.

Notre local s'est considérablement agrandi. Nous avons eu l'audace d'acheter ici un jardin et une maison, là un autre jardin, et nous avons bâti cette salle. Et, quand je dis audace, je n'y vois, pour ma part, que de la confiance dans la divine Providence, de la confiance en la protec­tion de notre saint patron et en votre inépuisable générosité.

Nos prévisions se sont réalisées. Vous avez remplacé le bon vieillard de Gênes. Le total de vos offrandes égale à peu près la sienne.

Nous le devons à la générosité de tous. Tantôt ce sont les chefs d'in­dustrie, qui, trouvant dans notre œuvre le remède à l'immoralité de l'atelier, nous envoient de riches souscriptions; tantôt ce sont les magis­trats qui nous aident, sans doute pour retrouver des loisirs et des vacan­ces, en voyant diminuer le nombre des délits commis par les jeunes gens; tantôt ce sont les personnes pieuses qui nous remettent leur offrande, souvent anonyme, pour s'attirer la protection de notre saint patron, saint Joseph.

Nous avons donc une source constante de revenus, et notre capital, c'est votre sympathie.

Nous disons donc à nos bienfaiteurs: Que votre bienveillance ne reste pas purement théorique, et que ses témoignages ne tarissent pas. Autre­ment, notre œuvre croûlerait. Ne dites pas: Voilà une œuvre qui a des ressources assurées, il n'est plus nécessaire de l'aider. Non, car ces res­sources, ce sont vos dons eux-mêmes, et ils nous sont plus nécessaires que jamais, puisque nous avons triplé nos dettes depuis un an.

A nos créanciers, nous dirons: Ne soyez pas dans l'inquiétude: nous avons une poule aux œufs d'or. Nous ne voulons pas la tuer, et nous espérons qu'elle ne mourra pas. Cette poule aux œufs d'or, c'est la sym­pathie de nos bienfaiteurs. Si votre dévouement à l'œuvre diminuait, ce serait la tuer. Mais nous espérons que ce dévouement vivra et que les œufs d'or viendront toujours à temps.

Nous avons un trésor inépuisable, ne craignez pas, et ce trésor, ce sont nos bienfaiteurs.

Et, à vous, nos bienfaiteurs, nous disons: En nous aidant, vous ne vous appauvrissez pas.

Saint Laurent, en montrant ceux qu'il avait assistés des aumônes de l'Eglise, disait: Voilà nos trésors. Vous pouvez, en montrant ces en­fants, pour lesquels vous avez bâti cet asile de piété, dire aussi: Voilà nos trésors pour le ciel.

CONCLUSION

En résumé, nous gagnons du terrain dans la voie du relèvement chré­tien et de l'apaisement social. Nous avons entre les mains, un instru­ment qui a désormais fait ses preuves, les œuvres ouvrières. Les résul­tats acquis sont sérieux et ne nous laissent pas regretter nos sacrifices.

Mais ce qui reste à faire est encore immense. L'action des patrons chrétienne n'est encore qu'en germe à Saint-Quentin. L'usine chrétien­ne et l'atelier chrétien n'y sont encore connus que comme un idéal dont on n'entrevoit pas la réalisation prochaine.

Notre œuvre est encore unique. elle n'est soldée qu'à moitié, et ce­pendant nos faubourgs industriels et populeux en attendent de sembla­bles.

Nous vous demandons à tous votre concours.

A M. le Vicaire capitulaire, qui a daigné quitter ses graves occupa­tions pour venir nous présider, en le remerciant de sa bienveillance et de ses précieux conseils, nous demanderons qu'il sollicite pour notre œuvre une des premières bénédictions de notre nouveau pontife, Mgr Thibau­dier.

A M. l'Archiprêtre, qui est autant par sa sagesse et son dévouement, que par l'autorité de ses fonctions, la tête et le cœur des œuvres dont nous sommes les bras, nous demanderons la continuation de son pater­nel appui.

A nos bienfaiteurs, nous offrons nos remercîments, persuadés que leur concours ne nous fera jamais défaut. Nous remercions les patrons et les chefs d'ateliers qui ont bien voulu accepter les fonctions de membres du jury de l'exposition; nous voulons assurer tout particulièrement de notre gratitude M. le Rapporteur général du jury dont le zèle et le dévoue­ment déjà connus se sont multipliés en cette circonstance.

Merci encore aux personnes qui ont bien voulu solliciter tout à l'heure l'obole de votre charité. Merci aux habiles chanteurs étrangers à l'œuvre, qui sont venus lui prêter le concours de leur voix, aux artistes qui nous ont habitués à leur dévouement, à notre habile déclamateur, à no­tre jeune chef de musique.

Enfin, j'adresse à tous une humble et pressante requête en finissant: je vous supplie d'attirer par vos prières les bénédictions de Dieu sur ces œuvres, en vous souvenant que, pour toute maison que Dieu n'édifie pas, c'est en vain que les hommes travaillent.

Du bureau diocésain, son organisation,
son action et ses ressources
7)

Ce rapport pourrait prendre le titre de «Confession d'un Bureau dio­césain». Il faut que nous vous disions le peu que nous avons fait, en pré­sence de l'œuvre immense qui était à faire.

La faute en est à notre insuffisance. Et cependant le champ était si vaste et si beau!

Le bureau diocésain n'a-t-il pas été défini un organe nécessaire à la vie des œuvres, un lien d'union, un centre de renseignements, un foyer de propagande, le représentant des œuvres centrales dans le diocèse; il en continue l'action, en distribue les documents, et propage, selon les be­soins particuliers de la région, les diverses méthodes qui ont réussi ail­leurs pour l'organisation des œuvres.

Il a ses correspondants, ses zélateurs, ses missionnaires. Il tient des réunions spéciales, il provoque des congrès généraux.

Comment avons-nous répondu à cette magnifique mission? Comment avons-nous alimenté ce foyer?

Nous ne l'avons pas laissé s'éteindre, Dieu merci! mais sa flamme n'a pas été vigoureuse. La tiédeur de notre zèle, notre petit nombre, nos oc­cupations multiples, puis la vacance du siège épiscopal qui nous laissait sans mentor et sans guide, tout a contribué à ralentir notre action.

Aujourd'hui, nous en avons la confiance, les œuvres vont reprendre un nouvel essor.

Nous avons retrouvé un pasteur vénéré, qui nous a déjà prodigué ses bienveillants encouragements.

Vous vous rappelez ce qu'il nous écrivait à son entrée dans son diocè­se: «c'est avec un sentiment de vive joie qu'il avait pu voir, dans le compte rendu de l'assemblée de Notre-Dame de Liesse, un nombre con­sidérable de ses diocésains, ecclésiastiques et séculiers, rivaliser d'appli­cation et de zèle pour combattre les misères morales qui contristent les gens de bien et menacent jusqu'à notre prospérité matérielle». Et de­puis, n'êtes-vous pas émus et touchés de la bonté avec laquelle Sa Gran­deur a daigné nous convoquer ici, prendre la direction de nos travaux, les bénir, les encourager, et donner à nos œuvres la sève qu'elles ne peu­vent recevoir que de la vraie vigne qui est le pasteur?

Notre docilité et notre gratitude attireront la bénédiction de Dieu sur nos œuvres; nous voulons être aux œuvres de Dieu, «quœ sunt Patris»; le moyen pour nous, c'est d'être aux œuvres de notre pontife, qui est aussi pour nous un père dans l'ordre de la grâce, «in his quœ Patris mei sunt opor­tet me esse».

Il faut cependant, comme l'économe de la parabole, rendre compte de notre administration.

Et, comme l'ordre chronologique des faits est le plus facile, nous al­lons le suivre pas à pas.

I. - Dès le lendemain de l'assemblée de Notre-Dame-de-Liesse, nous nous mettions à l'œuvre pour la préparation et la publication du compte rendu. C'était le premier moyen de multiplier les résultats de cette assemblée. Elle allait ainsi se survivre, s'étendre pour ainsi dire à un immense auditoire. Nous allions porter l'écho de ses travaux sur tous les points du diocèse. Bien plus le bureau central nous engageait à faire parvenir ce compte rendu à tous les évêchés de France, pour que les di­vers bureaux diocésains puissent imiter cette belle assemblée.

Il fallait pour tout cela donner à ce compte rendu tous nos soins. Nous l'avons fait aussi complet que possible, et, en six semaines, nous étions à même de répandre à 1,500 exemplaires un volume de 160 pages contenant sur toutes nos œuvres les données les plus pratiques.

Ce n'était pas tout de vendre ces comptes rendus aux quelques hom­mes du diocèse qui s'intéressaient aux œuvres. Ce n'eût pas été de la propagande. Il fallait pénétrer plus loin, forcer l'entrée de plus d'une porte, en appliquant dans un sens nouveau le «compelle intrare».

Nous avons sollicité, pour ne pas dire importuné, nos vénérables doyens (puissent-ils depuis nous avoir accordé l'absolution)!

Nous les avons prié de répandre ces comptes rendus, soit au prix con­venu, soit même, s'il le fallait, gratuitement. Il fallait encore, pour être des apôtres complets, crier sur les toits; nous l'avons fait. Des affiches, dans chaque canton, annoncèrent le compte rendu, et quatre ou cinq journaux en donnèrent l'analyse.

II. - Pendant le même temps, nous avons essayé d'organiser la cor­respondance cantonale.

Par une circulaire du 16 avril 1875, nous nous sommes mis à la dispo­sition de MM. les doyens pour leur fournir, au besoin, les documents et les renseignements nécessaires.

Dès lors, un échange de correspondance a commencé. Il ne s'est pour­suivi jusqu'à présent que pour les quelques cantons où il y a déjà des œuvres.

III. - Cependant le congrès de Reims approchait.

Il fallait l'annoncer, le faire connaître et y conduire le plus de monde possible. Nous avons répandu un grand nombre d'exemplaires d'une circulaire qui donnait les renseignements nécessaires et qui invitait de la manière la plus pressante à cette importante assemblée.

Puissions-nous avoir un peu contribué au beau mouvement qui s'est produit alors!

Notre diocèse avait, à Reims, le troisième rang par le nombre de ses représentants.

Il ne le cédait qu'à Reims même et à Paris. Nous comptions quatre­vingts congressistes de l'Aisne. C'était pour nous comme un second con­grès diocésain et il en devait sortir une nouvelle impulsion pour nos œuvres.

IV. - Nous nous étions engagés, à Notre-Dame-de-Liesse, à propa­ger l'Association pour la sanctification du dimanche. Nous n'avons pas oublié nos promesses.

Nous rappelions cette œuvre dans notre première circulaire. Celle du 15 juillet 1875 lui était presque entièrement consacrée. Nous en expo­sions l'organisation, nous en donnions le règlement, et nous faisions les plus vives instances pour que l'on commençât dans chaque paroisse quelques dizaines d'associés avec des abonnements au bulletin mensuel de l'Œuvre.

Nous n'avons réussi jusqu'à présent qu'à préparer le terrain. La Pro­vidence réservait le succès à l'apôtre du dimanche, M. de Cissey, pour l'encourager dans ses efforts généreux.

V. - La diffusion des documents a été l'œuvre de toute l'année. Nous avons répandu en grand nombre les documents gratuits du Bureau central, avec quelques manuels des Conférences de Saint-Vincent-de­Paul et des Patronages. Puis, pour répondre à un besoin véritable, qui se faisait sentir, nous avons créé un document pratique, intitulé: «Conseils pratiques pour l'établissement d'un cercle». Le plus difficile en toutes choses est de commencer. Les personnes zélées se trouvaient en face de documents nombreux et entrevoyaient lés œuvres avec une organisation complète, qu'elles ne croyaient pas pouvoir atteindre. Nous avons fait ce document élémentaire, qui indique clairement et simplement comment il faut commencer. Le comité de l'Œuvre des cercles a bien voulu ap­prouver ce document et le déclarer conforme aux principes de l'œuvre. Vous le trouverez encore en nombre au Secrétariat.

VI. - Il y a un moyen de propagande dont nous ne pouvons user que d'une manière très-restreinte, c'est celui des missions ou des voyages pour les œuvres. Nous le croyons très-utile, mais les occupations de presque tous les membres du Bureau diocésain les retiennent habituelle­ment chez eux. Cependant nous avons pu aller donner parfois quelques conseils, et nous avons tenu, à Coucy-le-Château, avec le concours de M. Paul d'Hennezel, qui n'est pas du Bureau diocésain, mais qui est di­gne d'en être, un petit congrès cantonal d'ecclésiastiques et de laïques. Ces sortes de réunions nous ont paru éminemment utiles.

Elles édifient tous les membres, elles raniment le zèle, elles unissent les laïques dévoués au clergé; elles préparent certainement des œuvres pour l'avenir.

VII. - L'Exposition générale des travaux des ouvriers et apprentis, membres des associations catholiques du diocèse, a été également l'œuvre du Bureau diocésain. Le règlement et le programme en avaient été publiés dès le mois de mars dernier. Nous avons fait plusieurs fois appel aux exposants du dehors, mais les usages nouveaux ne s'implantent pas facilement.

Les exposants de Saint-Quentin n'avaient pas assez de concurrents. Un membre du cercle de Sains a cependant conquis une médaille. L'Exposition a obtenu un véritable succès.

Elle a compté environ deux cents objets exposés, appartenant aux di­verses sections: dessins, photographies, tissus, broderies, bijouterie, ser­rurerie, mécanique, tapisserie et menuiserie. Elle a été close par la séan­ce solennelle de distribution des récompenses, au 25 juillet, sous la prési­dence de M. l'abbé Bourse, vicaire général. M. J. Coutant, administra­teur de l'Ecole de dessin de Delatour avait bien voulu se charger du rap­port général. Nous avons distribué six médailles de vermeil, huit d'ar­gent, dix de bronze argenté, douze de bronze et six mentions honora­bles. Le digne président de notre comité, M. Hector Basquin, avait bien voulu mettre à la disposition du jury une médaille d'or. Le jury a pensé qu'il n'y avait pas, cette année, d'objet assez marquant pour lui attri­buer une si haute distinction.

Il l'a réservée pour l'an prochain, comme un stimulant précieux qui rendra, je l'espère, notre exposition plus remarquable encore.

VIII. - Le Bureau diocésain s'est encore fait un devoir de provo­quer, à l'Assomption dernière, un pèlerinage comun des œuvres du dio­cèse, en souvenir des processions traditionnelles du vœu de Louis XIII. Le rendez-vous était à Notre-Dame-de-Liesse.

Les circonstances n'ont pas permis à beaucoup d'œuvres de s'y ren­dre

Saint-Quentin et Laon y ont fraternisé. Ce fut encore pour nous une de ces délicieuses journées où l'on éprouve ces doux sentiments qui font que l'on s'écrie: Qu'il est bon et agréable de vivre ensemble comme des frères!

IX. - Cependant, le jour du congrès de Bordeaux approchait. Le Bureau central nous demandait un nouveau recensement de nos œuvres. Nous avons envoyé, à ceux d'entre vous dont nous connaissions les œuvres, des feuilles à remplir, qui sont revenues, messagères de joie et d'espérance, nous apprendre les merveilles de votre zèle.

Nous n'avons pas compté moins de huit cercles dans le diocèse. Seize conférences de Saint-Vincent-de-Paul.

Cinq confréries des mères chrétiennes. Onze œuvres de persévérance de garçons. Cinq œuvres de persévérance de jeunes filles. Six associations de dames de charité ou de providence. Sept confréries de jeunes filles.

Que de détails intéressants nous ont fourni ces feuilles et que n'avons­nous le privilége de Josue pour créer le temps de vous les redire! Jetons-y seulement un coup d'œil.

Nous y remarquons:

Notre-Dame-de-Liesse, - avec ses œuvres complètes, qui font de la pa­roisse une vraie corporation chrétienne.

Sains, - et son cercle du Sacré-Cœur de Jésus, riche de 71 membres. Ribemont, - avec 24 ouvriers modèles dans son beau cercle, et 12 ap­prentis à son patronage naissant.

Chauny, - dont le petit cercle, dirigé par les Frères, compte 76 mem­bres.

Seboncourt, - le modèle des paroisses rurales: sa vieille et pieuse confé­rence est d'une fécondité toujours nouvelle; elle vient de créer un patro­nage qui compte déjà 62 membres; il a sa chorale, ses fêtes dramatiques, et il va devenir la pépinière d'un cercle.

Laon, - dont le beau patronage compte 87 membres, et contient aussi le noyau d'un cercle.

Neuilly - qui a déjà cercle et patronage, avec 48 associés.

Ne trouvez-vous pas que cela fait du bien, au milieu des tristesses de nos jours, de voir partout les rameurs du vaisseau de l'Eglise travailler à remontrer le courant?

Je m'arrête, Messieurs, dans la biographie du Bureau diocésain, au jour de la préparation de ce congrès.

X. - Il ne nous reste plus qu'à vous dire quelques mots de nos finan­ces.

Nous avons un budget, qui se soldait, il y a un mois, par un déficit de 113 francs.

Nos recettes, depuis la préparation du congrès de Notre-Dame-de­Liesse, avaient été de 1,652 francs, et nos dépenses de 1,765 francs. Nos recettes se répartissent ainsi:

Adhésions au congrès de Notre-Dame-de­

Liesse…………………………………………. 704 fr.

Diplômes d'agrégation ………………………. 40 „

Souscriptions spontanées ……………………. 262 ”

Allocation de l'évêché ……………………….. 200 „

De l'œuvre de Saint-François-de-Sales …….. 100 ”

Vente de comptes rendus ……………………. 346 „

Nos dépenses se divisent comme il suit:

Frais du congrès de Notre-Dame-de-Liesse … 737 ”

Impression du compte rendu, 1,500 exempl .. 1,000 „

Correspondance et propagande …………….. 28 ”

Quelques réflexions sur ces chiffres:

Les adhésions au congrès de Notre-Dame-de-Liesse n'ont pas couvert entièrement sa dépense, ce qui justifie notre usage de demander trois francs pour les cartes des congrès.

Le chiffre des dépenses de correspondance n'est porté qu'à 28 francs. Il accuserait notre peu de zèle, si notre trésorier n'avait trouvé ailleurs, sans le noter à notre livre de caisse, les ressources nécessaires pour suffire à l'impression et à l'envoi de nos circulaires et à la correspondance.

Les souscriptions spontanées sont nécessaires pour aider à la diffusion du compte rendu et à la propagande. Les dons sont toujours bien reçus par le Bureau diocésain. Mais, pendant la durée du Congrès, une souscription est ouverte au secrétariat, comme elle l'a été à Notre­Dame-de-Liesse. Pendant que les gens du monde achètent si cher, dans nos rues, des jouissances éphémères, vour pourrez là, Messieurs, avec quelques pièces d'or ou d'argent, acheter pour le ciel des joies qui dure­ront.

Aucune allocation n'a pu être faite aux œuvres naissantes. Il nous eût fallu, pour cela, des ressources plus considérables.

Nous avons pu, toutefois, faire aider ces œuvres par les grandes asso­ciations de Saint-François-de-Sales et de Notre-Dame-de-Salut, grâce au bienveillant concours que nous a toujours prêté le dévoué directeur dio­césain de ces associations, M. le chanoine Demiselle.

XI. - Enfin, Messieurs, je soumets à votre appréciation, et à l'initia­tive de Monseigneur, un projet que je vais vous exposer en quelques mots. Il serait urgent que le Bureau diocésain eût de plus grandes res­sources assurées pour ses frais de propagande et pour aider, au besoin, les œuvres.

Ne pourrions-nous pas créer ce qu'on appelle ailleurs l'union catholi­que diocésaine, association des chrétiens généreux et fervents du diocè­se, qui prient pour le succès des œuvres, et mettent à la disposition du Bureau diocésain, une souscription de 5 francs par année.

Bordeaux compte, dans son union, 1,500 membres, qui administrent, il est vrai, leurs ressources en-dehors du bureau diocésain des œuvres. Mais il nous paraît préférable que les deux institutions soient fondues en une seule.

L'Union catholique de Bordeaux dispose ainsi de 8,000 fr. pour la propagande des bonnes lectures et pour aider, par des allocations, les cercles, les patronages, les écoles libres et d'autres œuvres.

Si l'Union catholique du diocèse de Soissons naissait dans ce congrès, elle grandirait comme toutes les œuvres, et parviendrait à faire un très­grand bien.

Mais je m'aperçois, Messieurs, que ma confession se prolonge. C'est que j'ai pris plaisir à mêler la description de vos œuvres à l'aveu de nos omissions.

Il nous reste à demander, Messieurs, votre pardon, avec l'indulgence de Monseigneur.

MONSEIGNEUR. - Y a-t-il des observations? Les membres des bu­reaux des diocèses voisins pourraient nous dire comment ils s'y prennent pour obtenir des ressources.

M. L'ABBE MIMIL, secrétaire du bureau diocésain de Reims. - J'ai à faire une confession bien plus pénible que celle de M. Dehon, nous avons beaucoup moins travaillé, et nous sommes moins ingénieux pour trouver de l'argent. J'ai pris note de ce que j'ai entendu, et, rentré à Reims, je proposerai d'établir une union catholique destinée à nous fournir des fonds; car, sans argent, tout devient impossible. Si cette union existait dans le diocèse de Soissons, ce n'est pas peu, c'est beau­coup de fruit qu'elle ferait. Chaque année, une quête nous rapporte une centaine de francs, somme insuffisante…

MONSEIGNEUR. - M. l'abbé Debras, membre du bureau diocésain d'Arras, voudrait-il nous dire quelles sont les ressources de ce bureau?

M. L'ABBE DEBRAS. - Notre seule ressource pour nos œuvres est Notre-Dame-de-Salut. On conserve, pour le diocèse, une partie des sommes recueillies chaque année pour cette œuvre.

M. L'ABBE DEHON. - Cette œuvre ayant un but précis, il me semble qu'il ne faudrait pas en affecter les ressources à un but différent.

M. LE CHANOINE DEMISELLE. - L'œuvre de Notre-Dame-de-Salut accorde ce qu'on lui demande. L'œuvre de Saint-François-de-Sales ne reçoit du diocèse que 1,500 francs, et nous en donne 5,000 pour les mis­sions et les patronages. Si l'œuvre de Saint-François-de-Sales était plus répandue dans le diocèse, on pourrait encore puiser davantage dans sa caisse.

MONSEIGNEUR. - Nous sommes bien décidé à faire quelque chose à l'endroit des œuvres diocésaines. Sous quelle forme? les avis du conseil nous aideront à le déterminer.

Que M. Dehon accepte nos félicitations et nos remercîments.

Utilité des études sociales8)

Ma cause est gagnée d'avance devant vous. Je veux vous rappeler l'importance des études sociales, la nécessité d'étudier les questions ou­vrières.

Mais, me direz-vous, si nous n'en étions pas convaincus, serions-nous ici?

C'est vrai; aussi ma tâche sera facile, et je viserai moins à vous ame­ner à ces études qu'à vous y affermir et à vous y encourager.

L'esprit public est aux réformes sociales. C'est un besoin, une mode, un courant, un torrent si vous voulez. On ne refoule pas un fleuve vers sa source, mais on peut l'endiguer, le canaliser, en faire un auxiliaire de la richesse au lieu d'un instrument de dévastation.

C'est ainsi qu'il faut nous servir de l'agitation sociale actuelle pour l'amener à ce qui est utile et l'éloigner de ce qui est nuisible.

Les hommes de la génération présente se tromperaient-ils en pensant qu'il y a quelque chose à faire pour l'amélioration du sort des classes la­borieuses? Non, c'est trop évident. Beaucoup de nos frères, malgré un rude et persévérant labeur, vivent dans la misère. Ils ont un logis étroit, peuplé d'enfants qui languissent, hanté par les angoisses de la faim et re­tentissant le plaintes légitimes et parfois de haines menaçantes.

A qui la faute? Est-ce à la société? Est-ce à l'industrie? Est-ce à la loi? Est-ce aux patrons?

Eh bien! Messieurs, c'est ce qu'il faut chercher. Et cela exige des étu­des, études de la justice sociale et de ses lois, études de l'économie politi­que et des conditions de l'industrie.

Rappelez-vous, Messieurs, le blessé de Jéricho. Le prêtre et le lévite ont passé et ils ont jugé que la question n'était pas de leur ressort. Le Sa­maritain, lui, a étudié la question et il a sauvé le malade. Et le Sauveur Jésus nous donne le Samaritain pour modèle.

Ecoutez ceux qui ont pour mission d'interpréter aujourd'hui les ensei­gnements de Jésus-Christ, le Pape, les conciles, les évêques, les théolo­giens.

Le Souverain Pontife Léon XIII nous dit:

«Nous sommes en face d'un conflit redoutable dans lequel les plus gra­ves intérêts sont engagés. Partout les esprits sont en suspens et dans une anxieuse attente. Cette situation préoccupe et exerce le génie des philo­sophes, les délibérations des réunions populaires, la perspicacité des lé­gislateurs et les conseils des gouvernants. Il n'est pas de cause qui saisis­se, en ce moment, l'esprit humain avec autant de véhémence… Le pro­blème n'est pas aisé à résoudre, ni exempt de périls»9).

Voilà bien la question sociale indiquée avec toute sa gravité.

Puis le Saint-Père donne les principes de la solution. Le remède n'est pas dans le socialisme, qui est l'hérésie contemporaine et le grand péril de l'heure présente; il est dans l'application de la justice et de la charité chrétienne, et particulièrement dans l'organisation des associations et le retour au régime corporatif.

Mais qui répandra la connaissance de ces principes? Qui travaillera à la formation des corporations?

Le Saint Père nous dit: «Que chacun se mette à la tâche qui lui incom­be, et cela sans délai, de peur qu'en différant le remède, on ne rende in­curable un mal déjà si grave. Puis il stimule successivement les gouver­nants, les maîtres, les riches, les ouvriers eux-mêmes, et il ajoute: L'ac­tion de l'Église ne fera jamais défaut. Ses ministres sacrés,,sous l'autori­té des évêques, déploieront toutes les forces de leur âme et toutes les in­dustries de leur zèle».

Combien ensuite le Saint-Père n'encourage-t-il pas ceux qui se sont déjà mis à l'œuvre. «Nous louons hautement, dit-il, ceux des nôtres, les catholiques, qui, se rendant compte des besoins de l'heure présente, son­dent soigneusement le terrain pour y découvrir une voie honnête qui conduise au relèvement de la classe ouvrière… Nous louons ceux qui se réunissent :en congrès pour se communiquer leurs vues, unir leurs ef­forts, arrêter des programmes d'action. Nous louons ceux qui s'occu­pent de fonder des corporations et d'y faire entrer des artisans».

Messieurs, quand le Souverain Pontife parle, vous le savez, il n'ap­porte pas une doctrine nouvelle. Il enseigne avec autorité ce qui était va­gue et indécis dans la tradition. Des évêques, des docteurs, des conciles provinciaux avaient déjà proclamé un principe ou donné une direction morale. Mais il restait quelque doute dans les esprits ou quelque hésita­tion dans l'action. - Rome parle, et la question est tranchée. - Ensuite l'Eglise entière fait écho à la parole du Pontife.

Ainsi en est-il pour la grande question de notre temps, la question so­ciale, qui tient à la foi, à la raison, à la révélation, à la morale naturelle et chrétienne.

Depuis vingt ans surtout, nos évêques encouragent les œuvres socia­les et président les congrès où l'on discute leur organisation.

Si les conciles provinciaux avaient pu se tenir librement en France, ils auraient abondé dans le même sens.

La progression de l'enseignement des conciles sur cette question est curieuse à étudier. De 1850 à 1860, les conciles provinciaux recomman­dent aux pasteurs des âmes de s'intéresser aux pauvres, aux ouvriers, de les secourir par eux-mêmes et d'inviter les riches à le faire.

Dès 1853, le concile provincial de Soissons invite les curés à fonder des patronages d'apprentis et des sociétés ouvrières dites de Saint-François­Xavier.

En 1860 et 1865, les conciles de Prague et d'Utrecht louent les curés qui ont fondé des associations où les ouvriers trouvent à la fois une direc­tion chrétienne et des avantages temporels.

Mais en 1884, le concile plénier de Baltimore ne conseille plus, il or­donne que partout on érige des associations d'ouvriers catholiques. Il dé­crète que dans toute paroisse le curé fondera une association de jeunes gens.

Je pourrais vous faire entendre aussi un grand nombre de voix épisco­pales, qui ont fait écho à ces conciles et préludé aux enseignements de Léon XIII.

Voici, par exemple, Mgr Dupanloup. En 1867 déjà il écrivait: «Si j'avais un conseil à donner aux chrétiens de nos jours et à tous les prê­tres, ce serait de ne pas rester étrangers, comme ils le font trop souvent, aux questions sociales, d'être mêlés à la vie des paysans et des ouvriers, occupés de leur logement, de leur nourriture, de leur salaire, de leurs en­fants, de leurs vieillards, de leurs sociétés mutuelles, de leurs lectures, de leurs plaisirs. Pourquoi? Eh! mon Dieu, pour tout soulager, tout éclai­rer, tout améliorer. Ce devrait être là notre passion dominante (l'affirma­tion est assez forte), en dehors de toute politique, de toute ambition, de toute récrimination…» (Lettre au Contemporain).

Après l'Encyclique de 1891, ce ne sont plus des voix isolées, c'est l'Episcopat tout entier qui fait écho à la parole du Pontife. La question est tranchée, du moins dans ses grandes lignes. Il ne reste plus qu'à étu­dier les moyens de remédier au mal social par la mise en pratique de la justice et de la charité chrétiennes.

Les instructions pastorales de 1892 et de 1893 roulent presque toutes sur ce sujet. J'en glanerai quelques lignes seulement.

«L'éternel problème du labeur et du morceau de pain, dit Son Emi­nence le cardinal Langénieux, est entré de nos jours dans une phase nou­velle et très particulière: c'est l'usine et l'ouvrier, c'est le salaire et les heures de travail, c'est l'être humain dévoré par la machine et le foyer domestique détruit par la servitude du jour et de la nuit. Pour la solution des problèmes sociaux, plus encore qu'à tout autre point de vue, Léon XIII était un pape providentiel».

«Quel publiciste, dit le cardinal Bourret, a mieux étudié que Léon XIII les souffrances et les besoins des sociétés actuelles? Quel philosophe a mieux saisi les aspirations de ces démocraties tumultueuses? Quel éco­nomiste a plus exactement défini les rapports du patron et de l'ouvrier, les lois de la production et de la consommation? A-t-on beaucoup de trai­tés sur ces délicates matières qui vaillent les derniers écrits du Saint-Père sur la condition du travailleur dans notre moderne organisation sociale et les moyens de l'améliorer?».

«Léon XIII, le Pape du peuple, dit le cardinal Lecot, traite avec sa lu­mineuse intelligence le grand problème de la question sociale, fixant avec précision les principes nécessaires d'une solution juste».

Mgr l'évêque de Laval qualifie cette encyclique «d'admirable pro­gramme, dont l'application, si on voulait sérieusement l'entreprendre, couperait court à tant de maux».

Vous le voyez, Messieurs, les évêques ne disent pas qu'avec l'encycli­que de Léon XIII tout est fait; ils nous disent que le Saint-Père a fixé les principes d'une solution juste et indiqué un programme dont il faut en­treprendre sérieusement l'application.

Mgr l'évêque d'Orléans (Mgr Coullie), concluant aussi des enseigne­ments de l'Encyclique à la nécessité des études sociales, fait suivre sa let­tre pastorale d'une liste de publications traitant des questions sociales.

Mgr l'évêque de Ratisbonne publie une lettre pastorale à son clergé pour l'inviter à s'adonner à ces études.

Les évêques de Ratisbonne et de Mayence organisent dans leurs sémi­naires des cours sur les questions sociales.

Il y a quelques jours, les évêques des Etats-Unis, réunis en congrès à Chicago, disaient: «Nous demandons au clergé et aux laïcs d'attacher une grande importance à la fondation et au développement des sociétés d'études sur les sujets économiques».

L'enseignement des théologiens fait aussi autorité. Les moralistes contemporains disent, avec le P. Lehmkuhl, que les conditions nouvelles de la société imposent des devoirs nouveaux aux pasteurs des âmes, et qu'ils manquent aujourd'hui à leurs devoirs s'ils ne fondent pas des associations et particulièrement des sociétés ouvrières où le lien religieux s'unisse à la poursuite d'un bien temporel (Le Clergé et le Peuple, par le P. Lehmkuhl).

Mais qu'ai-je besoin de tant prouver? C'est un entraînement général. Amis et ennemis de la religion se mettent avec passion aux études so­ciales.

Les meneurs du parti socialiste étudient, et ils séduisent les foules par le mirage trompeur de leurs doctrines.

Le suprême Conseil de la franc-maçonnerie a tracé pour les loges, en janvier dernier, un plan d'études sociales.

Le Bulletin maçonnique du journal la Lanterne disait ces jours-ci: «A l'heure présente, c'est sur le terrain des questions sociales que la franc­maçonnerie doit surtout porter son activité laborieuse, sa méthode et son esprit d'observation».

Le Bulletin ajoutait: «Le programme d'études proposé par le Grand­Orient a un caractère de socialisme pratique. La maçonnerie est résolue de marcher à l'avant-garde du socialisme, comme elle a toujours marché au premier rang de la libre-pensée».

La jeunesse étudie les questions sociales. Le compte-rendu annuel de la conférence Ozanam, qui réunit l'élite des étudiants catholiques de Pa­ris, nous disait, il y a quelques mois: «Les questions qui animent nos réunions ne sont plus des questions littéraires. Les discussions qui pas­sionnent, les problèmes qui captivent sont relatifs aux rapports du capi­tal et du travail, aux questions ouvrières, aux difficultés pratiques de la vie sociale».

Des réunions de jeunes gens ont été organisées en un grand nombre de villes, notamment à Paris, Lyon, Toulouse, Bordeaux, Cherbourg, Lille et Beauvais pour l'étude des questions sociales.

Tout récemment, Mgr d'Hulst disait aux étudiants de Paris: «Les sciences économiques et sociales vous attirent surtout. Cédez à la séduc­tion, car c'est là que s'agitent les grands problèmes du siècle. Mais ré­sistez à une tentation trop commune, celle de parler de ces choses avant de les avoir apprises à fond… Travaillez, apprenez, analysez, comparez… ».

Eh bien! Messieurs, nous ne voudrons pas, n'est-ce pas, rester en re­tard. Nous étudierons ces questions. Nous nous abonnerons à quelque Revue spéciale, nous prendrons part aux réunions diocésaines, mensuel­les ou annuelles, auxquelles Monseigneur nous convie. Et quand les au­tres agissent et s'agitent, les uns pour le bien, les autres pour le mal, nous ne ferons pas comme ce pacifique ouvrier de l'évangile, qui, ayant reçu un talent, au lieu de le faire fructifier, le serra dans quelque nœud de son mouchoir et reçut comme récompense de son inertie cette senten­ce du Sauveur. Prenez-moi ce serviteur inutile et jetez le dehors (S. Matt. c. XXV).

Nous nous appliquerons plutôt à mériter par notre zèle, la récompen­se du serviteur bon et fidèle.

Le devoir pour nous est trop manifeste, il est urgent. Il faut nous li­vrer à ces études et nous faire les apôtres des vraies doctrines sociales. Notre conscience nous y invite. Et, manifestement, Dieu le veut!

Propagande des idées sociales chrétiennes10)

Il y a un an, à notre belle réunion de Notre-Dame de Liesse, Monsei­gneur avait dit devant vous à son Comité d'études sociales: «Faites-nous un Manuel social 'chrétien». Nous sommes des hommes d'obéissance. Nous nous sommes mis à l'œuvre, le Manuel est fait et nous vous l'of­frons.

C'est une œuvre collective. Cela peut amener quelque disparate et quelque inégalité de style et de méthode, mais c'est une garantie de com­pétence.

Qui pouvait mieux traiter des principes généraux qu'un professeur du séminaire, habitué à manier chaque jour des thèses de philosophie et de théologie?

Pour vous dire la genèse du mal social, qui a son principe dans l'indi­vidualisme créé par la Révolution et qui aboutit aux déductions anarchi­ques, nous avions l'avantage de posséder parmi nous celui qu'on peut appeler le penseur de l'Œuvre des Cercles, celui qui, depuis 25 ans, avec le concours de cette grande Œuvre, étudie les plaies sociales et re­monte à leurs causes pour trouver des remèdes qui ne soient pas de sim­ples palliatifs.

Qui pouvait mieux nous dépeindre le mal social actuel qu'un mission­naire diocésain, qui a vu de près la ville et la campagne, et que les cir­constances ont mis à même de se rendre compte des souffrances du mon­de industriel et du monde agricole?

Le chapitre des devoirs du patron est tiré des livres de M. Harmel. L'étude sur l'action patronale, dans une exploitation agricole, est le résumé d'un rapport écrit par un agriculteur modèle du Soissonnais.

Voilà, Messieurs, nos modestes titres à votre confiance. Ceux qui ont écrit l'ont fait avec compétence.

Mais que contient ce petit livre? Pas mal de choses, je crois. Il est pe­tit, mais il est bien serré. Monseigneur veut bien l'appeler «un utile ré­pertoire de renseignements pour tous ceux qui s'occupent de ces impor­tantes questions».

Dans la première partie, nous vous donnons les principes généraux sur la famille, l'Etat, la propriété, le capital, le salaire et l'usure. Nous décrivons le malaise social actuel dans la famille, dans les mœurs, dans les rapports sociaux.

Nous indiquons les sources du mal social: la fausse conception de la société, l'individualisme et le libéralisme économique pratiqués depuis la Révolution.

Nous montrons la genèse de l'anarchie dans une fausse conception de la propriété et dans les abus du capitalisme et de l'usure.

Nous exposons loyalement la panacée socialiste, son histoire et ses principes, et nous réfutons cette illusion par les principes généraux et par les conséquences où elle nous conduirait.

Dans la seconde partie, nous indiquons les vrais remèdes, en nous ap­puyant sur l'Encyclique Rerum novarum.

Nous rappelons ce que doit faire le prêtre dans les conditions actuelles de la société, et vers quelles œuvres nouvelles il doit porter ses efforts. Nous énumérons tout ce qu'il faut demander à l'état et à la législation en faveur de la religion, de la famille et des travailleurs.

Nous résumons les devoirs des patrons relativement à la vie physique de l'ouvrier, à sa vie morale et à ses intérêts temporels.

Nous disons ce qu'on peut attendre de l'organisation professionnelle dans la grande industrie, dans les arts et métiers, dans l'agriculture et dans les professions libérales.

Toute cette seconde partie vise la pratique. Elle est complétée par des exemples d'action patronale chrétienne, à la ville et à la campagne, et par deux chapitres de renseignements sur les œuvres à faire, œuvres an­ciennes et œuvres nouvelles, œuvres de piété et d'apostolat, œuvres de charité et de patronage, œuvres économiques et sociales, œuvre de la presse et syndicats ruraux.

C'est une petite encyclopédie de renseignements utiles.

Est-ce un tiers-ordre, une congrégation de la Sainte-Vierge, une Con­frérie de mères chrétiennes, un patronage, un cercle, une société de se­cours mutuels, un secrétariat du peuple, un syndicat que vous voulez fonder? Ouvrez le Manuel, vous y trouverez le bureau central de chaque œuvre et l'adresse où l'on se procure les règlements et les renseigne­ments nécessaires.

Des notes bibliographiques complètent aussi la plupart des chapitres et indiquent les sources auxquelles on peut recourir pour étudier plus à fond l'une ou l'autre matière.

On peut nous dire, et quelques-uns diront «Pourquoi donner tant de part à la théorie? Un manuel d'œuvres proprement dit eût bien mieux fait notre affaire».

Messieurs, à côté d'un malade voit-on seulement un infirmier qui ap­plique des remèdes? Non, on y trouve encore le médecin qui exerce son diagnostic, qui apprécie le mal, en recherche les causes et discerne le re­mède favorable. Il faut que vous soyez à la fois pour notre société malade des médecins et des infirmiers.

Le Souverain Pontifie Léon XIII vous y invite: «L'Eglise, dit-il dans son Encyclique, veut et désire ardemment que toutes les classes de la so­cieté mettent en commun leurs lumières et leurs forces pour donner à la question ouvrière la meilleure solution possible. Il faut louer hautement, ajoute-t-il, le zèle d'un grand nombre des nôtres, lesquels, se rendant parfaitement compte des besoins de l'heure présente, sondent soigneusement le terrain, pour y découvrir une voie honnête qui conduise au relèvement de la classe ouvrière…».

Depuis l'apparition de l'Encyclique, le Saint-Père encourage partout les études sociales. Il félicite tous les Congrès qui se livrent à ces études. Il loue et bénit les livres et les revues qui s'y rapportent.

Une jeune revue lui offrit ses premières livraisons. Le Saint-Père ré­pondit: «Nous attachons trop d'importance aux travaux de ceux qui s'appliquent, sous la conduite de la religion, à l'étude des intérêts essen­tiels de la société humaine pour qu'il nous soit possible de ne pas éprou­ver une grande satisfaction en recevant votre hommage» (Bref aux direc­teurs de la Revue Le XX siècle).

Dernièrement le Congrès de Fribourg recommandait l'étude des questions sociales aux autorités, aux citoyens dévoués, aux associations catholiques pour qu'elles soient approfondies et discutées par tous ceux qui ont à cœur la solution pacifique et chrétienne des crises actuelles. Le Saint-Père fit savoir qu'il agréait d'une façon toute spéciale les homma­ges de ce Congrès et son programme (Lettre du cardinal Rampolla du 22 juin 1894).

A M. le comte de Mun, le Saint-Père écrivait: «L'étude des questions sociales, si grosses partout à cette heure de préoccupations et de craintes, est bien digne d'attirer l'attention des catholiques» (Lettre du 7 janvier 1893).

Au clergé en particulier, Son Em. le cardinal de Malines disait récem­ment: «Il faudra vous initier à l'étude de problèmes nouveaux, vous instruire d'une science qui jusqu'ici n'a point fait partie du programme de l'éducation ecclésiastique. Mais il s'agit des hommes à sauver par ce moyen; il s'agit de la société et de la patrie, qu'il faut secourir; il s'agit de Dieu et de l'Eglise qu'il faut servir et glorifier» (Discours à ses prê­tres, au 23 avril 1894).

Mais nous avons, Messieurs, un encouragement plus direct. Tout ré­cemment, M. Harmel voyait le Saint-Père et lui parlait des réunions d'études qui se tiennent à Reims et au Val, et du Manuel de Soissons qui pourrait servir de thème à ces réunions. Le Saint-Père bénit le projet et fit revoir le Manuel par un théologien autorisé, afin qu'étant irrépro­chable pour la doctrine il pût faire plus de bien.

Après cela si quelque plaisant nous dit: «Vous faites du socialisme», nous consolerons en pensant qu'on l'a dit de plus grands que nous. On l'a dit du Saint-Père, on l'a dit aussi du cardinal Manning qui riposta vi­vement en disant: «Notre doctrine est taxée de socialisme par les frivoles et les impétueux comme par les capitalistes… mais l'avenir nous donne­ra raison» (Lettre à la Revue le XXe siècle, 20 décembre 1890). On l'a dit aussi de Mgr de Ketteler, auquel on reprochait de s'occuper de ces ques­tions. Il répondit: «Je n'ai pas seulement le droit, j'ai encore le devoir de suivre avec un vif intérêt ces affaires du monde ouvrier, de me former une opinion là-dessus et de l'exprimer publiquement suivant les circons­tances… Lorsque j'ai reçu la consécration épiscopale, l'Eglise, avant de me donner l'onction et la juridiction de l'évêque, m'a posé entre autres la question suivante: Veux-tu être charitable et miséricordieux aux pau­vres, aux étrangers et à tous les malheureux, au nom de Notre­Seigneur? Et j'ai répondu: je le veux. - L'évêque est un représentant du Christ, c'est pourquoi l'Eglise lui demande, avant de lui conférer cet­te représentation, s'il a, comme successeur de Jésus-Christ, le désir d'imiter l'amour de son divin Maître pour les classes besogneuses de l'humanité. Comment pourrais-je donc, après cette promesse solennelle, rester indifférent en face d'un problème qui touche aux besoins les plus es­sentiels d'une classe si nombreuse d'hommes? La question ouvrière me regarde d'aussi près que le bien de tous ceux de mes chers diocésains, qui appartiennent à la classe ouvrière. Bien plus, me plaçant au-dessus de ces étroites frontières, j'ai le droit de m'intéresser à la question ou­vrière autant qu'au bien de tous les ouvriers, avec lesquels je suis uni par la charité du Christ» (Introduction à la brochure La question ouvrière et le Christianisme).

Messieurs, proportion gardée, le devoir est le même pour nous tous, prêtres et laïcs. La charité doit être plus grande, quand le rang est plus élevé, mais elle est un devoir universel pour tous les chrétiens.

Ne dites pas non plus que vos campagnes sont à l'abri du socialisme, et qu'il vous importe peu de connaître et de répandre les doctrines socia­les de l'Eglise. Messieurs, c'est une illusion. Un de ces matins vos cam­pagnes se réveilleront socialistes. Il aura suffi d'une conférence de quel­que candidat politique, parce que vous n'avez pas répandu l'antidote.

Cette fausse sécurité régnait dans l'arrondissement de Saint-Quentin. En 1893, un candidat socialiste parcourut les campagnes. Il les gagnait une à une et tout le monde a constaté que, s'il avait eu huit jours de plus pour sa propagande, il arrivait.

Etudiez et propagez les vraies doctrines sociales ou bien vous vous préparerez les douceurs du régime socialiste.

Nous avouons cependant, Messieurs, que la seconde partie du Ma­nuel, la partie pratique a besoin d'un complément plus pratique encore, Monseigneur a bien voulu nous le dire et nous regardons son désir com­me un ordre.

«Je désire, nous a-t-il dit, qu'à ce Manuel d'œuvres sociales ou plutôt de science sociale vienne s'ajouter bientôt un petit Manuel pratique, un vade-mecum, une sorte de petit catéchisme qui donne clairement et sû­rement la méthode pratique pour fonder des œuvres sociales particulière­ment dans nos petites paroisses de campagne».

Ce que Monseigneur désire, nous sommes prêts à le faire et ce sera le premier labeur de nos prochaines réunions.

Nous ferons un manuel très pratique.

L'art de la thérapeutique a son codex. Un autre art plus modeste et non moins utile quand il est modéré, l'art culinaire, puisqu'il faut l'appeler par son nom, a ses recettes. Nous ferons un livre de recettes pour les œuvres rurales: quelque chose de bien clair. Nous vous dirons à peu près ceci: Prenez trois ou quatre hommes qui soient dans telles conditions et dans telles dispositions. Réunissez-les. Exposez leur ce qui suit. Proposez-leur tel programme, tel règlement. Ils accepteront et telle œuvre sera faite.

Nous tâcherons même d'être plus… modernes dans nos indications qu'un excellent et très recommandable journal catholique qui nous di­sait dernièrement dans ses Conseils de la bonne femme: «Prenez trois on­ces de telle plante, trois gros de telle autre, faites infuser et vous aurez un excellent remède».

Nous avons d'ailleurs un modèle incomparable. Ce qu'un avocat de Lyon, M. Durand, a fait pour les caisses de crédit agricole, nous le fe­rons pour les diverses œuvres rurales. Son petit manuel pratique est un chef-d'œuvre. En quelques pages, il vous dit comment vous devez re­cruter vos associés et remplir les formalités légales. Il vous fournit des statuts, des réglements, des modèles pour la tenue des livres et même des règles de calcul.

En attendant notre manuel pratique général, procurez-vous le manuel Durand pour les caisses du crédit agricole. Adressez-vous à l'Œuvre de la Bonne Presse, 8, rue François Ier à Paris. Cela coûte 0 fr. 50.

je termine, Messieurs, en convoquant tous les hommes de bonne vo­lonté à nos réunions mensuelles à Soissons. Nous aviserons, avec les con­seils de Monseigneur, à les multiplier, à les subdiviser par arrondisse­ments, à porter même le bienfait des études sociales chrétiennes dans nos milieux ouvriers.

Ce n'est plus l'heure de regarder marcher les événements et passer l'orage, le péril est trop grand. Le capitaine du navire, Léon XIII, nous appelle à la manœuvre. Obéissons à ses ordres.


1)
Rapport et débat publiés dans Assemblée des Œuvres Catholiques du Diocèse de Soissons. Tenue à Notre-Dame de Liesse, les 10 et 11 Mars 1875, Saint-Quentin, Imprimerie de Jules Moureau, 1875, pp. 83-98.
2)
Nous reproduisons aussi exactement que possible ce rapport improvisé ainsi que le discours suivant du R. P. Marquigny, regrettant de ne pouvoir y faire revivre le feu sacré qu’ils communiquaient à l’assemblée.
3)
Publié dans Congrès de Reims. Union des Œuvres Ouvrières Catholiques. Compte Rendu de la Huitième Assemblée Générale des Directeurs d’Œuvres (23-27 Août 1875), par Camille Rémont, Paris, Bureau Central de l’Union, 1876, pp. 126-132.
4)
Debats publiés dans Assemblée Générale de 1876 (9-13 mai). Œuvre des Cercles Catholi­ques d’Ouvriers, Paris, Au Secrétarait du Comité de l’Œuvre, s.d., pp. 56-57, 412­421, 430-434.
5)
Publié dans Œuvre de Saint Joseph. Cercle et Patronage, Saint-Quentin, Imprimerie et Lithographie Jules Moureau, 1876, pp. 27-43.
6)
On s’abonne à Paris, 10, rue du Bac. – 20 francs par an.
7)
Publié dans Assemblée des Œuvres Catholiques du Diocèse de Soissons. Tenue à Saint­Quentin du 23 au 25 octobre 1876. Compte Rendu publié par le Bureau Diocésain, Saint­Quentin, Imprimerie de Jules Moureau, 1876, pp. 19-28.
8)
Publiée dans Assemblée Annuelle de l’Union Diocésaine des Œuvres à Notre-Dame de Liesse, le 17 Octobre 1893, Chauny, Imprimerie G. Nougarède, 1894, pp. 13-18.
9)
LETTRE ENCYCLIQUE DU 15 MAI 1891.
10)
Rapport à l’Assemblée annuelle de l’Union des Œuvres du Diocèse à N.-D. de Liesse, publié dans La semaine religieuse du diocèse de Soissons et Laon, 15 septembre 1894, pp. 585-588; 22 septembre 1894, pp. 601-603.
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