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DISCOURS

SUR LE
DEPARTEMENT DE L'AISNE

Discours
sur le département de l'Aisne

DESCRIPTION – ART – HISTOIRE

MES CHERS ENFANTS,

Vous allez dans quelques instants prendre votre vol dans toutes les di­rections. Le champ le plus ordinaire de vos courses sera ce beau départe­ment de l'Aisne, auquel vous appartenez presque tous. C'est le moment de vous redire ce qu'il offre de plus remarquable, ce sera vous tracer un programme de vacances aussi attrayant qu'instructif.

Allons ensemble, si vous le voulez, nous asseoir un moment en haut d'une tour de la cathédrale de Laon, et là, regardons passer sous nos yeux les choses et les temps. Nos regards porteront au loin, et pour ce que nos yeux n'atteindront pas, nos souvenirs y suppléeront.

PHYSIONOMIE GENERALE

Voyez au Nord, c'est la grande plaine, la terre du blé, le grenier de la province: au printemps, vagues mouvantes d'épis verts; l'été, moissons dorées; chaumes ras en automne.

C'est aussi la terre des racines qui produisent le sucre; la terre de l'or­ge qui donne la boisson rafraîchissante.

De fraîches rivières y portent la fécondité. Voici la Serre avec ses tri­butaires. A ses tournants, s'élèvent des villes et bourgades. Plus loin, c'est l'Oise, avec ses affluents. Elle descend des collines de l'Ardenne. Sa vallée est riche et peuplée. Elle baigne six de nos chefs-lieux de canton, les aimables patries de plusieurs d'entre vous.

Puis c'est la Somme, qui s'enlise dans ses marais et passe bientôt dans un département voisin, son vrai domaine.

Toujours au Nord, au delà de la plaine fertile, ce sont les prairies et les bois; les gracieuses prairies qui donnent le lait, et les pommiers, nos orangers du nord, qui donnent le cidre pétillant. Les grands bois se par­tagent en claires futaies et taillis obscurs. Là, les chênes puissants, les hê­tres, les frênes et les bouleaux qui montent vers les nues. Ici, le charme, l'aulne, l'érable, le saule, le cerisier et le sorbier des oiseleurs.

Au Midi, ce ne sont que collines élevées et vallées profondes, cours d'eau joyeux et coteaux verdoyants. Tout ce que la nature a de séduisant s'y trouve réuni, et ces vallons sont comme le parc où les habitants de la capitale viennent passer les jours aimables de l'été.

Là aussi il y a de riches cultures et des forêts profondes, les plus belles de France, et les côteaux de la Marne, de l'Ourcq et de la Vesle prêtent leurs raisins aux Rémois pour en tirer le vin le plus français.

Mais la nature n'a pas seule contribué à enrichir et embellir ce coin privilégié de la belle terre de France, l'art et l'histoire y ont accumulé leurs joyaux et leurs souvenirs.

Et si l'on met à part la région de la grande plaine, qui a perdu dans de longues guerres et des invasions désastreuses presque tout ce qu'elle a possédé de belles églises et de grands manoirs féodaux, le département constitue un véritable musée monumental, historique et artistique dont l'opulence ne le cède à aucune province au monde.

Les joyaux de ce musée, les pièces de choix, au milieu des centaines de monuments historiques du Laonnois et du Soissonnais, sont les cathé­drales de Laon et de Soissons, les grandes collégiales de Saint-Quentin et de Braisne, l'Hôtel de Ville de Saint-Quentin; les camps romains de Vermand et de Saint-Thomas, les châteaux féodaux de Coucy, Fère-en­Tardenois, et la Ferte-Milon.

A l'éloquence des monuments s'ajoute la poésie des grandes ruines. Allez visiter Saint-Jean-de-Vignes, Saint-Médard de Soissons, Braisne, Nogent, Prémontré ou Longpont et ce qui reste d'autres solitudes peu­plées autrefois par des hommes de prière. Comme ils parlent à l'âme, ces arceaux habillés de vieux lierres, ces colonnes brisées, ces pans de murs qui menacent de se coucher à terre, ces amas de décombres cachés sous les saxifrages et les pariétaires!

Comme dit le poète:

Eh! qui n'a parcouru, d'un pas mélancolique,

Le dôme abandonné, la vieille basilique,

Où, devant l'éternel s'inclinaient ses aïeux,

Ces débris éloquents, ce seuil religieux,

Ce seuil où tant de fois, le front dans la poussière,

Gémit le repentir, soupira la prière.

A. Soumet

LES HABITANTS PRIMITIFS

Mais fermons un instant les yeux aux choses d'aujourd'hui et laissons notre imagination nous dépeindre les âges successifs de l'histoire. C'est d'abord la grande forêt, qui a jailli vigoureuse de cette terre ara­ble déposée partout par les eaux sur nos sous-sols de silex, de calcaire et d'argile.

C'est le règne de l'ours et du renard, de l'hyène et du lion des caver­nes, voire même de l'éléphant antique et du mammouth gigantesque. Les premiers habitants de nos contrées s'abritent dans les cavernes de nos collines calcaires. Ils disputent ces grottes aux renards et aux ours, et forment ces stations encore si reconnaissables dans les falaises qui bor­dent plusieurs de nos vallées1).

Dans nos plaines où le sol ne se prêtait pas à ces demeures souterrai­nes, les habitations sont des gourbis dont nos bûcherons ont gardé le se­cret.

Voyez-les, ces habitants primitifs, vêtus seulement d'une peau de bête fauve. Ils vivent de chasse et de pêche. Ils trouvent dans nos vallées, des rivières bien empoissonnées; dans les plaines, des bois giboyeux; sur les pentes, des sources fraîches; dans les ruisseaux, des projectiles pierreux pour leur défense.

Ils nous ont laissé dans leurs cavernes, leurs flèches, leurs haches et couteaux de silex, leurs pierres de frondes, leurs armes naïves, avec leurs crânes, leurs os et leurs osselets mêlés à ceux des bêtes, leurs victimes.

Les plateaux ou sommets qui dominaient ces grottes servent de forts ou d'acropoles. Ils portent encore, en maint endroit, des traces de rem­parts et de fossés2).

LES CELTES

Mais voici venir les premières invasions asiatiques. C'est vers l'an 600 avant Jésus-Christ. Ce sont comme des vagues humaines qui envahis­sent nos plaines et nos vallées.

Voyez-les s'avancer avec leurs chars et leurs troupeaux. Chaque tribu a ses hommes de guerre. Cavaliers farouches, ils s'avancent, casqués et cuirassés, la lance à la main et l'écu sur l'épaule.

Ces masses humaines se partagent les belles provinces de la Gaule. Le nord-est est pour les Kymris, hommes grands et blonds. Le centre et l'ouest pour les Celtes, plus petits et trapus, de cheveux et d'yeux noirs. Le sud est pour les Ibères et les Ligures.

Kymris et Celtes parlent une même langue qui se perpétuera jusqu'à nos jours en Bretagne, en Ecosse, en Irlande, au pays de Galles.

Les Celtes se superposent aux tribus dont ils ont brûlé les gourbis et enfumé les cavernes. Ils ont des lois, une civilisation relative, une orga­nisation militaire et religieuse, un art rudimentaire. Ils se divisent en clans et tribus. Notre région a ses cantons: le pays laonnois, dépendant de Reims, le Soissonnais, le Vermandois.

Voyez la Gaule se peupler vite d'hommes et de villes. Elle a ses ate­liers pour forger les armes de bronze et de fer de ses guerriers, pour mo­deler ses vases de formes diverses que nous retrouvons dans ses nécropo­les, pour frapper ses médailles et ses monnaies, pour ciseler ses torques, ses colliers et ses anneaux.

Les pasteurs gardent les troupeaux. La culture s'essaie à produire l'orge, l'avoine et le froment. Mais c'est la chasse qui passionne le plus grand nombre.

Des tumuli ou tombelles s'élèvent çà et là: tombeaux des chefs de tribus et autels pour les sacrifices. Les Romains en feront plus tard des postes d'observations et de signaux. L'arrondissement de Saint-Quentin en compte onze à lui seul3).

Les Suessions possèdent de vastes territoires. Un de leurs rois, Divi­tiac, étend son empire sur une grande partie de la Gaule et jusqu'en Bre­tagne.

La caste des Druides conserve la loi et les traditions nationales dans ses poésies sacrées. Elle préside à la prière, aux sacrifices, aux sépultu­res. Les pierres colossales dressées ou rangées remplacent les temples.

Nous rencontrons encore sur notre sol l'énigme des monuments celti­ques: dolmens et allées couvertes, peulvans ou menhirs, pierres isolées ou rangées en avenue, cromlechs ou cercles de menhirs, galgals et tumu­li; tout cela marquant des lieux sacrés et couvrant des sépultures4).

Les monuments mégalithiques ont été aussi nombreux dans notre Nord qu'ils le sont dans les départements de l'Ouest. Comme témoigna­ges probants, on peut citer les noms caractéristiques d'une quantité de lieux dits sur le cadastre officiel des villages de tous nos cantons5).

Près de nous les Hautes-Bornes, de la source de l'Escaut près du Câte­let, semblent avoir été un cercle de pierres ou cromlech.

L'alignement d'Orgeval, aujourd'hui fort réduit, comptait encore, au commencement de ce siècle, seize allées et plus de soixante blocs. Mais le christianisme naissant fera un abattage en règle de ces monu­ments de la superstition païenne. Le roi Childebert ordonnera la des­truction des monuments druidiques. Saint Eloi, aussi, invitera les chré­tiens à les détruire.

Les fouilles de nos cimetières nous disent ce qu'étaient l'art de ces Bel­ges et Gaulois, leurs armes, leurs outils, leur mobilier. Epées, poignards, lances, couteaux, débris de chars, harnais de chevaux, bijoux, torques, bracelets, ceintures, sortent chaque jour des tombeaux fouillés par MM. Moreau, Pilloy, Lelaurain et plusieurs autres6).

L'influence artistique, partie de Marseille et remontant vers le Nord, propage les vases moulés et les monnaies de métal avant même l'inva­sion romaine. Les monnaies portent le plus souvent un sanglier ou un cheval en liberté, symbole de la fierté et de l'indépendance nationales.

L’INVASION ROMAINE

Mais voici venir l'invasion romaine. César a conquis déjà la province lyonnaise, l'Aquitaine, la Séquanaise. Il est à Reims avec une belle ar­mée de 60,000 hommes. Les Rémois ont cédé facilement: peuple de plai­ne, ils ne sont pas aguerris à la fatigue et à la lutte. Mais que va-t-il adve­nir des Laonnois, des Suessions, des Vermandois et des autres peuples de la Gaule-Belgique?

Ils s'arment, ils s'organisent, ils s'unissent. Galba, le roi des Suessions est leur généralissime. Les voilà sur les bords de l'Aisne à Bibrax, prêts à défendre contre César le passage de la rivière. Quelles émotions patrioti­ques éprouvèrent alors nos aïeux, amis de leur liberté politique! Nous pouvons nous le représenter en nous rappelant les épreuves poignantes de 1870.

Mais César a réussi à passer l'Aisne au gué de Guignicourt. Il s'ap­puie sur le camp de Mauchamp. Il remporte un premier succès au bord de la Miette. Les alliés désespérant de le forcer dans ses positions déci­dent de se retirer dans leurs tribus où ils l'attendront. Ils s'éloignent sans se garder. César poursuit les Suessions et les bat; il s'empare de Sois­sons: le coup décisif était porté à notre indépendance nationale7). Le vainqueur s'avance bientôt chez les Bellovaques et les Ambiens. Mais il lui reste un dernier coup à frapper. Les Nerviens, les Atrébates, les Vé­romanduens, les Aduates et les Trévires ont reformé une belle armée sur les bords de la Sambre, près de Hautmont. César s'approche d'eux et la bataille s'engage. Un moment la droite des Romains fléchit, elle est en­tourée par les Nerviens, le moment est critique. César prend le bouclier d'un soldat et s'avance lui-même au 1er rang. Il ranime le combat; son arrière-garde arrive; la face du combat a changé: César est encore une fois vainqueur et toutes les tribus se soumettent jusqu'au Rhin. La Bel­gique est devenue romaine.

LA PREMIERE EVANGELISATION

C'est alors que les premières semences de l'Evangile sont jetées parmi nous.

Notre région était, comme le centre des Gaules, dans l'attente prophé­tique du Rédempteur. Nogent-sous-Coucy avait comme Chartres son autel à la Vierge qui devait enfanter.

Aux temps apostoliques, la Gaule était en relations journalières avec Rome. Quelques apôtres ardents et généreux étaient venus fonder les premières églises des Gaules. Saint-Pierre avant sa mort pouvait écrire que l'Evangile était prêché dans tout l'univers alors connu.

Pendant que Sergius Paulus évangélisait Narbonne, saint Trophime fondait l'église d'Arles; saint Crescent, celle de Vienne; saint Martial, celle de Limoges; saint Front, celle de Périgueux; les saints Materne et Valère, celle de Trèves, saint Eutrope, celle de Cologne. Reims et Sois­sons, les grandes villes de la Gaule-Belgique ne pouvaient pas être ou­bliées. Nous acceptons volontiers la tradition qui place aux temps apos­toliques leur première évangélisation par saint Sixte et saint Sinice. Saint Front, l'apôtre de Périgueux, était venu aussi dans le Nord et y avait semé la foi. Neuilly garde la pierre d'autel et les linges qui lui ser­vaient pour le sacrifice eucharistique.

LA CIVILISATION ROMAINE

La conquête par les armes étant achevée, les Romains se fixent dans les provinces gauloises pour les gouverner et les coloniser. Ils y transpor­tent les habitudes et les commodités dont ils jouissaient en Italie. Bien­tôt, ils couvrent la Gaule de monuments somptueux, temples, théâtres et cirques, villas et palais, enrichis de statues, de peintures, de mosaïques, d'inscriptions, de marbres précieux. Les splendeurs de Marseille, d'Ar­les, de Fréjus, d'Aix, de Vienne, de Lyon se reproduisent dans le nord.

Les premiers palais sont construits sous la protection des villes. Sois­sons en compte deux principaux, le château de Crise et le palais d'Albâ­tre. Avec le logement des gouverneurs, il y a là des arsenaux, des caser­nes, des magasins militaires. Le palais d'Albâtre est un vaste et riche monument. Les fouilles, opérées dans ses ruines à plusieurs reprises et particulièrement au XVIIIe siècle, y ont fait retrouver une grande quanti­té de marbres, des débris de jaspe et de porphyre, des fûts et châpiteaux de colonnes, des bases de colonnades en place, des peintures murales, des statues et statuettes, des mosaïques, des vases divers, des pierres gra­vées. De là, est venu aussi le beau groupe des Niobides, une des gloires du musée de sculpture du Louvre.

Nos principales villes ont des théâtres et des bains. Il en reste des rui­nes à Soissons et à Vervins et quelques débris avec une inscription à Nizy-le-Comte.

Le théâtre de Soissons, plus grand que celui de Marcellus à Rome, avait 144 mètres de diamètre et pouvait contenir 22,000 spectateurs; il surpassait ceux d'Arles et d'Orange. Celui de Vervins pouvait en conte­nir 6,000; il avait 60 mètres de diamètre.

Les représentants de l'administration romaine d'abord, puis les riches Gaulois, à leur exemple, élèvent des villas et palais. Quelques-unes de ces villas se sont révélées par des fouilles faites de notre temps. Nizy en avait deux8). Chacune d'elle a son habitation de maître «urbana ou Pretoria» avec atrium ou galerie, impluvium ou cour, appartements ornés de mosaï­ques et de peintures et son quartier de ferme, « agraria ou rustica», les éta­bles et écuries «bubilia, ovilia, equilia», la basse-cour «Gallinaria», les gran­ges et fenils «Fenilia».

On y a retrouvé des monnaies du haut empire, d'Auguste, de Tibère, de Claude, et d'Adrien et dix mètres de peintures murales à personnages et scènes variés.

L'Atrium corinthien à colonnes surpassait les plus beaux de Pompéï. Blanzy (Blanditiae) avait aussi sa villa.

Bazoches (Basilia) avait la sienne: villa impériale avec tribunal et gre­nier public. Les saints martyrs Ruffin et Valère en furent les régisseurs. Berry-au-Bac nous a révélé la sienne en 1840; Chambry en 1856; Bourg­et-Comin en 1859; Chalandry en 1864. Celle-ci nous a donné des vases, des coupes, des cuillers, des couteaux, des mors de cheval et une statuet­te de Vénus. Le tout est au musée de Laon.

Arlaines (Aureliana), près Vic-sur-Aisne, nous a donné sa belle mo­saïque en 1811, avec des bronzes, des médailles, des vases, des armes, des stylets, des colonnes.

Ciry-Salsogne nous a donné des mosaïques, des colonnes, des peintu­res.

La villa de Limé, au lieu dit la ville d'Ancy, avait des monnaies, des flûtes, des statuettes. Le Coquerel, près de Flavy, nous a livré des bron­zes d'art et plus de mille monnaies. Il faudrait citer encore Bucilly, Ju­migny, Terva et cent endroits divers où les villas sont rappelées par les lieux dits la ville ou le tour de ville.

Quelle variété dans l'art de cette époque! Il faut revoir dans nos mu­sées de Laon, de Soissons, de Saint-Quentin et de Vervins ce qu'on y a recueilli des mosaïques de Nizy, de Blanzy, de Vailly, de Bazoches, de Soissons; les statues et bronzes d'art de Soissons, de Bucilly, de Buiron­fosse et de Cugny; les vases, les bijoux et les armes de Caranda, de Chas­semy, de Sablonnières, de Goudelancourt, d'Etreux, du Vieil-Arey, de Chambry, de Vermand.

Une mention spéciale à la belle mosaïque de Blanzy «Orphée char­mant les animaux», au musée de Laon; aux épées et javelines de Caran­da; aux statuettes religieuses des dieux gaulois.

Après les œuvres d'art rappelons les grands travaux publics: les camps, les routes, les enceintes de villes.

Citons seulement les camps de Vermand, de Saint-Thomas, de Mau­champ, de Condé-sur Suippe, de Terva, (près La Hérie) et de Laon.

L'empereur Valentinien, dit l'historien Ammien-Marcellin, fortifiait par des remparts et des forteresses les frontières de la Gaule si menacées par les invasions des barbares9).

Les voies romaines sillonnaient notre département. M. Amédée Piette en a relevé trente-huit. La grande voie de Rome, en Angleterre, le tra­versait en passant par Reims, Soissons, Noyon, Amiens et Boulogne.

Malheureusement pour exécuter ces grands travaux, les Romains se servent de nos braves aïeux, les Gaulois qu'ils ont réduits par milliers en esclavage.

LA SECONDE EVANGELISATION – LES MARTYRS

Cependant la foi était ou engourdie ou détruite par les premières per­sécutions. L'Eglise de Rome nous envoie une nouvelle légion d'apôtres au IIIe siècle. Saint Quentin est leur chef. Ils donneront leur vie pour la foi, mais leur sang sera une semence féconde.

C'est en 287 sous Maximien Hercule que commence la grande perse­cution qui nous a donné nos plus glorieux martyrs.

Rictius Varus, préfet de la Gaule-Belgique, est l'exécuteur de ses hau­tes œuvres. C'est lui qui fait torturer et supplicier les saints Rufin et Va­lère à Bazoches; sainte Macre à Fismes; les saints Crepin et Crepinien à Soissons; saint Quentin à Augusta Veromanduorum.

Saluons à leur passage ces jeunes apôtres. Ils ont aimé nos aïeux. Ils sont venus au péril de leur vie nous apporter la foi, la civilisation chré­tienne, l'eucharistie. Nous étions des barbares, ils nous ont fait chré­tiens, je les salue et les remercie.

LES BARBARES

Nos populations ont passé peu à peu à la langue et à la civilisation lati­nes. Elles parlent toutes le latin quand Rome vient à perdre l'empire sous la pression des hommes barbares de toutes races et de tous pays, Vandales, Huns, Alains, Goths, Suèves, Burgundes, Francs qui enva­hissent nos provinces.

En 407, ce sont les Vandales qui s'avancent. Les Romains trouvent sur les bords de l'Aisne des alliés dévoués et courageux qui les assistent vaillamment dans leurs efforts pour repousser l'ennemi commun. Les Suessions et les Laonnois se signalent dans la résistance victorieuse qui est opposée à l'invasion.

En 451, ce sont les Huns qui arrivent, conduits par Attila et sembla­bles à un océan dont les vagues couvrent la plaine. Laon et le Verman­dois sont livrés au pillage, mais à Soissons, Attila recule devant la majesté toute surnaturelle du saint pontife Edibe, comme il devait le fai­re à Troyes devant saint Loup, en Italie devant saint Léon.

LES FRANCS

Les Francs, profitant de l'anarchie générale, avaient passé le Rhin et avaient fondé un nouvel état dans le nord de la Gaule en 447. C'est un nouvel élément de notre race. Voyez leur taille élevée et leur allure mar­tiale. Ils manient vigoureusement la francisque et s'abritent sous le pa­vois. Odin, le dieu de la guerre, leur inspire la passion des combats. Ils attendent comme la récompense des braves, les joies de la Valhalla. Bientôt ils s'avancent jusqu'à la Somme. Setius, préfet de la Gaule ro­maine, les refoule. Ils reviennent en nombre et s'établissent à Cambrai et à Augusta de Vermandois en 460.

Soissons est la capitale des provinces restées romaines entre le Rhin et la Loire. Siagrius en est le gouverneur.

Clovis, le chef des Francs, ne craint pas de l'attaquer. Soissons cède. C'en est fait de la domination romaine. Clovis s'établit à Soissons en 486 et deux ans après à Lutèce. Il distribue les villes de l'empire à ses offi­ciers. Il épouse une princesse chrétienne, Clotilde, nièce du roi des Bur­gondes. On sait son acte de foi à Tolbiac, son baptême à Reims, en 496. Avec son concours, saint Remi fonde l'évêché de Laon en l'an 500.

Dès lors les mœurs des Francs s'adoucissent, leur goût se renouvelle; leur langage se refait. La foi chrétienne exerce sur eux son salutaire em­pire.

C'est la première période des constructions religieuses. De nombreu­ses églises s'établissent10).

Désormais les tombeaux des mérovingiens se mêlent à ceux des Gallo­Romains, des Romains et des Celtes dans nos cimetières primitifs. Ce sont des réserves qui nous révèlent aujourd'hui quelque chose de l'art de ce temps-là.

La curiosité des archéologues de notre temps s'est portée vers ces cimetières11). Nous avons été émerveillés d'y rencontrer avec de fines po­teries et des verres délicats, de cent formes diverses, toute une joaillerie des plus riches, des plaques de bronze ciselées et argentées, des fibules gravées et en relief, des filigranes d'or et d'argent, des émaux, des da­masquinures.

Nos rois francs ont de nombreuses villas. Grands amateurs de chasse, ils préfèrent ce séjour à celui des villes. Crécy, Versigny, Servais, Chaourse sont des résidences royales12).

Ces villas forment comme des cités complètes. Elles possèdent, grou­pés dans leur enceinte, des ateliers nombreux où s'exercent, au profit du roi, de sa cour de leudes, de guerriers, de prêtres, de serviteurs et de serfs, tous les arts manuels, ceux de l'orfèvrerie, de l'armurerie, du tissa­ge des étoffes, de la broderie, de la passementerie, de la peausserie, de la boucherie, de la boulangerie, etc.

Les seigneurs ont en outre d'innombrables villas particulières.

LES VIe ET VIIe SIECLES

Les VIe et VIIe siècles sont attristés par bien des désordres politiques. Vous voyez les luttes intestines des royaumes de Soissons, de Bourgogne et d'Austrasie se renouveler à chacun des partages de la France entre les enfants et les successeurs de Clovis. La longue rivalité de Frédégonde et de Brunehaut ensanglante à plusieurs reprises notre région.

Malgré cela la religion se développe et multiplie ses fondations13).

En 545, Clotaire Ier fonde l'abbaye de Saint-Médard.

En 585, Brunehaut fonde l'abbaye de Saint-Vincent de Laon.

En 640, sainte Salaberge, de noble lignée, fonde Saint Jean de Laon. En 660, Leutrude, femme d'Ebroïn, fonde la grande abbaye de Notre-Dame de Soissons qui comptera plus tard jusqu'à 1200 religieuses et recevra dans ses rangs plusieurs princesses du sang de Charlemagne. Vers 640, un groupe de pieux disciples des moines d'Ecosse, vient édi­fier nos aïeux. C'est au moment où les monastères d'Ecosse et d'Irlande, sous la règle de saint Colomban, sont à l'apogée de leur développement et de leur ferveur. Plusieurs chrétiens ardents de ces régions du Nord viennent dans nos provinces, soit pour y trouver la solitude, soit pour y exercer l'apostolat.

De ce nombre sont saint Furcy, saint Gobain, saint Momble, saint Al­gis, saint Eloque.

Saint Gobain est martyrisé en 670 par les ennemis que ses prédica­tions lui ont suscités.

Vers le même temps, saint Eloi (mort en 659) remplit toute la contrée par le renom de ses œuvres. Il découvre miraculeusement le corps de saint Quentin. Il relève l'église du grand martyr. Il revêt son corps d'une châsse, d'une merveilleuse richesse et il fait de même pour les corps des saints Crépin et Crépinien.

L'Eglise fait l'éducation de la nation. Un illustre protestant l'a dit14): «Les évêques ont fait la France, comme les abeilles font une ruche».

LES CARLOVINGIENS

Mais voici venir des héros dont les noms retentissent avec gloire dans notre épopée nationale: Charles Martel, Pépin le Bref et Charlemagne. Charles Martel, duc d'Austrasie et maire du palais du roi Chilperic II, qu'il a vaincu à Soissons; Charles Martel, le vainqueur des Saxons, des Frisons, des Allemands, des Bavarois; le vainqueur du sultan Abdé­rame et des Sarrasins à Poitiers; Charles Martel, le sauveur de la patrie et de l'Europe chrétienne, aime à séjourner dans nos villas royales du Soissonnais et du Laonnois. C'est à la villa de Quierzy, qu'il finit sa vie glorieuse en 741.

Pépin le Bref, le premier roi carlovingien, le vainqueur des Lombards et le glorieux soutien du saint Siège habite le plus souvent Soissons. Il y est sacré roi de Neustrie par l'illustre apôtre de l'Allemagne, saint Boni­face, en 752.

C'est à Soissons et à la villa de Quierzy, qu'est élevé Charlemagne, le grand empereur. Il est couronné et sacré roi de France à Noyon en 768. Il habite souvent la villa de Versigny, près de La Fère. C'est là qu'il reçoit la visite et les présents d'Hildebrand, due de Spolète en 779.

C'est à Quierzy qu'il reçoit la visite de Léon III.

C'est avec ses largesses que son parent Fulrad, abbé de Saint­Quentin, reconstruit la basilique du martyr, qui est consacrée en 814. Le grand empereur donne une vive impulsion aux lettres et aux arts. Il encourage les écoles existantes dans nos villes épiscopales. Il fait venir de Ravenne et de Constantinople des artistes, qui, par l'emploi de la coupole et de l'ornementation néo-grecque renouvellent l'art plastique en France. La stupide fureur des empereurs iconoclastes de Constanti­nople aide à cet exode des artistes orientaux en France. Des manufactu­res de bijoux, d'armes et d'étoffes s'ouvrent dans nos villes. Les ateliers de copistes de nos monastères se développent.

C'est de cette époque que datent les splendides manuscrits de la bi­bliothèque de Laon et de la basilique de Saint-Quentin.

Saluons, acclamons le glorieux empereur des Francs.

Il est la gloire de notre race, il lui a donné un renom que dix siècles n'ont pas effacé. Il a repoussé les Sarrazins et converti les Saxons. Il n'a rien touché qu'il n'ait agrandi, le territoire national, les lettres, les arts, l'Eglise elle-même. Les peuples païens en auraient fait un dieu. La le­gende en a fait un homme plus grand que nature. Nous-mêmes saluons en lui le plus grand de nos rois, le premier des chevaliers et l'honneur de la France!

Sous Louis le Débonnaire, la dignité impériale est deux fois humiliée, par l'emprisonnement du prince à Saint-Médard en 829 et par sa péni­tence publique en 838.

Sous Charles le Chauve, la renaissance carlovingienne atteint son apogée.

Les villas royales reçoivent de nouveaux accroissements et embellisse­ments. Landifay, Sains, Courjumelle, Manicamp, Pierremande, Bari­sis, ont des villas florissantes. Mais Quierzy et Servais surtout ont les fa­veurs royales. Ces deux maisons sont le plus souvent habitées par la cour.

Le nom de Quierzy se rattache à l'un des événements les plus impor­tants de notre histoire. C'est là qu'a été signé par Charles le Chauve, en 877, le capitulaire qui constituait la féodalité, en rendant le gouverne­ment des provinces héréditaire.

Charles le Chauve, comme Louis-le-Débonnaire, aime beaucoup Ser­vais, villa voisine des forêts de Saint-Gobain.

Il s'y livre à la chasse. A plusieurs reprises, il y tient son parlement. Plusieurs chartes royales sont datées de Servais (Serviaco palatio regio). Un grand événement religieux du règne de Charles le Chauve est la dédicace de l'église Saint-Médard à Soissons, en 841. Soixante-douze évêques y assistent. Charles le Chauve veut porter lui-même avec des seigneurs de sa cour les reliques du saint sur ses épaules.

Mais ces palais et villas vont subir bientôt le pillage des Normands, dont les invasions vers le milieu du IXe siècle, ouvrent pour la contrée une nouvelle série de désastres.

En 858, ils apparaissent pour la première fois en Picardie et mettent tout à feu et à sang.

En 882, ils passent l'Oise et ravagent la Thierache, le Laonnois et le Vermandois. Les églises sont détruites de fond en comble, les villages ré­duits en cendres et les populations contraintes à errer fugitives et sans asile.

L’ART DU VIIIe AU Xe SIECLE

Pendant cette période du VIIIe au Xe siècle, l'art roman s'est développé successivement. Un très grand nombre d'église ont été construites. Plu­sieurs ont survécu jusqu'à nous.

Fontenoy, dans le Soissonnais, représente l'architecture du Bas­-Empire.

Trucy. Saint-Bandry, Saint-Thibaut rappellent par les figures et des­sins de leurs chapiteaux, frises et corbeaux, l'art des mérovingiens, tel qu'il se montre sur les bijoux de leurs tombeaux.

Cerny et Montchalons ont des narthex ou pénitentiers qui rappellent la discipline des premiers siècles chrétiens15).

Vous reconnaîtrez les églises de ce temps à leurs lourds piliers, à leurs voûtes sans arceaux; vous verrez aux voussures de leurs portails et de leurs chapiteaux des rosaces et des enroulements au milieu desquels ap­paraissent des croix, des oiseaux fantastiques, des serpents, des chime­res.

On reconnaît les mêmes dessins sur les manuscrits sortis des scriptoria des célèbres monastères écossais d'Iona où saint Colomban avait, dès le vie siècle, créé des écoles florissantes d'art et de littérature.

Pendant tout le Xe siècle, sous les derniers carlovingiens, Laon est le centre des possessions royales et comme le siège de la monarchie. Louis IV d'Autremer y est sacré en 936 par l'archevêque de Reims.

Les écoles de Laon ont un éclat exceptionnel au XIe siècle, Anselme de Laon, l'illustre docteur, est un disciple de saint Anselme, de Cantorbé­ry. Il a lui-même pour élève Guillaume de Champeaux.

Aux IXe, Xe et XIe siècles, les rois et les seigneurs féodaux ouvrent dans leurs domaines des asiles à la prière.

Les grandes abbayes jouent un rôle social important, en développant l'enseignement, la bienfaisance, l'hospitalité, les arts et les métiers.

Hermentrude, épouse de Charles le Chauve, fonde l'abbaye d'Ory­gny. - Charles le Simple fonde celle de Corbeny dans sa maison royale pour y recevoir les reliques de saint Marcoul. C'est là que tous les rois, depuis saint Louis jusqu'à Louis XIII, iront au lendemain de leur sacre pour accomplir un pèlerinage traditionnel.

Héresinde, comtesse de Vermandois, fonde Bucilly et saint Michel; Albert Ier de Vermandois fonde Saint-Prix; Alberic de Coucy fonde No­gent, la grande abbaye savante qui devait donner à la France deux de ses grands chroniqueurs, Guibert, l'auteur du Gesta Dei per Francos et Mabil­lon.

Enguerrand de Coucy fonde Saint-Nicolas-au-Bois. Thibaut de Champagne fonde Coincy.

Anselme de Ribemont fonde Saint-Nicolas, dans ses domaines.

Au XIe siècle, alors que les populations se sentent soulagées des vaines erreurs de l'an mille, une véritable fièvre de bâtir s'empare de toutes nos provinces16). Presque toutes les églises et abbayes sont renouvelées. - C'est la période du roman secondaire. - Les arceaux et les voûtes sont plus élancés. Une tour centrale caractérise la plupart des églises de ce temps-là17). Les ornements des arceaux et des chapiteaux sont plus gra­cieux et plus variés18).

Les carrelages imitent les tapis et les étoffes de l'Orient.

LA FEODALITE

A la suite du capitulaire de Quierzy, les seigneurs, sous prétexte de se défendre, avaient établi sur leurs terres ces fertés, ces châteaux, ces re­tranchements qui ne tardèrent pas à devenir pour quelques-uns un moyen de se livrer avec plus de sécurité au brigandage et une occasion de s'affranchir de l'autorité: de là les guerres de seigneur à seigneur, de château à château.

Thomas de Coucy, seigneur de Vervins et de Marle, est un des plus célèbres champions de la féodalité. Ce farouche baron toujours en guer­re avec ses voisins et avec les ecclésiastiques, fait gémir longtemps la con­trée sous ses cruautés et ses déprédations. Il ne faut rien moins pour le réduire à l'obéissance que l'intervention du roi, Louis le Gros, qui vient en personne mettre le siège devant les château de Crecy et de Mouvion­l'Abbesse et les lui enlève d'assaut (1117).

LES COMMUNES

Mais au milieu de l'anarchie féodale et de ses déchirements intestins, la liberté fait de continuels efforts pour secouer ses entraves. Les villes donnent le signal.

Les campagnes s'associent à ce mouvement, et vers 1210, l'affranchis­sement est à peu près accompli dans le pays tout entier.

Les évêques et le clergé contribuent généreusement à cet affranchisse­ment des communes. Il y eut une triste exception à Laon, mais elle s'ex­plique.

Laon avait alors pour évêque, un étranger. Gaudry, créature du roi d'Angleterre, Henri II, et imposé par lui, ancien reférendaire de la cour, baron plutôt qu'évêque, et peu soucieux des intérêts de son peuple. Son clergé, en son absence, avait accordé la charte communale. Il amena le roi, Louis le Gros, à la révoquer en 1112.

De là l'insurrection de la bourgeoisie et des serfs qui mirent tout à feu et à sang. La charte fut rétablie.

Les communes qui peuvent désormais travailler et commercer plus li­brement voient refleurir les arts et le commerce.

Le mouvement communal a d'ailleurs un sens tout chrétien. Les mayeurs et échevins élus chaque année à la fête de Pâques prêtent ser­ment devant l'autel, de faire bonne justice et de garder les droits et privi­lèges des villes.

LES CROISADES

Cependant voici que les croisades soulèvent le monde. C'est un pape, ne au diocèse de Soissons, qui les provoque.

C'est à Binson, au diocèse de Soissons à ce temps-là, qu'est né Urbain II. On voit là, aujourd'hui, dans la splendide vallée de la Marne, sur la route de Reims à Paris, se détacher la statue du grand pontife, sur les ruines de son castel familial et au-dessus de l'église où il reçut le baptê­me.

Le plus grand nombre des barons du pays prennent part à ces guerres saintes provoquées par un pape soissonnais et un religieux picard, Pierre l'Ermite, et les plaines de l'Orient voient flotter à diverses reprises les bannières des sires de Coucy et d'Avesnes, des comtes de Soissons, de Châtillon, de Ribemont, de Guise et de Marle autour desquels se pres­sent une multitude de seigneurs et de serfs, entraînés par cet enthou­siasme religieux qui pousse l'Europe sur l'Asie.

Anselme de Ribemont meurt au siège d'Acre.

Hugues le Grand de Vermandois se distingue au siège d'Antioche et meurt de ses blessures à Tarse.

Roger de Berthenicourt est tué au siège d'Antioche.

Jacques de Guise, à la troisième croisade, est appelé la colonne de l'ar­mée. Il s'y fait remarquer par la sainteté de sa vie19).

Comment ne pas saluer ici ces vaillants soldats du Christ qui s'en vont. Ce sont nos aïeux et nous avons le droit d'en être fiers. L'histoire n'a gardé que les noms des chefs de ces milices saintes, mais toutes les classes de la population y ont pris part. Au prix de quels sacrifices ne sont-ils pas allés frapper au cœur le plus terrible ennemi de la foi et de la civilisation? Nous ne leur sommes pas assez reconnaissants. Leurs noms ne sont pas assez honorés parmi nous. Faisons-leur aujourd'hui répara­tion d'honneur.

APOGEE DU MOUVEMENT RELIGIEUX

Les croisades ont développé un mouvement de foi prodigieux.

Les fiers barons deviennent accessibles à des sentiments plus doux, et, sous l'influence du clergé, ils semblent vouloir racheter leurs fautes par des fondations religieuses et de riches dotations.

Il faut prier avant le départ pour les croisades. Il faut prier pour le re­tour de ceux qui sont partis. les foules se portent vers les pieux sanctuai­res.

En 1128, lors de la grande épreuve de la peste des ardents, le sanctuai­re de Notre-Dame de Soissons reçoit plus de 200,000 pèlerins.

C'est en 1134 que commence le pèlerinage de Liesse, si cher à toute notre région. On sait l'histoire de ces seigneurs de Coucy, d'Eppes et de Marchais, devenus chevaliers de Saint Jean, prisonniers en Orient et délivrés par une princesse de la cour d'Egypte qu'ils ont convertie. Ils rapportent avec eux la statue miraculeuse de la vierge Marie.

Un sanctuaire abrite la statue et devient bientôt le grand pèlerinage national. Le pape Clément VII, en l'enrichissant de privilèges spirituels, constatera que la Providence divine y multiplie les miracles.

D'autres pèlerinages attirent également les foules: celui de saint Quentin; celui de saint Sébastien et des saints Crepin et Crépinien, à Soissons; ceux de saint Rufin, à Bazoches; de sainte Benoîte, à Origny; de sainte Hunégonde, à Homblières; de saint Marcoul, à Corbeny; de sainte Macre, à La Fère; de saint Béat et de saint Canoëld, à Laon; de la sainte Face, à Montreuil.

L'abbaye de Braisne aussi offrait chaque année aux pèlerins ses splen­dides processions du Saint Sacrement. C'est qu'il y avait eu là, en 1152, un beau miracle eucharistique. Jésus-Enfant avait apparu sur la Croix en présence de l'archevêque de Reims, de Henri de France, frère du roi, de l'évêque de Soissons et des juifs de la ville qui se convertirent aussitôt et demandèrent le baptême. C'est la Révolution de 1793 qui a détruit avec tant d'autres trésors ce qui restait de l'Hostie du miracle, avec le ca­lice et les ornements rappelant cette date miraculeuse.

Du haut de notre observatoire, saluons la Madone de Liesse, la Vier­ge miraculeuse, qui vient établir près de nous son trône de miséricorde. Combien ce cher pays de l'Aisne lui doit de grâces, de consolations, de douces joies.

Envoyons-lui nos acclamations et prions-la de nous bénir.

LES COUCY

Les Coucy ont droit à un souvenir spécial. C'est la grande famille féo­dale de la région.

Sans doute, on constate souvent chez eux le réveil d'instincts barba­res, mais à côté de cela, quels beaux élans de foi et de générosité chevale­resque!

Alberic de Vermandois est la souche de la famille. C'est d'Enguer­rand Ier, son fils, que date l'illustration de la maison.

Thomas de Marle, le baron indompté et cruel, va faire pénitence à la première croisade.

Enguerrand II prend la croix en 1146. Un trait reproduit souvent par la sculpture symbolise son courage. Il tue un lion de sa main en Orient. Raoul Ier accorde une charte communale à Marle et à Vervins avant de partir pour la croisade, où il trouve la mort au siège de Saint Jean-d'Acre (1191).

Raoul II est tué à la Mansourah, aux côtés de saint Louis. Enguer­rand III élève la famille à son apogée. C'est lui le constructeur du plus beau château féodal du monde, dont les ruines nous émerveillent encore. Il fallait voir ce château dans sa splendeur, complété par l'enceinte de la ville et formant le centre d'un camp retranché, dont les châteaux de Marle, de Saint-Gobain, d'Assis, de La Fère et de Folembray étaient les forts avancés.

Enguerrand III se bat à Bouvines avec Philippe-Auguste et prend part à la croisade contre les Albigeois. Sa renommée militaire est européen­ne.

Plus tard, Enguerrand VII épousera la fille du roi Edouard III d'An­gleterre; il accordera une charte collective à vingt-sept communes de la région, en 1368. Il sera un des chefs de la croisade de 1396 et il mourra prisonnier du sultan Bajazet en 1397.

Le domaine de Coucy devait passer en 1400 à la famille d'Orléans.

L’ART A L’EPOQUE DE LA TRANSITION

Cependant, l'art national se transforme. L'ogive va dominer pendant plus de quatre siècles et demi, pour reparaître avec éclat de nos jours. Elle se manifeste tout d'abord dans notre France du Nord, l'ancienne France carlovingienne, dans l'Ile-de-France, le Valois, le Beauvaisis, le Soissonnais, le Laonnois. Le Midi lui est hostile pendant longtemps. Les autres provinces n'ont pas connu l'époque de transition qui nous est spéciale20).

L'art roman, dans ses dernières manifestations, a singulièrement pro­gressé. La main de ses sculpteurs taille avec une merveilleuse habileté des feuillages, des fleurs et des rinceaux qui ne rappellent plus en rien les vieux méandres, et entrelacs si chers aux temps mérovingiens et carlo­vingiens.

Parmi ses végétations d'une flore luxuriante, il sait grouper des scè­nes, des tableaux, comme il en entrera bientôt dans les livres historiaux, comme les peintres de vitraux en dessineront au XIIIe siècle sur les gran­des verrières de couleur, et les sculpteurs habiles sur les tympans des vastes portails des cathédrales.

SAINT BERNARD ET LA REFORME ARTISTIQUE

Mais combien de notes discordantes! Que d'attentats au bon sens et même à la pudeur jusqu'à la réaction provoquée par saint Bernard. La lettre du grand réformateur à Guillaume, abbé de Saint-Thierry a fait époque. Il se plaint des richesses de mauvais goût. Il se plaint de la profusion des couleurs, et en particulier des inepties, des figures bouf­fonnes ou païennes qui se trouvent sur les pavés21).

La réforme ne se fait pas attendre. L'église de l'abbaye de Longpont, bâtie sous cette influence, est pure de ces inepties. Saint-Martin de Laon, bâtie de 1124 à 1132 est exempte des diableries banales et con­nues.

La cathédrale de Laon, bâtie sous un prélat ami de saint Bernard, a moins de monstres que les édifices romans et ces monstres sont autre­ment compris et dessinés.

La belle abbatiale de Saint-Michel est de cette époque là aussi. Vers le même temps a commencé la construction de notre basilique actuelle de Saint-Quentin.

La cathédrale de Laon a préparé la perfection atteinte par l'art ogival à sa prochaine apogée.

APOGEE DE L’ART FRANÇAIS

Ce département est bien le centre le plus riche, et la source de cet art ogival que les Italiens appelaient, dès le XIIIe siècle, l'art français (opus francigenum).

Avant Nicolas de Pise et Giotto, qui vécurent à la fin du XIIIe siècle, le XIIe siècle avait rempli nos grandes églises de chefs-d'œuvre anonymes. Nos peintres nationaux avaient couvert de leurs œuvres nos immen­ses verrières. Nos sculpteurs avaient illustré et fouillé les arceaux, les voussures des portails, les frises et les corniches.

Nos émailleurs envoyaient leurs chefs-d'œuvre jusqu'en Italie. Ils étaient mandés à Aix-la-Chapelle par l'empereur Frédéric-Barberousse, pour orner la châsse de Charlemagne.

Vilart de Honnecourt, artiste picard au XIIIe siècle, prenait en pas­sant, des dessins à Laon pour aller construire des églises et cathédrales à Bamberg, à Lausanne, à Neubourg et jusqu'à Cassovie en Hongrie22).

L'évêque Barthélémy de Laon et l'évêque Josselin de Soissons sont les promoteurs du grand mouvement artistique de ce temps là.

Les plans de la cathédrale de Soissons, des collégiales de Braisne, de Longpont et du Mont-Notre-Dame appartiennent à la fin du XIIe siècle. C'est à l'influence de l'Eglise seule que revient l'honneur de cette ma­gnifique manifestation de l'art ogival dans sa pureté primitive.

Cet art français, éclos à Laon, à Noyon et à Soissons, fit école dans une partie notable de l'Europe chrétienne. Ce type, enfanté par le génie, les artistes l'ont copié librement dans la région voisine, comme à Reims, dans les provinces plus éloignées comme à Paris, dans les pays lointains comme à Lausanne.

L'architecture du XIIIe siècle est, au jugement d'excellents esprits, la dernière expression de la perfection de l'art.

Comment ne pas remercier ici Mgr Duval, d'avoir rendu à notre belle cathédrale de Soissons toute la fraîcheur de sa jeunesse. Il a vraiment he­rité du goût si pur et si élevé de son illustre prédécesseur du XIIIe siècle, l'évêque Josselin.

Beaucoup d'églises de campagne ont fait écho à ces merveilles de l'art français. Elles en imitent la simplicité et la grandeur, la dignité et l'harmonie23).

Mais à côté des merveilles de l'architecture, et comme leur complé­ment, il faudrait signaler les chefs-d'œuvre des peintres verriers, et les arts connexes, celui des émailleurs et des sculpteurs.

Le treizième siècle mania aussi le fer avec une incroyable habileté, té­moin les grilles de Braisne, les portes du chœur de Saint-Quentin, les crucifix de cimetières de Crezancy, de Mézy-Moulins et autres.

Laon, Saint-Quentin, Soissons, Château-Thierry ont gardé quelques­unes de leurs verrières.

Soissons avait des stalles superbes du XIIIe siècle.

LES ABBAYES ET LEUR INFLUENCE

Les évêques de Laon et de Soissons contribuèrent avec saint Bernard au grand mouvement monacal de ce temps-là.

L'évêque Barthélemy, lié avec saint Bernard, fonde avec lui la grande abbaye de Foigny en 1124. C'était le séjour favori de saint Bernard. Il s'y livrait lui-même à la culture des champs. On y montrait encore sa modeste cellule au XVIIe siècle.

En 1125, saint Bernard fonde l'abbaye de Saint-Martin de Laon. En 1132, il fonde celle de Longpont. Il amène en chacune d'elles des essaims de Citeaux et de Clairvaux.

Des hommes du monde, des seigneurs, des princes mêmes se retirent dans la solitude, attirés par le charme surnaturel d'une vie toute de vertu et de charité.

Voyez-les, ces moines cisterciens si grands sous leur humble robe de bure, voués tour à tour à l'étude dans leurs cellules, aux chants sacrés sous les voûtes de leurs majestueuses basiliques, aux travaux du labou­reur et de l'ingénieur dans les campagnes, aux inventions de l'artiste dans leurs fondations nouvelles24).

En 1120, l'évêque Barthélemy avait aidé aussi saint Norbert à fonder Prémontré. Quelques années plus tard, les disciples de saint Norbert s'établissent à Thenailles et à Clairefontaine, au Mont. Saint-Martin et à Vermand.

Saint Norbert veut que 120 pauvres soient nourris chaque jour à Pré­montré et que chaque monastère de son ordre applique le dixième de ses revenus aux nécessités des pauvres25).

La piété de Renaud de Rozoy fonde en 1140 la fameuse retraite du Val-Saint-Pierre pour les compagnons de saint Bruno.

A Cerfroid, prend naissance l'ordre des Trinitaires. Il a pour fonda­teur Jean de Matha et un noble enfant de Saint-Quentin, Félix de Va­lois. On montre encore à Cerfroid la fontaine, près de laquelle le cerf portant la croix blanche apparut aux saints fondateurs.

Des milliers de personnes, dans ces monastères, se livrent à l'étude et à la prière. Les sciences sacrées et les lettres leur sont largement redeva­bles. Ils ont porté les arts à leurs plus hauts sommets.

Travaillant de leurs mains, ils défrichent aussi nos contrées. Ils créent des établissements agricoles et des usines de tout genre. Partout, sur leurs vastes domaines, on voit fleurir l'agriculture, le commerce et l'in­dustrie. C'était un proverbe dans nos campagnes, qu'il faisait bon vivre sous la crosse, c'est-à-dire auprès des abbayes.

Les principaux monastères et les cathédrales ont des écoles florissan­tes.

L'enseignement de la littérature et des arts se donne à Laon avec éclat. On y suit le trivium et le quadrivium. C'est le programme d'alors. Le quadrivium comprend l'arithmétique, la musique, la géométrie et l'astronomie.

Le trivium, c'est la grammaire, la rhétorique et la dialectique. Plusieurs abbayes ont leurs ateliers d'écrivains, scriptoria, notamment Cuissy et Long­pont. L'abbé Ledieu, secrétaire de Bossuet, visitant Longpont, y décrit les scriptoria: cellules donnant sur le cloître, dans chacune desquelles un reli­gieux copiait des manuscrits et les ornait au besoin de miniatures. Une ar­moire recevait les parchemins, l'encre et les plumes à écrire.

Les fêtes données dans les cathédrales donnent lieu au premier déve­loppement de l'art dramatique. On représente à Laon des mystères reli­gieux qui attirent des foules immenses de spectateurs.

Nos moines ne copient pas seulement des livres sacrés ou classiques, ils composent des livres de philosophie, de théologie, d'exégèse, voire même de délicates poésies.

Gautier de Coincy, prieur de Vic-sur-Aisne, surpasse les meilleurs poètes des châteaux de son temps, les Robert de Dreux, et les Raoul de Coucy. Comme il chantait délicieusement la vierge Marie26).

FONDATIONS PIEUSES ET CHARITABLES

De cette époque date une institution qui est restée chère à nos campa­gnes, ce sont les biens communaux, les terres d'usage, les prés d'usage concédés par certains seigneurs; communisme sage et réglé qui procure à quelques populations une ressource annuelle favorable à l'aisance gé­nérale.

Les corporations de métiers s'organisent. Combien elles concourront au bien de tous, au progrès de l'art, au soulagement de toutes les infor­tunes des travailleurs jusqu'à ce que les abus du XVIIIe siècle les jettent dans le discrédit!

De cette époque aussi datent les principales donations faites à l'Eglise par les seigneurs qui partent à la croisade et veulent, ou réparer leurs méfaits ou se ménager la protection divine.

Ce sont le plus souvent des côteaux boisés, des bruyères stériles, des marécages incultes. La valeur primitive en était nulle, mais elle s'accroît par les travaux de défrichement et de culture entrepris par les moines et par les populations associées peu à peu aux bénéfices de ces travaux.

Les revenus de ces biens ont une triple destination: l'entretien du cul­te et de ses ministres, le soulagement des pauvres et le soutien des écoles. Les débris de ces fondations constituent encore le plus clair des res­sources de notre bienfaisance légale et de nos établissements de charité et d'instruction. La plupart des hospices, des bureaux de bienfaisance, des collèges doivent leurs fondations à cette grande époque.

Les merveilles artistiques de nos villes et de nos musées et nos plus an­ciens travaux publics n'ont pas d'autre origine.

Les milliards donnés par l'Eglise d'alors pour aider aux croisades ont sauvé l'Europe de la barbarie musulmane.

Et dans toutes nos crises sociales et politiques, les dons volontaires du clergé et les rançons de guerre ont donné à la patrie le plus puissant concours27).

MONUMENTS MILITAIRES

Des monuments militaires importants s'élèvent en même temps que les monuments religieux. Vous pouvez vous représenter ce qu'ils étaient alors par ce qu'il en reste aujourd'hui.

C'est avec le manoir féodal de Coucy, les châteaux de la Ferte-Milon, et de Fère-en-Tardenois; celui de Cerny-les-Bucy sous les murs duquel s'est donnée une des grandes batailles de la ligue entre Henri IV et les Espagnols.

Celui d'Aulnois, encore pourvu de sa courtine et de son donjon; Celui de Vaurseine qui a conservé sa belle tour centrale;

Celui de Neuville, dont la majestueuse porte rappelle la Ferté-Milon; Celui de Clacy, d'où Napoléon, le 9 mars 1814, contemplait l'étendue du désastre de Laon;

Celui de Presles, manoir des évêques de Laon, à la tête d'un ravin ombreux, avec des remparts, guettes, tourelles, tour revêtue de lierre, fossés profonds et douves rocheuses.

Autour de Soissons, les châteaux ne manquent pas: Pernant, Vic-sur­Aisne, Ambleny, à l'ouest; au sud, les ruines de Braisne, de Bazoches, des Chatillons, dont le château est complet encore, ainsi que la muraille du village avec ses portes, ses tours et tourelles, ses escarpes et contrescar­pes. Pontarcy, son donjon ruiné et les restes de son enceinte carrée. Sept­monts, si remarquable par ses tours à plusieurs étages en retraites et ses sculptures murales de la Renaissance. Droixy du XIVe siècle, Muret, etc.

Dans l'arrondissement de Château-Thierry: Marizy-Saint-Mard, enco­re si remarquable. Armentières si riche, si complet, si curieux à voir. Nesles-sur-Fère, aux ruines tristes et sévères. Dans l'arrondissement de Saint-Quentin, ce qui reste des temps féodaux au château de Moy.

PHILIPPE-AUGUSTE ET SAINT LOUIS

Sous Philippe-Auguste, Soissons a un grand évêque, Nivelon. On le voit à Rome en 1178 assistant au troisième concile de Latran.

C'est à Soissons et sous son impulsion que s'organise la quatrième croisade. Il réunit en grand nombre de puissants seigneurs parmi lesquels Beauduin de Flandre, Ville-Hardouin, Foulques de Neuilly, le marquis de Montferrat, le comte de Blois.

Il part avec eux. Il prend une part glorieuse à la prise de Constantino­ple. Il en rapporte comme trophée de précieuses reliques pour sa cathé­drale et ses abbayes. Il repart intrépidement pour la croisade de 1207.

En 1214, c'est la grande bataille de Bouvines contre la coalition des Allemands et des Anglais. Philippe-Auguste a une armée bien inférieure en nombre. Mais ses troupes ont tout l'élan et l'intrépidité que donne la foi. Les milices de Saint-Quentin, Laon et Soissons sont au premier rang. Le roi fait un vœu à Marie. Nos milices se montrent héroïques. Philippe-Auguste, vainqueur, fonde en exécution de son vœu l'abbaye de Notre-Dame de la Victoire, près de Senlis.

En 1226, lors de son avènement, saint Louis a 12 ans. Il est armé che­valier à Soissons. Je voudrais voir ce touchant souvenir représenté sur les vitraux de notre belle cathédrale.

En 1227, il assiste à la dédicace de la splendide abbaye de Longpont. C'est Jacques de Bazoches, évêque de Soissons, qui consacre l'église. En 1248, à sa première croisade, saint Louis emmène avec lui en Egypte l'élite de notre noblesse: Jean de Soissons, Raoul de Cœuvres, Raoul de Coucy, le comte de Braisne, Hugues de Landricourt, Enguer­rand de Courcelles, Gauthier de Guise.

Sous le même règne, les ordres prêcheurs, les franciscains et les domi­nicains, s'établissent dans nos villes. On les verra se dépenser jusqu'à la mort au chevet des pestiférés en 1349 et sur nos remparts de Saint­Quentin en 1557.

L'Université de Paris, fondée par Charlemagne, prend son principal développement sous Philippe-Auguste et sous saint Louis. Elle éclipse toutes celles de l'Europe et compte 25,000 étudiants. Ils sont parfois tur­bulents, eux-aussi, et ils mettent plus d'une fois sur les dents la police pa­risienne.

Robert de Sorbon, fondateur de l'illustre collège qui porte son nom est un chanoine de Soissons.

Vos ancêtres, les jeunes gens du Laonnois et du Soissonnais d'alors, trouvaient à Paris des collèges gratuits et des bourses pour y faire leurs études de lettres, de droit, de médecine et de théologie.

L'évêque de Laon avait fondé à Paris le collège de Laon pour seize bourses. L'abbaye de Prémontré y avait fondé le collège de Prémontré. Le seigneur de Presles y fonde celui de Presles. Un soissonnais, devenu évêque de Beauvais, a fondé le célèbre collège de Beauvais, en y réser­vant douze bourses pour les jeunes gens du diocèse de Soissons. Les bourses se multiplièrent par des fondations particulières. Il y en avait pour les enfants d'Origny, pour ceux de Coucy, de Chaourse, etc.

Le collège de Beauvais compta plus tard parmi ses professeurs saint François-Xavier, le grand apôtre; Ramus, le philosophe du Verman­dois; le bon Rollin, le maître des maîtres pour l'éducation et l'enseigne­ment.

Nous retrouvons enfin saint Louis en 1268 assistant avec ses fils à la translation des reliques de saint Quentin dans la nouvelle basilique et portant avec eux sur ses épaules la châsse du grand martyr.

Saluons en passant ce saint si grand et si aimable. Il aimait nos villes, nos saints, nos aïeux. Il a prié sur les dalles de notre église. Ah! chers en­fants, quand vous priez là, demandez à Dieu l'esprit de saint Louis, et relevez-vous comme lui, vrais chevaliers, chrétiens purs et ardents, amis passionnés du Christ et de la patrie.

Pendant ces deux siècles, cette région est bien la plus belle et la plus ri­che de France. Mais cet état de prospérité et de bonheur ne doit pas se prolonger longtemps.

Les guerres successives avec la Flandre, l'Angleterre, l'Allemagne et l'Espagne et dont les provinces du Nord sont le théâtre dans les XIVe, XVe et XVIe siècles, vont plonger ce malheureux pays dans une suite in­terminable de souffrances et de ruines.

LA GUERRE DE CENT ANS

C'est d'abord la guerre de Cent ans. Nous voici en face d'un spectacle bien lugubre. Pendant un siècle et plus, notre région n'est plus qu'un champ de bataille. Et ce n'est pas la grande guerre d'aujourd'hui. C'est la guerre de sièges et de courses, la guerre faite en détail, et allant ruiner, piller et brûler chaque ville et chaque village.

On en sait l'origine. En 1339, Edouard, roi d'Angleterre, sous prétex­te de droits à la couronne de France, a déclaré la guerre à Philippe de Valois et, pendant un siècle, la France se débat pour ne pas devenir an­glaise, jusqu'à ce que Dieu, touché des malheurs de son peuple, lui en­voie Jeanne d'Arc pour le relever.

Dès la première année, 1339, l'invasion anglaise couvre le Laonnois et la Thiérache, mettant tout à feu et à sang. Les villes et les châteaux sont pris, livrés au pillage et à l'incendie, ainsi que les riches abbayes, qui offraient à l'ennemi une proie trop facile.

Et cela se renouvellera en 1348, 1350, 1358, 1373. Ajoutez à cela la peste de 1348, la guerre sociale de 1358, appelée la «Jacquerie», la guer­re civile des Armagnacs et des Bourguignons, de 1407 à 1430, et vous ne vous étonnerez pas que cette région, plus belle, plus prospère et plus peuplée sous saint Louis qu'elle ne l'est aujourd'hui, ait perdu en un siè­cle les deux tiers de ses habitants.

Pour nous représenter ces invasions anglaises, empruntons à Froissart le récit de la première, celle de 1339.

Il nous montre l'armée anglaise et ses troupes auxiliaires, les compa­gnies allemandes et flamandes, entrant ici par la vallée de la Somme et se divisant en trois corps d'armée qui portent leurs ravages dans tout le pays jusqu'à Laon, Hirson et Le Nouvion. Ecoutez son langage naïf:

«Adonc, dit-il, se partit le roi anglais, Edouard, du Mont-Saint­Quentin; et s'arroutèrent toutes ses gens et chevauchaient en trois ba­tailles moult ordonnement.

Les maréchaux anglais et les Allemands avaient la première bataille, la droite; le roi anglais, la moyenne, et le duc de Brabant, la tierce.

Si chevauchaient ainsi, ardant et brûlant le pays. Et passa une route d'Anglais et d'Allemands (c'est la droite) la rivière de Somme, dessus l'abbaye de Vermand et entrèrent en plein pays de Vermandois: si l'ar­dèrent et exillèrent moult durement et y firent moult grand dommage… Puis s'en partirent les Allemands et chevauchèrent vers Ribemont… Et les maréchaux et les Anglais passèrent la rivière d'Oise à gué et entre­rent en Laonnois et vers les terres du seigneur de Coucy et ardèrent La Fère, Saint-Gobain et la ville de Marle; et s'en vinrent un soir loger à Vaux dessous Laon. A leur retour ils ardèrent la bonne ville de Crécy­sur-Serre et grand foison de villes et hameaux et à grand foison de pillage s'en retournèrent à l'armée.

Une autre route (la gauche) dont messire Jean de Hainaut et le sire de Fouquemont étaient chefs et meneurs, chevauchèrent un autre chemin et vinrent à Origny-Sainte- Benoîte, une ville assez bonne. Si fut tantôt prise d'assaut, pillée et robée et une bonne abbaye de dames dont ce fut pitié et dommage, et la ville fut toute arse…

Si messire Jean de Hainaut s'en vint à Guise, et entra dans la ville et la fit toute ardoir et abattre les moulins… Pendant que ses gens d'armes couraient ainsi tout le pays, vinrent bien six-vingt lances, dont le sire de Fouquemont était le chef au Nouvion-en-Thiérache, une bonne grosse plate ville. Si étaient communément les gens du Nouvion retraits et bou­tés dans les bois; et y avaient mis et porté le leur à sauveter et s'étaient fortifiés de roullis et de bois coué et abattu environ eux… Lesquels se de­fendirent tant qu'ils purent, mais ne purent durer à la longue contre tant de bonnes gens d'armes. Si furent ouverts, et leur fort conquis et mis en chasse; et il y en eut beaucoup tant morts que navrés et perdirent tout ce que apporté là avaient. Et fut le pays de Thiérache couru et pillé sans de­port…

Le roi Edouard avec le centre partit de Fervaques et s'en vint par Bo­heries et Leschelles à Montreuil, et il réunit tout son ost à la Flamengrie, où il avait plus de 44,000 hommes. Et il attendait là le roi Philippe.

Celui-ci était parti de Péronne et s'approchait avec plus de 100,000 hommes. Il campa devant la plaine de Buironfosse.

Les deux armées restèrent en présence plus de trois jours sans en venir aux mains…».

En 1348, nous l'avons dit, c'est la peste noire. Elle exerce ses ravages dans toute l'Europe et enlève, dit Froissart, «la tierce partie du genre hu­main». Laon perd le tiers de ses habitants. Les religieux et particulière­ment les franciscains se signalent par leur dévouement héroïque pour porter secours aux malades et ensevelir les morts.

Pendant l'année terrible, la terre est restée sans culture. A la peste succède la famine et dans les années 1350 et 1351 les grands monastères et chapitres contractent des emprunts onéreux pour nourrir les habitants des campagnes.

En 1358, la «Jacquerie» s'ajoute à la guerre. Les paysans démoralisés, épuisés et ruinés se laissent enrôler dans l'armée du désordre. Ils sont 7 à 8,000 dans le Soissonnais et le Laonnois. Ils élisent un chef qu'ils appel­lent Jacques Bonhomme. Ils pillent, ils volent, ils tuent. Enguerrand de Coucy mène contre eux ses compagnies et leur fait bonne guerre.

Les compagnies militaires, aussi, se livrent au pillage, aussi bien celles qui sont au service du roi que celles des Anglais.

C'est à l'occasion de la nouvelle invasion de 1380 que s'élèvent la plu­part des tours de défense auprès de nos églises de campagnes. Charles V recommande aux communes de faire des églises autant de forteresses.

Il le fallait. Les campagnes avaient à se défendre contre les courses et pillages organisés par les bandes ennemies qui exigeaient à chaque visite une rançon ruineuse et des otages.

Les églises sont alors flanquées de deux, quatre ou six tours et présen­tent les caractères d'une citadelle ou d'un fort, susceptible d'opposer une certaine résistance.

Elles sont placées dans une position stratégique, sur un côteau, au­dessus d'une rivière et près d'un gué à défendre.

Les tours ont souvent deux étages. On y trouve un puits, un four à cuire le pain et des cheminées.

Lorsqu'un gros de partisans vient fondre sur un village, les habitants se réfugient dans l'église, et souvent après avoir échangé quelques coups d'arquebuses, les partisans s'éloignent. Au XVe et XVIe siècle, l'église s'appelle le fort. Allez revoir nos églises forteresses, à Wimy, à Marly, à Saint-Algis, à Origny-en-Thiérache, à La Bouteille28).

Au commencement du XVe siècle, à l'occasion de la démence de Char­les VI, les factions d'Orléans, et de Bourgogne viennent ajouter les luttes civiles à la guerre étrangère.

Notre pauvre pays est toujours le premier à recevoir les coups. Parmi les épisodes de cette nouvelle lutte si désastreuse, signalons en 1413 le siège de Soissons, où périt un de nos plus braves chevaliers, En­guerrand de Bournonville; c'est depuis ce siège que les tours de la cathé­drale sont restées inachevées; et en 1419, le siège de Crepy, défendue par Lahire et les Armagnacs et attaquée par le duc de Bourgogne, Philippe et les Anglais.

Dans les années suivantes, Jean de Luxembourg et les Anglais s'em­parent de Ham, Landrecies, Wimy, Marly, Lesquielle, Oisy, La Capel­le, Hirson et Guise. L'usage des bombardes et des canons rend ces sièges particulièrement destructeurs.

JEANNE D’ARC

On peut dire que la France râlait et allait disparaître du rang des na­tions. Mais le Christ qui aime la France lui donne Jeanne d'Arc pour la sauver.

Ce qui reste de nos vaillants chevaliers accompagne Jeanne d'Arc et partage sa gloire à Orléans. Lahire était gouverneur du Vermandois. Une partie de ce grand drame national se passe dans notre région. Après le sacre à Reims, Jeanne accompagne le roi au pèlerinage tradi­tionnel de Corbeny. Elle reçoit avec lui la soumission des villes de Laon et de Soissons et y entre en triomphe. Voyez-là, tenant à la main sa ban­nière sacrée, suivie des plus nobles chevaliers et d'une armée enthousias­te. Nos deux grandes villes, Laon et Soissons l'acclament tour à tour. El­le va prier au pied de l'autel de nos cathédrales. - Château-Thierry lui résiste quelques jours et capitule.

Mais bientôt, hélas! l'héroïne, trahie, est prisonnière à Compiègne. Elle est emmenée à Beaurevoir, château des comtes de Luxembourg et de Guise. C'est de là qu'elle est conduite à son martyre, si fécond pour la France.

En 1453, seulement, les Anglais sont jetés hors de France où ils ne gardent que Calais.

Comment ne pas saluer ici l'héroïne d'Orléans et de Reims, l'héroïne de Laon et de Soissons. Elle passe: le Christ, la Vierge Marie, saint Mi­chel et les saints protecteurs de la France sont avec elle. Elle passe, elle est le signe de l'amitié du Christ pour la France. Elle est notre gloire; elle est notre espérance.

L’ART ET LES MOEURS AUX XIVe ET XVe SIECLES

Il n'est pas besoin de dire que la grande activité artistique du XIIIe siè­cle s'est arrêtée au milieu des épreuves du XIVe. Les ressources sont ta­ries. On ne fait plus de grands projets. Tout au plus continue-t-on quel­ques travaux entrepris.

Les cloîtres de Saint-Jean-des-Vignes et de Saint-Léger, la salle du chapître de la cathédrale et la nef de Saint-Quentin sont de cette époque29).

La seconde période du XVe siècle est plus calme. Les travaux repren­nent partout. De 1444 à 1483, les reliques de saint Quentin sont portées à Paris et dans les principales villes de France, avec l'autorisation royale pour recueillir les offrandes destinées à la Collégiale.

L'abbaye de Saint-Medard fait porter aussi à Paris, le corps de saint Sébastien, le joyau de son trésor de reliques.

De cette époque datent l'église des Saints-Crépin et Crépinien à Château-Thierry, les flèches élégantes de Saint-Jean-des-Vignes, de Coucy-la-Ville, de Taillefontaine et de Beaurieux30), et dans notre basili­que de Saint-Quentin le transept méridional et le splendide dais en pier­re de la chapelle du sépulcre si magnifiquement restauré par Mgr Ma­thieu.

Du même temps datent le labyrinthe de Saint-Quentin, les voûtes de bois et charpentes sculptées de Leuilly, Veslud, Sissy et Vailly, les reta­bles si riches de La Flamengrie et de Roubaix31); les stalles d'Oulchy, l'ensevelissement du Christ, connu sous le nom de chapelle des endormis à Sissy et les belles statues mortuaires de Guillaume de Harcigny à Laon, et d'Enguerrand de Bournonville à Marle.

L'église de Saint-Vincent de Laon avait des mausolées qui rappelaient les beaux tombeaux des ducs de Bourgogne à Brou et à Dijon.

Au XVe siècle, les peintures murales se multiplient. On en a retrouvé à Laon, à Saint-Quentin, à Corbeny, à Jumigny.

Nous possédions aussi de belles maisons de bois de cette époque. On citait celle de l'Ange, à Saint-Quentin, celle des Attaches, à Soissons. Quel cachet pittoresque avaient alors les villes avec leurs maisons à pi­gnons, leurs clochers sans nombre et les costumes élégants et coloriés de nos populations!

Mais la grande guerre n'avait pas seulement mis obstacle au dévelop­pement de l'art et de la prospérité. Dans ce désordre général, les mœurs avaient bien faibli. Le grand schisme d'Occident avait aussi entravé l'action de l'Eglise. Les monastères avaient été désorganisés et pour comble de malheur les rois leur imposèrent au XVe siècle des abbés coin­mandataires qui vivaient à la cour ou dans les évêchés et laissaient les monastères en souffrance. Il faudra que la grande réforme du concile de Trente passe là pour renouveler la ferveur primitive.

LA RENAISSANCE

Je ne suis pas un grand ami de ce l'on appelle la Renaissance dans l'art et dans les lettres. je trouve que l'art chrétien et national s'est laissé lâchement bafouer, chasser, traiter de barbare et de gothique par l'art exotique et païen. Il en est de même pour la littérature. C'est la revan­che des Romains sur les Francs.

Cependant le génie national a su donner encore à cet art étranger un cachet et une distinction qui lui sont propres.

Et notre beau département est pour la Renaissance, comme pour l'art ogival «une des régions les mieux partagées de la France entière»32). C'est que les deux Mécènes de la Renaissance, François Ier et Henri II habi­taient ordinairement Villers-Cotterêts.

Le XVIe siècle y a élevé trois grands châteaux et d'autres moins impor­tants sous la direction des plus illustres architectes du temps. Le château de Villers-Cotterêts est la demeure favorite de François Ier et de Henri II. Il est si bien placé, à portée des forêts les plus vastes et les plus gi­boyeuses de France, où nos rois chevaliers pouvaient se permettre des courses effrénées et des hallalis sans fin. C'était l'œuvre des frères Le Breton et la chapelle était due à Philibert de l'Orme.

Le château de Fère-en-Tardenois a été renouvelé au XVIe siècle par le connétable Anne de Montmorency, c'est l'œuvre de Jean Bullant. Le portique a été sculpté par Jean Goujon. Le pont et la galerie qui y con­duit par-dessus une dépression de vingt mètres de haut, sont une des plus belles œuvres de la Renaissance.

Le château d'Anisy a été bâti en 1540 par le cardinal de Bourbon­Vendôme. Celui de Marchais, bâti par Jean de Longueval en 1541, en est une imitation33).

Le chœur de l'église de la Ferte-Milon est l'œuvre de Philibert de l'Orme. Les clôtures de chapelles de Saint-Martin de Laon et de la ca­thédrale sont datées de 1540 à 1575.

LA RIVALITE DE FRANÇOIS Ier ET DE CHARLES-QUINT ET LA PAIX DE CREPY

François Ier n'était pas cependant un roi pacifique. Sa rivalité avec Charles-Quint remplit toutes les premières années de son règne. Mais la guerre se porta d'abord en Espagne et en Italie. Après sa délivrance de sa prison de Madrid, François Ier vient remercier Notre-Dame-de-Liesse en 1527.

En 1538, il va de nouveau demander sa protection. La guerre sévit alors dans la Thiérache et le Laonnois.

Les Allemands, les Espagnols et les Anglais, tantôt seuls et tantôt réu­nis, saccagent la Thiérache, Aubenton, Bohain, Guise, Vervins, et la plupart des châteaux sont tour à tour pris et repris et toujours ruinés.

Le traité de Crépy-en-Laonnois en 1534 vint heureusement mettre fin à la guerre.

La paix a été préparée par des conférences tenues à l'abbaye de Saint­Jean-des-Vignes. Elle est signée sur l'autel de l'église Notre-Dame à Crépy34).

Charles V abandonne toutes prétentions sur la Bourgogne et le bassin de la Somme, en échange des concessions que lui fait François le,, en Ita­lie et en Flandre.

Ce n'est en réalité qu'une trêve. Dix ans après, Henri II guerroie avec Philippe II d'Espagne. Saint-Quentin est assiégée, prise et pillée en 1557 et la paix de Cateau-Cambrésis vient donner un peu de répit aux deux nations.

LES GUERRES DE RELIGION – LA LIGUE ET LA PAIX DE VERVINS

Après les guerres des Impériaux, viennent les troubles du calvinisme, bientôt suivis de ceux de la Ligue. La révolte calviniste est désastreuse pour le soissonnais surtout. Les calvinistes préludent à la révolution.

Ils brûlent églises et monastères. Leur fureur insensée s'exerce surtout contre les restes sacrés de nos saints et de nos martyrs. En 1567, ils pren­nent et pillent Soissons, et dépouillent les églises des reliques qu'elles possèdent. Tout le soissonnais est rempli de ces douloureux souvenirs. Le Grand-Rozoy montre son église mutilée et le lieu où les prêtres furent martyrisés par les calvinistes.

Mont-Notre-Dame montre sa tour calcinée dans laquelle les catholi­ques réfugiés furent livrés aux flammes.

La Ligue est provoquée par les princes de Guise. La première idée en est conçue au château de Marchais qui appartient au cardinal de Lorraine. Les courses et pillages se renouvellent comme au temps de la guerre de Cent ans. Le pays se hérisse de nouveau de châteaux et de maisons fortes. Les églises sont fortifiées comme au temps de Charles V.

Au premier signal d'alarme, hommes, femmes et enfants, amenant avec eux leurs bestiaux et leurs objets les plus précieux, se réfugient dans l'église fortifiée et du haut des tours, ils assistent souvent à l'incendie de leurs habitations et à la destruction de leurs récoltes. Heureux encore quand l'ennemi, dans sa course rapide, n'avait pas le temps de les atta­quer eux-mêmes. Puis, quand le torrent dévastateur est écoulé, les mal­heureux habitants sortant de leur retraite, relèvent leurs maisons, répa­rent le désastre, autant qu'ils le peuvent, sans se laisser décourager par la perspective de nouvelles calamités.

Henri IV lui même parcourt le pays avec son armée. La paix signée par lui à l'Hôtel-de-ville de Vervins le 2 mai 1598 rétablit enfin pour quelque temps l'ordre et la tranquilite.

C'est pendant les guerres de religion, en 1561, qu'ont lieu les beaux miracles eucharistiques de la cathédrale de Laon, en présence de dix mil­le témoins, à l'occasion des exorcismes de Nicole de Vervins. La Provi­dence a encouragé les catholiques et se plaît à les affermir dans la foi.

LA GUERRE DE TRENTE ANS, LA FRONDE, LES TRAITES DE WESTPHALIE ET DES PYRENEES 1618-1659

Dans les premières années du XVIIIe siècle, la discorde se rallume. Les calvinistes s'agitent de nouveau, et Louis XIII déclare à l'Espagne cette guerre fameuse qui devait, après trente ans de combat, enlever aux Espagnols leurs belles provinces des Pays-Bas.

En 1636, deux armées ennemies entrent à la fois dans la Thiérache. La Capelle est assiégée par 35,000 hommes et 40 canons; les armées s'avancent jusqu'à Vervins, elles assiègent Guise, elles prennent le Câte­let.

L'armée royale, de son côté, vient occuper Marle et La Fère, elle re­prend Le Câtelet, Landrecies, La Capelle.

Louis XIII va recommander la France à Notre-Dame de Liesse.

Il lui fait le vœu de lui consacrer sa couronne et son peuple. Il lui pro­met la procession triomphale annuelle de l'Assomption. Il est exaucé et obtient un héritier qui sera le plus illustre de nos rois, Louis XIV.

Il vient à bout de la guerre civile qui s'était ajoutée à la guerre exté­rieure. Il prend La Rochelle aux protestants et fonde en actions de grâ­ces l'église de Notre-Dame-des-Victoires.

En 1643, c'est la bataille de Rocroy où le duc d'Enghien fait perdre à l'ennemi 12 mille hommes, ses drapeaux et ses canons.

En 1648, le traité de Westphalie, nous met en paix avec l'Allemagne et nous donne la chère province d'Alsace.

Mais la guerre continue avec l'Espagne.

En 1650, une nouvelle armée espagnole forte de 30,000 hommes entre dans le pays. Elle ravage Hirson et Aubenton, elle prend La Capelle et le Catelet, elle assiège Guise; elle prend Vervins et Marle, et s'avance jus­qu'à Reims, Fismes et Château-Thierry.

L'armée du roi se retire à La Fère et à Soissons. Mais bientôt, la ba­taille de Rethel est gagnée par l'armée royale et Turenne, passé à l'enne­mi, perd 10,000 hommes tués ou blessés.

Les années 1650 et 1652 comptent parmi les plus douloureuses pour la région. Après le départ de l'ennemi, les maladies et la disette causent les plus terribles ravages. Des centaines de mendiants se traînent de bourga­de en bourgade. Les chemins sont tracés par des cadavres, des bandes de chiens se repaissent de leur chair. On mange du pain d'orge et il est rare.

Mais la charité chrétienne, par un de ses plus admirables représen­tants, saint Vincent-de-Paul, vient au secours du pays. Saint-Vincent envoie ses missionnaires avec des ressources considérables recueillies à Paris. Il fait panser et soigner les malades dans les Hôtels-Dieu. Il fait délivrer aux laboureurs des graines de toutes sortes. Sans lui, disent les mémoires du temps, un grand nombre de personnes seraient mortes de faim, et les trois-quarts des habitants auraient dû abandonner le pays.

Rendons hommage à ce grand saint. Il nous a aimés lui aussi. Il a ai­mé nos pères. Son nom seul est un trésor d'honneur pour notre France. J'entendais un jour contester à l'étranger nos gloires nationales. Il me suffit de citer bien des noms et bien des faits qui ébranlèrent mes contra­dicteurs. Mais c'est le nom de saint Vincent-de-Paul qui donna la victoi­re décisive à la France.

Pendant plusieurs années le blé se vendait six fois son prix ordinaire. Cependant les courses et pillages continuent et les armées des deux par­tis sillonnent la région.

En 1654, Louis XIV est sacré à Reims et reprend la campagne. Enfin en 1659, le traité des Pyrénées vient rétablir la paix et nous donne le Roussillon et l'Artois.

LES XVIIe ET XVIIIe SIECLES

Sous Louis XIV, saluons la réforme religieuse, provoquée par le Con­cile de Trente, et qui rétablit dans nos abbayes, après la désorganisation amenée par les guerres, la régularité, l'amour de la science, et les fortes études.

Saluons aussi nos grands littérateurs. Notre département a donné au grand siècle Racine et La Fontaine. C'est assez pour sa gloire. On peut voir encore à Château-Thierry, la maison de famille de La Fontaine, un beau logis du XVIe siècle. Cette belle vallée de la Marne était digne de servir de théâtre aux études du plus gracieux des amis de la nature.

Racine est née à la Ferte-Milon. Il ambitionnait, paraît-il, la succes­sion de son oncle au prieuré d'Oulehy. Ne l'ayant pas obtenue, il se ven­gea de ses juges en écrivant les Plaideurs, et son succès au théâtre lui ou­vrit une autre carrière que celle qu'il avait rêvée d'abord.

Fenélon ne nous est pas étranger. Il habitait souvent la vallée de l'Ais­ne. Il y possédait des vignes à Soupir. C'est là qu'il a écrit une grande partie de son Télémaque, et les gracieux paysages de l'Aisne ont souvent inspiré ses descriptions.

LES CAHIERS EN 1789

Avançons rapidement. Nos aïeux de 1789 sont vraiment sages et mo­dérés dans l'expression de leurs désirs et de leurs plaintes. Ils désiraient des réformes, ils n'auraient pas fait la Révolution.

Dans les cahiers du Baillage, ils remercient le roi d'avoir convoqué les Etats et ils assurent sa Majesté de tout leur amour.

Ils demandent que l'impôt soit égal pour tous; que le clergé rural soit mis en état de vivre honorablement et de donner des secours aux indi­gents.

Ils louent les congrégations d'hommes et de femmes vouées à l'ins­truction de la jeunesse et au soin des malades.

Ils demandent que les frais de justice soient réduits et que la rédaction d'un code mette fin à la chicane.

Ils souhaitent que des fonds destinés pour les vieillards et les infirmes assurent à l'humanité souffrante les secours dont elle a besoin; que les maisons de chaume soient supprimées et que les revenus communaux servent à en construire de meilleures aux pauvres.

C'est du communisme modéré.

Ils demandent la liberté des métiers et prient les grands et les riches de donner par leur modestie, la simplicité de leurs mœurs et la frugalité de leur vie, l'exemple le plus puissant contre le luxe. Ce sont des intentions louables.

FAMINE ET SOUFFRANCES – 1792-1795

Mais voici un tableau plus navrant, la famine, aggravée par une tem­pérature extraordinaire en 1792, cause dans la Thiérache et le Laonnois des maux dont le passé nous fournit à peine des exemples aussi déso­lants.

La Thiérache, dépourvue de blé, est livrée à un brigandage sans frein: des attroupements de cinq à six cents personnes parcourent les villages, envahissant les châteaux et les fermes pour se faire livrer du pain et des vi­vres, et ne reculent pas devant la violence pour s'en procurer. Le clergé, qui allait bientôt tomber, victime de tant de persécutions, épuise ses der­nières ressources pour apaiser toutes les misères.

En 1793, l'ennemi envahit tout le nord de la France; il pénètre dans les districts de Saint-Quentin et de Vervins.

Le prince de Wurtemberg, qui s'était avancé jusque près de Guise, est repoussé par les avant-postes de l'armée de Jourdan.

Dans les commencements de la campagne suivante, 1794, une grande partie du district est encore occupée par les armées ennemies, qui sont enfin forcées de se retirer après quelques combats livrés sur le Noirieu.

Le présence de l'ennemi, qui a empêché les travaux des champs, ses nombreuses réquisitions, celles que l'on a été obligé de faire pour nour­rir nos soldats, ont anéanti les ressources du pays, et dans l'hiver de 1795, la disette apparaît de nouveau dans la Thiérache avec toutes ses souffrances.

Nous en avons entendu le récit navrant de la bouche de nos aïeux.

LA REVOLUTION FRANÇAISE ET SES DESTRUCTIONS

Les destructions accomplies par la Révolution sont un des plus funè­bres chapitres de notre histoire.

L'année 1793 voit tomber sous le marteau du vandalisme révolution­naire la splendide église de Saint-Médard, la chartreuse de Bourg­Fontaine, l'abbaye de Vauclair et son église, l'église des Feuillants de Blerancourt, le couvent de Saint-Nicolas-aux-Bois, retraite enfouie ce­pendant dans un des replis les plus cachés de la forêt de Saint Gobain, l'antique abbaye de Bohéries, le couvent d'Origny-Sainte-Benoîte, la chartreuse de Val-Saint-Pierre, l'abbaye de Cuissy, celles de Foigny, de Prémontré, de Nogent, de Bucilly, de Thenailles, de Saint-Quentin en l'Isle, dix églises paroissiales à Saint-Quentin, les monastères de Laon dont les flèches, les campaniles et les dômes donnaient à la montagne un aspect si varié et si religieux.

Puis c'est le tour de Saint-Jean-des-Vignes, à Soissons, de Saint­Vincent, de Laon, du prieuré de Coincy, des monastères de Valsery et de Château-Thierry.

Aux édifices, il faut ajouter une infinité d'œuvres d'art que les siècles y avaient accumulées.

Ainsi firent les Herules et les Vandales à Rome et les Musulmans à Constantinople.

C'est dans notre département que se terminent les campagnes de 1814 et de 1815. - Deux fois en moins de deux ans la France fut à la merci de l'étranger. Nos aïeux nous ont souvent raconté les souffrances qui suivi­rent Waterloo et les tristesses de l'occupation russe et allemande.

C'est une de nos villes, La Fère, qui ouvrit la dernière ses portes à l'étranger au 5 novembre 181535).

LE XIXe SIECLE

Enfin le XIXe siècle offre à notre curiosité son merveilleux développe­ment industriel, ses chars ailés, ses fils qui portent la parole, ses usines puissantes. Voyez sur tous les points du département un millier d'éta­blissements industriels qui lancent des nuages de fumée par leurs som­bres minarets. Cent mille ouvriers sont occupés là à produire des fils et des tissus de laine et de coton, des broderies élégantes, du sucre, des en­gins de fer, des verres et des glaces.

C'est le siècle des sciences, de l'industrie, du commerce, des arts mê­me, tout le monde l'avoue.

Il y a une grande civilisation au dehors; mais, disent les esprits sévè­res, il y a peu de principes; il y a de la littérature et peu de vérités; il y a de l'agitation et peu de caractère. Soit! Faut-il pour cela en désespérer? Non!

Le Christ a fait la France par saint Remy. Il l'a opposée comme un rempart aux invasions musulmanes en Espagne et en Orient.

Il l'a sauvée à Bouvines. Il lui a donné Jeanne d'Arc. Il lui a révélé son Cœur. Il lui a souvent envoyé sa Mère. Nous voulons espérer, mal­gré toutes les prévisions pessimistes. Nous voulons espérer dans le Christ, et notre espérance même le touchera!

Après la confiance en Dieu, le meilleur appui de notre espérance serait une jeunesse chrétienne, ferme et pure, amie de la justice et de la chari­té!

Vous nous la donnerez, nous l'espérons, chers élèves, et le Christ, épris de cette jeunesse, bénira la France!


1)
Notre département compte un nombre immense de ces grottes réunies en groupes, particulièrement dans le Laonnois, le Soissonnais, le Tardenois et la Brie. Ces grottes portent le nom de creuttes dans le Laonnois, de boves ou bovettes dans les cantons de Vailly et de Braisne, de crouttes dans le Soissonnais et dans les val­lées de l’Ourcq et de la Marne. Leurs groupements les plus intéressants se trouvent à Comin, à Saint-Mard, à Gé­nevroy, à Cugny, à Jouaignes et à Nanteuil. Pline, parlant de ces temps préhistoriques, les résume en ces mots: «Antea specus erant pro domibus» (Hist. nat, lib. VII, c. 57) – Les cavernes servaient alors d’habi­tations.
2)
Ces acropoles préhistoriques rappellent celles de Grèce, d’Asie mineure et d’Italie. Nos châtelets, câtelets et châtillons nous remettent en mémoire les citadelles primi­tives de Mantinée, d’Orchomène, de Mycènes, de Corinthe, d’Athènes et de tant de cités antiques. Ces camps de refuge et de défense se retrouvent partout dans le département, à Ambleny, à Montigny-Lengrain, à Epagny, à Mercin, à Chaillevois, à Pommiers, à Muret, à Maquenoise. Les Romains sans doute ont tiré parti de ceux de Laon, de Vermand, de Mau­champ et de bien d’autres. Ils les ont développés et renforcés.
3)
Au mont Saint-Martin, à Hargfcourt, à Montescourt, à Clastres, à Attfly, à Pon­tru, à Prémont, à Etaves, à Moy, à Fonsomme, à Ffeulaine.
4)
Par exemple: le menhir de Bois lès-Pargny, le dolmen de Vaurezis, celui de Caran­da, la pierre de Ham, celle de Tugny.
5)
Le nom de Haute-Borne est le plus fréquent. Parfois celui de Grosse-Pierre ou d’autres analogues le remplacent. Le seul canton de Braine compte 23 de ces lieux­dits.
6)
Chassemy et Sablonnières nous ont donné d’élégants débris de chars mortuaires et de harnais.
7)
De bello gallico, lib II, C. IX, X, XI.
8)
L’une s’appelle le Clair-puits, l’autre la justice. Elles ont été fouillées en 1852 par la Société académique de Laon.
9)
Magnis molibus communiebat, castra extollens et cas’ella.
10)
L’église de Cerny est de ce temps-là, sauf le porche et les absides. C’était une basi­lique. Saint Remy en avait doté son pays natal.
11)
On compterait plus de 80 cimetières mérovingiens fouillés en ces dernières années, entre autres, Saint-Quentin, Rouvroy, Nauroy, Vendhuile, Cugny, Montescourt, Tugny, Vermand, Caulaincourt, Marteville, Prémont, Séry, etc.
12)
Il en était de même de Quierzy, Château-Thierry, Roucy, Oulchy, Braisne, Au­treville.
13)
Sainte Radegonde, femme de Clotaire Ier, reine de Soissons, se retira en 546 avec l’assentiment de Clotaire, pour fonder l’abbaye de Poitiers où elle mourut sainte­ment en 586.
14)
Guizot.
15)
Il faut citer encore l’église de Chivy, celles de Vic-sur-Aisne, Dulehy, Condé, Cer­seuil et Glennes; les cryptes de saint Médard, de saint Léger, de saint Quentin, du Mont-Notre-Dame.
16)
Voir la chronique de Glaber.
17)
Comme à Nouvion-le-Vineux, à Bruyères, à Vaurezis, à Urcel, à Vorges dans le Laonnois, à Vieil-Arcy, à Berzy, à Oulchy, dans le Soissonnais, à Pavant, Crout­tes et Condé dans l’arrondissement de Château-Thierry.
18)
Comme on peut le voir à Vic-sur-Aisne, à Berzy-Rivière et même à Seraucourt et Flavy.
19)
Lettre de Richard, Cœur de Lion, à l’abbé de Clairvaux.
20)
Il nous reste de cette époque les églises de Laffaux et de Berzy-le-Sec, beaux spéci­mens de la transition; l’église d’Ambleny, un des joyaux de l’écrin monumental du Soissonnais; l’église de Marizy-Saint-Mard, fièrement campée sur sa colline qui domine un joli vallon. Il faut y joindre les tours et campaniles d’Urcel, de Cerny, de Troyon; les porches de Bruyères, de Presles, de Glennes, de Mareuil et de Vauxcéré.
21)
«Imago eo creditur sanctior quia coloratior… Fulget ecclesia in parietibus et in pauperibus eget; suos parietes induit auro et suos filios nudos deserit… Quid ibi immundae simiae? Quid monstruosi centauri? Quid semi-homines? Videas subu­no capite multa corpora, et rursus in uno corpore capita multa. Cernitur hic in quadrupede cauda serpentis… si non pudet ineptiarum, cur vel non piget expansa­rum?».
22)
Au dire de M. Lassus, toutes les grandes tours des églises françaises et étrangères sont filles de celles de Laon.
23)
V.-G. – Mons-en-Laonnois, Saint Julien; Paissy, Lesges, Mézy-Moulins, etc.
24)
Foigny, Vauclair, Bohéries, Montreuil, Le Sauvoir et Fervaques représentent dans notre région l’ordre cistercien.
25)
L’ordre de Prémontré compta plus tard 1600 maisons.
26)
Voici quelques-uns de ses vers avec une orthographe rajeunie: Elle est la fleur, elle est la rose, En qui habite, en qui repose, Et jour et nuit, le saint Esprit. Bien est damné, bien est péri Et diable bien le deçoit. Qui ses miracles ne reçoit. C’est la douceur, c’est la rosée Dont toute chose est arrosée C’est le tuyau, c’est le conduit Par où tout bien est acconduit… Comment que ma bouche dit Eve, je ne trouve saveur, ni sève, Tout est amer, et enfiélé; Mais tant est doux et emmiélé Le nom de la douce Marie, Que tout le cœur me rassasie! …
27)
En 1789 même, l’archevêque d’Aix, parlant au nom du clergé, n’offrit-il pas les 400 millions montant du fameux déficit, cause première des difficultés qui amenèrent la Révolution? Mais, comme le remarque M. Taine, la spoliation du clergé était décidée dans les conseils secrets. On sait qu’elle ne produisit pour l’Etat, que les assignats et la ruine, et qu’elle profita seulement aux bandes noires des accapareurs.
28)
Voir encore Prisces, Le Hérie, Plomion, Gronard, Autreppes, Hary, Burelles Gercy, etc. Plusieurs de ces tours de défense ne datent cependant que du temps de la Ligue.
29)
La petite église modèle de Saint-Mard avec ses pierres tombales, est aussi de cette époque.
30)
Le portail de Missy-sur-Aisne, en style gothique fleuri, mérite aussi d’être men­tionné.
31)
Ouvrage flamand du style réaliste, modèles et costumes du temps; travail délicat.
32)
Léon Palustre. La Renaissance en France.
33)
Le château de Cœuvres a été bâti par Jean d’Estrées, grand-maître de l’artillerie sous Henri II. Celui de Revillon, près Fismes, est un gracieux manoir de la famille de Hédouville. Il date aussi de Henri II. Le château royal de Folembray était l’œuvre de du Cerceau, mais il a été brûlé par Charles-Quint
34)
Les plénipotentiaires de l’empereur sont: Ferdinand de Gonzague, Granvelle et les deux Guzman, dont l’un est religieux dominicain, et l’autre chapelain du roi. François Ier a auprès de lui l’amiral d’Annebant, le chancelier Chemans et trois maîtres des requêtes.
35)
Sa courageuse défense sauva le matériel de son arsenal et lui valut d’être exemptée de l’occupation étrangère.
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