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CHRONIQUE (Janvier 1894)

I. LA QUESTION RELIGIEUSE ET SOCIALE

L'Encyclique sur les saintes Ecritures. -L'Ecriture sainte, c'est la parole de Dieu, c'est le code du règne de Dieu dans l'ancienne Loi, du règne de Jésus-Christ et de son Cœur sacré dans l'Evangile.

Ce merveilleux trésor allait se dilapidant. Les protestants, après avoir longtemps vénéré l'Ecriture sainte, finissent par en exclure tout le surna­turel pour n'y plus voir qu'un récit purement humain.

Une école nouvelle de catholiques, qui sont timides devant l'erreur et qui réservent toute leur hardiesse contre l'Eglise et la tradition catholique, pré­tend restreindre l'inspiration divine à quelques textes dogmatiques.

Mais la sentinelle suprême de l'Eglise veillait, et le Souverain Pontife nous rappelle à la vérité.

La sainte Ecriture a bien Dieu pour auteur dans toutes ses parties, nous dit-il. C'est la foi de l'Eglise, définie par les conciles. Elle est, selon l'expression de saint Augustin, comme une lettre accordée par le Père céleste au genre humain voyageant loin de la patrie, et transmise par les auteurs sacrés.

Comme livre simplement historique, l'Ecriture sainte nous atteste et nous prouve la mission du Sauveur, sa divinité et l'institution de l'Eglise. Proposée ensuite comme livre sacré par l'autorité divine de l'Eglise, elle nous donne la règle des mœurs et de la piété.

Il n'est pas vrai, comme le disent les protestants, que l'Eglise en ait fait trop peu de cas. Elle l'a étudiée, publiée, commentée de mille maniè­res. C'est la gloire des Pères de l'Eglise, des scholastiques et des théolo­giens de tous les siècles.

Et le Saint-Père nous engage à développer encore les études bibliques, en nous aidant des langues anciennes, des monuments de l'histoire, des sciences naturelles et des règles d'une sage critique.

Le Saint-Père loue et bénit les fondations qui seraient faites auprès des universités catholiques pour frais d'études, de voyages ou récómpenses de travaux exégétiques. La vérité révélée ne craint pas la lumière.

Mais il faut dans ces études garder les règles de l'interprétation ortho­doxe. L'Ecriture sainte ne peut contenir aucune erreur dans aucune de ses paroles. Si l'on croit y rencontrer une erreur, c'est que le texte est dé­fectueux ou que l'interprétation est erronée. Il faut alors suspendre son jugement et attendre. La lumière se fera, comme cela est arrivé déjà pour des textes qui n'ont été compris qu'après certaines découvertes his­toriques ou scientifiques.

Merci au Pontife vénéré qui a vengé le code du règne de Dieu et les paroles tombées des lèvres et du Cœur du divin Maître.

Le programme maçonnique. - Le royaume de Satan aussi a ses conciles. Le Grand-Orient de France a eu son synode national en sep­tembre dernier. On en trouve les décrets et statuts dans une brochure publiée par Mgr Fava chez Baratier, libraire à Grenoble, et intitulée: Le Convent maçonnique des I1-15 septembre 1893.

La Maçonnerie n'a qu'un dogme: Delenda Ecclesia, il faut détruire l'Eglise. Les commandements de son décalogue sont connus: Séparation de l'Eglise et de l'Etat; suppression du budget des cultes; application in­tégrale des lois scolaires et militaires; suppression des congrégations; confiscation de leurs biens; etc.

C'est une obsession. Ces braves gens commencent à en être un peu confus. Il ne faut pas, disait l'un d'eux, le F. Merchier, à leur commis­sion de propagande, que nous restions ainsi hypnotisés par la question religieuse; mettons donc à l'étude quelques questions sociales: la reprise des monopoles (chemins de fer, banques de France, mines); l'assistance publique intégrale; l'impôt sur le revenu; la suppression de l'héritage en ligne collatérale.

Il y a bien encore la question de la propriété, mais on ne l'aborde qu'avec prudence. Les loges ont beaucoup de petits bourgeois et de commerçants; elles n'aiment pas les pauvres, d'ailleurs.

Mais ces études sont surtout pour la galerie. Il ne faut pas paraître hyp­notisés sur la question religieuse: hypnotisés par qui? sans doute par l'ai­mable chef de ce royaume, Satan lui-même, l'ennemi irréconciliable de Dieu et de l'Eglise.

La vieille chanson. - «Vous avez ôté au peuple la vieille chanson de la foi catholique qui calmait ses douleurs par l'espérance du ciel, il réc­lame maintenant sa part des joies de ce monde». Ce sont les paroles de M. Jaurès au parlement. Et M. l'abbé Lemire applaudissait cette définition si exacte de l'influence opportuniste, donnée par un député socialiste.

Le socialisme est logique, l'opportunisme ne l'est pas. Si nous n'avons plus à espérer le ciel, disent les socialistes, donnez-nous au moins une place au banquet de la vie.

L'opportunisme franc-maçonnique voudrait tout retenir, et l'indé­pendance vis-à-vis de la foi, et la fortune en face des travailleurs angois­sés. Son règne passera.

La doctrine opportuniste est profondément égoïste. La doctrine socia­liste a quelque chose de généreux, mais d'une générosité toute terrestre et matérielle.

La doctrine catholique seule a les promesses de la terre comme celles du ciel. Elle nous presse, elle fait appel à notre conscience. Elle dit à tous: si vous ne pratiquez la justice et la charité, vous n'aurez point part au royaume des cieux et vous verrez la souffrance et la misère actuelles se perpétuer sur la terre.

La doctrine sociale catholique reçoit une lumière nouvelle des rayons du Sacré-Cœur. Ayons confiance, elle s'imposera à tous les esprits sin­cères.

Réformes. - Il en faut, c'est entendu. Bien des choses vont mal: et l'administration, et la justice, et les finances, et l'industrie, et le com­merce et l'instruction publique, etc. Et chacun apporte son programme de réformes.

Mais le programme n'est souvent qu'un boniment, et la bonne foi est rare. Le charlatanisme a toujours du succès.

Cependant peu à peu certaines vérités s'imposent. Le socialisme et l'opportunisme empruntent à nos congrès catholiques certaines revendi­cations de leur programme social. Soit! Nous désirons le bien assez loya­lement pour l'aimer même quand il est fait par les autres.

Mais l'Eglise seule a un programme complet de réformes. Saint Paul l'a formulé: «Instaurare omnia in Christo. Tout restaurer dans le Christ». Faire régner la paix sociale et la somme de bonheur temporel que com­porte ce bas monde, par la pratique de la justice et de la charité, et réser­ver à l'autre monde les dernières compensations, réparations et récom­penses.

II. FRANCE

Prières publiques. - En demandant des prières publiques à l'occa­sion de la rentrée des Chambres, le pieux cardinal de Paris a été bien ins­piré. Il nous a montré la France de 1802 se ressaisissant et revenant à la religion traditionnelle.

Le conseiller d'Etat Portalis était bien l'interprète du sentiment géné­ral dans ses discours au Corps législatif sur l'organisation des cultes. «Les lois et la morale ne sauraient suffire, disait-il; les lois n'arrêtent que le bras, la religion règle le cœur».

Les assemblées départementales réclamaient l'éducation religieuse. «Il est temps, disait-on, que les théories se taisent devant les faits. Point d'instruction sans éducation, sans morale et sans religion».

Il avait fallu aussi rappeler les communautés religieuses pour réorga­niser les établissements hospitaliers.

Nous avons renouvelé les essais de la Révolution. La France est de nouveau dans un malaise indéfinissable. La criminalité se multiplie, sur­tout parmi les enfants. Le désordre règne dans l'assistance publique.

Un nombre immense de bons esprits voudraient revenir, en arrière et signer la paix avec l'Eglise. Mais les francs-maçons doublés des juifs tiennent bon et en font accroire à la France.

Patience, prions. L'heure de Dieu approche.

Cérémonies réparatrices. - Le centenaire de l'année terrible s'achè­ve. Notre chère France n'a pas trop manqué de tenue. A-t-elle assez pro­voqué la miséricorde divine!

Les dates les plus sinistres, le 21 janvier, par exemple, n'ont pas été fê­tées officiellement. Ce jour-là même une infinité de messes réparatrices ont offert à Dieu le sang divin qui criait miséricorde, pour lui faire ou­blier le sang du martyr, qui criait vengeance.

L'année s'est bien terminée par les belles et touchantes cérémonies ré­paratrices de Notre-Dame de Paris et de sainte Geneviève. Réparation d'honneur a été faite à Marie notre mère, à sainte Geneviève, notre pro­tectrice et aux chers Saints amis de la France dont les reliques avaient été profanées dans des jours de délire.

Le 12 novembre, c'était à Notre-Dame et le 3 décembre c'était a Saint- Etienne-du-Mont que l'hommage réparateur était offert par le clergé, les fidèles et les associations catholiques de Paris à Jésus-­Eucharistie, d'abord, puis à Marie, notre reine et patronne, puis aux Saints de France, saint Denis, le grand évêque venu d'Athènes; sainte Geneviève, l'humble vierge de Nanterre; les saints évêques Marcel et Germain; saint Landri, le fondateur de l'Hôtel-Dieu; sainte Clotilde, la pieuse reine; saint Louis, le plus grand de nos rois; nos grands docteurs, saint Thomas, saint Bonaventure; saint Vincent de Paul, l'ami des pau­vres.

Leurs reliques et d'autres encore étaient portées en procession à Notre-Dame. Que ce serait beau et bon si tous ces chers et puissants pro­tecteurs recevaient tous les ans les hommages et les prières de la France représentée par les autorités sociales! Comme les bénédictions divines nous seraient bientôt rendues!

Encore les Russes. - Pauvre France gouvernementale! Elle a été toute ébahie de voir des gens qui prient et qui pratiquent la religion sans respect humain! Elle en a bien été un peu troublée, mais ce monde est blasé. Voltaire et Rousseau leur ont faussé l'esprit et la franc-ma­çonnerie leur a gâté le cœur. Ils ne voient pas que leur vie sans religion est contre nature. La pauvre France catholique est réduite à recevoir des leçons de la Russie schismatique.

Nos gouvernants ont fait cependant quelque peu les dévots à Marseil­le, à Toulon et même à Paris aux funérailles de Mac-Mahon. Ces braves rougissent de leur foi devant les loges et de leur indifférence devant les Russes.

Cette visite est cependant une bénédiction pour les deux peuples. La France a reçu une leçon de vie sociale chrétienne, en voyant ces marins rendre hommage à Dieu de toutes manières sans la moindre hésitation.

La Russie s'habituera aux relations avec les catholiques et par eux avec Rome. Elle a été touchée de l'empressement de nos évêques à prier pour elle. Cent mille personnes ont prié pour les Russes au Te Deum de Montmartre et l'empereur de Russie en a fait remercier le cardinal­archevêque de Paris. C'est bien le Sacré-Cœur, comme l'a dit le vénéra­ble cardinal, qui bénira l'amitié qui unit ces deux grands peuples.

III. AUTRES PAYS

Angleterre: l'église du Sacré-Cœur à Londres. - Le troisième di­manche d'octobre a eu lieu la bénédiction solennelle de la nouvelle église paroissiale élevée par les Salésiens en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus au quartier de Battersea à Londres. Le monument est digne de son beau vocable.

Puisque le règne du Cœur de Jésus gagne ainsi et s'étend de proche en proche, n'en devons-nous pas attendre avec confiance les miséricor­dieux effets?

Allemagne: présages favorables. - Le parlement a voté le retour des jésuites et des congrégations. Il faut espérer que le Conseil de l'Em­pire ratifiera cette décision. L'apostolat catholique retrouvera en Alle­magne un puissant renfort.

Les statistiques ont constaté et l'empereur a reconnu dernièrement que le socialisme se recrute dans les provinces protestantes et ne gagne pas de terrain dans les campagnes catholiques.

Si la vérité catholique pouvait convaincre les deux hommes qui ont en Europe le plus d'autorité personnelle, Alexandre III et Guillaume II, quel profit il y aurait pour l'Eglise! Demandons-le au Sacré-Cœur de Jé­sus.

Etats-Unis: le jour d'action de grâces. - Le 30 novembre, c'était aux Etats-Unis le «Thanksgiving day». C'est le jour annuel de prières publiques et nationales. Avec quelle simplicité et dignité le Président y invite ses concitoyens!

«Il est bon, leur dit-il, que chaque année un jour soit spécialement consacré au souvenir des bienfaits dont nous a comblés la main de Dieu et à l'expression de notre reconnaissance pour son amour et sa bonté».

«En ce jour, laissons de côté nos travaux et nos occupations ordinaires et assemblons-nous dans nos églises pour élever en commun notre tribut de louanges et de reconnaissance jusqu'au trône de grâce.».

«Que la réunion des parents et des amis donne à ce jour la joie et le bonheur, et que les dons généreux de la charité pour le secours des pau­vres prouvent la sincérité de nos actions de grâces!».

Espérons que tous nos parlements d'Europe vont bientôt voter le «Thanksgiving day».

Espagne: le congrès eucharistique à Valence. - Il n'est peut-être pas de nation catholique qui ait une réserve de foi et de vie religieuse plus riche que l'Espagne. Cela se manifeste à chaque occasion favorable.

Il y a peu de temps se tenait un congrès eucharistique à Valence. Vingt évêques y ont pris part. Un général y représentait la reine­régente. Soixante-dix villes y avaient envoyé leur clergé, leurs confré­ries, des officiers, des magistrats. Des troupes formaient la haie pour la merveilleuse procession qu'annonçaient vingt et un coups de canon. On avait réuni autour du Saint-Sacrement les plus belles œuvres d'orfèvre­rie dont l'Espagne est si riche.

Comme cela est consolant de voir Notre-Seigneur traité en roi par un grand peuple!

CHRONIQUE (Février 1894)

I. LA QUESTION RELIGIEUSE ET SOCIALE

Les droits de Dieu. - A l'occasion de l'attentat commis à la Cham­bre française, le cardinal Thomas, archevêque de Rouen, publie une belle lettre pastorale pour nous inviter à reconnaître et à proclamer les droits de Dieu.

L'éminent cardinal montre où nous conduit l'athéisme social.

La science a cru pouvoir se passer de Dieu, dit-il; mais, comme le re­marque un savant contemporain, l'éclipse momentanée de la grande idée centrale assombrit ce merveilleux monde moderne, malgré ses sciences et ses découvertes. Tout est progrès, tout est force, et tout man­que de grandeur. Les caractères sont atteints, ébranlés. Les conceptions faiblissent. Il n'y a plus d'ensemble, plus d'harmonie dans le poème de la nature.

Ce n'est pas tout. Le positivisme supprime la conscience, la responsa­bilité, la morale. Il ne laisse subsister que la science et la force. Les fana­tiques de l'idée nouvelle ne s'arrêtent pas en chemin, et voici que la science impie s'étonne de voir l'application logique de ses principes. Elle ne croyait pas servir à démontrer par le nihilisme, où elle conduit, l'utili­té de Dieu.

La patrie aussi succombe. La patrie, c'est l'union des dévouements et des souvenirs. C'est la fierté d'une mission providentielle. Otez Dieu de la patrie et il ne reste plus qu'une société d'affaires et d'intérêts que mi­nent sourdement les rivalités et l'envie.

Le seul moyen de salut est de rappeler Dieu dans la famille et dans la société.

Avec l'éminent cardinal de Rouen, nous supplions notre pays de ter­miner par la déclaration des droits de Dieu la guerre néfaste commencée il y a cent ans par la déclaration des droits de l'homme.

L'enseignement de l'histoire. - Cet enseignement, dans la plupart de nos manuels classiques, et en particulier dans l'Université n'a plus rien de chrétien. Il est purement rationaliste. Il contient même tous les germes de l'esprit révolutionnaire.

Prenez un des livres où nos écoliers apprennent l'histoire de France, vous y verrez excuser les Gueux et les Jacques. Ils étaient si malheureux, dit-on! Vous y verrez justifier les Camisards, glorifier les assaillants de la Bastille, les vainqueurs du 10 août, les insurgés de juillet et ceux de 1848. L'histoire que l'on enseigne est un cours continuel de révolution et d'anarchie.

Et l'on s'étonne ensuite de voir la logique brutale du peuple la condui­re à l'assaut du pouvoir et de la fortune!

C'est toute l'histoire politique et toute l'histoire sociale qui sont faus­sées. Le rationalisme étend devant nos yeux, un voile qui nous cache l'action divine et l'action de l'Eglise.

Il y a un réveil cependant. La vérité se fait jour. Des œuvres surgis­sent, lumineuses comme la vérité, œuvres d'ensemble et œuvres de dé­tail. Il faut lire la «Véritable histoire de France» publiée en petites bro­chures illustrées chez M. Paillart à Abbeville et surtout deux beaux volu­mes tout récents: «La Fondation de la France» par Lecoy de la Marche chez M. Desclée à Lille et «La Mission de la France» par Mgr Ricard, chez Firmin-Didot à Paris.

M. Lecoy de la Marche nous décrit l'établissement du christianisme en Gaule, le rôle social des évêques, l'œuvre des moines, le concours donné à l'Eglise par Clovis et ses successeurs.

Combien ces figures de rois chrétiens, évoquées par saint Eloi dans sa lettre à Clovis II. Il ressemblent peu aux portraits qu'en tracent nos ma­nuels d'histoire!

«Clovis, l'auteur de notre race, dit le saint évêque, eut trois fils de la reine Clotilde: Childebert, Clotaire et Clodomir. Dans Childebert, la sa­gesse et la condescendance furent poussées à ce point qu'il aima d'un amour paternel non seulement les grands mais les humbles; et quicon­que prononce son nom, prêtre ou laïque, lève les mains au ciel en recom­mandant son âme, d'autant qu'il fut toujours généreux et prodigue de largesses pour les églises des saints et pour ses compagnons de guerre. Clotaire l'ancien, qui eut cinq fils et de la lignée duquel vous descendez, fut puissant en œuvres et en paroles: il conquit la terre, il gouverna les fidèles. Telle était sa bénignité selon Dieu, que non seulement il parais­sait juste dans ses œuvres, mais qu'il vivait comme un pontife dans le siècle. Il donna des lois aux Francs et bâtit des églises. Vous donc, mon très doux Seigneur, puisque vos pères ont eu tant de sagesse et de doctri­ne, conduisez-vous en toutes choses comme il convient à un roi… Sachez que vous êtes le ministre de Dieu, établi par lui pour être l'auxiliaire de tous ceux qui font le bien, le punisseur de tous ceux qui font le mal… Honorez les prêtres; apaisez avec douceur les plaintes du peuple. Si vous observez cela, Dieu prolongera votre vie et votre domination…».

Nous ne saurions décrire en quelques lignes l'œuvre de Mgr Ricard. Dans un superbe volume, riche en gravures et très documenté, il nous montre l'action constante de la Providence dans la nation que Dieu a choisie pour en faire la fille aînée de l'Eglise.

Il fait passer sous nos yeux dans des études aussi solides qu'intéressan­tes, le baptême des Francs à Reims, la formation de la nation chrétien­ne, le succès providentiel de Charles-Martel sur Abderame et les Sarra­zins, les Lombards vaincus par Pépin-le-Bref, Charlemagne constitué le défenseur de l'Eglise.

Puis c'est la grande épopée des croisades; la chevalerie et sa vaillance toute idéale; le siècle de saint Bernard et de Suger; le grand roi saint Louis; Jeanne d'Arc, la nouvelle Judith; la ligue sauvant la France du protestantisme; Louis XIII et le royaume de Marie; le grand siècle: le siècle du Sacré-Cœur avec les manifestations divines à Paray et à Mar­seille; les martyrs de la Révolution; les martyrs du Sacré-Cœur en Ven­dée; la résurrection politique en 1802; la renaissance chrétienne en 1815; la dernière croisade en Algérie; la France apôtre par ses œuvres et ses missions.

Il faut que ces volumes soient à tous les foyers chrétiens pour combat­tre le poison du rationalisme que répandent sans cesse les manuels classi­ques et les histoires universitaires et académiques.

Les Protestants et l'Encyclique sur les études bibliques. - Léon XIII a le génie d'un grand capitaine. Il a l'intuition des grandes situa­tions à prendre pour entraîner après lui les hommes de bonne volonté. Ses encycliques sur l'esclavage et sur la condition des ouvriers lui ont ga­gné la sympathie de tous ceux qui ont un cœur humain et juste.

L'Encyclique sur l'Ecriture Sainte a produit une impression profonde chez les Protestants de bonne foi. Un des Pasteurs les plus influents d'Angleterre, le célèbre Père Ignace, fondateur des moines anglicans ex­prime avec loyauté son enthousiasme. «La foi divine, fière et inébranla­ble, dit-il, que professe l'Encyclique pour les Saintes Ecritures, en présence de tout le monde de la science et de l'incrédulité, n'est rien moins qu'admirable. C'est le Saint-Esprit qui a dicté ces sages et vaillantes pa­roles. Ce second Léon-le-Grand a illuminé le monde d'un torrent de foi céleste qui doit consoler et rassurer tous les fidèles disciples de Jésus­Christ.

«Les Protestants de toutes dénominations font tout leur possible pour faire perdre la foi aux Saintes Ecritures, et voici que le Pape de Rome fait hardiment et noblement entendre sa voix pour rassurer les cœurs chancelants……

«Plût à Dieu, que notre archevêque de Cantorbéry suivit l'exemple du Pape!…».

«Si les autorités de l'église anglicane n'osent plus se poser comme les défenseurs des Saintes Ecritures, ils doivent s'attendre tôt ou tard à des défections sans exemple au profit de l'Eglise de Léon XIII».

Nous acceptons cet heureux présage du vénérable Pasteur et nous ai­derons par nos prières à sa réalisation.

II. FRANCE

Voix épiscopales. - Tous nos évêques ont eu l'occasion d'exprimer leurs sentiments soit aux réceptions du nouvel an, soit en publiant les nouveaux réglements relatifs aux fabriques. Leur ton en général est tris­te, quoique sans découragement.

La France officielle n'a compris ni les avertissements donnés par l'anarchie, ni les exemples de foi de notre nouvelle alliée la Russie. La persécution inspirée par les Loges continue. La loi sur les Fabriques est venue s'ajouter aux lois néfastes sur l'enseignement laïc et l'enrôlement des clercs.

«Les temps sont bien mauvais, dit Mgr l'évêque de Versailles. L'Eglise traverse une période de douloureuses persécutions».

«Les temps sont difficiles et les épreuves douloureuses, dit Mgr l'évê­que du Puy. L'Eglise voit ses libertés et ses droits méconnus, son action de paix et de salut à l'égard des peuples paralysée par des entraves nou­velles».

«L'âme chrétienne, dit Mgr l'évêque de Montauban, ne saurait se défendre contre la tristesse à la vue des cruelles épreuves que l'ingratitu­de et la méchanceté font, depuis quinze ans, subir à la sainte Eglise».

«Nous avons espéré en vain, dit Mgr l'évêque d'Aire, en voyant les exemples religieux d'une nation amie et les excès de l'esprit révolution­naire, qu'il y aurait un point d'arrêt le long de ce calvaire que sans relâ­che on nous fait gravir depuis qu'a été prononcée la trop fameuse parole: Le cléricalisme, c'est l'ennemi».

«J'ai besoin, dit son Eminence le Cardinal de Toulouse, de me sentir soutenu par les vœux et les prières de mon clergé, dans les jours mau­vais que nous traversons. Une secte impie a juré l'anéantissement du christianisme. Elle espère y réussir par une persécution lente, méthodi­que et inexorable. Son programme, élaboré dans le secret, se manifeste chaque jour et s'accomplit avec une malice que rien ne décourage et n'arrête».

Nous pourrions continuer ainsi indéfiniment.

Cependant tous ajoutent: recourons à la prière et agissons autant que nous le pouvons avec une pleine confiance en Dieu.

«Il ne faut pas exagérer, dit Mgr du Puy, et encore moins se découra­ger. La réaction ne se fait pas tout d'un coup. Malgré les apparences, il faut encore avoir au cœur une pensée d'espérance. Une chose me frappe entre toutes, c'est le spectacle de l'inaltérable confiance du Souverain Pontife».

«Nous ne devons pas perdre confiance, dit son Eminence le cardinal de Toulouse. Redoublons de prières pour contraindre la divine Provi­dence à nous secourir. Montrons-nous de plus en plus les hommes de Dieu par l'intégrité de notre vie et par l'activité de notre zèle, afin de for­cer les hommes à aimer l'Evangile que nous leur enseignons.

Profitons de ces leçons et gardons notre imperturbable espérance.

Christianisme ou socialisme. - Les excès où nous tombons éclai­rent au moins les hommes droits, justes et sensés, quand même ils ne se­raient pas chrétiens.

Après les derniers attentats anarchistes, M. Jules Simon écrivait: «Il faut aux peuples une foi religieuse. La religion seule atteint les âmes as­sez profondément pour y guérir la fièvre des plus mauvaises passions».

A la vue des progrès de la criminalité dans l'enfance et dans la société, la Revue des Deux-Mondes a dit: «Tout ce que le gouvernement fait contre l'enseignement chrétien dans l'école, dans les universités, tourne au profit du socialisme révolutionnaire. Si le christianisme possède la vé­rité éternelle et sociale, l'école neutre est une folie. Si le christianisme n'est pas la vérité, c'est le socialisme révolutionnaire qui a raison. Quand donc comprendra-t-on que par la politique scolaire actuelle on a ouvert la grande voie par laquelle passera la révolution socialiste, qui n'édifiera rien et n'aménera que des ruines? Certes oui, il faut une réfor­me sociale, mais cette réforme, elle se fera par l'Evangile, ou elle ne se fera pas».

III. AUTRES PAYS

Russie. - L'impression favorable à l'union des églises se propage en Russie. Ecoutons deux témoins dont le langage est bien saisissant.

Le général Bogdanovich écrivait à son Eminence le cardinal­archevêque de Paris: «Toute la pieuse Russie vous est reconnaissante d'avoir consacré par la prière et la bénédiction céleste les liens de sincère amitié qui unissent la France à la Russie. J'éprouve, comme chrétien, une vive allégresse en pensant à ces récentes solennités où la Russie et la France ont pour la première fois, mais non pour la dernière, uni leur prière devant l'autel dans un même sentiment religieux».

Plus récemment, l'éminent philosophe russe, Vladimir Soloview don­nait une conférence au Cercle du Luxembourg. Il avait à ses côtés l'au­mônier du Cercle, le R. O. Charmetant, M. l'abbé Duchesne et d'au­tres personnages ecclésiastiques.

Il voit dans l'union de la Russie et de la France un rapprochement du christianisme de l'Orient avec celui de l'Occident. Il admire la papauté proposant la vraie solution de la question sociale dans la pratique de la justice et de la charité. Il regrette l'indifférence religieuse du peuple fran­çais et l'hostilité de son gouvernement envers l'Eglise.

Il souhaite enfin que l'union de la Russie et de la France se consolide par l'appui d'une même foi religieuse sous la protection des deux grands apôtres de l'Occident et de l'Orient, saint Pierre et saint Jean.

Puissent les prières des deux peuples hâter cette union religieuse qui apporterait le plus puissant renfort au règne de Jésus-Christ.

Hollande: signes d'espérance. - Nous ne prions pas assez pour la Hollande. Il y a des confréries et même des congrégations religieuses vouées à la conversion de la Russie et de l'Angleterre. La Hollande aussi a besoin d'être aidée. Son retour à la foi apporterait à l'Eglise un appoint considérable. Les Hollandais sont un peuple actif, sérieux, entrepre­nant. Ils fournissent déjà bien des missionnaires. Les prêtres hollandais sont nombreux en Amérique et en Océanie.

La Hollande a déjà un tiers de sa population qui est catholique, mais que de signes promettent des progrès prochains et rapides!

Les catholiques hollandais sont allés vaillamment défendre la papauté à Castelfidardo et à Mentana. Ils étaient nombreaux à côté des Français, des Belges et des Irlandais. La Hollande catholique est généreuse pour le denier de Saint-Pierre et pour toutes les œuvres. Son hospitalité pour toutes les congrégations expulsées d'Allemagne et de France a été admi­rable. La divine Providence se montrera magnifique dans ses récompen­ses pour tant de bonnes œuvres.

Et puis la Hollande aime tant le Sacré-Cœur de Jésus! Le sanctuaire de Notre-Dame du Sacré-Cœur à Sittard est le centre d'une infinité de prières. Il reçoit de quatre-vingt mille à cent mille pèlerins par an.

Aucun nation catholique n'a encore dédié autant d'églises au Sacré­Cœur. On nous signale celles d'Amsterdam, de Rotterdam et de La Haye au diocèse de Harlem; celles de Maestricht, Venloo, Caberg et Banholt au diocèse de Ruremonde; celles de Oosterhout et de Busschen­hoofd au diocèse de Breda; celles de Maarsse, Dalmsholte et Vinkeveen au diocèse d'Utrecht. Et la plupart sont artistiques et dignes de ce beau vocable.

L'Apostolat de la prière nous recommandait récemment l'église des Pays-Bas. Répondons à cet appel et prions chaque jour pour le retour à Dieu et à l'Eglise catholique de toute cette noble et vaillante nation.

Italie: Campocavallo. - Pauvre Italie. Elle a failli à ses devoirs en­vers la Papauté. Elle est punie par la ruine et la révolution.

On dit que la sainte Vierge y manifeste sa tristesse dans un petit sanc­tuaire à Campocavallo, près de Lorette. Son image pleure, dit-on, com­me faisait l'apparition de La Salette. On parle de guérisons nombreuses et de conversions. Le peuple se porte en foule à ce sanctuaire. L'autorité ecclésiastique fait une enquête. Nous n'avons pas à nous prononcer. Nos abonnés liraient avec intérêt les brochures publiées à ce sujet, chez M. Paillart, éditeur à Abbeville, par le R. P. Mortier, dominicain.

Avec Léon XIII, prions pour que l'Italie revienne à son vrai rôle de nation pieuse et chrétiennement artistique. Qu'elle retrouve l'esprit de saint Grégoire le Grand, de saint Léon, de saint Thomas d'Aquin, du Dante, de Raphaël, de Fra Angelico, de saint Benoît et de saint François d'Assise!

CHRONIQUE (Mars 1894)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

Le Pape et l'Italie. - Pie IX avait dit un jour: «Le bien sortira de l'excès du mal; quand on verra à quels abîmes on aboutit, on rebrousse­ra chemin». Cette heure-là est arrivée, particulièrement pour l'Italie. Léon XIII le constate dans son discours aux pieux paroissiens de Rome.

«Combien notre cœur est amèrement ému, dit-il, quand nous pen­sons aux mauvaises conditions de Rome, aggravées encore par les condi­tions générales de la péninsule!».

«Si au moins la dure expérience pouvait servir! Si l'on arrivait à com­prendre les origines du mal et comment on peut en trouver le remède! Car il est inutile de le dissimuler, les ruines religieuses, voulues et opé­rées à dessein, sont celles qui ont ouvert la voie à la ruine morale et ma­térielle».

«Ce serait donc justice et œuvre de bon sens politique de rebrousser che­min, de remettre en honneur la religion de nos pères et la nôtre, de se rapprocher avec confiance et sans suspicion de celui qui a reçu de Dieu le magistère suprême, car les paroles de vie éternelle qu'il possède ont la vertu de rendre prospère même la vie mortelle».

Cette grave parole n'est pas seulement vraie pour la péninsule itali­que, elle s'applique à toutes les nations en proie au mal révolutionnaire.

Léon XIII et le Sacré-Cœur. - Léon XIII nous redit encore que le salut social viendra par le Sacré-Cœur. Dans une audience accordée aux directeurs de l'Apostolat de la prière, il leur disait que «cette dévotion est aujourd'hui le caractère distinctif de l'Eglise, l'arche de son salut, le gage de son futur triomphe, le fondement de toutes nos espérances dans un ave­nir meilleur. En effet, d'après ce que Jésus lui-même daigna révéler à sa servante Marie Alacoque, le culte du Sacré-Cœur a été prédestiné par Dieu même pour guérir les plaies de la société moderne et particulière­ment l'égoïsme qui détruit tous les liens de la vie sociale.

«Comme le principe générateur de la société chrétienne, disait Léon XIII, a été la charité, il faut aussi que l'amour du Sacré-Cœur en soit la restauration».

«C'est, ajoutait Léon XIII, une sentiment que nous avons déjà plusieurs fois exprimé: le salut désiré doit être le fruit d'une grande effusion de chari­té et cette charité a sa source dans le Cœur divin du Rédempteur».

Montmartre: l'adoration réparatrice universelle. - Pour désar­mer la justice de Dieu et solliciter sa miséricorde en faveur de notre pa­trie, il faut réunir en faisceau nos adorations et nos sacrifices. C'est à Montmartre qu'il faut nous unir. C'est l'église du vœu national, l'église de la réparation nationale.

Là le Cœur de Jésus dans l'Eucharistie est toujours sur son trône de miséricorde. Le jour et la nuit il voit à ses pieds des représentants de la patrie pénitente et suppliante.

Mais ce n'est pas tout. Les diocèses, les paroisses, les communautés s'unissent de loin à ce mouvement de prière. Déjà plus de trois mille églises ou chapelles ont leur jour d'adoration en union avec Montmar­tre. Le Souverain Pontife et quatre-vingt treize évêques ont encouragé cette nouvelle croisade. Il faut qu'elle se généralise, ce sera le salut.

Une élégante brochure indique les conditions de cette union et la liste des églises agrégées. C'est le plébiscite du Sacré-Cœur. On peut la de­mander au Supérieur des Chapelains, rue de la Barre, 31, à Paris.

Toulouse: le jubilé de l'Apostolat de la prière. - Cette année, 1894, la Ligue du Sacré-Cœur pour l'Apostolat de la prière fait ses no­ces d'or. Cette belle œuvre a déjà cinquante années d'existence: cin­quante années de prières et de grâces!

Le Sauverain Pontife a béni le pieux jubilé d'une manière spéciale et c'est à cette occasion qu'il a prononcé les paroles encourageantes que nous citions plus haut.

Nous offrons nos humbles félicitations à nos vénérés confrères du Messager du Cœur de Jésus.

Le chiffre total des paroisses, communautés ou œuvres catholiques agrégées à l'Apostolat de la prière de Toulouse est actuellement de plus de cinquante mille. C'est là aussi un plébiscite qui touchera le Cœur du divin Maître.

La richesse devant l'Eglise. - Il faut revenir aux vrais principes. Dans le droit païen, le propriétaire est le maître absolu de son bien. Il peut en user et en abuser. Il n'en est pas ainsi dans la doctrine chrétien­ne. Léon XIII nous le rappelle en citant le maître de la théologie, saint Thomas d'Aquin: «Il faut, dit-il, distinguer entre la juste possession des richesses et son usage légitime. Sous ce rapport, l'homme ne doit pas te­nir les choses extérieures pour privées, mais bien pour communes, de telle sorte qu'il en fasse part aux autres facilement dans leurs nécessités. C'est pourquoi l'Apôtre a dit: Ordonne aux riches de ce siècle de donner faci­lement, de communiquer leurs richesses…».

Qu'on relise Bossuet et Bourdaloue. «Sachez, dit Bossuet, que si vous êtes les véritables propriétaires selon la justice des hommes, vous ne de­vez vous considérer que comme dispensateurs devant la justice de Dieu, qui vous en fera rendre compte. Gardez-vous de croire que les pauvres aient tout à fait perdu le droit naturel qu'ils ont de prendre à la masse commune ce qui leur est nécessaire. Ce n'est pas pour vous seuls, ô ri­ches, que Dieu fait lever son soleil, ni qu'il arrose la terre. Dieu n'a don­né aux pauvres aucun fonds en propriété, mais il leur a assigné leur sub­sistance sur les biens que vous possédez. Il a voulu que vous eussiez l'honneur de faire vivre votre semblable».

Bourdaloue n'est pas moins explicite. Il ne regarde pas l'aumône comme une œuvre de surérogation, mais comme une obligation rigou­reuse de laquelle dépend notre salut.

Qu'on lise aussi les discours de Mgr de Ketteler sur la théorie catholi­que du droit de propriété.

Mais nos ouvriers malheureux ne sont pas, ou ne doivent pas être des pauvres. Ce n'est pas l'aumône qu'il faut leur donner, c'est le juste salai­re. Ils travaillent, ils doivent gagner leur pain à la sueur de leur front.

Que si l'état de l'industrie ne permet pas à tous les patrons d'élever suffisamment les salaires, cela tient pour une grande part à l'état social qui est défectueux, à l'élévation des impôts, aux charges imposées par les folies scolaires et par les sinécures multipliées à l'infini. C'est là qu'il faut porter le remède.

II. FRANCE

Jeanne d'Arc. - Notre heroïque libératrice est déclarée vénérable. C'est une grâce du ciel. La vierge lorraine a été choisie du ciel pour nous sauver au XVe siècle. Son souvenir, son exemple et ses prières nous sau­veront encore aujourd'hui. Le péril d'alors, c'était l'invasion étrangère, c'était l'affadissement des mœurs et le découragement des guerriers. Le péril est tout aussi grand aujourd'hui: c'est l'affaiblissement de la foi, c'est la division des esprits, c'est la corruption des mœurs, c'est la flot montant de l'impieté, du socialisme, de la juiverie et de la franc­maçonnerie. Jeanne d'Arc nous ralliera aux pieds du Christ qui nous ai­me et qui veut nous sauver. Elle nous donnera aujourd'hui comme alors un étendard sacré, celui du Sacré-Cœur.

Son œuvre commence. Elle exerce sur les esprits un prestige éton­nant. A l'ombre de sa statue, on a vu à Paris un prêtre, l'abbé Garnier, grouper dix mille hommes sur la place publique et les amener à crier: Vive Jésus-Christ.

Les Missionnaires. - Les Missions catholiques donnent la liste des missionnaires morts en 1893. Elle comprend 3 archevêques, 4 évêques et 140 prêtres.

Sur ce nombre, il y a 68 Français, c'est presque la moitié du nombre total! Puissent ces dévoués pionniers de la civilisation chrétienne et ces vaillants apôtres nous obtenir grâce auprès de Dieu et lui faire oublier nos fautes nationales!

On compte aussi 24 Italiens, 11 Irlandais, 9 Alsaciens-Lorrains, 9 Bel­ges, 7 Allemands, 3 Espagnols, 3 Hollandais, 3 Bavarois, 2 Autrichiens (pauvre Autriche, quel rang infime elle occupe!), 1 Anglais, 1 Canadien, 1 Chilien, 1 Chinois, 1 Islandais, 1 Norvégien, 1 Péruvien, 1 Polonais.

Puissent les nations d'Europe n'avoir plus d'autre rivalité que celle d'obtenir le premier rang dans la propagande de la foi chrétienne!

Paray-le-Monial. - La Société des Fastes Eucharistiques et la ré­forme de l'enseignement historique. - La Société des Fastes Eucha­ristiques continue son grand et puissant travail sur l'histoire. Pendant douze ans, elle a poursuivi sa grande enquête historique en nous mon­trant d'un côté le Christ régnant sur les nations par l'Eucharistie et de l'autre les puissances infernales poursuivant leurs efforts pour le détrô­ner.

Le but du christianisme militant doit être de délivrer le rayaume du Christ, la chrétienté envahie par les socialistes, les francs-macons et les satanistes. Longtemps l'Eglise put s'appuyer sur les Etats de chrétienté à l'Occident et le Saint Empire Romain à l'Orient. Ces puissances chré­tiennes avaient pour mission de refouler les ennemis du dehors et de comprimer ceux du dedans. Le Saint-Siège était protégé particulière­ment par la France. Les Musulmans étaient repoussés à l'Est et au Midi. Les nations chrétiennes étaient récompensées par la paix sociale et la prospérité. Depuis qu'elles ont abandonné leur mission, elles sont en proie au mal révolutionnaire.

L'enseignement ordinaire de l'histoire est donné même chez les catho­liques, en dehors de cette voie véridique et lumineuse. L'œuvre des Fas­tes veut réagir contre ce courant fatal. Elle fera donner à Paray-le­Monial, dans les salles du Musée eucharistique, appelé le Hiéron, du 10 au 14 août prochain, des conférences sur l'histoire.

En voici le programme:

1 ° L'histoire de la Chrétienté, par le R. P. Delaporte, Missionnaire du Sacré-Cœur;

2° Les miracles eucharistiques du règne de Notre-Seigneur, par le R. P. Fristot, S. J.;

3° Le droit, le fait et les promesses du règne de l'Agneau, par le R. P. Zelle, S. J.;

4° L'enseignement de la vraie histoire du monde, par le R. P. Tri­baulez, S. J.

Un pacte sera proposé aux hommes de bonne volonté pour la réforme de l'enseignement historique et classique.

III. AUTRES PAYS

Angleterre: conversions. - Le mouvement des conversions se con­tinue en Angleterre parmi les lettrés et spécialement chez les Pasteurs de l'église anglicane.

Le Daily Chronicle dit que quatorze ministres anglicans viennent de se convertir au catholicisme. On cite en particulier le Rév. Macklem, pas­teur de Saint-Cuthbert à Londres; le Rév. Somerville Wood, aumônier des troupes; le Rév. Briggs, de Saint-Stephen.

Continuons à prier pour le règne du Cœur de Jésus en Angleterre.

Belgique: saint Joseph à Laeken. - La Belgique est le royaume de saint Joseph. Elle est consacrée à ce grand Saint, comme la France est consacrée à Marie. Il convenait que la Belgique eût un sanctuaire excep­tionnel, un sanctuaire national dédié à saint Joseph. Le roi s'y est prêté et l'église a été élevée dans le parc de Laeken. La bénédiction en a été faite solennellement au mois de décembre par Son Em. le cardinal arche­vêque de Malines, en présence du roi, de la famille royale et de nom­breux invités.

L'église est somptueuse et digne de son glorieux titulaire. C'est bien un sanctuaire national. L'éminent cardinal a tenu à le constater dans son éloquent discours.

«Votre Majesté, a-t-il dit, a désiré que cette église fût dédiée à saint Joseph, voulant ainsi reconnaître le puissant patronage accordé à notre chère patrie par l'Epoux de Marie, et s'associer Elle-même avec son au­guste famille aux sentiments d'une dévotion si populaire et si ancienne».

A cette occasion, l'éminent prélat a rappelé les liens religieux qui doi­vent unir à Dieu les nations comme les individus.

«Une église, a-t-il dit, n'est pas seulement l'asile de la prière pour les fidèles, elle est encore le lieu des hommages publics rendus à Dieu par la société. Nul ne le contestera, la société, comme telle, a le devoir d'hono­rer Dieu et de faire monter vers son trône l'encens de ses solennels hom­mages. Elle a aussi des nécessités, elle est soumise à des épreuves et à des crises. De là le besoin de recourir à Dieu qui est le salut des nations com­me il l'est des individus».

«Ce sont ces pensées de religion et de zèle, Sire, ajoutait l'éminent prélat, qui ont présidé au dessein de Votre Majesté, quand Elle a résolu d'élever à Dieu cet édifice sacré».

L'Eglise ne manque plus une occasion de rappeler la royauté sociale de Jésus-Christ. Ayons confiance: Notre-Seigneur régnera malgré ses ennemis.

Nous recommandons à nos pieux lecteurs de Belgique, si dévoués à saint Joseph et aussi à ceux de France un nouveau Mois de saint Joseph, en rapport avec la dévotion au Sacré-Cœur, publié par un de nos Prê­tres du Sacré-Cœur de Jésus et mis en vente à Namur, aux Bureaux de l'Ami de l'ordre.

Amérique: le Parlement des religions à Chicago. - C'était un fait bien curieux et tout américain que cette réunion amicale des représen­tants de toutes les religions: catholiques, protestants de toutes nuances, juifs, boudhistes, etc. La place d'honneur fut déférée au cardinal Gib­bons. Il était convenu qu'on ne discuterait pas, c'était prudent. Chacun exposa avec courtoisie ses croyances personnelles.

Quatre mille personnes étaient là, de toute race et de toute couleur. Le cardinal prononça la prière choisie d'un commun accord pour inaugurer la réunion: l'Oraison dominicale.

L'exposition des différentes doctrines a duré dix-sept jours. C'était vraiment un beau spectacle de voir d'abord un des hauts fonctionnaires de l'instruction publique dégager avec Platon et Aristote du spectacle du monde et de la raison humaine l'idée de l'être infini et parfait. Puis sur cette base rationnelle s'éleva peu à peu l'édifice de la religion révélée.

Juifs, protestants et catholiques, reconnaissant ensemble l'autorité de l'Ancien Testament, proclamèrent leur foi en Dieu créateur et rémuné­rateur et attestèrent l'unité originelle du genre humain.

Ensuite les protestants et les catholiques encore unis ont continué l'édifice en établissant l'autorité de l'Evangile et la divinité du Christ. Enfin les catholiques laissés seuls ont élevé l'édifice jusqu'au faîte en af­firmant l'autorité et la divinité de leur Eglise.

C'est par ses œuvres surtout, par les œuvres de charité que l'Eglise catholique peut à bon droit revendiquer le premier rang.

Au moment où le Congrès allait se clore, les huit mille assistants réu­nis chantèrent l'hymne composé par le cardinal Newman: «Guide-moi, bienfaisante Lumière». Et Mgr Keane a convié tout son religieux audi­toire à l'union en disant: «Venez tous au Calvaire vous purifier dans le sang de la rédemption. Nous ne vous demandons pas de sacrifier ce que vous aimez, mais nous voulons l'accroître jusqu'à la plénitude. Le Christ dit à tous: Je suis venu pour que vous ayez la vie et que vous l'ayez plus abondante. Et la vieille Eglise se tourne vers ses enfants bien­aimés et douloureusement séparés et leur dit: N'est-il pas temps de nous réunir enfin! Regardez en arrière, au bon vieux temps, alors que nous ne faisions qu'un, alors que le bon Jésus gouvernait une chrétienté unie… Amis, ne prierez-vous pas avec nous pour l'union, pour l'unité? S'il ne valait pas mieux être unis que divisés, Notre-Seigneur n'aurait pas prié pour que nous soyons un comme son Père et lui. Que les barriè­res de la séparation tombent donc et que le Christ règne à jamais!». Fiat! Amen!

CHRONIQUE (Avril 1894)

I. LA QUESTION SOCIALE

Le règne de Dieu. - L'hérésie contemporaine, c'est l'athéisme so­cial, c'est le laïcisme. Elle passera, comme les autres hérésies ont passé. Bon nombre de catholiques n'en étaient pas complètement indemnes. Le faux libéralisme, condamné par Pie IX, confinait à l'hérésie. Le ve­nin gallican et révolutionnaire avait pénétré partout. La vraie doctrine du règne social de Jésus-Christ était enseignée mollement par ceux mê­me qui ont mission de le faire.

Mais nous n'en sommes plus là. Le Saint-Siège a parlé. Les événe­ments aussi ont parlé. L'expérience est faite, nous avons vu où nous me­naient l'Etat sans Dieu, la vie sociale sans Dieu.

Aussi toutes les voix autorisées appellent-elles le règne de Dieu comme le suprême salut social. C'est le thème de toutes les lettres pastorales ré­centes. Toutes y ont fait allusion, quelques-unes en ont traité ex­professo.

Mgr l'archevêque de Rouen, dans sa lettre sur les leçons de l'heure présen­te, jette un regard anxieux sur la société moderne, aussi infidèle à Dieu que la Jérusalem décrite par le prophète Ezéchiel. L'Etat a chassé Dieu de partout. La science officielle a déjà traité Dieu en étranger; l'athéisme a eu pour conséquence la ruine du patriotisme. Il n'y a qu'un moyen de salut, rappeler Dieu dans la famille et dans la société.

Mgr l'évêque de Nîmes constate la gravité de la crise sociale, qui est avant tout une crise morale. Le principal remède que l'Etat y doive ap­porter, c'est de rendre à la religion toute sa liberté d'action et l'honneur qui lui est dû.

Mgr l'évêque de Périgueux traite de la question sociale d'après les ins­tructions de Léon XIII. Il préconise l'action sociale du prêtre.

Le clergé, dit-il, ne doit pas rester étranger à l'œuvre de réforme so­ciale. En se dévouant ainsi pour les intérêts temporels des deshérités de ce monde, il ne fera que suivre les exemples du Sauveur. Mais ne s'est-il pas laissé trop facilement intimider par l'injonction de ceux qui préten­daient le confiner dans son église ou même dans sa sacristie? Le peuple ne rencontrant plus le prêtre sur le terrain social s'est imaginé que l'Egli­se ne pouvait rien pour lui…

Cinquante de nos évêques traitent ainsi plus ou moins directement du règne social de Jésus-Christ ou de la question sociale.

Il en est de même chez les autres nations chrétiennes et particulière­ment en Belgique. Nous avons déjà parlé de la lettre magnifique de Mgr l'évêque de Liège. Mgr l'évêque de Gand traite directement du règne de Dieu et de Jésus-Christ sur les nations.

Ce n'est pas seulement l'individu, nous dit-il, qui a besoin du secours de Dieu pour atteindre sa fin; ce n'est pas seulement la famille qui doit le prendre pour guide: ce sont aussi les gouvernements et les nations, c'est la société tout entière qui doit recourir à lui et implorer son appui.

Toute autorité vient de Dieu. Toutes les puissances de la terre doivent obéissance et soumission à son autorité suprême. C'est à sa loi que les gouvernements doivent se conformer pour rester fidèles à leur missions, qui est de faire régner la paix avec la justice.

«Malheureusement, ajoute Mgr l'évêque de Gand, les peuples et les gouvernements ont trop oublié Dieu de nos jours. Ils l'ont banni de leurs assemblées publiques et de leurs cérémonies officielles, de leurs codes et de leurs prétoires aussi bien que de leurs écoles, croyant pouvoir se pas­ser de lui et marcher tout seuls; mais voici que les peuples chancellent et que leurs gouvernements sont troublés; voici que la société humaine tout entière est ébranlée jusque dans ses fondements! C'est bien le cas de s'écrier avec le psalmiste: Nisi Dominus aedificaverit domum, in vanum labo­raverunt qui aedificant eam: Si le Seigneur ne bâtit lui-même la maison, c'est en vain que travaillent ceux qui la construisent».

«Oui, Dieu est la clef de voûte de l'édifice social, et tant que les peu­ples ne lui auront pas rendu dans leurs institutions et dans leurs lois la place qui lui revient, et qui est la première, la société tout entière sera troublée et inquiète».

C'est un signe des temps, et ce sera la fin d'une hérésie que cet ensei­gnement simultané de tous les successeurs des apôtres.

Quand une vérité est annoncée avec cet éclat, elle ne tarde pas à rece­voir son application dans les mœurs.

La Franc-maçonnerie. - C'est le peuple malfaisant de l'Antéchrist. Il se multiplie étonnamment. Il pullule comme le peuple chinois. Le nombre total des loges existantes sur la surface du globe s'élevait en 1880 à 137.000. En 1892, le Directoire administratif de Berlin a constaté, d'après les rapports des suprêmes Conseils et des Grands Orients, que ce nombre totale des loges s'est élevé à 141.425. Il y a donc eu en douze ans une augmentation de 4.400 ateliers.

Mais comme les loges anciennes sont très prospères, l'augmentation générale des adeptes est bien plus considérable. Elle s'est élevée en dou­ze ans à 553.000 individus.

Voici du reste la statistique générale. Nombre des Frères Maçons:

Etats-Unis d'Amérique ………………………………. 5.805.000
Le reste de l'Amérique ……………………………….. 4.600.000
Asie et Océanie ……………………………………….. 680.000
Afrique ………………………………………………… 90.000
Europe ………………………………………………… 8.000.000
Total des Frères ………………………………………. 19.175.000
Nombre des Sœurs Maçonnes ………………………. 2.725.000
Total général ………………………………………….. 21.900.000

Cela fait vingt-deux millions en chiffres ronds! Quelle immense décomposition sociale!

Quelle pêche miraculeuse a faite le démon dans les eaux troubles de cette société néo-païenne qui s'éloigne du Christ et de l'Eglise depuis trois siècles!

Faut-il s'étonner que le Christ recoure aux moyens extrêmes et vienne nous montrer son Cœur souffrant et sa Mère pleurant et priant! Mettons notre confiance dans le Sacré-Cœur de Jésus et dans Marie Immaculée, mais nous aussi prions, pleurons et faisons pénitence.

II. FRANCE

Les Œuvres. - Les mois d'hiver sont les mois des œuvres. C'est alors que se font les sermons de charité et les collectes pour la Propaga­tion de la Foi, la Sainte-Enfance, l'œuvre de Saint-François de Sales, le denier de Saint-Pierre, les écoles libres, les écoles apostoliques, etc., etc.

Il ne manque point de personnes qui sont tentées de se plaindre de cet­te multiplicité d'œuvres et des sollicitations de tant de zélateurs.

Si l'on savait cependant ce qu'en pense le bon Dieu! Il en pense sans nul doute ce qu'exprimait un de nos plus éloquents prédicateurs en 1872, en constatant l'accroissement continu des recettes de la Propaga­tion de la Foi. Il s'écriait: «Non, une nation aussi généreuse ne saurait périr!».

Et de fait, qui a depuis cette époque là écarté la guerre toujours mena­çante? C'est la bonté divine qui est touchée de notre générosité, et qui veut bien patienter et attendre notre repentir et notre retour à la vie so­ciale chrétienne.

La pauvre France cependant, depuis vingt ans, s'est séparé officielle­ment de Dieu, elle l'a renié dans toute sa vie publique, elle a proscrit ses religieux et enlevé l'image du Christ des écoles de l'enfance et des asiles des mourants.

Mais dans l'autre plateau de la balance, où se pèsent les destinées des nations, saint Michel pouvait jeter un poids toujours plus lourd de bon­nes œuvres. A celles que nous énumérions tout à l'heure, il faut ajouter: le Vœu national, les Séminaires, les Universités, les Ecoles d'Orient, les Petites Sœurs, les Hôpitaux, les Orphelinats et cent autres.

Dieu bénit ceux qui donnent et il les comble de bienfaits à son tour. Et ce qui est mieux encore que de donner son or, c'est de se donner soi­même. C'est ce que font nos missionnaires, nos apôtres, nos sœurs hos­pitalières, nos zélateurs et zélatrices de toutes sortes.

Donnons et donnons-nous généreusement. La charité couvre la multi­tude des péchés.

La persécution méthodique. - Plusieurs évêques l'ont fait remar­quer, le décret sur les fabriques se rattache à un plan perfidement combi­né par la haute franc-maçonnerie pour déchristianiser la France.

Nos ennemis s'avancent avec méthode et ne reculent jamais. Ils ont accaparé l'enfance par l'école laïque. Ils ont détruit la famille chrétienne par le divorce. Ils ont restreint partout l'action du prêtre. Ils ont atteint le sacerdoce jusque dans sa source par la loi militaire et la suppression des bourses de séminaires.

Ils se croient maîtres des âmes, ils s'en prennent maintenant au tem­porel de l'Eglise. Après le décret sur les fabriques, ce sera la loi sur le monopole des pompes funèbres, puis d'autres projets sur la personnalité civile des séminaires, sur la propriété des églises. Tout est prévu; dans quelques années les communes pourront désaffecter les églises et les louer pour des usages profanes.

Si nos évêques avaient connu d'avance ce plan diabolique, la protesta­tion aurait été sans doute plus vive dès le commencement. Mais l'habile­té des opportunistes nous mène doucement à la mort.

Notre espérance est en Dieu et dans le Sacré-Cœur de Jésus et Marie immaculée. Nous espérons contre toute espérance.

III. AUTRES PAYS

Le Pape, le Czar et la France. - Ce sont là trois alliés politiques, l'état de l'Europe l'exige. Comme cette alliance serait féconde pour la religion, si la France officielle était moins impie!

Le Czar est très sensible aux marques de confiance et de courtoisie que lui donne le Pape. L'Orient tout entier est tourné vers Rome et in­cline à l'union des églises plus qu'il ne l'a fait depuis des siècles. Mais notre athéisme officiel scandalise le Czar et les populations orientales. La France encourt là une bien grande responsabilité devant Dieu.

Nous savons, nous, que ce n'est pas là la vraie France, que c'est un moment d'égarement et de folie des pouvoirs publics, une domination passagère des Israélites et de la Franc-maçonnerie. Mais de loin la Rus­sie et l'Orient s'y méprennent. Ils nous regardent comme un peuple sans Dieu et en prennent prétexte pour mépriser l'Eglise latine.

Les démonstrations de foi de nos pèlerins d'Orient et quelques céré­monies religieuses qui ont eu lieu lors de la visite des Russes ont eu un heureux effet.

A défaut du bon sens de nos gouvernants, comptons sur les efforts et les prières des catholiques pour cette grande cause de l'union si chère à Léon XIII.

Lépante. - Les grands souvenirs chrétiens passionnent les esprits, n'est-ce pas de bon augure?

Colomb, Jeanne d'Arc soulèvent des enthousiasmes enivrants. On se prépare à fêter le quatorzième centenaire de Tolbiac, et voici que Lépan­te est sur toutes les lèvres. Le pèlerinage au golfe de Patras commence et il ne s'arrêtera plus. Ce qui attire les voyageurs, ce ne sont pas les souve­nirs poétiques de l'antiquité. Ce n'est pas le site délicieux de Sicyone, la perspective du Parnasse et de l'Hélicon, les souvenirs de Corinthe et de Delphes; c'est Lépante, c'est le triomphe de Marie sur l'Islam, le triom­phe du Rosaire sur le croissant.

La mise en honneur du Rosaire par Léon XIII a préparé la glorifica­tion de Lépante. Une belle église de Notre-Dame du Rosaire va s'élever à Patras avec les souscriptions de l'Occident, ce sera encore une étape pour le retour des églises orientales à l'union.

Quand nous prions notre Rosaire, pensons-y tous les jours. Offrons une dizaine pour obtenir de Dieu la fin du schisme grec.

CHRONIQUE (Mai 1894)

I. L’EGLISE ET LA QUESTION SOCIALE

Le Saint-Père. - Nous étions, il y a quelques jours, à Rome et nous avions le bonheur d'assister, à la chapelle Sixtine, à l'office solennel, au jour anniversaire du couronnement de Léon XIII.

La céremonie était imposante. Le corps diplomatique et la noblesse romaine occupaient les tribunes. Le Saint-Père fit son entrée à travers les acclamations de la foule réunie dans la salle ducale. Il était porté sur la sedia et précédé du cortège pompeux de la prélature et du Sacré­Collège. Le chœur donna ses plus beaux chants. Mais le charme de cette heure privilégiée, l'objet de tous les regards, l'attrait de tous les cœurs, c'était le vénérable et saint pontife. C'est un vieillard. Ses cheveux sont blancs comme la neige. Ses joues sont pâles. Ses mains tremblent quand il bénit. Cependant rien n'annonce en lui l'épuisement ou la maladie. Son teint est pur, son regard est vif. Son âme puissante et active perce à travers ses traits. Il pense et il prie.

Comme il accentue sa prière aux moments les plus solennels de la messe qui se dit sous ses yeux! Sa physionomie s'anime, son corps même s'agite tout entier. On sent qu'il veut faire violence au ciel. C'est qu'il a de si grands intérêts à recommander à Dieu! Toutes les églises, toutes les nations passent dans son souvenir. C'est Moïse sur la montagne et mieux encore, c'est le successeur de Celui qui priait à Gethsemani jus­qu'à s'anéantir dans la prière. Comme il fait bon prier avec lui!

Mais prions aussi pour lui, afin que le Sacré-Cœur de Jésus nous le conserve encore longtemps pour le plus grand bien de l'Eglise.

L'Encyclique aux Polonais. La Russie et l'union des Eglises. - La nation polonaise est sympathique à tous les hommes de cœur, à tous ceux qui compatissent aux souffrances des opprimés. Léon XIII rappelle aux Polonais toute l'affection que l'Eglise leur porte, puis il leur dit en substance: «Revendiquez avec persévérance et patience la liberté religieuse, mais soyez soumis aux puissances dans l'ordre civil, pour montrer que les catholiques sont des hommes d'ordre et d'obéissance».

C'est que Léon XIII possède une sagesse profonde qui surpasse toute diplomatie humaine. Il aurait pu rompre toutes relations avec les gou­vernements persécuteurs, les juger en toute rigueur et les condamner sans pitié, mais il est bien le successeur du Bon Pasteur et il s'inspire de la charité du Sacré-Cœur de Jésus. Il sait qu'on ne peut ramener les hommes à la vérité que par la douceur.

Il témoigne toujours une grande déférence pour le Czar. En 1880, il le félicita par une lettre personnelle à l'occasion de la 25e année de son cou­ronnement, et se fit représenter par un nonce aux fêtes de Moscou. Il ob­tint alors la convention de 1882, qui lui permit de nommer quelques évê­ques en Pologne. Il y eut ensuite de nouvelles difficultés, mais les rela­tions furent renouées en 1888 avec le concours de l'ambassade de Fran­ce. Léon XIII était toujours animé du même esprit de paix et de conci­liation, mais il n'était guère aidé par les Polonais, qui ne comprenaient pas sa manière d'agir.

Malgré les efforts de la diplomatie allemande, les relations entre le Saint-Siège et la Russie deviennent de plus en plus cordiales. Le Czar a remercié le Pape de son encyclique, et dans le monde russe il y a un cou­rant de plus en plus accentué vers l'union. L'alliance française contribue à ce rapprochement, malgré l'irréligion de nos gouvernants.

La société russe de Moscou doit envoyer prochainement à Paris une image artistique de la sainte Vierge pour être placée dans l'église de Notre-Dame. A cette occasion on lit dans le journal Ruski Palommik, or­gane du clergé russe de Moscou, ces paroles significatives: «Nous sou­haitons de tout cœur que les sentiments d'estime mutuelle, qui ont pris naissance sur le terrain d'une entente politique, se changent aussi, dans un avenir prochain, en une alliance fraternelle sous le rapport religieux».

Puisse l'expression de ces vœux aller jusqu'au Czar, de qui dépend avant tout le retour de l'Eglise schismatique à l'union avec l'Eglise ro­maine!

Les béatifications récentes et l'Espagne catholique. - Il y a deux Espagne comme il y a deux France. L'Espagne a perdu sa merveilleuse unité catholique, qui a fait si longtemps sa puissance et sa gloire. Elle a maintenant comme nous ses indifférents, ses libéraux et même ses socia­listes, et ses anarchistes. Elle est gangrenée par la Révolution. Elle est aussi, hélas! dévorée par l'usure et ruinée par le jeu.

Il faut lire une étude récente d'un sociologue espagnol distingué, don Maldo Quinones.

Le nombre des propriétaires fonciers en Espagne, diminue d'année en année. L'industrie et le commerce sont en souffrance.

Les juifs sont venus tard en Espagne, mais ils ont fait vite. Le meil­leur des propriétés et des valeurs industrielles est à eux. Un petit groupe de maisons juives y possède dix millions de revenus. Les neuf dixièmes de la propriété foncière sont grevés d'hypothèques au profit de l'usure. La plus grande partie des employés et des officiers eux-mêmes laissent une partie de leurs traitements aux mains des usuriers.

L'Espagne moderne est en proie à la passion du jeu. On y compte 18,000 tripots, qui portent des noms plus ou moins aristocratiques. Il y a des provinces ou l'on ne trouve plus d'argent à emprunter même sur hy­pothèque au taux de 60% parce que la propriété foncière n'offre plus de garanties suffisantes et qu'on se lasse de cultiver la terre.

Mais n'épuisons pas ce tableau navrant. A côté de cela, il y a l'Espa­gne catholique, toujours ardente, généreuse, admirable de foi et d'en­thousiasme. Elle va chercher à Rome avec ses 15,000 pèlerins, sous la conduite de ses évêques, l'espoir d'une résurrection nationale.

Que Dieu fasse grâce à l'Espagne et la préserve d'une révolution so­ciale! Que les Saints, dont la béatification vient d'être célébrée si solen­nement, Jean d'Avila et Diego de Cadix ramènent l'Espagne aux beaux jours de sa grandeur passée!

Progrès de l'apostolat. - A Rome, à côté de beaucoup de tristesses, il y a quelques horizons pleins d'espérance. L'encouragement donné par Léon XIII aux études supérieures produira en son temps des fruits incal­culables. Les anciennes universités romaines, celles des dominicains, des jésuites, de la propagande ont vu quadrupler le nombre de leurs élèves depuis vingt ans. Le collège romain, entre autres, comptait 200 élèves de philosophie et théologie en 1870, il en avait 500 en 1880. Il en compte aujourd'hui 920. Les séminaires nationaux se multiplient. Toutes les jeunes congrégations ont des scolasticats à Rome. De nouvelles universi­tés s'élèvent. Celle de Saint- Bonaventure, dirigée par les Franciscains est dejà en pleine activité. L'ordre bénédictin fait construire le palais universitaire de Saint-Anselme au mont Aventin.

Les ordres religieux anciens se réveillent. La Trappe s'est groupée sous un seul supérieur général. Les Bénédictins aussi ont choisi un Pri­mat parmi leurs abbés. Ils vont relever leurs abbayes autrefois si prospè­res et aujourd'hui agonisantes de l'Amérique du Sud.

Les Salésiens de don Bosco ont un développement prodigieux. C'est par 50 et 60 à la fois qu'ils envoient leurs missionnaires aux pays loin­tains. Les Oblats de Marie étaient aussi félicités récemment par le Car­dinal préfet de la propagande de la fécondité de leurs missions.

Nous pourrions citer bien d'autres œuvres manifestement bénies de Dieu. Nous avons la confiance que le Cœur de Jésus prépare le règne de sa charité sur la terre.

Sacrilèges et réparations. - Hélas! la diminution de la foi provoque de bien fréquents sacrilèges. Bientôt le journal de chaque jour aura une colonne des sacrilèges comme il a une colonne des explosions. A Notre­Dame de Paris c'est un ciboire rempli d'hosties qui est dérobé. A Douai ce sont les nourrissons de l'Université, les lycéens qui crachent la sainte Eucharistie. A Rome ce sont les élèves de l'orphelinat municipal.

Partout l'Eglise ordonne des réparations solennelles. Puissions-nous par là écarter les châtiments divins qui punissent ordinairement les sacri­lèges! Tous les amis du Sacré-Cœur de Jésus doivent multiplier leurs amendes honorables et leurs réparations intimes et personnelles pour prouver à Notre-Seigneur leur compassion et leur tendre affection.

Le Cœur Eucharistique de Jésus. - Cette dévotion subit bien des vicissitudes. Elle a été maintes fois encouragée par le Saint-Siège. Pie IX l'approuva et l'enrichit d'indulgences en 1858. Léon XIII la sanctionna dix fois. Il l'érigea en confrérie le 23 décembre 1879, en archiconfrérie le 26 novembre 1889. Il combla d'indulgences les associations et prières en l'honneur du Cœur Eucharistique de Jésus. Il accorda même le 29 sep­tembre 1889 des indulgences à l'occasion de la consécration d'une église sous le vocable du Cœur Eucharistique de Jésus à Lemberg en Autriche.

D'où viennent donc les doutes actuels sur la légitimité de cette dévo­tion? C'est que au 3 juin 1891 le Saint-Office publia un décret rejetant les nouveaux emblèmes du Cœur de Jésus dans l'Eucharistie. Plusieurs pensèrent que la dévotion elle-même était condamnée. Il n'en est rien. Ce sont seulement les images, les emblèmes nouveaux qui sont rejetés. La dévotion reste approuvée, encouragée par le Saint-Siège. C'est ce que vient de répondre le commissaire du Saint-Office, Mgr Sallua, à une question qui lui était adressée par Son Eminence le Cardinal Archevê­que de Paris. Prions donc avec ferveur le Cœur Eucharistique de Jésus et redisons avec foi les invocations indulgenciées qui lui sont adressées.

II. FRANCE

Les deux courants. - Il y a en France deux courants d'opinion par­mi les catholiques. Il y a d'un côté les intransigeants de droite, ceux qui sont plus catholiques que le Pape et qui se refusent à tout accord avec les hommes du jour, qu'ils regardent comme incorrigibles.

Il y a d'un autre côté ceux qui suivent les conseils du Pape, ce qu'on appelle sa politique. Ceux-là croient à la possibilité d'obtenir de notre monde officiel une certaine équité et une liberté suffisante.

Les uns et les autres sont de bonne foi. Ils ont de bonnes intentions et désirent le triomphe de l'Eglise.

Ecoutez le journal «La Vérité»: «A travers toutes les vicissitudes par­lementaires, dit-il, il y a une chose qui ne change pas, c'est le program­me de la persécution légale et savante dont l'objectif est la déchristianisa­tion de la France, c'est la guerre à l'Eglise pour le triomphe de la répu­blique maçonnique et athée. Pour avoir essayé de s'en écarter un peu, le ministère Casimir-Périer y a été ramené aussitôt par la clameur unani­me de la secte. La déclaration de samedi est une nouvelle leçon aux naifs et aux habiles. Cette reprise si prompte du vieil esprit sur «l'esprit nouveau» nous instruit de l'inanité de toutes les espérances de paix et de conciliation».

Il y a là des expressions bien dures pour les amis de la politique ponti­ficale.

Ecoutons après cela l'organe officieux du Vatican «L'Osservatore Romano».

«Nous pensons, dit-il, qu'une grande parole a été prononcée du haut de la tribune française. On a annoncé pour le moins que l'on renonce à la guerre, grande ou petite, contre l'Eglise, contre le Pape et contre les catholiques. C'est ce qu'obtinrent le Pape et les catholiques en Allema­gne à l'époque néfaste du Kulturkampf. D'abord on mit fin à l'état de guerre entre les deux autorités et entre le gouvernement et la partie ca­tholique de la nation. De là résulta naturellement la période où le peuple catholique fut réintégré dans ses droits. Cette phase fut laborieuse et dif­ficile, mais elle a produit déjà d'excellents résultats.

En France aussi s'impose la même méthode rationnelle, logique, pru­dente, féconde. Le premier pas a été fait. La lutte n'a plus de prétexte puisque les catholiques ont accepté les institutions républicaines. Le res­te se fera».

Voilà bien deux jugements opposés. Qui a raison? Sans nul doute le Pape et ceux qui le suivent. Les faits leur donnent raison, et les principes aussi. Il n'y a pas d'hommes irréductibles, fussent-ils francs-maçons et sectaires. La raison les gagnera, si les procédés concourent avec les rai­sonnements. Et puis il y a la masse qui est plutôt abusée que sectaire. El­le reviendra et elle forcera la main au pouvoir esclave de l'opinion.

Nous voulons espérer avec le Pape. Soyons prudents et charitables et prions beaucoup. Prions surtout le Sacré-Cœur de Jésus, qui veut nous faire miséricorde.

Le réveil de la foi. - A l'occasion des fêtes pascales et du grand con­cours de fidèles qu'elles ont amené à nos églises, plusieurs journaux pa­risiens ont fait des réflexions comme celles-ci:

«Il devient évident qu'un travail se fait dans les âmes. Tous ceux qui sont en contact avec les mondes les plus fermés jadis aux impressions re­ligieuses ne peuvent s'empêcher d'être frappés de la préoccupation nou­velle qui se fait jour dans les conversations des esprits sérieux. Il faut une religion, non seulement au peuple, mais à toute âme humaine qui a con­science de sa dignité et qui veut donner sa vie à une grande pensée. Les philosophes du siècle passé, les gens de la Révolution se flattaient de réa­liser le bonheur humain par de simples transformations politiques.

Puis on s'imagina que la science créerait le paradis sur terre, apaise­rait en l'homme la soif de connaître, la faim de jouir et le besoin de du­rer.

Mais la politique et la science n'ont pas réalisé le bonheur. De là vient la crise de pessimisme et de découragement qui sévit vers 1880. Aujourd'hui les âmes se retournent vers Celui qui a dit: «Je suis la voie, la vérité et la vie. Venez à moi vous tous qui souffrez. Aimez-vous les uns les autres. Celui qui croit en moi et écoute ma parole ne mourra pas éternellement».

Secondons ce mouvement de retour par la prière et par un zéle éclairé. La charité du Cœur de Jésus gagnera les âmes.

III. AUTRES PAYS

Italie: Pompei et Campocavallo. - L'Italie a ses sanctuaires privi­légiés, anciens et nouveaux, comme nous avons Lourdes, Montmartre, Notre-Dame des Victoires. De notre temps c'est à Pompéi et à Campo­cavallo que la sainte Vierge répand ses bienfaits à profusion en Italie, comme chez nous à Lourdes.

A Pompéi, c'est Notre-Dame du Rosaire. A Campocavallo, c'est Notre-Dame des Sept-Douleurs. Des deux côtés les pèlerins affluent, de riches sanctuaires s'élèvent, les ex-voto se multiplient.

On peut écrire des deux côtés pour se recommander aux prières, pour recevoir des notices, des images, des médailles, pour s'abonner aux Re­vues.

On peut s'adresser à M. l'avocat Bartolo au sanctuaire de Pompéi; à don Sorbellini, directeur du sanctuaire de Campocavallo près Osimo.

Etats-Unis. - Les progrès du catholicisme aux Etats-Unis sont rapi­des. On y comptait 30,000 catholiques en 1790; il y en a maintenant 12 millions. Il y en aura 15 millions avant la fin du siècle. Il y a eu l'an der­nier une augmentation de 320 prêtres et de 250 églises. La grande répu­blique compte 10,000 prêtres, dont 3,000 font partie d'ordres religieux. La vieille Europe est moins hospitalière pour ceux qui ont fait sa gran­deur.

Belgique. - Les journaux nous annoncent que l'entrée en religion de S. A. R. la princesse Clémentine, fille de S. M. le roi Léopold II, n'est plus qu'une affaire de temps. Ils nous disent aussi que le roi, à son retour de voyage, s'est rendu à l'église de Saint-Jacques-sur-Cauden­berg, pour y remplir ses devoirs religieux.

Heureux les peuples dont les souverains donnent ainsi l'exemple. Les peuples sont imitateurs des grands, même en ces temps de démocratie.

Serbie. - Le gouvernement serbe désire l'érection d'un évêché ca­tholique à Belgrade au lieu d'un simple vicariat apostolique. Deman­dons à Dieu que la religion progresse en Serbie comme elle fait déjà dans les autres principautés danubiennes, en Roumanie et en Bulgarie.

CHRONIQUE (Juin 1894)

I. LA QUESTION RELIGIEUSE ET SOCIALE

Montmartre: nouvelles faveurs du Saint-Siège. - Nous reprodui­sons en tête de ce numéro la lettre si importante de Léon XIII, qui encou­rage l'œuvre de Montmartre et lui envoie sa souscription. Mais ce n'est pas tout. Les associations diverses qui ont leur centre à Montmartre reçoivent de nouvelles faveurs spirituelles et une extension universelle.

L'archiconfrérie du Sacré-Cœur de Montmartre, qui avait déjà le privilège d'agréger et de communiquer ses indulgences en France, pourra, doré­navant et à perpétuité, exercer ce même pouvoir dans le monde entier (Rescrit du 30 mars 1894).

Dans l'invocation: «Cœur Sacré de Jésus, je me consacre entière­ment à vous, protégez la sainte Eglise contre ses ennemis, ayez pitié de la France, et faites, que je vous aime toujours davantage», les mots: «ayez pitié de la France», seront remplacés en dehors de la France par ces pa­roles: «sanctifiez notre patrie».

L'association de l'Adoration perpétuelle du Sacré-Cœur de Jésus reçoit de nouvelles indulgences, notamment pour l'adoration de nuit à Montmar­tre. Une indulgence plénière est accordée aussi aux associés, le jour où ils font leur heure d'adoration, aux conditions indiquées.

Enfin l'Association de prière et de pénitence en l'honneur du Cœur dé Jésus, dé­jà érigée à Montmartre, reçoit l'approbation du Saint-Siège; elle est en­richie d'indulgences. Elle est érigée en Archiconfrèrie, ayant le pouvoir d'agréger dans le monde entier les autres associations de même nom et de même but, (Rescrit du 30 mars 1894).

Ces faveurs marquent une grande date dans l'histoire du sanctuaire de Montmartre. C'est l'extension de son influence bienfaisante au mon­de entier. Puissions-nous, en France, nous montrer dignes de cette fa­veur et devenir vraiment les apôtres du Sacré-Cœur.

Rome et le pèlerinage espagnol. - Il a été bien beau ce pèlerinage, bien ardent et bien enthousiaste. Les Castillans ont une foi profonde et une nature généreuse. Les fêtes de leur réception ont été le dernier triomphe des fêtes jubilaires et comme le suprême fleuron de cette belle couronne.

Depuis 1870, on ne se souvient pas de solennités grandioses comme celles du 15 et du 22 avril.

Le Saint Père s'avançant sur sa Sedia, ému, souriant, paternel, mais toujours majestueux, au milieu de cette foule agitée d'un pieux délire, c'était comme une vision de ces acclamations célestes rapportées par saint Jean. Tous les yeux étaient humides, toutes les poitrines haletan­tes. De toutes les lèvres partaient ces cris: Vive le Pape-roi! - Vive le Pape des ouvriers! - Vive le vrai Souverain de Rome!

Mais, ô contraste étrange et douloureux! quand les pèlerins sortaient de Saint-Pierre, prêts à continuer leurs acclamations, elles s'arrêtaient sur leurs lèvres. Les geôliers italiens étaient là, montant la garde, et la consigne était de respecter même ce qui n'est guère respectable.

Mais de pareilles journées valent une défaite pour le gourvernement italien, qui apparaît là semblable à une invasion de barbares dans la ville sainte.

La question sociale: solution catholique. - La question se simpli­fie chaque jour. Les nuages se dissipent. Les catholiques savent et disent ce qu'ils veulent. L'Encyclique du Saint Père a donné le mot d'ordre. Tous les échos du monde catholique lui répondent. Ces jours-ci encore deux voix autorisées ont parlé solennellement et clairement.

C'est d'abord l'éminent cardinal de Malines, Monseigneur Goossens, dans un discours à son clergé.

Son thème est précis: «Quel est le grand mal du temps présent? quels en sont les remèdes?».

Le grand mal, c'est le socialisme, doctrine de ruine et de révolution, qui déclare la guerre à Dieu et à la propriété. Il a trouvé un terrain favo­rable dans l'irréligion et le sensualisme de notre temps.

C'est logique: ôtez du cœur des masses la croyance en Dieu et l'espé­rance d'une vie future, et il ne restera aux déshérités de la fortune qu'à s'appuyer sur la communauté de nature pour revendiquer une part égale de bien-être matériel.

La vie sensuelle des classes élevées est une autre cause du succès des théories socialistes. «Lorsqu'on tourne le dos à l'Evangile, disait Mgr Freppel, et qu'on étale aux yeux du peuple le faste d'une luxe insensé et le spectacle d'une vie où il n'y a place que pour l'amusement et le plaisir, comment veut-on que de tels exemples n'allument pas au cœur des mul­titudes la fièvre de la convoitise? …».

Les remèdes sont manifestes: c'est le retour à la vie chrétienne, c'est la pratique de la justice et de la charité, ce sont les œuvres et les associa­tions.

Et l'éminent cardinal rappelle à ses prêtres les œuvres auxquelles ils doivent se dévouer: les patronages, les cercles, les sociétés de secours mutuels, les confréries et congrégations, les habitations ouvrières, les li­gues agricoles et surtout les corporations ouvrières et professionnelles, œuvres capitales, qui embrassent d'ailleurs toutes les autres, moyen effi­cace pour préserver les peuples de la propagande anti-catholique.

Le prêtre y a sa place marquée. Il doit en être le directeur ou le con­seiller. Il ne peut plus se désintéresser de l'étude des questions sociales. «Nous devons désirer, ajoute Mgr Goosens, qu'aucune de nos parois­ses, même les moins populeuses, ne soit privée du bienfait d'une institu­tion de ce genre.

«Nous comptons sur tous nos prêtres. Ce sera pour eux un surcroît de travail, mais il s'agit des âmes à sauver, de la société et de la patrie qu'il faut secourir, de Dieu et de l'Eglise qu'il faut servir et glorifier» (Dis­cours à la réunion de MM. les doyens du diocèse, le 23 avril 1894).

Plus récemment, c'était M. de Mun, qui parlait en notre nom à tous à la Chambre française. Il répondait à une interpellation insensée de M. Jaurès qui accusait les catholiques de complicité avec les anarchistes.

«Les catholiques, a dit M. de Mun, rejettent absolument les doctrines fondamentales de l'anarchie et du socialisme, qui sont la négation de Dieu et la suppression de la propriété. Ils adorent le Dieu créateur, ils le reconnaissent comme le suprême législateur des sociétés et voient dans l'observation de sa loi la condition du bien commun et du salut social».

«Ils reconnaissent aussi le droit essentiel de la propriété, sans négliger ses devoirs; et ce n'est pas de l'organisation d'un collectivisme tyranni­que qu'ils attendent le salut; c'est du retour à la pratique de la justice et de la charité chrétienne, de l'organisation des corporations et de la fon­dation a côté de la propriété privée d'un patrimoine collectif pour les as­sociations, les corporations, les communes».

Ce discours du 3 mai a l'importance d'un manifeste. Il prouve à la masse indécise des conservateurs que le salut de la société n'est pas à gauche dans une alliance de dupes avec les socialistes et les anarchistes, mais à droite avec les catholiques qui possèdent seuls la Vérité intégrale et les doctrines capables de ramener la paix sociale.

Une des causes du malaise social en certaines régions: Irlande, Si­cile, Andalousie, Hongrie. - C'est un reste du régime féodal dégéné­ré et détourné de son but.

Le règime féodal est une forme d'organisation sociale qui a eu sa pé­riode de succès et de prospérité. Le châtelain, doté par la conquête d'une vaste propriété, la transmettait à un héritier privilégié. Les terres de son domaine étaient chargées d'une rente perpétuelle soit en argent soit en nature. En changeant de mains, elles gardaient leurs lourdes obliga­tions. Ceux qui les cultivaient ne pouvaient se libérer à aucun prix.

Mais le châtelain habitait au milieu de ses terres. Il était le défenseur, le protecteur des populations de son domaine. Le plus souvent il y prati­quait largement la charité chrétienne. C'était le beau côté du régime.

La vie de cour substituée à la résidence provinciale a supprimé ce que le régime avait de meilleur. L'aristocratie, ou du moins la haute noblesse est allée dépenser à la capitale les rentes exigées rigoureusement par des intendants souvent avides et injustes.

En France, la Révolution a achevé par la violence une réforme bien commencée par la loi du 29 décembre 1790 sur le rachat des rentes fon­cières.

L'Irlande lutte depuis un demi-siècle pour obtenir une bonne législa­ture sur le rachat des terres par le tenancier grevé de rentes foncières. Les plus riches provinces de la Sicile, de l'Andalousie et de la Hongrie souffrent du même malaise et pour les mêmes causes: de vastes domai­nes administrés par des intendants rigides et intéressés au profit de pro­priétaires absents.

Rien ne montre mieux la nécessité d'une bonne organisation sociale et la part qui revient nécessairement à l'Etat et à la loi pour faire régner la justice et protéger les intérêts des faibles contre toute oppression.

II. FRANCE

Jeanne d'Arc. - Nous sommes témoins d'un mouvement d'opinion superbe. Jeanne d'Arc va refaire l'unité de la patrie. Le Sénat demande unanimement qu'elle soit fêtée par la nation. Des représentants de tou­tes les autorités sociales sont allées à Notre-Dame à l'appel de l'archevêque de Paris. On fête Jeanne d'Arc à Orléans, on la fête à Lille, à Lyon, à Marseille, partout.

Le décret des Chambres n'aura qu'à ratifier ce que la nation a voulu. La fête de Jeanne d'Arc est fondée, et si les Chambres voulaient, comme on l'a proposé, la rendre décennale, elles seraient débordées.

Toute la nation se tourne vers Jeanne d'Arc. Jeanne fera ce qu'elle a fait à Chinon et à Orléans, elle ralliera la France autour de l'étendard de Jésus et de Marie. C'est une aurore qui se lève, elle est pleine d'espérance.

Clotilde, Jeanne d'Arc, Marguerite-Marie, ce sont là trois messagères du Ciel chargées de faire et de refaire la nation très chrétienne. Clotilde a conduit les Francs au baptistère de Reims. Jeanne d'Arc les y a ramenés au XVe siècle.

Aujourd'hui que la patrie est bien malade, nos trois libératrices se lè­vent en même temps. Clotilde va nous rappeler le baptême de nos ancê­tres dans deux ans en son quatorzième centenaire.

Jeanne d'Arc nous réunit, elle nous appelle, elle veut nous redire com­ment nous avons été sauvés au XVe siècle et comment nous pourrons l'être encore en suivant la même bannière, celle de Jésus et de Marie.

Marguerite-Marie intervient aussi. L'œuvre de Montmartre s'achè­ve. La basilique sera consacrée en 1896. Tout nous autorise à penser que ce sera le signal d'une résurrection. Le règne du Sacré-Cœur, c'est l'union, c'est la charité, c'est la solution de ce problème social aujourd'hui si inquiétant.

Combien Notre-Seigneur aime cette nation, cependant si souvent in­grate, indifférente et coupable!

Argenteuil: la tunique sans couture. - Les pèlerinages commen­cent: La grande ostension de la sainte relique a lieu du 14 mai au 10 juin. Y a-t-il au monde rien de plus vénérable que cette robe teinte du sang du Rédempteur?

La résurrection de ce pèlerinage est encore une grâce providentielle pour hâter le réveil de la foi en France. Allons-donc à Argenteuil. Les étrangers eux-mêmes nous donnent l'exemple. La Belgique y envoie des processions de pieux fidèles. Allons vénérer la sainte relique qui nous est restée comme un témoignage de la piété de Charlemagne, et qui a tant de fois inspiré à nos-ancêtres de saintes et généreuses résolutions.

La société française avant la Révolution. - Les études historiques de M. Taine sont très suggestives. Elles nous enseignent à distinguer clairement le régime social chrétien de nos meilleurs siècles historiques d'avec le régime césarien provoqué par la Renaissance. Ils existaient tous deux d'une manière concomitante au siècle dernier. La noblesse de cour et il faut le dire aussi les abbés de cour laissaient çà et là leurs tenan­ciers et les populations dans la souffrance. Mais encore c'était une rare exception. «Les bonnes traditions de dévouement d'une part et de res­pect de l'autre, dit M. Taine, s'étaient généralement maintenues».

«En Bretagne, disait M. de Mirabeau, c'est le paradis terrestre pour les mœurs: des paysans dont l'attitude devant les seigneurs est celle d'un fils tendre devant son père; des seigneurs qui ne parlent à ces paysans que d'un air bon et riant: on voit un amour réciproque entre les maîtres et les serviteurs» (Lettre du Bailli de Mirabeau, 1670, cité par Taine).

«Dans le Bocage, dit M. Taine, la primauté des grands ne fait pas de peine aux petits. On vit bien ensemble, quand on vit ensemble depuis la naissance jusqu'à la mort, familièrement, avec les mêmes intérêts, les mêmes occupations et les mêmes plaisirs».

«Comment la petite noblesse, les prieurs et les curés de campagne vivent­ils avec le paysan? Un point est sûr, c'est que le plus souvent ils ne sont pour lui ni durs ni même indifférents. J'ai eu beau lire, je n'ai pas trouvé en eux les tyrans ruraux que dépeignent les déclamateurs de la Révolution».

«En fait de charité, les moines restent fidèles à l'esprit de leur institut. Augustins, Dominicains, Chartreux distribuent des secours aux pauvres et les aident à payer leurs impôts. Pour subvenir aux besoins extraordi­naires des populations, plusieurs communautés ajoutent aux rigueurs de leurs abstinences».

«Plusieurs cartons aux Archives nationales sont remplis de pétitions des paysans, des artisans, des notables, des officiers municipaux qui pro­testent contre la suppression des religieux».

«Ce sont, disent-ils, les pères communs et les bienfaiteurs des pau­vres… C'est la principale ressource de plusieurs centaines de familles… Il faut les conserver par pitié et compassion pour le pauvre peuple. Là où il n'y a pas de couvents réguliers et de chanoines, le peuple crie misère».

«En vingt endroits, on déclare que les religieux sont les pères des pau­vres. Au diocèse d'Auxerre, les Bernardins se sont dépouillés de tout ce qu'ils possédaient: pain, grains, argent et autres secours, tout a été pro­digué envers douze cents personnes qui, pendant plus de six semaines, n'ont cessé de venir se présenter chaque jour à leur porte. Emprunts, avances prises sur les fermiers, crédit chez les fournisseurs de la maison, tout a concuru à leur faciliter les moyens de soulager le peuple».

«J'omets beaucoup d'autres traits, aussi forts, dit M. Taine. Les do­cuments historiques donnent un démenti formel aux assertions des déc­lamateurs révolutionnaires».

M. Le Play porte le même jugement. «L'école révolutionnaire, dit-il, a attribué comme caractère distinctif aux six siècles précédents, l'antago­nisme social, qui ne s'y produisit qu'à titre exceptionnel, et qui ne s'est réellement propagé que de notre temps. L'harmonie sociale était mieux établie à cette époque dans la paroisse, dans l'atelier et dans la famille».

«Si la Révolution française, ajute M. Le Play, avait réellement sous­trait les classes inférieures à la prétendue oppression de l'ancien régime, on devrait constater que l'affection réciproque des maîtres et des servi­teurs se substitue peu à peu à de vieux sentiments d'antagonisme. Or, il est certain pour les moins clairvoyants, qu'un changement s'est produit dans le sens opposé» (La Réforme sociale, t. 1. p. 27).

Voilà des vérités qu'on ne trouve guère, hélas! dans nos manuels civi­ques.

La conclusion est une fois de plus que l'esprit chrétien peut seul réta­blir la paix sociale.

III. AUTRES PAYS

Allemagne. - Il y a de ce côté quelques éclaircies à l'horizon. Il paraît avéré que la princesse Frédéric-Charles se convertit au catholicisme.

Des négociations sont entamées pour la fondation d'un évêché à Ber­lin.

La rentrée des jésuites paraît maintenant assurée. Les capucins fon­dent plusieurs maisons en Alsace. Les Pères du Saint-Esprit établissent un petit noviciat à Trèves.

Ce sont là d'heureuses nouvelles dont il faut remercier Dieu.

Belgique. - Citons une belle petit œuvre, celle des villages chrétiens au Congo, fondés par le produit de la vente de vieux timbres.

Ce sont les enfants du petit Cercle de Saint Jean Berchmans à Saint­Trudon qui ont eu cette heureuse idée. Ils demandaient 40 millions de timbres en trois ans, pour avoir dix mille francs. Il est venu 65 millions de timbres et seize mille francs. Le village de Saint-Trudon est fondé. Il a son église du Sacré-Cœur et son école de Sœurs de charité.

L'œuvre continue. Le second village chrétien s'appellera Saint-Léon, et on ne s'arrêtera pas là.

Nos lecteurs voudront aider ces chers enfants.

CHRONIQUE (Juillet 1894)

I. LE REGNE SOCIAL DU SACRE-CŒUR

Pie IX et le Sacré-Cœur. - Pie IX a été le Pontife du Sacré-Cœur. C'est maintenant acquis à l'histoire. Son tombeau en témoignera aux générations à venir.

On vient de le bénir ce tombeau; c'est une merveille artistique. Il a pour cadre tout le narthex de la vieille basilique élevée par l'empereur Constantin sur le tombeau du martyr saint Laurent.

Le corps du saint Pontife repose sous un arceau dont le cintre est rem­pli par une mosaïque précieuse représentant le Sacré-Cœur de Jésus sur un fond d'or.

Ce symbole caractérise le règne du grand Pontife. N'est-ce pas lui, en effet, qui a placé sur les autels la bienheureuse Marguerite-Marie? N'a-t-il pas dit souvent qu'il attendait de la dévotion au Sacré-Cœur le triomphe de l'Eglise et le salut du monde? N'a-t-il pas donné à la fête du Sacré-Cœur un rang élevé dans la liturgie? N'a-t-il pas invité toutes les familles chrétiennes et toutes les paroisses à se consacrer à ce divin Cœur? Aucun Pontife n'a contribué davantage à réaliser les demandes adressées par Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite-Marie.

L'ornementation de la crypte de saint Laurent est dûe à la charité des catholiques du monde entier. Pie IX était tant aimé! Les ressources n'ont pas manqué. La crypte est toute tapissée de riches mosaïques. Sur le sol, c'est un tapis de mosaïques variées. Sur les parois, ce sont des ta­bleaux en mosaïques sur un semis de rinceaux et d'écussons.

Les sujets ont été dessinés par le grand peintre Louis Seltz, qui est au­jourd'hui le coryphée de l'art religieux à Rome. Ils rappellent les gloires du pontificat de Pie IX.

En face de ce tombeau, c'est la Vierge immaculée. A ses pieds, avec l'apôtre saint Jean, on voit le pieux pontife qui a défini l'Immaculée­ Conception. Sur la même paroi, on voit d'un côté le Concile du Vatican représenté par de nombreux évêques qui témoignent leur respect au Souverain Pontife. De l'autre côté, on voit les figures symboliques des cinq parties du monde offrant au Pontife le tribut de leurs offrandes et l'obole de saint Pierre.

Sur la paroi où est le tombeau sont représentés: saint Joseph, que Pie IX a proclamé patron de l'Eglise; saint Pierre et saint Paul, qu'il a glori­fiés à l'occasion de leur centenaire; saint François d'Assise, dont il était le disciple par le tiers-ordre; sainte Catherine de Sienne, dont il a fait une des patronnes de Rome; saint François de Sales et saint Liguori, qu'il a honorés du titre de docteurs; saint Etienne et saint Laurent dont il a restauré la basilique; sainte Agnès, à qui il a dû son salut dans une circonstance toute miraculeuse à son retour de Gaëte.

C'est tout le pontificat de Pie IX.

Une inscription glorieuse complète la décoration. Elle est de la compo­sition de Léon XIII. En voici la traduction:

«Par la splendeur de ses vertus, il illustra le Siège Apostolique. Il émut d'amour et d'admiration pour lui l'Eglise tout entière.

Il combattit pour la vérité et la justice avec un courage toujours invin­cible.

Il soutint exemplairement de grandes fatigues dans le gouvernement de la famille chrétienne».

Des fêtes magnifiques ont accompagné l'inauguration du monument. Pèlerinages nombreux, discours, académies de musique et de poésie, tout a contribué à rehausser la gloire de notre cher Pontife du Sacré-Cœur.

Léon XIII répondant aux pèlerins a glorifié les grandes œuvres de son illustre prédécesseur, l'éclat de ses vertus, son courage indomptable dans la défense de la vérité et sa sollicitude infatigable dans le gouvernement de l'Eglise.

Tout cela est de bon augure pour la canonisation de Pie IX, qui est désirée par les fidèles.

Gallicanisme et laïcisme. - Le gallicanisme et l'athéisme social sont deux ennemis de l'Eglise souvent alliés pour combattre le règne de Jésus-Christ. Le premier veut asservir l'Eglise et en faire un instrument docile, une fonction utile dans l'Etat. Le second ne veut pas la connaître; il la relègue à la sacristie, en attendant qu'il la détruise.

Notre gouvernement d'aujourd'hui est gallican. Il reconnaît le con­cordat. Mais par crainte des athées du socialisme, il applique partout le principe destructeur du laïcisme et il ruine en France le règne de Jésus­Christ.

Nos libéraux, pour satisfaire les jacobins envers lesquels ils se croient obligés à des égards, en arrivent à écarter Dieu pas à pas de toute la vie sociale.

Nous ne protestons pas assez. Notre indignation s'est émoussée. Que Dieu nous pardonne! A quel degré de marasme sommes-nous donc tom­bés?

Il faudrait un La Mennais pour flageller une pareille déraison . Entendez-le:

«Cherchez dans l'univers, je ne dis pas une nation mais une horde sauvage dégradée jusqu'à cet excès: vous n'en trouverez point. Jamais avant le XVIIIe siècle, il n'exista de société publique systématiquement athée, de législation qui se combattit elle-même en renversant la base des devoirs; qui dépouillant l'homme de sa grandeur et le ravalant au rang des brutes, ne lui montra dans la naissance qu'un accroissement de l'espèce, dans le mariage qu'un bail à vie (ou à temps) et dans la mort que le néant. Eh bien! c'est là que nous en sommes venus…».

«Et maintenant, ô France, sois fière, lève la tête, regarde en pitié les nations barbares où l'Etat croit encore en Dieu et professe une religion; où l'enfant, à son entrée dans le monde, est sanctifié, béni, placé sous la protection de la miséricorde et de l'espérance; où l'union conjugale, for­mée en présence du Très-Haut, reçoit de lui son auguste consécration; où le trépas, consolé par une foi sublime, n'est pas la fin de toutes choses pour le juste et pour le méchant, mais le passage à une vie immortelle où il sera rendu à chacun selon ses œuvres».

«Grâce à tes législateurs, tu t'es élevée au-dessus de ces préjugés vul­gaires; affranchie de la loi divine, tu t'avances à grands pas vers la per­fection sociale. Encore quelque temps, et l'on cueillera les derniers fruits de la sagesse, qui, pour animer les hommes aux travaux du devoir, aux sacrifices de la vertu, leur enseigne que le passé n'est qu'un peu de cen­dres et l'avenir un sépulcre éternel».

N'est-ce pas là qu'on nous mène?

Quand donc tous les honnêtes gens, tous les soidisant conservateurs entendront-ils l'appel de Léon XIII, qui leur dit: «Oublions tous les dis­sentiments politiques et unissons-nous tous pour conjurer le péril social».

Déjà le philosophe Leibnitz avait conçu cette grande idée. Il s'écriait en voyant la société courir à sa perte: «Puissent tous les hommes honnê­tes de tous les partis réunir leurs forces pour terrasser le monstre de l'athéisme et ne pas laisser croître davantage un mal d'où l'on ne peut attendre que l'anarchie universelle!».

Que les catholiques montrent tous l'exemple! Qu'ils suivent en tout les conseils de Léon XIII! Qu'ils fassent tous les sacrifices possibles pour élargir leurs cadres et pour s'unir aux hommes de bonne volonté!

Qu'ils favorisent toutes les œuvres de propagande, bons journaux, cercles et conférences pour répandre la vérité sociale!

Congrès catholiques. - Il y en a eu de fort beaux ces jours-ci, et il s'en prépare d'autres.

Rappelons d'abord le Congrès des propriétaires et capitalistes chrétiens.

Il a traité particulièrement de l'éducation des jeunes gens des classes supérieures - de la conservation du foyer familial - du crédit agricole - de l'action sociale du clergé et des propriétaires à la campagne.

Quelles nobles protestations on y a fait entendre contre les habitudes de paresse sociale de certaines familles, contre l'éducation molle, sans suite et sans caractère que les enfants de toutes les classes reçoivent trop souvent!

Avec cette assemblée nous pensons:

«Que l'état militaire est recommandable, au point de vue social, pour ceux qui désirent en faire leur carrière; mais que l'agriculture et l'indus­trie, après le sacerdoce, ont besoin d'hommes à vues nobles et éclairées, comme les classes supérieures ont mission d'en produire»;

«Que Dieu ne nous donne pas nos enfants pour en faire des idoles, mais qu'il nous les prête afin que nous en fassions les instruments de sa gloire et les héritiers du royaume céleste: qu'en conséquence nous de­vons les élever dans la crainte de Dieu, le respect de leurs parents et d'eux-mêmes, l'amour de l'Eglise et de la patrie et la pratique constante du travail».

Avec la même assemblée, nous félicitons l'université catholique de Lille de la fondation de son Ecole de hautes études agricoles. Nous voyons avec joie les efforts tentés en Bretagne et dans la Drôme, par l'ac­tion combinée des instituteurs chrétiens et des sociétés locales d'agricul­ture, pour enrayer le mouvement d'émigration des campagnes vers les villes, en intéressant les enfants des paysans dans les écoles à tout ce qui touche à l'agriculture.

Avec le même congrès, considérant la nécessité de former dans chaque paroisse un groupe de chrétiens fervents et énergiques, qui soient comme les sous-officiers de l'armée catholique; considérant qu'il ne suffit pas pour cela des œuvres habituelles de préservation, nous émettons le vœu:

«Que dans chaque paroisse le curé choisisse, dans les écoles libres ou parmi les enfants de la première communion, ceux qui sont les plus pieux et les plus énergiques, pour les former plus spécialement à la piété et à l'apostolat»;

«Que ces enfants soient organisés en une association, où ils seront constamment entraînés à la vie chrétienne active par la fréquentation des sacrements, la pratique des œuvres, la propagande par le journal, par toutes les œuvres de zèle et d'action».

Enfin avec cette assemblée aussi éclairée que sérieusement chrétienne, nous émettons le vœu que les propriétaires chrétiens unissent leur action sociale à celle du curé à la campagne pour lutter efficacement contre le socialisme, en demandant au prêtre le concours de son influence morale pour organiser des œuvres économiques, comme les syndicats agricoles et les caisses rurales. Nous les prions d'aider l'action sacerdotale pour la fondation des œuvres essentiellement religieuses, comme les confréries de Notre-Dame des Champs et autres analogues; et pour l'organisation de conférences religieuses et sociales et de congrès cantonaux populaires, comme cela se pratique avec succès dans l'Isère et le Gers.

- Au milieu de mai aussi se tenait le Congrès ouvrier chrétien à Reims. C'était bien beau de voir cinq cents ouvriers étudiant l'organisation sociale chrétienne, discutant avec sagesse et acclamant avec émotion l'Eglise leur mère et le Pape leur bien-aimé père.

Ils réclament l'éducation chrétienne à l'école et l'égalité dans les fa­veurs officielles pour l'école congréganiste et l'école laïque.

Comme œuvres économiques, ils demandent des coopératives de con­sommation, des caisses de secours et de retraite, des caisses de crédit; comme organisation corporative, ils désirent des syndicats ouvriers ou mixtes, des conseils de conciliation et d'arbitrage et la représentation des intérêts; comme œuvres de propagande et d'apostolat, des cercles d'étu­des sociales et des secrétariats du peuple.

M. l'abbé Lemire a su les enthousiasmer pour son projet si sage de protection du foyer familial.

- Quelques jours après, c'était le Congrès de l'œuvre des cercles.

Cette œuvre sait se rajeunir en adoptant les œuvres nouvelles, issues d'ailleurs des principes qu'elle a semés. Elle encouragera les cercles d'études sociales et tous les syndicats animés de l'esprit chrétien.

Ses plus beaux progrès cette année ont été la multiplication des syndi­cats agricoles et la fondation de caisses de prêts dans les campagnes. Rendons hommage au principal initiateur de ces caisses de crédit. M. Durand, président de l'Union des caisses rurales, Avenue de Noailles à Lyon.

M. de Mun a clôturé le congrès par un de ces discours enlevants qu'il sait ennoblir par les sentiments les plus élevés de la foi, du patriotisme, de l'amour du peuple et de l'union dans la charité et dans l'action.

II. FRANCE

Prochains congrès. - Le mois de juillet aura deux réunions bien at­trayantes pour nos lecteurs.

Du 12 au 15 juillet, ce sera la réunion annuelle de l'œuvre de Paray­le-Monial pour le règne social du Sacré-Cœur de Jésus. Les réunions se tiendront au Musée eucharistique de Paray. Des conférences très inté­ressantes y seront faites sur l'histoire du règne de Jésus-Hostie dans la chrétienté.

Du 25 au 29 nous aurons à Reims le congrès eucharistique, écho de celui qui s'est tenu l'an passé à jérusalem et préparation des grandes fê­tes dans lesquelles en 1896 la France renouvellera les engagements de son baptême.

Nos étudiants: Jeanne d'Arc et Voltaire. - Ils ont généralement l'ésprit nouveau, nos étudiants. Ils sont las de l'esprit de Voltaire. L'histoi­re leur révèle les bienfaits que la société doit à la religion. Ils n'entendent plus se laisser imposer les opinions de convention qui avaient cours de­puis un siècle. Aussi ont-ils avec le même entrain jeté le buste de Voltai­re à la Seine et acclamé Jeanne d'Arc en la délivrant courageusement des couronnes outrageantes que voulaient lui infliger les francs-maçons de Paris et de Rouen. Comme la jeunesse est belle quand elle a cette crâne­rie et qu'elle manifeste sans faiblesse sa foi et son patriotisme!

La Provence et le Sacré-Cœur. - Au ler juin, c'était à Marseille la Messe du Vœu avec l'offrande d'un cierge par la Chambre de commer­ce et l'amende honorable composée par Mgr de Belzunce et répétée tous les ans depuis les jours désastreux de la peste de 1720.

Au 14 juin, c'est le pèlerinage annuel du Petit-Montmartre près de Grasse. Ce sanctuaire du Sacré-Cœur est de plus en plus fréquenté. Chaque province voudra avoir le sien.

III. AUTRES PAYS

Italie: Congrès eucharistique de Turin. - Nous l'annonçons d'avance. Il se tiendra du 2 au 6 septembre. Son programme est très at­trayant. On y traitera de l'Eucharistie au point de vue du dogme, de l'histoire, de l'art, de la liturgie et de la dévotion réparatrice. On termi­nera par un acte solennel d'hommage à Jésus-Hostie.

Portugal: fêtes de Braga. - Le 20 mai, c'était une belle fête sur la montagne du Bon Jésus de Braga au sanctuaire de l'Immaculée­Conception. Cent mille pélerins étaient là avec 115 bannières de toutes les villes du royaume. Le Nonce apostolique officiait. La reine était re­présentée. Le directeur de l'Apostolat de la prière et de la ligue du Sacré­Cœur harangua la pieuse assemblée et lui fit acclamer le règne social de Jésus-Christ. C'est un beau triomphe pour le Sacré-Cœur.

Canada. - Quel pays pratique! Les évêques du Canada se sont aperçus qu'en maints endroits de leurs diocèses l'agricoltore est en souf­france. Ils sont peinés de cette situation. Ils craignent qu'elle ait pour conséquence l'abandon désastreux des campagnes. Ils savent que l'Egli­se n'a jamais délaissé les intérêts temporels des populations. Vite, ils ins­tituent une œuvre nouvelle. Des prêtres s'initient aux meilleures métho­des de cultures et ce font conférenciers dans les campagnes pour vulgari­ser les connaissances qu'ils ont acquises. Ces «Missions agricoles» sont bénies par le Saint-Père et commencent à produire de bons fruits. Quand serons-nous pratiques comme nos frères d'Amérique?

CHRONIQUE (Août 1894)

I. LE REGNE DE DIEU

L'Encyclique de la paix et de l'union. - Léon XIII est le patriar­che et le père du grand royaume de Dieu qui est l'Eglise. Son cœur est vaste comme le monde. Tous les fils des hommes sont les siens. Ils sont tous appelés à la foi. Il les embrasse tous dans une affection commune. Se sentant vieillir, il imite les patriarches de l'Ancienne Loi, il bénit tous ses enfants, il les exhorte à la piété envers Dieu, à la concorde et à l'union.

Comme il est beau ce vieillard! Il semble voir Jacob à la fin de sa vie bénissant avec effusion ses enfants et ses petits-enfants, ou encore Moïse sur la montagne d'Abarim donnant ses derniers conseils à son peuple.

Moïse sait que sa fin est proche. Dieu le lui a dit: «Ecce prope sunt dies mortis tuae». Il s'adresse au peuple d'Israël tout entier: «Locutus est au­diente uni verso cœtu Israel ». Il parle au ciel et à la terre: «Audite, cœli, quae loquor, audiat terra verba oris mei ». Il parle à Dieu pour le remercier de tous les bienfaits qu'il en a reçus pendant sa vie et aux hommes pour leur rap­peler tous leurs devoirs et les exhorter à la concorde et à l'union. C'est son chant d'adieu: «Scripsit Moyses canticum et docuit omnes ». Ce chant sur­passe les autres chants de sa vie par la grâce du langage et par la tendres­se des sentiments. Et quand il a parlé, il bénit toutes les tribus: «Benedixit Moyses filiis Israel ante mortem suam ».

Ainsi fait Léon XIII. Quoiqu'il semble avoir encore quelques années à vivre avec nous, il chante son chant d'adieu. Il remercie Dieu des grâ­ces de son pontificat et particulièrement de cette année jubilaire. Puis il s'adresse à tous les peuples, à ceux de l'Orient et de l'Occident, à ceux du Nord et du Midi, aux brebis fidèles du troupeau de Jésus-Christ, aux brebis égarées, à celles qui ne sont pas encore entrées dans le bercail. Il voudrait les unir toutes dans le service si doux du Sauveur et dans les joies de la paix et de la civilisation chrétienne.

Il dit aux peuples d'Orient: «Renoncez aux vieilles divisions. Le Sau­veur n'a voulu établir qu'un pasteur suprême et qu'un troupeau. Vos ancêtres l'ont reconnu, vos livres en témoignent. Venez donc à nous. Ne craignez pas, vos rites et vos privilèges seront sauvegardés».

Il dit aux peuples protestants: «Voyez, vous souffrez du manque de direction et d'autorité. Vous n'avez plus de règle de foi. Quelques-uns d'entre vous, entraînés par la fausseté de leur situation, en arrivent à nier la divinité de Jésus-Christ et l'inspiration de l'Ecriture. Ils cessent d'être vraiment chrétiens et tombent dans le rationalisme, le naturalisme et le matérialisme. D'autres, mieux inspirés et plus soucieux de leur sa­lut, reviennent au catholicisme. Rentrez donc tous dans le giron de l'Eglise, afin que tous les chrétiens aient la même foi et la même espéran­ce, basées sur le même évangile».

Il dit aux catholiques: «Sortez de l'inaction et de la tiédeur. Soumettez­vous aux enseignements de l'Eglise, qui a mission pour tracer à tous les hommes leurs devoirs».

Il dit aux pouvoirs civils: «Vous êtes tous menacés et de guerre exté­rieure et de guerre sociale. Puissiez-vous trouver un moyen de concilia­tion qui vous débarrasse d'un militarisme ruineux! Reconnaissez au moins que la question sociale a son unique solution dans la pratique de la justice et de la charité enseignées par l'Eglise catholique. Reconnais­sez aussi que la religion est le meilleur ciment des Etats, qu'elle inspire aux sujets l'obéissance et aux gouvernements la crainte du juge suprê­me».

Puis avec la confiance qu'inspire notre sainte religion, Léon XIII ter­mine en disant: «Nos désirs peuvent paraître bien éloignés de leur réali­sation; mais prions, la divine Providence intervient parfois d'une maniè­re inattendue pour changer la face des choses».

Oui, prions pour que les vœux de notre père bien-aimé, de ce patriar­che de la sainte Eglise soient exaucés, mais prions aussi pour que Dieu le conserve encore longtemps à l'Eglise et à notre filiale affection.

Les Saints reviennent. - En face des tristesses infinies de ce siècle et des périls que semble courir la foi chrétienne, les Saints se sont appro­chés sans doute du trône de Notre-Seigneur au ciel et lui ont dit: «Bon Maître, votre Eglise est bien combattue sur la terre. Ses ennemis sont nombreux et puissants. Permettez que nous combattions encore pour votre gloire; que du moins notre nom, nos souvenirs, nos ossements re­çoivent une force surnaturelle pour aider les fidèles dans leurs immenses besoins». Et Notre-Seigneur répondit: «Qu'il vous soit fait selon votre désir».

Et les Saints reviennent nous prêter leur concours.

La très sainte Vierge est venue à Lourdes, à La Salette, à Pontmain, à Notre-Dame-des-Victoires. En cent endroits elle est venue guérir, con­soler et relever les âmes. Elle est venue réveiller la foi et ranimer l'espé­rance.

Saint Joseph est venu, après des siècles de silence et presque d'oubli. Il est partout. Il nourrit les pauvres, les vieillards et les orphelins. Il leur construit des asiles. Il soutient toutes les œuvres. Il semble que le ciel nous l'ait cédé.

Sainte Gertrude et Marguerite-Marie, longtemps oubliées sont ve­nues nous rappeler les bontés du Sacré-Cœur et ses promesses. Elles nous ont fait relire leurs œuvres qui dormaient dans les bibliothèques. Elles nous conduisent à Paray, à Montmartre. Elles nous conduiront au salut de la patrie.

Jeanne d'Arc est venue. Elle veut arracher encore au péril la fille aînée de l'Eglise. Elle nous mènera tous ensemble à la prière, au repentir, au combat contre l'ennemi du jour, contre les sectes lucifériennes et maçonniques. Elle nous mènera aux pieds du Christ.

Le grand thaumaturge, saint Antoine de Padoue revient aussi. Il sème de nouveau ses prodiges. Il est partout à la fois. Il multiplie le pain à Pa­ris, à Toulon, à Marseille, à Bordeaux, à Lille, à Nancy. En cent en­droits déjà, bientôt il faudra dire en mille endroits, il nourrit les pauvres, les orphelins, les pieux enfants des écoles apostoliques. Lisez ses annales, lisez tous les journaux catholiques: ici saint Antoine a donné déjà 3000 kilos de pain, là 10,000, là 30,000. Comment cela se fait-il? C'est bien simple. Sa statue a deux troncs, dont l'un reçoit les requêtes et l'autre les actions de grâces. Dans le premier, il y a cent lettres comme celles-ci: «Cher Saint, j'ai besoin d'une grande grâce, une guérison, un succès aux examens, un secours temporel, etc. Si je l'obtiens par votre interces­sion, je vous donnerai tant pour vos pauvres». Dans l'autre, il y a cent autres lettres ainsi conçues: «Merci, cher Saint, vous m'avez exaucé, je m'acquitte de ma promesse». Et ces lettres de remerciement contien­nent des pièces d'or, des bons de poste, des billets de banque pour le pain des pauvres.

A notre chère école apostolique de Fayet près Saint-Quentin, saint Antoine a voulu avoir aussi son trône de grâces. C'est lui qui l'a voulu, car une personne de grande foi lui avait dit: «Cher Saint, si vous m'ob­tenez telle grâce inespérée, vous aurez là une belle statue, dans ce déli­cieux sanctuaire». La grâce n'a pas tardé à venir et la statue est là. Elle est très visitée. Les suppliques abondent. Les prières des enfants les pré­sentent à Dieu et les dons de la reconnaissance leur fourniront le pain quotidien.

Les Saints reviennent, quel motif d'espérance! Nous allons paraître optimistes à quelques-uns, soit! Léon XIII aussi, en terminant son ency­clique, disait: «Plus d'un pensera que nous donnons trop à l'espérance. «Mais il ajoutait, et nous ajoutons avec lui: «Nous mettons tout notre espoir et toute notre confiance en Jésus-Christ, nous souvenant des grandes choses que put accomplir autrefois la folie de la croix et sa prédi­cation, à la face de la sagesse de ce monde, stupéfaite et confondue».

II. FRANCE

Un peuple qui prie. - Un vent de religion souffle sur la France. Le crime de Lyon l'a conduite toute entière à l'église.

Le divorce était complet entre le monde officiel et le sanctuaire. Ce­pendant des deux côtés on sentait le besoin de se réconcilier. Jeanne d'Arc a passé et l'union allait se faire. Les autorités, l'armée surtout, al­laient joyeusement à l'église pour glorifier la libératrice de la patrie. Le démon rugissait, les loges hurlèrent, le pouvoir prit peur. Il y eut aussi des imprudences commises. Des demi-catholiques, peu dociles au Pape, tentèrent d'accaparer ce mouvement au profit d'une cause humaine. Un décret interdit à l'uniforme français d'aller rendre hommage à celle qui conduisit autrefois nos armées à la victoire.

Mais l'attentat de Lyon et l'exemple de Carnot ont refait l'union. La France prie. Elle ne le faisait plus depuis quelques années et nos yeux sont tout étonnés de rencontrer dans le sanctuaire les uniformes, les to­ges, les hermines et les écharpes à côté des surplis. Dieu nous saura gré de ces prières, si imparfaites qu'elles soient.

Et ce qui est bien sensible, c'est que ce fait si nouveau a produit une satisfaction générale. La grande majorité de la nation en est heureuse. Elle chanterait volontiers avec le psalmiste: «Ah! qu'il est bon de vivre ensemble comme des frères!».

Nous avons prié pour le défunt, prions aussi pour son successeur, comme plusieurs évêques l'ont demandé. Prions pour la nation. Elle a tant besoin du secours de Dieu!

III. AUTRES PAYS

Belgique. - Le baron Jean Béthune, rénovateur de l'art chrétien. - La Belgique vient de perdre un de ces hommes dont le nom sera une des gloires de ce siècle, M. le baron Béthune. Comme Monta­lembert, Victor Hugo, Vitet, Viollet-le-Duc en France, le baron Béthu­ne a été le rénovateur de l'art chrétien en Belgique.

La Renaissance païenne nous avait hypnotisés en Europe depuis trois cents ans. Il n'y avait plus d'acceptable que les trois ordres classiques, le dorique, l'ionique et le corinthien, avec le fronton grec et l'arc romain. L'art ogival était appelé gothique, c'est-à-dire barbare. Cet art si pur, si élevé, si profondément national et chrétien, issu du génie franco­germanique et de la foi chrétienne était tombé dans le mépris.

Les néo-païens, entraînés par cet engoûment incompréhensible ont plus détruit en Europe de chefs-d'œuvre chrétiens que toutes nos révolutions. Il ne leur a manqué que le temps et l'argent pour jeter bas nos cathédrales de Paris, de Chartres, de Reims. Ils ont détruit par milliers des églises ogivales, pour les remplacer par des pastiches de la Renaissance. Ils ont brisé les vi­traux, refondu les calices et les reliquaires, renouvelé les autels, changé tout le mobilier de nos églises, badigeonné nos peintures et souvent habillé de marbre nos belles colonnades ogivales dont ils rougissaient.

Mais l'art chrétien s'est réveillé sous la Restauration. Victor Hugo s'est épris de Notre-Dame de Paris en la décrivant dans un roman. Montalembert en étudiant l'histoire des moines d'Occident a compris la beauté de leurs œuvres. Viollet-le-Duc en restaurant Notre-Dame a re­trouvé tout le génie du moyen-âge; il a consigné pour l'avenir dans des livres impérissables les règles de cet art merveilleux.

Montalembert visitait un jour la cathédrale de Courtrai. Il avait pour cicerone le jeune fils du bourgmestre Jean Béthune. Celui-ci faisait re­marquer consciencieusement au grand écrivain ce qu'on regardait alors comme seul digne d'attention à Courtrai, l'érection de la croix de Van Dyck et les bas-reliefs de Lecreux. Montalembert admirait plutôt l'élé­gance des arceaux, la hardiesse des voûtes, l'harmonie du vaisseau. Son jeune guide ose lui en demander la raison. «C'est, dit le noble écrivain, que ces œuvres de la Renaissance sont trop matérielles; la technique est belle, mais la pensée n'est pas vraiment chrétienne».

Jean Béthune réfléchit. Ce fut pour lui une révélation et le point de départ d'une vocation. Il étudia, il voyagea, et il résolut de faire revivre en Belgique l'art chrétien du moyen-âge.

Nous ne pouvons pas redire ici les péripéties de cette lutte contre le courant d'idées de toute une nation. Constatons seulement que la victoi­re est gagnée. Il laisse son atelier de peinture sur verre, dirigé par M. Verhaegen, ses écoles de Saint-Luc à Gand, à Tournai, à Louvain, à Liège, à Bruxelles, sa gilde de Saint-Thomas et de Saint-Luc, sa colonie chrétienne d'art industriel de Maltebrugge. Il a construit l'abbaye de Maredsous et le béguinage de Mont-Saint-Amand, les deux chefs-d'œuvre de l'art chrétien en Belgique au XIXe siècle. Les églises, châteaux, écoles, maisons, couvents bâtis sur ses plans ne se comptent plus. Les meubles dessinés par lui, les peintures, les verrières, esquissées de ses mains, les reliquaires exécutés sous sa direction sont innombrables.

On a même vu à son instigation des églises se dépouiller de leurs mar­bres adventices. Il en a coûté parfois des larmes aux pieux habitués du passé. Mais après l'œuvre exécutée, l'admiration a été unanime.

Le baron Béthune a accompli sa mission. Il laisse des œuvres et des élèves. Il est mort pieusement à son château de Marche. Il était homme d'œuvres autant qu'artiste. C'était un bon ouvrier du règne du Cœur de Jésus.

CHRONIQUE (Septembre 1894)

I. LE REGNE DE JÉSUS-CHRIST

Le Congrès Eucharistique de Reims. - Ces assemblées eucharisti­ques surpassent tous les autres congres. C'est que Jésus y est présent personnellement et il attire tout à lui. Il est, en effet, toujours exposé dans un oratoire attenant aux salles de réunion du congrès.

Il y a dans ces réunions une atmosphère de foi, de piété, de charité, de vie surnaturelle, qui fait grande impression sur ceux qui y assistent. Ce congrès était le neuvième de ceux qui ont été organisés par le Co­mité permanent dont le président est Mgr l'évêque de Liège. Les précé­dents se sont tenus à Lille, à Avignon, à Liège, à Fribourg, à Toulouse, à Paris, à Anvers, à Jérusalem.

Les beaux congrès de Naples et de Valence, comme celui qui va se te­nir à Turin, forment une autre série. Ils ont été organisés par d'autres comités.

Ces réunions sont plus qu'un congrès, c'est une académie, c'est une retraite, c'est un synode, c'est presque un concile: Il y a des cardinaux, des archevêques et évêques de l'Orient et de l'Occident, des vicaires apostoliques, des abbés mitrés, des prélats, des supérieurs et des reli­gieux de tous les ordres et de toutes les congrégations: bénédictins, pré­montrés, franciscains, dominicains, jésuites, barnabites, sulpiciens, pè­res blancs d'Afrique, pères de l'Assomption, de Marie, du Sacré-Cœur, etc.

Il y a quatre prêtres de tout rang et de toute dignité, dont beaucoup sont des apôtres, des écrivains, des orateurs connus de tous, comme Mgr Péchenard, Mgr Cartuyvels. Mgr d'Hulst, Mgr Cauly, le P. Charmet­tant, le P. Bailly, le P. Tesnière, le P. Tondini, le P. Lemius, le P. De­martial, l'abbé Lémann, l'abbé de Leudeville, l'abbé Garnier, l'abbé Naudet et vingt autres.

Il y a aussi un aréopage, un sénat d'hommes d'œuvres, de grands ca­tholiques, semblables à ces anciens du peuple, dont Moïse s'entourait: les de Pélerin, de Damas, de Nicolaï, Vrau, Harmel et bien d'autres.

Quel beau cadre aussi a cette assemblée! Ce palais épiscopal, qui fut celui de saint Remi. Cette salle des rois ornée des portraits de tant de princes pieux et de vaillants chevaliers qui reçurent à Reims l'onction sainte. Cette merveilleuse cathédrale, qui est la plus pure inspiration de l'art chrétien et dans laquelle planent les ombres de sainte Clotilde et de Jeanne d'Arc, qui ont fait et refait la France.

Autour du congrès, c'est toute la ville qui est en retraite ou en mis­sion: expositions du Saint-Sacrement, prédications, prières des enfants, messes orientales, processions et saluts avec illuminations féeriques, rien n'est oublié pour glorifier Dieu et toucher les âmes.

Que fait-on dans ce congrès? On redit les gloires de l'Eucharistie, son culte, ses miracles, ses monuments, ses œuvres. On sonde l'Eucharistie par la pensée, comme l'apôtre Thomas sonde de sa main la poitrine du Sau­veur. Comme lui on trouve le Cœur de Jésus. Quand on a trouvé cette source on y boit à longs traits et l'on s'enivre d'amour pour le Bon Pasteur, pour le Rédempteur, pour l'aimable et divin Roi du ciel, et de la terre. On s'enivre d'amour pour le Vicaire de Jésus-Christ, que l'on acclame; pour les ouvriers et les pauvres, qu'on veut aider et relever; pour les frères sépa­rés de l'Orient qu'on veut ramener au bercail de l'Eglise.

Comme le cardinal préside avec amabilité! qui n'aimerait le bon évê­que de Liège, toujours si humble et si pieux! Quelle sainte et bonne cho­se que l'union de tous les rites! Les orientaux qui sont là sont bien nos frères. Le pieux archevêque maronite est bien l'organe de la foi de son peuple, quand il s'écrie: «Nous sommes attachés à l'Eglise catholique jusqu'à l'effusion de notre sang. Nous voulons être les vaillants soldats de Léon XIII sous la conduite du général Langénieux pour ramener tous les orientaux à l'unité».

C'était un congrès eucharistique, on peut dire aussi que c'était le con­grès du Sacré-Cœur. La plupart des travaux, des rapports, des discours nous montraient le Cœur de Jésus vivant et agissant dans l'Eucharistie.

Le bouquet du congrès fut le beau discours du R. P. Lemius de Mont­martre, qui nous montra le Sacré-Cœur de Jésus, se manifestant dans l'Hostie à Paray, et nous offrant les plus merveilleuses bénédictions pri­vées et sociales, à la condition que nous l'aimions, que nous lui fassions amende honorable, que nous lui offrions un temple votif, et que nous ar­borions son symbole sacré dans nos étendards. Fiat! Fiat!

L'art chrétien. Les lettres chrétiennes. - Léon XIII élargit chaque jour son horizon. C'est un restaurateur universel. Son œuvre, c'est le renou­vellement de toutes choses dans le Christ. Il a tracé un programme de relève­ment pour la philosophie, la théologie, l'étude des saintes Ecritures, la politi­que, la vie sociale. Il n'avait pas encore touché directement à l'art et à la litté­rature. Il vient de le faire. Il faut que son œuvre, soit complète et que ses écrits composent la somme de la Restauration chrétienne.

L'art et les lettres n'appartiennent pas à la substance du dogme. Ils sont l'ornement et le vêtement de la vérité. Léon XIII ne leur devait pas une encyclique, c'eût été trop solennel. Il a pris pour dire sa pensée la forme d'une lettre adressée au Conseil de fabrique de l'église Saint­François de Sales.

Cette simple lettre est un fait d'une importance immense.

La décadence de l'art chrétien date du XVe siècle. Le grand art ogival a perdu peu à peu sa noblesse, sa pureté, sa grandeur. Au XVe siècle, il est tombé dans le maniérisme et le grotesque des détails. Au XVIe siècle, il s'éclipsait devant dans les arts, dans la philosophie, dans les lettres.

Les papes ont protesté d'abord; puis, entraînés par l'opinion, ils ont accepté le néo-paganisme, parfois même avec la faveur que l'on témoi­gne à un enfant gâté, en lui permettant mille sottises. Témoins ces nudi­tés de la Renaissance et toutes les Minerves, les Vénus, les Satyres, les Cupidons qui ornent tant d'églises, d'autels, de tombeaux et même de palais pontificaux en Italie.

La réaction a commencé après les excès de la Révolution. Montalem­bert, Viollet-le-Duc, Léon Gauthier en France, Jean de Béthune en Bel­gique en ont été les principaux promoteurs. Nous avons réappris à Bou­ter l'art et la poésie du moyen-âge.

En Italie, quelques bons esprits reviennent à la pureté de la première Renaissance et au style ogival riche et gracieux qui convenait à ce climat et qui a fleuri particulièrement à Sienne, à Florence, à Orvieto.

Léon XIII ne pouvait rester étranger à aucun relèvement, à aucune grande idée. Il nous donne aujourd'hui sa pensée sur l'art et les lettres, en écrivant aux Bolonais. Sa lettre doit être considérée comme une direc­tion que nous devons suivre.

«Ce qui nous charme, dit-il, c'est de vous voir rivaliser de zèle pour que votre église, élevée au XIIIe siècle par l'éclatante piété de vos ancêtres, soit, après des vicissitudes variées, entièrement rendue au culte divin, la magnificence de son plan primitif étant pour elle un nouveau titre à la vénération».

«En elle subsistera, en effet, un spécimen de l'art si plein d'éclat qui florissait dans ces temps remarquables surtout par une foi ardente et une sagesse lumineuse, et où toutes les sciences se vouaient, comme les ser­vantes de la doctrine sacrée, à accroître la gloire du nom divin».

«Quant à nous, de même que nous nous sommes appliqués et que nous nous appliquons encore à faire renaître la solide sagesse des an­ciens, en choisissant comme guides: dans la philosophie, saint Thomas d'Aquin; dans les lettres, Dante Alighieri, ainsi nous vous prédisons d'une manière certaine que les autres arts produiront des fruits excel­lents, pourvu qu'ils recherchent et apprécient les modèles de cette même époque. Plus, en effet, notre art se rapprochera du modèle de la sagesse divine, ce à quoi on visait alors avec une grande religion, plus il aura d'éclat et de puissance, surtout lorsqu'il s'agit de la construction des édifices sacrés, qui sont la figure des choses célestes» (Hebr. VIII, 5).

Revenons donc à l'art chrétien et aux lettres chrétiennes.

L'écrivain anglais Walpole disait avec vérité: «Les églises gothiques sont faites pour inspirer la piété, les autres provoquent seulement l'ad­miration».

Remontons à la source, à l'art chrétien du XIIIe siècle, à l'inspiration chrétienne du Dante et de la Chanson de Roland. Le XVIIe siècle lui-même, qui a du reste tant de grandeur, n'a pas pu se dégager du paga­nisme. Il a fait de Paris une nouvelle Athènes et une nouvelle Rome. C'est un brillant tour de force, mais est-ce bien un progrès et une gloire pure pour des chrétiens?

Ah! si nous avions continué dans la noble voie où nous étions au XIIIe siècle et dépensé pour l'art chrétien et les lettres chrétiennes ce que nous avons montré de génie à la Renaissance et au XVIIIe siècle, à quelle hau­teur ne nous serions-nous pas élevés! Et il en eût été de même dans tou­tes les branches de la vie sociale et de la civilisation.

Ce que nous avons perdu, le Sacré-Cœur de Jésus veut nous le ren­dre, si nous nous tournons vers lui avec repentir et avec docilité. Suivons la voie tracée par Léon XIII, le grand restaurateur de la chré­tienté.

L'empire du diable. - Dans un discours récent, le R. P. Monsabré donnait ce nom à l'Asie orientale. L'Inde et la Chine appartiennent de fait à Satan. Il y règne en maître puissant comme le Christ règne en Europe.

Il règne sur le esprits en les trompant. Il règne sur le peuple par les idoles. Il règne par ses prestiges et ses prétendus miracles.

Pour les philosophes et les lettrés, il a substitué à l'idée de Dieu celle de l'universelle nature où tout est Dieu. Il a faussé les espérances de l'homme par le système des transmigrations. «Il a enveloppé la vie humai­ne d'un pessimisme sombre et désespéré, d'où l'on ne peut sortir qu'en entrant dans le repos anéanti du Nirvana».

Il conduit le peuple au pied de ses idoles: «des géants monstrueux, des figures grimaçantes, des corps aux cent têtes, aux cent mamelles, aux cent bras, aux cent jambes; bien plus, des représentations obscènes; mieux encore, pour narguer la malédiction qui l'a frappé sous la figure du serpent, il a fait de cet animal un être sacré, à qui il faut des temples et des adorateurs».

Il a ses miracles, orgueilleuses contrefaçons des merveilles divines. Il a ce kounboum, arbre sacré, dont les feuilles sont marquées de caractères thibétains. Il a ces suspensions de vie, ces sommeils mystérieux des fakirs de l'Inde, dans lesquels ces pauvres victimes s'enferment au tombeau pour un temps déterminé, cent jours par exemple, et retrouvent ensuite la vie sous les manipulations des brahmes.

Que d'autres prestiges encore: des maisons hantées, de soudaines pos­sessions, des disparitions de personnes, et ces scènes étranges et cruelles, où des Lamas s'ouvrent le ventre, étalent leurs entrailles, aspergent le sang et rentrent ensuite tranquillement dans leur premier état.

Ce sont là des choses communes en Orient. On s'étonnait de les voir ra­contées par le docteur Bataille. Le P. Monsabré a voulu aller aux sources. Il a consulté les missionnaires. Il a lu les rapports officiels de l'Indiana Company et les récits des voyageurs. Il n'y a plus de place pour le doute.

Mais hélas! le démon ne se confine pas dans son empire oriental. Il a ses postes avancés en Occident. Il veut reconquérir l'Europe sur les chré­tiens. Il règne dans la haute franc-maçonnerie. Il multiplie son culte sa­crilège dans nos villes. Le fait est trop certain. Dans les derniers congrès d'œuvres, nous avons consulté des prêtres de Paris, de Lyon, de Turin et de Rome, ils savent pertinemment que Satan a dans ces villes de nom­breux sanctuaires cachés où se célèbrent les messes noires, où l'Hostie est profanée. De là ces vols si fréquents des ciboires de nos églises. De là ces communions sacrilèges de pauvres gens qui sont payés pour porter l'Hostie de leurs communions aux Lucifériens et qui parfois saisis de re­pentir et de crainte vont la porter aux prêtres.

Ne nions plus des faits évidents, mais plutôt faisons amende honorable à Jésus-Hostie que nous aimons et prions-le d'épargner ces villes sur lesquel­les tant de sacrilèges peuvent faire tomber les plus terribles châtiments.

II. FRANCE

L'action: le devoir d'agir. - On le comprend de plus en plus. Les ca­tholiques doivent agir, le moment est propice. La société est désemparée. Elle n'a plus d'assises. Elle cherche un point d'appui. Apôtres de la vraie foi, apportez donc vos principes inébranlables, vos enseignements lumi­neux. Vous seuls possédez les moyens de salut. Dites-le, criez-le sur les toits. C'est votre devoir. Nous trouvons cette pensée exprimée partout.

«Tout le monde sent, dit une excellente brochure publiée chez M. Paillart d'Abbeville sur l'Action nouvelle du clergé, tout le monde sent qu'il y a quelque chose à faire, un apostolat à exercer… La philosophie avoue son impuissance, la science abdique ses prétentions, on ne sait plus où asseoir la morale privée ni le droit public, et cependant jamais le monde ne fut plus affamé de justice et de vérité. Les terres sont labourées et pro­fondément remuées, il n'y a plus que la semence à jeter. Le moment est donc propice pour l'apostolat catholique».

Un écrivain et un penseur, M. Ollé-Laprune parlant aux élèves de Juilly en leur donnat des prix a traité le même sujet: le devoir d'agir. «Voyez, dit-il à ces jeunes gens, rien ne se peut défendre, rien ne se peut conserver, rien ne se peut faire qu'à ce prix. Vous voulez conserver intactes vos convictions, travaillez et luttez. Vous voulez contribuer au raffermissement des esprits, à la restauration des vérités essentielles, tra­vaillez et luttez. Vous voulez que la justice fasse des progrès dans la so­ciété, que des abus disparaissent, que des réformes s'operent, travaillez encore et luttez… Il nous faut des hommes, des hommes de tête, des hommes de cœur, des hommes de volonté ferme et résolue…». Devons-nous le regretter? Non. Montalembert disait: «Ne nous lais­sons jamais soupçonner de ne pas accepter les conditions d'une époque militante». M. Ollé-Laprune ajoute: «J'aime cette parole. Nous vivons dans un temps troublé, difficile, où il faut travailler et lutter. Tant mieux, jeunes gens, tant mieux. Vous ne refuserez, n'est-ce pas, ni le la­beur, ni le combat».

M. l'abbé Garnier, le vaillant lutteur, nous anime au travail. «Mais si tout allait bien, dit-il, qu'aurions-nous donc à faire? Que fe­rait la jeunesse de ses vingt ans, l'âge mûr de ses forces et de son expé­rience! Si tout marchait à souhait, riches, que feriez-vous de votre fortu­ne, de vos loisirs, de votre influence?».

«Vous jetez un regard d'envie sur la facile existence des siècles passés. Demandez à Bonaparte et à Duguesclin, quels ont été leurs plus beaux jours. Ils ne vous nommeront ni les heures d'armistice, ni les temps de repos aux châteaux de Bretagne… A l'œuvre donc et remercions la Pro­vidence de nous avoir appelés à vivre dans ce siècle de combats!».

Un ex-voto. - Une famille chrétienne avait un malade, un homme honorable selon le monde, mais peu chrétien. On demanda à la fois sa guérison et sa conversion par l'intercession du vénérable Père de la Co­lombière. On promettait de publier les grâces reçues. Elles sont venues. Le malade se remet et il est converti. On nous prie de le publier. Nous sommes heureux de glorifier le saint apôtre du Sacré-Cœur.

III. AUTRES PAYS

Equateur: Bonnes volontés. - Le gouvernement de l'Equateur a des intentions excellentes. Tout n'est pas roses cependant là-bas. La presse maçonnique est très puissante et un souffle de révolution semble menacer sans cesse tout l'ordre social. Cependant la Providence conser­ve la république équatorienne, grâce aux bonnes intentions de ses chefs. Lisez ce petit discours du bon Président Louis Cordero:

«Dès que j'ai mis les pieds dans le palais du gouvernement, disait-il au 10 juin dernier, j'ai décidé de baser ma conduite de magistrat catholi­que sur la plus parfaite et constante harmonie avec l'autorité ecclésiasti­que. C'est à l'heureuse réalisation de ce ferme dessein que je dois l'in­comparable avantage de posséder l'affection paternelle du chef auguste de l'Eglise, la sincère estime de tous les prélats équatoriens et l'adhésion précieuse de l'intelligent clergé de la République. Aucune divergence, aucun dissentiment n'a troublé un seul moment la concorde étroite des pouvoirs civil et ecclésiastique…».

C'est parfait, et ce qui n'est pas moins frappant c'est le fait que le sé­nat de Quito a exclu de son sein un de ses membres parce qu'il avait été excommunié par Mgr l'évêque de Portoviéjo.

Dieu pardonnera beaucoup à la république de l'Equateur à cause de ces actes de foi.

CHRONIQUE (Octobre 1894)

I. LE REGNE DE JÉSUS-CHRIST

Notre manuel social chrétien. - C'est un petit livre qui vient de paraître à la librairie de la Bonne Presse1).

Les livres sur la question sociale se multiplient. Il y en a une foule d'excellents, d'intéressants. C'est un sujet très vaste et qui comporte toute une bibliothèque. Il nous a semblé qu'il manquait un Manuel suc­cinct, qui traitât toute la question dans un petit volume.

Mgr l'évêque de Soissons désirait aussi ce Manuel pour ses prêtres et pour les hommes d'œuvres. Il nous a demandé de le faire.

M. Léon Harmel a parlé au Saint-Père de ce petit livre et de son utili­té pour tous les catholiques et notamment pour les groupements d'études sociales dans les séminaires et les paroisses. Le Saint-Père l'a encouragé, l'a béni et l'a fait revoir par les théologiens de la Maison Mère des Do­minicains, pour qu'il ait une doctrine irréprochable.

Ce petit livre vient au jour. Mgr l'évêque de Soissons a bien voulu l'approuver. Il nous écrit: «Je vous félicite de tout mon cœur de ce tra­vail, qui suppose de grandes et sérieuses lectures sur tout ce qui touche les questions sociales. Ce sera un utile répertoire de renseignements pour tous ceux qui s'occupent de ces importantes questions et qui ont à défen­dre la vérité contre les doctrines socialistes. Tout se trouve condensé dans ce travail au point de vue théorique et scientifique. Ceux qui vou­dront approfondir ces matières le pourront facilement grâce aux indica­tions d'auteurs spéciaux que vous nommez…».

Son Eminence le Cardinal Langénieux nous écrit: «Vous avez fait sur la question sociale un travail des plus consciencieux et des plus utiles». «Après avoir rappelé les principes généraux qui dominent le sujet et décrit le malaise social du temps présent, vous en recherchez les causes multiples et vous en indiquez les remèdes, les vrais remèdes, dont le pre­mier vous semble être, à bon droit, l'action bienfaisante de l'Eglise. L'exposé est ainsi complet; il se recommande, de plus, par la clarté de la méthode et une rare précision dans les termes.

Je suis persuadé qu'après vous avoir lu, on aura, sur les problèmes aujourd'hui agités, des notions plus exactes, parce qu'elles seront plus conformes aux enseignements de Léon XIII dont vous avez fait le fond de votre travail».

«Aussi je n'hésite pas à joindre, à mes sincères félicitations, mes meil­leurs vœux pour la plus large diffusion de votre Manuel…».

M. Léon Harmel veut bien nous écrire aussi qu'il se réjouit de la pu­blication de ce Manuel qu'il trouve «si complet, si clair, si pratique et si utile».

De tels patronages nous encouragent, et quelque imparfait que soit le livre, nous le donnons au public avec l'espoir qu'il fera quelque bien.

La justice sociale. - C'est le titre du journal hebdomadaire que pu­blie M. l'abbé Naudet. L'éloquent et sympathique conférencier est fort encouragé par le Saint-Père. Il a résumé les doctrines qu'il veut propa­ger dans une brochure intitulée «Notre œuvre sociale». Le Saint-Père a bien voulu accepter l'hommage de cette brochure. Le Cardinal Rampol­la a écrit à l'auteur: «Le grand intérêt avec lequel l'Auguste Pontife s'occupe du bien social fait qu'il a pour très agréable le zèle de ceux qui, soit parmi le clergé, soit parmi les laïques catholiques, se sont consacrés à cette œuvre. C'est pourquoi, en vous exhortant à continuer dans votre louable dessein, toujours en conformité avec les enseignements exprimés dans l'Encyclique Rerum Novarum, il vous donne de tout cœur sa bénédiction apostolique».

Sans doute ces lettres laudatives ne prouvent pas que le Pape souscrive sans réserve à toutes les formules, à tous les mots des documents qu'il approuve. Mais elles impliquent au moins l'approbation in globo des so­lutions formulées par leurs auteurs et de l'orientation qu'ils ont adoptée dans leurs travaux et leurs conclusions.

M. Naudet va prendre, dit-on, la direction d'un grand journal catho­lique quotidien pour travailler par l'apostolat de la presse au règne de la justice sociale, c'est-à-dire au règne de notre bon maître Jésus-Christ et de son divin Cœur si compatissant pour tous ceux qui souffrent des injustices sociales.

Nous formons les meilleurs vœux pour toutes les œuvres de M. Naudet.

La démocratie chrétienne. - Le mot démocratie a soulevé des tempê­tes. Il était rejeté jusqu'à présent par les conservateurs belges qui faisaient un reproche à l'abbé Pottier et à son école d'avoir adopté un mot si dan­gereux. En France, d'excellents esprits le tenaient en défiance. Le P. de Pascal et la Semaine religieuse de Cambrai manifestaient leur antipathie pour ce mot. Il a en effet un sens faux, si on le prend pour le règne ou le gouvernement de la plèbe. Mais il a aussi un sens vrai, si on le prend pour une participation large et sincère du peuple au gouvernement de ses propres affaires d'abord et même à la gestion des affaires publiques. C'est dans ce sens que le prennent nos amis de la Revue «la Démocratie chrétienne» de Tourcoing. Et le Saint -Père vient de leur donner raison en approuvant leur œuvre par une magnifique lettre qu'il a dictée au Cardinal Rampolla.

Nos félicitations à la jeune et vaillante Revue. Son programme est au fond le même que celui de la «Justice sociale» et que celui de notre Ma­nuel. Nous regardons cependant l'impôt progressif comme dangereux. Il a un parfum de communisme. Il diminuera le stimulant au travail. Il affaiblira la charité.

Mais c'est un point qui reste libre et discutable, et cela n'empêche pas la Revue d'avoir un magnifique programme, qui comprend: le relève­ment de l'Agriculture par des droits compensateurs, la suppression des impôts qui pèsent sur la subsistance, la réforme du régime de la proprié­té; la personnalité civile complète des syndicats, l'établissement d'insti­tutions économiques par le soin des corporations, la réglementation du salaire et des heures de travail, la répression de l'agiotage et des accapa­rements, la représentation du travail, la décentralisation, l'abaissement de la puissance juive et maçonnique.

A la suite de Léon XIII, ces vaillants apôtres veulent ramener la socié­té à Dieu en la reconstituant peu a peu sur les bases de la justice et du droit chrétien.

Le Tiers-Ordre franciscain et son action sociale. - Le saint curé d'Ars affirmait que, dans les conseils de la divine sagesse, la diffusion du Tiers-Ordre de saint François était destinée à opérer le salut de la société civile et religieuse.

Mgr de Ségur, en parlant de la force sanctificatrice que possède le Tiers-Ordre, va jusqu'à dire que cette institution est l'espoir de l'univers chrétien.

Léon XIII aussi regarde le Tiers-Ordre comme devant être un facteur important du relèvement social.

De pareilles autorités se seraient-elles trompées? Ce n'est pas vraisem­blable. Que manque-t-il à la société actuelle? le véritable esprit chrétien, le détachement des richesses et des plaisirs malsains, l'esprit d'apostolat, l'esprit d'association et les institutions économiques en faveur du peu­ple. Le Tiers-Ordre nous offre tout cela. Il a son règlement de vie chré­tienne simple, sobre et modeste. Il a son organisation apostolique, son esprit d'union et de charité, ses caisses de secours.

Léon XIII en a écarté ce que les règles anciennes avaient d'un peu étroit. Il veut que les fidèles y entrent en grand nombre. C'est à nous d'en faire la base de tous nos groupements, de nos cercles catholiques, de nos corporations paroissiales. Le XIIe siècle avait les mêmes tendances que le nôtre: l'amour du lucre et du plaisir, l'égoïsme et le capitalisme. L'œuvre de saint François a renouvelé l'Europe. Aidons cette œuvre à revivre, elle nous sauvera une seconde fois.

Congrès ouvriers. - Après celui de Reims, les ouvriers catholiques ont eu celui de Charleville en France et celui de Charleroi en Belgique. Partout ils acclament des programmes excellents et conformes aux ensei­gnements de l'Encyclique. Ils demandent l'organisation corporative de la société, la représentation du travail, les institutions économiques, le respect du repos dominical, l'enseignement religieux à l'école, la répara­tion plus équitable de l'impôt. Ils montrent par là combien la sagesse chrétienne surpasse la science des philosophes.

Les meneurs du socialisme réunissent aussi les ouvriers, mais avec l'intention manifeste de les tromper. Ils ont appelé les ouvriers agricoles au congrès de Nantes. Ayant reconnu que nos braves laboureurs ne veu­lent pas entendre parler de socialiser leur maison et leur petite propriété rurale, ils leur laissent croire que le socialisme n'atteindra que les gran­des propriétés et laissera les petits domaines intacts. Ils mentent effronté­ment, car ils ont déclaré dans leurs conciliabules qu'après avoir socialisé les mines, les banques, les chemins de fer et les usines avec l'aide des ru­raux, ils persuaderaient facilement à ceux-ci que leur propre intérêt exi­geait la socialisation de la terre.

Ne nous lassons pas d'éclairer nos populations et de leur montrer les conséquences du socialisme. Ce serait le travail forcé, le bagne pour tous sous le fouet de meneurs sectaires et impies. La terreur seule peut imposer et maintenir un pareil régime. Nous en avons goûté suffisamment en 1793 et en 1871. Dieu nous préserve d'y revenir!

La musique et la prédication. - La Somme de Léon XIII s'achève. Il aura commencé toutes les réformes. Après celles des études, du régime social, des lettres et des arts, voici celle de la musique sacrée et de la pré­dication. Il nous donne des règlements, rédigés sous ses ordres par les Congrégations romaines.

Le plain-chant doit demeurer la méthode officielle de la musique sa­crée. Toute musique profane et théâtrale doit être exclue du saint lieu. La musique polyphone ou à plusieurs voix garde ses droits, mais elle doit être ramenée aux bonnes traditions. Elle doit éviter le clinquant, les ré­pétitions inutiles et tout ce qui rappelle l'opéra. En un mot la musique doit faire prier et ne pas distraire de la prière.

La prédication avait devié aussi. La chaire devenait une arène oratoi­re. Les conférences remplaçaient la morale. Plusieurs orateurs pensaient plus à plaire qu'à convertir. Le saint Père nous rappelle que la morale est le fond ordinaire de la prédication chrétienne, et que la sainte Ecritu­re en est le plus précieux aliment. Les conférences apologétiques ne con­viennent qu'à des auditoires exceptionnels et elles exigent un talent de la piété chrétienne et l'onction de l'Esprit-Saint. Le meilleur sermon est ce­lui d'où l'on sort en se frappant la poitrine, avec la résolution de se corri­ger de ses défauts.

II. FRANCE

Montmartre. Les patrons chrétiens. - Montmartre doit avoir une grande part d'influence dans le mouvement religieux qui doit régénérer la France. Notre société malade doit puiser là une vie nouvelle. Déjà le mouvement s'accentue. En juin la basilique de Montmartre a vu venir 135 pèlerinages paroissiaux. On y a distribué 30,000 communions.

Les patrons chrétiens, convoqués par affiches à Paris s'y sont trouvés un jour au nombre de 2000. Ils ont voulu consacrer au Cœur de Jésus le monde du travail qui a soif de justice et de charité et autant qu'ils le pou­vaient la France elle-même que Jésus appelle et attend toujours.

L'acte qu'ils ont lu répond trop bien à l'esprit de cette Revue pour que nous ne le reproduisions pas ici. Le voici, redisons-le avec eux: «Cœur sacré de Jésus, la France n'a pas oublié les promesses que vous lui avez faites. C'est pour en solliciter l'accomplissement, que nous nous prosternons dans la basilique du Vœu National, vous offrant nos réparations et nos hommages».

«Pardon pour le mépris de vos droits souverains sur les sociétés com­me sur les individus. Nous répudions de toutes nos forces l'apostasie so­ciale devenue presque universelle, et nous proclamons que nous voulons user de tous nos droits pour rétablir votre règne dans nos familles, dans nos mœurs et dans notre vie nationale».

«Nous voulons que notre soumission absolue à votre divin Cœur soit témoignée dans notre conduite par la soumission absolue au Souverain Pontife Léon XIII, votre représentant sur la terre».

«Pardon pour le mal que nous avons commis ou laissé commettre en oubliant la charge d'âmes qui nous incombe».

«Aujourd'hui nous vous consacrons avec toute l'énergie de notre vo­lonté nos personnes, nos familles, nos employés, nos ouvriers, nos ate­liers».

«Nous vous consacrons aussi la France tout entière, dans la mesure où nous le pouvons. Que notre pénitence et notre amour nous obtien­nent votre miséricorde!».

Lourdes. - Lourdes n'a pas perdu au roman de Zola, au contraire. Les pieux fidèles y vont plus nombreux, pour réparer l'outrage fait à Marie. Les curieux de bonne foi, avides de connaître la vérité, y vont aussi en plus grand nombre et y trouvent la lumière.

Les arguments de Zola sont bien faibles. Un seul pouvait paraître un peu subtil. Selon lui, Bernadette avait été élevée dans un milieu favora­ble au mysticisme, chez des parents nourriciers qui aimaient les histoires de visions, en contact avec un prêtre qui en causait volontiers. Malheu­reusement pour Zola un témoignage officiel vient démolir la thèse qu'il a bâtie a priori. Les témoins de la première éducation de Bernadette lui écrivent que c'est là une hypothèse sans fondement que Bernadette en­fant n'avait ni ces idées ni ces inclinations et qu'elle menait la vite toute commune des fillettes de son âge.

Zola raconte d'ailleurs de beaux miracles qu'il avoue ne pouvoir ex­pliquer. Il les attribue à des forces naturelles qui nous sont inconnues. Il me semble que si j'avais besoin d'être convaincu son livre me suffirait.

Ainsi l'ont pensé les nombreux pèlerins qui vont à Lourdes cette an­née et la sainte Vierge les récompense. De belles guérisons ont été obte­nues et constatées avec toute la prudence d'une large critique par un bu­reau de quarante médicins.

La sainte Vierge est bien condescendante.

Issoudun. - Des fêtes splendides célèbrent le jubilé du couronne­ment de Notre-Dame du Sacré-Cœur. La sainte Vierge aime toujours ce beau titre. Elle multiplie là ses grâces. Ce ne sont pas des miracles éclatants comme à Lourdes, mais ce sont des grâces cachées, des conver­sions, des grâces temporelles, des secours de tout genre. Notre-Dame du Sacré-Cœur tient la clef des trésors de grâces de son divin Fils, elle y puise souvent.

L'hommage social au Sacré-Cœur. - Les hommages privés et col­lectifs se multiplient. Pendant tout le mois de juin surtout, le sanctuaire de Montmartre reçoit d'innombrables visiteurs. Les paroisses, les com­munautés, les pensionnats se succèdent. L'église se remplit trois ou qua­tre fois par jour. Quelques groupes, comme les cercles ouvriers, les pa­trons chrétiens, les candidats aux écoles de l'Etat représentent davantage les forces sociales de la France. Tout cela cependant, ce n'est pas encore l'hommage de la nation elle-même au Sacré-Cœur. C'en est seulement la préparation.

Notre-Seigneur a demandé un sanctuaire national, qui soit l'ex-voto de la France légale, de la France officielle; un hommage national offert au Sacré-Cœur par ceux qui gouvernent la nation; un étendard natio­nal, marqué du symbole sacré du divin Cœur. Ce sont là les conditions du salut.

Nous en sommes loin encore. Nos pouvoirs publics ne sont pas dispo­sés à décréter l'adoption du sanctuaire de Montmartre comme un sanc­tuaire national qui serait le palladium de la patrie. Nos assemblées légis­latives ne vont pas encore demander à Montmartre l'inspiration divine pour faire des lois conformes à la justice. Notre gouvernement ne va pas se reconnaître vassal du Roi des rois. Tout cela cependant doit se faire, et c'est alors seulement que le désir du Cœur de Jésus sera satisfait.

Ne nous lassons pas de le dire, de le prêcher, de le publier. Préparons par des pèlerinages privés et collectifs le grand jour où la basilique de Montmartre sera ce qu'elle doit être: un sanctuaire national où la Fran­ce pénitente viendra, en la personne de ceux qui la gouverneront alors, se consacrer au Sacré-Cœur; un sanctuaire national où se fera la béné­diction des drapeaux, où nos armées viendront chercher pour la bataille l'étendard du Sacré-Cœur.

Un centenaire. - Nous sommes au centenaire des martyrs de la der­nière persécution, qui dura de 1792 à 1798, mais qui sévit surtout en 1794, sous la terreur. Cette persécution fut aussi cruelle du côté des bourreaux et aussi belle du côté des martyrs que celles de Néron, de Sep­time Sévère, de Dèce et de Dioclétien. Des milliers de prêtres, de reli­gieux, de pieux fidèles donnèrent leur vie pour la foi. Les actes de leur martyre sont aussi beaux que ceux des grands saints des premiers siècles, de saint Ignace, de saint Sébastien, de sainte Cécile, de sainte Agnès, de sainte Félicité. Beaucoup sont allés à la mort avec joie, avec la sainte ivresse du martyre.

On a fêté ce centenaire en quelques diocèses, à l'île de Rhé en particu­lier. N'est-il pas temps de commencer ces procès de canonisation? Les impies ont canonisé les bourreaux. Les membres du Comité de Salut pu­blic auront bientôt tous des statues. Et les victimes n'en ont pas! Ces sta­tues offensent Dieu. Les autres répareraient.

Nous soumettons respectueusement ce vœu à nos évêques. Il est temps. L'oubli vient et les procès seront plus difficiles. Déjà beaucoup de noms ne sont connus qu'au ciel, mais des livres nombreaux ont été écrits, qui seront pour beaucoup de cas des guides suffisants.

Saint Joseph et les Petits-Clercs du Sacré-Cœur. - Saint Joseph écoute volontiers les prières que lui adressent nos chers apostoliques de Fayet.

Voici ce qu'on nous écrit:

Une personne bien chère de notre famille était affligée depuis long­temps d'une cruelle maladie; les médecins désespéraient de la guérir. Nous avons employé l'intercession de saint Joseph, promettant de faire une aumône considérable en faveur d'une œuvre amie de saint Joseph et de faire inscrire dans une Revue religieuse la guérison si nous l'obte­nions. Saint Joseph nous l'a obtenue, prodigieuse et parfaite. Grâces lui en soient rendues mille fois. Nous nous empressons de vous adresser cet­te aumône.

III. AUTRES PAYS

Angleterre. - Les conversions se continuent. L'œuvre est lente, mais elle ne s'arrête pas. Une trentaine de missions nouvelles avec écoles et chapelles se sont fondées depuis un an. C'est un résultat considérable. Quel progrès aussi dans l'ensemble des esprits! Que d'âmes reviennent peu à peu et par étapes vers le catholicisme!

Manchester est la ville anglaise la plus avancée dans cette voie de re­tour. Elle compte déjà 110,000 catholiques. Un de ses prêtres nous écri­vait dernièrement: «Nous faisons des progrès sensibles et les ouvriers viennent à nous en masse». Le vendredi après la Pentecôte a eu lieu la procession générale de toutes les paroisses catholiques de Manchester et de Salford. Seize mille personnes y ont pris part. Par ordre du bourgmes­tre, les tramways ne circulaient pas. La procession comprenait trente fan­fares. Elle avait 500 bannières. De semblables démonstrations de foi et de prière valent à l'Eglise de nombreuses conquêtes.

Bientôt l'Angleterre nous dépassera dans la liberté et la majesté de ses cérémonies catholiques.

Brésil. - Le Saint-Père n'oublie rien. Il vient d'envoyer une belle lettre aux évêques du Brésil, pour les engager à réorganiser leurs églises chancelantes. Ils devront donner leurs soins aux séminaires et s'aider des ordres religieux, développer l'enseignement catholique et envoyer à Ro­me des élèves choisis. Ils tiendront des réunions épiscopales et agiront de concert. Ces mesures vont amener le réveil de l'église du Brésil.

Protestants anglais et allemands. - L'appel fait par le Saint-Père aux dissidents, dans son Encyclique aux princes et aux peuples, a été en­tendu en Angleterre et en Allemagne.

Bien des pasteurs anglais s'en sont émus et plusieurs sont en voie de revenir à l'union.

En Allemagne, il y a deux courants. Les rationalistes se moquent du Pape. On s'y attendait. Un groupe de protestants orthodoxes prend par­ti pour l'union. Le Dr Max Oberbreyer se fait leur interprète. Il écrit: «Ne vaut-il pas mieux s'entendre avec Rome contre l'incrédulité?… Nous, protestants, n'avons-nous pas nos misères? Incrédulité dans les masses; indifférence religieuse dans la bourgeoisie; scepticisme frivole en haut; et puis partout la lutte entre les pasteurs et les professeurs sur les questions les plus vitales: voilà la position peu enviable du protestantis­me. Est-ce que Léon XIII, le grand pontife de la paix, un des Papes les plus nobles et les plus sages, n'a pas raison de nous opposer la cohésion de l'Eglise catholique et de nous convier au retour?».

Oui, il a raison, et les protestants sincères le comprendront.

CHRONIQUE (Novembre 1894)

LE REGNE DE JÉSUS-CHRIST

Congrès et congrès. - Saint Ignace de Loyola, dans ses Exercices spi­rituels, imagine deux grands congrès, qu'il décrit sous le titre de «Médi­tation des deux étendards». L'un de ces congrès est présidé par le Christ, l'autre par Lucifer. Tous deux ont un but déterminé, pour lequel ils veulent recruter des adhérents et des apôtres.

Ce sont bien là les types et les modèles de tous les congrès. Tous tra­vaillent pour le Christ ou pour son ennemi.

Dans la vie de saint François d'Assise, nous trouvons, réalisé ce que saint Ignace a imaginé, et c'est probablement de ce trait d'histoire que saint Ignace s'est inspiré.

Saint Fançois avait convoqué le chapitre général de son ordre. C'était le grand chapitre, celui que l'on a surnommé le Chapitre des tentes, par­ce que les Frères s'y trouvèrent si nombreux, qu'il fallut en loger une partie sous des tentes ou sous des abris de feuillages. Ils étaient plus de cinq mille.

Pendant qu'ils délibéraient, le saint vit en vision Notre-Seigneur qui les présidait d'une manière invisible et qui soufflait le feu sacré dans leurs cœurs. Mais en même temps il vit une assemblée agitée, qui se te­nait dans le voisinage, dans une atmosphère de flammes et de fumée. Là Lucifer présidait. Il avait un aspect horrible et effrayant. Il malmenait ses innombrables auxiliaires et leur assignait à chacun une mission pour aller contrecarrer partout l'œuvre de François et du Christ.

Le Christ et Lucifer continuent à tenir leurs congrès, comme dans la vision de saint François et dans l'imagination de saint Ignace.

Ils se multiplient, ils se subdivisent leur travail. Ce n'est pas un con­grès seulement que le Christ a tenu cet été, c'est quinze ou vingt. Et Lu­cifer n'a pas voulu être en retard, il en a tenu tout autant.

Au Christ appartiennent: le congrès scientifique catholique de Bruxel­les, le congrès Eucharistique de Turin, le congrès de l'Union des œuvres à Amiens, le congrès des Franciscains à Novare, le congrès des catholi­ques allemands de Cologne, le congrès démocratique chrétien d'Anvers et bon nombre de congrès de La Croix, de congrès diocésains, etc.

A Lucifer, il faut attribuer le congrès des libres-penseurs de Bruxelles, ceux des socialistes Guesdistes à Nantes, des Alemanistes à Dijon, des Broussistes à Tours, le congrès socialiste des Trades-Unions en Angle­terre et surtout le Convent annuel du Grand-Orient à Paris.

On peut les résumer tous par deux expressions bibliques. Oportet illum regnare, Vive le Christ-roi! c'est le cri de saint Paul et de tous les congrès catholiques. Nolumus hunc regnare super nos, Nous ne voulons pas de son règne: c'est le cri de tous les révoltés et des congrès sataniques.

Nous n'allons pas, dans cette chronique, donner l'histoire détaillée de tous ces congrès, ce serait interminable.

Tous les congrès catholiques réclament le règne du Christ dans la vie des nations comme dans la vie privée. Tous prêchent la charité, la paix, le dévouement aux petits et aux pauvres.

Tous les autres se passent dans l'agitation et prêchent la haine et la di­vision, c'est bien le tableau tracé par saint Ignace.

Au congrès de Turin. - Le congrès de Turin mérite une mention particulière. Il a été si splendide!

Nous en avons parlé déjà au dernier numéro, mais nous n'avons pas cité ses résolutions, qui répondent si bien à l'esprit de cette revue. Voici les principales:

1° Le congrès eucharistique de Turin salue les évêques de l'Eglise dissidente d'Orient, en espérant que le vœu du Souverain-Pontife, rela­tif à l'union des deux Eglises sera bientôt accompli.

2° Il supplie le Saint-Siège d'indiquer une prière populaire pour l'union des deux Eglises.

3° Il prie le Saint-Siège de permettre d'honorer la Vierge Marie sous l'invocation de Notre-Dame du Saint-Sacrement.

4° Il acclame la royauté de Jésus-Christ.

5° Il invite les catholiques à reprendre dans les actes religieux et pri­vés l'ancienne devise chrétienne: Regnante Domino Nostro Jesu Christo.

6° Il demande qu'on établisse la pratique des communions générales à la mort des parents et des amis; qu'on fasse des communions générales dans les cas de malheurs publics, de catastrophes importantes ou de pé­rils sociaux.

7° Il demande enfin qu'on institue dans les églises, dans les collèges, dans les monastères, l'Adoration quotidienne universelle du Saint­Sacrement, récemment élevée par un Bref pontifical à la dignité de con­frérie primaria, et enrichie d'indulgences.

Nous adoptons ces vœux avec bonheur, nous les proposons à nos lec­teurs. Nous leur demandons en outre de s'agréger, pour le jour d'adora­tion de leur église ou de leur chapelle, non pas seulement à l'archiconfré­rie romaine, mais aussi à celle de Montmartre, pour offrir ainsi leur ado­ration réparatrice au Sacré-Cœur de Jésus pour la France, en même temps qu'ils prient pour l'Eglise.

Francs-maçons. - Le doute n'est plus possible. On soupçonnait de­puis longtemps, on connaissait vaguement l'esprit satanique de la franc­maçonnerie.

Après les études de Mgr Meurin et les révélations du Dr Bataille et de M. Margiotta, les faits parlent par eux-mêmes.

Il n'y a plus de secret. La franc-maçonnerie est l'œuvre du diable. Il la dirige en personne.

Il y a dans les loges un troupeau de petits bourgeois inconscients, qui se laissent mener sans connaître leurs chefs suprêmes. Mais au-dessus des loges, il y a les Chapitres et les Aréopages. Au-dessus des vulgaires badauts, il y a les initiés à des degrés divers. Et au sommet, il y a le Pal­ladisme, le culte de Lucifer avec son caractère surnaturel, ses appari­tions et manifestations.

C'est le règne de l'Antéchrist en préparation, et son pontife siège à Rome en regard du Vatican, au palais Borghèse. C'est l'apostat Lemmi. Mais le livre de M. Margiotta met une bonne barre dans les roues du char luciférien. Nos lecteurs liront avec profit ce volume publié à Lyon chez les éditeurs Delhomme et Briguet.

La médaille miraculeuse. - Voilà un signe de salut à opposer au triangle maçonnique, qui est le signe de la bête.

Le Saint-Siège vient d'approuver un office et une messe en mémoire de la Manifestation de l'Immaculée Vierge de la médaille miraculeuse. Tous les diocèses s'empresseront de demander cette fête.

C'est au 27 novembre 1830, que la sainte Vierge apparut à une pieuse novice des Filles de la Charité dans leur chapelle de la rue du Bac et lui demanda de faire frapper une médaille de l'Immaculée Conception, sur le modèle qu'elle lui montrait.

Cette médaille fut, dès le début, l'instrument de grâces si nombreuses qu'on lui attribua le nom de médaille miraculeuse.

Les leçons de l'Office rappellent le beau miracle de la conversion du juif Alphonse Ratisbonne qui, ayant accepté de porter la médaille, eut à Rome, à l'église Saint-André, en 1842 la même vision qu'avait eue à Pa­ris la pieuse sœur Catherine Labouré.

Tous nos lecteurs vont prendre la chère médaille, s'ils ne l'ont pas en­core. Ils la feront porter aussi par leurs parents et leurs amis. En ces temps d'influence diabolique, on n'est jamais trop cuirassé contre un en­nemi si redoutable.

II. FRANCE

Paris: les deux cités. - Saint Augustin, avec son regard d'aigle a classé toute l'agitation humaine en deux cités: la cité de Dieu et… l'au­tre.

Cela s'applique à toute l'histoire, depuis Abel et Caïn; et cela s'étend à tous les lieux, à tous les temps, à toutes les nations, à toutes les villes. Nous étions dernièrement à Paris, occupé à refaire ses beaux pèlerina­ges, car Paris en a encore de bien beaux, malgré les destructions de la ré­volution.

Il y a encore les vieux santuaires où les foules se portaient autrefois: Notre-Dame de Paris, la sainte chapelle, Saint-Etienne du Mont, Saint­Germain des Près, Saint-Germain l'Auxerrois, Saint-Merry, Saint-Leu, Saint-Gervais, Saint-Médard, Saint-Marcel; et en dehors de la grande ville, l'abbatiale de Saint-Denis et Argenteuil.

Il y a une foule de madones vénérées: Notre-Dame des Victoires, Notre-Dame de sainte espérance (à Saint-Séverin), Notre-Dame de bon­ne délivrance (chez les Sœurs de Saint Thomas de Villeneuve, rue de Sèvres), Notre-Dame de toute aide (à l'abbaye au bois), Notre-Dame de Paix (chez les Sœurs de Picpus).

Puis il y a les sanctuaires nouveaux: la basilique de Montmartre au premier rang, la chapelle des Pères Lazaristes avec le tombeau de Saint Vincent de Paul; les souvenirs et les reliques de la révolution aux Car­mes; les victimes de la commune chez les Pères jésuites, chez les Pères de Picpus, chez les Dominicains d'Arcueil, chez les Sulpiciens à Issy.

Il faudrait encore citer l'église Saint Joseph, qui devient un lieu de pè­lerinage, et quelques chapelles pieuses dont plusieurs sont aussi fort jolies: la chapelle du martyre de Saint Denis à Montmartre, celle des mis­sions étrangères avec la salle des martyrs, celle des Sœurs de Charité de la rue du Bac avec les souvenirs de la médaille miraculeuse, celles des Pères du Saint-Esprit, des Pères du Saint-Sacrement, des Religieuses de l'Adoration réparatrice, des Dames du Sacré-Cœur, avec les souvenirs de leurs saints fondateurs et fondatrices, etc., etc.

Louis Veuillot a écrit le Parfum de Rome et les Odeurs de Paris. Ne pourrait-on pas aussi écrire le Parfum de Paris?

Il y a donc deux Paris: la cité de Dieu et l'autre.

Tout ce que nous venons de nommer, c'est la cité de Dieu. Sait-on que Paris, outre ses cinquante paroisses a quatre cents chapelles de com­munautés et d'œuvres?

Certaines paroisses ont un bouquet d'une vingtaine de chapelles. Prenez par exemple la paroisse de Notre-Dame des Champs. Ce n'est pas la plus favorisée. Vous y trouvez: les Frères des Ecoles chrétiennes, les Sœurs de Saint-Vincent de Paul, les Marianistes, les Sœurs de Bon­Secours, les religieuses de Notre-Dame de Sion, les Sœurs de Sainte­-Chrétienne, les Oblates de Saint-François de Sales, les Petites-Sœurs des Pauvres, les Sœurs de la Présentation de Tours, les Sœurs Aveugles de Saint-Paul, les Sœurs de Sainte-Marie, les Sœurs servantes de Ma­rie, les Religieuses de la Visitation, le collège Stanislas, l'Institution de Saint-Nicolas et le Patronage de Notre-Dame de Nazareth.

Ne nous étonnons pas après cela que la moderne Babylone soit épar­gnée par les rigueurs de la Providence.

Il y a aussi l'autre cité, celle de la luxure, de la vanité, de l'agiotage, de l'impiété, du crime.

Il y a le Paris des lieux de plaisir, desquels le guide le moins prude nous dit que «tout le monde n'y peut pas aller». Il y a le Paris des filous et celui des sirènes, le Paris de la Bourse, qui fait, comme l'avouent les guides, une impression si pénible sur les personnes désintéressées. Il y a le Paris qui glorifie Diderot, Voltaire et Danton, le Paris officiel de la Chambre et de l'Hôtel-de-ville, qui délibère à l'ombre des statues de Thémis et de Minerve.

Mais dans ce monde même, le Palais de Justice a gardé sa Messe rou­ge, ses beaux crucifix des salles d'audiences et, dans sa grande salle, des modèles comme Malesherbes et Berryer.

Mais il faut se borner, avec l'espérance que le bien l'emportera sur le mal dans la balance où Dieu pèsera Paris.

Les Petites Sœurs de l'Ouvrier. - Elles ne sont pas assez connues ces bonnes petites Sœurs. On vient de publier la vie édifiante et la mort de l'une d'elles, Sœur Jeanne Douin, chez Baratier, éditeur à Grenoble.

Ces pieuses Sœurs sont vouées au Cœur immaculé de Marie. La Pro­vidence les a suscitées dans ce siècle pour le salut des ouvriers d'usines. Leur maison-mère est à Voreppe (Isère).

C'est là que doivent écrire les jeunes filles généreuses qui veulent se consacrer à cette belle œuvre. C'est là aussi que doivent s'adresser les patrons qui désirent des Sœurs. Tous les patrons en devraient deman­der, surtout s'ils ont des ouvrières mêlées à leurs ouvriers.

Les Petites Sœurs ont leur place marquée dans les ateliers d'ouvriè­res. Elles y rendent de grands services aux ouvrières, mais aussi aux pa­trons, en veillant à l'ordre, à la moralité, au travail.

Elles sont bien accueillies aussi des ouvriers, elles s'intéressent à leurs enfants, à leurs vieux parents, à leurs malades. Elles gagnent les âmes en secourant les misères matérielles.

Dieu veuille les multiplier et bénir leurs œuvres!

III. AUTRES PAYS

Angleterre: La cathédrale catholique de Londres. - Un architecte de renom, M. Bentley, vient d'être chargé de la préparation des plans pour la cathédrale de Londres. Les constructions projetées comprennent un monastère, une salle de conférences et la cathédrale. Il restera du ter­rain à louer pour subvenir aux frais du culte. Ce détail fait bien ressortir le caractère pratique de nos voisins.

Le monastère est destiné à abriter trente moines bénédictins et quarante-cinq frères laïcs. Ces religieux seront attachés au service de la cathédrale, où il y aura le chœur quotidien, et le service catholique ro­main y sera célébré au complet, ce qui n'est plus arrivé en Angleterre de­puis la Réforme.

Le style choisi est celui des anciennes basiliques de Rome et de Raven­ne. Ce sera le plus grand et le plus splendide édifice religieux élevé à Londres depuis la construction de Saint-Paul.

Hollande: démonstrations catholiques à Amsterdam. - C'était, l'autre jour, grande solennité à l'Université d'Amsterdam. On installait un professeur de philosophie et ce professeur était un dominicain, le P. De Groot. La chose se fit en grande pompe. Le Recteur était là, suivi des quatre facultés. L'archevêque catholique d'Utrecht et l'évêque de Harlem étaient les parrains du nouveau maître de philosophie. Son cours d'inauguration a eu le plus grand succès. Calvin a dû tressaillir dans sa tombe.

Ces jours-ci également avait lieu à Amsterdam la réunion de la Féde­ration générale des anciens zouaves pontificaux. Le bourgmestre permit de déployer dans les rues les vingt et une bannières des unions locales. Les protestants, par milliers contemplèrent ce défilé avec respect.

Il n'y a plus que nos stupides opportunistes qui font des procès aux ca­tholiques qui sortent avec des bannières.

Suisse: Progrès de la foi catholique. - Au canton de Genève, on comptait, en 1822, 31.000 protestants et 19.000 catholiques. En 1888, la proportion était renversée, il y avait 52.000 catholiques et 51.000 protes­tants. La majorité est passée aux catholiques.

Le progrès du catholicisme se constate également dans les autres can­tons.

L'appellation de «cantons protestants» n'aura plus sa raison d'être, tous les cantons seront mixtes.

La Chine et le Sacré-Cœur. - Pauvre nation chinoise! Elle est bien dans l'angoisse, et nos pauvres missionnaires vont sans doute subir le contre-coup de la guerre.

Le Sacré-Cœur y veut cependant régner. Les missionnaires de la pro­vince du Kiang-si lui élèvent une belle église, qui ne coûtera pas moins de 50.000 francs. On souscrit dans la Semaine religieuse de Cambrai.

Cette province a des groupes de chrétiens dont l'origine remonte au XVIIe siècle. Dieu veuille les bénir et les développer.

Belgique: les élections. - Saluons, en terminant cette chronique, nos frères, les catholiques de Belgique. Nous ne connaissons pas encore le résultat des élections, mais nous sommes sûrs de leur succès. Ils l'ont bien mérité, les vaillants! Ils sont bien les descendants des soldats de Go­defroy de Bouillon. Ils ont bien bataillé contre les mécréants. Leur enne­mi en est tout effaré. Il est bien battu et ce sera pour longtemps.

Notre petite sœur la Belgique nous donne l'exemple et nous fait hon­te. Ayons confiance nous aussi, les vents contraires s'apaisent et une bri­se favorable commence à enfler nos voiles.

CHRONIQUE (Décembre 1894)

I. LE REGNE DE JÉSUS-CHRIST

L'esprit nouveau. - Il souffle partout et jusque dans les loges ma­çonniques, qui en sont tout ébranlées. Il atteint jusqu'au conseil suprê­me. Le professeur Margiotta quitte avec éclat la secte maçonnique et la jette dans l'épouvante en révélant ses secrets. Diana Vaughan, la grande Maîtresse se retire aussi et cherche son chemin de Damas. Les démis­sions se multiplient. Continuons à prier saint Michel. Il viendra avec ses anges pour faire rentrer les démons dans les abîmes de l'enfer.

C'est l'esprit nouveau aussi qui agite les consciences en Orient et en Angleterre et qui prépare des retours nombreux à l'unité de l'Eglise. C'est encore l'esprit nouveau qui soulève ce courant de justice sociale, de charité, d'apostolat, qu'on voit grandir chaque jour dans les pays ca­tholiques. Liège, Tourcoing, Lille, Paris, Montpellier, Marseille: du Nord au Midi on ne voit que des groupements d'hommes d'étude et d'action qui veulent réaliser en faveur du peuple les réformes demandées par Léon XIII.

Ce sont les démocrates chrétiens de Belgique, ce sont les groupements du Peuple français et du Monde à Paris, de la Démocratie chrétienne à Tourcoing, du XXe siècle à Marseille. Confiance! Un vent favorable se lève et commence à enfler nos voiles. Il a déjà conduit au port la nacelle ballottée des catholiques belges, il nous y conduira aussi.

L'esprit ancien. - Cependant l'esprit ancien, l'esprit païen et sata­nique n'est pas enchaîné. Il s'agite, il lutte. Il n'a pas réussi aussi vite qu'il le pensait. Au Convent général des loges en 1879, il croyait en avoir assez de huit ans, grâce à l'enseignement athée, pour disposer d'une armée qui renverserait en Europe les autels et les trônes. Quinze ans se sont écoulés et tout n'est pas fait. La victoire décisive n'est pas remportée, mais plusieurs batailles ont été gagnées par l'esprit ancien.

Le socialisme s'affirme dans les parlements de Paris et de Bruxelles. Il a gagné à lui les Trades-Unions d'Angleterre. Il va tenter une organisa­tion internationale. La Franc-Maçonnerie a conquis le gouvernement de la Hongrie, et le royaume catholique de saint Etienne est en train d'apostasier comme nation. Il copie nos lois impies sur les écoles et sur le mariage.

Ayons confiance. L'esprit nouveau, l'Esprit du Cœur de Jésus l'em­portera. Notre-Dame du Rosaire nous sauvera.

II. FRANCE

Le centenaire de nos martyrs. - Les fêtes se succèdent. Nos mar­tyrs de la grande Révolution ne sont pas oubliés. Le jour de la béatifica­tion viendra. Quel est donc l'heureux diocèse qui va commencer à supl­lier le Saint-Siège de glorifier ses martyrs? Il est temps, si l'on ne veut pas que les souvenirs s'altèrent et que les documents disparaissent.

Dernièrement c'était Compiègne qui fêtait le centenaire du martyre de ses Carmélites.

C'est un des plus beaux traits de ce grand témoignage du sang rendu à Jésus-Christ par les catholiques de France.

D'éloquents discours, aux fêtes de Compiègne, nous ont dépeint le spectacle émouvant de ces nobles âmes, de ces seize carmélites de grande famille qui étonnèrent Paris par la dignité et la sérénité de leur mort.

Pendant le long trajet qui sépare le Palais de justice de la place du Trône, elles psalmodiaient le Miserere, le Salve Regina, le Te Deum, sans que la foule, impressionnée par la vue de ce cortège, poussât un de ces cris ineptes qu'elle proférait d'ordinaire.

Arrivées au pied de l'echafaud, elles descendirent avec autant de cal­me que de simplicité. Avant de se livrer au bourreau, elles se mirent à genoux, entonnèrent le Veni creator, avec la même sérénité que s'il se fût agi pour elles de préluder à une cérémonie religieuse de leur monastère. Elles renouvelèrent toutes ensemble à haute voix les promesses de leur baptême et leurs vœux de religion, et gravirent les marches de l'écha­faud au chant du Laudate Dominum omnes gentes!2).

Vraiment les annales des premiers siècles n'ont rien de plus beau.

Quand ces béatifications se feront, que de beaux exemples nous seront réunis sous les yeux! Que de protecteurs officiels nous aurons de plus au ciel!

III. AUTRES PAYS

Autriche: le repos du dimanche. - Le gouvernement vient de dé­poser à la Chambre autrichienne un projet de loi qui rendrait le repos dominical obligatoire. Le travail du dimanche serait désormais interdit dans toutes les industries, excepté dans les usines où le maintien des feux est nécessaire.

La nouvelle loi sera également appliquée au commerce. Les magasins de denrées alimentaires, les cafés et les restaurants ne pourront rester ouverts que pendant six heures le dimanche. Dans les magasins qui doi­vent absolument rester ouverts le dimanche, les patrons devront accor­der quelques heures de loisirs à leurs employés, afin que ceux-ci puissent remplir leurs devoirs religieux.

Cette loi sauvegarde la liberté de conscience et tient compte des reven­dications de la classe ouvrière. C'est la plus large et la plus généreuse qui ait été présentée jusqu'ici dans un parlement européen.

Hongrie: les serments du roi. - Ils étaient bien beaux ces serments que prononçaient les rois! L'empereur François Joseph d'Autriche a été couronné roi de Hongrie en 1867. Ce qu'il a juré alors, il l'oublie au­jourd'hui en sanctionnant toutes les lois antireligieuses votées sous la pression d'un ministère judaïsant. L'épiscopat de Hongrie essaie de lui rappeler les devoirs inhérents à la couronne de saint Etienne et au souve­rain du royaume de Marie.

Voici le texte du serment prêté sur la colline du couronnement devant la nation assemblée:

«Nous, François Joseph ler, par la grâce de Dieu empereur d'Autri­che, roi de Bohême, de Dalmatie, de Croatie, d'Esclavonie, de Galicie, de Lodémérie et d'Illyrie, roi de Jérusalem, archiduc d'Autriche, etc., roi héréditaire apostolique de Hongrie et de toutes ses annexes, nous ju­rons devant Dieu, devant la bienheureuse Vierge Marie et tous les saints du paradis, que nous conserverons et protégerons les églises de Dieu, les juridictions de Hongrie et de ses annexes, et les habitants du monde ec­clésiastique et laïque dans tous leurs droits, privilèges et prérogatives; nous jurons de rendre justice à chacun et à tous et de conserver l'intégri­té de la Hongrie et de ses annexes. Nous jurons de faire tout ce que nous pourrons faire pour le bien et la gloire de nos pays avec l'aide de Dieu et de tous les saints du paradis. Amen».

Dieu n'aime pas les parjures. Que le vieil empereur s'en souvienne.

Russie: mouvement vers l'union. - Le Messager du Cœur de Jésus nous rappelait dans son dernier numéro les prières et les sacrifices qui ont préparé le mouvement de l'Orient vers l'union. Le comte Schou­valoff qui, de colonel de cavalerie russe était devenu religieux Barnabite, commença une association de prières en l'honneur de Marie Immaculée pour le retour de l'Eglise gréco-russe à l'unité. L'association reçut une organisation officielle en 1862.

Le congrès de Malines en 1867 favorisa sa diffusion. Le cardinal De­champs l'encouragea. Le grand archevêque montrait la haute portée de son intelligence quand il disait: «Deux questions priment aujourd'hui toutes les autres: la question sociale et celle du retour de la Russie à l'unité catholique».

La première ne suffit pas. Le P. Schouvaloff avait compris que toute grande cause a besoin de victimes qui s'offrent pour apaiser la justice de Dieu et pour faire descendre sa miséricorde sur les âmes. Il dit un jour à Pie IX qu'il était prêt à offrir sa vie pour la conversion de sa chère pa­trie. - «Eh bien! faites, répondit le saint Père. Dieu agréera votre of­frande». Le pieux religieux mourut trois ans après.

D'autres personnes ont fait la même offrande. Plusieurs ont été mani­festement acceptées.

Est-il étonnant qu'il y ait après cela un mouvement réel de retour vers l'union en Orient?

La Revue bénédictine de Maredsous donnait en octobre des rensei­gnements intéressants sous ce titre: Un mouvement vers l'union en Russie. Il y a là toute une série de lettres d'un prêtre russe dévoué à l'union. Ce prêtre est arrivé à la lumière par la prière et par l'étude. Il est en rap­port avec l'écrivain Solovief.

Il dit que les idées d'union se propagent sans bruit. Dans telle ville, il compte parmi les personnes disposées à l'union un archimandrite, un ar­chiprêtre, six prêtres, un diacre, six moines, cinq professeurs et trente étudiants.

Il a publié dans un journal de médecine le récit des miracles de Lour­des et cela a produit une grande impression.

Dieu prépare les choses, mais le principal agent extérieur de l'union devra être le Czar. C'est une grande grâce à obtenir de Dieu.

Suisse: les catholiques de Bâle. - Bâle avait embrassé la réforme avec ardeur au XVIe siècle. Elle n'avait pas encore de catholiques au commencement de ce siècle. Elle en comptait 8.000 en 1858. Aujour­d'hui, elle en a 23.000. Elle a deux églises, Sainte-Claire et Sainte-Marie. Elle se prépare à en construire une troisième. Elle a aussi de bel­les œuvres catholiques: des écoles, un orphelinat, un hôpital, une asso­ciation ouvrière, deux conférences de Saint-Vincent de Paul, une con­grégation d'hommes, deux chorales, un journal populaire.

Combien de nos grandes villes catholiques sont en retard sur la vieille cité calviniste.

Inde: conversion de trois brahmes. - On sait que les conversions aux Indes se limitaient jusqu'à présent aux classes inférieures de la socié­té. Trois brahmes viennent de recevoir le baptême à Trichinopoly, ce sont les premiers. C'est un événement qui fera époque dans l'histoire de l'Inde. C'est un acte de courage qui fait tomber un des plus grands obs­tacles à la conversion de l'Inde.

Danemark: progrès du catholicisme. - Jusqu'en 1849, une législa­tion draconienne fermait le Danemark au catholicisme. En 1860, on n'y comptait encore que 4 prêtres et 600 fidèles. Aujourd'hui, il y a 6.000 fi­dèles, 30 prêtres et 1.000 enfants fréquentant les écoles.

Cette augmentation est d'autant plus remarquable qu'elle ne provient pas de l'immigration de catholiques étrangers, mais de conversions au sein même de la population indigène.

Plusieurs appartiennent aux classes élevées de la société. On cite le comte de Holstein, le comte de Moltke, le baron Reedtz et plusieurs écrivains et pasteurs.

Chaque année donne une moyenne de 300 convertis. Des missions nouvelles ont été créées en plusieurs villes. Les jésuites ont deux collèges florissants.

Ces missions demandent aussi nos prières.

Canada: la flotte française. - La division volante de l'Atlantique a excité l'enthousiasme des français du Canada.

L'amiral de Maigret a présenté ses hommages à Mgr l'archevêque de Montréal.

La messe à bord a été célébrée par le chanoine Bruchési. La frégate avait revêtu ses plus riches décors de fête. Le drapeau français au grand mât était remplacé par une flamme blanche à croix de Malte, parce que, disent les marins, c'est Dieu qui est le maître à bord quand on y célèbre l'office religieux.

La population canadienne était nombreuse sur le quai pour contem­pler cet acte de foi de ces frères de race, de ces Français et Bretons dont les aïeux ont peuplé le Canada.

Au banquet d'adieu, le lieutenant gouverneur prononça de nobles pa­roles où se manifestent ses sentiments chrétiens. Il avait été ému, disait­il, en voyant le divin crucifié élevé par les mains du prêtre entre le ciel et la mer. Il avait reconnu là où s'inspirent les marins français qui mènent dans les mers lointaines une vie de sacrifice, de devoir et d'honneur.

Puissent les hommes d'état de la vieille France s'inspirer plus souvent des pensées chrétiennes qui s'allient si bien avec les sentiments d'hon­neur et de patriotisme!


1)
8, rue François Ier, à Paris, – Prix: 1 franc. – Par poste, 0,30 cent, en plus.
2)
On lira avec intérêt le beau discours de M. Moreau, vicaire général, publié par Oudin à Poitiers.
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