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CHRONIQUE (Janvier 1890)

L'année 1889 et le Sacré-Cœur. - L'année 1889 était le centenaire des grandes révélations du Sacré-Cœur; en 1689, Notre-Seigneur avait demandé à la bienheureuse Marguerite-Marie que la France reconnût la royauté sociale de son divin Cœur. L'année 1889 devait donc être une année mémorable et voir les progrès éclatants de cette dévotion bénie qui doit être le salut du monde.

Il y a un an, nous en exprimions l'espérance. Ces espérances, que la France catholique partageait tout entière, ont été dépassées par la réali­té. Nous avons vu à cet égard un immense mouvement se produire en France et gagner même toutes les nations de la vieille Europe.

La construction de l'église de Montmartre, monument de la France pénitente et dévouée, a fait, cette année d'immenses progrès. Sa blanche façade resplendit au sommet de la colline et l'on peut, pour ainsi dire, fi­xer le jour prochain où le colossal édifice sera complètement terminé. De toutes parts, cette année, des flots de pèlerins y sont accourus. La cha­pelle provisoire et les parties de la Basilique déjà livrées au culte ont vu se dérouler une succession de pèlerinages et de fêtes qu'aucun obstacle n'a pu interrompre. Mais, ce qui est peut-être plus grand encore, c'est que la France catholique entière jette les yeux sur la colline sainte «l'œil et le cœur de la France, le lieu le plus saint et le plus sacré de la patrie», selon les remarquables paroles d'un auteur du XVIIe siècle. On sent d'instinct que le salut est là. Qui pourra dire tout ce qui s'est fait en 1889 pour le Sacré-Cœur? Non seulement l'élite des catholiques a fait, en particulier ou en public, une consécration solennelle au Sacré-Cœur, réalisant ain­si, autant qu'on le pouvait, par cette sorte de plébiscite populaire et spontané, la demande de Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite-­Marie; non seulement les associations du Sacré-Cœur, celle de prière et de pénitence en particulier, le rameau le plus fécond de Montmartre, ont recruté un très grand nombre de membres nouveaux; mais encore on a vu se produire un fait qui n'eût pas été croyable il y a quelques années.

Ces demandes du Sacré-Cœur que personne peut-être n'avait osé mur­murer tout bas à l'oreille du gran Roi, elles sont répétées aujourd'hui sans aucune restriction timide, à la face de l'univers, par la grande voix de la presse catholique. L'idée du règne social du Sacré-Cœur est accep­tée aujourd'hui par tout ce qu'il y a de catholiques en France.

De toutes parts on répète, non pas seulement que la France entière doit être consacrée par la voix de ceux qui la gouvernent, au divin Cœur de Jésus, mais encore que l'image de ce divin Cœur doit être gravée sur ses étendards et flotter au-dessus de ses bataillons pour les conduire à la victoire. C'est le retour à l'idée intégrale de la royauté sociale de Jésus­Christ, qui n'était plus comprise depuis le moyen-âge. C'est la réponse de la France, qui a enfin entendu l'appel du Sacré-Cœur. C'est là un fait dont l'importance capitale ne peut échapper à personne. Sans doute cette grande œuvre n'est pas accomplie, mais les idées préparent les évé­nements, et le jour où la main puissante de Dieu balaiera cette écume ré­volutionnaire qui couvre en ce moment la patrie, la vraie France, la France catholique dont le cœur n'a jamais cessé de battre, sera prête pour le salut. Elle renouera l'antique tradition de ses pères, elle acclame­ra de nouveau la royauté du Christ qui aime les Francs, et avec elle, elle entraînera toutes les nations et les donnera au Sacré-Cœur.

A côté de ce grand fait qui domine tous les autres, on pourrait signaler aussi plusieurs indices bien consolants. Pour en choisir seulement quelques-uns, on a vu en 1889 le grand pèlerinage national ouvrier à Rome; la fondation de trois universités nouvelles, Washington, Ottawa et Fribourg, fait remarquable signalé par Léon XIII dans son discours du 30 décembre 1889 au consistoire; et le triomphe du centre catholique en Bavière, qui va amener prochainement la rentrée des Rédemptoristes dans leurs couvents de cette contrée et probablement d'autres progrès du catholicisme dans le même pays.

Les méfaits de l'an 1889. - Pourquoi faut-il que l'année 1889 ait fait aussi une part à l'erreur et au mal, part trop large hélas! car elle a vu ces fêtes païennes destinées à célébrer l'anniversaire de tristes jours, les hôpitaux et les écoles laïcisés sur un trop grand nombre de points, des prêtres dépouillés, par une criante injustice, de la faible indemnité que la loi leur conservait encore, l'application persévérante de la loi scélérate des écoles sans Dieu, enfin le vote d'une autre loi plus criminelle et plus odieuse encore, s'il est possible, par laquelle on viole les droits les plus sacrés de l' Eglise et on tarit la source même du sacerdoce, en astreignant au service militaire non seulement les Séminaristes, non seulement les Frères des écoles et les religieux, mais encore les prêtres jusqu'à quarante-cinq ans! On n'avait pas encore porté une loi aussi inique et aussi désastreuse depuis les sanglantes Saturnales de la Révolution.

L'Italie a été témoin d'un scandale inouï, l'érection à Rome d'une statue élevée à l'apostat Giordano Bruno, et cette nation a été frappée par une loi néfaste qui met entre les mains de l'Etat toutes les ressources des œuvres pies, patrimoine de l'Eglise et des pauvres, sur lequel la Révo­lution couronnée n'a pas craint de porter une main sacrilège.

Prusse; une acte de foi social. - Les gouvernements protestants donnent l'exemple et font la leçon aux gouvernements catholiques. Le 1er janvier 1890, l'empereur d'Allemagne, l'impératrice, leurs enfants, tous les membres de la famille impériale accompagnés des dignitaires de la cour, des aides-de-camp et du corps diplomatique, ont assisté à un ser­vice solennel célébré pour la prospérité de l'empire. Pourquoi faut-il que les nations catholiques, gouvernées en ce moment par la franc-maçon­nerie soient au-dessous des nations schismatiques et protestantes qui ont du moins gardé encore quelque chose de chrétien!

Le délégué du Souverain Pontife aux Etats-Unis et au Canada. - Mgr Satolli, représentant du Pape aux fêtes de Washington, a été reçu en Amérique d'une manière digne de son caractère et de sa haute mis­sion. A peine était-il arrivé à Baltimore chez le cardinal Gibbons que le directeur des chemins de fer vint lui annoncer qu'un train spécial mis à sa disposition, le conduirait librement et sans frais à travers les Etats­Unis. Il a été rempli d'admiration par l'énergie indomptable, la vive in­telligence, l'amour de la liberté et le sens pratique qui caractérisent les Américains. La religion catholique est très florissante aux Etats-Unis: les églises et les monastères sortent de terre comme par enchantement; l'union la plus étroite existe entre les membres de l'épiscopat.

Ceux-ci ont, dans la nation, une haute situation et une grande in­fluence. Les membres du ministère canadien, y compris les protestants, firent une visite à Mgr Satolli et le ministre président Mercier, lui par­lant de la restitution des biens faite naguère aux jésuites canadiens, lui dit: «Aucune autorité humaine n'eût pu nous y contraindre; mais le mi­nistère entier reconnaît un droit supérieur à tous les autres, celui de la justice éternelle. Tous les ministres - et alors il désigna particulière­ment les protestants présents - sont fiers d'avoir contribué à cet acte de justice envers la Compagnie de Jésus».

Un évêque qui porte un nom cher à l'Irlande, Mgr O'Connell, s'oc­cupe en ce moment de fonder en Amérique un grand établissement des­tiné à l'éducation et à la formation du clergé, et qui sera aux Etats-Unis ce que sont à Rome le Collège Romain et le Séminaire français.

Le Kulturkampf italien. - L'Italie est, avec la France, la nation la plus ouvertement persécutrice de l'Eglise. On annonce une recrudescen­ce dans la persécution dont M. Crispi est l'âme en Italie, et l'on dit qu'il tient tout prêt un vaste plan de guerre religieuse.

L'incarcération des biens du clergé et le code pénal inique, imité des lois de mai de la Prusse, ne lui suffisent plus. Le voilà qui essaie de semer la discorde dans le clergé; il promet aux membres du clergé inférieur, qu'il appelle d'un nom qui est à lui seul une injure, «le bas-clergé», d'élever son traitement en supprimant le traitement des évêques et des prélats. Cet essai odieux aura le succès qu'il mérite; le clergé italien sera insensi­ble à ce grossier appât. M. Crispi ne connaît pas le sacerdoce. Il appren­dra à le connaître, comme ce gouverneur des premiers temps de l'Eglise qui, s'étonnant de la sainte liberté d'un évêque, en reçut cette fière ré­ponse: «Vous n'aviez jamais entendu parler de la sorte parce que vous n'aviez Pas encore rencontré un évêque».

On prétend aussi que le ministre-sectaire veut faire disparaître à Na­ples les images populaires de la Sainte Vierge et des Saints placées dans les rues, au-dessus des portes des maisons. Le peuple napolitain, dont la foi est encore si profonde, ne permettra pas cette odieuse profanation. Déjà en 1860, le gouvernement italien avait fait enlever ou couvrir de plâtre ces images, mais au moment du choléra de 1884, le peuple de Na­ples a replacé ces pieuses images, à la barbe de la police qui n'a pas osé protester, non plus que le roi et le gouvernement.

La maçonnerie au Brésil. - On sait que la franc-maçonnerie est toute-puissante dans un grand nombre de pays de l'Amérique du Sud et particulièrement au Brésil. Des révélations nouvelles, relatives à la révo­lution qui vient d'éclater dans ce pays et qui a eu pour effet le renverse­ment de l'empereur don Pedro, viennent de jeter un triste jour sur les agissements de la secte. C'est elle qui a renversé l'empereur du Brésil.

L'infortuné monarque n'avait pas voulu voir le danger: trompé par sa bonté et par des tendances libérales, il n'avait pas voulu comprendre que la Franc-Maçonnerie sait prendre, quand il le faut, le masque de la religion.

Il avait pris la défense des sectes contre plusieurs évêques, en particu­lier le vaillant évêque d'Olinda et l'évêque de Para. Aujourd'hui, il est victime de son excessive confiance, comme le furent les souverains de la fin du XVIIIe siècle. La franc-maçonnerie fidèle à son programme qui est le renversement «du trône et de l'autel», poursuit l'autorité partout où elle se trouve, afin d'arriver à l'anarchie. On donne sur l'état de la maçonnerie au Brésil des détails effrayants: elle enlace tout le pays dans ses filets. Il y a déjà sept ans, elle comptait plus de 390 centres maçonniques; dont 210 loges; elle a la haute main sur toutes les confré­ries des paroisses, qui sont une des grandes puissances du pays.

Les grands de la terre finiront-ils par comprendre les dures leçons de l'experience et par revenir aux saines idées de gouvernement qui pour­raient seules les sauver? Il faudrait pour cela rompre avec le libéralisme et ne plus pactiser avec le mal, mais accepter pleinement le règne social de Celui dont il est dit dans les Prières de l'Eglise, que son service est plus grand qu'une royauté «cui servire regnare est».

Conversions en Angleterre. - Le mouvement des conversions s'accen­tue de plus en plus en Angleterre. C'est la haute société qui donne l'exemple. Voici le rédacteur en chef d'un grand journal protestant, le Church Review, l'organe le plus autorisé de l'anglicanisme, qui vient d'être baptisé et de rece­voir le sacrement de confirmation des mains du cardinal Manning.

L'élite des ministres protestants passe au catholicisme; on en a compté neuf cette année. La supérieure de la communauté d'infirmières protes­tantes de l'hôpital Saint-Thomas, vient aussi de se convertir. Les deux supérieures qui l'avaient précédée dans cet établissement s'étaient con­verties toutes deux cette année.

La fin d'une année: pensée de Franklin. - Voici encore une année qui finit: si tu es un bon commerçant, un homme entendu aux affaires, tu vas arrêter tes comptes pour savoir si tu as gagné ou perdu durant cet­te année et combien.

C'est fort bien, mais ce n'est pas tout.

N'examineras-tu pas aussi ton compte moral pour voir ce que tu as gagné dans la conduite de ta vie, quels vices tu as supprimés; quelles ver­tus tu as acquises. Tu es devenu plus riche de telle ou telle somme; de combien es-tu devenu meilleur et plus sage? Que sert à l'homme de gagner le monde s'il vient a perdre son âme? Si tu ne fais pas attention à ceci, tu auras beau compter des millions dans ta caisse, tu paraîtras pauvre même ici­bas aux yeux qui savent voir et tu seras pauvre dans l'éternité.

FRANKLIN

Souhaits â nos confrères. - Pouvons-nous commencer une nouvelle année sans adresser nos souhaits les plus ardents à toutes ces vaillantes revues, nos aînées, qui défendent intrépidement les droits de l'Eglise et la royauté sociale de Dieu? Elles sont nombreuses aujourd'hui; nous avons nommé, dans notre premier article, le Messager du Cœur de Jésus des RR. PP. Jésuites, la grande Revue du Règne de Jésus-Christ à Paray-le­-Monial, dont le vénéré directeur, M. de Sarachaga, nous a encouragés à nos débuts avec une bienveillance que nous ne pouvons oublier, Le Bulle­tin du Vœu National de Montmartre, les Annales de N. -D. du Sacré-Cœur et la Revue Sacerdotale Le Sacré-Cœur, dirigées par les Pères d'Issoudun; citons encore les Annales du T. S. Sacrement, les Etudes Ecclésiastiques et Le Prêtre, revue nouvelle que vient de fonder M. l'abbé Lebeurier, dont le nom est si justement estimé parmi le clergé de France, les Annales de l'œuvre de Saint-Paul, le Bulletin de la garde d'honneur, les Annales Salésiennes, le Bulletin Salésien, le Bulletin de Paray-le-Monial, le Messager et le Lys de Saint Joseph; - à l'étranger la Revue bénédictine de l'abbaye de Maredsous en Belgique, Il regno di Gesù Christo, inauguré cette année même à Turin par le R. P. Sanna Solaro, enfin la vaillante revue espagnole El Bien de Grenade.

Nous sommes obligés de nous arrêter dans cette énumération, et enco­re nous n'avons pas parlé des journaux, mais seulement des revues. Plu­sieurs de ces publications nous font l'honneur de vouloir bien échanger leurs numéros avec les nôtres: nous souhaitons à toutes une longue vie, le succès et la prospérité, pour la plus grande gloire de Dieu et du Sacré­Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, roi des âmes et des peuples.

La presse, sous toutes ses formes, est aujourd'hui une œuvre d'une importance souveraine. On commence à le comprendre parmi les catho­liques: mieux vaut tard que jamais. Si nous l'avions compris il y a vingt ans, nous n'en serions pas où nous en sommes. On a pu sans trop d'exa­gération dire cette parole: «Si saint Paul vivait à notre époque, il se fe­rait journaliste». Que l'armée du bien serre donc ses rangs et que tous ceux qui sont unis dans la même communauté d'idées et de sentiments, marchent fraternellement, la main dans la main, à l'assaut de toutes les citadelles révolutionnaires et anti-catholiques.

On nous demande d'annoncer le Pèlerinage de pénitence à Jérusalem, pour 1890. C'est ce que nous faisons avec empressement, puisque la pénitence est plus que jamais nécessaire. On partira vers la fin d'Avril, et on sera de retour au commencement de juin. S'adresser au Comité, rue François Ier, 8, à Paris.

CHRONIQUE (Février 1890)

La prière et la pénitence. - Il faut multiplier la prière et la péniten­ce, surtout pratiquées avec union. Les Œuvres de l'Apostolat de la prière et du Vœu national nous proposent chaque mois une intention spéciale pour but de nos prières. En février l'Apostolat de la prière nous a demandé de prier pour l'extension du culte de saint Joseph.

Cette intention répond bien aux désirs exprimés par le Souverain Pontife dans son encyclique du 15 Août dernier. Oh oui! préparons-nous à célébrer pieusement le mois et la fête de saint Joseph. La Providence s'est plu à glorifier de notre temps le chef visible de la Sainte Famille. L'Eglise l'a choisi pour son protecteur. Il est le patron des familles chré­tiennes et du travail chrétien. Imitons la foi de notre père spirituel, le Souverain Pontife, qui s'efforce depuis qu'il occupe la chaire de saint Pierre, de glorifier successivement le Sacré-Cœur de Jésus, la Vierge immaculée et le glorieux saint Joseph, pour obtenir par leur intervention le salut de l'Eglise.

L'œuvre du Vœu national nous a demandé de son côté d'offrir nos prières et nos sacrifices au Sacré-Cœur de Jésus pour obtenir l'éloigne­ment des Fléaux qui nous affligent et de ceux plus graves qui nous mena­cent. Une épidémie plus meurtrière que celle qui vient de s'éteindre ne va-t-elle pas nous visiter? Elle semble s'approcher déjà. Elle sévit en Asie, elle a effleuré l'Italie. L'état de notre pauvre France ne nous expose-t-il pas à quelque châtiment sévère de la Providence? Le pouvoir persécute l'Eglise et s'attaque à ce qui est le plus cher au Cœur de Notre-Seigneur, l'âme des enfants et le recrutement du sacerdoce. Le blasphème et l'immoralité règnent dans les masses. Puisse la prière des justes écarter les fléaux que préparent ces crimes!

Prions et faisons pénitence. Adressons nos prières au Sacré-Cœur qui veut être notre salut dans les calamités publiques. «Notre-Seigneur Jésus-Christ, écrivait la Bienheureuse Marguerite-Marie, m'a donné a connaître qu'il veut que son Sacré-Cœur soit regardé à présent comme le médiateur entre Dieu et les hommes pour détourner les châtiments que leurs péchés ont attirés et toutes les calamités dont nous nous trou­vons affligés.

Le Pape. - Notre bien-aimé pontife nous donne l'exemple d'une vaillance infatigable. Il accueille les pèlerins, il mène à bonne fin les né­gociations avec la Russie, il stigmatise toutes les félonies de l'Italie révo­lutionnaire. Il poursuit son enseignement doctrinal et réjouit les fidèles, affamés de vérité et de direction. L'encyclique «Sapientiae» est le code de la politique chrétienne. Rappellons-en les pensées fondamentales:

Les catholiques doivent aimer et servir la patrie terrestre à laquelle ils sont redevables de la paix et des biens matériels. Mais ils doivent mettre au-dessus d'elle l'Eglise, de qui ils tiennent les biens spirituels. Si les lois de l'Etat contredisent celles de l'Eglise, le devoir des catholiques, est tout tracé: il vaut mieux obéir à Dieu qu'aux hommes. L'Eglise s'accomode de toutes les formes de gouvernement, mais elles ne saurait être indiffé­rente aux lois qui régissent les Etats. Les catholiques doivent s'instruire des vérités chrétiennes, se tenir unis entre eux et avec leurs évêques et donner leurs préférences aux hommes politiques qui ont des idées saines sur les rapports de l'Eglise et de l'Etat. S'ils veulent que leurs efforts pour le bien de la société réussissent, ils doivent prier et pratiquer la ver­tu: c'est le péché qui rend les nations malheureuses. Les catholiques ne doivent rien épargner pour la bonne éducation de la jeunesse, car le salut de la société en dépend en grand partie1).

Le prêtre. - Le prêtre est évidemment le premier ami du Sacré­-Cœur. Il est le ministre de Notre-Seigneur, il vit dans son intimité, il distribue les grâces préparées par la rédemption. Aussi la lutte est-elle vive autour du prêtre entre l'Eglise et l'enfer. L'Eglise s'efforce de multiplier et de sanctifier les prêtres. L'enfer de son côté s'efforce de détruire ou au moins d'affaiblir le clergé. Léon XIII par son instruction récente à Son Eminence le cardinal Vicaire a montré tout le souci qu'il a de la sanctifi­cation des prêtres; les évêques l'imiteront. Nos ministres et nos législa­teurs se montrent les ennemis acharnés du clergé et de l'Eglise. Le servi­ce militaire va tarir la source du sacerdoce. Les suppressions de traite­ments vont réduire le clergé à la misère. Le prêtre c'est l'ennemi, c'est le paria. Il n'a plus le droit de dire à ses ouailles que le vote est un acte mo­ral et que tout électeur a le devoir de donner ses préférences au candidat qui respecte les droits de Dieu. Concluons avec le Bulletin de la Garde d'honneur «qu'il faut se grouper plus que jamais autour du clergé catholi­que, le défendre et protester contre les violences qui lui sont faites et sur­tout prier Dieu de ne pas laisser altérer ni tarir la source du sacerdoce».

L'enfant. - L'enfant aussi est un préféré du Cœur de Jésus. Le dé­mon le sait et il frappe juste.

Les laïcisations d'écoles continuent à défiler au journal officiel. L'en­seignement athée porte ses fruits. Les crimes et les suicides d'enfants se multiplient. L'opinion publique s'en alarme. On compte dans la derniè­re période de trois ans 200 suicides d'enfants au-dessous de 16 ans et plus de 1000 suicides de jeunes gens de 16 à 21 ans. Nos tribunaux cor­rectionnels et nos jurys voient aussi se multiplier le nombre des jeunes gens accusés de crimes et de délits. Il n'y a point d'autre remède que de laisser Notre-Seigneur mettre en œuvre dans les écoles catholiques toute sa sollicitude pour l'enfance et la jeunesse.

La famille. - Rien n'est écœurant comme de voir le progrès du di­vorce en France. Ouvrez les journaux de province, vous y lirez chaque jour à la statistique de l'état-civil local des mentions comme celle-ci: un tel époux divorcé, épouse une telle, épouse divorcée. Pour compléter ce­la, il ne manque plus que l'adoption des enfants par l'Etat, comme l'avait rêvée la Convention. - L'Espagne n'est encore qu'au mariage civil en attendant le divorce. Un prêtre vient d'y être condamné à la pri­son pour avoir déclaré que le mariage civil n'est qu'un honteux concubi­nat. Son évêque le défend. Les vrais catholiques ne désarment pas en Espagne. Il nous ont devancés pour le nombre des familles consacrées au Sacré-Cœur pendant l'année du centenaire.

Le pauvre et l'ouvrier. - Le pauvre et l'ouvrier comprendront de mieux en mieux tout ce qu'ils doivent au Cœur de Jésus et tout ce qu'ils ont à attendre de lui. On constate en plusieurs régions que le retour aux idées saines est assez marqué dans la classe ouvrière. Les revendications des catholiques feront leur chemin. D'ailleurs les ouvriers seront catholi­ques ou socialistes; il n'y a pas d'autre alternative. Ils seraient bien bons de s'en tenir à leur situation actuelle, sans repos, sans compassion, sans consolation, sans secours contre la ruine de l'âme et du corps qui les at­tend à l'usine.

La Suisse prépare un congrès pour traiter de la législation du travail. Les catholiques de diverses régions ont déjà envoyé au bureau du con­grès l'expression de leurs vœux pour le rétablissement du repos domini­cal. Rendre à l'ouvrier son dimanche, c'est une des conditions pour lui rendre la santé, l'esprit de famille et la foi.

Le parlement italien vient de laïciser les œuvres pies, malgré toutes les protestations du Pape et de l'épiscopat. Les pauvres ne toucheront plus grand chose de leurs millions de revenus. Notre-Seigneur est le bon Sama­ritan: Lui seul sait avoir soin d'eux, qui sont ses membres souffrants.

Les nations. - Pendant que les nations s'agitent, ce divin Maître prépare le règne de son Cœur sacré. L'ennemi d'aujourd'hui ce n'est plus le sarrazin, le vaudois, le huguenot, c'est le franc-maçon, C'est con­tre cet adversaire hypocrite et masqué que doit combattre le bon cheva­lier du Sacré-Cœur. - En France, il y a une paix apparente et une im­mense lutte secrète. D'un côté c'est la persécution sans trêve organisée par les pouvoirs publics et imitée de julien l'apostat. Les coups portés par ces adversaires ne se comptent plus: réduction du traitement des évê­ques, suppression de celui des chanoines, diminution annuelle du bud­get des cultes, pillage des menses épiscopales, expulsion des religieux, laïcisation des écoles, des hôpitaux, des cimetières, loi militaire, loi du divorce, interdiction des processions, etc. Je m'arrête, une page ne suffi­rait pas. Cependant l'Eglise de France reste féconde. Elle reconquiert les enfants par les écoles libres, elle ouvre des universités, des hôpitaux ca­tholiques. Elle trouve encore des vocations, des missionnaires. Les dix justes de Sodome ne manquent pas.

En Allemagne, le parti catholique lutte courageusement. Il commence à prendre le dessus en Bavière. Déplorons avec les catholiques allemands la perte d'un de leurs vaillants chefs, le baron de Frankenstein, un vrai chevalier chrétien, comparé par la presse protestante elle-même au Bayard des temps héroïques, sans peur devant l'ennemi et sans reproche devant Dieu.

Au Canada, il y a du malaise. Les catholiques y sont agacés par les an­glicans. Ils expriment le désir de leur indépendance et parlent d'adopter le drapeau du Sacré-Cœur. Fiat!

Aux Etats-Unis, voilà que New-York est arrivé à compter une majori­té de catholiques, avec 80 églises paroissiales et 40 chapelles.

En pays païen. - L'Afrique se partage et s'ouvre aux missionnai­res. Il en coûtera bien de la peine et du sang, mais l'œuvre de Dieu se fe­ra. Les allemands et les anglais ont le bon sens de protéger les mission­naires catholiques. Le congrès antiesclavagiste de Bruxelles disserte lon­guement. L'occupation et les missions nouvelles trancheront le nœud gordien.

Que résultera-t-il de tous ces chemins de fer qui s'apprêtent à traver­ser tous les continents? La Russie va poser des rails à travers l'immense Sibérie. La Chine va se laisser pénétrer. La Turquie va nous conduire à travers l'Asie mineure et la vallée de l'Euphrate. La République Argen­tine va se relier au Chili par dessus les Andes. A quand la traversée de l'Etat du Congo, celle du détroit de Behring et le pont sur la Manche? Sans doute ces voies rapides porteront partout la peste de notre scepticis­me, de nos mœurs corrompues, de notre presse impie, de nos habitudes de luxe, de plaisir et d'agiotage; mais nous avons foi dans la vitalité de l'Eglise et dans la force de la sève chrétienne. Les Etats-Unis et l'Austra­lie se peuplent de catholiques par la force d'expansion des races fécondes de l'Irlande, du Canada et de la Westphalie. L'action des missionnaires et l'émigration catholique profiteront aussi des voies nouvelles de com­munication et porteront partout le nom et le règne du Christ, malgré tous les obstacles.

CHRONIQUE (Mars 1890)

Jésus-Christ Roi éternel. - L'idée de la royauté du Christ occupe et passionne les plus nobles esprits. C'est la lumière du moment. C'est un réveil, une contre-révolution religieuse. Il faut que le Christ règne sur les sociétés, comme sur les familles et les individus. Nous l'avons détrôné et nous subissons le châtiment de ce crime. Nos vieilles sociétés chrétiennes sont en plein désarroi. Pour qui fait attention au mouvement des esprits, il est clair que cette idée domine en ce moment toute l'activité chrétien­ne. L'union des catholiques pour le rétablissement de la royauté du Christ, tel est le programme tracé par les dernières encycliques du Saint­-Père, programme redit par la plupart de nos évêques, notamment dans leurs lettres pastorales du carême actuel, programme accepté par tous les catholiques actifs et militants chez les diverses nations. Il faut lire sur ce sujet le bel ouvrage publié par Mgr Fava, le vaillant évêque de Greno­ble, sous le titre que nous avons donné à ce paragraphe: Jésus-Christ roi éternel. On peut se le procurer à la librairie Saint-Paul, 6, rue Cassette (2 magnifiques vol. in 8°; 10 francs).

Fédération internationale du Sacré-Cœur. - On se rappelle le congrès tenu le 15 août dernier à Paray-le-Monial, et où des catholiques militants venus d'Espagne, de Portugal, d'Italie, de Belgique et de Suis­se, rendirent un hommage social au Sacré-Cœur en leur nom et en celui de milliers et milliers d'adhérents dont ils étaient les déléguès. Le même groupe de catholiques créa un comité de direction pour la propagande du règne social du Sacré-Cœur. Ce comité vient d'inaugurer une asso­ciation et une revue pour la même propagande. Nous invitons tous les catholiques militants à faire partie de cette association. Ils peuvent s'adresser au directeur du Bulletin de la fédération, rue de Calais, 21, à Pa­ris, ou à M. le baron de Sarachaga, à Paray-le-Monial.

Le règne de Jésus-Christ dans les nations. - Il faut qu'on revienne à ce règne. Le péril nous y ramènera. Le Christ chassé de l'atelier a pro­voqué le socialisme et le paupérisme. Le Christ chassé de l'école a prépa­ré les suicides d'enfants et les crimes répétés des adolescents. Le Christ chassé de la politique amène le gaspillage des finances, la curée des pla­ces et le triomphe des sectes. Il faut qu'on revienne au règne du Christ. Les catholiques, un moment éblouis par le mirage du libéralisme, com­mencent ce retour à la foi dans la royauté du Christ. Le mouvement po­litique et social de l'Allemagne vient de faire faire un grand pas à cette question. Les catholiques seuls forment un groupe assez puissant pour résister aux socialistes radicaux et révolutionnaires. Le gouvernement lui-même le comprend, il devra s'appuyer sur eux. L'action religieuse est la dernière sauvegarde de la société, il faut que l'Etat le comprenne et prête son concours à l'Eglise.

Le Pape et les ouvriers. - L'organisation actuelle du travail en Eu­rope nous conduit à des crises désespérantes. On le reconnaît, on trem­ble à cette pensée. Les sociétés européennes peuvent subir prochaine­ment un ébranlement plus profond que ceux des soulèvements populai­res à Rome, de la jacquerie ou de 93. Où est le remède? Il faut, dit-on, rendre à l'ouvrier le jour du repos hebdomadaire, ménager le travail de l'enfant et de la femme, préparer des retraites pour la vieillesse. Toutes les nations d'Europe allaient discuter ce programme en Suisse au mois de mai prochain. Mais voici que le jeune empereur d'Allemagne, pressé d'opposer au socialisme grandissant son zèle pour la réforme sociale, de­vance la Suisse et prépare un congrès à Berlin. Ces réformes projetées ne donneront pas une solution efficace et complète. Tout cela est à faire, mais il faut y ajouter l'action chrétienne. Le seul programme complet est celui que le Saint-Père a tracé dans ses dernières encycliques, dans son discours aux ouvriers français, et dans sa lettre à un député catholique de la Suisse, monsieur de Curtins. Les réformes établies par les lois n'apporteraient qu'un palliatif insuffisant, si l'influence de l'enseigne­ment et des œuvres chrétiennes ne ramenait le règne de la justice et de la charité chez les patrons, et celui de la patience et de la tempérance chez le travailleur.

Pologne. - Hélas! un ukase promulgué dans la Pologne russe inter­dit sous peine sévère la participation à la confrérie du Sacré-Cœur. En même temps le gouvernement de Kiev ordonne la fermeture de vingt églises catholiques. La Russie comprend donc que le Sacré-Cœur pour­rait gâter les affaires du schisme moscovite. C'est vrai! Mais le Sacré­-Cœur a promis qu'il régnerait malgrè tous les ukases. Espérons que les Polonais comprendront qu'ils doivent redoubler d'amour et de confian­ce envers le Sacré-Cœur.

Le duc d'Orléans et le duc de Luynes. - Le jeune duc d'Orléans attire l'attention de la France et même du toute l'Europe. Il a fait mieux que de braver la prison, il a insisté chaque dimanche pour assister à la messe. C'est bien cela! Nous sommes arrivés en France à un tel degré d'indifférence religieuse et d'impiété qu'un homme politique fait un acte héroïque, se posant en chrétien. - Le duc de Luynes, compagnon et conseiller du prince en cette affaire, est de noble race. Son père est un des martyrs de Patay. Ancien officier des zouaves du Pape, il reprit du service en 1870 dans les rangs des Volontaires de l'Ouest et il donna sa vie pour la France auprès du drapeau du Sacré-Cœur.

Un ex-voto royal. - La reine d'Espagne attribue à la protection du Sacré-Cœur et de la Vierge Marie la guérison du jeune roi. Elle vient de faire don de deux statues des Sacrés-Cœuus en ex-voto à la chapelle de Notre-Dame de la Paloma.

Le Val-des-Bois. Mort de Mme Albert Harmel. - L'excellente fa­mille des apôtres de l'usine chrétienne est bien éprouvée depuis quelques mois. M. Léon Harmel vient de perdre encore sa belle-sœur, Mme Al­bert Harmel. Cette pieuse dame laisse cinq petits enfants. Sa vie mérite­rait une biographie détaillée. Nous l'avons connue; c'était la sainte du Val. Elle était de la pieuse Association des âmes qui se sont offertes en vic­times pour la sanctification des ouvriers. Le bon Dieu l'avait prise au mot. Elle passa ses dernières années à souffrir, dans les sentiments du plus parfait abandon à la Providence. Elle ne pouvait sortir de chez elle que pendant les plus beaux jours de l'été et alors ses visites étaient pour la cha­pelle de l'usine. Ses conversations intimes roulaient toutes sur l'abandon généreux aux mains du Prêtre divin, Notre-Seigneur Jésus-Christ qui im­mole ses petites victimes en les tenant sur la croix par la souffrance. Quel bien cette âme a fait autour d'elle! Dieu seul sait le prix de ses sacrifices pour le salut de la classe ouvrière. Les exemples donnés par l'usine du Val et l'apostolat exercé par ses patrons commencent à porter de grands fruits. Un illustre économiste, M. Claudio Jannet avait raison de dire, dans une conférence donnée récemment à Genève, que si la France est moins agitée aujourd'hui que les nations voisines par la crise ouvrière, elle le doit aux œuvres catholiques et aux efforts généreux d'un grand nombre de pa­trons animés de sentiments de justice et de charité.

CHRONIQUE (Avril 1890)

Angleterre. - Une petite Revue catholique de Londres, l'Ave Maria, remarque qu'un des signes encourageants du temps est l'extension du respect et de la dévotion à la sainte Vierge, même parmi les non­catholiques. A l'appui de ceci, le journal reproduit un passage qu'il ex­trait d'un sermon tout récent du Rév. Robert Court D. D., l'un des mi­nistres presbytériens les mieux connus. Le texte du discours était le Ma­gnificat :

« Tous les protestants, dit le D. Court, devraient vénérer et honorer la sainte Vierge, non seulement à cause de son caractère personnel, mais parce qu'elle est la sainte Mère de Dieu! Je dirai que, pour mon compte, il y a longtemps que j'ai appris à aimer et à honorer Marie. Jusqu'à ce que l'horloge du temps frappe la dernière heure, les générations après les générations l'appelleront spécialement bénie et bienheureuse. Et pour­quoi? à cause de son Fils. L'Incarnation est le dogme central du christia­nisme; c'est comme un système de vérité qui conduit au salut, et une for­me touchante de dévotion envers Dieu. Niez la maternité divine ou refusez-lui la place d'honneur qu'elle mérite, la théologie devient une simple philosophie et vos églises de simples clubs de dilettante».

La chrétienté. - Pie IX disait: «L'excès du mal nous ramènera les peuples». Toutes les institutions chrétiennes détruites par les révolu­tions laissent après elles un vide funeste. Les hommes sensés ne tardent pas à s'en apercevoir; et ils travaillent à relever ce que leurs aïeux ont brisé dans un moment d'illusion. Sous le nom de «chrétienté», les na­tions de l'Europe ont formé longtemps une large fédération présidée par les Souverains Pontifes. La communauté de croyance en était le lien, le décalogue en était la loi. Cette puissante association a été brisée par le protestantisme, mais la pensée qui y présidait a survécu. Henri IV avait tracé le plan d'un république chrétienne. La sainte Alliance de 1815 s'appuyait sur les mêmes principes. Cette idée fermente manifestement en Europe. Les peuples sont frères, il faut une entente pour le maintien de la paix. Il faut une action commune pour résoudre la crise sociale. Quel autre lien d'union trouvera-t-on que la foi chrétienne? Quelle auto­rité sera assez vénérable pour obtenir le respect de tous, sinon l'autorité du Pontife de Rome? La chrétienté nous manque visiblement, il faudra qu'on la rétablisse.

Un centenaire en 1890: La Bienheureuse Marguerite-Marie. - C'est le 17 octobre 1690 que mourait à Paray-le-Monial l'humble vi­sitandine Marguerite-Marie, devenue la disciple et l'apôtre du Sacré-­Cœur. Monseigneur l'évêque d'Autun nous prépare de belles fêtes pour le deuxième centenaire de l'entrée au ciel de Marguerite-Marie. Il a ob­tenu du Saint Père la faveur insigne d'un jubilé pour les fidèles qui vien­dront en pèlerinage à Paray. On reverra là les beaux jours de 1873. Déjà de nombreux prélats ont répondu à l'appel de Monseigneur l'évêque d'Autun et d'innombrables fidèles voudront les suivre pour acclamer le règne du Sacré-Cœur de Jésus.

Un autre centenaire: Reims, 1896. - C'est en 496 que Clovis reçut le baptême et consacra au Christ la nation des Francs. Quatorze siècles se sont écoulés depuis cette date de naissance de la fille aînée de l'Eglise. En ce temps où la France est si humiliée et souffrante, il est juste qu'elle revienne aux traditions qui ont fait sa grandeur. Saint Rémy au nom du Christ, lui avait promis qu'elle serait heureuse et prospère tant qu'elle serait fidèle au pacte de Tolbiac. Monseigneur le cardinal archevêque de Reims va convoquer tous les vrais Français, pour leur demander de ve­nir renouveler à des dates choisies, en 1896, la consécration de la France au Christ dans l'église de Saint-Rémy de Reims. Nous remercions Mon­seigneur l'Archevêque de Reims de son projet si patriotique et si plein d'espérance. Cet acte contribuera puissamment au relèvement de la na­tion.

Les martyrs de la Révolution. - Cette cause aussi est digne de Léon XIII. Il a approuvé récemment le culte des martyrs de la Réforme en Angleterre. Nous espérons voir bientôt commencer le procès de béati­fication des innombrables martyrs de la Révolution française. Ne serait­ce pas un moyen puissant pour hâter la contre-révolution et le relève­ment chrétien de la France? Quand pourrons-nous rendre un culte aux martyrs des Carmes et de l'Abbaye, aux martyrs de Nantes, d'Arras, de Besançon, de Lyon et de tant d'autres villes; aux martyrs de l'lle de Ré, de Rochefort et de la Guyane? L'impulsion est donnée. Une œuvre se fonde pour donner au moins l'honneur d'une tombe aux prêtres qui ont péri par centaines à la Rochelle, à Rochefort, aux îles d'Aix et d'Olèron. Merci encore à Mgr l'évêque de La Rochelle pour cette pensée. Elle sera le point de départ d'une action plus vaste pour la gloire de ces martyrs et pour le salut de la France qui doit une juste réparation à ces nobles victi­mes.

Jeanne d'Arc. - Jeanne d'Arc! Jeanne d'Arc! C'est un souffle di­vin, qui fait revivre sa mémoire au cœur des vrais Français. Jeanne d'Arc! on ne parle plus que de Jeanne d'Arc. Monseigneur l'évêque de Verdun parcourt la France pour provoquer l'érection d'un monument grandiose à Vaucouleurs. Il est accueilli avec enthousiasme. Monsei­gneur l'évêque de Saint-Die nous rappelle que Domrémy ne doit pas être oublié: Domremy est salué à son tour. Le peuple de Paris, acclame Jeanne d'Arc au théâtre. Jeanne d'Arc a vaincu Voltaire. Le souverain pontife lui-même exprime le désir de canoniser bientôt la sainte héroïne française. Les écrivains d'Angleterre oublient les rancunes nationales, saluent et acclament Jeanne d'Arc. Jeanne d'Arc va refaire le beau mi­racle qui a été l'œuvre de sa vie, elle va réconcilier la France et le Christ. Honorer Jeanne d'Arc, c'est faire un acte de foi dans le règne social du Christ. Nous avons hâte de la voir sur les autels. Nous souhaitons que le patriotisme français l'honore partout où son passage a laissé quelque souvenir saillant: à Domrémy où elle est née; à Vaucouleurs où elle a commencé sa mission; à Orléans où elle a sauvé sa patrie; à Reims où sa mission s'est achevée; à Compiègne, à Beaurevoir, à Rouen, étapes de son martyre.

Marie Stuart. - Nous aimons à rapprocher ce nom de celui de Jean­ne d'Arc. Marie Stuart est encore une martyre, une martyre du règne de Jésus-Christ. Sa canonisation est aussi en préparation. L'Angleterre commence à lui rendre justice comme à Jeanne d'Arc. Léon XIII est le pontife des grandes causes. Puisse-t-il avant sa mort mettre sur les autels Christophe Colomb, Marie Stuart et Jeanne d'Arc!

Hollande. - Nous trouvons dans l'Écho de Fourvière, des détails sur les progrès du catholicisme en Hollande. En 1853, l'année de la restau­ration de la hiérarchie catholique, les différents ordres religieux comp­taient 711 membres en 88 maisons, tandis qu'en 1887 le nombre des reli­gieux s'élevait à 2,572 répartis en 144 couvents. Pour les religieuses, le progrès est encore plus éclatant. En 1853, on en comptait 1,943 en 109 maisons, et en 1887, 8,350 en 453 couvents. Quant aux hospices, orphe­linats, etc., leur nombre est monté de 93 à 233, et le nombre des catholi­ques eux-mêmes de 1,144,415 à près de 1,500,000. Mais pour les églises surtout c'est un triomphe sans pareil. Dans l'espace de ces quelques an­nées, on a bâti 416 églises et restauré ou agrandi 136; le tout est évalué en chiffre rond à cent millions de francs. Et cela dans un pays où les ca­tholiques ont été persécutés si longtemps, où naguère on entendait la messe secrètement, dans un oratoire caché au fond d'un magasin ou d'une auberge.

Allemagne. - L'impératrice Victoria-Augusta a invité de nombreu­ses dames du grand monde berlinois à fonder une société contre le luxe. Cet­te société, qui recevra comme membres les dames appartenant à la no­blesse et à la bourgeoisie, fera la guerre à toutes les extravagances et à tous les excès du luxe dans les ménages, dans les sociétés et dans les pro­menades; l'impératrice souhaite qu'on retourne à la simplicité de vie, telle qu'elle existait en Allemagne, il y a un certain nombre d'années.

L'Empereur, de son côté, secondera sa femme en faisant la même guerre au luxe dans l'armée et dans le monde des hauts fonctionnaires. Il prétend avec raison, que le luxe effréné de nos jours est un mal social de premier ordre et que l'envie et la haine des classes pauvres contre les classes aisées, trouve dans le luxe de celles-ci le plus regrettable excitant.

Le Chili et Notre-Dame du Mont-Carmel. - La république du Chili veut élever sur le Mont Carmel une statue à la très sainte Vierge, comme hom­mage à Marie, patronne de ses armées. - La statue est commandée à Paris, et des délégués du gouvernement chilien sont chargés de diriger les tra­vaux, de concert avec les religieux du Mont Carmel, en ce qui concerne les plans du monument. On voulait d'abord placer la statue sur la cou­pole qui couronne le sanctuaire de la Vierge au Carmel, mais cette idée n'a pu être acceptée, et l'on va construire à la cime de la montagne un immense piédestal ou une colonne supportant la statue de Marie; ce mo­nument sera visité par toutes les pieuses caravanes de pèlerins et les voyageurs, qui vont chaque année de Syrie en Palestine. Au centre du piédestal sera placé l'écu du Chili, et la dédicace de la statue se lira en di­verses langues; on va amener d'Europe toutes les pièces de marbre et de bronze qui doivent servir à la construction du monument.

Si toutes les républiques du monde ressemblaient à celle-là!

Jérusalem. - D'intéressantes découvertes ont été faites à Saint­Etienne, par les RR. PP. Dominicains. Ce n'est plus seulement le pavé de la basilique d'Eudoxie qui est mis à nu, mais on a entièrement dégagé des décombres l'atrium qui s'étendait devant la basilique, et qui mesure 26 mètres de long sur autant de large. Cet atrium est entouré de tom­beaux taillés dans le roc. Plusieurs ont été découverts dans la partie nord-est, mais l'un d'eux mérite une mention spéciale. Il était fermé par une dalle de 1m 30 sur 80 centimètres. Le pène de la serrure, rongé par la rouille, est tombé, et la porte tourne lentement sur ses gonds de pierre, retenus par un anneau de fer. Deux lits funèbres sont dans la chambre sépulcrale; celui de gauche renferme un seul, en partie conservé. L'ins­cription gravée en grec porte: «Tombeau particulier du diacre Nonnus, qui l'a acheté à ce saint monastère d'Etienne, premier… du Christ». Le mot effacé ne peut être que le mot diacre ou martyr. On conçoit quelle nouvelle lumière cette découverte jette sur le lieu de la lapidation de saint Etienne.

Haïti. - A l'occasion des troubles de l'année dernière, on avait craint pour les missions et les œuvres; ces appréhensions ne se sont pas réalisées. Une religieuse de saint Joseph de Cluny écrit à son frère, reli­gieux et prêtre du Sacré-Cœur: «Les prêtres ici sont trop peu nombreux et par conséquent si fatigués qu'ils meurent vite; ceux qui rentrent en France n'ont plus qu'une santé étiolée.

«Pauvre pays! Il y a quinze jours, le feu dévorait encore vingt-sept maisons à Port-au-Prince (1er février). Nos sœurs y sont toujours respec­tées et aimées; on s'habitue un peu à ces révolutions et à ces guerres, où du reste il y a peu de monde tué. Donc ne vous inquiétez pas si nous avons encore la tragédie. Vos journaux exagèrent énormément».

CHRONIQUE (Mai 1890)

La question sociale. - Cette question prime toutes les autres en ce moment. Toute l'Europe, ou plutôt le monde entier est dans l'agitation. Patrons et travailleurs se sont éloignés de Dieu. La justice et la charité ont diminué chez ceux qui dirigent, la patience et la modération chez ceux qui obéissent. L'autorité est devenue un joug intolérable, c'est une crise morale qui éclate. Les gouvernements cherchent de bonne foi le re­mède dans une législation protectrice des travailleurs. Les ouvriers, con­fiants en leur nombre et en leur force, veulent imposer par eux-mêmes le remède que leur prônent des comités, inspirés le plus souvent par les utopies socialistes. Il faut des réformes, mais les lois n'y suffiront pas. El­les pourront à peine contenir pour un temps les pressions populaires, el­les ne guériront pas le mal dans sa source. Le Vicaire de Jésus-Christ, interprète de l'Evangile, peut seul nous indiquer la solution complète du problème social. Léon XIII ne manque pas à ce devoir, il prépare une encyclique qui sera un véritable traité d'économie chrétienne. Mais déjà à plusieurs reprises et particulièrement dans ses discours aux pèlerins ouvriers en octobre dernier, il a tracé les grandes lignes de la réforme à réaliser. Il a aussi résumé sa pensée d'une manière lumineuse dans deux documents tout récents: sa réponse à l'empereur Guillaume II au sujet du congrès de Berlin et une lettre adressée ces jours derniers à l'Archevê­que de Cologne. La réponse à l'empereur Guillaume II pose le principe, en voici la pensée fondamentale.

«Nous appuyerons hautement toutes les délibérations de la Conféren­ce qui tendront à relever la condition des ouvriers, comme, par exemple, une distribution du travail mieux proportionnée aux forces, à l'âge et au sexe de chacun, le repos du jour du Seigneur, et en général tout ce qui em­pêchera que l'on exploite le travailleur comme un vil instrument, sans égard pour sa dignité d'homme, pour sa moralité, pour son foyer domestique».

Oui, il est temps que le travailleur ne soit plus considéré comme une ma­chine intelligente, mais bien comme un de nos frères qui a droit à des égards, pour sa dignité humaine, pour sa moralité, pour son foyer domestique.

La lettre à l'Archevêque de Cologne rappelle les mêmes principes, et propose les moyens pratiques. En voici un résumé succinct:

«La puissance civile, quels que soient les moyens dont elle dispose a, en cette matière, besoin de l'Eglise. Celui qui, riche, s'est fait pauvre pour nous, afin que, riches et pauvres fussent également son image, tous élevés à la dignité de fils de Dieu, Jésus notre Sauveur, qui aime tant les pauvres, est le seul qui, en faisant connaître les droits et les devoirs de chacun suivant les préceptes de la justice et de la charité, puisse adoucir les amertumes, conséquences inévitables de l'inégalité des conditions.

Le peuple qui prendrait la doctrine évangélique pour règle de ses aspi­rations et de son action publique et privée, jouirait d'un incomparable bonheur.

Les évêques d'Allemagne ont donné des preuves de leur zèle pastoral par les œuvres admirables qu'ils ont fondées, pour apporter aux ou­vriers les adoucissements que réclament les besoins du temps. Ils uniront leurs efforts dans ce but, et travailleront à moraliser le peuple en lui ap­prenant à conformer les actes de sa vie privée et publique aux exemples et à la doctrine de Jésus-Christ.

Il faut sauvegarder à la fois les principes de la justice et de la charité. On n'y arrivera qu'en rendant plus tolérables pour les pauvres les misè­res de la vie présente, qu'en rappelant aux riches que leurs trésors ne doivent pas être un appas à la cupidité, mais doivent être employés à fai­re l'aumône pour gagner le ciel.

Léon XIII loue l'industrieuse piété des Allemands, qui ont ouvert des cercles, des écoles, des ateliers chrétiens, des associations de prières qui maintiennent dans les familles ouvrières la religion et les bonnes mœurs.

Le Pape forme des vœux pour que ces œuvres admirables, grâce à l'entente de l'épiscopat allemand, prennent chaque jour des développe­ments nouveaux et se multiplient. Les évêques d'Allemagne auront pourvu au repos public et au bien de la civilisation. - Léon XIII passe ensuite à la question des missions d'Afrique, dont nous parlons plus loin.

Cette intervention de l'Eglise dans la crise sociale, c'est l'œuvre du Sacré-Cœur, c'est l'œuvre du bon Samaritain qui vient soigner et gué­rir ceux qui souffrent.

Le mouvement religieux. - Les élections communales à Paris se font sur la question de la rentrée des Sœurs dans les hôpitaux. C'est bien, c'est le point d'arrêt sur la pente de l'athéisme social, c'est le commencement du réveil religieux. Les Sœurs ont gagné du terrain au­jourd'hui, elles triompheront demain.

- En Allemagne, toutes les lois hostiles aux catholiques vont tomber une à une. Le groupe catholique au Parlement est assez puissant pour imposer ses volontés. C'est une ère de liberté qui s'ouvre pour l'Eglise. Déjà les questions de la rentrée des congrégations et de l'enseignement religieux dans les écoles, sont à l'ordre du jour. Le Sacré-Cœur est très aimé des catholiques allemands, il les aidera.

- En Angleterre, les conversions se continuent et se multiplient. On cite comme fruits du carême dernier cent conversions dans une des pa­roisses de Londres, cinq cents à Brighton et mille à Clapham. Plus de douze cents pasteurs ont abjuré l'hérésie protestante, depuis le mouve­ment ritualiste commencé il y a quelques années. Leur valeur ne le cède pas à leur nombre, il suffit pour le prouver de citer quelques noms: New­man, Faber, Spencer, Manning, Talbat, Wilberforce, Marshall.

- En Pologne, hélas! le gouvernement du tzar proscrit avec une ri­gueur toute particulière le culte du Sacré-Cœur, il empêche la publica­tion des Revues qui propagent cette dévotion. Il n'est pas étonnant que le démon s'oppose de toutes ses forces au règne du Sacré-Cœur. Mais ces efforts nous indiquent notre devoir.

- Aux Etats-Unis l'immigration multiplie les catholiques, ils ga­gnent du terrain, c'est une grande joie pour l'Eglise.

- Un fait étrange se passe à Paris: des hommes prévenus contre l'Eglise catholique, et cependant affamés de religion, se sont imaginés de chercher dans le bouddhisme la satisfaction de leurs instincts religieux. Nous avons donc des néobouddhistes à Paris. Ils ont la naïveté d'étaler leur profession de foi dans des journaux et des revues, et jusqu'à la Sor­bonne. Ils se comptent; ils sont, disent-ils, trente mille. Je crois qu'ils se flattent un peu. Cela n'est pas fait pour nous effrayer. Fatigués de l'er­reur, ils reviendront à l'Eglise, comme font les protestants anglais.

- Léon XIII ne néglige aucune portion de son immense troupeau, qui comprend la terre entière. Il écrit à l'archevêque de Cologne de s'en­tendre avec les évêques d'Allemagne pour fonder un Séminaire de missionnaires destinés aux colonies allemandes de l'Afrique. Il sera enten­du. L'Allemagne fera pour ses colonies ce que fait la catholique et géné­reuse Belgique pour les provinces du Congo, et la foi s'implantera dans ces régions, en même temps que la civilisation européenne.

La politique. - L'homme s'agite et Dieu le mène. L'esprit du Sacré-Cœur n'est pas étranger à un certain courant de justice et de cha­rité qui passe sur le monde. La question du désarmement universel s'agite dans les conseils de l'empire allemand. Ces nobles pensées, après avoir germé dans les esprits généreux, gagnent la presse et les congrès, et finis­sent par être mises en œuvre par ceux qui détiennent le pouvoir.

- Le principe de l'arbitrage international fait d'immenses progrès. Il a ses organes dans la presse. Il a été adopté par le congrès américain. Nous avons la confiance que, de fait, le Pape sera souvent choisi pour arbitre, comme il l'était de droit au temps de la chrétienté.

- Nous regardons l'antisémitisme comme un réveil de l'esprit chré­tien, pourvu qu'il reste dans la mesure d'une légitime défense contre l'usure et l'escroquerie.

- La question italienne est plus vivante que jamais. Le député Foz­zari et son groupe avouent qu'il n'y aura de paix pour l'Italie qu'après la réconciliation avec le Pape. C'est vrai, mais il faut pour cela que le Pape retrouve son indépendance temporelle.

Les mœurs. - L'excès du mal ramène vers la religion. En France, la perversion précoce des enfants fait regretter l'enseignement chrétien. La réaction commence dans les idées, elle remontera jusqu'aux lois. En Allemagne, l'excès du luxe dans l'armée provoque l'intervention de l'empereur, le péril du socialisme fait regretter les œuvres catholiques et l'influence des religieux.

- La question du dimanche fait d'immenses progrès. Les prières si multiples des associations catholiques ont préparé les voies à la miséri­corde divine. Les décisions du congrès de Berlin feront faire un grand pas à la question du repos dominical. Déjà certaines administrations, comme la Compagnie de l'Est en France, devancent les mesures légales ou les préparent en favorisant autant que possible le repos du dimanche.

Les inventions. - Le progrès matériel est en soi indifférent au bien ou au mal, il est un instrument pour l'un ou pour l'autre. Cependant, Dieu a ses desseins en toutes choses; les étonnants progrès aux-quels nous assistons semblent destinés par la Providence à faciliter l'apostolat et la conquête du monde par l'Evangile. - Il n'y aura bientôt plus de distances ni de frontiè­res pour séparer les nations. Les chemins de fer glissants qu'on a expé­rimentés à l'Exposition surpasseront nos express d'aujourd'hui autant que ceux-ci ont surpassé les malles-postes. Les chemins de fer aériens sont à l'étude. Les tramways électriques commencent à fonctionner. Tout cela, en attendant l'aviation, les ballons dirigeables qui finiront par devenir prati­ques. Il n'y aura plus de détroits: les ponts sur la Manche et sur le Bosphore ne seront pas plus difficiles à construire que celui de New-York à Long­Island. - On va établir un chemin de fer funiculaire pour gravir la butte de Montmartre; celui-là au moins nous conduira tout droit au Sacré­-Cœur.

La conquête du monde. - Bientôt les Revues géographiques devien­dront monotones. Il n'y aura plus un îlot à découvrir, plus une monta­gne dont la hauteur ne soit connue, plus un gouffre maritime dont la profondeur n'ait été sondée. Stanley va nous révéler encore quelques­uns des derniers secrets du continent africain. L'inconnu disparaît. Le Congo accueille un chemin de fer sur ses rives. Nous ferons le transsaha­rien; nous en avons tant parlé déjà! Bientôt notre amour-propre sera en­gagé et nous ne pourrons plus reculer. - Nous voici campés à Segou sur le Haut-Niger. Le Dahomey va devenir une de nos colonies. L'Afrique sera entièrement ouverte à l'Evangile. Si nos gouvernements compre­naient mieux l'influence civilisatrice des missionnaires! Que Dieu nous garde Léon XIII, et sa grande influence obtiendra encore des résultats bien inattendus!

Belgique. - La Belgique se met généreusement à l'œuvre de la civi­lisation chrétienne du Congo. Les missionnaires de Scheut commencent courageusement leur apostolat sous les auspices de la très sainte Vierge. Ils vont déjà s'avancer hardiment jusqu'au lac Tanganika par le Haut­-Congo et la Lomami. L'accueil fait par le Roi et la population à Stanley est une preuve que la Belgique tient à cette œuvre civilisatrice et qu'elle la poursuivra au prix des sacrifices nécessaires.

- La Belgique honore dignement le Précieux Sang de Notre-­Seigneur qu'elle a l'honneur de posséder à Bruges. La quinzaine du pè­lerinage cette année surpasse en splendeur les années précédentes.

- Bientôt Anvers possédera le Congrès eucharistique et lui fera un accueil digne de l'esprit de foi et de charité qui anime cette grande ville.

- C'est en juin qu'auront lieu les élections pour le renouvellement d'une partie du Parlement belge. Les catholiques s'y préparent. Leur succès est assuré. Dans certaines circonscriptions, les libéraux ne présen­tent même pas de candidats; dans d'autres, ils se compromettent par leur alliance avec les radicaux.

- Nous souhaitons à Bruges le succès de ses efforts pour obtenir la création d'un port maritime par l'ouverture du canal de Bruges-Heyst. La Belgique aura alors trois grands ports de commerce, Anvers, Osten­de, Bruges, et de ces trois ports partiront de nombreux missionnaires pour établir le règne du Sacré-Cœur sur toutes les plages.

Apostolat de la Prière, Ligue du Cœur de Jésus. - Intention géné­rale de juin 1890, désignée par le Cardinal Protecteur, bénie par le Pa­pe: La messe quotidienne â promouvoir.

CHRONIQUE (Juin - Juillet 1890)

La question sociale et ouvrière. - Léon XIII par les documents pontificaux qu'il a publiés sur la question du travail est l'initiateur du mouvement qui emporte l'humanité vers une réforme sociale et des ré­parations équitables. Ce n'est plus seulement l'empereur Guillaume II qui cherche la solution du problème social. Voici le président du ministè­re anglais, le marquis de Salisbury, qui reconnaît devant la Chambre des Lords la nécessité de réformer les institutions sociales, devenues in­tolérables pour les déshérités de la fortune. Voici notre ministre des af­faires étrangères, M. Ribot, qui demande à tous les agents diplomati­ques un rapport sur la condition des classes laborieuses de toutes les na­tions. La question est partout à l'ordre du jour. Tous les parlements de l'Europe vont discuter des lois de réforme sociale. L'Allemagne com­mence. Ce qui se fait chez elle est à peu près la mesure de ce qui se fera partout. Les lois favoriseront le repos du dimanche. Le travail des en­fants et des femmes sera limité pendant le jour et interdit pour la nuit. Les établissements industriels auront leur règlement intérieur détermi­nant la durée du travail, les heures de repos, le paiement des salaires, les amendes et leur emploi.

Tout cela est bien; toutes ces réformes partent d'un sentiment chré­tien. Toutes ces idées ont été mises en avant par les économistes catholi­ques, par l'école de Louvain, par celle de M. Le Play et surtout par le vaillant groupe de l'Œuvre des cercles catholiques qui s'inspire de l'esprit du Sacré-Cœur. - Les préoccupations des gouvernements ont leur écho dans le monde du travail. Dans les groupes industriels de Rou­baix, Tourcoing et Lille, qui ont été récemment si agitès, une pétition se signe pour demander à nos Chambres législatives, qu'une loi rende obli­gatoire le repos du dimanche, que le travail de nuit soit interdit dans les industries textiles, que les heures de travail soient réduites dans les limi­tes raisonnables.

Si les revendications ouvrières étaient partout aussi sensées, ce serait parfait. Mais voici que tous les socialistes européens, menés et soudoyés par les juifs et les Francs-maçons, organisent une agitation puissante qui peut nous conduire à une crise sociale européenne. Leurs chefs ont tenu récemment une conférence importante à Londres. Tout le tapage du ler mai sur la question des huit heures de travail n'est qu'un coup d'essai; d'autres dates seront prises, d'autres questions soulevées. On a pu dire avec raison que ce mouvement du ler mai n'est que l'éclair sinistre qui annonce un orage redoutable.

L'Eglise seule possède la solution complète de ces effrayantes difficul­tés. Léon XIII ne se lasse pas de nous indiquer la voie à suivre. Derniè­rement encore, dans une audience très importante qu'il accorda à un correspondant du New-York-Herald, il exprima les pensées suivantes:

«La question sociale ne peut être résolue que par le développement de la morale dans le monde».

«L'agitation sociale ne cessera que lorsqu'on ramènera la société à ses vrais principes: mais, si les ennemis du Christ et de son Eglise conti­nuent à combattre la religion, les désordres sociaux ne feront qu'aug­menter».

«Les gouvernements des différents pays doivent faire leur devoir; moi, je ferai le mien».

«Leur œuvre est locale et particulière, notamment en ce qui concerne la réglementation du travail et autres améliorations réclamées par les classes ouvrières».

«Mon œuvre, à moi, comme chef du Christianisme doit être univer­selle. L'Eglise doit christianiser le monde et enseigner la morale et le de­voir de la charité. La condition morale des patrons et des ouvriers doit être réformée».

Pour assurer cette réforme, le journaliste américain affirme que le Souverain Pontife aurait exprimé l'intention de voir fonder des comités diocésains, formés d'hommes capables de veiller sur les intérêts et les be­soins légitimes des classes ouvrières, de maintenir la paix et la bonne harmonie dans le monde du travail, surtout dans les périodes de crise et d'agitation.

Le Saint Père a complété sa pensée en engageant récemment l'arche­vêque de Cologne à traiter les questions sociales dans la réunion des évê­ques d'Allemagne. L'Eglise doit prendre la direction de la réforme so­ciale dont elle seule possède les vraies clefs.

Ce rôle de l'Eglise était encore exposé magnifiquement par Mgr Frep­pel aux membres des corporations ouvrières d'Angers. Donnons quel­ques lignes de son discours; on lit toujours volontiers Mgr Freppel.

«Ne nous lassons pas de le répéter, il n'y a ni lois ni règlements qui puissent améliorer efficacement la condition de l'ouvrier, sans l'observa­tion des préceptes de la religion».

«Je prends un exemple pour bien préciser ma pensée. Quelle est pour le travailleur, l'une des garanties les plus sûres contre la misère? C'est évidemment l'épargne, cette habitude si excellente de prélever sur le sa­laire de chaque semaine, de chaque mois, des sommes légères, si l'on veut, mais qui venant à s'accumuler peu à peu, finissent par constituer un capital de réserve pour l'avenir, de prévoyance contre les accidents de la vie. L'épargne fidèlement pratiquée est un élément de prospérité à nul autre pareil».

«Mais, peut-il encore être question d'épargne, là où la religion, ou­bliée et méconnue, ne parvient plus à faire triompher les divines lois de la tempérance, de la sobriété et de la chasteté? Les salaires seraient-ils deux fois plus élevés, l'Etat multiplierait-il à l'infini ses inspections dans les usines et les manufactures, que le désordre et l'inconduite n'en reste­raient pas moins la ruine des familles. Il suffit de toucher à ces points, pour montrer que tous les efforts de l'économie politique demeureraient stériles, si l'Evangile cessait d'être la règle des mœurs. Le progrès des vertus chrétiennes par la pratique du devoir religieux, telle est la condi­tion première et indispensable de tout véritable progrès dans l'organisa­tion des choses de ce monde».

«C'est donc encore ici que nous sommes en droit de répéter ces paro­les de la sainte Ecriture: Si le Seigneur n'édifie la maison, en vain tra­vaillent ceux qui cherchent à la construire; Nisi dominus aedificaverit do­mum, in vanum laboraverunt qui aedificant eam».

«C'est par l'Eglise, c'est par le Pape, qu'il faut rapprocher les ou­vriers du Sacré-Cœur de Jésus, leur salut et leur espérance. C'est la pensée qu'exprimait M. Léon Harmel en décrivant au congrès des co­mités catholiques le pèlerinage ouvrier à Rome».

«Quel spectacle indicible et incomparable, disait-il, que nos audien­ces à la basilique de Saint-Pierre! A travers les larmes qui inondaient nos visages, nous avons revu Jésus-Christ se promenant au milieu des fou­les, appelant à lui les petits et les humbles et leur prodiguant les trésors de son Cœur divin… Pour nos ouvriers, le Pape était tout; et n'avaient­ils pas raison? Tous ces monuments dont Rome est si fière sont œuvre d'homme, tandis que le Pape c'est œuvre divine. Dans sa frêle apparen­ce humaine, il dépasse toutes les hauteurs, toutes les puissances. Il est la prolongation de Dieu habitant parmi nous. N'est-ce rien que de faire naître ces sentiments, que d'allumer ces enthousiasmes dans les masses populaires? Et si, grâce à l'énergique concours de tous les catholiques, nous pouvons continuer tous les deux ans à conduire des foules de plus en plus nombreuses aux pieds de Jésus-Christ vivant dans son Vicaire, pensez-vous que nous n'aurons pas préparé efficacement le salut de la patrie? Sans aucun doute, car nous aurons arraché des ennemis de Dieu, le monopole de la défense des droits des travailleurs pour le remettre aux mains de la papauté, qui seule peut dénouer le nœud gordien de la ques­tion sociale dans la justice et dans l'amour».

«A l'œuvre donc! Aidez-nous tous! Achevons ensemble l'alliance des deux grandes forces sociales: La Papauté et le peuple, afin que la Fran­ce, la grande semeuse d'idées, après avoir été la source de tant de ruines dans le siècle qui finit, prépare les triomphes chrétiens du vingtième siè­cle par l'avènement du règne social de Jésus-Christ.

La politique. - Léon XIII continue à nous tracer les grandes lignes de la politique chrétienne comme il a fait pour la réforme sociale. Dans sa mémorable audience au rédacteur du New-York Herald, dont nous avons déjà parlé, il a exprimé sa sympathie pour les nations qui donnent à l'Eglise une liberté entière. Il a demandé le concours de la presse pour propager les principes de la morale. Il a fait des vœux pour le désarme­ment des nations. «J'ai droit, disait-il, à la sympathie des Américains, car je les aime et j'aime leur pays. La Constitution des Etats-Unis donne une entière liberté à l'Eglise, qui y fait de grands progrès. Les pays où l'Eglise est libre sont toujours heureux et bénis. - L'existence des gran­des armées européennes, disait aussi Léon XIII, est une source de cha­grins et de douleur pour le Saint-Siège. La vie militaire est nuisible à la jeunesse. Elle éteint sa vie spirituelle, ou, tout au moins, l'opprime et l'abaisse. Ces armées ont encore un autre inconvénient. Elles absorbent la richesse des nations. Tant que l'Europe sera remplie de soldats, l'agri­culture manquera de bras, et les peuples seront écrasés d'impôts.

«Ces armées appauvrissent l'Europe. Elles excitent les peuples les uns contre les autres en entretenant les jalousies nationales, les haines et l'esprit de vengeance». «Ces grandes armées sont antichrétiennes».

Interrogé sur le principe de l'arbitrage du Pape, dans les différentes questions sociales, le Saint-Père s'écria:

«Oui, ce serait le desideratum: mais la plupart de ceux qui gouvernent en Europe n'en ont pas envie. Ils donnent gain de cause à l'impiété. Voyez ce que l'on fait en France, on honore des hommes comme Mazzi­ni et Saffi, en combattant la religion chrétienne».

- En Europe, le sentiment général est à la paix. Cependant, il se fait un travail latent pour l'unification de la race germaine et pour celle de la race slave. Ce qui est consolant pour l'Eglise, c'est que le parti catholi­que s'affermit en Allemagne. Les lois persécutrices disparaissent l'une après l'autre. En Bavière, le ministre Lutz, l'antagoniste de l'Eglise, a eu le sort du serpent qui s'attaque à la lime dans la fable de la Fontaine; il s'est usé dans la lutte. En Belgique, les catholiques ont gagné du ter­rain dans les élections provinciales et générales.

- Au Canada, la lutte s'accentue entre Français et Anglais, entre ca­tholiques et protestants. Des idées de séparation et de création d'une na­tionalité commencent à germer dans l'élément français. La Providence en décidera.

Le progrès. - Les relations toujours plus faciles entre les nations di­verses ont provoqué une tendance marquée vers l'unité, dans tout ce qui peut faciliter les rapports réciproques. Des conférences et des congrès préparent l'adoption d'un méridien initial commun pour les mesures géographiques, de l'heure universelle et même de l'unité dans les poids et mesures. Espérons que cette facilité de relations préparera la grande unité religieuse, qui semble promise par l'Apocalyse.

- Les obstacles matériels qui séparent les nations tendent à disparaî­tre. Il y a des projets sérieux de ponts tubulaires submergés pour relier les rives du Sund et pour réunir les côtes d'Ecosse et d'Irlande. En Amé­rique, la commission des travaux publics de Washington et le congrès des nouveaux Etats-Unis de l'Amérique centrale, étudient des projets de chemins de fer pour relier entre eux les deux hémisphères américains. On va déjà de New-York à Mexico. Il reste à joindre Mexico à Buenos­Ayres; la tâche n'est pas facile. Ce sera la grande voie par laquelle l'évangile pénétrera dans les profondeurs des forêts de l'Amérique équa­toriale, où se sont réfugiées les tribus indiennes demeurées païennes ju­squ'aujourd'hui.

- Un beau projet est celui d'un viaduc pour relier les collines de la Croix-Rousse et de Fourvière à Lyon. Ce viaduc aura 543 mètres de long. Il s'élèvera à 80 mètres au-dessus du niveau de la Saône. Il condui­ra les populations ouvrières de la Croix-Rousse aux pieds de la Vierge de Fourvière.

- Voici une heureuse idée. Les évêques de Hollande ont créé dans leurs résidences depuis peu d'années, des musées épiscopaux pour les antiquités, l'art et l'histoire ecclésiastique; à Utrecht, Harlem, ces mu­sées ont déjà pris un grand développement. On y voit des tableaux re­marquables, des portraits historiques, des spécimens de sculpture et de céramique, des livres d'heures et des incunables de prix, des médailles, des reliures artistiques, des miniatures originales ou reproduites, des or­nements sacerdotaux, des dentelles ou des broderies. L'exemple des évê­ques de Hollande ne pourrait-il pas être suivi partout? L'Eglise montre­rait par là, une fois de plus, l'intérêt qu'elle porte aux beaux-arts et à tout ce qui élève l'esprit humain.

Le mouvement religieux. - La question du repos dominical gagne chaque jour du terrain. En France, les compagnies des chemins de fer de Lyon, d'Orléans et de l'Ouest demandent au gouvernement la fermetu­re des gares de petite vitesse le dimanche. A Angers, le syndicat com­mercial a adopté la fermeture des magasins pour la plupart des branches de commerce de la ville; dans d'autres villes les notaires se sont entendus pour fermer leurs études le dimanche.

- Nous reverrons nos belles processions de la Fête-Dieu. Nantes, Reims et d'autres villes, pétitionnent pour le rétablissement de ces pro­cessions. Plusieurs municipalités ont déjà cédé. Un peu plus de courage, et les catholiques feraient facilement triompher leur droit et le droit de Dieu.

- Décidément, les bouddhistes se croient 40.000 à Paris. je pense, moi, qu'ils sont bien quarante. A ce propos, j'aime les réflexions que fai­sait M. Jules Lemaitre, le critique distingué du Journal des Débats: «Je suis très touché de tous ces efforts vers la vérité. Je me demande seule­ment si ces gens ne prennent pas le plus long chemin, pour sauver leurs âmes et les nôtres. Chercher une religion, c'est bien. Commencer par pratiquer soi-même les vertus que toutes les religions recommandent et par essayer de répandre ces vertus autour de soi ce serait peut-être mieux. Pascal disait: «Faites d'abord comme si vous croyiez»; et il ajou­tait: «Quel mal en arrivera-t-il? Vous serez fidèle, humble, reconnais­sant, bienfaisant, sincère, ami véritable». je goûterais assez un apôtre qui, renversant l'ordre du raisonnement de Pascal, nous dirait: «Prati­quons d'abord avec zèle, avec amour, les plus évidents de nos devoirs. Prenons l'habitude de ne point nous préférer aux autres, soyons purs, désintéressés, patients, modestes, charitables. Quand nous en serons là, nous verrons bien! Mais il est probable que nous ne demanderons plus alors à quoi il faut croire. Nous aurons trouvé sans chercher». Oui, on aurait trouvé la vérité catholique, qui seule donne le moyen de pratiquer les vertus dans toute leur perfection.

- En Suisse, Mgr Mermillod, l'évêque si zélé et si sympathique de Fribourg, est élévé à la dignité de cardinal. Nous lui offrons nos humbles félicitations. C'est la récompense de ses épreuves, dans la longue persé­cution qu'il a subie à Genève. C'est le couronnement d'un apostolat presque universel, qu'il a exercé depuis trente ans, en prêtant le con­cours de son éloquence à toutes les œuvres en France comme en Suisse. C'est aussi un grand fait politique. Le Saint Père a voulu, en donnant cette dignité à Mgr Mermillod, témoigner de sa sympathie pour la Suis­se, et le gouvernement Bernois a gracieusement remercié Léon XIII.

- En Allemagne, les évêques vont se réunir à Fulda. Ces conférences annuelles ont une importance capitale. Tous les intérêts religieux y sont discutés, toutes les œuvres préparées et organisées. Léon XIII a élargi le programme de cette réunion, en recommandant à la sollicitude de tous les évêques allemands la question sociale et la création d'un institut de missionnaires pour la conquête de l'Afrique à l'Eglise catholique. Ces réunions épiscopales se multiplieront sans doute dans toutes les nations. Déjà, Léon XIII a ordonné aux évêques italiens de se réunir annuelle­ment en assemblées régionales. L'Autriche est entrée dans la même voie. Les résultats obtenus par ces consultations et délibérations solen­nelles et l'impulsion qu'en reçoivent les œuvres, font désirer de les voir se réaliser partout. La transformation dont le monde est le théâtre com­mande une activité plus unie et plus large.

- Nous avons déjà parlé des progrès du Catholicisme en Angleterre. L'installation à Rome d'un représentant de l'Angleterre, la reconnaissance officielle du pouvoir spirituel et diplomatique du Saint-Siège de la part de la Grande Bretagne sont le résultat du mouvement de retour vers le Catholicisme, qui se produit en Angleterre depuis un demi-siècle. C'est une véritable révolution qui s'est opérée dans l'opinion publique anglaise vis-à-vis du Catholicisme.

Les conversions au papisme, - comme on disait dédaigneusement il y a à peine un siècle, - n'ont cessé de suivre un mouvement croissant. Il suffira de dire qu'il y a aujourd'hui bien peu de familles de la Gentry, qui n'aient quelques-uns aux moins de leurs membres catholiques.

En 1880, l'aristocratie anglaise comptait dans ses rangs trente-huit pairs catholiques, vingt-quatre lords, six membres du conseil privé, le vice-roi des Indes, le gouverneur de Hong-Kong, de Singapoor, de Maurice, vingt-deux baronnets, cinquante-cinq membres de la Cham­bre des Communes, sans parler d'un grand nombre d'officiers supé­rieurs, de magistrats, de publicistes, d'hommes éminents dans toutes les positions.

Au commencement de ce siècle, l'Angleterre comptait quatre-vingt­dix mille catholiques. Elle en compte maintenant un million quatre cent mille. Elle se couvre d'églises, d'œuvres catholiques et de monastères. Si l'on considère l'ensemble des pays qui dépendent de la couronne bri­tannique dans les cinq parties du monde l'Angleterre compte vingt-deux archevêchés, quatre-vingt-dix-neuf évêchés, vingt-quatre vicariats ou préfectures apostoliques. Elle range sous ses lois quatorze millions de ca­tholiques.

Ce développement du Catholicisme dans les pays où prédomine la ra­ce anglo-saxonne, développement qu'on peut pour ainsi dire toucher du doigt, est un des faits capitaux du XIXe siècle, et il exercera certai­nement une influence considérable sur l'avenir de la civilisation chré­tienne.

- Aux Etats-Unis le progrès du Catholicisme est plus rapide encore qu'en Angleterre. On y comptait 40.000 catholiques il y a un siècle. Ils sont maintenant 10 millions. Il y a 8.000 prêtres, 10.000 églises, 600 col­lèges. Et ce n'est pas seulement par l'émigration que le Catholicisme progresse, mais il y a des conversions en grand nombre, de presbyté­riens, de méthodistes et d'autres protestants de toutes les sortes.

- En Asie, l'Indie et le japon vont avoir leur hiérarchie catholique régulière. Les vicariats apostoliques deviendront des évêchés définitifs.

Le mouvement de conversion continue à grandir au japon. Malheureu­sement les ouvriers apostoliques n'y sont pas assez nombreaux. En Co­rée aussi les conversions se multiplient. Cette province est à peine ouver­te à la propagande de notre foi, et déjà le nombre des catholiques s'y élè­ve à plus de 16.000.

- Tous les journaux ont décrit la consécration solennelle de la nou­velle cathédrale de Carthage. C'est plus qu'une église , c'est une cité chrétienne qui se relève pour redevenir la métropole de l'Afrique con­vertie. Le mandement écrit par le cardinal Lavigerie est un chef d'œuvre. Citons-en deux pensées. «César, campé un soir dans les plaines qui entourent Carthage, pensa voir et entendre durant son sommeil une im­mense multitude qui fondait en sanglots. Ce grand homme prit ses ta­blettes et y écrivit à la manière des capitaines qui se hâtent, n'ayant pas le temps de faire de longs discours, deux simples mots: Reconstruire Carthage.

«La mort ne lui laissa pas réaliser son dessein, mais son hèritier lut ces mots. Son génie comprit celui de César, et c'est Auguste qui fit recons­truire les premiers édifices de la Carthage romaine».

«L'histoire religieuse ne nous donne pas un moindre enseignement». «Saint Victor après avoir rapporté les persécutions qui avaient anéan­ti de son temps la vie catholique à Carthage, nous représente tous les saints de l'Afrique, les martyrs, les évêques, les vierges sacrées, ceux, en particulier dont j'ai rappelé les noms dans cette lettre pastorale, les Au­gustin, les Cyprien, les Aurèle, les Eugène, les Félicité, les Perpétue, les pontifes exilés ou foulés aux pieds par les Vandales, demandant à Dieu en retour de leurs supplices, de leur constance, de leur zèle, de leurs ver­tus, de faire revivre cette grande Eglise dont ils étaient les pasteurs et les fils, et dont Carthage était à la fois et la tête et le cœur». - Léon XIII et le cardinal Lavigerie ont réalisé la pieuse vision de saint Victor.

- L'Eglise est toujours féconde. Le Saint-Siège prépare en ce mo­ment un grand nombre de béatifications et de canonisations des plus in­téressantes. Il faut mettre au premier rang, Jeanne d'Arc, Christophe Colomb, Marie Stuart. La Congrégation des Rites vient de se prononcer favorablement sur la renommée de sainteté, les vertus et les miracles du vénérable Jean-Baptiste Vianney, curé d'Ars, et sur la révision des écrits du vénérable Isidore Gagelin, martyr de la Cochinchine. Le souverain Pontife vient d'approuver aussi la décision de la Congrégation des Rites sur l'héroïcité des vertus de la vénérable Marie Rivier, fondatrice des sœurs de la Présentation, de la vénérable Jeanne de Lestonnac, fonda­trice des filles de la bienheureuse Vierge Marie.

La Belgique. - Le résultat définitif des élections générales, est, comme on l'avait prévu, en rapport avec celui des élections provinciales. Les libéraux belges sont encore tout ahuris du succès des catholiques au scrutin de ballottage.

Les catholiques ont gardé leur position dans les provinces de Namur, Anvers, Flandre Orientale et Limbourg. Ils ont gagné quatre sièges dans le Luxembourg, quatre dans la Flandre Occidentale, cinq dans le Hai­naut et un dans le Brabant, à Perwez. Honneur à la petite ville de Per­wez qui a mérité cette victoire électorale par sa dévotion au Sacré-Cœur et par le magnifique hommage qu'elle lui a rendu au mois de juin der­nier.

- Honneur aussi à la vaillante jeunesse catholique de Belgique. Les étudiants de Louvain ont montré une crânerie toute chevaleresque pour soutenir le candidat catholique, et ils ont remporté une victoire inespé­rée.

- Les étudiants de Gand ont donné une grande solennité aux fêtes du dixième anniversaire de la fondation de leur Cercle. Ils avaient invité leurs jeunes confrères de Louvain, de Liège, de Lille, de la Hollande et de la Suisse. Des délégations nombreuses avaient répondu à l'invitation. Lille avait envoyé cinquante étudiants à Gand, parmi lesquels plusieurs jeunes gens de Saint-Quentin. Une pareille fête pouvait-elle n'être pas cordiale, là où il n'y avait que des jeunes gens et des jeunes gens catholi­ques? Les délégués, au nombre de quatre cents, ont défilé par les rues de Gand, drapeau déployé, pour se rendre à l'église. M. le comte d'Alcan­tara, le noble Prèsident d'honneur des étudiants, a prononcé un discours émouvant à la réunion générale. Il a fait sur son auditoire une impres­sion profonde, quand il lui a rappelé les plus beaux exemples de dévoue­ment et de loyauté de la jeunesse catholique, et notamment les héroïques martyrs de Castelfidardo et de Mentana.

Dernières nouvelles des Consécrations au Sacré-Cœur; la canoni­sation de la Bienheureuse Marguerite-Marie. - Au moment où nous mettons sous presse, le Bulletin du Vœu national (juin) nous arrive. Nous y lisons ceci: «Le mouvement des consécrations continue; chaque jour nous apporte de nouvelles listes. Le 31 mai, le P. Marin de Boylesve, nous a fait remettre deux magnifiques in-folios: ils renferment 10.000 noms de personnes consacrées. M. le général de Charette est venu con­sacrer au Sacré-Cœur son jeune fils…; il lui a dicté l'acte: «Dis au Cœur de Jésus que tu te consacres à lui, comme ton père l'a fait, entiè­rement et pour toujours». - Le même Bulletin exhorte à prier beaucoup pour la canonisation de la Bienheureuse Marguerite-Marie.

CHRONIQUE (Août 1890)

Paray-le-Monial. - De grands préparatifs se font pour les fêtes ju­bilaires de Paray-le-Monial à l'occasion du deuxième centenaire de la mort de Marguerite-Marie. Déjà trois cardinaux, deux archevêques et dix-sept évêques ont promis leur concours pour la solennité du 17 octo­bre. Le pèlerinage de Paray primera certainement les autres, cet été. Comme en 1873, le jardin du monastère de la Visitation sera ouvert aux pèlerins tous les vendredis du mois de septembre. Les pèlerins pourront vénérer les lieux bénis où Notre-Seigneur s'est plusieurs fois manifesté à sa pieuse servante. Tous les amis du Sacré-Cœur voudront profiter de cette faveur, dont on ne jouira plus peut-être avant bien des années.

Montmartre. - Le sanctuaire du Sacré-Cœur s'achève. La basili­que sera complètement livrée au culte dans un an. Il ne restera plus alors que la coupole et la tour à terminer, et les travaux se feront sans nuire au service ordinaire du culte dans l'intérieur de l'édifice. Mais ce qui est plus important que l'achèvement du temple matériel, c'est le mouve­ment de prières, d'adorations et de pèlerinages qui grandit sans cesse. Pendant tout le mois de juin le concours des pèlerins a été incessant. Quelques journées, cependant, ont été particulièrement émouvantes. Le jour de la fête du Sacré-Cœur, des pèlerins de Tourcoing avaient fait la veillée d'armes en passant la nuit devant le Saint-Sacrement. Plusieurs sénateurs et députés du Nord les accompagnaient avec le général de Charette. Le cardinal Richard présida les offices toute la journée. Les rues qui montent vers le Sanctuaire étaient remplies de monde. Pendant la matinée entière les autels avaient été assiégés par la foule des commu­niants. L'après-midi la procession du Saint-Sacrement dans les dépen­dances du sanctuaire était suivie par une foule nombreuse et profonde­ment recueillie. - Mais la manifestation la plus imposante de ce mois a été celle du 29 juin. Ce jour-là les industriels et les commerçants catholi­ques de Paris, s'étaient donné rendez-vous au sanctuaire du Sacré­-Cœur. Plusieurs représentants de la province s'étaient joints à eux. Ils remplissaient la grande nef. Le cardinal Richard chanta la grand'messe. L'éclat imposant de cet office fait présager ce que seront plus tard les grandes solennités du sanctuaire national. La vaste tribune n'avait pas eu encore un chœur aussi choisi et aussi nourri, soutenu par les harpes, les hautbois, les violoncelles et l'orgue. Le Credo fut chanté à l'unisson par l'immense assemblée. Le R. P. Bouvier prononça un discours tout pénétré de foi et de patriotisme. Il fit un tableau saisissant de l'état de la France, dont la prospérité, l'existence même est en péril parce qu'elle s'est éloignée de Dieu. Mais la nation chère entre toutes au Cœur misé­ricordieux du Sauveur a levé les yeux vers la source du pardon, vers le Cœur de Jésus, et ses espérances se raniment. Après ce discours, le car­dinal a donné la bénédiction papale et béni le drapeau du Sacré-Cœur; et M. Léon Harmel, président de l'association des industriels, a lu, avec une voix émue et vibrante, l'acte de consécration au Sacré-Cœur. N'est-ce pas là l'aurore du grand jour auquel la France vraiment péni­tente et réconciliée avec le Sacré-Cœur, au moins dans sa grande majo­rité, viendra, par les représentants du pouvoir public, se consacrer au Cœur du divin Maître?

Issoudun: Réunion annuelle de la fédération du Sacré-Cœur. - La fédération internationale du Sacré-Cœur est déjà connue de nos lecteurs. Elle s'est constituée à Paray-le-Monial l'an dernier au jour de l'Assomption. Elle a été préparée pendant plusieurs années par l'Institut des fastes eucharistiques. Elle a pour but l'extension du règne social de Notre-Seigneur. Son œuvre est immense. Une lettre récente du cardinal Parocchi est venue l'encourager, en attendant son approbation définiti­ve par le Sainte-Siège. Les congrès annuels prendront, nous l'espérons, une importance toujours croissante. La prochaine réunion aura lieu du 8 au 11 septembre à Issoudun, auprès de la basilique de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Les adhésions doivent être adressées au secrétaire de la Fé­deration, rue de Calais, 21, à Paris. Monseigneur Marchal, archevêque de Bourges présidera l'ouverture de l'assemblée. Le 8 septembre. Voici les titres de quelques-unes des questions qui seront traitées: - Droits de Jésus-Christ sur les sociétés humaines; - Faits historiques montrant comment dans le passé on les a reconnus et on en a été récompensé; - Relations entre les manifestations du Sacré-Cœur et la reconnaissance des droits du Christ; - Devoirs des catholiques relativement au règne de Jésus-Christ.

Quito: La Basilique votive du Sacré-Cœur. - Le projet de cette basilique qui doit être le Montmartre de l'Amérique du Sud a reçu un commencement d'exécution. La première pierre a été posée, le mois dernier, sur les pentes du mont Pichincha à plus de 4000 mètres au­dessus de la mer. La cérémonie était présidée par le délégué apostolique, Mgr Macchi. Le premier magistrat de la République et les autres autori­tés y assistaient. Le service de la chapelle provisoire, et le soin d'édifier la basilique ont été confiés aux RR. PP. Missionnaires du Sacré-Cœur d'Issoudun. L'Amérique du Sud voudra rivaliser de zèle avec la France pour élever une basilique qui soit, comme celle de Montmartre, digne de l'honneur qui est dû au Sacré-Cœur de Jésus.

Une Consécration royale au Sacré-Cœur. - Le 10 juin la reine ré­gente d'Espagne a voulu consacrer son fils et toute sa famille au Sacré­Cœur de Jésus dans l'église Saint-Martin de Madrid, en présence du nonce apostolique. La presse catholique d'Espagne redit l'impression profonde que cet acte a produit sur les pieux et ardents catholiques de la péninsule. Le Movimiento cattolico de Madrid s'exprime ainsi: «Acte de foie et d'espérance dans le Christ Notre-Seigneur, cette consécration ré­pond mieux que tout autre acte à ce que le peuple espagnol attend de ses rois et de ses princes. Rien ne remplit davantage le peuple de respect et de dévouement pour ceux qui sont investis du pouvoir suprême, que de les voir prosternés humblement à leur tour devant le saint autel, et rece­vant l'image du Cœur du Christ comme un bouclier contre les épreu­ves, un signe de fidélité à l'évangile, un emblème d'inaltérable foi, une ligne de conduite chrétienne pour le présent et pour l'avenir». - A cette occasion, le Souverain Pontife Léon XIII a envoyé à la famille royale le télégramme suivant: «Que le Sacré-Cœur de Jésus ait en sa sainte garde Votre Majesté et ses enfants; qu'il les rende heureux et qu'il ne cesse de les protéger. A cette fin, Nous unissons nos prières aux vôtres et Nous vous envoyons avec une affection paternelle la bénédiction aposto­lique».

Le Canada: Adoration réparatrice à Québec. - Le Sacré-Cœur de Jésus, désireux d'obtenir une consolation pour les outrages qu'il reçoit au Saint-Sacrement, suscite partout des adorations réparatrices qui sont faites par des communautés ou par de pieuses associations. A Québec, l'adoration se fait dans la basilique de Notre-Dame, toutes les semaines, du jeudi soir au vendredi soir. Les hommes se sont réservé la nuit, ils sont déjà plus de deux cents adhérents. A la première veillée, Son Emi­nence le Cardinal, Monsieur le Curé de la basilique, le maire de la ville, plusieurs juges de la Cour supérieure et un grand nombre de citoyens honorables, ont tenu à honneur de faire la première heure. Le Sacré­Cœur de Jésus bénira la ville et les fidèles qui ont le bonheur de lui don­ner ce beau témoignage de leur foi et de leur amour.

Un retour au bon sens. - On revient au vieux bon sens de divers côtés. Cela durera-t-il? Les Compagnies de chemin de fer rivalisent pour accorder quelque repos le dimanche, au moins à leurs employés de petite vitesse. - Plusieurs grands villes, Lyon et Saint-Quentin entre autres suppriment leurs bataillons scolaires, cette ridicule institution qui avait pour but d'éloigner les enfants des offices du dimanche. Le conseil mu­nicipal de Paris lui-même, discute la question et n'est pas loin de donner raison au bon sens. - Les processions du Saint-Sacrement ont été réta­blies dans plusieurs villes. - On pétitionne à Paris pour la rentrée des Sœurs dans les hôpitaux. On s'aperçoit un peu tard que les surveillantes laïques coûtent de cinq à dix fois plus et font beaucoup moins bien la be­sogne. Espérons que ce retour au bon sens se généralisera.

Un réveil de l'esprit religieux. - C'est un fait, on ne saurait le nier: il y a, au moins dans les classes lettrées, un réveil de l'esprit reli­gieux. Il est reconnu par les hommes les plus intelligents et annoncé par les journaux et les livres les moins suspects d'un jugement intéressé, comme Les Débats, Le Temps et la Revue des deux mondes.

M. Ernest Lavisse, un des hommes les plus distingués de l'Université et le candidat le plus en vue pour la prochaine élection de l'Académie fran­çaise, donnait récemment dans le Journal des Débats une étude sur l'état d'esprit dans lequel se trouve aujourd'hui la jeunesse en France. Voici quelques-unes des pensées qu'il exprimait: «La jeunesse, en partie du moins, subit une influence mystérieuse qui la fait se tourner vers Dieu. Les esprits divers donnent au sentiment religieux, dédaigné naguère, leur principale attention. La jeunesse n'est plus voltairienne. Les négations et l'ironie sont aujourd'hui détestées;… de là vient qu'une partie de la jeu­nesse, la moindre, il est vrai, se groupe en rangs serrés autour de l'Eglise;… une des marques de la jeunesse d'aujourd'hui, est la nostalgie du divin… Mystérieuse encore, mais prochaine et peut-être grandiose, une évolution s'élabore. Une poussée mystérieuse dirige les générations montantes, et une renaissance de l'esprit national est prête».

Quelques jours plus tard Le Temps, journal protestant et l'un des offi­cieux du Gouvernement maçonnique, faisait des observations toutes semblables. «Il existe, dit-il, une classe d'esprits que les négations bru­tales ne satisfont plus… Une sorte d'évangélisme vague flotte dans l'air qu'on respire autour des grandes écoles». Le Temps signale comme un symptôme de cet état d'esprit le choix que l'Association générale des étu­diants fit de M. de Vogüé, qui est franchement chrétien, pour présider son banquet annuel.

Ce mouvement d'idées, cette sorte d'ascension générale des esprits dans l'élite intellectuelle de la France est signalée également par M. Leroy­Beaulieu dans la Revue des deux mondes. Il proclame le besoin généralement reconnu d'une rénovation religieuse et d'une réorganisation sociale.

Serait-ce là l'aurore du règne du Sacré-Cœur? Nous voulons l'espé­rer. Prions pour que la jeunesse, se détournant de plus en plus des faux docteurs, aille demander la lumière à la sainte Eglise de Dieu qui seule la possède: Adventat regnum tuum.

En Belgique. - Le ministère catholique est affermi pour longtemps. Les élections du 10 et du 17 juin laissent aux catholiques une majorité de cin­quante voix à la Chambre. Les catholiques belges ne s'endorment plus sur leur victoire, ils savent à quel prix s'achète le succès. La source des bonnes élections est dans l'apostolat, dans les œuvres catholiques, dans la propagan­de de la bonne presse. Les majorités qui reposent sur de fortes convictions re­ligieuses sont plus solides que celles qui dépendent d'un courant d'opinions politiques. Le prochain congrès des œuvres sociales catholiques qui se tien­dra à Liège dans quelques semaines, apportera un nouvel appoint aux catho­liques par le développement qu'il donnera aux œuvres.

Anvers prépare des fêtes splendides pour le congrès eucharistique. La saison d'été ramène le mouvement de pèlerinage à tous les sanctuaires de la Belgique. Il y a quelques jours, c'était Notre-Dame de Bon-Secours qui recevait l'immense concours des pèlerins français et belges, conduits par leurs vénérables évêques. La Belgique a aussi son sanctuaire de Notre-Dame de Lourdes: c'est la grotte de Oostacker près de Gand. Les Pyrénées sont si loin! Notre-Dame de Lourdes a voulu mettre ses faveurs à la disposition de la pieuse Belgique. Le sanctuaire d'Oostacker est de plus en plus visité par de pieux pèlerins et les miracles de Lourdes s'y re­produisent. Des trains spéciaux y amènent les pèlerins de tous les diocè­ses de la Belgique. La très sainte Vierge ne manquera pas de conduire au Cœur de Jésus un pays qui lui est si dévoué.

La prière et les œuvres. - Il y a dans l'un de nos livres sacrés, dit un illustre écrivain, une grande image qui m'a toujours frappé. Des an­ges, y est-il dit, portent dans leurs mains des coupes d'or, qui sont des coupes de colère. Quand ces coupes se remplissent des iniquités des hommes et débordent, elles répandent sur la terre des châtiments, des plaies, des calamités et des ruines. D'autres anges ont en main des en­censoirs d'or dont les parfums sont composés des prières et des œuvres des Saints. Quand ces parfums montent en abondance devant le trône de Dieu, le puits de l'abîme qui était ouvert est refermé et scellé, et le mon­de voit luire une ère de bonheur, de paix et de civilisation. Cette image me semble une vue admirable prise sur la loi de l'histoire. Ainsi, la priè­re et les œuvres sont le salut. N'est-ce pas une pensée consolante et su­blime de savoir que l'humble prière de la Carmélite, l'obscur dévoue­ment de la sœur de Charité, le verre d'eau donné au pauvre sont les pa­ratonnerres dont parle le comte de Maistre et qui ont la puissance de dis­soudre les orages. Les coupes de colère se remplissent, remplissons les encensoirs d'or. Nous sommes dans des temps de luttes ardentes et déci­sives, tant mieux; il vaut mieux combattre que s'endormir… Que ceux qui ont une voix parlent! que ceux qui ont une plume écrivent! que ceux qui ont des richesses les répandent! Que ceux qui ont des dévouements les prodiguent! L'avenir sera ce que nous l'aurons fait!

Les avertissements et la pénitence. - Mais la prière et les œuvres ne sont point encore assez: en face des crimes actuels et des malheurs qu'ils menacent d'attirer sur le monde, il faut encore l'expiation, la pénitence. Nous citerons à ce sujet les paroles attribuées par diverses feuilles à Léon XIII, bien que nous ne puissions en garantir l'authenticité. Sur la fin de 1889, le Pontife, répondant à des personnages qui lui exprimaient leurs bons souhaits, témoigna, d'après ces feuilles, une quasi-certitude d'un grand châtiment dont la société serait menacée! «Notre-Seigneur, disait-il, viendra non plus avec un visage doux et paisible, mais avec un visage irrité, pour frapper et purifier son Eglise. Car il y a beaucoup de taches, même parmi les justes, et parmi ceux qui devraient être les meilleurs, il y a des membres pourris «.

Léon XIII protestait qu'il n'est «ni prophète, ni fils de prophète»; toutefois il a de douleureux pressentiments: «La marée des maux, qui va battre la pierre sur laquelle est bâtie l'Eglise, ne laisse voir à l'horizon que la menace et la colère de Dieu ». - Quelle que soit la grandeur des châtiments mérités par nos crimes, il est certain que la pénitence peut toujours les détour­ner. Redoublons donc d'efforts pour apaiser par elle la justice divine.

CHRONIQUE (Septembre 1890)

Notre-Dame des Sept-Douleurs, à Castelpetroso (Italie). - La très sainte Vierge visite l'Italie comme Elle a visité la France à Lourdes et à la Salette. Les apparitions de Castelpetroso, qui se sont répétées plu­sieurs fois depuis deux ans, ont subi l'épreuve d'une enquête épiscopale. Le Saint-Père autorise l'érection d'un sanctuaire au lieu même des ma­nifestations; nous pouvons donc en donner le récit malgré la réserve que nous nous sommes imposée vis-à-vis des choses extraordinaires et mira­culeuses.

Castelpetroso est situé sur un rocher dans un cirque des Apennins tourné vers l'Adriatique, à quelques lieues de Bénévent.

Au printemps de 1888, deux pauvres paysannes d'un des villages qui composent la commune de Castelpetroso, sortaient de grand matin pour aller travailler dans les champs. Elles portaient leurs instruments de tra­vail et conduisaient avec elles quelques moutons, qu'elles laissaient paî­tre en liberté pendant la journée. De tout temps, les habitants de ces montagnes ont eu une particulière dévotion à Notre-Dame des Sept-­Douleurs; il existe à Castelpetroso une confrérie sous ce vocable, confré­rie à laquelle appartiennent la plupart des chrétiens de la contrée.

Or, le soir du 22 mars 1888, quand les deux femmes se disposaient, fa­tiguées, à regagner leur demeure, elles s'aperçurent que plusieurs de leurs bêtes manquaient à l'appel, et se mirent à les chercher de côté et d'autre. Déjà la nuit s'avançait lorsque l'une des deux paysannes vit tout à coup une lumière très vive sortir des fentes d'un rocher taillé à pic au-dessus d'une excavation creusée par la chute des eaux de la monta­gne. Désireuse d'avoir l'explication de cette clarté, elle s'approche, re­garde à travers ces fentes et aperçoit, ô merveille! deux personnages et du sang: la divine Mère, accablée de douleur, avec son Fils étendu tout meurtri à ses pieds; aucun mouvement, aucune parole; elle regardait et pleurait. L'autre femme accourt, et voit la même apparition. Toutes deux, saisies d'une émotion facile à comprendre, s'empressent de porter la nouvelle de ce prodige au village qu'elles habitent et dont le nom est Guasto. Mais leur récit était si extraordinaire, que personne ne voulut y ajouter foi.

Peu de jours après, l'une de ces femmes étant retournée à ce rocher, qu'on appelle dans le pays Cesa Ira Santi, il lui fut donné de contempler de nouveau les mêmes merveilles, et, le bruit s'en étant répandu, il s'établit dès lors vers cet endroit un concours considérable: des centaines et des milliers de visiteurs accouraient de toutes parts. Le 8 mai, jour de l'Ascension, on en compta quatre mille. Tous, d'ailleurs, n'y étaient pas amenés par le même sentiment: si les uns y venaient poussés par la foi et la piété, d'autres n'étaient conduits que par la curiosité; quelques-uns même, esprits forts comme il y en a partout, n'étaient pas fâchés d'avoir une bonne occasion de s'égayer aux dépens de la superstition populaire.

Parmi ces visiteurs, beaucoup étaient favorisés d'apparitions extraor­dinaires. Le bruit de ces apparitions, de grâces obtenues, de miracles même opérés, disait-on, en ces lieux, ne tarda pas à remplir Naples et la Sicile: les journaux en parlèrent et le Pape, en ayant eu connaissance, ju­gea que la chose valait la peine d'être examinée avec soin.

Au mois de septembre 1888, l'Evêque de Boiano était à Rome. Il alla présenter ses hommages au cardinal Rampolla, qui mit bientôt la con­versation sur les événements de Castelpetroso, et voulut en avoir le récit le plus circostancié. «Monseigneur, ajouta Son Eminence, il n'y a pas trois jours, le Saint-Père m'a témoigné le désir de vous voir, pour vous entendre lui-même, au sujet de ces événements».

Le lendemain, le Prélat se rendit à l'audience du Souverain Pontife: il fut reçu immédiatement et accueilli avec une vraie tendresse. Le Saint­Père manifestait un sensible plaisir en l'entendant raconter les détails de l'apparition, puis, tout à coup, interrompant l'Evêque, il lui dit:

«Mais, Monseigneur, pourquoi avoir tardé si longtemps à m'envoyer la relation de ces faits surprenants?

- Très Saint-Père, répondit le Prélat, j'attendais que quelque fait miraculeux vînt confirmer le caractère de l'apparition.

- Et alors, il ne vous semble donc pas que, les choses s'étant passées comme vous venez de me le raconter, ce soit un miracle suffisant? Allez à Castelpetroso, recueillez des informations authentiques de personnes dignes de foi. Et puis, vous reviendrez à Rome me parler de nouveau de cette affaire.

Pour obéir aux ordres du Pape, Mgr l'Evêque de Boiano se rendit le 26 du même mois au lieu de l'apparition, accompagné de l'archiprêtre de la cathédrale et de celui de Castelpetroso. La foule était considérable; un silence religieux s'établit partout, au moment où l'on vit le prélat s'approcher des fentes du rocher et y introduire un flambeau pour exa­miner si quelque supercherie pouvait donner lieu à ces apparitions.

Pendant qu'il faisait cet examen, le cierge fixé à l'extrémité d'un bâ­ton et introduit par la fente du rocher, tomba et s'éteignit; et la Vierge elle-même apparut à une palme de distance. La vision était nette et dis­tincte. Belle d'une beauté surnaturelle, la divine Mère portait un voile trasparent qui tombait de son front et laissait voir les traits de son visage, empreints d'une profonde tristesse. Elle se tenait dans l'attitude de la prière.

Les yeux pleins de larmes et la voix tremblante d'émotion, l'Evêque raconta au peuple ce qui venait de lui arriver; peu de jours après, il pré­sentait à Léon XIII un procès d'informations reçues sous la foi du ser­ment, et obtenait l'approbation de Sa Sainteté pour le projet qu'il avait conçu d'élever en ce lieu une église à Notre-Dame des Sept-Douleurs.

Les pèlerinages au Sacré-Cœur. - Le temps des vacances est aussi celui des pieux pèlerinages. Nous engageons nos lecteurs à régler leurs plans de voyage de manière à passer par quelque sanctuaire du Sacré­Cœur. Montmartre mérite d'être visité fréquemment. La construction de l'église votive y fait de rapides progrès, les adorations et les pèlerina­ges s'y multiplient, les grâces spirituelles y abondent. On n'y va jamais sans un nouveau profit. - Paray-le-Monial est le sanctuaire le plus propre au recueillement, à la retraite, à la conversion de l'âme. Pour les amis du règne social de l'Eucharistie et du Sacré-Cœur, le musée Eu­charistique de Paray est tout ce qu'il y a au monde de plus frappant et de plus instructif, surtout si on a l'avantage de le visiter sous la direction de son généreux fondateur monsieur le baron de Sarachaga, un noble et sa­vant chevalier chrétien. Issoudun prépare pour les journées du 8 au 11 septembre une belle réunion des amis du règne social du Sacré-Cœur. - Le diocèse de Nice possède à Roquefort sur le penchant des Alpes un sanctuaire au Sacré-Cœur qu'on appelle là-bas, le petit Montmartre. Des milliers de pèlerins y étaient réunis le 19 juin pour y faire leur consécra­tion au Sacré-Cœur et tout l'été des groupes nombreux s'y rendent fré­quemment pour faire écho au Montmartre parisien.

L'usine. - Enfin l'Europe entière s'inquiète de l'organisation du travail dans l'usine. La vapeur a remplacé le travail manuel dans une proportion de soixante à quatre-vingts pour cent. Les usines ont partout faussé la vie sociale. La femme est faite pour être épouse et mère et vivre du travail de l'homme; on lui demande maintenant d'abandonner son foyer pour vivre de la vie d'ouvrier. A cette condition nouvelle du travail doit correspondre une organisation nouvelle. Nos législateurs s'en in­quiètent, mais il leur manque les éléments religieux pour une solution complète. Les catholiques commencent à traiter l'usine comme un grou­pe religieux spécial. Il y a des siècles que l'on fait cela pour les hospices, les collèges, les orphelinats. Mettre une chapelle et un aumônier à l'usi­ne c'est un moyen qui a fait ses preuves. Il a réussi merveilleusement au Val-des-Bois. Dans le Nord, Mgr l'Archevêque de Cambrai aime à nommer dans les villes industrielles des aumôniers du travail. M. Léon Harmel est appelé dans les divers congrès d'œuvres de France et de Bel­gique pour y dire le secret de la transformation de son usine. Il a une mission providentielle pour donner à l'Europe la solution du plus grand problème social contemporain; il est l'apôtre de l'usine; Il s'inspire de la charité du Sacré-Cœur de Jésus. C'est donc à ce divin Cœur que nous devrons la solution de la crise contemporaine.

La Belgique. - La Belgique vient de fêter avec un enthousiasme unanime les noces d'argent de son roi Léopold II. Les catholiques lui sa­vent gré à juste titre de son impartialité envers les partis politiques et de la grande œuvre humanitaire et chrétienne de la civilisation de l'Afri­que, dont il s'est fait le promoteur dévoué et désintéressé. - Les hom­mes d'œuvre de la Belgique déploient en ce moment une activité prodi­gieuse. Ce ne sont que congrès, réunions et assemblées diverses pour l'étude et l'organisation des œuvres. Au congrès de Mons a succédé ce­lui de Charleroi. Là M. Harmel et M. Nothomb, le ministre d'Etat, ont été particulièrement goûtés et applaudis. Pendant ces congrès, des cor­porations et syndicats divers ont été organisés à Mons et à Charleroi. En ces jours où nous écrivons, le congrès Eucharistique d'Anvers est dans toute sa splendeur. Un immense cortège religieux prend part aux pro­cessions et aux fêtes sous la conduite de Son Eminence le cardinal Goos­sens et de dix archevêques et évêques. Les splendeurs des congrès Eu­charistiques précédentes sont dépassées. Bientôt du 7 au 10 septembre, ce sera le congrès international des œuvres sociales à Liège sous la direc­tion de Monseigneur l'évêque de Liège, un des prélats les plus éminents dans la connaissance des sciences économiques. Vraiment M. Harmel avait raison de dire au congrès de Charleroi: «La Belgique est un grand peuple; par sa foi et par ses œuvres elle donne l'exemple à l'Europe».

CHRONIQUE (Octobre 1890)

Le Mois des Congrès catholiques. - C'est le nom qu'on peut don­ner à ce mois. Les Congrès s'y succèdent, plusieurs même sont simulta­nés. Ces réunions font l'œuvre du Sacré-Cœur et travaillent au règne de Jésus-Christ.

A Anvers, c'est le règne de l'Eucharistie qui a été étudié et acclamé. A Coblentz, à Sarragosse, à Sainte-Anne d'Auray, c'est l'ensemble des œuvres catholiques. A Liège, ce sont les œuvres sociales; à Issoudun, c'est plus directement le règne du Sacré-Cœur qui est mis en relief. Les hommes d'œuvres, les hommes d'action, d'initiative, vont là faire con­naître leurs vues, s'éclairer dans la discussion et réchauffer leur zèle au contact d'autres vrais chrétiens non moins ardents qu'eux-mêmes. Pour nous, nous aimons à voir dans tous ces congrès l'action providentielle qui prépare le règne du Sacré-Cœur.

Le culte de l'Eucharistie qui grandit, le soin des ouvriers, les œuvres d'éducation, les œuvres de prière, ce sont les fruits de la dévotion crois­sante au Sacré-Cœur, c'est la charité de Notre-Seigneur qui se ranime et prend un essor nouveau parmi les catholiques. Passons brièvement en revue chacune de ces Assemblées.

Anvers. - Le congrès d'Anvers a constaté le progrès des œuvres eu­charistiques: les confréries du Saint-Sacrement, les œuvres d'adoration diurne et nocturne; la communion et la messe réparatrice. La présence de Son Eminence le cardinal archevêque de Malines, son grand talent et sa juste popularité ont bien rehaussé l'éclat du congrès.

La réunion était vraiment internationale. Mgr Vaughan, évêque de Salford, a vivement intéressé l'assistance par l'exposé des progrès de la foi en Angleterre. Ce qui est plus remarquable encore que les conver­sions réalisées en Angleterre, ce sont les conversions préparées. Tous les préjugés tombent; l'Eglise catholique est libre et honorée; les protestants étudient les vraies sources, la tradition et les Pères de l'Eglise et ils re­prennent peu à peu nos croyances et nos rites.

Le Rév. P. Dom Laurent Jansens, des bénédictins de Maredsous, a plusieurs fois captivé son auditoire. Il a proposé l'étude et la publication d'une Somme Eucharistique qui redirait les figures bibliques de l'Eucharis­tie, ses prophéties, sa préparation, son institution, son règne et ses mer­veilles. Nous pensons comme le congrès que le P. Jansens est l'homme désigné par la Providence pour ce magnifique travail.

Le Rév. P. Sanna-Solaro de Turin, M. le baron de Sarachaga et M. le comte d'Alcantara ont fait acclamer le règne social de l'Eucharistie. Un de nos religieux Oblats du Cœur de Jésus, le Rév. P. Charcosset, aumônier du Val-des-Bois, a redit l'action bienfaisante et consolante de l'Eucharistie au milieu des populations ouvrières et l'affection tendre et chevaleresque à la fois que les ouvriers vraiment catholiques éprouvent pour l'Eucharistie.

M. le chanoine Didiot, l'éminent professeur de théologie à Lille, s'est fait remarquer, comme dans les congrès précédents, par la sagesse et la piété avec lesquelles il dirige les débats des commissions.

Coblentz. - Le Congrès de Coblentz a montré toute la force des ca­tholiques allemands, leur union et leur esprit pratique avec l'énergique volonté de réaliser un programme bien défini. M. Windthorst, le chef du Centre catholique, MM. les députés Bachem et Cahensly ont apporté là l'autorité de leur influence politique. Les catholiques allemands deman­dent le rappel des religieux expulsés; ils favorisent les œuvres de propa­gande, les œuvres d'enseignement, les œuvres ouvrières surtout, qui doivent sauver la société du péril socialiste. Ils ont acclamé le projet d'un séminaire des missions africaines, proposé par le Souverain Pontife. Ils ont accueilli avec faveur les œuvres du cardinal Lavigerie. Nous nous fé­licitons aussi d'y avoir entendu louer et encourager notre Ecole apostoli­que de Clairefontaine, près Arlon, qui prépare des missionnaires pour les pays d'émigration et notamment pour l'Amérique du Sud.

Liège. - Le congrès de Liège a été admirablement préparé. Il a une importance capitale. Il a réuni les sommités des hommes d'œuvres et des catholiques d'action de toute l'Europe. Les Rapports avaient été im­primés d'avance. Que de temps on a pu gagner par là! que de lenteurs on a pu éviter! La question sociale devient de plus en plus lucide. La so­lution n'est pas unique, elle comprend plusieurs éléments. Il faut l'inter­vention de l'Etat et de la loi pour défendre les droits de la justice et de la société. La loi doit favoriser le repos hebdomadaire, régler le travail des femmes et des enfants, encourager les caisses de retraite et de secours, déterminer même peut-être un maximum d'heures de travail et un mini­mum de salaires.

Il faut en second lieu une vaste organisation des œuvres catholiques: cercles d'ouvriers, corporations, patronages, associations économiques, etc.

Mais la loi et les œuvres ne suffiront pas encore, il faut un retour à l'esprit chrétien, à l'esprit de charité chez le riche, à l'esprit de sacrifice chez tous, à l'esprit d'union et de support mutuel. Il faut pour cela que l'Eglise ait toute sa liberté, que les Ordres religieux puissent agir et se li­vrer à leur ministère.

Le Saint-Père l'a dit: L'Eglise seule possède la solution complète de la question sociale.

Il est beau de voir réunis dans les mêmes assises de paix et de charité, des évêques, des savants, des hommes politiques et des hommes d'œuvres de toutes les nations d'Europe: allemands, anglais, belges, espa­gnols, français, italiens, polonais. C'est bien là le cachet de l'Eglise ca­tholique.

Une lettre importante du cardinal Manning a produit une grande im­pression. Il a rappelé un principe fécond qui était le plus souvent perdu de vue: Les lois et les contrats qui règlent le travail et le salaire doivent être subordonnés aux lois et aux contrats qui règlent l'existance humaine et tout particulièrement le mariage.

Sainte-Anne d'Auray. - A Sainte-Anne d'Auray, c'est le congrès annuel de l'Union des œuvres catholiques ouvrières. Le charme du sanctuaire auprès duquel s'est tenu le congrès a multiplié ses membres. Ces congrès de l'Union sont toujours pratiques et féconds. Ils font moins de théorie que les congrès plus solennels. Ils n'ont pas à discuter des principes déjà connus; ce sont des réunions d'hommes d'œuvres qui se font part de leur expérience, qui décrivent modestement leur méthode et les résultats obtenus. C'est un bureau de renseignements, un vrai conseil d'affaires. Tous les ans ce congrès fait éclore, dans la région où il se tient, toute une floraison d'œuvres: cercles, patronages, confréries, cor­porations de métiers.

Issoudun. - En attendant que nous parlions avec plus de détails du Congrès d'Issoudun, disons au moins quelques mots sur cette belle réu­nion de la Fédération du Sacré-Cœur.

Le congrès a été précédé par la grande fête de la Nativité. Mgr l'ar­chevêque de Bourges a présidé les offices. Vingt mille pèlerins ont voulu à cette occasion rendre hommage à Notre-Dame du Sacré-Cœur. Le congrès a repris les questions déjà étudiées l'an passé: le règne social de l'Eucharistie, le règne du Sacré-Cœur. Il a étudié l'organisation de fra­ternités, de groupements destinés à promouvoir la reconnaissance du rè­gne social de Notre-Seigneur Jésus-Christ et à provoquer des actes pu­blics d'hommage et de consécration. La Fédération du Sacré-Cœur a fait depuis un an des progrès qui nous font bien augurer de son succès pour l'avenir.

Le jubilé de Paray-le-Monial. - Les fêtes du jubilié sont commen­cées. Les pèlerinages se multiplient. La Belgique a commencé, tous nos diocèses suivent. Une cinquantaine de prélats, cardinaux, archevêques et évêques ont promis leur visite. Le grand mouvement de 1873 se repro­duit. Chaque jour voit arriver à Paray un ou plusieurs pèlerinages; les pèlerins affluent surtout le vendredi. Ce jour-là le jardin de la Visitation est ouvert, la procession en parcourt les allées, et les pèlerins peuvent vé­nérer le lieu des apparitions de Notre-Seigneur. Les fêtes se continue­ront pendant tout le mois d'octobre. Un des plus beaux jours sera le 17. C'est le jour même du deuxième centenaire de la mort de Marguerite­Marie. En ce jour, la messe sera célébrée par Mgr l'évêque l'après-midi et Son Eminence le cardinal Foulon présidera la procession.

Le 10 et le 12 octobre c'est Son Eminence le cardinal Langénieux qui présidera les offices.

Ce grand mouvement de prières hâtera certainement la canonisation de Marguerite-Marie et le règne social du Sacré-Cœur.

CHRONIQUE (Novembre 1890)

Les Congrès. - C'est un fait bien important que tous ces Congrès où se réunissent les catholiques les plus éminents et les plus zélés. Nous avons ce mois-ci le Congrès catholique espagnol à Sarragosse, le Con­grès catholique italien à Lodi, le Congrès anti-esclavagiste à Paris, le Congrès des jurisconsultes catholiques à Angers. Toutes les grandes cau­ses qui intéressent le règne du Christ y sont traitées. Les évêques descen­dent dans la lice pour diriger les groupes. Ces Congrès correspondent aux conciles provinciaux et nationaux qui dénouaient toutes les difficul­tés sociales dans les âges de foi. Ils nous rappellent l'assemblée mémora­ble de Clermont, où le pape Urbain II, après avoir conféré avec les évê­ques, s'adressa à la foule et suscita la croisade.

La Chrétienté. - Les Congrès catholiques tendent à prendre un ca­ractère international. Ceux d'Anvers, de Liège, de Paris réunissaient des représentants de toutes les nations chrétiennes. Les Congrès natio­naux eux-mêmes accueillent volontiers des délégués étrangers. M. Windthorst en faisait la remarque à Coblence: «Nous avons tendu la main aux catholiques de Paris, disait-il, pour travailler en commun avec eux sur le terrain de la science. Nous avons également salué de loin les Congrès catholiques qui vont siéger prochainement à Liège et en Améri­que. Et ainsi se formera peu à peu la grande ligue du travail pacifique. Cette ligue sera seule capable d'imprimer assez profondément les idées de paix dans le cœur des nations, pour qu'on puisse enfin arrêter ces ar­mements qui épuisent nos ressources et nous détournent des arts et des travaux de la paix».

Les Français et les Allemands se sont rencontrés à Liège au Congrès des sciences sociales, à Paris au Congrès anti-esclavagiste. C'est bien l'esprit de l'ancienne chrétienté qui renaît. La charité du Sacré-Cœur y aidera. L'arbitrage international du Pape découle de la même source; il est question de l'appliquer au conflit anglo-portugais.

La fédération du Sacré-Cœur. - Nous revenons sur le Congrès d'Issoudun. La Fédération a sa raison d'être. C'est encore un grain de sénevé. Elle vivra et grandira. Elle proclame les droits royaux du Cœur de Jésus. Elle proteste contre le silence complaisant ou timide de ceux qui se contenteraient de voir l'Eglise mise au même rang que l'erreur dans la société civile. Elle travaille à rétablir la notion, le respect, la pra­tique des droits imprescriptibles du Christ. L'entreprise est hardie! ra­mener les nations à rendre un hommage public et social au Christ, cela peut paraître une utopie; mais non, le Sacré-Cœur par ses attraits puis­sants remportera cette victoire.

Qu'y a-t-il à faire pour le moment? Il faut répandre les vraies notions du règne social de Notre-Seigneur, former des comités, des groupes, provoquer la consécration et les actes d'hommages des communes en at­tendant l'hommage national. C'est à cela que s'applique la Fédération.

Les membres présents du Conseil de la Féderation, le R. P. Delapor­te, missionnaire du Sacré-Cœur, M. le vicomte de Damas, M. le baron de Sarachaga, le R. P. Sanna Solaro de la Compagnie de Jésus, M. de Pélerin et M. Millon d'Ainval ont été, avec M. l'abbé Garnier, les ora­teurs applaudis du Congrès. Ces hommes au zèle ardent ont l'esprit des Machabées; le petit nombre des soldats de Dieu ne les effraye pas et ne les décourage pas. M. l'abbé Garnier a rappelé l'exemple d'O'Connell allant tout jeune sous l'impulsion de sa mère, prendre part aux meetings et préparant le salut de la patrie. - M. de Pélerin a montré Christophe Colomb en face d'une trombe qui allait engloutir sa flottille, faisant un acte de foi, allumant des cierges bénits, récitant l'Evangile et détournant le péril. La foi des Associés de la Fédération doit être intense comme cel­le des Saints.

Paray-le-Monial. - Les fêtes de Paray suivent leur cours. Leur suc­cès est immense. La ville privilégiée ne désemplit pas. Le grand pèleri­nage de 1873 est dépassé. Les cardinaux, les évêques se succèdent au sanctuaire béni et s'en arrachent à regret.

Les processions dans l'enclos du monastère, chaque vendredi, ajou­tent un attrait puissant au pèlerinage. Que d'éspérances jaillissent de cette croisade de prières! Oh! oui, le Sacré-Cœur de Jésus régnera, com­me il l'a promis. Il règne sur des millions de cœurs déjà, il régnera sur les sociétés pour leur donner un renouveau de grâces, de joies, de vertus, de progrès.

Braisne. - Le Val-des-Bois. - Les hommes d'œuvres de la ré­gion du Nord ont fait ensemble une retraite à Braisne (diocèse de Sois­sons). Ils ont ensuite consacré trois jours à s'entretenir des œuvres, de leur méthode, de leurs progrès. Mgr l'évêque de Soissons est venu les encourager. La réunion s'est terminée par une visite au Val-des-Bois. C'était la fête de Notre-Dame de l'Usine, le 21 septembre, et la fête fut splendide: communions innombrables le matin, procession dans l'usine l'après-midi.

Mgr l'évêque de Liège avait tenu à témoigner par sa présence, de sa sympathie pour l'entreprise de régénération morale conduite par la fa­mille Harmel avec tant de persévérance et d'énergie, M. Félix Harmel, le fils du bon Père, a adressé à Monseigneur et aux hôtes qui l'accompa­gnaient une allocution bien sentie, dont nous allons donner le résumé.

Monseigneur,

«Vous n'êtes pas seulement notre père par le cœur, mais vous l'êtes aussi dans l'ordre de l'action et des idées sociales. Les enfants du cardi­nal Langémeux, que nous pouvons si justement nommer le cardinal des ouvriers, sont aussi les enfants de l'évêque de Liège, du puissant restau­rateur de la dignité et de la liberté populaires».

«Monseigneur, au nom de notre peuple et au nom des travailleurs français, auxquels le bon Père a consacré toutes les vaillances de sa vie, permettez que nous vous remercions. Oui, vous êtes l'êcho de la voix tendre et puissante de Léon XIII qui appelle le monde catholique à l'étu­de des questions sociales. Cette lumière du ciel trouve dans votre âme un miroir fidèle».

«Et vous, Messieurs, vous qui, après les fatigues d'une longue retrai­te, n'avez pas craint d'y ajouter celles de cette visite, soyez aussi remer­ciés. Car vous nous permettez d'accomplir la mission sociale de notre fa­mille, en venant au milieu de notre petit peuple constater la résurrection morale produite par l'action de ses membres. Il a suffi de souffler sur la cendre qui recouvrait le feu de la charité mutuelle et du dévouement, pour faire surgir l'initiative, l'apostolat mutuel, le sacrifice volontaire. Oui, Messieurs, vous le savez mieux que nous, dans les combats que li­vre l'amour pour le salut du peuple, les efforts deviennent des victoires, les essais se changent en succès rapides».

«Christ et Liberté! Telle est la fière devise que le bon Père a fait accla­mer par les ouvriers dans les conférences populaires. Il y a au fond des âmes des travailleurs un sentiment, parfois inconscient, mais réel, que la liberté a le Calvaire pour origine et pour patrie. Ils sentent que la liberté ne sera qu'un mot décevant, tant que Jésus-Christ ne sera pas proclamé le Roi des nations».

«Nos vies, nos intelligences, nos cœurs, sont consacrés à ce noble but, et je résume les sentiments de la famille en acclamant Léon XIII, notre bien-aimé Pontife, en souhaitant longue vie à notre éminent cardi­nal et à Sa Grandeur Mgr l'évêque de Liège, que nous confondons dans un même sentiment d'amour et de respect. Pour vous, Messieurs, nous formons les vœux les plus ardents afin que votre action sacerdotale trou­ve sa récompense par l'extension du règne de Jésus-Christ autour de vous».

Monseigneur a répondu de la façon la plus aimable, en exprimant les espérances que le dernier Congrès réuni par ses soins à Liège, permet d'entrevoir.

CHRONIQUE (Décembre 1890)

Les fêtes de Paray. - Les voilà terminées ces belles fêtes, elles ont eu leur apogée le 17 octobre. Ce jour-là neuf évêques et vingt mille pèle­rins rendaient un splendide hommage au Sacré-Cœur et à son humble servante, Marguerite-Marie.

Ce sont les idées qui préparent les actes et les rénovations de la vie pu­blique. Il est intéressant de suivre les enseignements donnés par les maîtres de la chaire chrétienne dans les solennités chrétiennes. Un thè­me s'impose à eux. Ils nous disent tous les amabilités, les souffrances, les désirs de Notre-Seigneur. Ils nous exhortent à l'amour de Celui qui a tant aimé les hommes. Ils nous disent sa miséricorde pour les pécheurs et nous excitent au zèle et à la charité pour le prochain, pour les petits et les déshérités. Ils nous montrent Notre-Seigneur appelant les âmes à son in­timité, à l'esprit de prière, à l'esprit de confiance et d'abandon. Ils nous appellent à la dévotion envers l'Eucharistie. Ils nous encouragent par le récit des promesses faites à la dévotion eucharistique et nous montrent dans le Sacré-Cœur un médiateur nouveau entre Dieu et les hommes pour préparer une rénovation générale.

La source ouverte à Paray désaltérera le monde entier. Nous vou­drions voir les foules se porter là périodiquement. Pour cela, nous émet­tons l'humble vœu que Mgr l'évêque d'Autun institue à Paray, avec l'assentiment du Saint-Siège, un jubilé périodique, comme cela a lieu pour certains pèlerinages. Le jardin mystérieux serait ouvert aux proces­sions dans ces grands jours, tous les sept ans par exemple ou plus sou­vent. Les pèlerins ne feraient jamais défaut et la source salutaire abreu­verait un grand nombre d'âmes.

La très sainte Vierge, apôtre du Sacré-Cœur; Notre-Seigneur de Pellevoisin. - Le pèlerinage de Pellevoisin (Indre) gagne en éclat cha­que année. La très sainte Vierge s'est manifestée là en 1876 pour recom­mander le scapulaire du Sacré-Cœur. Elle a prouvé l'authenticité de sa parole par une guérison miraculeuse. La confrérie du scapulaire, erigée par Mgr l'archevêque de Bourges en 1877, compte déjà 184,000 asso­ciés. C'est à ce scapulaire que la sainte Vierge attache ses grâces à Pelle­voisin. Cette année, au 9 septembre, plus de 60 prêtres et 5,000 pèlerins étaient réunis pour le pèlerinage annuel. M. l'abbé Garnier a pris la pa­role. Il a montré dans le Sacré-Cœur le médiateur nécessaire dans nos besoins présents, et dans la sainte Vierge l'apôtre du Sacré-Cœur. «Marie, a-t-il dit, est venue à Pellevoisin faire un appel désespéré en fa­veur de la dévotion au Sacré-Cœur, qui peut désormais sauver le monde et régénérer la France». - Nous engageons nos pieux lecteurs à deman­der des scapulaires et notices à M. le curé de Pellevoisin (Indre).

Le Saint-Sacrement et les retraites ecclésiastiques. - Les ecclé­siastiques dans leurs retraites annuelles, ont besoin de puiser au Cœur de Jésus le pardon de leurs faiblesses, la consolation dans leurs peines, la lumière et la force pour leurs travaux apostoliques. Aucune pratique ne peut mieux les aider que l'exposition du Saint-Sacrement. Cette année, plusieurs journées et une nuit d'adoration ont eu lieu pendant les retrai­tes sacerdotales de Bayonne, Saint-Claude, Saint-Flour, Beauvais et Tarbes. Y a-t-il rien de plus touchant que cette prière silencieuse des prêtres, des apôtres, des amis privilégiés du Sauveur? Ces adorations rappellent les longs entretiens de Notre-Seigneur avec ses douze apôtres. Comment se fait-il qu'on n'y ait pas pensé plus tôt? La multiplicité des expositions du Saint-Sacrement est encore une grâce du règne du Sacré­Cœur. Nous engageons les prêtres qui nous lisent à demander l'adop­tion de cette coutume dans leurs diocèses.

L'action catholique. - Notre-Seigneur est venu, nous a-t-il dit, pour que nous ayons la vie et la vie abondante (Joan. 10,10). Cette vie n'est pas seulement la sanctification personnelle, c'est l'action, c'est la vie sociale chrétienne. Les maîtres, les directeurs de cette vie chrétienne, ce sont les successeurs des apôtres. Nous avons vu dans ces derniers mois, à Fulda, à Liège, à Saragosse, les évêques d'Allemagne, de Belgi­que et d'Espagne préparer et diriger les congrès catholiques. En Allema­gne les évêques viennent de publier une Instruction commune sur la question sociale. Pourquoi faut-il, hélas! que notre situation politique arrête en France tout élan pour le bien? Nous aspirons après le moment où nos évêques pourront, sans craindre d'injustes persécutions, se réunir par provinces et diriger d'importants congrès. La France serait bientôt redevenue chrétienne. On a dit avec raison que les évêques ont fait la France, mais l'histoire ajoute qu'ils ont trouvé un grand concours, une grande force dans les réunions fréquentes, conciles provinciaux et natio­naux, qui remédiaient avec une autorité irrésistible aux maux contem­porains. Les assemblées récentes de Liège et de Saragosse susciteront des imitations. Elles seront le point de départ du renouvellement de l'action salutaire de l'Eglise dans la vie sociale et publique des peuples.

Les saints nouveaux: Un signe des temps. - La cause de Christo­phe Colomb est en bonne voie; on espère qu'il pourra être béatifié le 12 octobre 1892 pour les fêtes de son centenaire.

Le Saint-Esprit connaît et applique à l'Eglise les sublimes opportuni­tés de la Providence divine. Les besoins actuels de l'Eglise sont le déve­loppement de l'apostolat chez les peuples nouveaux, et le retour des vieilles nations européennes au règne social du Christ. L'Esprit-Saint nous donne pour cela des modèles et des protecteurs, il inspire à l'Eglise de canoniser les héros de l'apostolat et ceux de la politique chrétienne: Colomb, Jeanne d'Arc, Chanel, Perboyre, les martyrs de la persécution anglaise et en particulier Marguerite-Marie, l'apôtre du règne social du Sacré-Cœur. A bientôt, nous l'espérons, la canonisation de Garcia Mo­reno. Jeanne d'Arc, Marguerite-Marie et Garcia Moreno seront les fon­dateurs et les soutiens du règne du Sacré-Cœur.

Les églises votives du Sacré-Cœur. - Le gouvernement du Vene­zuela vient de promettre au Sacré-Cœur un temple national. Toutes les nations y arriveront. Il semble cependant que notre pauvre France, si coupable d'ailleurs, a montré pour cela un zèle exceptionnel. Montmar­tre glorifie dignement le Sacré-Cœur et par la splendeur de la Basilique et par la foi ardente qui s'y manifeste dans les adorations quotidiennes et dans les pèlerinages périodiques.

L'Equateur nous a devancés par sa consécration officielle, mais pour l'église votive, elle n'y est encore qu'à l'état de pieux désir. L'excellent journal La Croix annonçait l'autre jour que la Basilique de Quito s'ache­vait; c'est une nouvelle prématurée, on en a seulement posé la première pierre.


1)
Indépendamment de l’Encyclique, le Saint-Père affirme, par le Décret du 30 jan­vier, cette necessité de la pénitence, que nous rappelions tout à l’heure: «Sa Sain­teté désire que… les fidèles s’adonnent avec plus de zèle aux œuvres de piété qui sont de nature à attirer la clémence divine. Elle les exhorte à s’efforcer de fléchir et d’apaiser le Seigneur, en exerçant la charité envers les pauvres, en assistant dans les églises aux prières et aux saints Offices et en fréquentant les sacrements; car il est évident que le grand nombre des maux qui nous affligent doit être attribué à la justice divine, in­fligeant aux hommes de justes peines pour le vaste débordement des crimes». – Les termes pourraient-ils être plus significatifs?
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