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CHRONIQUES DU RÈGNE

CHRONIQUE (Janvier 1889)

FAITS PRIVES. – FAITS SOCIAUX

Le Pape. - Les hommages que le Saint Père recevait des peuples et des rois pour son jubilé sacerdotal étaient, au début de cette année, une éclatante défaite que la Providence infligeait à la haine maçonnique, un merveilleux renversement de ses plans qui tendent à amoindrir et à iso­ler le chef de l'Eglise. Ces hommages, qui partaient de tous les points du monde, dans lesquels les souverains des nations infidèles, Chine, Japon, Perse, Turquie, s'unissaient aux souverains hérétiques ou schismatiques pour rendre avec la foule des fidèles catholiques un commun témoignage de vénération au successeur de Pierre, étaient aussi une preuve éclatante du besoin que le monde éprouve du règne social de Notre-Seigneur, et du be­soin instinctif qui le pousse, malgré toutes les erreurs, à chercher dans son représentant sur la terre le centre d'unité pour une alliance universelle des peuples.

Or, chose bien digne de remarque, c'est au Sacré-Cœur de Jésus que le Saint Père rend de solennelles actions de grâces pour ces manifesta­tions universelles, qui ont été pour l'Eglise un triomphe inouï depuis de longs siècles, et qui semblaient nous reporter aux plus beaux temps du moyen âge.

Le ler novembre 1888, Léon XIII, rappelant la supplique des évêques qui avaient demandé «que tous les enfants de l'Eglise se réunissent de nouveau dans une commune action de grâces envers le Sacré-Cœur de Jésus» ap­prouve hautement et recommande: «qu'afin d'honorer le divin Cœur» le dernier jour du mois de décembre on récite, devant le Saint-Sacrement exposé des prières déterminées par le Bref, et accorde une indulgence plénière à tous les fidèles «qui assisteront à cet exercice et prieront avec foi et confiance le très doux Cœur de Jésus en actions de grâces».

Ainsi, l'année 1888, inaugurée au milieu des solennités triomphantes du jubilé sacerdotal, s'est achevée dans le Cœur de Jésus.

Rome. - Pie IX et Léon XIII ont puissamment encouragé le culte du Sacré-Cœur à Rome. Ils ont aidé de leurs ressources à la restauration de l'église de Notre-Dame du Sacré-Cœur confiée aux Missionnaires d'Issoudun sur la place Navonne et à l'érection sur le Viminal de l'église votive et paroissiale du Sacré-Cœur confiée aux Pères Salésiens.

Nous allons formuler ici un vœu hardi: c'est à la Basilique de Saint­Pierre que nous désirons voir un bel autel du Sacré-Cœur. Sans doute on y peut prier le Sacré-Cœur, et nous l'avons fait souvent, auprès de la lance de saint Longin, qui est comme une relique du Sacré-Cœur, mais cela ne suffit pas.

On nous objectera que tous les autels de Saint-Pierre ont déjà leur ti­tulaire, ce n'est pas un obstacle. Nous avons remarqué il y a quelques se­maines des travaux entrepris pour la transformation d'un de ces autels, qu'est-il donc arrivé? Un riche bienfaiteur anglais a dit à la Fabrique de Saint-Pierre: «Saint Joseph a été proclamé patron de l'Eglise universel­le, il convient qu'il ait ici une chapelle digne de lui, voici les fonds néces­saires». La Fabrique a ratifié le projet, le Saint Père l'a béni et la chapel­le se fait.

Puisse notre appel être entendu de quelque puissant ami du Sacré­Cœur. Nous irons dire à la Fabrique de Saint-Pierre: «La dévotion au Sacré-Cœur est la grâce de notre temps, Pie IX en 1875 a encouragé la consécration de toutes les paroisses du monde chrétien au Sacré-Cœur. Pie IX et Léon XIII ont signalé cette dévotion comme l'espérance de l'Eglise, il convient que le Sacré-Cœur ait ici son image dignement ho­norée et vénérée». Nous ne doutons pas que notre proposition ne soit acceptée.

Les manifestations en faveur du pouvoir temporel du Pape. - Le mouvement s'accentue, grâce à Dieu. Après les congrès catholiques, après les protestations communes de l'épiscopat de plusieurs provinces ecclésiastiques, voici des lettres pastorales qui y font écho. Les hommes politiques eux-mêmes prennent au sérieux cette question nécessaire. M. Gladstone se prononce. Un parti politique en Italie se forme après les protestations du clergé. Ce sont là des préludes, l'heure de la délivrance viendra. Il faut au chef de l'Eglise sa liberté entière et il ne peut l'avoir qu'avec son indépendance politique. Pauvre Rome! Tu es tout entière une terre sacrée, nous le sentions encore bien vivement en te revoyant il y a quelques semaines. A chaque pas on rencontre chez toi un souvenir sacré. N'es-tu pas la ville sainte depuis que saint Pierre t'a choisie, guidée par l'Esprit-Saint? Tu ne te refuserais pas aux progrès que récla­ment les mœurs modernes, nous l'avons bien vu sous Pie IX, mais il faut une main délicate et sainte pour toucher à ton sol comme pour tou­cher à un reliquaire. Dieu se lassera des profanations qui t'avilissent. L'Eglise a une belle expression pour indiquer la restitution à Dieu des choses saintes profanées, c'est la réconciliation. O ville sainte! Dieu fasse que nous voyions bientôt l'heure de ta réconciliation!

L'Équateur. - L'Équateur, la république du Sacré-Cœur a subi de rudes épreuves après la mort du martyr du Sacré-Cœur, Garcia More­no. Le président Borrero et le dictateur Vintimilla l'avaient ramené en peu d'années au radicalisme en passant par l'étape nécessaire du libéra­lisme. La nation du Sacré-Cœur s'est relevée à temps. Elle a renversé Vintimilla, elle a décrété l'érection de l'église nationale du Sacré-Cœur et repris avec le président Carmano les traditions de Garcia Moreno. El­le a depuis peu de mois un président nouveau. Huit ou neuf années de séjour aux Etats-Unis et en Europe ont dû l'imprégner malgré lui de quelques idées libérales, mais sa haute intelligence saura bientôt, nous en avons la confiance, se dégager de toute compromission avec l'erreur et il travaillera efficacement avec son peuple au règne du Sacré-Cœur.

Belgique. - La Belgique aime le Sacré-Cœur. Le vœu émis par la France, la fille aînée du Sacré-Cœur, d'élever un sanctuaire votif au Sacré-Cœur suscita l'émulation de la Belgique. En 1874, les plus nobles familles de Bruxelles et d'Anvers formèrent un comité puissant qui réu­nit bientôt les ressources suffisantes. Le 8 septembre 1875, Son Exc. Mgr Vannutelli, délégué du Saint-Siège, bénissait la première pierre de la Basilique du Sacré-Cœur à Berchem-lez-Anvers. Depuis dix ans ce sanctuaire est achevé, et Jésus-Hostie y reçoit les adorations de la com­munauté des Filles du Cœur de Jésus et des pèlerins de la Belgique. Nous reparlerons de ce sanctuaire qui est un petit chef-d'œuvre d'archi­tecture et de décoration.

L'amour de la Belgique pour le Sacré-Cœur a touché le Cœur de Notre­Seigneur. La Belgique a retrouvé un gouvernement catholique, elle a re­conquis la liberté sacrée de l'école. Elle avance pas à pas dans la voie de la réforme catholique. En ces derniers temps elle a donné une preuve de la charité que le Sacré-Cœur inspire pour les travailleurs en rendant la liberté du dimanche à des milliers d'employés qui étaient retenus précédemment par le service des transports de petite vitesse sur les chemins de fers.

Le Sacré-Cœur inspirera à la Belgique les mesures à prendre pour ré­tablir l'union et la paix dans le monde du travail où les effets de la révo­lution se font encore sentir par l'antagonisme, la lutte des classes, les grèves et les utopies socialistes.

Autriche. - En Autriche la cause du Christ gagne du terrain. Le mi­nistère s'est reconstitué dans un sens plus catholique. Un ambassadeur très dévoué à la cause de l'Eglise, le comte Revertera vient d'être envoyé à Rome. Un congrès catholique se prépare. La famille impériale donne volontiers l'exemple de la pratique religieuse, elle assiste pieusement aux processions du Saint-Sacrement. L'Autriche est dévouée au Sacré-Cœur; Vienne a son église votive, élevée depuis longtemps déjà et due à la munificence impériale.

Pologne. - En Pologne et dans les provinces voisines, la Lithuanie, la Podlachie, c'est toujours la persécution ouverte ou dissimulée. Les pauvres Uniates, catholiques slaves unis au Saint-Siège sont à peu près sans pasteurs. Leurs évêques sont exilés, de grandes paroisses sont sans prêtre. On signale Hlusi, par exemple, ville catholique de 8,000 âmes: le prêtre le plus rapproché de la ville en est à dix lieues et n'y peut guère al­ler qu'une fois l'an. La Russie agit par tous les moyens pour éteindre le catholicisme, par les lois réglant les mariages dont tous les enfants sont élevés dans le schisme, par les orphelinats russes, par l'exil des pasteurs. Quand viendra la fin de cette atroce persécution? Nous ne prions pas as­sez pour nos frères, les catholiques de Pologne et de Russie.

Canada. - Au Canada des associations d'hommes se sont formées sous le nom de Ligue du Cœur de Jésus pour la conservation de la foi dans les familles. Vingt cinq mille hommes déjà sont ainsi groupés et leur nombre s'accroît rapidement. Trois mille d'entre eux représentant dix paroisses seulement prenaient part récemment à une procession et à une fête commune à Montréal. Quelle belle armée pour préparer le rè­gne du Sacré-Cœur! Quand notre France en sera-t-elle-là?

Jeanne d'Arc. - Jeanne d'Arc revit. Est-ce purement fortuit? N'est­-ce pas plutôt providentiel? Jeanne d'Arc est plus populaire, plus présen­te à nos souvenirs que jamais. On sollicite et on presse sa canonisation. Allez aux magasins d'objets de piété ou d'objets d'art, vous verrez son image partout, c'est donc que cette image trouve des acheteurs. Quel consolant présage! Toute la France suit donc de nouveau Jeanne d'Arc au moins par sa sympathie et sa prière.

L'autorité a eu l'étrange idée de laïciser les œuvres établies à l'ombre de la maison de Jeanne d'Arc; le chef de la maison de France envoie une riche offrande pour relever ces œuvres, ceci aussi est de bon augure.

Le centenaire de 89. - Deux livres, écrits de mains de maîtres, en­tament le grand procès de la Révolution qui semble devoir être jugé défi­nitivement par l'opinion en cette année centenaire. C'est La Révolution française, par Mgr Freppel1). - Révolution et évolution, par le P. G. de Pascal2).

Leurs vues et leurs conclusions sont analogues. Tous deux admettent le besoin de réformes qui se faisait sentir en 1789 et la légitimité de la plupart des vœux qui furent inscrits dans les cahiers des provinces. Tous deux font ressortir la déviation que les éléments mauvais ont fait subir à ce mouvement rationnel. Ils concluent avec tous les bons esprits qu'il faut reprendre le mouvement de 1789 en le remettant dans une direction salutaire.

Le P. de Pascal a formulé nettement un jugement que tous les vrais catholiques ont entrevu et son étude restera.

Il ne suffit pas, dit-il, de remonter à 1789. Le mal date de plus haut et la Révolution se préparait de longue main. Les légistes, les protestants, la Renaissance avaient fait de nous une société christiano-païenne. C'est la pensée fondamentale du préambule de la Constitution Dei Filius, du Concile du Vatican. Il faut remonter, non pas pour la forme des institu­tions sociales mais pour les principes, à la période purement catholique du moyen âge.

Là seulement on trouvera le remède complet aux maux de la société. Le P. de Pascal signale comme premier remède à ces maux le groupe­ment par corporations dans l'ordre politique, l'esprit de sacrifice chré­tien dans l'ordre moral. Ce sont bien là les enseignements de Léon XIII. Il faut lire, relire et propager de tels livres.

Le Congrès de Lille. - Comme ces congrès du Nord sont atta­chants! quelle foi simple, quel zèle, quelles vues élevées on y voit régner!

Les travaux du congrès de Lille furent immenses. Signalons seulement sa revendication des droits temporels du Pape; ses études sur le règne de Jésus-Christ dans le monde du travail où les corporations et le concours de la loi doivent ramener la paix sociale et la prospérité en même temps que la vie religieuse. Signalons surtout ce ferment puissant qui agitait le congrès en faveur du règne du Sacré-Cœur, l'acclamation du projet du pèlerinage régional à Montmartre et à Paray pour le mois de juin pro­chain, le serment d'hommage-lige au Sacré-Cœur de Jésus-Hostie pro­noncé dans la chapelle du congrès et qui sera renouvelé à Montmartre au centenaire du 20 juin.

CHRONIQUE (Février 1889)

Paroles épiscopales. - Nos évêques ne prennent plus guère la paro­le sans nous inviter à tourner nos regards vers le Sacré-Cœur comme vers l'objet et la source de nos espérances. Est-ce étonnant? La France n'est-elle pas la nation du Sacré-Cœur privilégiée entre toutes? C'est surtout dans les lettres pastorales de la fin de l'année jubilaire que cet ap­pel au Sacré-Cœur a été absolument général et ardent. Empruntons quelques lignes à la lettre de Mgr de Séez. Lisons ces lignes comme une prière: «Allons avec confiance au pied du trône de la miséricorde. Levez-vous, ô Christ, venez à notre secours. Arrachez votre Eglise à la fureur de ses ennemis. rendez-lui la paix, la liberté à laquelle elle a droit… Imposez silence, vous le pouvez, aux vents et aux tempêtes qui menacent de l'engloutir et il se fera un grand calme… Que l'immortel Pontife qui guide d'une main si ferme et si sûre la barque de Pierre la conduise bientôt au port, et, après avoir été à la peine, qu'il soit au triomphe. Des vœux si légitimes seront entendus, nous ne saurions en douter. Le Cœur sacré de Jésus se laissera toucher. Disons-lui donc avec confiance et amour: Cor Jesu sacratissimum, miserere nobis. - La France pleure ses gloires passées. Pour elle aussi, Seigneur, grâce et pardon: confondez tous ses ennemis, rendez-lui son ancienne splendeur. Souvenez-vous de la fille aînée de votre Eglise, qui a été tant de fois l'ob­jet de vos plus tendres prédilections; elle vous le demande à genoux, au nom du Sacré-Cœur de Jésus. Sacratissimo Cordi Jesu, Gallia pœnitens et de­vota.

La ligue de l'Ave Maria. - Cette ligue de prière et d'action a pris pour symbole le drapeau du Sacré-Cœur. Elle prépare donc le règne du Sacré-Cœur par l'intercession de Marie. Nous y adhérons de tout cœur. Elle demande: l'indépendance du Pape; la suppression des lois scolaires qui enlèvent aux communes et aux familles le droit de choisir les maîtres des écoles; la suppression des projets de lois militaires qui en­voient le prêtre à la caserne; la liberté de l'Eglise dans son culte et dans la charité, notamment aux hôpitaux; l'élection de députés catholiques. C'est bien, ce sont là des éléments essentiels du règne du Sacré-Cœur, le reste viendrait ensuite. Soyons donc tous ligueurs de l'Ave Maria pour le règne du Sacré-Cœur. Demandons des feuilles d'adhésion aux bureaux de La Croix.

La réparation sociale. - La France politique expie, elle ne répare pas. Elle souffre de ses 40 milliards de dettes, de son déficit annuel de 600 millions, de la ruine de son agriculture, de son industrie et de son commerce. La France du Sacré-Cœur répare par ses prières, ses gémis­sements, ses souffrances. Il faut pour le relèvement national que la Fran­ce officielle arrive elle-même à l'amende honorable, à l'aveu de ses fau­tes, à la réparation. A l'œuvre, amis et apôtres du Sacré-Cœur, c'est à vous à préparer cette rénovation. Elle ne se fera que par vous. Vous seuls en avez la pensée, l'intelligence et la grâce.

L'église et la science. - «Nous comptons déjà parmi nos jeunes prêtres, disait récemment Mgr de Rodez, plus de trente docteurs ou li­cenciés en théologie, plus de quinze licenciés ès-lettres ou ès-sciences et de nombreux bacheliers: «C'est bien, mais quel immense dommage que nos plus belles intelligences soient assujetties à suivre dans leur plus puissant épanouissement les programmes et l'enseignement de l'Etat! Il n'est pas possible qu'elles n'en soient pas quelque peu entravées dans la recherche de la vérité. Nos ennemis savent bien quelle puissante barrière rencontre là le règne de Jésus-Christ. C'est pour cela qu'ils nous refu­sent la pleine liberté de l'enseignement supérieur. Mais le feu sacré que donne le Sacré-Cœur à toutes les âmes ardentes finira par renverser tou­tes ces barrières.

Les universités catholiques. - C'est le règne de Jésus-Christ dans les sciences. La lutte est héroïque sur ce point. Les catholiques soutien­nent les universités libres pendant que leurs impôts paient celles de l'Etat. Lille a son université complète, elle est splendide et prospère. Pa­ris et Lyon y arriveront, Paris prépare de loin sa faculté de médecine, el­le fonde ses hôpitaux libres. Lyon souscrit déjà pour sa faculté de médici­ne. Quatre cent mille francs sont réunis, le reste viendra. Lyon sait si bien donner à Dieu et la sainte Vierge aime tant cette ville!

Ce qu'il en coûte à l'Etat athée pour combattre le règne du Sacre­-Cœur dans l'âme des enfants. - C'est aux familles et aux communes que revient le principal rôle dans l'éducation des enfants. L'Etat peut in­tervenir pour encourager et protéger l'enseignement, mais non pour le diriger. L'Eglise seule a une autorité suprême sur la doctrine, l'Etat a voulu écarter de la direction de l'éducation la commune elle-même, qui cependant n'est pas toujours cléricale. Mais pour cela il a fallu prendre à la charge de l'Etat le budget de l'enseignement primaire. C'eût été trop criant de laisser payer la commune sans lui demander son avis sur la di­rection à donner à l'enseignement. C'est une somme de quatre-vingts millions qui est venue s'ajouter au budget de l'Etat. Bientôt le déficit de la caisse sauvera l'âme des enfants, l'Etat sera obligé de rendre aux com­munes leurs droits avec leurs charges.

La thèse du règne de Jésus-Christ. - Il n'est pas de sujet qui ait occu­pé davantage en ces temps-ci les esprits sérieux et les maîtres dans la foi. Autour des encycliques doctrinales de Léon XIII sur cette matière gravite une pléiade de livres. Après les grands traités du P. Liberatore, de Mgr Sauvé et de M. Chesnelong sur les droits de Dieu, et le droit social chrétien, voici un livre excellent de M. l'abbé Berseaux: «Liberté et libéralisme ou l'Etat chrétien». L'auteur y fait justice de toutes les utopies modernes: le naturalisme, le libéralisme, l'athéisme politique. Il leur oppose les vraies doctrines de l'Eglise. Il étudie ensuite les principes de 89, la Révolution, la déclaration des droits de l'homme. C'est une Somme du droit social chré­tien. On trouve ce livre excellent chez l'auteur, rue de Toul, 34, à Nancy.

Sainte Geneviève. - Le règne du Sacré-Cœur ramène le culte des saints et réchauffe l'amour de la patrie. Jeanne d'Arc, sainte Geneviève, saint Louis, saint Martin, saint Denis, saint Hilaire, saint Quentin, sainte Madeleine, tous les saints de la patrie revivent, leurs sanctuaires se relèvent, c'est la patrie chrétienne qui renaît. Sainte Geneviève a été mieux fêtée encore cette année que les années précédentes à Paris, les pè­lerinages ont été plus nombreaux et plus constants. C'est un signe d'espérance pour la patrie. Les prières adressées par les fidèles à sainte Geneviève pèseront plus devant Dieu, nous l'espérons, que la glorifica­tion impie de Jean-Jacques Rousseau au Panthéon. - Quelle dérision! remplacer dans un sanctuaire national l'héroïne qui a sauvé son pays de l'invasion barbare par un apostat qui a trahi toutes les saintes causes, son Dieu, sa patrie et sa famille?

La Belgique. - En Belgique, les tenants du règne social de Jésus­-Christ sont organisés pour l'action et pour la lutte. Les conférences se succèdent dans les cercles catholiques, dans les Gildes, dans les associa­tions conservatrices, en attendant les grands congrès qui auront lieu un peu plus tard à Malines et à Mons.

Les libéraux veulent imiter les folies des nôtres, ils envient les succès de nos laïcisateurs. Ils essaient de laïciser notamment les hôpitaux de Gand. Les Belges ont trop de bon sens pour les laisser faire longtemps.

Une question brûlante passionne la Belgique. Elle se demande si elle doit imiter les grands armements de l'Europe et imposer à toute la na­tion le service militaire personnel. C'est une question bien délicate sur laquelle les catholiques sont partagés. Tous conviennent qu'il faut avant tout sauvegarder les vocations ecclésiastiques et religieuses et bien orga­niser l'aumônerie. Il semble bon aussi, sinon absolument nécessaire que le volontariat puisse se faire hors de la caserne. Pour le reste, de bons esprits ne croient pas que la Belgique puisse échapper à cette plaie du militarisme qui ruine l'Europe. Son armée portée à 200,000 hommes pourrait peut-être, pensent-ils, défendre sa neutralité que ne protégeront guère les traités dans l'état de dissolution où se trouve le droit public eu­ropéen. En tout cas, nous regretterons pour la Belgique les conséquences morales, économiques et sociales de cet armement exagéré.

La Belgique a le zèle des missions. Elle se met vigoureusement à tra­vailler au règne de Jésus-Christ dans le vaste empire du Congo. Elle en­voie des prêtres au Brésil, à la Plata, en Angleterre. Ses bénédictins vien­nent d'accepter la mission des Peaux-Rouges. Elle seconde aussi avec un entrain admirable l'entreprise du cardinal Lavigerie. Chaque ville de la Belgique a son comité anti-esclavagiste. La Belgique fournira et au delà le million et les hommes que l'illustre cardinal lui a demandés.

Palestine. - En Palestine l'Eglise catholique, le schisme russe et le protestantisme étendent simultanément leur influence. Les russes et les protestants sont aidés par leurs gouvernements. Chez les catholiques, hélas! le libéralisme a tué le règne social de Jésus-Christ. Il n'y a plus que l'initiative privée. Et cependant on fait encore merveilles. Jérusa­lem, il y a trente ans, n'avait pas d'autres œuvres catholiques que celles des excellents franciscains de terre sainte. On y voit maintenant: le pa­triarcat latin avec son séminaire et son clergé séculier; les pères de Sion avec leur orphelinat de Saint-Pierre; les pères dominicains au tombeau de Saint-Etienne; les pères de l'Assomption à l'hôtellerie de Notre­-Dame de France; les pères blancs du séminaire grec de Sainte-Anne. A côté de ces œuvres sacerdotales, on y voit encore les frères des éco­les chrétiennes qui y tiennent un magnifique établissement; les Carméli­tes, sur le mont des Oliviers; les Dames de Sion à l'Ecce homo; les Sœurs de Saint Joseph avec leurs 250 orphelins et leur hôpital fondé par la fa­mille de Piellat; les Sœurs de Saint-Vincent de Paul; les Clarisses; les Franciscaines italiennes; les Sœurs allemandes de Saint-Charles; les Sœurs arabes du saint Rosaire. Comment le Sacré-Cœur ne conduirait­il pas un grand nombre de congrégations auprès des lieux où Notre­Seigneur nous a principalement manifesté son amour?

Autriche. - Quelle grande leçon pour les souverains et pour les peu­ples que cette mort de l'archiduc Rodolphe! Il est mort victime d'une passion et d'une intrigue romanesque. Ce sont les mœurs de la haute so­ciété contemporaine qui l'ont tué. C'est un scandale immense, mais n'est-ce point aussi le plus sérieux des avertissements? Ne faut-il pas lut­ter pour le règne de Jésus-Christ dans les cœurs et dans la société en face de ce règne envahissant des passions surexcitées par la littérature con­temporaine, par le luxe, par le théâtre et par l'abandon des pratiques chrétiennes? Qu'il y a loin de là à l'exemple qui devrait être donné par les autorités sociales! Le Sacré-Cœur nous aidera à remonter ces pentes.

Angleterre. - «La moisson blanchit». Les signes de la conversion pro­chaine de l'Angleterre se multiplient. Les protestants ritualistes revien­nent aux coutumes catholiques. Ils abhorraient la confession, le culte des saints, l'idolâtrie de la sainte Vierge. Voilà qu'ils relèvent les confessionnaux, qu'ils placent dans les temples les images de Marie et des Saints. L'idée de l'union avec Rome a ses partisans, elle progresse. Les nobles protestants et Quakers qui siégeaient à côté du cardinal Lavigerie à la conférence anti-esclavagiste, laissaient bien voir qu'ils n'étaient pas loin de se prêter à une entende pour la réconciliation et l'union. Plusieurs en ont exprimé le désir au cardinal Lavigerie. La jeune Eglise d'Angleterre, toute dévouée au Sacré-Cœur, achèvera de conquérir cette terre des Saints au royaume du Sacré-Cœur. La conversion d'une des filles de la reine est venue ré­cemment donner un nouvel élan à nos pieuses espérances.

Le Dimanche aux pays Anglicans. - L'Angleterre et les pays où el­le porte ses mœurs, l'Australie en particulier, nous gardent un trésor pour le jour de leur retour à l'Eglise, c'est le respect du dimanche. Tout le mouvement du travail et du commerce est suspendu le dimanche en Angleterre et même l'après-midi du samedi. La coutume est plus rigou­reuse encore en Australie. Les Etats-Unis étudient un projet de loi pour revenir sur ce point à la sévérité anglaise. Les anglais ont gardé cela de leur vieille foi catholique, ils nous le rapporteront. L'observation du di­manche se dégagera chez eux de ce qu'elle a d'un peu pharisaïque et ils contribueront, quand ils seront redevenus les enfants et les apôtres de l'Eglise romaine, à restaurer ce beau privilège de la royauté du Christ, le respect du jour du Seigneur.

CHRONIQUE (Mars 1889)

Le Pape - Deux grandes questions. - Il faut que la chrétienté rende au Pape sa liberté temporelle, sauvegarde de sa liberté spirituelle. Il faut qu'elle fasse du Pape l'arbitre de la paix entre les nations. Ces deux grandes questions gagnent du terrain. Ce sont deux conditions ma­jeures du règne du Sacré-Cœur, nous les verrons réalisées.

Les envahisseurs de Rome ont essayé de faire de l'opportunité du pouvoir temporel du Pape une question italienne, ce n'était pas sérieux et cette prétention devait s'évanouir. Les catholiques du monde entier réclament. Chaque nation proteste à son tour par son épiscopat et par les fidèles réunis dans les congrès catholiques. L'action diplomatique va commencer.

L'Equateur a eu l'honneur de protester le premier officiellement. Ré­cemment le ministre des affaires étrangères d'Espagne, marquis de la Vega de Armijo publiait une brochure sur le caractère international de cette question et la nécessité d'un congrès pour la résoudre. Ayons con­fiance, la vérité se fait jour, l'action la suivra.

La seconde grande question qui mûrit, c'est l'arbitrage international du Pape. Cet arbitrage invoqué une fois par M. de Bismarck a montré quelles ressources pouvait offrir à la chrétienté la sage intervention du Souverain Pontife. La Providence du Cœur de Jésus nous offre là un moyen de salut, nous espérons que l'Europe va le comprendre. Toutes les nations souffrent des excès du militarisme et toutes marchent plus ou moins vite vers la banqueroute. L'excès du mal fait réfléchir. L'opinion publique commence à envisager cette question. Les socialistes allemands demandent avec raison le désarmement de l'Europe sans en suggérer le moyen. Un journal français prend ce nom pour programme: le désarme­ment. Il a pour patrons des hommes qui ne manquent pas d'influence sur l'opinion, MM. Jules Simon, Castelar et Gladstone. Le but est louable mais où est le moyen? Le Pape seul possède l'autorité morale capable de le faire accepter pour arbitre des nations. On le comprendra et on se tournera vers lui. Lui-même nous rappelle dans son allocution publique du 11 février le rôle séculaire de la papauté et ses interventions bienfai­santes pour la conservation de la paix dans le monde. Des journaux nous annoncent que les conditions pratiques de cet arbitrage du Pape sont étudiées à Rome par les cardinaux de la Congrégation des affaires ecclé­siastiques extraordinaires et que l'on songerait déjà à un congrès euro­péen. Dieu le veuille! Le Sacré-Cœur de Jésus se sert de la sagesse et de la prudence exceptionnelle qu'il inspire à son vicaire actuel Léon XIII pour gagner le monde à son règne qui est le règne de la paix.

Paroles épiscopales. - La parole des évêques est l'écho des ensei­gnements du Saint-Siège. Le Souverain Pontife ayant rappelé dans ses dernières encycliques les principes du règne social de Jésus-Christ, les évêques dans leurs discours et leurs lettres pastorales rappellent tour à tour ces grands principes.

Il y a quelques semaines, c'était le cardinal Parocchi, vicaire du Sou­verain Pontife qui, dans une allocution au séminaire français de Rome affirmait la nécessité de rompre avec les prétendus principes de 89 pour rétablir le règne de Jésus-Christ. «La France, disait-il, ne retrouvera son rang et sa position traditionnelle que si elle rejette tous les restes d'erreur qui demeurent en elle, du jansénisme, du gallicanisme et du li­béralisme. Tout le poison de ces erreurs est contenu dans ces fameux principes de 89. Sur ces principes il existe une grande confusion d'idées et les prêtres doivent s'appliquer à la faire disparaître».

Plusieurs instructions pastorales du carême traiteront sans doute de ces questions fondamentales. Les deux premières qui nous parviennent les ont prises pour thème. Mgr l'archevêque de Paris a pris pour sujet «Le devoir social». Ce devoir c'est d'abord ce qu'il appelle si justement l'intelligence du pauvre, c'est l'obligation d'une charité intelligente. C'est ensuite le devoir professionnel, c'est-à-dire le devoir de fuir la mol­lesse et l'oisiveté et d'organiser chrétiennement les ateliers du travail. C'est enfin le devoir public, le devoir de prendre part à la vie sociale et politique toutes les fois que la conscience ne s'y oppose pas pour empê­cher le mal et faire le bien dans la mesure de son influence. Mgr l'évêque de Tournai a pris absolument le même thème: «Le devoir social». Il prend à partie la doctrine révolutionnaire. Il oppose les droits de Dieu aux droits de l'homme. Puis il arrive aux conséquences funestes de la ré­volution: le malaise social et les souffrances des travailleurs. Il en montre le remède dans l'action des catholiques qui doivent secouer leur insou­ciance, organiser les associations et les corporations où la pratique de l'équité et de la charité ramènera la paix sociale et la prospérité.

L'œuvre du règne social du Sacré-Cœur. - L'œuvre du règne so­cial de Jésus-Hostie, fondée à Paray il y a six ans et déjà si prospère adopte notre beau nom dans sa première livraison de 1889, elle devient l'œuvre du Règne du Sacré-Cœur. Nous ne sommes que les imitateurs mo­destes de cette grande œuvre. Elle a déjà ses centres d'étude et de propa­gande à Paray, Nîmes, Tours et Choisy en France, à Bruges et Gand pour la Belgique, Grenade et Madrid pour l'Espagne, Turin pour l'Ita­lie, Oporto pour le Portugal, Santiago au Chili, Fribourg en Suisse, Cuenca et Quito à l'Equateur. Ses organes se multiplient. C'est la Répu­blica del Sagrado-Corazon de Jésus à Quito, le Regno sociale di Jesu-Christo à Turin, l'El Bien Bulletin de l'Académie et de la Cour du Roi Jésus à Grenade.

Nous échangeons notre modeste Revue avec ces vaillants champions du règne du Sacré-Cœur. Cette union nous fortifie et nous encourage.

Le Pèlerinage du travail à Rome. - L'apôtre du Sacré-Cœur dans l'usine et l'atelier, M. Harmel, organise un pèlerinage colossal pour le mois de septembre. Il conduira dix mille hommes aux pieds de Léon XIII. Quelle grande et belle œuvre! Quelle puissante démonstration! Ce sera une grande étape vers le règne du Sacré-Cœur dans le monde du travail.

Tous les amis du règne du Sacré-Cœur voudront prendre part à cette fête sans égale et puiser aux grâces abondantes qu'on ne peut manquer d'y trouver. Le voyage ne coûtera qu'un prix fabuleux de bon marché: 115 francs aller et retour de Paris, tous frais compris; 95 francs aller et retour de Marseille. Ce pèlerinage a déjà son journal. On s'abonne pour 1 franc chez M. Dubois, rue de Vesle, 220, à Reims. On peut aussi s'adresser à M. Léon Harmel, à Warmeréville (Marne), ou à M. le com­te de Willechaize, 15, Quai du Canal, à Marseille.

Berlin. - Berlin est devenue la citadelle du protestantisme. La con­quérir au royaume de Jésus-Christ ne sera pas une œuvre facile. C'est une ville d'employés et de militaires. Les mœurs y sont horriblement corrompues. Le socialisme des masses et la fausse philosophie des lettrés y opposeront une longue résistance à la foi catholique. Berlin a 40,000 catholiques environ. La principale église catholique, Sainte-Hedwige, est belle et bien en vue, elle est située près du palais du roi. L'opinion s'agite en ce moment à Berlin pour la création d'un évêché catholique. Ce pays est lancé, il aboutira tôt ou tard et ce sera une belle conquête pour l'Eglise.

Hollande. - En Hollande le règne de Jésus-Christ progresse réguliè­rement. Les préjugés contre l'Eglise diminuent, les catholiques arrivent aux plus hauts emplois de l'Etat. Il y en a même au ministère. L'Eglise protestante y est sans vie. Plus de 300 postes de pasteurs sont vacants et il ne se présente point de candidats. La Hollande est hospitalière aux communautés expulsées d'Allemagne et de France. Notre-Seigneur lui en saura gré. On peut espérer que bientôt le mouvement de conversions s'y accentuera comme en Angleterre.

Mahométisme et croisade. - Il est convenu dans l'histoire de réser­ver le nom de croisades aux grandes expéditions envoyées par la chré­tienté contre le colosse musulman du XIe au XIIIe siècle. En réalité les croisades durent toujours. La lutte de l'Austriche, de la Hongrie, de la Pologne contre l'invasion turque, c'était la croisade. Au XIXe siècle, la lutte de la chrétienté contre les Turcs pour la libération de la Grèce, c'était la croisade, la lutte de la France pour l'affranchissement de l'Al­gérie c'était la croisade. La croisade va reprendre de plus belle. L'Euro­pe s'aperçoit tout à coup que Mahomet a conquis les deux tiers de l'Afri­que. Ce ne sera pas trop de l'union de toute l'Europe chrétienne pour suivre l'ennemi du Christ jusque-là. L'Arabe mahométan va défendre sa foi et les horribles coutumes de la traite des nègres. Ces jours-ci même il chassait les Allemands du Zanguebar, s'emparait de l'Ouganda et y massacrait les missionnaires et les chrétiens. Il faut que l'Europe se lève et qu'elle aille, malgré son peu de foi, combattre pour le règne du Christ. Le Christ l'en récompensera, et l'aidera à se rapprocher de son Cœur qui est la source de tout bien.

Bulgarie. - Le règne du Christ fait des progès rapides en Bulgarie. Si cette réaction catholique durait encore deux ans, disent les journaux russes, il n'y aurait plus de place pour la Russie orthodoxe en Bulgarie. Le nombre des couvents et des congrègations catholiques augmente de jour en jour. Des écoles catholiques ont été ouvertes dans les principaux centres, à Philippopoli, à Sistova, à Sofia, à Roustchouk, à Widdin. Le prince Ferdinand et la principesse Clémentine sa mère prêtent leur con­cours aux œuvres catholiques. Les populations schismatiques revien­nent à l'Eglise catholique. Le schisme russe et l'ancienne église schisma­tique bulgare s'agitent et se fâchent, rien de moins étonnant. Le synode des évêques schismatiques à Sofia vient de se mettre en révolte contre le prince. Si la violence et l'oppression ne viennent pas arrêter le mouve­ment, la Bulgarie sera bientôt reconquise au règne de Jésus-Christ.

Tonkin. - L'Eglise du Tonkin prend un essor merveilleux, On y compte depuis trois ans trente mille baptêmes d'adultes par an. Dans la province de Hanoï, par exemple, le canton de Son-mieug ne comptait il y a dix ans que douze chrétientés et deux mille six cents fidèles, il compte aujourd'hui soixante-trois stations et plus de six mille chrétiens. Le Ton­kin sera conquis rapidement au règne de Jésus-Christ, si notre gouver­nement n'y commet pas trop de sottises. Quel appoint et quel concours l'Eglise trouvera-là ensuite pour gagner à Jésus-Christ l'Indo-Chine et la Chine. La mission du Laos est reprise, elle est aussi pleine de promes­ses. Il faut à l'Eglise du Tonkin des apôtres et des ressources, le Sacré-­Cœur les lui enverra.

Japon. - Le Japon sera chrétien prochainement. Il le veut, il est sé­duit par la civilisation européenne. Mais sera-t-il catholique ou schisma­tique? La Russie y fait de la propagande politique et elle y réussit, elle y envoie des popes et ils gagnent des adhérents. Les missions catholiques y gagnent aussi du terrain, mais pas assez vite encore. On y compte envi­ron six mille baptêmes d'adultes par an. Il y a une centaine de mission­naires. Il en faudrait mille. Aidons les écoles apostoliques et la Propaga­tion de la foi.

Océanie. L'archipel Sandwich. - Les races fécondes et puissantes sont en train d'absorber les autres. Les populations primitives de l'Amé­rique, de l'Australie, de l'Océanie s'éteignent et disparaissent. Il n'y au­ra plus sur la surface du globe que des Indo-européens et des Chinois. Un exemple entre cent: l'archipel Sandwich était peuplé de Kanaks qui devenaient assez rapidement chrétiens sous l'influence du Sacré-Cœur. Ce sont les Pères de Picpus qui les évangélisent. Mais ces îles sont fertiles et commerçantes et les voici envahies. On y compte dix-sept mille Portu­gais et quarante mille Chinois? Quel avenir la Providence réserve-t-elle donc aux Chinois. Ce n'est pas une race d'élite, mais c'est une race fé­conde, ils pullulent. Les sauveurs de la société chrétienne contre la bar­barie chinoise seront les missionnaires qui se multiplient pour étendre à cet empire colossal le règne du Sacré-Cœur.

CHRONIQUE (Avril 1889)

Paroles épiscopales. - Nous avons parlé déjà des mandements de carême. Ils accusent un mouvement qui grandira en faveur du retour des nations au règne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ. Nous avons cité déjà le cardinal Parocchi, Mgr L'Archevêque de Paris, Mgr Frep­pel, Mgr l'Evêque de Tournai, qui ont traité magistralement la question sociale. Nos seigneurs les Evêques d'Orléans et de Versailles ont opposé aussi les droits de Dieu sur les sociétés aux prétendus droits de l'homme.

Monseigneur l'Evêque de Tulle a pris pour thème le règne de Dieu dans la société. «Plusieurs autres en publiant l'encyclique Exeunte jam an­no parlent incidemment du règne social de Jésus-Christ et même formel­lement du règne du Sacré-Cœur. C'est ainsi que Monseigneur l'Evêque de Saint-Flour, qui a eu l'extrême charité de nous envoyer son mande­ment, adresse à ses diocésains ce chaleureux appel: «Que notre foi se ré­veille, en présence surtout des négations et des apostasies dont nous som­mes si souvent les spectateurs, indignés peut-être, mais parfois trop com­plaisants et trop muets… Répétons bien haut notre Credo, en présence de ces prétendus libre-penseurs, qui ne sont pas même toujours capables de penser… Répétons-le en proclamant bien haut la royauté spirituelle de Jésus-Christ sur les âmes et sur le monde et en exaltant, d'une main bien ferme, son immortel drapeau: la Croix avec son Sacré-Cœur.

La Consécration nationale. - C'est maintenant chose acquise, il y aura un grand effort, un mouvement vraiment national pour rendre au Sacré-Cœur au mois de juin prochain l'hommage social qu'il a deman­dé. Tous les centres de dévotion au Sacré-Cœur propagent cette idée et répandent des formules de consécration. L'institut des Fastes eucharisti­ques à Paray-le-Monial publie la magnifique formule qui a été présentée au Congrès de Lille par M. de Maricourt.

L'œuvre du Vœu National de Montmartre, l'Apostolat de la prière de Toulouse publient aussi et répandent à profusion de belles formules.La Garde d'honneur de Bourg prépare un pèlerinage à Paray dans le même but. En Belgique aussi les feuilles de consécration se répandent. La rédaction du journal La Croix prépare une réunion à Paris pour orga­niser et diriger tous les efforts privés. Ayons courage, ne nous endor­mons pas au milieu du péril social qui peut ramener les grandes épreuves que la patrie a déjà connues. Donnons au Sacré-Cœur tout ce qu'il nous a demandé. Nous envoyons des formules de consécration à qui nous en exprime le désir (20 cent. la douzaine, 1 fr. 25 le cent).

Les cahiers de 1889. - Les réunions provinciales de Montpellier et de Poitiers ont été splendides. D'autres se préparent. La lumière se fait. La Révolution a manqué à toutes ses promesses, il faut reprendre son œuvre. La France marche rapidement vers sa ruine matérielle et mora­le. Dieu seul peut nous sauver si nous revenons à lui. Les vœux sont unanimes. Pour la question religieuse, il faut revenir au droit chrétien. Pour l'enseignement, il faut rendre à l'Eglise sa liberté et même suppri­mer le monopole de l'Etat. Pour les questions sociales, il faut revenir au repos du dimanche, protéger l'industrie nationale, favoriser les associa­tions. Mais le vœu capital est celui-ci: «Que la France, reconnaissant la royauté sociale du Christ, soit un jour consacrée au Sacré-Cœur par ses gouvernants eux-mêmes, prosternés devant l'hostie sainte dans le tem­ple du Vœu National, où ils rendront solennellement foi et hommage li­ge et prêteront serment d'une fidelité sans restriction à Notre-Seigneur Jésus-Christ, souverain Seigneur, Maître et Roi de la Patrie».

Belgique. - La catholique Belgique travaille pratiquement et efficace­ment à l'extension du règne de Notre-Seigneur. Malines et Gand prépa­rent leurs congrès des œuvres sociales. A Malines le rendez-vous est pro­chain. Les réunions se tiendront du 28 avril au 3 mai, sous la présidence de Monseigneur l'Archevêque. Le but de l'Assemblée est de rechercher les moyens de fonder, de développer et de propager les œuvres les mieux appropriées aux besoins religieux, moraux et matériels des populations. - A Louvain, le 29 mars, le vaillant rédacteur du Bien Public de Gand, M. Verspeyen, donnait aux étudiants une conférence sur le Centenaire de la Révolution, les droits de Dieu et les devoirs de l'homme.

L'orateur a été entraînant et l'enthousiasme des étudiants lui a décerné une ovation triomphale. L'Université de Louvain ne s'en tiendra pas là. Elle aura de nouvelles démonstrations à l'occasion du fameux centenaire. Nous n'attendions pas moins de cette élite de la jeunesse catholique.

Quelques livres. - Un livre qui devra contribuer largement au mouvement social chrétien est le Catéchisme du patron, édité par M. Léon Harmel. C'est un véritable code de toutes les questions sociales, des de­voirs sociaux et des moyens d'action pour la restauration de la vie chré­tienne dans l'usine. Les prêtres et les patrons ne peuvent plus se passer de ce livre. On le trouve à Paris au bureau du journal La Corporation, Boulevard Saint-Germain, 262. - Nos abonnés aimeront aussi à se pro­curer une brochure de Mgr Cirot de la Ville sur le Règne du Sacré-­Cœur de Jésus-Christ. Mgr Cirot a dit d'une manière plus étendue et plus éloquente ce que nous nous efforçons de dire dans cette Revue. On trouve cette brochure à la librairie de Saint-Paul, 6, rue Cassette, à Pa­ris. - La Franc-Maçonnerie a été démasquée en ces temps-ci par bien des ouvrages qui nous en livrent définitivement les secrets, notamment par le livre capital de M. Paul Rosen Satan et C. ie. Mais le livre de Paul Rosen ne peut pas être laissé dans toutes les mains, il est trop complet. On lira volontiers et avec profit Le Décalogue et la Franc-Maçonnerie, ouvra­ge de propagande par le Dr Daymonez, honoré d'une bénédiction du Saint-Père. On le trouve chez M. Tournemire à Riom (Puy-de-Dôme). (1 fr 50 l'exemplaire. - 1 fr si on le prend en nombre par colis postal). Signalons encore une petite brochure d'actualité Les Trois 89, par le P. Marin de Boylesve, chez Haton. Il faudrait la distribuer par centaines. - Puis un livre utile entre tous Le Bréviaire des pieux laïques, (3 fr. relié chez Lebouvier; libraire à Tours), livre bien composé et vraiment digne d'être adopté par les hommes du monde sérieusement chrétiens. C'est le recueil de prières et de lectures le mieux fait que nous connaissions pour cet usage. - Enfin nos lecteurs nous sauront gré de leur avoir signalé le beau livre de M. l'abbé Buathier sur Le Sacrifice dans le dogme catholique et dans la vie chretienne. On le trouve chez l'auteur, curé-archiprêtre de Saint-Trivier (Ain). C'est là un livre d'une grande portée, un livre qui demeurera comme les beaux livres de M. Olier, de Mgr Gay, du P. Fa­ber et des Maîtres de la vie spirituelle.

Haïti. - Les journaux nous entretiennent souvent de la guerre civile en Haïti. Le nouveau président de la République, le général Légitime a rencontré un parti d'opposition puissant qui voudrait l'empêcher d'af­fermir son autorité. C'est tout ce que nous révèle la presse, mais une pieuse religieuse qui est en mission dans la République Haïtienne nous donne le motif de cette lutte. Le général Légitime est un catholique et un vrai catholique, un agrégé même de la Confrérie du Sacré-Cœur, de là le déchaînement des Francs-Maçons et des libéraux contre lui. Donnons donc à ces pauvres haïtiens le secours de nos prières.

CHRONIQUE (Mai 1889:
texte du p. C. Lambert)

§ 1er. LE MOUVEMENT SOCIAL

Paroles épiscopales. - Il faudrait citer presque toutes les lettres pas­torales du dernier carême pour signaler toutes les revendications des droits de Dieu dans la société par lesquelles nos évêques ont fait écho au Souverain Pontifie. Rappelons-en quelques-unes seulement.

- Mgr Desprez, cardinal archevêque de Toulouse: «Nos sociétés modernes languissent, se traînent, dépérissent à vue d'œil; la raison en est, remarque Léon XIII, qu'elles se sont trop séparées de Jésus-Christ. Les branches de la vigne se déssèchent, aussitôt qu'elles ont été déta­chées de ce cep».

- Mgr Dennel, évêque d'Arras: «Au nom d'une orgueilleuse indé­pendance, on proscrit Dieu et son Eglise du gouvernement de ce monde; nous devons, au nom de la foi chrétienne, travailler de toutes nos forces à l'y faire rentrer.

- Mgr Renouard, évêque de Limoges: «Le salut pour tous, pour les individus aussi bien que pour les sociétés, est dans la reconnaissance des droits de Jésus-Christ, Dieu Sauveur. Pour notre société, dévoyée de­puis cent ans et vouée à l'idolâtrie des droits de l'homme, cette restaura­tion des droits de Dieu sera un gage de paix et de fraternelle concorde dans le Christ Jésus» .

- Mgr Vigne, archevêque d'Avignon: «Hélas! qui donc ne se plaint pas à l'heure présente du malaise dont souffrent toutes les classes socia­les?… C'est la réalisation de la parole des Livres-Saints, que si la justice élève les nations, le péché rend les peuples misérables. C'est cette vérité que le Souverain Pontife nous rappelle dans sa paternelle sollicitude. Il nous montre aussi le remède infaillible à ces maux, qui est le rétablisse­ment du règne de Jésus-Christ dans le monde, le retour sincère et géné­reux des individus et des peuples à la vie chrétienne».

- Mgr Perraud, évêque d'Autun: «Cent ans se sont écoulés depuis qu'une assemblée française a proclamé parmi nous les droits de l'homme. Durant cette période quinze gouvernements différents se sont succédé dans notre pays avec une durée moyenne d'un peu moins de sept an­nées. Aux penseurs qui s'appliquent à la philosophie de l'histoire, de re­chercher si l'oubli systématique des droits de Dieu profite aux nations.

Les Congrès catholiques. - N'est-ce pas l'antique chrétienté qui se réveille? Les peuples catholiques sentent le besoin de la vie sociale chré­tienne qu'ils ont laissé s'éteindre. Ils y reviennent. Les dernières assem­blées de Malines, de Madrid, de Lisbonne et de Vienne sont de grands faits politiques et sociaux. Les populations chrétiennes refont leur éduca­tion sociale. Des congrès, les idées et les principes passeront dans la poli­tique d'action et dans les faits. Le thème de ces congrès se résume en ces trois chefs principaux: la revendication de l'indépendance temporelle du Souverain Pontife, l'éducation chrétienne des enfants et l'organisation chrétienne du travail. On reconnaît bien là les enfants de Dieu, les amis du Sacré-Cœur, ils se préoccupent du père commun des fidèles, des en­fants et des pauvres. Ils auront gain de cause. Pour l'éducation des en­fants et l'organisation du travail, les idées chrétiennes gagnent du ter­rain, elles vont pénétrer déjà dans les lois et dans les mœurs en Autriche et en Hollande. Pour l'indépendance du Pape, l'opinion se forme en Eu­rope, le gouvernement italien le voit si bien qu'il en prend peur. Ces congrès se renouvelleront l'an prochain. Ils ont été superbes d'entrain, d'unanimité, d'union entre les évêques et les fidèles de toutes condi­tions.

Les assemblées provinciales libres. - Les assemblées provinciales li­bres rédigent leurs cahiers comme les anciens baillages. Ces jours-ci c'était à Aix, à Lyon, à Orléans, à Besançon. Ces cahiers nouveaux cons­tituent, dans leur ensemble, un véritable réquisitoire contre la révolu­tion de 1789. Le péché originel de la révolution française a été de rompre avec la tradition chrétienne qui est l'âme de la civilisation; de même le point de départ de ce salutaire mouvement de restauration est de rame­ner le christianisme dans les institutions, dans les lois, dans l'éducation, dans tout l'organisme social. Cette lente et sage élaboration d'un pro­gramme général de politique chrétienne prend les proportions d'un fait important. Elle s'imposera bientôt à l'attention de tous les gouverne­ments. Puissent ceux-ci comprendre la salutaire fécondité de ce travail et l'utiliser pour la défense et la sauvegarde de l'ordre social! Cette renais­sance catholique se développe et s'étend de pays en pays. Elle constitue­ra bientôt en France, comme en Allemagne et en Autriche, en Belgique comme en Espagne, la féconde et salutaire affirmation de la solution vraie de la question sociale entre le naturalisme impuissant et le socialis­me menaçant.

Autres Congrès. - Deux autres réunions importantes s'annoncent, mais c'est pour plus tard et nous en reparlerons. Il s'agit du congrès anti-esclavagiste qui se tiendra à Lucerne et de la conférence internatio­nale sur la question ouvrière qui doit se réunir à Berne. Le règne du Sacré-Cœur trouvera son profit à ces deux réunions bien qu'elles ne semblent avoir qu'un but humanitaire. L'esprit chrétien y aura sa part d'influence.

Appel de l'alliance catholique. - Les abbés Lémann dans leur style imagé et biblique ont lancé un appel émouvant à tous les comités de l'al­liance catholique pour provoquer un vaste pèlerinage à Paray au 28 juin. «Les partis morcèlent la France, disent-ils, mais quel que soit celui au­quel on appartienne, on retrouve dans les autres partis des frères, des amis, par le désir commun à tous de voir la France revenir au bonheur. Or, il existe des promesses consolantes sorties, il y a deux siècles, du Cœur de Jésus, et dont la réalisation n'attend, pour se produire, que la correspondance de l'amour. Cette correspondance de l'amour, elle se prononce, fervente, multiple, sur bien des points de la France; mais il ne faut pas qu'elle brille et brûle isolée, éparpillée. Il importe que tous ses rayons soient ramenés en un foyer radieux: et c'est pourquoi, encoura­gée par S. G. Mgr Perraud, évêque d'Autun, l'Alliance catholique ose prendre, auprès des amis du Sacré-Cœur, l'initiative d'une concentra­tion d'amour et d'élans de charité au cher Paray, pour le 28 juin, fête du Sacré-Cœur. Elle leur dit: Venez, réalisons ensemble les espérances énoncées par la foi de nos pères: La France attend Dieu, mais Dieu at­tend la France aussi… Un concours nombreux auprès du Sacré-Cœur en cette année 1889 et pour la fête du 28 juin, ne sera-ce pas la démarche de la France attendue de Dieu?… Souvenez-vous d'Israël qui retrouva par miracle le feu sacré perdu dans la boue d'un puits profond… Peuple français, ô peuple, ou plutôt, ô cœur, cœur si bien doué pour aimer et pour te souvenir, ah! n'est-ce pas, tu as compris l'allusion! Sous la boue du septicisme et du naturalisme, et aussi sous le poids de plusieurs an­nées de malheurs, la flamme s'est éteinte chez un grand nombre de tes enfants. Plus d'enthousiasme, plus d'énergie, plus même d'espérance… En eux, hélas! le feu sacré n'est plus! Cher peuple, va, reprends coura­ge. N'est-ce point sur ton territoire que le Sacré-Cœur, voilé durant des siècles, a resplendi tout à coup comme un divin soleil? A son contact, mieux encore qu'au soir de la captivité, la boue s'embrasera et le feu sa­cré reparaîtra pour ne plus s'éteindre.

Telle est la merveille qu'une Providence amoureuse tient en réserve pour la France, et c'est afin d'en obtenir plus promptement l'accomplis­sement, que les associés de l'Alliance catholique se rendront le 28 juin, en pèlerinage à Paray.

Espagne. - Partout, l'idée du Règne social du Sacré-Cœur fait des pro­grès.

Le 8 mai on a célébré, dans toute l'Espagne, le 13e centenaire de la conversion au catholicisme du roi Reccarède (589). C'est lui qui fit con­voquer le 3ème concile de Tolède, et là en présence de 80 évêques présidés par saint Léandre, archevêque de Séville, il fit, en son nom et au nom des Goths attachés à l'arianisme, une profession de foi catholique qui as­sura l'unité religieuse en Espagne.

L'initiative de ces solennités est due au célèbre Don Salda y Salvany, directeur de la Revista Popular, et auteur du célèbre opuscule intitulé: Le libéralisme est un péché.

On répand partout pour la célébration du centenaire la prière suivan­te: «Dieu tout-puissant et miséricordieux, qui, par notre catholique roi Reccarède, et les Pères du 3ème concile de Tolède, avez arraché de notre patrie l'hérésie arienne, faites que dans une même foi et une même cha­rité, nous travaillions avec ardeur pour la restauration de notre unité catholi­que, et du règne social de votre Fils, Notre-Seigneur Jésus-Christ.

«Cœur de Jésus, régnez en notre Espagne. Mère Immaculée, sauvez­nous»

«Ange gardien du royaume, saint Jacques, apôtre, Saints Protecteurs de l'Espagne, intercédez pour nous».

Autriche. - Il y a en Autriche un grand mouvement catholique. Puisse le grand empire apostolique sortir enfin de l'engourdissement où le tenait l'ancienne erreur joséphiste, analogue à notre gallicanisme, et se­couer le joug des juifs qui le mènent comme un esclave par l'influence de la presse et des banques! Le ministère autrichien a des tendances catholi­ques accentuées.

Les catholiques viennent de faire élire leurs candidats au conseil com­munal de Vienne. Une salutaire réforme s'accomplit aussi dans le grand ordre bénédictin qui possède en Autriche de puissantes maisons, mais qui avait besoin de se rapprocher de l'austérité religieuse primitive. Espérons que l'Autriche reprendra pleinement sa mission de grande puissance catholique.

§ 2. LE REGNE DU SACRE-CŒUR DANS LES AMES

Un apôtre du Sacré-Cœur. - Tous les saints ont été, à des degrés divers, les apôtres du Sacré-Cœur. Toutefois, parmi ceux qui, en notre siècle, ont travaillé le plus efficacement à propager son culte, la vénéra­ble Mère Barat occupe incontestablement un rang à part. Or, nous som­mes heureux d'apprendre que la S. Congrégation des Rites, dans sa séance du 6 avril, s'est prononcée au sujet de la validité du procès apos­tolique fait à Paris sur la renommée de sainteté, les vertus et les miracles en général de la Vénérable Madeleine-Sophie Barat, fondatrice des Sœurs du Sacré-Cœur «dans le but et l'effet dont il s'agit», c'est-à-dire afin de pouvoir donner suite à son procès de béatification et de canonisa­tion.

Une grande chrétienne au XVIIe siècle. Madame de la Tour-­Neuvillars3). - La plume d'un érudit consommé et d'un fervent chré­tien, a remis en pleine lumière une grande et belle figure du XVIIe siè­cle, celle de Madame de la Tour-Neuvillars (Suzanne de la Pomélie, 1571-1616) vénérée de son vivant comme le type éminent de la chrétien­ne accomplie, canonisée après sa mort par le suffrage spontané du peu­ple, et jugée digne par sa dévotion insigne envers le Sacré-Cœur de Jé­sus, d'être rangée aujourd'hui parmi les précurseurs immédiats de la B. Marguerite-Marie.

Elevée dans l'hérésie, elle se fit catholique et catholique elle souffrit pour sa foi. Vivant dans le monde, elle y pratiqua la perfection du cloître, et soixante ans avant la B. Marguerite-Marie, elle entendit Notre-Seigneur lui adresser ces paroles: Voilà mon Cœur que je t'avais pro-mis, tu y trouveras abondamment tout ce que tu pourras désirer.

Issue d'une antique et noble famille du Limousin, qui avait eu le mal­heur de passer au protestantisme, Suzanne de la Pomélie fut élevée dans l'hérésie, et mariée à un gentilhomme calviniste, Jean de la Tour-Neu­villars. Cependant, elle avait une sœur cadette qui, quoique protestan­te, avait été confiée aux soins de sa tante, M.me du Verdier, abbesse du couvent des Bénédictines de Limoges. M.me de Neuvillars fut amenée par là à une série de relations qui l'initièrent à des idées religieuses qu'el­le ignorait, et firent bientôt la lumière dans son âme. Elle pria long­temps; elle suivait du regard les catholiques qu'elle apercevait du haut de la terrasse de son château, se rendant à l'église, et les accompagnait de cœur au pied de l'autel. Bientôt, il lui devient impossible de résister à la grâce qui la pressait, et elle profita d'un voyage à Limoges pour faire son abjuration, sa confession générale et sa première communion.

A partir de ce moment, sa vie fut un long martyre. Son beau-père et son mari la persécutèrent cruellement, mais sa constance invincible, et sa patience inaltèrable triomphèrent. Elle obtint même que l'on élevât dans la religion catholique ses deux fils, Charles et David, et que l'on confiât leur éducation aux Pères de la Compagnie de Jésus.

Ces résultats inespérés étaient le fruit de ses prières et de ses exemples, mais plus encore le visible accomplissement de cette promesse faite plus tard par Notre-Seigneur à la B. Marguerite-Marie. « je mettrai la paix dans les familles». Cette châtelaine, qui ne manquait à aucune de ses obli­gations de maîtresse de maison, gouvernait ses gens et visitait les mala­des, trouvait en outre du temps pour mener dans son oratoire secret la vie contemplative d'une adoratrice du Cœur de Jésus, et parfois elle se perdait dans une contemplation qui rappelle les transports d'un saint François d'Assise ou d'un saint Ignace de Loyola. Pour être moins in­complet, dit Le Monde à qui nous empruntons ce récit, il faudrait mon­trer Mme de Neuvillars dans sa demeure seigneuriale, révérée de ses ser­viteurs à l'égal d'une reine, regagnant par ses bons offices le cœur de son mari hérétique, chérie de ses enfants et bénie des malheureux. Il au­rait fallu surtout pénétrer dans ce sanctuaire mystérieux où Notre­Seigneur Jésus-Christ la favorisa d'apparitions et de révélations qui semblent appartenir à la vie d'une sainte Thérèse ou d'une sainte Ger­trude. Avant de terminer, nous invitons les personnes pieuses du monde et les personnes consacrées à Dieu dans la vie religieuse, à lire en leur en­tier ces récits merveilleux de simplicité et d'onction; elles y verront jus­qu'où peut s'élever l'héroïsme du devoir d'état et jusqu'à quelle sainteté peut monter une âme transfigurée par la dévotion au Sacré-Cœur.

Je bénirai moi-même les maisons où l'image de mon Sacré-Cœur sera exposée et honorée. - Cette consolante promesse reçoit tous les jours une éclatante confirmation des événements. Ainsi, pour ne citer qu'un trait entre une multitude d'autres, dans une paroisse des environs de S. Q., un vieillard était atteint d'une maladie qui devait amener la mort dans un bref délai. Sa conversion était chose difficile. C'était un esprit fort de village; il ai­mait à faire parade d'incrédulité, et à parler contre la religion. Il avait contre son vénérable curé de violentes antipathies; et celui-ci en se pré­sentant, avait la certitude d'être brutalement éconduit. Un jour que le bon curé faisait part de cette douloureuse situation à un missionnaire qui venait de prêcher dans sa paroisse, celui-ci lui offrit d'aller voir lui-même le pauvre malade, et afin d'attirer la bénédiction du ciel sur sa dé­marche, il se munit d'une médaille de la sainte Vierge et d'une image du Sacré-Cœur. Reçu d'abord d'une manière fort impolie par ce vieillard ai­gri par la souffrance, il ose cependant lui offrir sa médaille et son image; à son grand étonnement, ce pieux cadeau est accepté, et le malade en le recevant, semble éprouver une émotion qu'il ne sait pas dissimuler.

Cependant on prie, et on fait prier les enfants d'une école apostolique pendant l'Heure sainte qui s'y fait pendant la nuit du jeudi au premier vendredi du mois. Quelques jours après, le missionnaire retourne voir son malade; il a l'immense consolation de recevoir sa confession, et de lui administrer le saint Viatique et l'Extrême-Onction. La conversion était complète; le vieux pécheur était devenu un autre homme; et il mou­rut dans des sentiments de résignation chrétienne et d'édifiante piété.

L'image du Sacré-Cœur, qu'il avait reçue, avait protégé et béni ses derniers moments.

Une fleur du Sacré-Cœur. - Pendant sa vie mortelle, Jésus-Christ appellait à lui les petits enfants, et les caressant, il les pressait sur son cœur. Leur innocence, leurs candeur était pour lui un charme si doux et si puissant! Les enfants à leur tour se sentaient attirés vers lui.

Cet attrait réciproque et mystérieux existe toujours. En particulier la dévotion au Sacré-Cœur a pour les enfants d'ineffables charmes et opère en eux des merveilles.

Dans la ville de L…, Valentine n'a que neuf ans et le Cœur de Jésus lui a déjà enseigné, il semble, tous les secrets de la sainteté. Depuis long­ temps elle a voulu avoir sa chambre: savez-vous pourquoi? Approchez discrètement; voyez-vous ce petit autel où sont tous les objets de piété, et au milieu cette statue du Sacré-Cœur toujours entourée de belles fleurs? C'est là que vingt fois le jour, la pieuse enfant vient seule se prosterner dans le silence et le recueillement et se donner à Jésus. Elle lui demande de l'aimer et de lui plaire toujours davantage, et le prie pour ses parents, pour tous ceux qu'elle connaît, surtout pour les pécheurs.

Cette dévotion est loin d'être stérile. Dites à Valentine que telle paro­le, telle action déplaisent au Sacré-Cœur; vous êtes certains que jamais elle ne prononcera cette parole ou ne fera cette action. Souvent, surtout le vendredi, elle s'impose quelques privations, quelques sacrifices en l'honneur du Sacré-Cœur. Quand ses parents lui signalent un défaut, aussitôt elle cherche à s'en corriger pour plaire à Jésus.

On le sent, la grâce agit fortement dans cette âme innocente et y opère des prodiges; on remarque en elle un sens déjà profond, une intelligence étonnante des choses divines, et je ne crains pas de le dire, une grande perfection reposant sur l'amour de Dieu, l'esprit d'abnégation et de sa­crifice. Qui ne voit dans cette enfant une fleur du Sacré-Cœur?

Valentine se prépare depuis longtemps à la première Communion: mais il lui faut encore attendre deux ans, et c'est bien long! Sa mère lui a enseigné la Communion spirituelle, et tous les jours elle reçoit ainsi son bien-aimé Jésus.

Que deviendra cette enfant? Elle sera dame du Sacré-Cœur, dit-elle, et déjà elle demande ce que font ces religieuses et s'efforce de les imiter. O heureuse enfant! Dieu décidera de l'avenir. Quoi-qu'il en soit, grandis dans l'innocence à l'ombre de cet autel que tes mains ont élevé et prie pour que toutes les mères, comme la tienne, inspirent à leurs en­fants avec l'amour de Marie Immaculée l'amour du Cœur de Jésus.

C. Lambert

Prêtre du Sacré-Cœur

CHRONIQUE (Juin 1889)

§ 1er. LE MOUVEMENT SOCIAL

Paris. - Comment résumer la belle lettre pastorale du cardinal Ri­chard? Il faudrait la citer toute entière.

Après avoir, à la suite de Léon XIII, rappelé tout ce que les sociétés civiles et la France en particulier doivent à l'Evangile, il conclut: «Quel est notre devoir à nous tous, N. T. C. F., qui aimons l'Eglise et la patrie française d'un même amour? C'est de travailler à maintenir et à fonder les institutions chrétiennes qui ont fait notre gloire et notre force dans les siècles passés, qui sont encore notre force et notre gloire dans le monde». «Puis arrivant au but spécial de sa lettre, il rappelle les mani­festations miséricordieuses de Notre-Seigneur à Marguerite-Marie, et il ajoute: «La B. Marguerite-Marie aimait la France, et, dans le secret de son oraison, elle comprenait que Notre-Seigneur voulait y être aimé et glorifié. En 1689, elle exprimait un ardent désir que le Cœur adorable du Sauveur y fût spécialement honoré et que la nation française lui fût consacrée par le prince à qui Dieu en avait confié le gouvernement.

«Les désirs de la servante de Dieu ne furent pas exaucés alors. La France s'en alla dans les voies de l'incrédulité, et un siècle après, nous le rappelions tout à l'heure, les hommes qui voulaient arracher la France au christianisme s'efforçaient d'effacer le nom de Notre-Seigneur de nos institutions et de nos mœurs.

Mais, comme le dit l'Apôtre, les dons de Dieu sont sans repentance. Un autre siècle s'est écoulé, et la France, rappelée par Dieu dans sa voie providentielle, vient au Cœur adorable du Sauveur pour y chercher la miséricorde et l'espérance.

«Pour nous, N. T. C. F., nous ne pouvons que répéter les paroles de paix que le vénérable cardinal prononçait en posant les fondements de la basilique du Vœu national, et nous admirons la suavité et la force du gouvernement divin dans la conduite des nations. Il y a deux cents ans, la B. Marguerite-Marie souhaitait que le grand Roi, qui semblait résu­mer en lui la nation toute entière, offrît au divin Rédempteur l'homma­ge de la France; aujourd'hui, par le mouvement inhérent aux choses hu­maines, la société fançaise s'est transformée, et c'est à chacun de nous qu'il appartient de faire cet acte d'hommage, comme il lui appartient de donner son suffrage dans les choses du pays: plébiscite de paix et d'union dans un même amour de l'Eglise et de la patrie française».

Le cardinal présidera lui-même la belle solennité du 28 au sanctuaire de Montmartre.

La Rochelle. - Mgr l'Evêque de La Rochelle veut aussi que la fête du Sacré-Cœur, ait cette année, un éclat inaccoutumé dans son diocèse. Sa belle lettre pastorale redit les opportunités de cette dévotion et la mis­sion de la France. En voici quelques passages:

«Vous l'avez compris, N. T. C. F., jamais la France n'avait été me­nacée dans sa foi par des doctrines plus perverses et plus dangereuses (le jansénisme et le rationalisme). Jamais les âmes n'avaient été exposées à de plus grands périls, et si les colonnes sur lesquelles s'appuyait la foi de nos pères n'ont pas été renversées jusque dans leur base, c'est que Dieu veillait sur notre patrie, toujours fière de son titre glorieux de fille aînée de l'Eglise.

«Dans le silence d'un cloître de la Visitation, le Seigneur apparaît à une humble religieuse, Marguerite-Marie; il lui ouvre son Cœur, tout resplendissant d'amour, et lui dit: Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes! Il lui ordonne de communier tous les premiers vendredis du mois, et d'obtenir de l'autorité ecclésiastique qu'une fête en l'honneur de son Sacré-Cœur soit établie le vendredi dans l'octave de la fête du très saint Sacrement.

«Jésus-Christ prouve ainsi aux jansénistes que le christianisme n'est pas seulement toute vérité, mais encore toute tendresse; et aux rationa­listes, que, pour croire, il ne suffit pas de raisonner, mais qu'il faut ai­mer. Désormais, par le Cœur Sacré du Sauveur, la sévérité outrée du jansénisme sera vaincue, et le rationalisme, qui enlève à l'homme, en même temps que l'espérance de connaître Dieu, les beautés de la foi, se­ra frappé de stérilité et d'impuissance.

«La France, cette patrie des grandes âmes, aura la glorieuse mission de propager le culte du Sacré-Cœur».

Vannes. - Mgr Bécel, évêque de Vannes, voulant, dit-il, dans une lettre à ses diocésains, faire à la fois acte de religion et de patriotisme, in­vite son clergé à célébrer solennellement, dans chaque paroisse, la fête du Sacré-Cœur, soit le vendredi 28 juin, soit le dimanche suivant. Les curés devront lire publiquement l'acte d'amende honorable autorisé par Mgr l'archevêque de Paris; Mgr Bécel se réserve de le lire lui-même à la cathédrale et au grand séminaire, et de renouveler la consécration de son diocèse au Sacré-Cœur.

Une quête pour la basilique de Montmartre sera faite ce même jour dans toutes les églises du diocèse.

Belgique. - Un nouveau centre de propagande pour le règne du Sacré-Cœur de Jésus vient de se fonder en Belgique. Nos seigneurs les Evêques de Namur et de Luxembourg ont bien voulu confier aux Prê­tres du Sacré-Cœur, qui dirigent cette Revue, la maison de Clairefontai­ne près d'Arlon. Ce monastère si riche en traditions pieuses et tout em­baumé encore des souvenirs de saint Bernard est destiné à la préparation de missionnaires religieux pour l'Amérique du Sud et la Scandinavie. Il se recrutera surtout au Luxembourg, en Belgique et dans les provinces catholiques de l'Allemagne. Qui ne sent parmi les catholiques le besoin de pourvoir au plus vite au service religieux des innombrables émigrants qui partent pour l'Amérique méridionale? Nous savons qu'en Belgique particuliérement le clergé est préoccupé de cette pensée. Nous avons la confiance que cette maison obtiendra facilement ses sympathies et son concours.

§ 2. LE REGNE DU SACRE-CŒUR DANS LES MASSES

Le Colonel Paqueron. - Nous ne connaissions pas le Colonel Pa­queron quand le beau livre de Mgr Saivent nous est tombé sous la main4). Nous voudrions maintenant faire lire cette belle vie par tout le monde. Le Colonel Paqueron fut un grand chrétien dont la vie sans éclat extérieur dut être extrêmement précieuse devant Dieu. Ce qui le carac­térise, c'est qu'il a su allier l'énergie du devoir à la suavité du sentiment. Sa biographie toute remplie de citations, de ses mémoires ou de ses notes quotidiennes, charmera ses lecteurs à l'égal des livres délicieux écrits sur Mme Swetchine, Eugénie de Guerin et le Récit d'une Sœur.

Nous voudrions en citer quelques pages, mais lesquelles choisir? Il y en a tant de superbes! Voici cependant quelques fragments. Ici il nous révèle le secret de sa force d'âme, c'est la pensée de deux témoins invisi­bles qui le surveillent, son Dieu et sa pieuse épouse qu'il a perdue: «Quelle force, dit-il, me donne cette conviction de la présence de Dieu! Malheur à l'homme qui vit seul et qui ne sent pas près de lui cet adora­ble voisinage! Que peut-il faire dans son isolement et quelle puissance terrestre est capable de relever son cœur? Moi Seigneur, je sens bien que je ne suis fort qu'avec vous et en vous; si je vous perds de vue, mon énergie défaille et ma nature tombe. Soyez près de mon âme, Seigneur, et que je sente toujours votre main et vos yeux sur moi!».

Dans un autre moment, revenant le soir, dans sa pensée, sur les luttes d'une semaine écoulée, il écrit avec une naïve tendresse: «J'ai repassé, devant ma chère Eulalie, ma conduite de la semaine dernière, et je crois qu'elle aura été contente de moi. J'ai travaillé avec son souvenir présent, tous les jours, et mon courage n'a point faibli. Non, la mort ne nous sé­pare pas. C'est bon de sentir profondément qu'on se voit à travers la mort, et que malgré ses ombres, les âmes qu'elle a touchées nous restent toujours unies».

Sa grande préoccupation est de faire une large place à Dieu dans l'âme de son enfant. «Ne cesse pas, mon cher et bon Charles, lui dit-il, de remercier Dieu qui nous protège si visiblement, qui nous couvre en­semble de son amour. C'est à lui seul que nous devons tout… S'il nous est doux, cher enfant, d'être unis ensemble et de nous aimer, sachons en remercier celui qui forme ces liens et nourrit cet amour». Et une autre fois: «Dans tes luttes, il n'y a pas à hésiter; prends toujours le parti de Dieu contre toi-même, aussi bien que contre les autres. C'est le seul par­ti de l'honneur et de la victoire. C'est aussi le seul parti de ton père; tu me trouveras toujours de ce côté».

Mais nous renonçons à continuer de défigurer par des coupures ce qui demande à être lu en entier.

Un détail cependant encore. Le Colonel Paqueron était l'ami et le confident de Mgr Affre. C'est lui qui encouragea l'héroïque archevêque de Paris dans son dessein si généreux et si digne d'un vrai pasteur et qui lui mit aux mains le rameau vert avec lequel il se présenta devant les bar­ricades du faubourg Saint-Antoine.

Jean-Baptiste Aubry. - Qui n'a pas lu les lettres du saint missionnai­re mort au Kouy-Tchéou, il y a peu d'années, en digne confesseur de la foi. Ces lettres publiées il y a trois ans environ par le frère du Missionaire, curé à Dreslincourt (Oise), nous avaient ravi par leurs vues élevées, leur tour spirituel et les sentiments ardents de foi et de patriotisme qu'elles ex­priment. Nous attendions avec impatience la vie même du saint mission­naire. Son digne frère vient de la publier. Il faut la lire. Les prêtres et les séminaristes surtout nous sauront gré de leur avoir révélé cette perle. M. le curé de Dreslincourt est lui-même l'éditeur de son livre.

Ici comme pour le Colonel Paqueron il faudrait tout citer pour donner une idée vraie de notre héros. Pour nous, nous nous plaisons à voir dans notre saint missionnaire l'homme du Sacré-Cœur. «Depuis longtemps, écrivait-il après ses premiers travaux en Chine, je désirais consacrer ma première église au Sacré-Cœur. Notre-Seigneur, ajoutait-il, par un bon coup de sa grâce, rendra cette chrétienté florissante». Les fruits de son amour pour le Sacré-Cœur ne se firent pas attendre. Bientôt un village entier embrassait la «religion du Seigneur du ciel» et organisait une école chrétienne, malgré la fureur et les menaces des mandarins.

Il faut suivre le P. Aubry dans les détails de sa pieuse éducation, puis à Rome dont il goûta si bien le haut enseignement théologique et en Chine enfin, où sans être formellement martyr, il mourut des suites des mau­vais traitements qu'il avait endurés.

Quelle âme candide et forte à la fois! quelle belle intelligence! quel cœur généreux!

Comme il savait aimer! L'éloignement ni le temps n'affaiblirent pas en lui l'amour de sa patrie, de sa famille, l'affection pour les pieux édu­cateurs de son âme. Qui ne serait ému en le voyant baiser le seuil de son église paroissiale avant de partir pour la Chine et répéter en sanglotant: «Dire que je ne la reverrai plus!».

Avec quelle simplicité il emporte un peu de terre du sol natal et le cro­quis de l'église et du presbytère en disant: «Quand les Chinois me de­manderont ce que c'est, je répondrai: Ce sont mes deux maisons pater­nelles. Croyez-le bien, cette réponse sera toujours accompagnée d'un geste expressif qui voudra dire: Chinois, mes bons amis, je suis venu ici pour votre salut, je donnerais volontiers ma vie pour le dernier d'entre vous, mais cela n'empêche pas que la meilleure partie de mon cœur soit restée là-bas!».

Il faut l'entendre redire le charme de Rome, le prix de son enseigne­ment ecclésiastique, de sa méthode où l'on vise surtout à donner des principes et à développer le sens théologique et «ce je ne sais quoi qui se réalise là et qui demeure dans l'âme comme un souvenir unique dans une vie… Ce bonheur inappréciable d'avoir un petit coin pour assister au triomphe de l'Eglise, admirer le Saint-Père, et crier à perdre haleine: Vive Pie IX, Pape-Roi!».

Avec quel joyeux entrain il essayait dans ses lettres de susciter en France des vocations de missionnaires!

«Ah! si quelques compatriotes venaient m'aider, écrivait-il à un prê­tre. Dans ma chaumière, je puis offrir l'hospitalité à autant de prêtres qu'il en voudra venir, si on vous chasse de France; une hospitalité fort peu désintéressée, car vous nous rendriez un fameux service; et nous ri­rions un bon coup de vous voir arriver à cinquante, avec vos parapluies et vos valises, comme pour la retraite! On vous donnerait un dada, une paroisse de vingt-cinq lieues; comme moi vous rouleriez votre bosse, in Periculis et tribulationibus, pour la gloire de Dieu! Si vous ne venez, du moins formez-nous des missionnaires; il y a en France une jeunesse si belle, si généreuse, si sympathique aux idées du dévouement, qui gaspil­le son ardeur à flâner, à se divertir, à faire de la politique ou pis que cela. Avisez quelques jeunes gens instruits dont l'enfance a été pure; dites­ leur que des populations immenses attendent d'eux l'Evangile, que, pour récompense ici-bas, en espérant le ciel, ils auront les fatigues, le re­noncement aux aises de la vie, mais la joie du cœur.

Qu'on dise après cela que la sainteté donne un caractère morose ou qu'elle détruit les saintes affections de la famille et de la patrie!

CHRONIQUE (Juillet 1889)

La Fête-Dieu à Vienne. - Le 20, la Fête-Dieu a été célébrée par l'empereur et par toute la cour avec la solennité ordinaire. L'empereur, accompagné des archiducs et des grands dignitaires, assista à l'office di­vin en l'église Saint-Etienne; puis il suivit la procession, un cierge orné de fleurs à la main.

Le beau temps avait attiré une foule considérable.

A partir de six heures du matin, il y avait grand mouvement dans le centre de la ville. Les troupes formaient la haie sur tout le parcours de la procession.

Un peu avant sept heures, on vit arriver des voitures attelées de six chevaux, qui amenaient le archiducs, puis une voiture attelée de huit chevaux, où se tenaient l'empereur et son frère, l'archiduc Charles­Louis.

L'évêque Angere reçut Sa Majesté et les archiducs à l'entrée de l'égli­se. Après le service divin, qui dura environ une heure, la procession se mit en mouvement. Il était alors huit heures.

A la tête marchaient les enfants de l'Orphelinat. Ensuite venaient les députations du clergé de la ville et des faubourgs, le conseil municipal, les chevaliers, commandeurs et grand-croix des ordres de François­Joseph, de la Couronne de fer, de Léopold et de Saint-Etienne, les pre­miers gentilshommes de la chambre et les conseillers intimes, les chanoi­nes et les chevaliers de la Toison-d'Or.

Des pages portant des cierges, des détachements de la garde impériale accompagnaient le dais, sous lequel s'avançait l'évêque, portant le Saint-Sacrement.

Derrière le dais, l'empereur, accompagné du doyen de l'ordre de la Toison-d'Or, le prince de Hohenlohe, le comte Richard Belcredi, pre­mier ministre, comte Taaffe, le premier chambellan, comte Ferdinand de Trauttmannsdorff et son aide de camp, le comte Paart.

C'est la première fois que l'empereur s'est montré en public depuis la mort de son fils l'archiduc Rodolphe. Les traits portaient encore l'em­preinte des chagrins que lui a causés cette perte cruelle.

La Fête-Dieu à Fribourg. - Nous empruntons ce récit aux jour­naux catholiques de la Suisse. C'est une correspondance adressée à l'Ami du Peuple.

Monsieur le Rédacteur,

Je suis catholique français faisant un voyage en Suisse.

Je ne veux point quitter votre catholique cité, sans essayer de vous di­re l'impression profonde produite sur moi par le touchant, le beau spec­tacle de la Fête-Dieu célébrée à Fribourg.

Je vous écris encore sous le coup de cette émotion et avec une âme tou­te française, c'est dire assez qu'elle partage la foi de votre pays au Dieu de l'Eucharistie.

J'arrivais à Fribourg la veille de la fête à midi.

Je m'étonnai de tout ce mouvement que je remarquais partout. Les rues se couvraient de verdure, les ménagères ornaient les maisons. Des milliers de vases de fleurs apparaissaient aux fenêtres joyeusement ou­vertes. Un grand arc de triomphe se dressait près du vieux tilleul, en face de la Chambre.

Je demandai quelle fête patriotique on allait célébrer? ou bien le Prési­dent de la République ou un illustre personnage allait-il honorer la cité de sa présence? Il me fut répondu: C'est demain la Fête-Dieu.

Je n'y avais pas songé. Grâce au Concordat, la Fête-Dieu est supprimée dans mon pays; elle est transférée au dimanche, car le glorieux jeudi consa­cré à Jésus-Christ-Hostie est un jour ouvrable dans toute la France.

Il y a plus, grâce à la liberté dont nous jouissons sous la IIIe Républi­que, de nom, le Maître du ciel n'est pas autorisé à passer, entouré d'hommages, de vénération dans les rues de nos villes: les processions sont interdites.

Je voulus donc célébrer cette fête avec vous. C'était une bonne fortune pour ma foi et une façon de protester contre la tyrannie qui opprime avec la conscience des catholiques leur Dieu-Hostie.

Bien m'en prit. Dès la veille, j'entendis cette harmonieuse et majes­tueuse sonnerie de Saint-Nicolas, l'une de vos gloires avec l'orgue célè­bre de Mooser annonçant la grande fête de tout un peuple.

Et le matin, au coup de quatre heures, le canon réveillait la cité, et ses coups puissants, acquéraient par les échos lointains qui les répercutaient jusqu'au fond des profondes vallées de la Sarine et du Gotteron, une puissance sonore si belle, qu'elle aurait rendu jaloux les grands canons braqués à Paris sur le parapet des Invalides.

Puis, au bruit du canon, à l'action de grâce de la cité qui s'éveille, aux prières, aux chants des églises, se mêlent, à cette heure matinale, la joyeuse aubade des fanfares dans tous les quartiers et la belle sonnerie de Saint-Nicolas mise en branle à toute volée, qui jette dans les airs la note pieuse et solennelle de la fête.

Mon cœur bat à l'unisson de toutes ces harmonies et du cœur mon­tent des larmes d'amour, de piété et aussi de tristesse en songeant à la France… Oh! heureuse cité catholique de Fribourg, oasis bénie de la foi dans ce désert de l'hérésie du seizième et de l'apostasie du dix-neuvième siècle.

Les églises se remplissent d'une foule pieuse, les messes se succèdent, les communions sont nombreuses, malgré les travaux qui s'achèvent pour préparer une voie vraiment royale au Roi des Rois, des Empereurs et des Républiques.

A huit heures, les rues sont pleines d'une foule en fête. Celui qui, comme moi, croyant ou incrédule, eût été transporté tout à coup de France ou d'Allemagne, à dix heures, au moment où la procession se de­ployait dans toute sa majesté, à voir ce clergé nombreux couvert d'or, de broderies ou de surplis blancs comme neige, à contempler les grands corps de l'Etat aussi recueillis que les RR. PP. Capucins ou les RR. PP. Cordeliers, à voir cette jeunesse des écoles, depuis les petits enfants des salles d'asile, des élèves des Ursulines, de la Visitation, jusqu'aux élèves du Collège Saint-Michel, entourés d'une couronne de maîtres, à voir passer surtout, dans leur fière et mâle énergie, les Etudiants catholiques suisses, dans leur costume national, à compter ces fanfares, ces sociétés qui se succèdent avec leurs insignes et leurs drapeaux, ces foules pieuses et recueillies qui sont comme le cadre de ce tableau que je viens d'esquis­ser, ce Français ou cet Allemand du XIXe siècle se serait cru aux époques de foi les plus vivaces.

Oui, moi-même, quoique, dès la veille, apprivoisé à cette fête du moyen âge, au moment le plus solennel du grand jour, alors que tout le clergé venait, précédant Jésus-Christ Hostie, ce Roi des rois sous l'arc de triomphe, que sous son dais trop riche pour un simple mortel, fût-il César, l'Hostie, portée par le pasteur, gravissait la pente qui fait face au Tilleul pour être placée sur un trône d'or et de lumière, alors que les pouvoirs législatifs, exécutifs, judiciaires, la municipalité, les confréries, les foules le suivaient, alors que je voyais l'hôtel de l'Assemblée nationa­le revêtu des insignes de la souveraineté, trophées d'armes, étendards flottant au vent, quand j'entendais les hymnes se confondant avec la prière et les fanfares, alors que les cloches sonnaient, que le canon gron­dait… à cette heure, tout frémissant, je n'ai pu me défendre de m'écrier: «Je vois en ce moment défiler sous mes regards une page vivante du moyen âge, avec tous les progrès du XIXe siècle, les gloires du XIIIe, dans ce vieux et jeune Fribourg».

Toutes les fibres de mon être applaudirent à ces serment du Congrès eucharistique inscrit en lettres d'or au frontispice de cet arc triomphal, se dressant devant moi, noble, sévère, si grandiose, qu'un empereur ro­main eût pu envier au jour de ses victoires:

Vive Jésus-Christ Hostie!

Je jure fidélité à son Règne social.

Ce serment du Congrès eucharistique de 1885, Fribourg, par cette imposante, solennelle, céleste cérémonie, le renouvelait en ce glorieux jour anniversaire du deuxième centenaire des promesses faites à la bien­heureuse Marguerite-Marie par Notre-Seigneur Jésus-Christ au sanc­tuaire de Paray-le-Monial.

Je régnerai malgré Satan et mes ennemis, quelques efforts que fassent ceux qui vou­draient s'y opposer.

Mes yeux contemplaient l'accomplissement de cette prophétie du 17 juin 1689. Le très beau tableau du Sacré-Cœur, dû à un peintre fribour­geois, dominant l'arc triomphal au pied de la croix jétée dans les airs, semblait être là au sommet de ces adorations, de ces hommages, de ces prières pour recevoir encore le serment de fidélité de la catholique cité.

Je suis revenu, dans la soirée, me reposer à l'ombre de cet arc triom­phal, sous le vieux tilleul de morat, et là tout entier à ces vibrants souve­nirs de la Fête royale du matin, j'ai transcrit ces inscriptions en l'hon­neur de Jésus-Christ, Roi immortel des siècles. Je vous les envoie avec ma let­tre. Vous voudrez, sans doute, pour la gloire des annales de Fribourg, les conserver, en les imprimant dans votre journal.

Tollite portas vestras, et elevamini portae aeternales, et introibit rex gloriae. - Exsulta, et lauda, habitatio Sion, quia magnus est in medio tui Sanctus Israel. - Christus vincit, Christus regnat, Christus imperat.

Vive Jésus-Christ Hostie! Je jure fidélité à son Règne social.

(Serment de Fribourg, 13 septembre 1885)

Vous êtes une République, je ne sais si la France monarchique fut, en ses âges de foi, plus croyante que ne l'est à cette heure votre cité! Si la France devait avoir une République qui saluât, comme la vôtre, la royauté du règne social de Jésus-Christ Hostie, j'adhérerais avec toutes les fibres de mon être a cette forme de gouvernement.

Je comprends maintenant que Fribourg est la République de l'Equa­teur du Vieux-Monde. Son palladium, c'est la foi en la divinité de Notre-Seigneur Jésus-Christ, de celui qui a eu le Cœur transpercé au Calvaire et qui s'immole, se donne et règne encore dans l'Hostie du Ta­bernacle, portée aujurd'hui en triomphe et recevant l'hommage-lige de tout un peuple.

Voilà pourquoi je répète, à mon tour, le serment du Congrès euchari­stique de Fribourg, en attendant que la France en fasse autant en union avec Fribourg et l'Equateur; oui je redis de toute mon âme:

Vive Jésus-Christ Hostie! Je jure fidélité à son Règne social!

Cte Et. De W.

Nantes. - Nous trouvons dans la Semaine religieuse de Nantes le récit d'une manifestation magnifique de foi et de piété envers le Sacré-Cœur. On pourra en juger par ces quelques lignes:

Dimanche 16 juin, une imposante réunion avait lieu dans la basilique Saint-Donatien, spécialement consacrée au Sacré-Cœur de Jésus. Douze à treize cents hommes, appartenant aux quinze Congrégations de la très sainte Vierge de la ville, étaient venus célébrer le second cente­naire de l'apparition de Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite­Marie.

Dans cette cérémonie, tout parlait à l'âme et au cœur. Mgr l'évêque célébrait le saint Sacrifice, entouré d'un grand nombre des solides chré­tiens de sa ville épiscopale.

L'image du Sacré-Cœur de Jésus ressortait pleine de majesté au mi­lieu des lignes harmonieuses de la splendide basilique. Les chants les plus pieux et les plus suaves se faisaient entendre sous l'habile direction des Frères de la Salle, toujours si dévoués aux œuvres de la piété chré­tienne. Les voix sonores des hommes mêlaient leurs graves accords aux voix argentines de nos jeunes congréganistes.

Enfin, rien de plus beau que l'ordre, le recueillement, la piété de ces vaillants chrétiens, s'avançant, pendant près d'une demi-heure, vers les quatre dispensateurs de la sainte Eucharistie.

Tourcoing. - Pendant que les quatre-vingt-douze industriels délé­gués par Tourcoing et ses cantons, pour consacrer au Sacré-Cœur les fa­milles et les usines de ce grand centre industriel, priaient, réparaient et se consacraient à Montmartre, la ville entière était à genoux au pied du Saint-Sacrement, unie à ses ambassadeurs.

L'adoration nocturne se faisait dans toutes les paroisses et les commu­nautés.

Le vendredi, les églises étaient trop petites pour recevoir les fidèles. Le nombre des communions était incalculable.

Le soir, à huit heures, a eu lieu, dans chaque église, la consécration solennelle de toutes les familles.

Quand, au lieu d'une ville ce sera la nation, le spectacle sera bien beau et le salut sera proche.

Au pays de sainte Lutgarde: Un épisode des fêtes du Sacré-Cœur en Belgique. - La petite ville de Perwez est bâtie sur l'une des plus hautes collines de la Belgique, le long de l'antique chaussée romaine, et non loin de la ligne de partage entre les bassins de la Meuse et de l'Escaut.

Le dimanche 16 juin, on y célébrait le jubilé cinquantenaire du culte du Sacré-Cœur. Sa vieille église avait reçu pour la circonstance une dé­coration imposante et gracieuse à la fois. Un large dôme de draperies suspendu à la voûte, encadrait merveilleusement l'image du Sacré­Cœur. Cette sainte image se trouve aujourd'hui, il est vrai, dans pre­sque toutes les églises du pays, mais ce n'est que depuis quelques années seulement; tandis qu'à Perwez, un demi-siècle s'est écoulé depuis qu'el­le est honorée par les fidèles et les pieux pèlerins. Là se réalise la promes­se divine: «Mes bénédictions se répandront abondantes sur tous les lieux où l'image de mon Sacré-Cœur sera exposé». Il est à remarquer que le second autel est consacré à Notre-Dame du Sacré-Cœur; et le troisième à saint Joseph, si justement nommé l'ami du Cœur divin, ce qui fait de ce temple, un vrai sanctuaire du Cœur de Jésus.

Des deux côtés de la grande nef pendent de larges bannières couvertes d'heureuses inscriptions, des oriflammes ondoyantes qui se marient agréablement aux couleurs nationales, et aux teintes plus douces du dra­peau papal. Ou lit vis-à-vis de la porte d'entrée le chronogramme sui­vant:

COR JESU POPULO SIS DULCE AUXILIUM

Partout dans les rues se dressent des arcs de triomphe ornés de verdu­re et de fleurs; presque toutes les maisons sont pavoisées: il règne une impression générale de joie délicieuse, de douce fête.

Dès une heure de l'après-midi, tous les chemins environnants sont couverts de nombreuses processions dont les lignes blanches, séparées de distance en distance par des bannières flottantes, serpentent, en se déta­chant sur le fond vert des moissons. Toutes les paroisses du décanat, tou­tes les localités limitrophes de la province de Namur, et jusqu'aux envi­rons de Gembloux et de Jodoigne, ont fourni un ample contingent à la foule qui grossit toujours. Le temps d'ailleurs est à souhait.

Il fallut ranger les diverses processions à l'extérieur, et avant que le cortège pût se mettre en marche.

En tête viennent des cavaliers des principales familles, portant en écharpe les couleurs du pape. Suit la croix et les groupes nombreux et gracieux de la procession de Perwez: groupe de la Sainte-Enfance; en­fants chinois avec évêque; saint Jean le précurseur avec l'agneau; Véro­nique avec la sainte Face; les quinze mystères du Rosaire, etc. La nou­velle châsse contenant les reliques des martyrs est portée par six jeunes filles vêtues de rouge et palme en main. Outre les restes de saint Bonifa­ce, de saint Sévère, de saint Candide, il y avait encore une relique pré­cieuse de sainte Justine, de saint Antoine de Padoue, de saint Roch, de saint Trophime, évêque d'Arles et disciple des apôtres, de sainte Lutgar­de, la sainte du Sacré-Cœur de Jésus.

La chapelle de cette Sainte, où était rangée ce précieux trésor, n'a pas cessé d'être visitée toute la journée par une foule pieuse et recueillie. Une indulgence plénière avait été accordée par le pape Léon XIII à ceux qui visiteraient l'église.

Après la châsse se déroulaient les processions diverses précédées de leurs bannières ou de cartel gracieux. Il y en avait plus de douze.

La musique les Fanfares Saint-Martin venait ensuite jouant des marches religieuses; puis le clergé paroissial auquel s'étaient joints un grand nombre de prêtres des environs, avec Monseigneur l'évêque de Mos­soul. Venait enfin le char représentant le triomphe du Sacré-Cœur.

En haut, parmi les anges aux ailes éployées, sur un fond de cyprès et de myrtes verts (inter myrteta), le Sacré-Cœur ayant à ses côtés la Vierge Marie tenant en main des couronnes d'or; après, sainte Lutgarde, la sainte belge du Sacré-Cœur, à laquelle il s'est révélé au XIIIe siècle. Jé­sus lui met la couronne au front, tandis que la sainte Vierge présente la sienne à la bienheureuse Marguerite-Marie, agenouillée un peu plus bas. Cet anachronisme se justifie par la ressemblance frappante qui exis­te entre la vie de ces deux servantes du Sacré-Cœur.

A côté, sainte julienne de Mont-Cornillon, la fondatrice de la Fête­Dieu et la glorieuse contemporaine de Lutgarde; puis la principesse Ma­rie de Bourgogne, qui fut l'amie de sainte Lutgarde.

Au bas de ce groupe et faisant ombre, les deux ennemis de l'Eglise au XIIIe siècle, Gengis Khan, le barbare qui fit trembler un moment toute la chrétienté, et Frédéric II, empereur d'Allemagne, le pupille d'Inno­cent III, qui se révolta contre son bienfaiteur.

On lisait sur le char l'inscription suivante:

1689 - 1839 - 1889

Au Cœur de Jésus, Roi immortel des siècles,
Honneur et gloire à jamais !

Suivait une foule qu'on peut évaluer à cinq mille personnes, qui, ajoutée aux groupes dispersés, fait monter à près de huit mille le nombre des pèlerins. Sur la grand'place se dressait un reposoir surmonté d'une belle statue du Sacré-Cœur. Après l'exécution d'une cantate composée pour la circonstance et exécutée par la société Sainte-Lutgarde, le R. P. Sa­main, recteur des Pères Rédemptoristes de Liège, faisant retentir sa puissante voix jusque bien loin par delà la place, se fit l'interprète élo­quent de l'émotion générale.

«C'est la première consécration solennelle qui se fait en Belgique en cette année deux fois séculaire, s'écriait-il; Perwez est comme au centre, comme au cœur de la patrie, sur l'un des sommets; c'est le cœur de la Belgique qui se redonne au Sacré-Cœur de Jésus, comme il s'était don­né une première fois à la voix des évêques. Ainsi ce mouvement doit être le signal des consécrations partielles mais répétées en l'honneur du Cœur de Jésus, dont nous attendons le triomphe et le règne social!».

Puis, au milieu d'un silence solennel, toute cette immense foule tombe à genoux, et, sur ces têtes courbées par l'émotion religieuse et les douces larmes de la ferveur retentirent les paroles de la consécration des familles qui, dans quelques jours, seront répétées par la France pénitente sur un autre sommet sacré, la Basilique de Montmartre!

Il nous semblait que ces serments et ces prières montaient jusqu'au ciel et que le Sacré-Cœur consolé arrêtait avec délices ses regards sur cette foule qui se donnait à lui et répétait encore une fois le formulaire de son amour: «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes».

Equateur. - La fête du Sacré-Cœur à Quito. Rénovation de la Consécration de l'hommage-lige au Sacré-Cœur.

Le R. P. Matovelle nous écrit à la date du 25 mai: «Quant à la solen­nité du Sacré-Cœur, voici comment les choses vont se passer à Quito le 20 juin, d'après les conventions arrétées entre Mgr l'Archevêque et la junte Eucharistique.

« 1° Il sera fait une neuvaine d'exercices spirituels pour préparer les fidèles à la fête.

2° Le 20, au matin, aura lieu la communion générale de toutes les as­sociations pieuses et classes sociales dans l'église métropolitaine.

3° A dix heures, procession sollennelle du très saint Sacrement avec assistance du Président de la République, du clergé séculier et régulier, des fonctionnaires, de toutes les sociétés et congrégations, etc.

4° Finalement, au terme de la procession, en présence de tout le peu­ple rassemblé sur la grande place de Quito, Mgr l'Archevêque se placera sous le porche de la Cathédrale, et, tourné vers le Saint-Sacrement, il re­nouvellera l'acte solennel de Consécration de la République au Sacré­-Cœur de Jésus; après quoi, il donnera du même endroit, à la multitude, au bruit des salves de l'artillerie, la bénédiction du très saint Sacrement. Nous espérons que cette manifestation sera édifiante autant qu'impo­sante. Ce sera la rénovation solennelle de notre hommage-lige au Sacré­-Cœur de Jésus.

«J'ai la confiance que tous nos Pères se trouveront ici pour y prendre part».

CHRONIQUE (Août 1889)

Assemblée des 14 et 15 août à Paray-le-Monial. Serment au Sacré­Cœur de Jésus-Roi. - Nous devons parler tout d'abord d'un événe­ment qui intéresse au plus haut point la dévotion au Sacré-Cœur et dont les conséquences pourront être très grandes pour l'avenir.

On sait en effet, que la doctrine du règne social du Christ, trop long­temps méconnue, a fait d'immenses progrès depuis quelque années. En France, en Belgique, en Italie, en Espagne, dans les jeunes républiques de l'Amérique du Sud, des catholiques intrépides travaillent à la popula­riser et à la faire triompher des théories révolutionnaires qui nous avaient si longtemps égarés.

Chaque année, des congrès se réuniront dans ce but à Paray-le­Monial, le 15 août, jour de l'Assomption de la très sainte Vierge, pa­tronne de la France.

Ces congrès viennent d'être inaugurés. Ce n'a été encore, comme le dit le Programme «qu'une sorte d'assemblée intime ou d'initiation, destinée à amener, d'année en année, chaque 15 août, des délégations à prêter le serment-lige international au Sacré-Cœur, à Paray». Espérons que ces assemblées hâteront le moment où la France, et à sa suite, les autres na­tions du monde acclameront le règne social du Christ, et de son Sacré­Cœur; espérons que bientôt il nous sera donné de voir se réaliser pleine­ment l'ardent désir que saint Paul exprimait par ces fières paroles: «Il faut qu'il règne». Oportet illum regnare, et dont la bienheureuse Marguerite­-Marie se faisait l'écho, lorsqu'elle disait: «Pourvu que je l'aime et qu'il rè­gne, cela me suffit».

«Le Comité de l'Assemblée internationale pour le deuxième centenaire du Sacré­-Cœur a donc tenu séance les 14 et 15 août dans le local des Fastes Eucharis­tiques, à Paray-le Monial.

Le but de l'assemblée était de vérifier, proclamer et jurer les droits his­toriques réels de la MAJESTÉ RÉGNANTE du Sacré-Cœur à l'Hommage-Lige des Nations.

L'assemblée était présidée par:

M. l'abbé Garnier, de Caen,

Le R. P. Sanna Solaro, de Turin,

M. le chanoine Schorderet, de Fribourg, présidents, et par:

M. le vicomte de Damas,

M. le comte Etienne d'Alcantara, M. de Pélerin,

M. le baron de Maricourt, M. Millon d'Ainval,

M. le baron de Sarachaga, vice-présidents.

Voici quel était le règlement de l'assemblée.

14 août, 7 h. du matin. Messe du Saint-Esprit à la Visitation, pour les membres de l'assemblée.

Id. 9 h. du matin. Réunion des délégués dans la salle de l'Institut des Fastes, 12, rue de l'Hôpital, pour la vérification des pouvoirs des délégués. Id. 2 h. après-midi. Vérification et proclamation des droits historiques officiels du Sacré-Cœur et signature du procès-verbal de ces droits.

Id. 8 h. du soir. Procession aux flambeaux, de la Basilique au parc du Sacré-Cœur, pour implorer du ciel la grâce de la reconstitution offi­cielle de la Chrétienté par le retour aux principes de l'ordre social chré­tien.

15 août, 7 h. du matin. Messe à la Basilique pour la reconstitution de la Chrétienté.

Id. 9 h. du matin. Prestation intime du serment international par les délégués (ayant reçu le pouvoir de le prêter au nom du groupe qu'ils re­présentent). Serment prêté au sein du comité central des Fastes.

Id. 2 h. après-midi. Défilé solennel dans le parc. Id. 3 h. 1/2. Exécution de la cantate des Belges.

Id. 8 h. du soir. Discours de clôture à la Basilique, par M. l'abbé Garnier.

Nous ne pouvons donner aujourd'hui que ces indications très som­maires, nous réservant de faire un récit détaillé de ces belles fêtes dans notre prochain numéro.

Pèlerinage au Petit Montmartre de Roquefort.

Il nous arrive un tardif, mais touchant écho d'une belle fête qui fut cé­lébrée le 13 juin, en l'honneur du Sacré-Cœur, dans la paroisse de Ro­quefort, près de Grasse (Alpes-Maritimes).

Il y a là un gracieux sanctuaire au Sacré-Cœur, élevé à l'aide de sous­criptions volontaires par un ardent apôtre de la dévotion au Sacré-­Cœur, M. l'abbé Féraud, curé de Roquefort. Dans la région, on a don­né à ce sanctuaire le nom de Petit Montmartre du Midi; tous les ans, on y célèbre une fête sollennelle, et une grande affluence de pèlerins s'y rend de toutes les contrées environnantes.

Quand donc chaque province, chaque ville de France auront-elles leur sanctuaire, leur église, leur pèlerinage du Sacré-Cœur qui seront pour toute la région environnante un foyer local de cette dévotion?

Plusieurs grandes villes ont déjà ce sanctuaire, comme Moulins, Bor­deaux, Cambrai, Arras. On doit souhaiter que partout la pieuse initiative de M. le curé de Roquefort trouve des imitateurs, pour la plus grande gloi­re du Cœur de Jésus et le bien spirituel des âmes, qui en seraient la néces­saire conséquence, car la dévotion au Sacré-Cœur, partout où elle est flo­rissante, amène avec elle des fruits merveilleux de conversion et de renou­vellement. Ces pèlerinages locaux, loin de nuire aux grands pèlerinages du Sacré-Cœur que l'on fait à Montmartre et à Paray, les favoriseraient au contraire en ranimant dans chaque diocèse la dévotion au Sacré-Cœur.

Voici, d'après la Semaine Religieuse de Nice, le récit de la pieuse solen­nité de Roquefort:

Le grand pèlerinage annuel au Petit Montmartre de la paroisse de Ro­quefort a eu lieu le 13 du mois de juin, ainsi que cela avait été annoncé. Il y avait pour les fidèles le double attrait de la visite du sanctuaire et de la célebration du deuxième centenaire des grandes apparitions du Sacré-Cœur de Paray-le-Monial. Aussi, le concours des pèlerins a été plus considérable que les années précédentes, et même eût dépassé les prévisions les plus exagérées sans les orages menaçants qui planent de­puis quelque temps sur nos régions.

Les plus gros contingents ont été fournis par Grasse, Antibes, Valbon­ne, Le Cannet, Le Bar, Cannes, La Colle et presque toutes les paroisses des environs étaient représentées.

On remarquait dans l'assistance MM. l'archiprêtre de Grasse, MM. les doyens de Cannes, d'Antibes, du Bar, de Coursegoules, M. l'abbé Giraud, directeur de l'institution Saint Joseph de Cannes, un grand nombre de MM. les curés, vicaires et aumôniers des environs.

La ville de Grasse a offert au trésor du sanctuaire un superbe fac-simile de l'étendard que les zouaves pontificaux ont teint de leur sang à la ba­taille de Patay. Les paroisses du Cannet et de Valbonne ont offert égale­ment chacune leur bannière.

La société du Saint-Vincent-de-Paul d'Al, a voulu elle aussi, témoi­gner sa reconnaissance envers le Sacré-Cœur du Petit Montmartre. Il y a cinquante ans que cette première colonie provençale du pieux et savant Ozanam fut fondée; à l'occasion de ses noces d'or, cette société a eu la délicate attention d'annoncer le prochain envoi d'une oriflamme com­mémorative. Cette oriflamme, bénie par notre vénéré métropolitain, té­moignera que notre catholique Provence reste unie dans la charité.

Il est aujourd'hui acquis que ce cher Petit Montmartre, qui ne date ce­pendant que de quatre ans, a déjà pris place parmi les sanctuaires les plus vénérés du midi de la France.

A l'heure où l'égoïsme et l'ambition dessèchent de plus en plus le champ du Père de famille, ne faut-il pas multiplier les sources rafraîchis­santes, et les oasis où les voyageurs fatigués viendront s'abriter contre la chaleur du jour? A une époque mauvaise où le péché surabonde, il faut partout élever l'image du Cœur miséricordieux «qui a tant aimé les hom­mes, qui ne veut pas la mort du pécheur, mais plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive».

L'érection de ces pieux sanctuaires au Sacré-Cœur est une œuvre éminemment opportune. Il ne faut, pour en témoigner, que ces offran­des généreuses venues de toutes parts à M. l'abbé Féraud, le pieux curé de la paroisse de Roquefort, qui avait entrepris cette œuvre, seul et sans ressources, au prix de sacrifices et de privations que Dieu seul connaît, mais avec une confiance que la prudence humaine dut juger au début bien téméraire.

Déjà des plaques de marbre nombreuses, avec inscriptions commémo­ratives, commencent à tapisser les murs du Petit Montmartre. L'une d'en­tre elles perpétuera le souvenir de la conversion d'un riche infidèle, obte­nue le jour de la clôture d'une neuvaine faite dans le sanctuaire à la de­mande des missionnaires.

Les dons pieux, témoignage de la reconnaissance des fidèles, com­mencent à affluer; on remarque, entre autres, une bannière de l'Imma­culée Conception bénie par le cardinal de Bonnechose, des candélabres, des lustres et des ornements venus des diocèses de Paris, Lyon, Marseil­le, Rouen et Aix.

Il serait difficile de rendre compte de la piété, et de l'esprit de foi des pèlerins. L'enthousiasme a été à son comble quand à la fin de la grand'messe toute la foule a entonné d'une commune voix le cantique provençal Diou nous appelo… sur un de ces rythmes si connus à Notre­Dame de Lourdes.

L'amende honorable et un salut solennel ont clôturé cette fête pendant laquelle on a beaucoup prié pour la sainte Eglise et pour la France.

Consécration officielle d'une ville au Sacré-Cœur.

La catholique Bretagne imite l'exemple de la république du Sacré­-Cœur de Garcia Moreno. Voici une ville qui vient de se consacrer offi­ciellement au Sacré-Cœur.

Nous lisons dans La Croix:

«La ville si catholique de Ploërmel, persécutée et tracassée par l'ad­ministration, trouve dans cette attitude de l'autorité un nouvel élan. On nous assure qu'en dehors de quelques fonctionnaires, il n'y a pas une voix discordante dans cette cité de 6000 âmes.

«Le 30 juin, l'autorité ecclésiastique a autorisé une procession du Saint-Sacrement, aux flambeaux, qui a présenté un spectacle angélique. Les feux étincelaient partout, les fleurs jonchaient le sol: «Pour Dieu, disait-on, les Ploërmelais savent toujours être riches».

«A la fin de cet incomparable triomphe fait au Sacré-Cœur, après toutes les stations aux reposoirs, le vénérable curé, qui exerce son apo­stolat depuis 30 ans, monta en chaire et prononça d'une voix émue la Consécration.

«Puis ce fut le tour du maire de Ploërmel qui vint se présenter au mi­lieu du chœur, assisté de ses deux adjoints, et là, en face du Saint­Sacrement, en son nom et au nom du Conseil municipal tout entier, il déclara consacrer solennellement la commune au Sacré-Cœur de Jésus.

«La société de secours mutuel représentée par son président et deux de ses membres.

«L'harmonie Saint-Armel par la voix de son chef.

«Les congrégations de la sainte Vierge et du Tiers-Ordre de Saint­François, se consacrèrent également au Sacré-Cœur.

«Ces formules courtes, mais sublimes, se terminaient par le cri: Cœur de Jésus, sauvez la France!

«En entendant ces professions de foi se succéder au milieu du silence religieux, dans cette antique église où nos aïeux ont, eux aussi, prié et pleuré, les larmes venaient aux yeux».

Dans une autre paroisse, à Pleumeur-Bodou, dans le diocèse de Saint­Brieuc, au salut qui clôturait les exercices d'une mission, le maire, con­seiller général, et ses adjoints sont venus prendre place au chœur, ayant auprès d'eux, dans la nef, les autres conseilleurs municipaux, portant des cierges allumés.

Au moment où Notre-Seigneur allait bénir la foule pieuse qui remplis­sait la vaste église, le maire, au milieu de l'émotion générale, a lu solennellement l'acte de consécration de sa commune au Sacré-Cœur.

Nous pouvons bien ajouter avec le pieux correspondant de La Croix: Il ne faut pas, n'est-ce pas, désespérer d'un pays où se passent de telles choses? Non, mais il faudrait multiplier partout ces manifestations sublimes de foi et d'amour envers le Cœur de Jésus, Roi des âmes et des peuples. Il faudrait entreprendre une pieuse croisade pour que le plus grand nombre de pa­roisses possible fassent, cette année même, leur Consécration officielle au Sacré­-Cœur. La chose ne serait pas impossible, surtout dans les provinces les plus catholiques, comme la Bretagne, la Vendée, la Flandre, la Franche Comté, la Lorraine et certaines parties de l'Auvergne et du Midi de la France. Ce serait comme un degré de plus, ajouté à la consécration des individus et des familles5), et qui nous conduirait bientôt à la consécration officielle de la nation, demandée par Notre-Seigneur à la B. Marguerite-Marie.

Le moment le plus propice serait évidemment la clôture d'une mission, alors que toute une paroisse a été renouvelée par les sacrements de Péni­tence et d'Eucharistie, ou bien une grande solennité de l'Eglise, comme la Toussaint, l'Immaculée-Conception, ou Noël.

On se rapprocherait ainsi, dans la mesure du possible, du plan magis­tral du P. Matovelle et de la société des Fastes Eucharistiques que nous avons publié dans le n° de février.

Suisse. - Un congrès catholique à Zurich.

Un important congrès catholique vient de réunir à Zurich les délégués de quarante sociétés ouvrières et cercles catholiques, soit au total, 1100 participants. Ce Congrès, ouvert par un office solennel à l'église d'Aus­sersihl, s'est terminé par une magnifique réunion à la Tonhalle, la plus belle et la plus grande salle que possède la ville de Zurich.

La question sociale était à l'ordre du jour. Elle a été traitée sous toutes ses faces et au grand jour de la lumière chrétienne.

On y a entendu plusieurs discours éloquents, entre autres celui de M. le chanoine Schorderet, qui a rappelé les dates anniversaires des révéla­tions du Sacré-Cœur (17 et 20 juin) et leur signification pour les réfor­mes et le salut des sociétés actuelles. Il a montré par des exemples saisis­sants qu'une nation ne reste pas sourde sans impunité aux appels de la miséricorde divine. Louis XIV, au lieu de l'image du Sacré-Cœur met­tait un soleil sur son drapeau. Or, un siècle plus tard, à pareil jour, le 17 juin 1789, le Tiers-Etat se levait avec la démocratie naissante et le soleil de la royauté s'obscurcissait.

L'orateur a mis en relief l'acte d'hommage officiel du gouvernement de Fribourg. Dernièrement, a-t-il dit, toutes les bannièrs de nos associa­tions et notre vieux drapeau cantonal étaient réunis autour du drapeau du Sacré-Cœur, et le même jour, un acte de consécration redisait l'hom­mage public officiel du gouvernement de Fribourg au Sacré-Cœur, su­prême espérance et garantie des restaurations sociales.

La voix du sympathique orateur a été couverte d'applaudissements prolongés. Citons, en terminant, les réflexions inspirées par cet événe­ment à l'excellent journal: La Liberté, de Fribourg:

«Un Congrès catholique à Zurich! C'est un événement qui appartient à l'histoire du XIXe siècle et que nous devons sans doute à l'invention des chemins de fer. En se développant sous l'impulsion des conquêtes modernes, en étalant ses riches monuments et ses quais magnifiques sur les bords de son riant lac, la cité de Zwingle a ouvert ses bras aussi à tou­te une nombreuse population catholique que le souffle des temps a ras­semblée dans ses murs. Et quelle vie chez cette communauté née d'hier! Quelle exubérance de sève dans cette jeune tige paroissiale, où les coups de hache du Kulturkampf ont fait des entailles douloureuses, mais fécon­des! Dépouillés de leur église, de leurs biens paroissiaux et de leur situa­tion officielle par une secte protégée de l'Etat, les vingt-trois mille catho­liques de l'agglomération zurichoise se sont réfugiés dans la liberté des catacombes et dans les généreuses initiatives du sacrifice. La grande égli­se qu'ils ont construite dans le quartier d'Aussersihl ne suffit plus à leur prodigieux développement, et les associations fleurissent avec toute la vi­gueur des végétations vierges sur ce sol ravagé par la tempête.

«Qui aurait pressenti, il y a un siècle, que de Zurich partirait un appel à toutes les forces catholiques de la Suisse et qu'il y aurait autant de flammes vives dans ce foyer que dans les vieux cantons catholiques se nourissant de leur séculaire tranquillité?».

Une démonstration en l'honneur du Sacré-Cœur au Canada. L'église Notre-Dame, à Montréal, offrait au ter vendredi de juin un spectacle admirable et excessivement imposant. Cette vaste église qui peut contenir dix mille personnes, n'a pas été assez grande pour contenir la foule immense d'hommes accourus à l'appel des prêtres de Saint­-Sulpice, pour prendre part à une grande démonstration en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus. Et cela en dépit de la pluie qu'ont essuyée sur le perron un nombre considérable d'hommes qui ne purent pénétrer dans l'enceinte du temple.

Dès sept heures, les nefs, les galeries et les allées étaient bondées. M. le curé de Notre-Dame est alors monté en chaire, et a commencé la récitation du chapelet.

Après cette prière, M. le curé dit qu'il ne s'était pas proposé de parler, mais qu'en disant le chapelet, en voyant cette foule compacte se presser même sous le parvis du temple trop petit pour la contenir, il s'était dit qu'il ne pouvait descendre de chaire sans laisser jaillir de son cœur quelques-uns des sentiments qui se pressaient dans son âme. Et pendant quelques instants, sa parole enflammée a traduit le saint enthousiasme qui s'était emparé de lui.

Il a dit combien il était heureux de voir l'esprit de foi de cette foule com­pacte qui ne faisait qu'un cœur et qu'une âme avec leurs pasteurs qui les avaient conviés à cet acte de réparation, de protestation et d'amour.

Le R. P. Nolin, S. J., directeur de l'Apostolat de la Prière et de la Li­gue du Sacré-Cœur au Canada, après avoir demandé la bénédiction à Mgr l'Archevêque, au sanctuaire, est monté en chaire. Le prédicateur a pris pour texte: Adveniat regnum tuum. «Que votre règne arrive».

Voici les principaux traits de son sermon:

Cette réunion est imposante à cause de la dignité de ceux qui la com­posent et des motifs qui les rassemblent.

L'homme est le roi de la création, et après la dignité de Dieu et du clergé, il n'y en a pas de si grande que celle du père de famille, noble re­présentant de Dieu qui l'associe à son action créatrice. Cette assemblée, presque exclusivement composée de pères de famille, a donc un cachet tout particulier de grandeur et de solennité.

Ce caractère est aussi dû aux motifs qui rassemblent les représentants de toute la métropole du Canada qui viennent se prosterner aux pieds du Roi céleste; lui jurer une éternelle loyauté, lui consacrer ce qui leur est le plus cher: leur famille, leurs enfants; qui viennent protester solennelle­ment contre les dogmes néfastes de la Révolution, contenus dans la «Déclaration des Droits de l'homme», faite par les fils de nos ancêtres français il y a cent ans; qui viennent revendiquer hautement les droits de Dieu sur eux, leur famille et leur patrie; en un mot, prendre part à cette belle croisade entreprise pour rétablir le règne social de Jésus et de son Cœur, sur toutes les nations. Voilà la signification de cette assemblée.

En vous consacrant, vous et les vôtres, au Sacré-Cœur, vous accom­plissez un devoir nécessaire et urgent envers Notre-Seigneur, et vous servez vos plus chers intérêts, a dit le prédicateur.

Les devoirs naissent des relations entre les personnes, des droits que les uns ont sur les autres. Il suffit donc de voir quels sont les droits de Jésus sur nous pour comprendre nos devoirs envers lui.

Or, Jésus est à la fois notre Roi et notre Père, il lui faut donc de notre part la loyauté et l'amour. En le faisant régner par son amour, nous ser­virons en même temps nos plus chers intérêts.

Comment veut-il régner? Lui-même l'a indiqué à Louis XIV par la voix de la bienheureuse Marguerite-Marie. Il a demandé que le roi de France consacrât solennellement sa couronne et son peuple à son divin Cœur.

Le roi n'a pas répondu à cet appel, à nous de le réparer de notre mieux. Plus que tout autre peuple, nous y sommes tenus, parce que nous sommes les fils de la France. Cette année les catholiques de l'an­cienne Mère Patrie réparent autant que possible la faute des ancêtres, en se consacrant solennellement au Sacré-Cœur; Montréal commence dans cette Nouvelle-France l'acte de réparation et toute la province suivra ce bel exemple.

Nous servirons ainsi nos plus chers intérêts en participant aux pro­messes faites par le Sacré-Cœur à ceux qui lui sont dévoués. Le divin Cœur bénira les familles que le père est tenu de conduire, au port, à tra­vers les écueils de tous genres. Les bénédictions célestes se mêleront au flot toujours grossissant de sa postérité qui doit toujours tomber dans l'océan d'une éternité bienheureuse ou malheureuse, selon qu'il aura d'abord pris un cours dans la bonne ou mauvaise direction. Le Sacré-Cœur fera aussi le bonheur de la patrie si on la lui consacre. C'est lui qui l'a fondée, et c'est lui qui doit la conserver.

Après le sermon, il y a eu salut solennel du Saint-Sacrement. Le sanc­tuaire était brillamment illuminé et la parure était splendide.

Sur le maître-autel, on voyait quatre figures formées de lumières, re­présentant deux Sacré-Cœur et deux ancres. Près de la balustrade était une grande et belle statue du Cœur de Jésus, reposant sur un trône éle­vé, orné de lumières et de fleurs; et autour, une banderole portait ces mots: «Voici ce Cœur qui a tant aimé les hommes». De la voûte, re­tombaient en forme de dais, des tentures aux couleurs jaunes, blanches et rouges.

Toute l'assistance a pris part aux chants: c'était d'un effet grandiose. Après la première partie du salut romain, et après l'entrée de Mgr l'ar­chevêque, assisté de MM. les curés de la ville, M. le curé de Notre­-Dame est monté en chaire et a prononcé à haute voix, avec le clergé de la ville qui remplissait le sanctuaire et tous les assistants, l'acte de consécra­tion au Sacré-Cœur.

Le chœur a ensuite chanté le Tantum Ergo.

La collecte, qui servira à acheter les albums qui devront contenir le nom des personnes présentes, a été faite par un des membres de la Ligue du Sacré-Cœur, dont les sections de saint Jean-Baptiste, du Gésu, d'Hochelaga, du Sacré-Cœur, de saint Joseph étaient venues à la céré­monie avec leurs insignes.

Cette démonstration religieuse est une des plus imposantes dont ja­mais Montréal ait été témoin.

Le Sacré-Cœur et le Sacerdoce.

Il vient de paraître un délicieux petit livre qui accroîtra la dévotion au Sacré-Cœur déjà si vivante dans nos grands séminaires de France et que nous souhaiterions entre les mains de tous les jeunes lévites6).

Dans une série de 30 lectures, l'auteur étudie successivement:

Le Cœur de Jésus dans sa préparation et son ministère, dans les fonctions de son ministère sacerdotal, dans ses vertus sacerdotales et dans l'Eglise.

A la lecture de chaque jour, l'auteur a ajouté une histoire ou trait édi­fiant relatif à la dévotion au Sacré-Cœur.

Dans un court appendice, l'auteur a recueilli de charmantes prières au Sacré-Cœur, tirées de sainte Gertrude, sainte Mechtilde, saint Fran­çois de Sales, etc.

Ajoutons que ce livre, quoique composé plus spécialement pour le mois du Sacré-Cœur, serait en tout temps de l'année un très bon recueil de méditations pour le clergé, les communautés religieuses et les person­nes de piété.

Citons quelques lignes de la préface, qui donneront une idée du genre de l'auteur et résumeront sa pensée. «Vous trouverez dans ces humbles pages, enfants bénis, autre chose qu'une sentimentalité vide, ou même une dévotion qui ne découlerait pas de la doctrine. L'exposition des mystères est la base de toute piété solide; elle échauffe le cœur en éclai­rant l'esprit. Peut-être ne regretterez-vous pas de trouver dans un si pe­tit ouvrage une sorte de petit traité théologique du Sacré-Cœur de Jésus au point de vue de son sacerdoce… Oh! qu'il est doux de penser que sur cette pauvre terre, il y a des cœurs tendres et purs qui aiment passionné­ment Jésus-Christ! O jeunesse bénie, ô doux printemps, futurs prêtres de mon Dieu, embaumez de vos vertus les parvis du sanctuaire; lis im­maculés dans le jardin du Bien-Aimé, revêtez-vous de blancheur et croissez chaque jour sous le soleil et la rosée du ciel…

«O le très saint objet de mes travaux et de mon amour, ô Cœur le plus noble, le plus pur, le plus beau, le plus sacré de tous les cœurs, ô fournaise ardente, ô source de vie, ô ma suavité, ô ma délectation, Jésus, Jésus, mon unique et tout aimable Jésus! Jésus-Prêtre, Jésus-Victime, Prêtre-Hostie chaque jour en mes pauvres mains, soyez connu, aimé, loué, exalté, adoré, au ciel et sur la terre, et que je vous contemple dans l'éternelle splendeur de votre gloire. Ainsi soit-il».

CHRONIQUE (Septembre 1889)

Les élections en France. - Nous arrivons tard pour le premier vote. Nos abonnés ont prié déjà. Ils vont continuer jusqu'au ballottage. Nous leur redisons les exhortations de l'Union de prières de Montmartre: «Que sortira-t-il des élections prochaines? Marie, reine et patronne de la France et saint Michel, l'ange protecteur de notre patrie nous obtiendront-ils la paix? Verrons-nous bientôt s'établir le règne universel du Sacré-Cœur, annoncé, il y a deux siècles, par la bienheureuse Marguerite-Marie? Nous pouvons l'espérer, si, par nos prières, par no­tre vie sainte et pénitente, et par notre zèle pour ce divin Cœur, nous le méritons».

On a fait une neuvaine avant le 22; on en fait une autre du 28 au 6 octobre, que chacun y soit fidèle.

- Relisons aussi les conseils donnés à la veille des élections par Son Eminence le cardinal archevêque de Reims: «Ce qu'il s'agit de savoir, c'est si notre société française retrouvera demain son équilibre sur sa ba­se naturelle et traditionnelle, la religion, ou si elle poussera, jusqu'à ses dernières conséquences, la criminelle tentative de l'athéisme social mis en pratique; - si elle s'affranchira du joug funeste de la franc­maçonnerie, ou si elle le subira plus longtemps; - si les relations néces­saires de l'Eglise et de l'Etat seront enfin loyalement acceptées; ou discu­tées sans cesse et soumises à cette singulière interprétation qui fait de l'Eglise, au point de vue diplomatique, une alliée, et dans la pratique ad­ministrative, une adversaire, tantôt une autorité qu'on entoure de res­pects officiels, tantôt une institution suspectée qu'on tente de réduire lé­galement à l'impuissance. Il s'agit de savoir, en un mot, si demain, en France, il sera possible encore d'être fidèle, en même temps, à son Dieu et à son pays.

«Voilà, N. T. C. F., la question capitale qui sera tranchée dans quel­ques jours, et dont la solution dépend du choix des hommes à qui le pays donnera mandat pour le représenter. C'est dans le recueillement qu'un peuple devrait se préparer à pareils événements; vous savez, au contrai­re, quelle agitation s'empare des masses populaires en semblables cir­constances. Pour nous, nous prierons afin que Dieu nous ait en pitié et qu'il fasse luire encore pour notre chère France des jours de prospérité, de sainte et loyale liberté, d'union, de concorde et de paix.

«Quand il voulut donner une magistrature à son peuple, Dieu dit à Moïse: «Choisis parmi la multitude, des hommes influents et craignant Dieu, pleins de loyauté, sans cupidité, et fais-en des magistrats pour le peuple». La mis­sion que le Seigneur assignait à Moïse, c'est celle que la Constitution confère au peuple Français».

Nous donnons à cette occasion, en latin et en français une belle prière qui a été trouvée par le cardinal Pitra dans un missel du IXe siècle. On peut la réciter pour la neuvaine dont nous parlons (en y joignant d'au­tres prières), et même tous les jours de sa vie.

OREMUS

Omnipotens sempiterne Deus, qui ad instrumentum divinissimae tuae voluntatis per orbem et ad gladium et propugnaculum ecclesiae sanctae tuae, Francorum impe­rium constituisti. cœlesti lumine, quaesumus, filios Francorum supplicantes semper et ubique prœveni, ut ea quae agenda sunt ad regnum tuum in hoc mundo efficien­dum videant, et ad implenda quae viderint charitate et fortitudine perseveranter con­valescant. Per Christum Dominum nostrum. Amen.

PRIONS

Dieu tout-puissant et éternel qui avez constitué la nation française pour servir par le monde d'instrument à votre divine volonté, de glaive et de rempart à votre sainte Eglise, prévenez toujours et partout, nous vous en prions, les fils suppliants des Francs de votre céleste lumière, afin qu'ils voient ce qu'il faut faire pour établir votre règne sur la terre, et que pour l'accomplir ils soient armés de charité, de force et de persé­vérance. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-il.

Saint Joseph. - Le Saint Père glorifie saint Joseph, l'ami du Sacré­-Cœur. Aucun acte pontifical n'avait jusqu'ici élevé aussi haut la gloire de l'époux de Marie et du père adoptif de Jésus. Les vœux des fidèles demandent plus encore. Cela pourra venir. La Congrégation des Rites accueillera probablement les demandes qui lui ont été faites. Redisons souvent la belle prière composée par le Saint-Père. Nous la reprodui­sons:

«Nous recourons à vous dans notre tribulation, bienheureux Joseph, et, après avoir imploré le secours de votre très sainte Epouse, nous solli­citons aussi avec confiance votre patronage. Par l'affection qui vous a uni avec la Vierge immaculée, mère de Dieu; par l'amour paternel dont vous avez entouré l'Enfant Jésus, nous vous supplions de nous aider à arriver en possession de l'héritage que Jésus-Christ a conquis de son sang et à nous assister de votre puissance et de votre secours dans nos be­soins».

«Protégez, ô très sage Gardien de la divine famille, la race élue de Jésus-Christ; préservez-nous, ô Père très aimant, de toute souillure d'er­reur et de corruption; soyez-nous propice et assistez-nous, du haut du ciel, ô notre très puissant libérateur, dans le combat que nous livrons à la puissance des ténèbres, et de même que vous avez arraché autrefois l'en­fant Jésus au péril de la mort, défendez aujourd'hui la sainte Eglise de Dieu des embûches de l'ennemi et de toute adversité. Accordez-nous vo­tre perpétuelle protection afin que, soutenus par votre exemple et votre secours, nous puissions vivre saintement, pieusement mourir et obtenir la béatitude éternelle du Ciel. - Ainsi soit-il».

Les Congrès catholiques allemands. - Deux grandes réunions ont eu lieu récemment, celle de l'association de Gœrres à Cologne et le con­grès catholique à Bochum. L'association allemande de Gœrres est le pendant de notre société bibliographique de Paris et de la société scienti­fique de Bruxelles, L'Angleterre, la Belgique, la France même étaient représentées à cette réunion. L'esprit chrétien est un esprit de paix et d'union.

La société de Gœrres comprend trois sections: les sciences sociales et politiques, l'histoire et la philosophie. Les œuvres historiques de Jans­sen et de son école ont donné un grand relief à cette société. Les catholi­ques ne sont plus maintenant considérés comme étrangers au mouve­ment scientifique en Allemagne. Ils comptent. Ils ont refait et renouvelé définitivement l'histoire des origines du protestantisme.

Quel dommage que la politique empêche une fédération plus complè­te des associations de ce genre! Les Belges étaient nombreux à cette réu­nion de Cologne. Mgr Vaughan, évêque de Salford, a exprimé sa sym­pathie pour la presse catholique française. Un correspondant de la Défen­se écrivait après ce congrès: «Ici, plus de politique internationale; nous nous sentions au milieu de frères qui partageaient nos angoisses et nos espérances. Nous n'avions plus qu'une patrie, le catholicisme, plus qu'une devise: Pour Dieu par la science!».

- A Bochum, c'était le congrès général des œuvres catholiques d'Al­lemagne. L'assistance était splendide. Les réunions générales comp­taient deux mille personnes. Le chef du centre catholique allemand, M. Winthorst a le don d'enthousiasmer ses auditeurs. Toutes les grandes causes catholiques ont été acclamées là: l'indépendance du Pape avant tout, l'enseignement catholique, la presse, les Ordres religieux. Les questions sociales ont été étudiées à fond et de nombreuses réunions d'ouvriers ont eu lieu pendant la durée du Congrès. Toutes les institu­tions favorables aux ouvriers ont été louées et approuvées. Mais il a été reconnu là comme dans nos congrès que la question sociale est avant tout une question morale. Il y a des patrons qui exploitent leurs ouvriers comme de simples instruments de travail. Il y a des ouvriers qui ne con­naissent ni respect, ni patience, ni reconnaissance. Quelle autre force morale que l'Eglise catholique pourra inspirer aux patrons la justice et la charité, aux ouvriers la patience, la reconnaissance et la fidélité? Evi­demment aucune. L'Eglise a seule la solution de la question sociale.

Lourdes. - La très sainte Vierge nous conduit à Jésus. Les triomphes de l'Immaculée Conception préparent ceux du Sacré-Cœur. La très sain­te Vierge se plaît à laisser à son divin Fils la gloire des miracles de Lour­des. Ces miracles s'accomplissent maintenant le plus souvent sur le passa­ge de l'Eucharistie dans la procession de la grotte à l'Eglise. «Jésus, fils de David, s'écrient les malades, ayez pitié de nous. - Seigneur, si vous vou­lez vous pouvez me guérir. - Seigneur, faites que je voie». Oh! répétons partout ces cris et ces prières pour notre pauvre France. Nous avons Jésus-Hostie dans tous nos sanctuaires. Nous le possédons sur les autels à la sainte messe, et dans nos cœurs à la sainte communion.

Confiance! Prions. Jésus ne peut pas résister à la prière des âmes sim­ples et confiantes.

Anvers. Le jubilé des statues. - Voici un épisode ravissant d'une fête religieuse à Anvers. On écrivait au Patriote.

«Fidèle à sa dévotion séculaire envers la sainte Vierge, la ville d'An­vers a célébré, dimanche dernier, des fêtes magnifiques en l'honneur de sa glorieuse patronne. Outre la célèbre procession annuelle, qui forme un cortège religieux d'un éclat et d'une richesse incomparables, l'attrait principal de cette belle journée consistait, dans la célébration d'un jubilé solennel en l'honneur du soixante-quinzième anniversaire du rétablisse­ment des statues de Marie dans nos rues et nos places publiques.

La population d'Anvers s'est associée avec enthousiasme à cette fête. Dès le matin, la ville entière était pavoisée; les cent soixante statues, dis­séminées sur tous les points de la cité, avaient été décorées avec un soin pieux, et le soir, elles souriaient dans leurs niches parées de fleurs et étin­celantes de lumières. Une foule immense circulait, joyeuse et recueillie, dans les rues éclairées de mille feux. On ne se lassait pas d'admirer les détails multiples, la gracieuse variété et l'imposant ensemble de ce féeri­que décor.

Au milieu des splendeurs de cette illumination aussi générale que spontanée, la grande statue de Marie que nos ancêtres ont placée en honneur sur la façade de l'hôtel de ville, allait-elle, seule, rester dans les ténèbres? Nos tristes édiles n'avaient fait aucun préparatif, ce qui, d'ail­leurs, ne surprenait personne. On sait que ces bons gueux poursuivent de leur haine aussi farouche que stupide tout ce qui touche à la religion. Le jubilé des statues leur était particulièrement antipathique car nos édi­les tiennent de leurs aïeux, les iconoclastes. Ils réservent tout leur en­train pour les enterrements à la chien.

Eh bien! en dépit du mauvais vouloir de ces sinistres croque-morts, la statue de la maison communale fut illuminée, elle aussi, et d'une façon splendide.

A un moment donné, le peuple qui se pressait sur la Grand'Place vit tout à coup un jet puissant de lumière électrique inonder d'éblouissantes clartés la vénérée et antique statue.

Des acclamations sans fin saluèrent cette illumination inattendue, ines­pérée. La ville entière put en jouir, car elle se prolongea, intense et ra­dieuse, jusqu'à 11 heures et demie.

On assure que nos édiles et le clan maçonnique se consolent difficile­ment de cette désagréable surprise; mais la ville entière applaudit et rend hommage au citoyen généreux et dévoué qui a su réaliser, malgré nos maîtres (?), le vœu secret de tous: voir la statue de l'hôtel de ville illumi­née».

La décadence. - Nous sommes éblouis en ce moment par le succès de l'Exposition, les visites des étrangers et une reprise momentanée des affaires à Paris. L'écorce est belle, mais il y a un ver au cœur du fruit, c'est le ver de l'immoralité et de la ruine.

Les statistiques viennent par moments nous faire sortir de nos rêves de prospérité, mais nous oublions trop vite ces avertissements. Voici par exemple des progrès qui accusent une effrayante décadence. Les divor­ces sont en progrès. Les naissances illégitimes sont en progrès. Les failli­tes sont en progrès. Voici quatre ans que la loi du divorce a été votée. Il y a eu 1650 divorces en 1884; 4000 en 1885; 4000 également en 1886; et 5800 en 1887; que de familles désorganisées! que d'enfants livrés à une éducation incomplète ou bien aux orphelinats et deshonorés pour toute leur vie!

Les naissances illégitimes, dans leur triste progression, atteignent la proportion de 10%, pendant que les mariages et les naissances légitimes diminuent. Il est clair que l'irréligion tue la morale en France.

Enfin les faillites aussi se multiplient. Il y en avait 5000 par an en 1875; 6000 en 1880; 7000 en 1885.

Pour chacune des deux dernières années nous arrivons à 8000. Dieu ne bénit pas les peuples qui ne prient point et qui persécutent l'Eglise.

Un concile maçonnique. Les francs-maçons et les juifs se croient ar­rivés au moment de leur triomphe définitif. Ils comptent sans l'interven­tion divine qui nous réveillera de notre torpeur par quelque châtiment providentiel et nous rendra par là le ressort qui nous manque.

La Chaîne d'Union, organe maçonnique de Paris, annonce que le Con­seil de l'ordre du Grand-Orient de France va faire des démarches auprès de toutes les puissances maçonniques du monde entier, pour les engager à se faire représenter, dans le courant de l'année prochaine, auprès d'un Concile œcuménique de la Maçonnerie universelle où celle-ci recevrait sa consécration effective et définitive.

La feuille maçonnique ajoute:

«L'importance d'une pareille décision n'échappera à personne, car ELLE PROMET A LA FRANC-MAÇONNERIE LA CONQUÊTE PACIFIQUE DE LA TER­RE.

Le Krach de Wittemberg. - Sous ce titre, l'écrivain Gottlieb publie en Allemagne une étude des plus intéressantes sur la situation du protes­tantisme.

Dans le monde lettré le protestantisme agonise. Il fait place au ratio­nalisme et au scepticisme. Les plus illustres professeurs des Universités allemandes renient la divinité du Christ et l'authenticité des Ecritures. M. Gottlieb passe en revue tous les grands noms de la science alleman­de. Empruntons trois ou quatre citations, cela suffira.

Selon le théologien Laman, les livres du Nouveau Testament sont apo­cryphes. On ne saurait déterminer avec certitude ce qu'était en réalité Jésus ou même s'il a jamais existé.

Le professeur Steck est d'avis que tous les livres du Nouveau Testa­ment sont apocryphes et par conséquent l'œuvre de faussaires.

Le professeur Harnack, de l'Université de Berlin dit que la foi chrétien­ne est une grande aberration. Selon lui tous les livres du Nouveau Testa­ment sont suspects à l'exception de l'épître de saint Jacques.

Ritochl, professeur de théologie, mort l'an dernier, enseignait que Dieu, la révélation et la religion sont de vaines fantasmagories, qui n'ont de valeur que comme moyens de moralisation à l'égard des esprits fai­bles.

Bender, professeur de théologie à Bonn, jusqu'en 1888, estime que l'Eglise doit se hâter d'abandonner le dogme de la divinité de Jésus­Christ et que le christianisme est un tissu de fables et de mensonges.

Par ceux-là on peut juger des autres; c'est la fin du protestantisme. Les âmes simples et droites reviendront au catholicisme. Les savants or­gueilleux iront à l'athéisme et à l'adoration d'eux-mêmes et de leur rai­son.

Le protestantisme et les beaux-arts. - L'art chrétien devient un moyen d'apostolat. Il n'y a point d'art protestant et dès que l'art veut devenir religieux, il devient nécessairement catholique. Le retour aux traditions de l'art chrétien est un des facteurs de la conversion de l'An­gleterre.

Pour se rendre compte du vandalisme provoqué par les doctrines pro­testantes, il faut lire le Dr Janssen sur les origines du protestantisme. Empruntons-lui quelques lignes, elles suffiront à résumer l'histoire de la réforme au point de vue de l'art.

«Avant qu'éclatât la révolte religieuse du XVe siècle, les artistes avaient beaucoup à faire: des églises se bâtissaient, se décoraient par­tout. Tableaux, sculptures, ouvrages d'orfèvrerie, ornements sacerdo­taux, c'était, parmi les corporations, les confréries, les simples particu­liers, à qui ferait les plus riches commandes. Mais, dès 1524, d'après un livre publié cette même année, il n'est presque plus question de tout ce­la. «Les églises et les couvents, on n'en construit plus, on n'en décore plus, mais en détruit ceux qui existent; aussi y a-t-il bien des mains qui restent inoccupées»».

«C'est un récit lamentable que celui de la détresse où tombèrent, à cet­te époque, des artistes de mérite. Nous ne mentionnerons ici que l'illus­tre Hans Holbein le jeune. En 1526, il avait encore pu peindre sa ravis­sante «Madone du bourgmestre Jacques Meyer», tableau tout impré­gné de catholicisme; mais ce fut sa dernière grande œuvre religieuse, et, à vrai dire, le dernier des chefs-d'œuvre religieux de l'art allemand au XVIe siècle.

A Bâle, où vivait Holbein, la révolution religieuse paralysa toute acti­vité artistique. Holbein dut abandonner ses peintures murales de l'hôtel de ville et exécuter des travaux de manœuvre pour gagner son pain. Il émigra en Angleterre, où il se fixa et devint peintre de portraits à la cour de Henri VIII. En 1529, il était revenu un instant à Bâle où il put lire, dans «l'ordonnance» rendue par le Conseil au sujet des «images» reli­gieuses que Dieu avait «maudit tous ceux qui font des images»; où il put constater que, dans l'accès de rage iconoclaste qui, pendant son ab­sence, avait dévasté les églises de Bâle, plusieurs de ses propres œuvres avaient été anéanties.

«A partir du milieu du XVIe siècle, c'en est fait de l'art religieux dans toute l'Allemagne».

Le sentiment de l'art, comme l'étude sérieuse de la patrologie et de l'histoire, aidera puissamment à la conversion des protestants de bonne foi».

CHRONIQUE (Octobre 1889)

Plantation de la Croix de Jérusalem au Pèlerinage de Notre-Dame des Oliviers, à Murat. - On sait que, tous les ans, la Croix monu­mentale du Pèlerinage de Pénitence de Jérusalem est destinée à l'un des sanctuaires les plus célèbres de la sainte Vierge.

L'an dernier, cette Croix a été plantée, à quelques lieues de la frontiè­re allemande, à Benoîte-Vaux, (benedicta vallis) célèbre et antique pèleri­nage lorrain, où bien des fois Marie s'est fait connaître par des miracles signalés.

Cette année, c'est le Pèlerinage de Notre-Dame des Oliviers, à Murat (Cantal), qui a été le théâtre de cette imposante cérémonie. La Croix a été plantée le 4 septembre, sur le rocher volcanique de Bonne-Vie, de Murat, près de la statue colossale de Notre-Dame des Oliviers. La pré­sence de trois évêques et de deux prélats, l'affluence de foules compactes qui étaient accourues de tous les environs, et même de provinces lointai­nes, leur piété profonde, leur saint enthousiasme, l'éloquence de l'émi­nent religieux qui leur adressa la parole, tout concourait à rehausser l'éclat de cette fête, qui comptera parmi les manifestations religieuses les plus imposantes de cette année.

La Vierge antirévolutionnaire de Murat, dit le Pèlerin, devait avoir une manifestation de son pouvoir au centenaire de 1889. Cette année, sans qu'on eût calculé l'importance du millésime 1889 pour la Vierge de la Paix, une des deux Croix venues de Jérusalem lui fut réservée et la da­te primitivement fixée au ler septembre, pour la fête de la plantation, fut reportée, sans calcul, au 4 septembre, jour anniversaire de la révolution sous laquelle nous vivons.

Plus tard, nous l'espérons, un motif très particulier nous donnera l'oc­casion de parler encore de Notre-Dame des Oliviers. Son antique statue, rapportée par saint Louis, de la Palestine, a été conservée à la collégiale de Murat au milieu des incendies, des orages et des révolutions. Que la Vierge antirévolutionnaire garde la France au milieu des orages de la ré­volution qui la menacent!

Le parti catholique en France. - Sous ce titre, un des plus vaillants journaux catholiques, le Bien Public de Gand formulait, à la veille de nos élections, les réflexions suivantes que nous voudrions voir méditer par tous les catholiques français:

Bonnes ou mauvaises, que ces élections leur apprennent donc la né­cessité; l'urgence d'une organisation catholique. Le moule des anciens partis se brise et l'indifférence politique devient peu à peu l'état d'esprit général. Une transformation se fait dans l'organisation des partis: la question religieuse, compliquée ou aidée, si l'on veut, de la question so­ciale, tend à dominer et déjà domine toutes les querelles politiques. Là est la base d'un parti nouveau, ouvert à tous les honnêtes gens, quelles que soient leurs opinions politiques, qui veulent sauver la Société, fermé seulement aux autres, qui cherchent dans la ruine de l'esprit chrétien, la satisfaction de leurs haines révolutionnaires.

Ce parti est possible en France, puisqu'il existe ailleurs. Le centre al­lemand, fondé sur ce programme, ne se désunit pas, malgré les éléments guelfes, démocratiques ou aristocratiques dont il se compose. Avec les mêmes données nous possédons notre parti catholique, qui marche uni contre le libéralisme persécuteur.

En attendant que nous puissions saluer la constitution d'un parti ca­tholique français, pour appuyer l'action morale du clergé et de l'épisco­pat, émettons le vœu que la journée de demain ne soit pas une journée de douleur pour l'Eglise, et prions Dieu qu'il épargne à la France et à nos frères de France, cette nouvelle humiliation et ce nouveau châti­ment.

Le congrès du repos hebdomadaire. - Le congrès du repos hebdo­madaire a tenu ses séances du 25 au 30 septembre dans la salle du cercle populaire de l'Exposition, sous la présidence de M. Léon Say.

Les lettres d'adhésion de M. Harrison, président des Etats-Unis, et de M. Gladstone ont été particulièrement remarquées. Voici ces lettres:

Lettre du président Harrison à M. Léon Say.

Cher monsieur, j'accepte avec plaisir de devenir membre honoraire du congrès du repos hebdomadaire.

L'expérience et l'observation m'ont convaincu que toute personne travaillant des mains ou de la tête a besoin du repos qu'une observation générale du dimanche peut seule lui garantir.

Les philanthropes et les chrétiens peuvent envisager la question à des points de vue différents. Mais, soit que nous considérions l'homme com­me un animal ou comme un être immortel, nous devons nous unir pour lui assurer le repos que le corps et l'esprit réclament également pour être placés et maintenus dans les meilleures conditions possibles.

Ceux qui ne voient pas le commandement divin dans la Bible ne pour­ront manquer de le trouver écrit dans l'homme lui-même.

Lettre de M. Gladstone

il est pour moi incontestable que l'observation du repos du dimanche a des racines profondes aussi bien dans les convictions que dans les habi­tudes de l'immense majorité de mes compatriotes. S'il apparait à beau­coup d'entre eux comme une nécessité de la vie spirituelle et chrétienne, d'autres, en non moins grand nombre, le défendent avec une égale éner­gie, comme une nécessité sociale.

La classe ouvrière en est extrêmement jalouse et s'oppose non seule­ment à son abolition avouée, mais à tout ce qui pourrait contribuer indi­rectement à ce résultat.

Personnellement, je me suis toujours efforcé, autant que les circons­tances me l'ont permis, d'user pour mon compte de ce privilège. Et maintenant, parvenu près du terme d'une carrière publique laborieuse de près de cinquante-sept années, j'attribue en très grande partie à cette cause la prolongation de ma vie et la conservation des facultés que je puis posséder encore. En ce qui concerne les masses, la question est bien plus importante; c'est la question populaire par excellence.

M. l'abbé Garnier a pris la parole et a traité la question avec une com­pétence égale à l'élévation de son langage, démontrant la nécessité d'un jour de repos par semaine et prouvant que, par la force des traditions et l'influence toujours prédominante du sentiment chrétien, ce jour ne peut être autre que le dimanche.

On peut espérer que ce congrès tournera entièrement au profit de la grande cause de la sanctification du dimanche.

Il est curieux de rapprocher de ces lettres le vœu émis par deux congrès socialistes d'ouvriers tenus dernièrement à Paris, celui des possibilistes et celui des marxistes.

La 2ème résolution du congrès possibiliste est celle-ci:

Un jour de repos par semaine et point de travail les jours fériés.

La 3ème du congrès marxiste est ainsi conçue:

Repos obligatoire d'un jour par semaine ou interdiction aux employeurs de faire travailler plus de 6 jours sur 7.

On aura remarqué, dit le Bulletin de l'Union des Syndicats, dans ces deux séries de résolutions, la demande formelle du repos d'un jour par semai­ne. Nous demandons, nous, le repos du dimanche; mais il est intéressant de voir que les ouvriers eux-mêmes reconnaissent la nécessité du repos hebdomadaire et le réclament dans leur propre intérêt. Que nos amis s'en souviennent à l'occasion!

Belgique. - L'aumônerie militaire. - On lit dans le Bien Public.

Un arrêté royal, inséré au Moniteur du 15 septembre et qu'on trouvera plus loin, institue l'aumônerie militaire de l'armée belge et donne ainsi satisfaction à un vœu, formulé depuis longtemps par l'immense majori­té du pays. Nous sommes assurés de répondre au sentiment public en re­merciant le gouvernement de cet acte de justice et en félicitant l'honora­ble général Pontus d'y avoir attaché son nom. Constatons aussi que le redressement de ce grief est dû, pour une large part, aux réclamations persévérantes des catholiques. Le succès obtenu prouve qu'il ne faut ja­mais se décourager en poursuivant une réforme juste et que le vieux pro­verbe flamand a raison: den aanhouder wint.

La religion étant un des traits dominants de notre caractère national, il faut donc que notre organisation militaire, quel que soit d'ailleurs le mode de recrutement de l'armée, fasse au culte de l'immense majorité du pays la place à laquelle ce culte a droit. En devenant soldat, on ne ces­se pas d'être chrétien; la pratique religieuse est, au contraire, d'autant plus nécessaire à l'homme que celui-ci se trouve exposé à des occasions de chute, plus graves et plus multipliées. C'est, sans contredit, le cas pour les conscrits, arrachés chaque année par la conscription au foyer domestique et à la salubre tranquillité de la vie rurale, pour être initiés à la promiscuité de la caserne et plongés dans l'atmosphère funeste des grandes villes. Comment conserver, dans de telles conditions, les croyances et les mœurs de la famille, si l'on ne trouve à sa portée les con­seils, les secours, la direction autorisée du prêtre? L'aumônier militaire continue auprès du soldat le ministère du curé de village et sa mission, nous le répétons, est d'autant plus importante que ses ouailles se trou­vent dans des circonstances plus difficiles et plus délicates.

Voilà ce qu'ont compris toutes les puissances, vraiment respectueuses de la liberté religieuse de leurs soldats, et notamment des Etats protes­tants, tels que l'Angleterre et l'Allemagne! On ne les a jamais accusés cependant de «cléricaliser» leur armée et de «la placer sous la surveil­lance du clergé».

La vérité est donc qu'aucune objection sérieuse ne peut être dirigée contre l'organisation de l'aumônerie et que cette institution, loin d'alté­rer l'esprit militaire, ne fera que le développer, et l'élever.

En reproduisant ces lignes du vaillant journal belge, il nous est impos­sible de ne pas faire un retour douloureux sur notre pauvre France et sur la condition déplorable de nos infortunés jeunes gens, envoyés chaque année à la caserne et privés de tout secours religieux par la loi fatale et criminelle de la suppression de l'aumônerie militaire.

Rien n'est beau comme un soldat chrétien; le prêtre et le soldat se comprennent; l'aumônier était pour le soldat un soutien, un guide, un ami, un père; il était pour lui un refuge dans les circonstances difficiles; il l'aidait à rester fidèle, au milieu de tous les entraînements, à foi de son enfance et de sa première communion.

C'est un spectacle profondément triste de voir ces pauvres enfants jé­tés en proie à la corruption de la caserne. Un jour viendra où cette loi scé­lérate de la suppression de l'aumônerie militaire disparaîtra avec les au­tres, à la grande joie des mères de famille et aux applaudissements de la France catholique tout entière.

Hollande. Une bonne loi scolaire. - La 2ème Chambre des états généraux vient de mettre le sceau à une grande œuvre de conciliation et de pacifi­cation nationale, en votant à une grande majorité des changements con­sidérables dans la loi scolaire. La Chambre, qui se compose de cent membres, ne comptait que deux absences, et a adopté la loi nouvelle par 71 voix contre 27. Aux voix unanimes de la droite catholique et antirévo­lutionnaire se sont associés 17 libéraux. Cette nouvelle loi scolaire est un triomphe du principe religieux remporté sur l'école neutre, l'école sans Dieu. Les articles les plus importants qui viennent d'être adoptés sont ceux qui accordent des subsides d'Etat aux écoles particulières et qui im­posent aux écoles de l'Etat, l'obligation de faire payer par les parents des écoliers de rétributions d'au moins 40 centimes par semaine et par tête. Il va sans dire, que les enfants des pauvres ne paient rien, et que ceux qui ne peuvent pas payer tout, paient moins de 40 centimes.

Allemagne. Congrès catholique à Fribourg. - En Allemagne comme en France, les Congrès catholiques se multiplient.

Le brillant Congrès de Bochum, où les catholiques de tous les Etats de la Confédération allemande étaient représentés, a été suivi d'un Congrès des catholiques du Grand-Duché de Bade. Ce Congrès s'est tenu à Fri­bourg, siège de l'archevêché, ville importante dès le moyen âge, car saint Bernard de Clairvaux, a prêché la croisade dans sa belle cathédrale.

Ce Congrès des catholiques badois, qui s'est réuni le ler septembre, a été une manifestation éclatante de leur force et de leur ardeur; il fait con­cevoir l'espoir que les prochaines élections augmenteront considérable­ment le nombre des députés catholiques au Parlement, où les «li­béraux» sont encore en majorité. La presse catholique de Bade travaille avec un zèle admirable à défendre les intérêts de l'Eglise.

Malheureusement, le nombre des prêtres est insuffisant; il est absolu­ment nécessaire que le peuple obtienne la rentrée des Ordres religieux.

Congrès catholique à Munich. - Le Congrès catholique de Munich sera certes une des manifestations les plus éclatantes et les plus superbes que le catholicisme ait produites sur ce terrain.

Les Bavarois ont attendu longtemps pour se mettre en mouvement; mais l'élan d'aujourd'hui est d'autant plus vif et plus unanime. Hon­neur aux chefs et aux troupes!

Il y a plus; ce Congrès marque une date historique, parce qu'il déter­mine une évolution dans les annales du catholicisme bavarois. Il a fallu un demi-siècle de confusion et d'efforts pour arriver à ce prélude d'une transformation désirée et nécessaire. Ça été le malheur de la Bavière de manquer d'unité de vues, de nager dans l'hypocrisie, d'un côté, et dans l'indécision, de l'autre. Comme ailleurs, l'Encyclique de Léon XIII a porté le coup décisif. Il a ouvert cette ère nouvelle, dont le Congrès sera le premier événement. Depuis, les faits se sont succédés, rapides et géné­rateurs.

A l'occasion de ce Congrès, qui a obtenu un succès éclatant, un jour­nal catholique formule l'heureux présage que voici:

Heureusement, en Bavière comme en Autriche et dans le Grand­Duché de Bade, le temps de la «moutonnerie» semble être passé; d'au­cuns disent même qu'il est passé. On y est las des placet, du despotisme «libéral», de la juiverie et des diverses formes que revêt l'oppression des majorités par d'infimes minorités, ce qui semble paradoxal, mais est strictement vrai. Et, de fait, ce serait une honte si les Bavarois, comme les Autrichiens et les Badois catholiques, enduraient davantage une do­mination que leurs frères prussiens ont su, par un généreux coup d'épaule, mettre par terre, bien qu'ils soient la minorité. Il est vrai qu'ils y ont mis quinze ans et que leurs souffrances avaient atteint une acuité extrême, tandis que les Bavarois, les Badois et les Autrichiens n'en sont guère qu'au début et que leurs persécuteurs avaient pris la précaution de les «endormir» avant de se livrer sur eux à des «expériences pouvant entraîner la mort».

La vigilance du Pape et des évêques a provoqué un réveil salutaire, un réveil nécessaire. Il y a tout lieu d'espérer que Lutz et consorts finiront bien par s' apercevoir que leurs victimes sont tirées de leur état léthargique, qu'ils ont en face d'eux des hommes et non plus des moutons, et qu'il y au­rait de l'imprudence à prolonger une confusion désormais impossible.

Espagne. Une conversion remarquable. - Le Movimiento catolico, impor­tant organe madrilène, apporte d'intéressants détails sur une conversion qui a produit une profonde impression en Espagne.

José Huertas, âgé de 23 ans, cumulait avec l'exercice de la médecine la qualité de publiciste; il collaborait à deux journaux rationalistes très connus: Las Dominicales et El motin. Spirite et franc-maçon (33e degré), jeune homme d'une haute intelligence et d'une énergie extraordinaire, indomptable, José Huertas était l'âme de la secte maçonnique à Grena­de, théâtre principal de sa propagande.

Par bonheur pour lui, Dieu avait placé sur son chemin un bon ami, catholique dévoué et actif. Vers le milieu du mois passé, le docteur Huertas, déjà à moitié vaincu par la grâce, se rendit au Collège des jé­suites de Talavera de la Reina pour y faire une retraite suivant la métho­de de saint Ignace.

Au sortir de cette retraite, il a écrit à S. G. Mgr l'archevêque de Gre­nade une lettre dont il envoyait une copie à Las Dominicales; mais ce jour­nal s'est bien gardé de la publier. Dans cette lettre, le nouveau converti après avoir fait une profession de foi catholique, demande pardon au Souverain Pontife, à l'archevêque, au clergé et aux fidèles de ses égare­ments et de ses scandales.

Enfin, la Correspondencia de Espana annonçait, au commencement du pré­sent mois, que M. José Huertas Lozano, médecin, était entré le 31 août au noviciat de la Compagnie de Jésus et qu'il revêtirait la soutane le dimanche 8 septembre, à l'occasion de la fête de la Nativité de la sainte Vierge.

Russie. - Un ouvrage récent d'un grand écrivain russe, M. Soloviev7), sur la Russie et l'Eglise universelle, nous révèle le mouve­ment qui se fait en Russie au sujet de la question religieuse.

Cet ouvrage est une étude historique et philosophique du grand peuple qui, depuis quelques années, attire si puissamment l'attention de la vieille Europe. L'auteur, esprit encyclopédique, résume en traits saisissants les caractères moraux de la Russie et ouvre la voie que cherche une race jeu­ne et vigoureuse; il démontre que, par ses traditions et par ses aspirations, la Russie est appelée à jouer un rôle capital dans la civilisation chrétienne, mais que, pour se développer normalement, elle doit être reliée au centre de cette civilisation, au centre de l'Eglise universelle.

C'est l'union religieuse, que propose à ses frères le savant auteur, an­cien professeur de philosophie à Moscou et à Saint-Pétersbourg, écrivain et penseur éminent.

Japon. - Le Saint-Siège vient de décréter la tenue d'un concile na­tional au japon, pour le mois de mars 1890.

Ce Concile se composera de tous les délégués apostoliques, de tous les vicaires apostoliques et de tous les missionnaires de cette province ecclé­siastique. Ce sera le premier synode de cette contrée. La Propagande a choisi la date de mars 1890, parce que le mois de mars prochain marque­ra le 25me anniversaire de la découverte faite par les missionnaires d'une chrétienté japonaise qui, sans prêtres et sans évêques, avait con­servé toute la foi et tout le rite catholique. Ce coin de terre avait été con­verti par saint François Xavier et avait gardé intact le dépôt divin.

Ce Concile a une importance non seulement religieuse, mais coloniale et politique. Le souverain et le gouvernement du japon laissent toute li­berté aux missions. Ils ont soulevé l'idée d'introduire officiellement la religion chrétienne comme religion d'Etat. Ce qui explique ce vœu, c'est le désir du Japon d'entrer dans le mouvement européen et d'im­planter dans le pays la civilisation occidentale. Or, le christianisme lui apparaît, à juste titre, comme l'agent le plus efficace de cette transforma­tion.

Une bonne leçon donnée par Edison. - Trente-quatre ingénieurs, présidés par M. Eiffel, ont offert un banquet sur la tour à M. Edison avec toast et musique après, par Gounod; puis, dans les appartements privés de M. Eiffel, M. Edison a signé sur le livre d'or des hauts person­nages, et il a ajouté ces lignes, qu'il a lues à haute voix:

Du sommet de la tour Eiffel,

10 septembre 1889

A M. Eiffel, l'ingénieur, le courageux constructeur du spécimen si gi­gantesque et si original de l'art de l'ingénieur moderne, un homme qui a le plus grand respect et la plus grand admiration pour tous les ingé­nieurs, y compris le grand ingénieur, le bon Dieu! (Including the great en­gineer the Bon Dieu).

Thomas A. Edison

Ces mots including the bon Dieu, dit la Croix, signifient beaucoup, lors­qu'on sait que les Américains venus à l'Exposition protestent toujours contre l'exclusion de Dieu et demandent qu'on cesse cette ridicule aposta­sie.

Terminons cette revue rapide par le récit d'une conversion éclatante due à Notre-Dame de Lourdes. Voici comment Le Pèlerin la rapporte:

Un délégué des Loges. - Le fait ci-dessous nous a été rapporté par un témoin oculaire, le R. P. Léon, franciscain, qui en était fort ému. Nous en trouvons aujourd'hui le récit à la Semaine de Viviers, dans le compte rendu du pèlerinage diocésain.

Le chapeau sur la tête, le cigare à la bouche et l'ironie sur les lèvres, un délégué de la Loge maçonnique de Dax (Dax, le pays sanctifié par la présence des deux Vincent!) était spectateur de notre procession.

Tout d'un coup, il n'y tient plus. La majesté du spectacle triomphe de sa haine, l'accent de foi de cette foule immense est pour lui une révéla­tion, enfin la grâce de Dieu le terrasse. A la Grotte, avant de partir, n'avait-on pas prié, les bras en croix, pour la conversion des pécheurs?

Bref, il jette son cigare, il se déclare vaincu, demande à se confesser, et le lendemain, Monseigneur notre évêque avait entre les mains sa rétrac­tation écrite, dans laquelle il avait fait insérer cette mention expresse «qu'il était venu à Lourdes, non pas en son nom personnel, mais délé­gué, on comprend à quelle fin, par la loge maçonnique de Dax.

Nous nous permettons de recommander aux plus instantes prières de nos lecteurs le résultat d'une démarche qui pourrait contribuer à avancer le règne social du Cœur de Jésus.

CHRONIQUE (Novembre 1889)

Prières publiques. - Mgr l'Evèque de Saint-Flour a prescrit pour le dimanche 10 novembre, à l'occasion de la rentrée des Chambres, le chant du Veni Creator dans les églises et chapelles de son diocèse. Plu­sieurs autres Evêques l'auront fait aussi, sans doute, sans que nous en ayons connaissance. C'est là une manifestation du règne de Notre­-Seigneur et de la vie sociale chrétienne.

Le drapeau du Sacré-Cœur en Afrique. - Le général de Charette adresse à ses anciens soldats l'appel suivant:

Amis et chers camarades,

A la dernière réunion du Comité antiesclavagiste, le cardinal Lavige­rie a dit:

«Joubert, ce zouave qui, depuis dix ans, a consacré sa vie à notre œuvre, Joubert, qui est déjà allé trois fois jusqu'au centre de l'Afrique - et cette fois pour y rester - Joubert vaut bien Livingstone. Voilà dix-huit mois que nous n'avons pas eu de ses nouvelles. Je vous charge d'organi­ser une expédition pour aller à sa recherche».

A vous, je dirai:

«Joubert est allé planter notre drapeau du Sacré-Cœur au centre de l'Afrique. Nous ne pouvons l'abandonner. Que ceux d'entre vous qui veulent faire partie de l'expédition m'écrivent. Que ceux qui ne le peu­vent pas m'envoient leur obole, petite ou grande».

Voilà donc une belle et courageuse expédition qui, née sous de pareils auspices, ne peut moins faire que de réussir.

Mais qui est Joubert?

Joubert, le capitaine Joubert, comme on l'appelle encore parmi les anciens zouaves de Charette, est le fils d'un paysan des environs d'Ance­nis. Il appartient à cette forte race de Chouans qui tient du grand sei­gneur par la richesse du cœur et la largeur du dévouement, et pour qui toute grande cause a des attraits irrésistibles.

Engagé très jeune aux zouaves pontificaux, Joubert a fait les campa­gnes de Castelfidardo, de Mentana et de Rome, de 1860 à 1870.

Il est revenu en France avec son régiment et a fait avec lui la campagne de France, montrant en toutes circonstances une énergie, un courage et une in­telligence des choses de la guerre qui le faisaient aussitôt remarquer de ses chefs. Il aurait pu faire une brillante carrière dans l'armée; il préféra retour­ner à ses champs pour attendre l'occasion de nouveaux dévouements.

Un jour - il y a dix ans de cela - le cardinal Lavigerie fit appel aux grands courages et, particulièrement, aux anciens zouaves pontificaux, pour accompagner et protéger ses missionnaires au cœur de l'Afrique. Le capitaine Joubert se présenta des premiers et, tout de suite, il fut choisi comme chef de l'expédition.

Il réussit pleinement dans son entreprise, les missionnaires s'établi­rent sur les bords du lac Tanganika, et Joubert, à la tête de quelques hommes de cœur, rallia les noirs à la cause de la libération.

Il en forma un petit corps d'élite, avec lequel il protégea la mission et empêcha la traite des noirs dans le pays. Il était presque roi, mais avec un désintéressement admirable, car il restait aussi pauvre.

Trois fois il revient en France. La dernière fois, il était marié, marié à une négresse de là-bas, qu'il avait épousée pour mieux s'implanter dans le pays. Où est-il maintenant? Est-il tombé dans quelque embûche? Comme l'a dit le cardinal Lavigerie, Joubert vaut bien Livingstone et mérite bien qu'on aille à sa recherche.

Le Congrès du dimanche à l'Exposition. - Le Congrès qui s'est te­nu à Paris sous la présidence de M. Léon Say, pour étudier la question du repos hebdomadaire, a pris une importance considérable et aura, nous l'espérons, des conséquences sérieuses. Le texte de ces résolutions est comme une étude complète de la question dans ses principes et dans ses applications. La question est traitée successivement au point de vue hygiè­nique et au point de vue social et moral. Pour ce qui est des applications, la question est étudiée successivement au point de vue de l'industrie en général, de l'industrie du bâtiment, des chemins de fer, des postes et télé­graphes, des autres services publics et du commerce. Le Congrès a conclu à l'organisation et au développement d'associations en faveur du repos du dimanche. Nous allons reproduire les deux passages de ces résolutions les plus intéressants pour nos lecteurs, à savoir: 1° l'application des principes sociaux à la question du repos hebdomadaire, 2° les résolutions relatives aux associations en faveur du repos du dimanche.

Le repos hebdomadaire au point de vue social

1° Un homme ne peut jamais être réduit à l'état de simple moyen ou d'instrument; il a le droit d'être traité en homme et respecté comme tel par ses semblables.

2° L'homme, pour se conformer à sa nature morale, doit passer par certaines alternatives de ce travail physique et de loisir qui lui permet­tent de faire succéder aux préoccupations matérielles des préoccupations supérieures.

3° Le minimum de loisir, qu'en principe un homme devrait avoir, est d'un jour par semaine. Nous entendons par là le dimanche, car ce qu'il faut à l'homme, ce n'est pas un jour de désœuvrement isolé, mais de vé­ritable communion morale avec ses semblables.

4° Le repos hebdomadaire, assurant l'intimité des époux et les rap­prochant de leur famille, favorise l'union morale des ménages et l'éduca­tion des enfants.

5° Le repos hebdomadaire, arrachant l'homme aux servitudes matériel­les, lui permettant la libre réflexion et les aspirations supérieures, le fait pas­ser du rang de chose ou de machine à celui de personne; il est donc, par lui-même, principe de progrès moral pour l'individu et la nation.

6° Les conséquences morales du repos hebdomadaire ont un contre­coup économique: l'épargne et, par suite, le bien-être.

7° L'établissement du repos hebdomadaire, comme toute mesure de justice, contribuera à la paix sociale. En attendant le jour où il pourra être assuré à tous, les preuves de dévouement désintéressé fournies par les défenseurs du droit au repos contribueront à dissiper les malentendus funestes qui alimentent l'antagonisme social.

Des associations en faveur du repos du dimanche

1° Les associations qui ont pour but la libération des travailleurs le di­manche ont leur haute raison d'être. Elles sont généralement d'autant plus développées dans un pays qu'on y jouit d'une plus grande liberté générale et individuelle;

2° Ces sociétés sont une protestation permanente contre bien des exi­gences interessées et égoïstes et contre l'asservissement de l'homme par l'homme à un travail sans relâche. Elles tendent toutes à rendre ou à conserver à l'individu sa dignité et à lui rappeler qu'il ne doit pas se lais­ser dominer par la matière, mais avoir des aspirations supérieures;

3° Pour se développer et fournir tous les bons fruits qu'elles peuvent produire, ces sociétés doivent entretenir entre elles de fréquentes rela­tions et grouper le plus possible leurs efforts;

4° Les résultats obtenus sont un gage de ceux plus importants qu'on pourrait obtenir encore, si ces associations se multipliaient et rencon­traient dans le public et auprès des autorités tout l'appui et toute la sym­pathie qu'elles méritent.

5° Aucune institution n'est plus réellement libérale et démocratique que le repos du dimanche. Toutes les mesures légales ou autres qui, en le favorisant, font place aux cas de nécessité et de charité, sont non pas des mesures d'oppression, mais de vraie liberté, car si elles gênent parfois les habitudes de quelques-uns, elles sont profitables au plus grand nombre, à ceux surtout qui manquent le plus de moments de relâche et de vérita­ble indépendance.

6° Le repos du dimanche bien employé peut seul donner d'heureux résultats pour le développement normal de la vie physique, intellectuelle et morale, pour la vie de famille, la paix sociale et la prospérité de la pa­trie.

RESOLUTIONS FINALES

1° Il est constitué une commission permanente internationale du con­grès, qui aura pour mission de réunir des informations de tous les pays sur le travail et le repos du dimanche, et spécialement de préparer d'au­tres congrès sur les mêmes bases que celui-ci. Cette commission est com­posée de tous les membres du bureau.

2° Le congrès émet aussi le vœu qu'il soit créé une Ligue française pour le repos du dimanche.

Epilogue au Congrès de Paray-le-Monial. - Les catholiques du Chili ont pris à cœur, plus que ceux d'aucune autre nation, l'acte d'hommage social qui a eu lieu à Paray au 15 août dernier. Ils avaient fait un premier envoi de huit mille signatures, dont nous avons vu le re­cueil dans un magnifique album qui figurait parmi les autres au congrès du 15 août. Cela ne leur suffisait pas. Ils ont formé depuis lors deux al­bums nouveaux, magnifiquement reliés et portant plus de 15,000 autres signatures.

Les journaux catholiques de Santiago annoncèrent la remise de ces précieux volumes au paquebot de septembre. Nous avons sous les yeux un de ces articles de journaux. Il décrit les volumes et leur reliure artisti­que. Le premier volume contient les signatures du clergé, celles des évê­ques, des chapitres, des curés, des communautés religieuses, des fils spi­rituels de saint Ignace, de saint Dominique, de saint Augustin, de saint Vincent de Paul.

Le second volume contient les signatures des laïques: sénateurs, dépu­tés, magistrats, officiers, ingénieurs, avocats, membres des corporations ouvrières, dames de la société.

Sur le maroquin rouge de la reliure brille le symbole du Sacré-Cœur entouré d'épines sur des rayons dorés, avec l'exergue: «Venga a nos et tu reino; Que votre règne arrive».

Le titre des volumes est celui-ci: Hommage social au très doux et très aima­ble Cœur de Jésus, Roi et Souverain Seigneur des hommes et des peuples, en souve­nir et reconnaissance du deuxième Centenaire de l'apparition du Sacré-­Cœur de Jésus à la B. Marguerite-Marie. En tête du volume se trouve une protestation chaleureuse de fidélité à ce Souverain Roi et Seigneur, avec une affirmation solennelle du Règne Social de Jésus-Hostie sur les nations, en même temps qu'un acte de réparation et d'amende honora­ble pour les offenses que Notre-Seigneur reçoit dans la Sainte Eucharis­tie. Immédiatement avant les signatures, se lit cette promesse solennelle: «Nous jurons fidélité et entière soumission au Sacré-Cœur de Jésus, Roi et Souverain Seigneur des hommes et des peuples. Que votre règne arrive! Que votre règne arrive!».

Les deux volumes ont été adressés à Paris, au R. P. Palmacio, de la Congrégation des Sacré-Cœuus de Picpus, avec prière de les porter lui-même à Paray-le-Monial. Le R. P. Palmacio a rempli cette mission le 3 octobre dernier. Il a célébré la Messe pour les signataires à l'autel de l'apparition; puis, il a remis les deux splendides volumes à La Vénérable Supérieure du Monastère, qui les a déposés dans le Sanctuaire intérieur, là où est morte la B. Marguerite-Marie.

Angleterre. - Le culte de la sainte Vierge à Londres. - On sait l'horreur qu'éprouvaient jusqu'à ce jour les Protestants d'Angleterre pour le culte de la sainte Vierge, qu'ils appelaient une idolâtrie. Cette répugnance surpassait encore celle qu'ils éprouvaient pour la confession, la présence réelle et d'autres dogmes du Catholicisme. Mais le Protestantisme s'écroule pierre par pierre comme un édifice en ruines. L'image de la sainte Vierge vient d'être placée avec honneur au maître-autel de la Ca­thédrale de Saint-Paul à Londres.

Il y a vingt ans, cela eût provoqué une révolution. Aujourd'hui, cela soulève à peine quelques protestations des rigides partisans du vieux Calvinisme. Mais la hardiesse du chapitre de Saint-Paul est générale­ment encouragée par les Evêques, dignitaires de l'Eglise, l'aristocratie et le peuple. Les chapitres de diverses cathédrales Anglicanes ont envoyé leurs félicitations au chapitre métropolitain de Saint-Paul. Nous cite­rons, par exemple, l'acte d'adhésion suivant voté à l'unanimité par le chapitre de Durham.

«Cette société félicite le Doyen et les chanoines de Saint-Paul pour avoir érigé dans la cathédrale de Londres un rétable admirablement conçu et exécuté, pour mettre devant l'esprit de ceux qui viennent prier dans l'enceinte de cette église les grandes doctrines évangéliques de l'In­carnation et de l'Expiation».

Le rétable restera donc debout, malgré les quelques oppositions qui se sont élevées. La victoire restera à la sainte Vierge.

Les Universités Catholiques. - Un des plus remarquables phéno­mènes de notre temps est le développement que prend l'enseignement supérieur catholique. L'Université de Louvain a donné l'exemple. La France a fondé les Instituts de Paris, de Lille, de Toulouse, de Lyon et d'Angers. L'Université de Dublin vient de se réformer dans le sens ca­tholique. Dans l'Amérique du Nord, l'Université de Washington pourra bientôt rivaliser avec celles de Québec et de Montréal. Les jésuites ont fondé une Université à Bombay et en organisent une autre à Beyrouth. Enfin, de concert avec les Evêques de la Suisse, l'Autorité cantonale de Fribourg vient d'ériger son Université avec une magnificence royale, en appelant à elle des savants d'élite de l'Allemagne, de la France et de la Suisse.

C'est l'une des formes sous lesquelles se révèle l'éternelle jeunesse de l'Eglise. Vainement, le Protestantisme et plus encore la Révolution ont mis la main sur tant d'Universités qui dataient du moyen âge. L'Eglise ne s'est point découragée, et voici que sous son souffle vivifiant s'élèvent partout des chaires où la vraie science est professée et défendue comme elle l'était autrefois. Dans la fondation de ces Universités Catholiques se trouve la confirmation de cette vérité qu'entre les enseignements de la foi et les données de la science subsiste un accord constant.

La basilique du Vœu National. - La Providence se sert des agita­tions de la vie mondaine et les fait servir à ses desseins. Un bon nombre des trente millions de visiteurs qui sont allés à l'Exposition ont voulu vi­siter la basilique du Sacré-Cœur. Ils y ont fait une prière et déposé une aumône. Aucune autre année n'avait vu un concours aussi nombreux à Montmartre. D'ailleurs, la basilique s'achève et commence à resplendir au sommet de sa colline.

Depuis une quinzaine de jours, la façade de la future basilique est en­tièrement dégagée de tous ses échafaudages, et, à partir de ce moment, toute l'activité portera sur la construction de la voûte de la nef, travail qui durera au moins huit mois.

Mais, comme en fait, l'église va se trouver presque entièrement cou­verte par les échafaudages, on commencera, très prochainement, les tra­vaux de sculpture des chapelles dédiées aux corporations: armée, mari­ne, justice, médecine, etc.

Le jour de la fête de saint Luc, un des patrons du corps médical, on a placé solennellement, dans la chapelle de la Médecine, une lampe monu­mentale, offerte par le docteur Moissenet, médicin honoraire de l'Hôtel­Dieu.

Chacune des chapelles dont nous venons de parler a, d'ailleurs, son budget, fourni par des dons ou des cotisations.

On a déjà recueilli, pour la chapelle de la Médecine, 68,700 fr. ; pour la chapelle de la justice, 97,900 fr., pour la chapelle de la Marine, 101,750 fr. ; pour la chapelle de l'Armée, 66, 850 fr.

Le chiffre total des sommes encaissées à ce jour, pour la construction de la basilique, s'élève à 21,600,000 fr., dont 20,700,000 sont déjà dé­pensés.

Une action de grâces à Notre-Dame du Sacré-Cœur. - On nous prie d'insérer la lettre suivante;

Mon Révérend Père,

Depuis plus de 35 ans, un de nos parents ne s'approchait plus de la sainte Table; ma sœur et moi nous étions fort tourmentées, et plusieurs fois déjà, nous nous étions adressées à la sainte Vierge pour obtenir cette conversion. Cependant, ce cher parent n'a jamais cessé de prier; nous le savions: aussi, nous avions une ferme espérance qu'il reviendrait à Dieu.

En mai dernier, j'ai commencé une neuvaine à Notre-Dame du Sacré­Cœur, lui promettant entre autres choses, la publication de cette grâce, si j'étais exaucée. Ma sœur, pour la même cause, s'est imposé beaucoup de petits sacrifices. Depuis cette époque, j'ai renouvelé plusieurs fois cet­te neuvaine. En septembre dernier, nous avons été pleinement exaucées: ce cher parent est allé en pèlerinage avec le curé de sa paroisse et s'est approché des sacrements. Vous comprendrez notre bonheur et notre re­connaissance envers Notre-Dame du Sacré-Cœur. Je serais heureuse si vous réserviez une petite place à ma lettre dans votre Revue; que ne puis­je publier partout combien je suis reconnaissante d'avoir été exaucée aussi facilement, et combien Marie aime à accorder ses grâces à ceux qui l'invoquent sous le nom si doux de Notre-Dame du Sacré-Cœur!

Veuillez agréer, etc.

M. S.


Nous nous permettons de recommander encore aux instantes prières de nos lecteurs l'intention pour laquelle nous avions cru pouvoir solliciter déjà ces prières, dans notre numéro d'octobre.

CHRONIQUE (Décembre 1889)

Vous êtes délicieusement bonne, ô Notre-Dame du Sacré-Cœur. - Sous ce titre, nous reproduisons bien volontiers le récit d'une grâce insigne obtenue tout à la fois par la prière à Notre-Dame du Sacré­-Cœur, et par l'image du Sacré-Cœur de Jésus, dont nous avons parlé plu­sieurs fois déjà dans cette Revue.

Dans une paroisse du Nord de la France, un pauvre malade s'étei­gnait lentement, consumé par un mal qui ne pardonne pas: la phtisie. De grands obstacles s'opposaient à sa conversion. Il était ouvertement incrédule et hostile à la religion. Lecteur des plus mauvaises feuilles de la province, propriétaire d'un café républicain où se réunissaient fréquem­ment les impies et les francs-maçons de l'endroit, on l'avait vu entrer en fureur parce qu'on s'était hasardé à prononcer devant lui les mots de ju­bilé et de confession. Un autre jour, en plein office, il était brusquement sorti de l'église, où il était venu, contre son habitude, parce qu'un mot du sermon lui avait déplu. On regardait sa conversion comme impossi­ble, et l'on disait que ce serait un miracle. Personne n'osait lui parler de confession; car on connaissait son caractère absolu et bizarre, et on sa­vait que la moindre imprudence pouvait tout compromettre.

Cependant sa femme, chrétienne fervente, promit un ex-voto à Notre­Dame du Sacré-Cœur, et réussit à placer sous son oreiller une médaille, ainsi qu'une image du Sacré-Cœur au chevet du lit. On sait que bien des fois cette image, à laquelle Notre-Seigneur a promis d'attacher une spé­ciale bénédiction, a déterminé des conversions éclatantes dans les mai­sons où elle avait été placée; mais c'est aussi à l'intercession de Marie que le divin Cœur voulait accorder cette grâce insigne, et Notre-Dame du Sacré-Cœur devait y avoir, si l'on peut parler ainsi, le rôle principal et une part des plus marquées.

Cependant, tout échouait devant l'opiniâtre résistance du pauvre pé­cheur; plusieurs tentatives ne servirent qu'à l'indisposer, et un jour, il repoussa durement le prêtre qui l'exhortait, et lui enjoignit de le «laisser tranquille», et de ne plus reparaître, s'il n'était appelé. Le mal faisait des progrès rapides. Le premier samedi de novembre, jour consacré à la sainte Vierge, M. le Curé voit entrer chez lui un excellent chrétien de sa paroisse, qui lui dit: M. X. ne va pas bien; mais il vous sera difficile de l'amener à se confesser. M. le Curé a une confiance sans limites en Notre-Dame du Sacré-Cœur; il répète souvent qu'elle est délicieusement bonne et l'a établie officiellement Curé de sa paroisse, la suppliant de ne lais­ser mourir personne en mauvais état. Il répond donc, en montrant un petit cadre de Notre-Dame du Sacré-Cœur qu'il porte toujours sur lui, et avec un ton de certitude qui ne souffre pas de réplique; je n'ai aucune inquiétude; il se convertira. Voilà Celle à qui je l'ai confié; c'est son af­faire. Elle ne le laissera pas partir sans confession. Puis, prenant avec lui l'image de Notre-Dame, il se rend chez le malade et lui propose de se confesser. Refus formel et catégorique. Une fois de plus; il était donc bien avéré que cette conversion était désespérée; mais les causes les plus désespérées sont précisément l'apanage de Notre-Dame du Sacré­Cœur: c'est au moment où tout semble perdu qu'elle fait éclater sa puis­sance. A peine M. le Curé est-il rentré au presbytère qu'on vient l'appe­ler de la part de M. X. qui demande à se confesser. Le miracle était donc ac­compli. Marie n'avait pas voulu donner un démenti à la naïve confiance de son serviteur.

Après la confession, le malade fut transformé. Lui qui autrefois voyait de mauvais œil sa femme aller à l'église, et fréquenter les sacrements, et ne lui laissait à cet égard qu'une liberté fort incomplète, lui disait main­tenant, quand il entendait sonner la messe: Eh bien! il faut aller à l'égli­se, il n'y aurait personne aujourd'hui à la messe; je puis rester seul. Il faut aller prier.

A cette première faveur, Marie allait en ajouter une autre. M. X., ne se croyant pas en danger de mort, voulait attendre encore, avant de rece­voir le saint Viatique et l'Extrême-Onction. Rien, du reste, ne faisait croire à une fin immédiate. Or, le 21 novembre, jour de la Présentation de la très sainte Vierge, M. le Curé demande à Marie d'achever ce qu'elle a commencé et de faire en sorte que le malade puisse, ce jour là même, recevoir le saint Viatique et l'Extrême-Onction. Cependant, le jour s'écoule sans que la chose soit possible; vers le soir, M. le Curé, avec un de ses amis, renouvelle sa prière avec plus d'insistance, en y ajou­tant une promesse. Il n'y avait aucune apparence qu'il pût être exaucé; car il était six ou sept heures du soir, en plein hiver, et l'on ne pouvait songer à retourner voir le malade à une heure aussi tardive. Le lende­main matin, le prêtre se rend à l'église pour y célébrer la sainte messe, et déjà il était revêtu des ornements sacerdotaux quand on vint en toute hâ­te le demander de la part de M. X. Toute la nuit, il avait été inquiet et troublé; à minuit, il disait à sa femme: Je crois qu'il est temps, je voudrais voir M. le Curé; il demanda plusieurs fois quelle heure il était; il lui tar­dait de voir venir le jour. Marie l'avait donc décidé le jour même de la Présentation, à minuit. Il reçut avec joie la sainte Eucharistie et l'Extrême-Onction.

Il était temps, en effet; le lendemain, il mourait, après une agonie douloureuse, qui dut sans doute abréger son purgatoire.

Gloire à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Elle est délicieusement et sua­vement bonne. Elle accorde tout à la confiance et ne sait rien refuser à ceux qui l'invoquent.

Priez-la donc, ô vous qui sollicitez une grâce désespérée; Notre-Dame du Sacré-Cœur saura bien faire violence au ciel, fléchir, s'il le faut, les volontés les plus rebelles, et sauver le pauvre pécheur qui déjà descendait dans les abîmes de l'enfer.

Un ex-voto, placé près d'une statue de Notre-Dame du Sacré-Cœur, redira en ces simples mots la bonté de Marie:

21 novembre

Conversion inespérée d'un malade

Un trait gracieux de l'histoire du règne social de Notre-Seigneur sur la France. - Une jeune vierge romaine de noble race, sainte Pétro­nille, parente des Auréliens et des Flaviens, porte dans la liturgie le glo­rieux titre de fille de saint Pierre. On pense qu'elle doit cet honneur à la grâce qu'elle eût d'être convertie et baptisée par saint Pierre, qui lui gar­da une affection toute paternelle. L'âge de la foi simple et naïve, l'âge de la poésie religieuse et légendaire, le moyen âge ne manqua pas de trou­ver un rapport mystérieux entre ce beau titre de fille de saint Pierre et le privilège qu'a la France d'être appelée la «Fille aînée de l'Eglise». De ce rapprochement naquit la pensée d'élever, au nom de la France, une cha­pelle de sainte Pétronille auprès de la basilique du prince des Apôtres. Les chapelains de sainte Pétronille seraient ainsi chargés de représenter la France et de prier pour elle auprès du tombeau des Apôtres. Pépin-le­-Bref réalisa cette pensée; il fit élever cette chapelle. Charlemagne la visi­ta et y fit baptiser un de ses enfants. La chapelle porta dès lors le nom de chapelle de la France. Louis XI la fit restaurer, en exécution d'un vœu après la guérison du Dauphin, et il y fonda deux chapellenies. La chapel­le disparut quand Michel-Ange éleva sa somptuense basilique, mais les droits de la France, comme l'atteste une Bulle de Clément VIII, furent reportés sur l'autel de sainte Pétronille, un des sept autels privilégiés de la Basilique. Les pèlerins français le savaient et allaient prier là. L'avo­cat de Jeanne d'Arc, le cardinal de Longueil, qui vint à Rome demander la révision du procès de notre sainte héroïne, voulut être enterré au pied de cet autel, à cause du rapport mystérieux qui existait entre ces deux protectrices de la France, Pétronille et Jeanne d'Arc. Ces souvenirs al­laient se perdant à travers les siècles. Cependant deux ambassadeurs de France à Rome, M. de Chateaubriand et M. de La Tour-Maubourg, es­sayèrent de réveiller ces traditions. C'est aujourd'hui un fait accompli. Son Em. le cardinal Langénieux a profité du beau pèlerinage des ou­vriers français à Rome pour revendiquer nos droits nationaux sur l'autel de sainte Pétronille.

Le représentant officiel de la France s'est joint à lui, et le souverain Pontife a bien voulu proclamer de nouveau les droits de la France sur cet autel et rétablir, avec le concours du Chapitre de Saint-Pierre, la prière et les messes pour la France. Nous aimons à voir dans ce fait l'augure d'un renouvellement du règne de Notre-Seigneur en France. Nous nous unissons aux sentiments de prière et de confiance qu'éveillaient dans le cœur des pèlerins ces paroles ardentes de Son Em. le cardinal Langé­nieux: «Nous prierons donc, Messieurs, tout spécialement pour l'Eglise et pour la France; et notre prière, rapprochant des tristesses de l'heure présente les consolantes traditions du passé, laissera dans nos cœurs, quand même, un rayon d'espérance. Cette sainte espérance (les pierres de cette chapelle permettant ce rapprochement) je la sens s'épanouir avec une confiance toute patriotique sous les auspices de ces deux aima­bles vierges qui au ciel protègent la France: Sainte Pétronille et Jeanne d'Arc» .

Prières publiques. - Les nations libérales ne prient plus comme na­tions. La France, la Belgique n'ont plus de prières publiques propre­ment dites pour appeler les bénédictions de Dieu sur les travaux de leurs Parlements. En Belgique, le Cercle catholique des notabilités politiques fait, du moins, dire chaque année, à la veille de la rentrée des Cham­bres, une messe solennelle du Saint-Esprit à l'église Sainte-Gudule de Bruxelles. Cette année encore, cette messe a été célébrée le 11 novem­bre. Quatre ministres, MM. Beernaert, Devolder, Vanderpeereboom et de Caraman-Chimay y assistaient, avec bon nombre de sénateurs et de députés. En France, pourquoi nos députés catholiques ne feraient-ils pas de même? Ils puiseraient dans la prière pour la France à l'église Notre-­Dame ou à la basilique de Montmartre, une force et des lumières qui les aideraient à remplir leur tâche. Leurs électeurs catholiques attendent ce­la d'eux. Le respect humain ne peut rien sauver. Cette prière des repré­sentants de la nation serait une étape vers le retour au règne social de Jésus-Christ.

Le vaillant journal. La Croix, devient de jour en jour un champion plus intrépide et un plus puissant auxiliaire du rétablissement des droits de Dieu sur les sociétés. Déjà, plusieurs évêques l'ont hautement encou­ragé; et aujourd'hui, nous sommes heureux de reproduire la lettre sui­vante, qui manifeste d'une manière non équivoque les sympathies du vénérable évêque de Langres pour La Croix.

Evêché de Langres.

Langres, le 30 octobre 1889.

A Messieurs les Membres du Comité haut-marnais du supplément à La Croix, à Saint-Dizier.

Messieurs,

Je vous remercie de la communication que vous voulez bien me faire. Je suis heureux de voir de pieux laïques de mon diocèse prendre la direc­tion du supplément haut-marnais de La Croix.

Je vous félicite d'exclure de cette feuille toutes les questions purement politiques, de ne vous attacher qu'à tout ce qui touche aux intérêts reli­gieux et de vous consacrer entièrement à la défense des droits de Dieu et de l'Eglise.

A l'exemple de Son Em. le cardinal Langénieux, archevêque de Reims, et de Sa Grandeur Mgr Cortet, évêque de Troyes, je bénis de tout mon cœur cette œuvre qui est appelée à faire beaucoup de bien dans mon diocèse, et je prierai le Seigneur d'encourager les efforts de ces chrétiens pleins de zèle qui, dans leur entreprise, n'ont en vue que la gloire de Dieu et la salut des âmes.

Veuillez agréer, Messieurs, l'assurance de mes sentiments respec­tueux et dévoués.

+ ALPHONSE-MARTIN, évêque de Langres,

L'adoration Réparatrice à Montmartre et à Rome. - Un de nos pieux abonnés nous envoie ce Sursum Corda.

Mon Révérend Père,

je lis avec grand intérêt votre chère brochure, traitant du Règne du Sacré-Cœur. Mais pourquoi ne parlerait-elle pas de l'adoration, cette chère adoration au Cœur de Notre-Seigneur qui doit nous sauver et qui nous sauvera, si nous le voulons.

Oh! je vous en prie, mon révérend Père, demandez que l'on fasse l'adoration; que l'on se hâte, car le temps presse… C'est le grand remè­de à nos grands maux; ensuite il serait trop tard.

Pardonnez ce cri de mon âme. Je souffre et c'est vers vous que vont mes plaintes, parce que vous pouvez beaucoup.

Agréez l'assurance de ma profonde vénération.

Votre fils dévoué en Notre-Seigneur, X.

Nous déférons au désir de cet ardent Zélateur de l'adoration réparatri­ce. Oui, cette adoration sera un des plus puissants facteurs du salut de l'Eglise et de la France. Ne peut-on pas donner aux adorateurs le bel élo­ge que la voix de Dieu donnait au prophète Jérémie: «Hic est qui multum orat pro populo et universa sancta civitate. Ce sont là de puissants interces­seurs pour la nation et pour l'Eglise».

L'adoration réparatrice au Cœur Eucharistique de Jésus forme com­me une double armée. Elle a deux quartiers généraux: Rome et Mont­martre. A Rome, c'est l'adoration réparatrice des nations catholiques; à Montmartre, c'est l'adoration réparatrice de la France. Ce sont deux ar­mées d'alliés. Elles s'entendent et s'aident réciproquement. A Mont­martre, l'adoration a lieu de jour et de nuit. Toutes les régions de la France y sont représentées. Quelques villes envoient un délégué tous les mois. Toutes les paroisses de France où se fait l'adoration réparatrice peuvent s'unir à l'adoration de Montmartre et participer à ses indulgen­ces, de même qu'elles peuvent s'associer à l'adoration faite à Rome. Les dévoués chapelains de la Basilique de Montmartre peuvent agréger éga­lement à leur œuvre et à celle de Rome les paroisses, les associations, les fidèles qui veulent adorer le Saint-Sacrement dans le sanctuaire qui est à leur portée, en union avec les adorateurs de Paris et de Rome. Nous en­gageons tous nos lecteurs à demander cette agrégation. N'aurons-nous pas l'assurance du prochain triomphe de la patrie chrétienne et de l'Egli­se, si par le moyen de cette garde d'adoration réparatrice, la France ca­tholique à Montmartre et les nations catholiques à Rome sont constam­ment en présence du Cœur miséricordieux de Jésus?

Un épisode de la consécration des paroisses au Sacré-Cœur de Jésus. - On nous écrit d'Hartennes.

Le dimanche 23 juin, jour de la Fête-Dieu, a eu lieu la Consécration de la paroisse au Sacré-Cœur de Jésus-Christ. L'eglise avait été revêtue de feuilla­ge. Au-dessus du maître-autel paraissait, dans un encadrement de ver­dure, la belle statue du Sacré-Cœur: un étendard du Sacré-Cœur fut te­nu levé durant la messe par un jeune homme de la paroisse. Le Saint­Sacrement avait été exposé au-dessus du tabernacle.

Après l'évangile, M. le Curé montra l'amour que le Sacré-Cœur avait témoigné à la France, en se servant de sainte Clotilde, de Jeanne d'Arc, et puis de la B. Marguerite-Marie pour faire et conserver la Fran­ce chrétienne. Ensuite, agenouillé au pied de l'autel, devant le Saint­Sacrement, M. le Curé lut à haute voix une belle formule de Consécra­tion de toute sa paroisse au Sacré-Cœur. Un homme, une dame, un jeu­ne homme, une jeune fille, un enfant vinrent successivement consacrer au Sacré-Cœur les pères et mères de famille, les jeunes gens et les en­fants de la paroisse et ceux de toute la France en même temps. Puis, tous les assistants, hommes, femmes et enfants vinrent adorer le Saint­-Sacrement et baiser le pied de l'ostensoir déposé sur une table comme on le fait à la cérémonie de la Résurrection.

Entre temps, un motet au Sacré-Cœur venait ajouter un nouveau charme à la cérémonie. Pendant la messe, une quête abondante permit de payer l'étendard du Sacré-Cœur et le surplus servit au commence­ment d'une souscription pour l'achat d'une pierre au Sacré-Cœur de Montmartre, en souvenir perpétuel de la paroisse ainsi consacrée. Après la messe qui s'acheva au milieu du contentement et de l'allégresse géné­rale, les personnes présentes sachant écrire, mirent leurs noms au bas des formules particulières de consécration posées sur des tables prépa­rées à l'avance.

Puisse cette consécration raviver la foi au sein de nos populations et préparer la réalisation du vœu suprême du Sacré-Cœur de Jésus: la consécration officielle de la France au Sacré-Cœur dans l'église du Vœu national à Montmartre.

Sacratissimo Cordi Jesu Gallia pœnitens et devota.

Tel est le vœu le plus cher de mon cœur.

UN DE VOS LECTEURS

L'héroïsme de la charité inspiré par le Sacré-Cœur. - Tous les journaux ont parlé de la mort héroïque du P. Damien qui a gagné la lè­pre au service des lépreux dans l'île de Molokai et qui a vu sa vie lui échapper peu à peu et son corps tomber en lambeaux dans un long mar­tyre de charité. On peut dire que cette mort héroïque a été acclamée par le monde entier. L'Académie française applaudissait encore, il y a peu de jours, à ce triomphe de la charité sur la souffrance, célébré si élo­quemment par l'illustre évêque d'Autun, dans son beau discours sur les prix de vertu. La protestante Angleterre elle-même, oubliant ses préfé­rences religieuses, acclame l'apôtre des lépreux et souscrit pour la fonda­tion de l'institut Damien, destiné à préparer des missionnaires catholiques prêts à marcher sur les traces du martyr. Mais ce qu'on n'a pas assez re­marqué, c'est que le P. Damien a puisé son héroïque charité dans le Sacré-Cœur de Jésus. Il appartenait, en effet, à la vaillante Congrèga­tion des Sacré-Cœur de Jésus et de Marie, qui exerce son zèle dans les missions les plus déshéritées et les plus difficiles.

Bavière. - La foi virile inspirée et soutenue par le Sacré-Cœur va ranimer les catholiques, que leur trop patiente timidité rendait les dupes des libéraux et des francs-maçons de l'Europe. Le Landtag bavarois vient de trouver une majorité pour mettre en échec le ministre persécu­teur, M. Lutz, qui, depuis 1879, opprimait les catholiques. Le Landtag a protesté vigoureusement contre l'exigence du placet royal pour les dé­crets du Siège apostolique, contre l'exil des religieux rédemptoristes, contre les droits accordés injustement aux Vieux-Catholiques aux dépens du clergé orthodoxe. Que les catholiques bavarois poursuivent coura­geusement la lutte; ils finiront par remporter la victoire.

Belgique. - Nos félicitations aux Chambres Belges qui viennent d'entrer courageusement dans le courant des réformes sociales chrétien­nes en votant des lois protectrices pour les enfants, les femmes et les jeu­nes filles employés dans les manufactures. Le Sacré-Cœur de Jésus est l'ami et le défenseur des enfants, des faibles et de la famille. Il inspirera bientôt les mêmes lois, nous l'espèrons, à tous les législateurs chrétiens.


1)
Roger et Chernowitz, éditeurs.
2)
Imprimerie Sandax et Cie.
3)
Vie de Mme de la Tour-Neuvillars (1571-1616), par le P. du Sault, S. J. Nouvelle édi­tion, annotée par M. le marquis Anatole de Brémond d’Ars-Migré. Nantes. Vin­cent Forest et Grimaud, 1889. – Librairie Casterman. Un vol. in-12, 3 fr. 50.
4)
Librairie Desclée à Lille.
5)
On pourrait se procurer pour 2 fr. (port en sus) en écrivant à M. l’Administrateur délégué des Usines Saint-Ouen-Vendôme, par Vendôme (Loir et Cher) une pla­que de fonte, destinée à être scellée sur les maisons d’habitation, en mémoire de la Consécration au Sacré-Cœur. Cette plaque, qui a 23 centimètres sur 18, est peinte en minium foncé. Elle est percée de quatre trous, afin d’y fixer des clous pour la suspendre. Son poids dépas­se un peu 4 kilos. Voici comment elle est composée.
6)
Mois du Sacré-Cœur à l’usage des Séminaires, ou le Séminariste à l’Ecole du Sacré-Cœur, par M. l’abbé Niquet, docteur en théologie, ancien directeur du grand Séminaire, et auteur du Mois de saint Joseph à l’usage des Séminaires. – Paris. Letouzey et Ané, 17, rue du Vieux-Colombier.
7)
La Russie et l’Esprit universelle, par M. Wladimir Soloviev, vient de paraître à Paris, à la librairie Savine, 12, rue des Pyramides (Envoi franco au reçu de 3 fr. 50, man­dat ou timbres).
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  • ostatnio zmienione: 2022/06/23 21:40
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