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Mois de Février
L'enfance et la vie cachée de Notre-Seigneur

Deux méditations pour la retraite du mois

I. Vie de travail

Jésus à Nazareth et dans sa vie apostolique

Jésus autem fatigatus ex itinere, sedebat sic supra fontem. Hora erat quasi sexta. Ve­nit mulier de Samaria haurire aquam. Dicit ei Jsus: Da mihi bibere (S. Joan, 4, 6).

Jésus fatigué du chemin s'était assis là sur le bord du puits. II était midi. Une femme de Samarie vint puiser de l'eau. Jésus lui dit: Donnez-moi à boire (S. Jean, 4, 6).

1er Prélude. Je verrai Jésus fatigué de la marche qu'il vient de faire, assis près du puits de Jacob, et consacrant ce moment de repos à convertir une pécheresse.

2e Prélude. O Jésus, faites-moi comprendre quel doit être mon travail, quels doivent être son objet et son ardeur.

Ier POINT: Jésus à Nazareth et dans sa vie apostolique. - Jésus a été for­mellement un travailleur, un ouvrier de métier, jusqu'à l'âge de trente ans, puis il a été pendant trois ans un ouvrier apostolique.

Il travaillait à l'atelier de saint Joseph. Quand il commencera sa vie publique, on s'étonnera. N'est-ce pas celui que nous avons vu au tra­vail, dira-t-on, (S. Marc, 6); n'est-ce pas un ouvrier et un fils d'ouvrier? (S. Mat., 13).

Oui, il a voulu cela pour notre exemple à tous. Il a voulu travailler d'un travail continu et quotidien.

Fils d'Adam, il a pris part à la vie réparatrice de ses frères. Il a connu le dur labeur, la fatigue et la sueur.

Il se dépeignait ainsi lui-même dans la prophétie des psaumes: «Dès ma jeunesse, j'ai vécu dans le travail» (Ps. 87).

Contemplons Jésus apprenti, Jésus ouvrier. Voyez-le: son travail est offert à son Père, il est actif, exact et soigné. Rien de lent et rien de précipite. «Il a bien fait toutes choses».

Il fait ce que veut son Père céleste. Il connaît la volonté de son Père par la voie ordinaire, par l'obéissance. «Il est soumis à Joseph et à Marie».

Il est en cela un modèle pour tous.

Dans sa vie publique, il est spécialement le modèle des apôtres, des prêtres, des hommes d'œuvres.

Quelle activité il déploie encore! «Il parcourait toutes les villes et tou­tes les campagnes» (S. Mat., 9). Il ne comptait pas avec lui-même. Il lui arrivait de coucher sur le sol après une journée de travail, ne trouvant pas un coussin pour reposer sa tête (S. Mat., 8).

Que pense-t-il en son Cœur? Il pensait: «C'est pour mon Père, c'est pour les âmes, c'est pour la réparation».

IIe POINT: Quelques pensées des Saints. - Saint Paul copie Notre-Seigneur, il est ardent au travail manuel, comme il est zélé au travail spi­rituel. Il consacre ses veilles à gagner son pain et ses journées à evangeli­ser.

«Nous avons travaillé jour et nuit, dit-il, aux Thessaloniciens, pour ne pas vous être à charge» (1 aux Thess., 2).

C'est lui qui n'aime pas les oisifs! «Celui qui ne travaille pas, dit-il, ne mérite pas de manger» (2 aux Thess., 3).

Il nous stimule par l'exemple de certaines gens du monde. «Voyez, dit-il, quelle peine ils se donnent pour un gain temporel, et vous, vous avez en perspective une couronne éternelle!».

Saint Jean nous rappelle dans l'Apocalypse que nos œuvres nous sui­vront au jugement de Dieu (chap. 14); mais nos bonnes œuvres seules auront de la valeur, et toutes nos œuvres sont bonnes quand elles sont sanctifiées, quand elles sont faites selon la règle, avec pureté d'intention, avec soin, avec zèle.

Tous les Saints ont aimé le travail assidu et sanctifié.

Saint Berchmans s'appliquait, comme il le disait, à faire les choses or­dinaires et communes d'une manière non commune.

IIIe POINT: Comment faut-il travailler? - Il faut faire ce que Dieu veut. Cela est marqué par notre état, par notre règlement de vie. «Je m'appli­que, disait Notre-Seigneur, à ce que veut mon Père» (S. Luc, 2).

Il faut le faire avec soin. Jésus a bien fait toutes choses. Posons-nous souvent cette question: «Qu'est-ce que ferait Notre-Seigneur en ce mo­ment à ma place, et comment le ferait-il?».

Ne pas céder à la paresse, qui est la mère de toutes les tentations. Ne pas non plus se laisser emporter par l'empressement naturel. Tout pour Dieu, tout pour Jésus, avec lui et sous son regard.

Pas de dissipation, de légèreté. Il faut posséder notre âme doucement dans l'union avec Dieu, avec Notre-Seigneur.

Union dans le travail aux sentiments du Cœur de Jésus. Tout pour

l'amour de Dieu et pour la réparation!

«Ayez soin, dit le pieux Louis de Blois, d'offrir vos bonnes œuvres et vos exercices au très doux et très sacré Cœur de Jésus-Christ, afin qu'ils soient purifiés par ce Cœur et perfectionnés; car ce Cœur plein d'amour et de tendresse se plaît à cela, et il est toujours prêt à perfectionner en vous, d'une manière très excellente, ce qu'il y a d'imparfait» (Miroir spirituel).

Résolution empruntée à la bienheureuse Marguerite-Marie: «En tout ce que je ferai et souffrirai, j'entrerai dans le sacré Cœur de Jésus pour y prendre ses intentions, pour m'unir à lui, et pour demander son secours. Après chaque action, je l'offrirai à ce divin Cœur, pour qu'il répare ce qu'il y a de défectueux» (Vie de la bienheureuse Marguerite-Marie, 1. 2).

Colloque avec Jésus ouvrier.

ii. Le peche et le repentir

Congregatis ergo illis dixit Pilatus: Quem vultis dimittam vobis: Barabbam an Jesum qui dicitur Christus!… At illi dixerunt: Barabbam (S. Mat., 17).

Pilate demanda donc au peuple assem­blé: Qui voulez-vous que je vous délivre, Barrabas ou Jésus-Christ?… Ils répondi­rent: Barabbas (S. Mat., 17).

ler Prélude. Je considérerai tout un peuple qui méconnaît son Dieu, son rédempteur, son bienfaiteur et qui lui préfère un homme couvert de vices.

2e Prélude. L'Eglise m'enseigne à me couvrir de cendres, à jeûner, à faire pénitence, j'entrerai dans cet esprit de repentir et de réparation.

Ier POINT: La nature du péché. - C'est un outrage fait à notre Dieu, à notre Créateur, à notre Sauveur, qui ne mérite qu'adoration et amour. C'est le non serviam de Satan que nous répétons tous les jours.

C'est la révolte d'un sujet contre le roi des rois à qui il doit tout. C'est l'outrage d'un ami à son ami, d'un fils à son père, et de quels amis s'agit-il ici? de quels fils, de quel Père?

C'est un mépris de Dieu, de sa loi, de ses défenses, de ses justices et de sa bonté.

Notre Dieu qui nous a tant aimés, nous le dédaignons pour écouter Satan.

Nous renouvelons les mépris dont les juifs ont accablé Notre-Seigneur à Jérusalem, leurs dédains, leurs haussements d'épaules. Nous crions comme eux: Nous ne voulons pas Jésus, mais Barabbas!

Le péché, c'est la plus noire ingratitude. Ecoutons notre Dieu, qui nous dit par les prophètes Isaïe et Michée: «Mon peuple, que t'ai-je fait? En quoi t'ai-je attristé pour que tu me traites ainsi? -J'ai élevé mes en­fants avec bonté, ils ont grandi sous ma main, et ensuite ils m'ont mepri­se. - Je t'ai plantée avec soin, ô ma vigne bien-aimée, tu étais un plant de choix et te voilà changée en un cep sauvage».

IIe POINT: Les suites du péché. - La série en est épouvantable.

Dieu est obligé de s'irriter contre nous, sa justice l'exige et sa justice est nécessairement rigoureuse, inflexible, infinie, comme sa sainteté. «Il est terrible, dit saint Paul, de tomber aux mains du Dieu vivant» (Heb., 10).

Si nous péchons mortellement, Dieu nous efface de son livre de vie et oublie nos bonnes œuvres passées (Ezech., 18).

Quelle déchéance encourt notre âme! Elle est, dit saint Cyprien, com­me un champ ravagé par la grêle. Elle perd toute sa beauté. La puanteur du péché, dit saint Bernard, remplace le parfum des vertus. L'âme tom­be des hauteurs dans l'abîme, du trône dans l'égoût, du paradis en en­fer.

La pauvre âme pécheresse s'expose à l'endurcissement et à l'impéni­tence.

Dieu punit le péché même en ce monde, le plus souvent.

Tout ce qui est peine et souffrance, le labeur, la maladie, les remords, les luttes, les divisions, la guerre, la pauvreté, la mort, tout cela a été créé à l'occasion du péché et pour le punir (Eccl. 40).

La justice divine frappe l'homme tout entier, dans sa vie sociale, dans ses biens, dans sa race: Si non audieris vocem Domini Dei tui, maledictus eris in civitate, maledictus in agro, maledictae reliquiae tuae (Deut., 28).

Tobie disait: Nous expions les péchés de la nation, par l'invasion et la captivité. - La vie même du pécheur est souvent abrégée et sa famille est frappée avec lui (job., 15-13).

L'âme s'endurcit. La conversion devient plus difficile. Les grâces qui nous étaient destinées sont transférées à d'autres…

IIIe POINT: Repentir et conversion. - Pour nous convertir, faisons deux courtes stations: l'une au bord de l'enfer, l'autre au Calvaire. Arrêtons-nous un instant au bord de l'enfer. Voilà ces gouffres horri­bles créés pour recevoir les démons et tous les damnés, lieux de souffran­ces où sévissent le feu et le désespoir.

Voyons là des âmes qui ont suivi la voie que vous suivons aujourd'hui, avec nos défauts, notre mollesse, notre tiédeur. Voilà où el­les ont abouti. Pensons-y quelques instants. Pesons tous nos côtés fai­bles…

Allons ensuite au Calvaire. Voilà les conséquences de nos péchés: la longue agonie du Sauveur, ses humiliations, ses souffrances, la flagella­tion, le couronnement d'épines, les déchirements de son Cœur, les clous, la croix, la mort.

Comptons ses plaies, celles de ses mains et de ses pieds, celles de la fla­gellation sur ses épaules et sur tout son corps, celles que les épines ont faites à sa tête, à son noble front, à ses yeux. Comptons ses larmes. Voyons sortir de son côté la dernière goutte de son sang.

Serons-nous insensibles comme des pierres? Avons-nous perdu tout sentiment?

Jetons-nous aux pieds de Jésus comme Madeleine. Demeurons là un bon moment.

Recevons sur notre tête les dernières gouttes du sang de son Cœur. Pleurons et demandons notre pardon.

Résolution. - O Jésus, je voudrais guérir toutes vos plaies. Je veux les laver avec mes larmes, comme faisait Madeleine.

Pardon, Seigneur! Pardon!

Votre Cœur est si miséricordieux!

Ayez pitié de moi qui suis le plus misérable des pécheurs!

Colloque avec Jésus crucifié.

1er Février
Présentation de Jésus au temple

Et postquam impleti sunt dies purgatio­nis ejus secundum legem Moysi, tulerunt eum in Jérusalem ut sisterent eum Domino… et ut darent hostiam secundum quod dictum est in lege Domini: par turtu­rum aut duos pullos columbarum (S. Luc, 2,22).

Et quand fut venu le jour de la purifica­tion selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour le présenter au Seigneur et pour donner une hostie selon qu'il est dit dans la loi du Seigneur: une paire de tourterelles ou deux colombes (S. Luc, 2, 22).

1er Prélude. Marie et Joseph vont avec le pressentiment de l'avenir, offrir Jésus au temple, quel sacrifice généreux!

2e Prélude. Faites-moi comprendre, Seigneur, et imiter la générosité de votre Cœur dans ce mystère, pour que je devienne une hostie de réparation et d'amour à votre suite.

Ier POINT: L'offrande. - Allons à Jérusalem avec la sainte famille. Voilà le Temple, voilà l'autel où va s'offrir le plus grand sacrifice que la terre puisse offrir à Dieu. Le prophète Malachie avait dit: «Le Domina­teur, l'Ange de l'alliance viendra à son Temple» (III, 1). Il vient, mais c'est un petit enfant, c'est un agneau du sacrifice qu'on porte à Jérusa­lem. Il ne fait que de naître et déjà tout cet appareil de la Présentation lui parle de mort. Il vient s'offrir, son Cœur d'enfant a plus d'empresse­ment à satisfaire la justice divine, que la justice elle-même n'en met à consommer le sacrifice.

Il est présenté au Seigneur par les mains du grand-prêtre, qui n'a jamais vu dans une oblation d'enfant tant de piété et de générosité. «Le voici, ô mon Dieu, le nouvel Isaac, l'enfant de la promesse, celui qu'Israël atten­dait depuis tant d'années avec des soupirs et des larmes. Le voici, le premier-né de la famille, l'aîné d'un grand nombre de frères (aux Rom., 8, 29). Celui qu'Abraham a salué de loin dans des transports d'allégresse, parce que toutes les nations de la terre devaient être bénies en son nom… (Gen. 18, 13). Nous vous l'offrons, nous vous le sacrifions».

Dieu le Père le reçoit, attendri, mais pour nous le rendre plus tard après la résurrection.

Je me suis offert souvent, moi aussi, mais ne me suis-je pas repris lâ­chement? Suis-je encore tout à Dieu, tout à son service et à son amour?

IIe POINT: Les offrants. - Jésus s'offre lui-même par les mains de Marie. En apparence, il est inconscient, mais en son Cœur il ne l'est pas. Il offre sa vie, sa passion, sa mort, pour expier l'ingratitude des hommes et la mienne. Pardon, ô mon Jésus!

Marie offre son fils. En attendant que ce grand holocauste se consom­me sur le calvaire, elle sacrifie, sous le coup des tristes prophéties de Si­méon, le repos et les sécurités de son cœur maternel, en même temps que son honneur virginal, compromis par ce fait qu'elle consent, elle, la Mère très pure et très chaste, à passer pour souillée, comme le sont de­vant la loi de Moïse les autres mères.

Joseph, intimement uni à Jésus et à Marie, s'offre à porter les peines et les douleurs inséparables de la haute mission dont il est honoré. Siméon, quand il a vu Jésus, renonce à tout, même à la vie.

Anne a mené une longue vie de jeûnes et de prières dans l'attente et l'espoir du Messie. Elle est prête, comme Siméon, à mourir après l'avoir vu.

Tous sont restés fidèles.

Et moi, j'ai fait souvent des offrandes, j'ai pris des résolutions, j'ai formulé des voeux. Où en suis-je? ai-je été fidèle? Ne me suis-je pas re­pris maintes fois? Puis-je espérér la couronne promise à la fidélité, si je continue ainsi?

Que faire? M'offrir encore, mais cette fois avec fermeté, non pas en m'appuyant sur ma volonté chancelante, mais en me tenant uni aux saints Cœurs de Jésus et de Marie, qui me maintiendront si je m'attache fermement à comprendre et à imiter leurs dispositions.

IIIe POINT: Le rachat. - L'enfant présenté était toujours racheté. Les riches donnaient un agneau pour l'holocauste, une colombe pour le pé­ché et cinq sicles (monnaie de six grammes d'argent) pour l'entretien des lévites. Les pauvres remplaçaient l'agneau par une autre colombe.

Marie et Joseph donnèrent l'offrande des pauvres. Mystiquement, il convenait que Jésus ne fût pas racheté par un agneau, puisqu'il était lui-même le véritable agneau divin. Il fut donc racheté par deux colombes et cinq sicles: une colombe pour l'holocauste et une pour le péché. Mais son rachat est temporaire. Il sera vraiment immolé, pour l'holocauste et pour le péché. Il est l'agneau qui sera sacrifié pour l'holocauste à quel­ques pas du Temple, sur le Calvaire. Il est la colombe qui sera immolée pour le péché, non pas pour le sien, mais pour le nôtre.

Il donne les cinq sicles pour les lévites, mais trente ans plus tard il fon­dera un nouvel ordre levitique. Avec ses apôtres et ses disciples, il orga­nisera le sacerdoce de la loi nouvelle.

Il a conscience de tout cela. Son divin Cœur est rempli de ces pensées. tout lui parle de sa mort, au Temple: les agneaux et les colombes qu'on sacrifie auprès de lui, la pierre du sacrifice d'Isaac et tous les autels.

Il a passé près du Calvaire en venant de Bethléem. Il est déjà victime. Sacrifions-nous aussi tous les jours de notre vie par l'obéissance à nos règles, à nos supérieurs, à notre directeur; par la modestie et la mortifi­cation quotidienne, par l'humble acceptation des peines que la Provi­dence nous envoie. Ecce venio.

Résolution. - Ecce venio. Me voici, Seigneur, je m'offre, je me donne avec vous, en union avec les sentiments de votre divin Cœur. Recevez mon âme et mon corps; ma mémoire, mon intelligence, ma volonté; mes yeux, mes oreilles, ma langue et tous mes sens. je me donne à vous. Accueillez-moi et ne permettez pas que je me reprenne.

Colloque avec Jésus enfant.

2 Février
Purification de Marie

Et postquam impleti sunt dies purgatio­nis ejus, secundum legem Moysi, tulerunt illum in Jerusalem ut sisterent eum Do­mino (S. Luc, 2, 22).

Et quand le jour de sa Purification fut venu selon la loi de Moïse, ils portèrent Jésus à Jérusalem pour le présenter au Seigneur (S. Luc, 2, 22).

1er Prélude. Marie va comme une mère ordinaire, chercher au temple la Purification légale. Quelle humilité! quelle abnégation!

2e Prélude. O Marie, faites moi goûter l'amour de votre très saint Cœur pour la pu­reté, pour la modestie, pour l'humilité.

Ier POINT: Obéissance. - «Me voici, mon Dieu, pour vous servir et pour faire votre volonté: Ecce ancilla domini, fiât mihi secundum verbum tuum». C'est la règle, Marie obéit. C'est écrit dans la loi, au Lévitique et à l'Exode. La jeune mère se présentera au temple pour être purifiée, quarante jours après la naissance d'un fils et quatre-vingts jours après la naissance d'une fille.

Marie n'a pas coutume d'hésiter quand il s'agit de la loi. Elle accom­plit tout à la lettre, secundum legem Moysi. Au quarantième jour, elle est à Jérusalem. Elle n'examine pas si elle est dispensée par le caractère sur­naturel de sa maternité. L'hésitation ne lui vient pas, c'est la loi. Com­me son divin Fils, elle renonce à tout privilège et, contente du sort com­mun, elle obéit à la loi. Jésus obéit et se laisse porter, présenter, rache­ter, Marie obéit aussi et se laisse purifier. Comme Jésus, Marie porte au milieu de son Cœur la loi de Dieu, comme sa règle de vie.

Oh! comme cette obéissance ponctuelle, humble, héroïque, condamne toutes nos hésitations, toute notre recherche d'exceptions et de dispen­ses!

Marie pouvait dire: Ecce ancilla domini. Et moi, puis-je dire: Ecce venio: Je viens, Seigneur pour obéir, pour faire votre volonté. Servus tuus ego sum. En quoi suis-je encore récalcitrant à la loi, à la volonté divine? Je m'examinerai et je changerai.

IIe POINT: Humilité. - Marie rencontre quelques honneurs au Tem­ple, parce que Dieu se plaît à exalter les humbles. Mais elle ne les a pas cherchés. Elle est allée là avec la plus parfaite humilité.

Elle va se purifier, elle, la Mère de toute pureté. Elle va se purifier, el­le, dont la maternité a merveilleusement augmenté la pureté au lieu de la diminuer.

Elle, la Vierge des Vierges, devenue par miracle Mère de Dieu, se fait purifier!… Elle qui est bénie entre toutes les femmes et de qui il a été dit pro­phétiquement que le fruit de ses entrailles était saint… N'a-t-elle pas sauve­gardé sa virginité, en déclarant à l'ange qu'elle préférait renoncer à tou­te gloire et à tout privilège plutôt que de la perdre?

Elle pouvait demander au grand prêtre dispense de cette cérémonie humiliante. Les miracles récents de Bethléem auraient suffi pour justi­fier sa requête.

Mais, non, elle s'avance humblement dépouillée aux yeux des hom­mes de sa gloire de Vierge-Mère, elle se soumet à une loi qui atteignait toutes les mères, hormis celle qui apportait au monde la vraie Purifica­tion par son Divin Fils.

Elle rougit de passer pour une Mère comme une autre, mais elle vient. C'est si bon d'obéir et de faire acte d'humilité!

Où en suis-je, moi, vis-à-vis de cette belle vertu d'humilité qui triom­phe dans les Cœurs de Jésus et de Marie? N'est-elle pas trop souvent blessée dans le mien?

Au lieu de chercher l'humilité, par habitude, par vertu, sous l'action de l'Esprit saint et dans l'imitation de Jésus et de Marie, est-ce que je ne recherche pas toutes les satisfactions de la vanité et de l'amour-propre?

IIIe POINT: Mystère de pureté. - «Mes yeux ont vu le salut», dit Si­méon. Le salut, c'est la purification, c'est la pureté. Jésus vient purifier les âmes dans son sang. Il vient tarir l'impureté jusque dans sa source par le baptême. Il vient nous révéler les secrets de la vie pure et sans ta­che dans la correspondance à la grâce, dans la modestie, dans l'amour avec son divin Cœur.

Marie s'avance toute pure. Les anges invisibles chantent sans doute quelques versets du cantique des cantiques: «Vous êtes toute belle, ô Marie, et il n'y a pas de tache en vous». Et cependant Marie vient se pu­rifier! C'est pour nous dire que l'obéissance, l'amour de Dieu et de sa loi sont des éléments de pureté.

Pour être pur, obéir avec Marie. Avec elle, vivre en la présence de Dieu; avec elle, aller au Temple, prier, accomplir les actes liturgiques de la loi nouvelle, comme elle accomplissait ceux de la loi ancienne: partici­per au sacrifice de la messe avec de saintes dispositions, aller au confessionnal chercher l'absolution et la direction; aller à la sainte communion et presser Jésus sur mon cœur, comme faisait Marie avec l'enfantelet qu'elle portait et présentait.

Comme Marie, offrir les colombes et les sicles, les petits sacrifices quotidiens que demandent la règle et la Providence.

Comme Marie, accepter la perspective du coup de glaive, qui sera peut-être quelque épreuve, quelque maladie, quelque insuccès, en atten­dant le coup de glaive définitif de la mort, qu'il faudra aussi accepter gé­néreusement.

Me voici, Seigneur, pour faire votre sainte volonté!

Résolution. - La pureté est si chère à Jésus! je veux l'aimer toujours davantage. Il faut que je prenne les moyens pour sauvegarder ma pure­té: présence de Dieu, union avec Notre-Seigneur, vie occupée, réglée, modestie des regards et de tous les sens, mortification; union au Sacre­Cœur de Jésus et au Cœur très pur de Marie.

Colloque avec Marie.

3 Février
Oblation de Jésus

Et postquam impleti sunt dies purgatio­nis ejus secundum legem Moysi, tulerunt illum in Jerusalem, ut sisterent eum Do­mino, sicut scriptum est in lege Domini: quia omne masculinum adaperiens vul­vam, sanctum Domino vocabitur (S. Luc, 2, 22).

Et quand fut venu le jour de la Purifica­tion, selon la loi de Moïse, ils le portèrent à Jérusalem pour l'offrir au Seigneur, comme il est écrit dans la loi de Dieu, que tout mâle premier-né sera consacré au Seigneur (S. Luc, 2, 22).

1er Prélude. C'est là un des beaux mystères de Jésus. Jésus n'est pas inconscient, comme les autres enfants. quand on le présente au temple, il s'offre réellement en victi­me. Il renouvelle la grande offrande de son Ecce venio.

2e Prélude. O Jésus, faites-moi comprendre et imiter votre généreuse oblation, afin que je ne vive plus que pour la gloire de Dieu et le salut de mon âme et du prochain.

Ier POINT: Acte d'adoration. - Dieu a envoyé son fils sur la terre, pour qu'il soit son prêtre, pour qu'il le glorifie en son cœur sacerdotal. Notre-Seigneur a été prêtre dès son incarnation.

Il a reçu avec l'union hypostatique l'onction sacerdotale. Son cœur fut dès lors un cœur de prêtre. Il s'offrit immédiatement en holocauste et prononça son Ecce venio. Mais c'est au Temple qu'a lieu le premier ac­te extérieur de son oblation. Elle est faite par ses parents et par le prêtre, mais son Cœur sacerdotal la ratifie.

Il s'offre à son Père, il se donne. Il s'est anéanti par l'incarnation, il s'humiliera par une vie toute d'obéissance, de travail et de pauvreté; il consommera son sacrifice par sa passion et par sa mort.

Le prêtre le présente à Dieu et le dépose sur l'autel. Jésus redit en son cœur l'Ecce venio de son incarnation: Me voici, dit-il de nouveau à son Père, me voici pour faire votre volonté, me voici pour suppléer aux hos­ties et aux holocaustes dont vous ne voulez plus. - Il a en vue toutes les fins du sacrifice. L'oblation de son Cœur est un acte de religion infini. C'est à la fois un acte d'adoration, d'action de grâces, de réparation et de prière.

Mais notre faible intelligence ne se rend compte de la perfection de cette oblation qu'en supposant des actes distincts et successifs.

Nous voyons d'abord dans le Cœur sacerdotal de Jésus un acte d'ado­ration et pour exprimer cette adoration des anéantissements infinis. Notre-Seigneur confesse l'absolue dépendance dans laquelle il est de­vant l'infinie Majesté de son Père. Il proclame qu'il lui doit tout et pour lui faire un sacrifice de tout ce qu'il est, il s'abaisse jusqu'au néant, com­me dit saint Paul, car c'est bien le néant que cette nature humaine prise dans sa pauvreté, dans son infinie petitesse, avec la charge de tous les pé­chés des hommes et l'attente de la mort.

Mais plus le Verbe de Dieu s'abaisse, plus nous devons l'exalter par nos louanges.

IIe POINT: L'action de grâces. - Par ces mêmes anéantissements, Jésus offre aussi le sacrifice de l'action de grâces.

Il sent profondément en son cœur tout ce qu'il doit de reconnaissance à son Père, pour les grâces reçues en son humanité. L'existence elle­même est un don de Dieu, une participation à l'être divin. Mais l'union hypostatique est un don infiniment supérieur.

L'humanité du Christ est par là toute déifiée et ses actes deviennent les actes d'un Dieu.

Le Christ a reçu aussi des grâces sanctifiantes qui surpassent toutes celles que peuvent recevoir toutes les créatures ensemble.

Il a joui aussi dès son incarnation de la vision béatifique, de la claire vue de Dieu et de ses œuvres.

Que de grâces réunies! Comment le Christ remerciera-t-il son Père? Ses anéantissements expriment sa reconnaissance aussi bien que son adoration.

L'âme qui reçoit une grâce insigne entre dans une sorte de confusion et, sous le regard de celui qui daigne l'honorer ainsi, elle se prosterne, el­le s'abîme, elle voudrait témoigner ce qu'elle éprouve de gratitude par une sorte d'anéantissement d'elle-même. C'est ce que ressentit l'âme de notre divine victime, de sorte que son action de grâces eut toute la pro­fondeur de son adoration.

Elle s'étendit aussi à tout ce que la libéralité, la tendresse, la providen­ce, la miséricorde de la sainte Trinité a répandu de biens sur toutes les créatures.

Jésus se substituait à toutes les victimes de l'Ancienne Loi et à toutes les intentions des âmes chrétiennes jusqu'à la fin du monde, pour adorer et remercier son Père.

IIIe POINT: Réparation et prière. - Il faisait de même pour toutes les réparations et pour toutes les prières. Il les offrait en son Cœur, il en changeait la matière grossière en un or pur. On dirait en langue com­merciale qu'il a valorisé tous nos sacrifices d'adoration, d'action de gra­ces, de réparation et de prières.

Par un symbolisme saisissant, Dieu avait demandé le sacrifice d'Isaac, puis il avait accepté en échange un chevreau, il avait demandé le sacrifi­ce de tous les premiers-nés et il avait encore accepté en échange un agneau ou deux colombes.

Pour Jésus, il acceptera seulement un rachat temporaire et apparent et la victime commencera à s'immoler dans l'humilité, l'obéissance et le travail, en attendant les grands jours de sa passion et de sa mort.

O Jésus, quelle dut être l'émotion de votre cœur d'enfant là au Tem­ple auprès des divers autels, sur la pierre traditionnelle du sacrifice d'Abraham au lieu où tant de millions d'agneaux figuratifs ont été frap­pés au cœur par le glaive!

Sainte victime, faites de moi un vrai oblat de votre Cœur, une victime de réparation et d'amour dans l'accomplissement quotidien de ma règle et de votre volonté.

Résolution. - O Jésus, ecce venio ut faciam voluntatem tuam. Me voici pour faire votre volonté par l'obéissance parfaite à ma règle de vie. Je m'unis à l'oblation généreuse de votre divin Cœur. Que voulez-vous que je fas­se? dites-le moi, par mes supérieurs, par vos inspirations, par votre pro­vidence.

Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute.

Colloque avec Jésus enfant.

4 Février
Cantique et prophétie de Siméon

Et benedixit illis Siméon, et dixit ad Mariam, matrem ejus: Ecce positus est hic in ruinam et in resurrectionem multo­rum in Israël, et in signum cui contradice­tur: et tuam ipsius animam pertransibit gladius (S. Luc, 2, 34).

Siméon les bénit, et il dit à Marie, mère de Jésus: Celui-ci est établi pour la ruine et la résurrection de plusieurs en Israël et comme un signe de contradiction, et ton âme sera transpercée d'un glaive (S. Luc, 2,34).

1er Prélude. Siméon est le dernier prophète. Il résume la vie de Notre-Seigneur et son règne: mort de Jésus, souffrances de Marie, règne de lutte et de conquête.

2e Prélude. Avec Siméon, je vous loue, ô Marie, je compatis à vos souffrances, je veux travailler et combattre pour le règne de Jésus et de son divin Cœur.

Ier POINT: Désir et joie. - Siméon, homme juste et craignant Dieu, attendait la consolation d'Israël. L'Esprit-Saint, qui était en lui, lui avait dit qu'il ne mourrait pas sans voir le Christ du Seigneur. Il atten­dait, c'était sa vie, et sa confiance était inébranlable.

Et moi, hélas! Est-ce que je demande, est-ce que j'attends le règne de Notre-Seigneur? Et combien vite je suis découragé! Une déception, une prière en apparence infructueuse, un délai de la Providence, et je me laisse abattre. Prier, attendre, avoir confiance, c'est la vie chrétienne.

C'est un jour de joie pour Siméon. Ce jour-là, ses pressentiments se réalisent. Il vient au Temple, il rencontre un petit enfant avec sa mère. C'est le Rédempteur! Le voyant l'a compris.

Et quand il reçoit Jésus dans ses bras tremblants, ses larmes éclatent: «Maintenant je puis mourir, dit-il, j'ai vu le salut…». La terre n'a plus de charme pour lui. Ses yeux ne s'intéresseraient plus à rien. Il a vu le Seigneur, il ira l'attendre dans le silence des limbes.

Oh! pourquoi ne sais-je pas attendre et persévérer dans la prière? Des joies profondes viendraient me récompenser et m'encourager.

IIe POINT: Action de grâces. - Que Siméon est beau quand, les yeux baignés de larmes, il élève de ses bras tremblants l'enfant Jésus vers le ciel, en chantant son Nunc dimittis! Il a vu le Seigneur, c'est avoir assez vécu, c'est trop de vivre encore. «Maintenant, dit-il, vous pouvez, Sei­gneur, laisser aller en paix votre serviteur… Le tombeau ne m'effraie pas, certain que je suis de n'être pas longtemps séparé de vous… Per­mettez que j'aille annoncer à vos saints qu'ils n'ont plus longtemps à vous attendre, puisque mes yeux ont vu le salut que vous préparez aux peuples, la lumière qui doit éclairer les nations et la gloire d'Israël votre peuple».

Anne, fille de Phanuel, femme vénérable, remplie d'années et de gra­ces, était là aussi. Elle avait coutume de prier longuement chaque jour au Temple, et elle attendait comme Siméon la venue du Messie.

Comme Siméon, elle reconnut l'enfant divin et sa mère, et ce fut pour elle la même joie et la même action de grâces. Elle exultait et annonçait la bonne nouvelle à toutes les pieuses personnes qui attendaient la ré­demption d'Israël.

Et moi, je reçois Notre-Seigneur dans la sainte communion. Je le reçois plus intimement même que Siméon. Il vient me donner sa grâce. Quelle est ma ferveur pour le recevoir? Comment lui ai-je témoigné jus­qu'ici ma joie, mon respect, ma reconnaissance?

Anne, tout enthousiasmée, parlait de Jésus à tout le monde: loquebatur de illo omnibus. Quelles sont mes conversations après mes communions? Sont-elles édifiantes, charitables, surnaturelles?

Transporté d'amour après mes communions, je devrais être résolu à vivre en glorifiant Jésus et à mourir en l'aimant.

IIIe POINT: Paroles prophétiques. - Siméon redit à Marie la prophétie d'Isaïe: «Le Christ sera pour la sanctification de plusieurs en Israël, mais il sera pour d'autres une pierre de scandale» (Is. 8, 14). C'est manifeste. Le Christ est cause de salut et de résurrection pour ceux qui le reconnais­sent, qui l'aiment et qui le servent. Il est cause de ruine pour ceux qui le rejettent.

L'indifférence n'est pas de mise ici. Jésus est la vie. Toutes les béné­dictions sont promises à ceux qui le suivent et qui l'aiment. Il faut être avec lui ou avec le monde. Les peuples et les familles, comme les particu­liers, trouveront le chemin de la paix et des faveurs divines à la suite de Jésus et à son service.

Ces paroles du prophète sont graves. Il y a deux voies offertes à notre choix: d'un côté la voie des bénédictions, avec ce tracé marqué dans l'Evangile: «Bienheureux les pauvres, bienheureux les purs, bienheu­reux ceux qui pleurent, ceux qui pardonnent, ceux qui souffrent perse­cution». De l'autre côté, la voie qui éloigne du Christ. Elle a ce tracé: amour de l'or, du luxe, du plaisir et du monde. - C'est vous que je choisis, mon Sauveur, c'est votre voie, c'est votre amour, c'est votre Cœur, dusse je rencontrer les contradictions et la persécution!

La douleur et le glaive, Siméon les prédit à Marie. Elle aura une gran­de part à la passion de Jésus. Elle souffrira, elle aussi, pour nous et pour notre salut. O Marie, que je voudrais vous consoler et partager votre peine pour l'alléger! Jusqu'ici, je l'ai accrue par mes fautes, pardon­nez-moi. Je vais m'efforcer de vous consoler par ma patience, mes sacri­fices et mes mortifications.

Résolution. - Avec Siméon, je me réjouis de posséder souvent Jésus dans la sainte communion. Je m'attache au bon Mitre, qui est toujours contredit. Je contenterai son divin Cœur par mes pratiques quotidien­nes de réparation et d'amour.

Colloque avec le grand prêtre Siméon.

4 Février
La septuagesime

Les ouvriers de la vigne

Simile est regnum coelorum homini pa­trifamilias, qui exiit primo mane condu­cere operarios in vineam suam. Conven­tione autem facta cum operariis ex dena­rio diurno, misit eos in vineam suam (S. Mat., 20, 1).

Le royaume des cieux est semblable à un père de famille qui sort le matin pour engager des ouvriers. Etant convenu avec eux du salaire, il les envoie dans sa vigne (S. Mat., 20, 1).

1er Prélude. Le sens littéral de cette parabole est relatif aux pharisiens orgueilleux, qui se plaignaient de ce que Notre-Seigneur recevait parmi ses disciples les publicains et les pécheurs aussi bien qu'eux.

2e Prélude. Un second sens nous montre le souci du Cœur de Jésus pour sa vigne, qui est notre âme et l'Eglise. Seigneur, enseignez-moi à cultiver cette vigne avec zèle.

Ier POINT: Appel de Dieu. - Avec la septuagésime commence la pré­paration à Pâques. Notre-Seigneur va multiplier ses appels pour gagner les âmes, afin qu'elles se convertissent et qu'elles ressuscitent spirituelle­ment. C'est pour cela que l'Eglise nous fait lire cet évangile.

Toute la liturgie de l'office est très belle aujourd'hui. Nous lisons aux Matines les premiers chapitres de la Genèse. C'est là qu'au matin de la création le Maître divin envoie le premier ouvrier dans sa vigne, Adam, qui devait gagner son salaire par sa fidélité.

Dans les leçons du troisième nocturne, saint Grégoire cite les grands appels de Dieu au peuple juif et à l'humanité: la vocation d'Abraham, la révélation faite à Moïse, les prédications des prophètes et des apôtres. Ces appels ont rencontré beaucoup de résistance. Il y a beaucoup d'ap­pelés et peu d'élus.

Nous pourrions ajouter pour notre temps l'appel si touchant du Sacré-Cœur.

Ce que Dieu a fait pour l'humanité, il le fait pour chaque âme. Il nous appelle aux divers âges de notre vie: éducation chrétienne, vocation, re­traites, événements providentiels. Il nous appelle chaque jour par les exercices pieux de notre règlement. Le bel office de la septuagésime ex­prime cela en nous remettant sous les yeux à chacune des heures cano­niales les appels de la parabole: «Allez à la vigne. - Pourquoi demeurez-vous ainsi oisifs?».

Vais-je me décider à un travail actif, zélé, continu pour ma sanctifica­tion et pour l'apostolat du Sacré-Cœur, auquel je suis appelé?

IIe POINT: Le labeur. - «Allez à la vigne». C'est ce que nous dit le bon Maître à tous les âges de notre vie et à toutes les heures du jour. La vigne, c'est notre âme à cultiver, c'est aussi le champ où doit s'exercer notre apostolat selon la vocation de chacun de nous.

Que fait-on dans la vigne? On bêche, on plante, on taille, on protège le champ, on travaille tout le jour. - Bêcher, labourer profondément! c'est secouer fortement notre conscience endurcie, par les retraites, par la méditation des grandes vérités.

Planter et provigner, c'est fixer dans nos cœurs les vertus fondamen­tales: une foi vive, une charité ardente, l'humilité et la pureté, et cela se fait par le travail quotidien de l'oraison, de la vigilance, des examens. - Tailler les ceps, c'est retrancher par la mortification chrétienne, les solli­citudes mondaines et l'attache aux plaisirs et aux jouissances amollissan­tes. - Attacher le cep, c'est nous unir à Notre-Seigneur et à son divin Cœur par l'habitude de la présence de Dieu, par la soumission de notre volonté et par la vie d'amour et de réparation. - Entourer la vigne d'une haie ou d'un mur de défense, c'est veiller sur notre âme et la dé­fendre par la prière contre ses ennemis: la chair et le monde.

L'apostolat demande de nous le même travail en faveur des âmes qui nous sont confiées. Planter, c'est les instruire et les former à la vertu; sarcler et entourer la vigne, c'est les protéger par la vigilance, par la di­scipline, par la prière.

Où en suis-je de mon travail pour moi-même et pour les âmes? Il y a là un long examen à faire.

Mon travail est-il quotidien, est-il assidu et constant?

Quels progrès ai-je faits? Quels progrès ai-je fait faire à ceux que je dois aider?

IIIe POINT: Le salaire. - Le bon Maître nous le donnera, si nous avons travaillé. «Appeliez les travailleurs, dit-il le soir à ses ministres, et donnez-leur le salaire».

Notons en passant que Notre-Seigneur donne là une leçon de justice et de charité à tous les maîtres. Il faut donner un salaire équitable et le don­ner sans retard. Il est bon même d'aller au delà de la justice et par chari­té de donner plus qu'on ne doit à ceux qui n'ont pas pu travailler beau­coup, aux malheureux, aux indigents, aux impotents.

Mais nous, à quelle condition aurons-nous le salaire? L'office du jour nous le rappelle en nous faisant relire dans les capitules les conseils vi­goureux de saint Paul. La vie chrétienne, dit-il, est un stade. Tout le monde ne gagne pas les prix, mais seulement ceux qui courent avec vi­gueur, ceux qui ne s'amusent pas et ne s'attardent pas sur le chemin. Les lutteurs du cirque, dit saint Paul, s'abstiennent de tout ce qui amollit.

Et nous, le faisons-nous?

Quels sacrifices le Sacré-Cœur me demande-t-il aujourd'hui? en par­ticulier pour le recueillement, pour la modestie, pour la tempérance, pour telle ou telle de mes règles, que je néglige encore trop souvent?

Résolution. - A la vigne! au travail! je sais bien ce qu'il faudrait faire et je ne le fais pas, c'est ce qui me condamne. je vais commencer. Une chose à la fois. C'est tel défaut que je vais combattre aujourd'hui et les jours suivants jusqu'à la victoire. C'est un progrès dans l'union au Sacré-Cœur que je dois faire chaque jour. Seigneur, aidez-moi.

Colloque avec le Maître de la vigne.

5 Février
Fuite en Egypte

Ecce angelus Domini apparuit in som­nis Joseph, dicens: Surge et accipe pue­rum et matrem ejus, et fuge in Aegyp­tum, et esto ibi usque dum dicam tibi. Fu­turum est enim ut Herodes quaerat pue­rum ad perdendum eum (S. Mat., 2, 13).

L'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph et lui dit: «Lève-toi et prends l'en­fant et sa mère et fuis en Egypte, et reste là jusqu'à ce que je te dise de revenir; car Hérode cherchera l'enfant pour le faire mourir (S. Mat., 2, 13).

1er Prélude. Siméon a prédit des contradictions, elles commencent. Hérode songe à faire périr l'enfant divin, l'ange avertit Joseph qui prépare un voyage précipité.

2e Prélude. O Jésus, soumettez mon cœur aux directions providentielles, qui éton­nent souvent mon étroit jugement. Donnez-moi la docilité de votre Cœur d'enfant et des saints Cœurs de Marie et de Joseph.

Ier POINT: Hérode ordonne le massacre des enfants de Bethléem. - Le roi est inquiet. Ces despotes orientaux vivent au fond de leurs palais dans la crainte de perdre leur trône.

On a parlé d'un enfant royal, il faut le faire disparaître. On ne le trou­ve pas à Bethléem: l'enfant et les siens sont réfugiés dans quelque mai­sonnette de bergers. Il faudra donc faire périr tous les enfants de la ré­gion. L'horrible massacre s'exécute. Ces victimes innocentes rendront témoignage par leur sang à celui que leur bouche est impuissante à con­fesser. La sainte liturgie nous les montre formant au ciel le cortège de l'Agneau et jouant avec leurs palmes et leurs couronnes.

Petits Martyrs, vous dont les anges envient les glorieuses palmes, priez pour l'enfance persécutée par les modernes Hérodes. C'est à l'âme des enfants et non à leur vie que ceux-ci en veulent, et c'est bien plus dé­sastreux. Priez pour les mères, pour ces Rachels chrétiennes, qui sont inconsolables de voir détruire la foi de leurs enfants.

Quel est notre devoir? Nous opposer aux agissements de ces Hérodes, nous dévouer à la cause de l'enseignement chrétien dans la mesure de notre vocation.

Je dois aussi, au lieu de donner occasion par ma conduite de blasphé­mer et d'offenser Jésus, lui gagner les âmes par ma modestie, par mes exemples, par mon zèle.

IIe POINT: L'avertissement de l'ange. -La Sainte Famille reposait dans son humble retraite, confiante en Dieu et disposée à suivre la conduite de la Providence. Un ange paraît. C'est a Joseph qu'il parle. C'est la voie hiérarchique, Joseph est le moins saint des trois, mais il est le chef de la famille. Jésus et Marie lui obéissent. Le ciel lui-même reconnaît son autorité. - «Lève-toi, prends l'enfant et la mère et fuis en Egypte». Quel ordre inattendu! S'en aller à travers le désert avec un enfant nouveau-ne. Se fixer en Egypte, un pays païen, hostile aux juifs, loin du Temple et de la Terre Sainte. - Dieu daigne justifier ses ordres: Hérode en veut aux jours de l'enfant.

Joseph et Marie pouvaient penser que Dieu avait d'autres moyens plus simples de déjouer la colère d'Hérode. Mais ils ne discutent pas. Pas de prudence humaine, quand Dieu a parlé: obéissance entière et prompte.

Joseph obéit: pas un mot d'objection ou de plainte. Il ne demande pas d'explication. Il se lève sur l'heure et il accélère ses préparatifs. Marie obéit avec simplicité. On emporte le modeste trousseau et quelques pro­visions. L'humble caravane se met en marche, avec la confiance qu'ex­primait le saint roi David: Le Seigneur nous conduit, rien ne nous man­quera, Dominus regit me et nihil mihi deerit (Ps. 22). Ils sont déjà loin quand le soleil revient éclairer l'horrible massacre. La Providence sait déjouer les projets des méchants. Elle pourvoit à tout pour ceux qui se confient en elle.

Pour moi, la Providence ne m'enverra pas un ange, et ce n'est pas ne­cessaire; elle a ses voies ordinaires. Elle me conduit par mes supérieurs, par mon directeur, par les événements quotidiens. Si j'étais plus docile, j'éviterais mille dangers. Je vais commencer à faire la volonté de Dieu, heure par heure. Il me la fera connaître, si je la cherche.

IIIe POINT: Le voyage. - C'est le désert qui s'étend de la Palestine à l'Egypte; le désert sans abri, et sans ressources. Peu de sécurité, soit du côté des pillards, soit du côté des bêtes fauves. C'est le soleil brûlant dans le jour et les fraîches soirées. Pour la nuit, Jésus est déposé sur le sable, à l'abri de quelque palmier et près d'une source, qui répand quelque fraîcheur.

A ces haltes, on trouve un peuple grossier, des caravanes de chameaux et des marchands à l'âme vulgaire. Joseph et Marie ont l'occasion de partager leurs modestes provisions avec quelques mendiants. Ils rendent peut-être service à quelque marchand, pour être admis à suivre sa cara­vane, pour plus de sécurité.

David aussi a fui dans ces solitudes et s'y est caché pour échapper à la colère de Saül. C'était la figure du bon Maître.

Le sentier est marqué par des ossements d'animaux et divers débris:

symboles de tristesse et de mort. Ce sont les premiers objets que verront les yeux de l'enfant Jésus sur la terre. Il est venu dans le monde comme dans un désert pour le faire refleurir et comme dans un champ de mort pour y ramener la vie.

Joseph et Marie rendent grâce à Dieu parce que l'enfant est sauvé. Je sauverais mon âme et mes œuvres, si j'étais plus docile, plus con­fiant en la Providence.

O sainte volonté de Dieu, conduisez-moi, guidez-moi dans le désert de la vie.

Résolution. - Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute. Que dois-je fai­re, aujourd'hui, tous les jours? Je renouvelle mes résolutions. Votre an­ge, c'est ma règle, c'est mon supérieur, c'est mon directeur. J'obéirai sans retard, sans objection, sans m'arrêter aux prétextes de la prudence humaine. Aidez-moi. A l'exemple de votre divin Cœur et de l'aimable saint Joseph je ne veux plus avoir d'autre loi que la volonté divine.

Colloque avec saint Joseph.

6 Février
Séjour
en Egypte

Qui consurgens accepit Puerum et Ma­trem ejus nocte et secessit in AEgyptum. Et erat ibi usque ad obitum Herodis; ut adimpleretur quod dictum est a domino per prophetam dicentem: Ex AEgypto vo­cavi filium meum (S. Mat., 2, 14).

Joseph se levant la nuit prit l'Enfant et sa Mère et ils se retirèrent en Egypte. Et ils y demeurèrent jusqu'à la mort d'Héro­de, pour l'accomplissement de ce qu'avait dit le Seigneur par la bouche du prophète: j'ai appelé mon Fils de l'Egypte (S. Mat., 2, 14).

1er Prélude. C'est non loin du Caire, à Héliopolis, que la Sainte Famille trouva un pauvre refuge où elle vécut dans le travail et les privations.

2e Prélude. O Jésus, votre sainte Mère et votre père adoptif étaient riches malgré tout, parce qu'ils vous possédaient; venez dans mon cœur et ne le quittez plus.

Ier POINT: Au désert. - Moïse et son peuple avaient passé par là en sens inverse, fuyant la colère du Pharaon d'Egypte. Moïse avait chanté la délivrance par son beau cantique. Joseph et Marie avec le divin enfant ont échappé à la fureur d'Hérode, ils redisent sans doute le cantique de Moïse ou quelque chant équivalent!

Chantons les louanges du Seigneur. Il vient défaire éclater sa gloire… Le Sei­gneur est ma force, le Seigneur est ma joie; il a été mon salut. Il est mon Dieu; c'est lui que je célébrerai; c'est lui, le Dieu de mes pères, que je veux exalter… Votre droi­te, Seigneur, a montré sa puissance, elle a frappé l'ennemi… Vous avez guidé votre peuple dans votre miséricorde, et vous l'avez conduit à la demeure que vous lui desti­niez (Exode, 15).

Le bon Maître a semé des grâces au désert d'Egypte, et bientôt ces so­litudes fleuriront et la thébaïde se peuplera de moines, d'anachorètes, de veuves, de vierges, de nobles romains et grecs et de patriciennes, fuyant la corruption du vieux monde et chantant à leur tour avec Moïse le can­tique de la délivrance.

Heureux qui sait se détacher, se séparer du monde pour vivre avec Jésus seul!

Sais-je apprécier mes heures de solitude, de silence, de prière, de re­traite?

Le sycomore au bois incorruptible qui abrita la sainte famille et la source pure qui la désaltéra sont des symboles. Auprès de Jésus, on trou­ve une protection qui ne défaille pas et une source de grâces qui ne tarit pas.

IIe POINT: Héliopolis. - Cette bourgade a de pieux souvenirs. C'est là que Joseph, fils de Jacob, a épousé Aseneth, fille de Putiphar. Joseph, sauveur du peuple de Dieu a vécu là. Les juifs pieux ont toujours gardé une préférence pour cette petite ville égyptienne. La Sainte Famille se retira là pour y trouver des compatriotes, mais elle n'y rencontra sans doute pas un meilleur accueil qu'à Bethléem. Les juifs contemporains étaient égoïstes et durs.

Ce fut pour eux, Joseph et Marie, la pauvreté, parfois la mendicité, avec un travail inégal et mal rétribué, chez des patrons rigides et avares. Les larmes de Jésus leur étaient reprochées par les voisins. Il participait à toutes les avanies de la famille. Et cela dura cinq ou six ans!

Dans le ménage du pauvre ouvrier les privations succédaient aux pri­vations, et le pain dut manquer souvent.

Joseph finit par trouver de l'ouvrage comme charpentier, et Marie fi­lait la laine ou le coton. Que de grâces ils ont préparées là pour les tra­vailleurs et les pauvres! Ce n'est pas que la loi évangélique soit contraire à la prospérité des peuples, elle en est au contraire la condition la plus fa­vorable et la garantie, puisqu'elle recommande le travail, la justice, la tempérance, qui sont des conditions de succès; mais à côté de la loi, il y a les conseils, proposés aux âmes généreuses. La Sainte Famille a marché par la voie des conseils, dans l'obéissance, la pauvreté, les privations. Le cœur de Jésus enfant se complaisait dans ces croix pour notre salut, et les âmes généreuses suivent aujourd'hui la même voie, complétant, comme dit saint Paul, ce qui manque à la Passion de Jésus, pour le salut du monde.

Jusqu'où ira ma générosité? Quelle est ma vocation? Quels sacrifices ferai-je pour le salut des pécheurs?

IIIe POINT: L'exil. - L'exil par lui-même a ses amertumes. Vivre loin de la patrie, loin d'un peuple aimé, loin de la famille et des amis, être privé des fêtes patriotiques et religieuses!

Trois fois l'an, les grands jours revenaient où les familles de la Palesti­ne allaient prendre part aux grandes solennités du Temple. La pâque surtout était la fête populaire, aimée de tous. Ces jours n'avaient que de l'amertume pour les exilés. Il y avait à peine à Héliopolis une pauvre synagogue où Dieu était bien mal servi.

Auprès du pauvre quartier juif, la ville d'Héliopolis et surtout celles de Memphis et de Thèbes étaient des cités voluptueuses, avec de grandes fortunes acquises, avec une vie de luxe et de plaisir. La pauvre famille d'Héliopolis déplorait cet abus des dons divins et prévoyait les châti­ments que la Providence infligerait à l'Egypte, comme au monde grec et romain. Les paroles sévères que devait écrire saint Jacques dans son épître, se trouvaient déjà sans doute sur les lèvres de Joseph et de Marie: «Riches, pleurez et lamentez-vous à la pensée des malheurs qui vous me­nacent et des trésors de colère que vous amassez. Vivant dans le luxe et les délices, vous vous êtes engraissés comme des victimes qu'on prépare pour le sacrifice». (S. Jac., 5).

C'est ainsi que plus tard Notre-Seigneur pleurera sur Jérusalem. Oh! n'usons des biens de la terre qu'avec sagesse, suivant notre voca­tion. Bienheureux ceux qui ont l'esprit de pauvreté!

Résolution. - Dans la mesure de ma vocation, je choisis la pauvreté, le travail, le sacrifice, comme le Cœur de Jésus les a choisis. Je prêcherai, par l'exemple et par la parole, le détachement, l'amour des pauvres, le souci de la justice sociale et privée. quel acte de charité ferai-je aujourd'hui en souvenir des privations de la Sainte Famille en Egypte?

Colloque avec la Sainte Famille.

6 Février
La prière de Notre-Seigneur

Au Jardin des olives

Positis genibus, procidit super terram, et orabat ut, si fieri posset, transiret ab eo hora, dicens: Pater mi, si possibile est, transeat a me calix iste, verumtamen non sicut ego volo sed sicut tu (S. Mat., 26, 39).

Il tomba à genoux et se prosterna sur le sol, et il priait Dieu d'éloigner cette heure en disant: Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi. Cependant que votre volonté se fasse et non la mienne (S. Mat., 26, 39).

1er Prélude. La lune projette une lueur sinistre et les oliviers étendent leurs grandes ombres. Jésus, accablé et gémissant, prie dans la sombre grotte.

2e Prélude. je vous demande la grâce de m'agenouiller à vos côtés, ô Jésus, de prier avec vous et de mêler mes larmes au sang rédempteur que votre divin Cœur va verser pour moi dans les affres de son agonie.

Ier POINT: L'agonie. - Jésus est prosterné, le front dans la poussière. Il abaisse sa majesté devant son Père. Il a les yeux baignés de pleurs. Il est saisi d'une effroyable angoisse, les étreintes de l'agonie de saisissent: il éprouve tour à tour la peur, le dégoût, l'abattement. Jamais âme hu­maine n'a enduré une oppression semblable. C'est le martyre du cœur.

Il a pris la responsabilité de tous les crimes de la terre: les sacrilèges, les blasphèmes, l'orgueil, l'impureté, l'injustice sous toutes ses formes; les ingratitudes aussi, les lâchetés, la tiédeur de ses préférés. La honte le pénètre, son âme sainte répugne tellement à toutes ces horreurs! Il est sur le point de perdre la vie… Le sang, amassé autour de son cœur divin par la violence de ces émotions, brise les veines gonflées et inonde la terre.

Ecoutons ses paroles: Mon âme est triste jusqu'à la mort, jusqu'à en mourir. Demeurez ici et veillez avec moi. Veillez et priez. Mais les apôtres dorment. Quelle ingratitude, après le don de l'Eucharistie! Quelle indélicatesse! quelle cruauté!

Hélas! avons-nous un meilleur cœur? Jésus est encore trahi dans l'Eucharistie; il est délaissé; il répare; il a une tristesse mystique.

Où sommes-nous? que faisons-nous? Ne sommes-nous pas des disci­ples, des apôtres, des préférés du Sauveur? Où sont notre reconnaissan­ce et notre fidélité?

IIe POINT: La prière de Jésus. - Jésus priait: Mon Père, s'il est possible, que ce calice s'éloigne de moi! cependant, que votre volonté se fasse et non la mienne! Il ne cède pas à la fatigue, au dégoût, au découragement. Il prie avec plus d'insistance: Prolixius orabat. Il prie avec tant de respect, tant d'hu­milité! à genoux, la face contre terre.

Il prie avec persévérance: Il s'en alla de nouveau, disant les mêmes paroles… il s'en alla encore, répétant sa demande une troisième fois.

Il prie avec résignation: Que votre volonté se fasse, ô mon Père, et non la mienne!

Il prie avec la disposition de s'abandonner entièrement à la volonté de son Père et de se dévouer pour nous autant qu'il le faudra: si ce calice ne peut passer sans que je le boive, que votre volonté soit faite!

Il prie pour ses apôtres qui dorment et qui ne prient pas à l'approche de la tentation. Il pourra dire à Pierre: «J'ai prié pour que ta foi ne dé­faille pas».

Il prie pour tous pendant cette longue prière de trois heures. Il prie pour nous, il prie pour moi. Il accumule des grâces pour tous les siècles à venir. Avant de mourir, il accomplit sa grande mission de prière. Il ob­tient grâce et miséricorde pour les pécheurs, force et courage pour ceux qui sont éprouvés et tentés.

Son divin Cœur a pensé à tous. J'étais là moi aussi avec mes péchés, avec ma pauvreté infinie, avec mes résistances à la grâce et à la volonté divine. J'étais là avec mon cœur dur et froid. rien ne l'a rebuté, ni mes rechutes, ni mon ingratitude. O Jésus, appliquez-moi aujourd'hui le fruit de vos prières. Pitié! pitié!

IIIe POINT: Mes prières. - Quel contraste! Je commence parfois à prier comme les apôtres, puis je sommeille et mon esprit divague. Je ne saurais pas veiller une heure avec Jésus.

Ma méditation, ma messe, mes autres prières peuvent-elles bien être offertes à Notre-seigneur? Sont-elles bien propres à lui plaire, à le conso­ler, à le dédommager? Puis-je bien offrir tout cela au Cœur le plus saint, le plus pur, connaissant tout, au Cœur le plus aimant et digne de tout amour, au Cœur de mon Dieu et de mon Jésus?

Est-ce bien ce que ce divin Cœur à qui je me suis tout entier promis et consacré attendait de moi?

Sans doute mes prières quotidiennes n'ont pas la gravité de celles de Jésus à Gethsémani, mais ne devraient-elles pas au moins être attenti­ves, recueillies, modestes? Ne devrais-je pas fuir la distraction, la dissi­pation, la mollesse?

Mes prières sont-elles assez longues? Partent-elles du cœur? Sont-­elles animées par la foi, par la confiance?

Jésus n'est-il pas là dans le tabernacle, comme il était à Gethsémani, nous demandant de prier avec lui?

Il prie là pour nous sans interruption: Semper vivens ad interpellandum pro nobis. Il ne nous demande pas évidemment de prier toujours, mais il nous demande de le faire quand c'est l'heure, sans parcimonie, sans pré­cipitation, et avec tout notre cœur et toute notre bonne volonté.

Résolution. - O Jésus! si je savais prier, que de grâces j'obtiendrais de votre miséricorde! Aidez-moi. Je veux commencer aujourd'hui à prier mieux, à prier bien, avec respect, avec attention, avec cœur. Donnez-­moi, Seigneur, l'esprit de prière, en union avec votre divin Cœur.

Colloque avec Jésus à Gethsémani.

7 Février
Retour d'Egypte à Nazareth

Defuncto autem Herode, ecce angelus Domini apparuit in somnis Joseph in Ae­gypto, dicens: Surge et accipe Puerum et Matrem ejus, et vade in terrain Israël: de­functi sunt enim qui quaerebant animam pueri (S. Mat. 2, 19).

Hérode étant mort, l'ange du Seigneur apparut en songe à Joseph en Egypte et lui dit: Lève-toi, prends l'enfant et sa mè­re et va dans la terre d'Israël: car la mort a frappé ceux qui en voulaient à la vie de l'enfant (S. Mat. 2, 19).

1er Prélude. Saint Joseph reçoit un nouveau message de l'ange. C'est toujours la vo­lonté de Dieu qui le conduit.

2e Prélude. Mon Dieu, que votre volonté soit faite! je la connais par les voies ordinai­res, donnez-moi le courage de l'accomplir.

Ier POINT: Le message de l'ange. - La Sainte Famille était venue sur l'invitation de l'ange du Seigneur, elle retournera de même.

Il arriva donc, quand Hérode mourut, que l'ange parla de nouveau à saint Joseph: «Lève-toi, lui dit-il, le persécuteur est mort, prends l'en­fant et sa mère et retourne dans la terre d'Israël».

L'exil était devenu moins dur avec le temps. Joseph et Marie avaient trouvé du travail, des clients, des amis; ils avaient acquis un modeste mo­bilier. Tout est à refaire, il faut repartir et se détacher de nouveau de tout. Ils n'hésitent pas. Ils mettent ordre à tout et ils repartent. Ils sont toujours dans les mêmes dispositions de soumission et d'obéissance, ils gardent toujours la même tranquillité, le même calme.

Quelles sont mes dispositions vis-à-vis de la Providence? Suis-je prêt à aller où Dieu voudra? Sa volonté, manifestée par mes supérieurs, me trouve-t-elle toujours docile, prêt à obéir sans réplique et sans objection?

Oh! combien j'ai à rougir de mon attachement à mes aises, à ma vo­lonté propre, à mes habitudes!

Quand me mettrai-je dans les dispositions d'abandon du Cœur de Jésus, dans la sainte indifférence de Joseph et de Marie? dans celle de Sa­muel qui disait: «Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute»; dans celle de David qui disait à Dieu: «Ma volonté est dans vos mains comme le che­val qui se laisse conduire par les rênes»; ou encore dans celle de saint Paul à Damas, quand il dit à Notre-Seigneur: «Seigneur, que voulez­-vous que je fasse?».

IIe POINT: La volonté de Dieu. - La Sainte Famille refit la longue rou­te du désert. Jésus avait six ans cette fois, il fit à pied ces longues jour­nées de route, et l'on sait combien le désert est fatigant.

Puis vint pour Marie et Joseph l'épreuve du doute et de l'incertitude. L'ange avait dit: «Retournez dans la terre d'Israël». Mais le pays d'Israël est vaste. Fallait-il se fixer à Bethléem où la famille avait encore quelques attaches, où les souvenirs de la naissance de Jésus auraient un charme particulier? Fallait-il choisir Jérusalem où il semblait que les évé­nements relatifs au Messie devaient se dérouler? C'est à saint Joseph, chef de la famille, à prendre une décision. Quelle responsabilité! Dieu se plaît souvent à laisser ainsi les âmes prendre un parti d'elles-mêmes, d'après les circonstances. C'est ainsi que les Mages, à Jérusalem, perdi­rent de vue l'étoile et qu'ils durent consulter Hérode et les scribes.

Joseph était dans l'angoisse. A Héliopolis, il avait ignoré les événe­ments politiques, mais en approchant de Jérusalem, il apprend que c'est Archelaüs fils d'Hérode, qui a succédé à son père. N'y a-t-il pas les mê­mes dangers pour la vie de Jésus qu'il y a six ans? L'attention d'Arche­laüs peut être attirée sur cet enfant, qui avait fui et qui revient. Que fai­re? Saint Joseph prie. Dieu ne le laissera pas dans le doute. Il incline à se retirer en Galilée, où la petite maison de Nazareth les attend, et l'ange vient le confirmer dans sa résolution. Ainsi les Mages retrouvèrent l'étoile, après qu'ils eurent fait leur possible pour y suppléer.

Prions, et Dieu ne nous laissera jamais ignorer sa volonté.

IIIe POINT: Nazareth. - Dieu voulait ce séjour pour son Jésus. Il de­vait porter le nom de Nazaréen, qui veut dire pur et consacré. Nazareth était la ville des fleurs, une bourgade calme, en face de la montagne du Carmel, sanctifiée par Elie et les prophètes. La vie cachée de Jésus et de la Sainte Famille se déroulerait mieux là qu'à Jérusalem ou à Bethléem.

Dieu a ses desseins auxquels nous résistons trop souvent.

Ils revinrent donc à Nazareth après six ans d'exil. Ils avaient semé des mérites et préparé des grâces partout, à Bethléem, lors de la naissance de Jésus; au temple, lors de la Purification; en Egypte et au désert pendant six ans.

De notre temps aussi, Jésus et sa famille, dans la personne des reli­gieux et des religieuses, ont repris le chemin de l'exil. Les modernes Hé­rodes doivent triompher, ils travaillent sans le savoir au règne de Jésus­-Christ. Ils envoyent les congrégations se retremper dans le sacrifice, s'unir aux sujets d'autres nations et grossir les missions lointaines. Puissent les exilés se montrer fidèles et forts comme la Sainte Famille! Admirons à Nazareth la Sainte Famille qui reprend avec le même cal­me les saintes habitudes d'Héliopolis. Rien n'altère le recueillement, la vie intérieure, la vie de prière de Joseph et de Marie. Sans récrimina­tion, ils remettront en état la petite habitation d'autrefois.

Résolution. - Comme cet abandon à Dieu est beau! Faites-le moi com­prendre, ô Jésus. Mettez-moi dans cette disposition qui était celle de vo­tre divin cœur, celle de Marie et de Joseph.

- Seigneur, que voulez-vous que je fasse? - Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute.

Colloque avec la Sainte Famille.

8 Février
L'enfant grandissait

Et descendit cum eis et venit Nazareth et erat subditus illis. Et mater ejus conser­vabat omnia verba haec in corde suo. Et Jésus proficiebat sapientia, et aetate et gratia apud Deum et homines (S. Luc, 2, 51).

Il descendit avec eux à Nazareth, et il leur était soumis. Et sa mère conservait tout cela dans son cœur. Et Jésus croissait en sagesse et en grâce devant Dieu et de­vant les hommes (S. Luc, 2, 51).

1er Prélude. Je ne me lasserai pas de contempler Jésus adolescent, à 12 ans, à 15 ans, à 20 ans, au travail, à la prière, à la vie de famille.

2e Prélude. O Jésus, donnez-moi de grandir aussi en sagesse et en grâce.

Ier POINT: Il croissait en sagesse. - Jésus possédait toute sagesse com­me Dieu, et même comme homme par une grâce infuse, mais il veut aussi posséder la science acquise, pour nous donner l'exemple et pour nous mériter la grâce de l'amour du travail et du goût pour la sagesse.

Il suit les leçons de la Synagogue, il étude la loi, les prophètes, l'histoi­re et les livres ascétiques. Il lit les livres sacrés, il les médite. Il n'en a pas besoin pour lui, il en a besoin pour nous. Il a pris l'humanité telle qu'elle est, avec ses devoirs d'étude et de travail.

Sa science acquise devient merveilleuse. Déjà à douze ans il étonne les docteurs au Temple. Il explique l'Ecriture, ils sont stupéfaits de sa pru­dence et de ses réponses.

Pendant sa vie publique, il citera constamment et abondamment l'Ecriture. A la synagogue de Nazareth, on lui passe le livre d'Isaïe, il lit, il commente, il leur fait voir que ses œuvres ont été annoncées, il cite les livres des rois. Les gens s'exclament: «D'où lui vient cette scien­ce, n'est-il pas le fils du charpentier que nous connaissons?» (Luc, 2; Marc, 6).

Quand il prêche au pays de Tibériade, avant et pendant le sermon sur la montagne, il cite le Lévitique et le Deuteronome, les Rois, Amos, Isaïe, Tobie. Souvent il fait allusion aux Psaumes (Luc, 6).

Aux envoyés de S. Jean-Baptiste, il commente et explique les prophé­ties d'Isaïe (S. Luc, 7, 22).

Les psaumes sont l'aliment de sa vie intérieure et de ses prières, même sur la croix: «Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné?» (Ps. 21). «Mon Père, je remets mon âme entre vos mains» (Ps. 30). Il repasse en son esprit toute l'Ecriture pour s'assurer qu'il a tout accompli. Il manquait encore à sa Passion l'amertume du fiel et du vinaigre (Ps. 68). Pour la provoquer, il dit: «J'ai soif».

Enfin, voyant que tout est accompli, il le constate avant de mourir: Consummatum est.

Après sa résurrection, il vit encore de l'Ecriture. Il explique Moïse et les prophètes aux disciples d'Emmaüs (Luc, 24).

Quelle résolution vais-je prendre aujourd'hui pour croître en sagesse et en science?

IIe POINT: Il croissait en âge. - Il pouvait s'incarner à l'âge mûr, il a voulu être enfant, adolescent et homme fait.

A douze ans, il est tout obéissant, c'est un apprenti, c'est l'auxiliaire de sa mère pour les travaux domestiques.

A vingt ans, il commence sans doute à prendre part aux conseils de la famille.

A vingt cinq ans ou environ, il devient le chef de l'atelier. Joseph a vieilli et se prépare à la mort.

A trente ans, il est confirmé dans sa mission et son sacerdoce. Au bord du Jourdain, le Saint-Esprit descend sur lui et son Père a parlé: «C'est là mon Fils bien-aimé». C'est une allusion à la prophétie d'Isaïe (42) où Dieu par ces paroles donne mission au Messie d'exercer le jugement parmi les hommes. Dès lors, Jésus quitte la vie d'obéissance et il le dit à sa Mère à Cana.

Jésus croissait en âge et accumulait les mérites pour toutes les situa­tions de notre vie. Il préparait des grâces aux enfants, aux adolescents, aux jeunes gens, aux hommes mûrs. Il leur donnait l'exemple à tous.

J'ai là un champ infini pour mes contemplations. Je considérerai Jésus et les sentiments de son Cœur dans la famille, à l'atelier, à la synago­gue, aux fêtes du Temple et dans la vie publique et sociale.

Mirabantur omnes. Tous admiraient ses progrès (Luc, 4, 22). Je les ad­mirerai sans me lasser.

IIIe POINT: Il croissait en grâce devant Dieu et devant les hommes. - Sa vie cachée étonne notre orgueil. C'est la source de grâces infinies. Jésus vi­vait dans le silence, dans le recueillement, dans le labeur humble et ob­scur. Il croissait en grâces et en lumières acquises par ses méditations et ses réflexions. Il croissait en mérites acquis par les sacrifices quotidiens de l'humilité, de l'obéissance, du sacrifice. Il croissait tous les jours da­vantage.

Moïse, pour avoir approché de Dieu avait son front rayonnant de lu­mières symboliques. L'humanité de Jésus, par son union substantielle avec sa divinité, croissait à l'infini en lumières et en grâces.

N. S. a voulu que sa croissance fut signalée dans l'Evangile; ces quel­ques mots stigmatisent mon inertie, ma lâcheté, ma mollesse, ma légère­té.

Je ne progresse pas, et peut-être que je recule. Oh! honte et ignomi­nie!

Jésus croissait, il croissait tous les jours. C'est tous les jours qu'on avance en âge, tous les jours aussi qu'il avançait en sagesse et en grâce. Ces progrès étaient corrélatifs chez lui.

Moi, j'avance en âge, mais n'ai-je pas baissé en piété, en ferveur, en zèle, en travail? Que ferai-je? je me remettrai à l'œuvre, comme l'ou­vrier de la onzième heure.

Résolution. - Pardon pour le passé, ô mon bon Maître! Admettez-moi à la pénitence, comme Madeleine, comme S. Pierre, comme le bon lar­ron. Mais je sens que vous me demandez, comme à Madeleine et à S. Pierre, de vous aimer beaucoup parce que vous m'avez beaucoup par­donné. Quel sacrifice ferai-je aujourd'hui pour témoigner ma reconnais­sance à votre divin Cœur?

Colloque avec Jésus adolescent.

9 Février
La première Paque de Jésus

Et cum factus esset annorum duode­cim, ascendentibus illis Jerosolymam se­cundum consuetudinem diei festi con­summatisque diebus, cum redirent, re­mansit puer in Jerusalem et non cognove­runt parentes ejus (S. Luc, 2, 42).

A l'âge de douze ans, il alla à jérusalem avec ses parents pour la pâque selon la coutume, et après les fêtes, comme ils re­venaient, il resta à Jérusalem et ses pa­rents ne s'en aperçurent pas (S. Luc, 2, 42).

1er Prélude. Quelle longue route, de Nazareth à Jérusalem! Trois ou quatre jours de marche. La Sainte Famille marche modestement en priant et louant Dieu.

2e Prélude. O Jésus, inspirez-moi votre amour de la prière, de la communion, du sa­crifice.

Ier POINT: Prière et pratique de la loi. - Les Israélites fidèles allaient tous les ans à Jérusalem pour la pâque. Ce n'est pas Marie et Joseph qui y auraient manqué. Ils étaient si fidèles observateurs de la loi et des cou­tumes religieuses!

Les enfants commençaient à y aller à l'âge de douze ans. Aussi c'était fête cette année pour la Sainte Famille. C'était comme la première com­munion de Jésus. Il allait pour la première fois participer à l'offrande et à la communion de l'agneau pascal.

Les voici au Temple, leur sainte prière contraste avec le culte tout ma­tériel de la plupart des autres. Comme ces agneaux offerts et immolés parlent à leur âme! Voici, pensent-ils, le véritable Agneau de Dieu, celui qui porte les péchés des hommes. «O mon Père, dit Jésus, voici votre serviteur et le fils de votre servante» (Ps. 115). Acceptez mon sacrifice.

«Prenez-le, ô mon Dieu, pense Marie. Conduisez-le au Calvaire quand vous voudrez. Faut-il que son front se couronne d'épines, que ses lèvres soient abreuvées de fiel et de vinaigre, que ses mains et ses pieds soient cloués au gibet, comme l'annoncent les prophéties! Fiat! Fiat!».

Marie et Jésus demandent à Dieu le courage du sacrifice: «S'il est pos­sible, que ce calice s'éloigne! Cependant, que votre volonté se fasse et non la nôtre!».

Jésus priant se préparait pour les jours du grand sacrifice. Il se prépa­rait à son ministère public, aux contradictions, aux tortures, à la croix. Son Cœur a toujours été un cœur de victime.

Si je priais bien, si je faisais mieux mes exercices, je serais plus géné­reux et plus patient dans l'épreuve.

IIe POINT: Communion. - Le soir du grand jour de la pâque, on im­mole l'agneau. On le fait griller au feu et on le mange en famille. C'est l'agneau sauveur. Il faut le manger pour participer au salut. C'est une communion.

Ce n'était là qu'une figure de la communion eucharistique, mais pour Jésus, quel sens profond elle avait! Lui seul savait tout ce que serait la communion eucharistique. Il en préparait les grâces. Et dans cette pre­mière pâque de son enfance, il pensait à tous nos premiers commu­niants. Comme il priait pour eux, comme il leur méritait des grâces, lui qui aimait tant les enfants! Comme son Cœur était ému!

Il pensait à toutes nos communions, à toutes celles qui se feraient jusqu'à la fin du monde. Son Cœur d'enfant a passé ce jour-là par des impressions poignantes. Il voyait d'avance tant de communions ferven­tes, aimantes. Il en était consolé. Il en contemplait d'avance les fruits et les grâces.

Mais il voyait aussi une infinité de communions tièdes, mauvaises, sa­crilèges, et son Cœur en éprouvait une nausée profonde.

Autour de lui tant de gens accomplissaient le rite pascal grossière­ment, sans foi et sans prière, comme une coutume populaire et avec l'âme remplie de péchés, et cela lui représentait les communions de beaucoup de chrétiens.

Que sont mes communions? Sont-elles ferventes? sont-elles de nature à consoler mon Sauveur?

Combien j'ai à réparer! Combien je dois m'humilier! Mais pleurer ne suffit pas, il faut faire mieux à l'avenir.

IIIe POINT: Sacrifice. - La pâque est un sacrifice. Il y a là un agneau, on l'immole avec le glaive et on grille sa chair.

Son sang est un instrument de salut, L'ange exterminateur en Egypte a épargné les maisons dont le seuil était marqué du sang de l'agneau. Comme tout cela parle au Cœur de Jésus! On immole ce jour-là des mil­liers d'agneaux.

Il les voit frapper au côté, et il lui semble que ce glaive pénètre son propre Cœur. Allez, frappez l'agneau figuratif, juifs de Jérusalem, en attendant que vous frappiez le véritable agneau de Dieu!

Jésus s'offre autant de fois qu'il voit frapper d'agneaux. Il accepte la mort autant de fois. C'est une somme infinie de mérites qu'il accumule pour nous.

Ce jour-là, ce ne sont pas les agneaux figuratifs que Dieu contemple, c'est le Cœur du jeune agneau divin qui se prépare déjà au grand sacri­fice.

On préparait l'agneau quelques jours d'avance, il devait être sans ta­che. Marie méditait sur tout cela.

C'est elle qui apportait l'agneau sans tâche. On le lui laisserait encore quelque temps pour le préparer, puis on l'immolerait pour le salut du peuple. Tous ces coups de glaive qui perçaient le côté des agneaux péné­traient dans le cœur de Marie, et il en était ainsi tous les ans à la pâque depuis la prophétie de Siméon.

Jésus et Marie préparaient des grâces pour les prêtres et pour les fidè­les, pour la célébration de la messe et pour l'assistance à la messe.

Résolution. - Sans effusion de sang, il n'y a pas de rémission, dit S. Paul aux Hébreux. Le Cœur de Jésus offrait tous les jours, mais parti­culièrement au jour de Pâques son sang rédempteur à son Père en atten­dant qu'il le versât au Calvaire. Je dois offrir tous les jours et à toute heure mon travail, mes prières, mes peines pour m'unir au sacrifice de Jésus.

Colloque avec Jésus adolescent.

10 Février
Jésus perdu à Jérusalem

Cum redirent, remansit puer Jésus in Jerusalem et non cognoverunt parentes ejus… et requirebant eum inter cognatos et notos. Et non invenientes, regressi sunt in Jerusalem requirentes eum (S. Luc, 2, 43).

Comme ils revenaient, l'enfant Jésus demeura à Jérusalem et ses parents ne le remarquèrent pas… et ils le cherchaient parmi les parents et les amis. Ne le trou­vant pas, ils retournèrent le chercher à Jé­rusalem (S. Luc, 2, 43).

1er Prélude. Quelle tristesse d'avoir perdu Jésus! Il faut se mettre de suite à sa recher­che.

2e Prélude. Bon Maître, donnez-moi la grâce de ne pas pouvoir vivre sans vous et de rechercher sans cesse l'union avec vous.

Ier POINT: Angoisses du soir. - Après les fêtes des azymes, les familles de pèlerins quittent Jérusalem. Chacun se hâte de prendre le chemin du retour. Sur la route de Galilée c'est tout un monde qui s'en retourne à Tibériade, à Capharnaum, à Naïm, à Cana, à Nazareth et en cent au­tres endroits.

Les femmes marchent par groupes et les hommes aussi. On se retrou­ve en famille le soir. Les enfants vont à leur choix d'un côté ou de l'au­tre.

Touchante procession. Les vieillards entonnent le Benedictus et les psaumes. Les femmes et les jeunes filles chantent leurs pieux cantiques. La journée passe vite. Les campements s'organisent. On prépare la col­lation avec quelques provisions apportées de Jérusalem: viande d'agneau, pain et poisson séché.

Marie avait cru que le divin enfant était avec Joseph et réciproque­ment. Le soir, grande déception: Jésus n'y est pas.

Quelle impression pour Marie! Elle se recueille un instant, elle prie. Ne serais-je pas coupable de négligence? se dit-elle. Puis elle appelle, elle crie de sa douce voix: Jésus! Jésus! Le cri se répète dans le campement.

Tout le monde est en émoi. La Sainte Famille est si aimée et vénérée de ceux qui la connaissent! On parle, on ravive les souvenirs d'il y a douze ans: «La vie de cette famille est toute merveilleuse. Les prophéties ne disent-elles pas que le Messie doit naître à Bethléem? Jésus est ne à Bethléem. Une étoile a conduit les bergers et les mages à sa crèche. Serait-il l'élu de Dieu? Son visage d'enfant est si céleste!».

Marie pleurait. Joseph arrive et lui conseille de prendre du repos. «Nous retournerons demain, lui dit-il, à Jérusalem».

Et moi, est-ce que je pleure quand je perds l'union avec Jésus? Est-ce que je le recherche sans répit?

IIe POINT: Recherches. - Le matin, Marie a repris confiance. La grâ­ce divine console et encourage les âmes pures et abandonnées à Dieu. Joseph et Marie se mettent en route vers Jérusalem. Ils psalmodient tour à tour. Le voyage est long, mais les âmes qui prient ont une force surnaturelle. Ils arrivent le soir seulement. Ils cherchent une maison amie. Zacharie à cause de ses fonctions sacerdotales a une maison à Jé­rusalem. C'est sûrement là que Joseph et Marie se rendent. Les déli­cieux entretiens de la Visitation se renouvellent. «Paix à la maison!» dit Marie. Elisabeth salue humblement sa parente privilégiée. Marie la presse sur son cœur.

Elisabeth et Zacharie savent tout. On a parlé de Jésus aujourd'hui au Temple. Il a étonné les docteurs. On l'y retrouvera demain. Marie redit son Magnificat.

Elisabeth, Joseph et Zacharie lui font écho. C'est une soirée délicieuse et toute en Dieu. On se repose avec la confiance de retrouver Jésus le lendemain matin au Temple.

Et moi, quand j'ai perdu la présence sensible de Jésus, qu'est-ce que je fais pour la retrouver? Est-ce que je cherche? est-ce que je m'attriste? est-ce que je prie? Est-ce que je m'excite à la confiance?

Comme je regrette toutes mes négligences passées, toute ma tiédeur, toute ma dureté de cœur!

IIIe POINT: La rencontre. - Nous voici au troisième jour. Comme Marie attend l'heure où le Temple s'ouvrira et où les catéchèses des doc­teurs recommenceront! Elle se rend au Temple avec S. Joseph. Quel splendide édifice! Ce n'est plus le Temple de Salomon, c'est celui d'Hé­rode le grand, mais il a reproduit en partie les magnificences de Salo­mon.

Marie s'avance. Les docteurs sont assis en demi-cercle sur une estra­de. Un enfant de douze ans est-là. Il a la tunique bleue traditionnelle, ses cheveux blonds descendent sur ses épaules. Il parle gravement. La foule éclate d'admiration. Les docteurs s'étonnent de son savoir…

Soudain l'enfant rencontre l'œil inquiet de sa mère parmi la foule. Il bondit vers elle comme un poisson pris à la ligne, dit un naïf écrivain. Joseph admirait et se taisait. Marie demande une explication: «Pourquoi as-tu agi ainsi envers nous? Nous t'avons cherché longtemps, bien long­temps!».

Jésus répondait: «O Mère bien-aimée, ne vous ai je pas prévenue que pour les choses de mon Père, il faut que je fasse ce qu'il me dit! La vo­lonté de mon Père céleste est la loi de mon cœur». Marie n'en demanda pas plus. Elle ne comprenait pas tout le mystère de ce séjour au Temple, mais elle s'en rapportait à son Jésus.

Si je veux retrouver Jésus, je dois prendre les moyens. Je dois aller au Temple, à la prière, à l'humble examen de ma conscience, au sacrement de pénitence, à la réparation.

Résolution. - O Jésus, où êtes-vous? Je vous ai souvent possédé mieux qu'aujourd'hui. Revenez, ô Jésus, je vous cherche, je vous conjure de revenir; je purifie mon âme pour vous recevoir. Mon cœur n'a de repos que dans l'union avec le vôtre.

Colloque avec Jésus.

11 Février
Notre-Dame de Lourdes

Fête des apparitions

Vadam ad montera myrrhae et ad col­lera thuris. Tota pulchra es, amica mea, et macula non est in te (Cant. cant. v. 6).

J'irai à la montagne de la myrrhe et à la colline de l'encens. Vous êtes toute belle, ô mon amie, et il n'y a pas de tache en vous (Cantique des cantiques, v. 6).

1er Prélude. J'irai à Lourdes, à la montagne de la pénitence et à la colline de la prière. J'invoquerai Marie avec Bernadette.

2e Prélude. O Marie, parlez à mon cœur, faites-moi comprendre vos enseignements de Lourdes.

Ier POINT: Les apparitions. - C'est la plus belle des manifestations de la sainte Vierge depuis un siècle. Dix huit fois en six semaines la très sainte Vierge apparut à Bernadette dans la grotte de Lourdes. La pre­mière fois, ce fut le 11 février 1858, et c'est pour cela que le S. Siège a fi­xé la fête des apparitions au 11 février.

La sainte Vierge était belle comme un lis. Elle récitait le chapelet, elle faisait le signe de la croix. C'était pour apprendre à l'enfant à bien prier. Le 18 février, elle lui dit: «Voulez-vous me faire la grâce de venir ici pendant quinze jours? Je ne vous promets pas de vous faire heureuse en ce monde, mais dans l'autre. -je désire qu'il vienne du monde ici». - Le nombre quinze est celui des mystères du rosaire.

Le peuple venait derrière Bernadette et apprenait à prier avec elle. Pendant la quinzaine, la sainte Vierge dit à l'enfant: «Vous prierez pour les pécheurs, vous baiserez la terre pour les pécheurs».

Le 23, elle lui dit: «Pénitence! Pénitence! Pénitence!».

Le 24: «Allez dire aux prêtres de faire bâtir ici une chapelle; je veux qu'on y vienne en procession».

Le 25: «Allez boire à la fontaine et vous y laver; allez manger de cette herbe qui est là».

Puis ce fut un mois de silence, et le 25 mars, la sainte Vierge vint de nouveau et se fit connaître en disant: «Je suis l'Immaculée Conception». Vous avez demandé une chapelle, ô Marie, et des foules et des proces­sions, et vous avez eu tout cela. Ne nous abandonnez pas.

IIe POINT: Pénitence et prière. - C'est là ce que vous demandez, ô Ma­rie. «Pénitence! Pénitence! Pénitence! - Allez vous laver à la fontaine, en signe de pénitence. - Mangez de cette herbe amère, en signe de pé­nitence. - Priez pour les pécheurs, baisez la terre pour les pécheurs». Je veux répondre à votre appel, ô ma Mère. J'irai à la montagne de la myrrhe et à la colline de l'encens, et je vous verrai là, avec les yeux de la foi, vous qui êtes belle et sans tache.

Pénitence et prière! c'est le mot d'ordre que vous nous avez donné, et si une élite de pieux chrétiens y répond, ils obtiendront le relèvement so­cial. Les miracles de guérisons corporelles que vous opérez là tous les jours, sont le gage de la guérison des âmes et des peuples.

Pénitence et prière! Comme nous en avons besoin! Vous êtes venue, ô Marie, en 1858, quand les complots commençaient contre votre Eglise. Combien ils se sont aggravés depuis! C'est partout la lutte et une lutte violente. La vie religieuse, l'éducation chrétienne, la famille, tout ce qui est sacré est le point de mire des sectes. Les démons les plus redoutables semblent déchaînés par une permission divine.

Les moeurs publiques sont en décadence comme la foi. Il y a une pres­se immonde qui souille les esprits.

Pénitence et prière! Comment y suffirons-nous? Il faudrait de grandes expiations. Victimes de la persécution, atteints par la confiscation et l'exil, offrons nos souffrances, nos privations, nos peines, pour obtenir miséricorde.

Le mal est immense. Prions beaucoup. Offrons chaque jour quelque acte de pénitence: une privation, un miserere, une amende honorable. Crions merci et miséricorde!

Adressons-nous au Cœur de Jésus par l'intercession de la Vierge Im­maculée.

IIIe POINT: Le siècle de Lourdes: espérance. - C'est le siècle de Lourdes. Tout le monde chrétien est allé à Lourdes, et la Vierge de Lourdes est al­lée visiter tout le monde chrétien par ses statues, par ses images, par la reproduction de sa grotte.

Les guérisons de Lourdes sont un gage d'espérance.

Des millions de fidèles vont là prier et chanter: Pitié! Pitié, mon Dieu! Ave, ave Maria! Les dons ont afflué pour créer là et pour embellir le sanc­tuaire que la sainte Vierge a demandé. Huit cents bannières attestent la foi d'autant de villes et de provinces. Des milliers et des milliers d'ex voto laissent deviner une infinité de drames pieux: souffrances morales ou physiques, prières, guérisons.

Marie a demandé des processions. Elle a obtenu ces pèlerinages qui amènent de toute l'Europe et du Nouveau Monde des centaines de mille fidèles. Ah! laissez-nous, tyrans modernes, ces fêtes et ces chants naïfs qui bercent nos âmes et apaisent nos souffrances. Allez à vos concerts et à vos théâtres passionnés et troublants, et laissez les âmes simples et croyantes chanter l'Ave Maria et vivre dans l'espérance du ciel.

Confiance! Allons à Lourdes nous raffermir dans la pureté et le zèle. Honorons Notre-Dame de Lourdes dans nos paroisses et dans nos foyers. Tout ce qui a été fait pour la Vierge immaculée ne restera pas sans fruits.

Pénitence et prière! Ecoutons tous les jours l'appel de Marie, répon­dons à sa demande. Ce sont les conditions du salut qu'elle nous a propo­sées. Elle est l'interprète du Sacré Cœur et elle nous exprime ses désirs.

Résolution. - Pénitence et prière! je vous entends, ô Marie, je sais ce que vous voulez de moi, aurais-je la folie de vous le refuser? Aidez-moi. je veux déterminer aujourd'hui quelques sacrifices à offrir par vos mains au Cœur Sacré de votre divin Fils.

Colloque avec N. D. de Lourdes.

11 Février
La sexagesime

La parabole du semeur

Exiit qui seminat seminare semen suum: et dum seminat, aliud cecidit secus viam et conculcatum est, et volucres coeli comederunt illud… et aliud cecidit in ter­ram bonam, et ortum fecit fructum centu­plum (S. Luc, 8, 5).

Le semeur alla jeter sa semence; et comme il semait, une partie tomba sur le chemin, le grain fut foulé aux pieds et les oiseaux le mangèrent… mais une partie tomba en bonne terre et produisit au cen­tuple (S. Luc, 8, 5).

Mais il y en a qui

1er Prélude. je vois le semeur, il jette bien des graines perdues. tombent sur la bonne terre et elles produiront au centuple.

2e Prélude. Donnez-moi la grâce, Seigneur, de bien recevoir vos lumières, vos grâces et spécialement les enseignements de votre Sacré-Cœur, afin que mon âme en profite.

Ier POINT: Les leçons du déluge. - L'intention de l'Eglise est encore de nous préparer de loin aux grands mystères de Pâques. La sainte liturgie se servira pour cela aujourd'hui de l'exemple du déluge, de la parabole du semeur et de l'épître aux Corinthiens où saint Paul raconte ses épreu­ves et sa patience.

Nous lisons à l'office le récit du déluge. Presque tous les hommes sui­vaient la voie large, la voie du plaisir et des passions. Seule la famille de Noé servait Dieu fidèlement. Dieu invita Noé à préparer l'arche. Ce fut un long travail. Cette préparation de Noé était un avertissement pour les autres. Ils auraient dû comprendre que cet homme de Dieu n'agissait pas sans avoir reçu des lumières surnaturelles, mais ils ne songèrent qu'à se railler de Noé et le jour du châtiment les surprit dans leur vie coupable et impie.

L'Eglise se prépare à la résurrection et au salut, en se préparant aux fêtes pascales. Resterai-je indifférent et insensible? Les fêtes de Pâques me trouveront-elles endurci dans la tiédeur et la routine? Dieu m'avertit dans sa bonté. Le Sacré-Cœur m'a fait entendre ses plaintes. Ecouterai­je sa voix ou endurcirai-je mon cœur?

Comme Noé, je veux me séparer de tout ce qui me tente et me scanda­lise.

Je construirai l'arche du recueillement, de la vie intérieure et de l'union avec Notre-Seigneur pour échapper au déluge de péchés, de vie sensuelle et molle qui couvre le monde. Que ferai-je aujourd'hui comme acte de recueillement?

IIe POINT: L'exemple de saint Paul. - L'épître du jour est une belle pa­ge de la seconde lettre de saint Paul aux Corinthiens. Pour confondre les faux apôtres, saint Paul fait son propre éloge. Mais de quoi se loue-t-il? C'est d'avoir beaucoup souffert pour Jésus-Christ. Il rappelle ses tra­vaux, ses voyages, ses fatigues, ses prisons, ses naufrages. Il a été frappé de verges, lapidé, volé, trahi. Il a veillé et jeûné; il a eu faim et soif. Et par dessus tout cela, il avait la sollicitude constante des églises nouvelle­ment fondées.

Voilà sa gloire, avec quelques extases et révélations.

Il loue les Corinthiens d'avoir souffert aussi beaucoup d'avanies, de contradictions et de persécutions.

Pourquoi l'Eglise nous met-elle ce tableau sous les yeux, au moment de nous préparer aux grands mystères de la rédemption et de la résurrec­tion? C'est pour nous montrer le chemin de la réparation et du mérite.

Notre-Seigneur ne demande pas à tous les grands sacrifices qu'il a de­mandés à saint Paul, mais il demande, à tous l'esprit de sacrifice et de réparation. Il n'y a pas d'autre chemin pour arriver à la résurrection spi­rituelle en attendant la grâce céleste.

Il me demande donc d'entrer dans l'esprit d'humilité, de patience, de mortification. «Si nous mourons avec Jésus nous ressusciterons avec lui».

Comment ferai je pour trouver les sacrifices faciles et légers? Je pense­rai au Cœur de Jésus qui a voulu souffrir pour expier mes péchés. Je le soulagerai en prenant à ma charge une part de l'expiation.

Je penserai aussi aux âmes des vivants et des morts, aux âmes des pé­cheurs et des agonisants, aux âmes chères au Cœur de Jésus, que je puis aider par mes sacrifices. C'est ainsi que s'encourageait saint Paul: «Je suis prêt, disait-il aux Corinthiens, à me dépenser de nouveau pour vos âmes».

IIIe POINT: Le semeur. - Le grand semeur, c'est Dieu, c'est Jésus. Dieu a semé ses bienfaits depuis la création. Le Christ a semé ses grâces et les sème quotidiennement depuis son incarnation. Et beaucoup de ces grâces et de ces bienfaits n'ont rencontré ni gratitude ni fidélité.

Mais je réfléchirai surtout aux grâces que j'ai reçues personnellement: le baptême, la première communion, la vocation, les retraites, les con­fessions, les communions, les lectures spirituelles, les événements provi­dentiels, ma vocation spéciale d'ami du Sacré-Cœur.

Le divin semeur a semé sans relâche le bon grain dans le champ de mon âme, mais qu'en est-il résulté? - Il y a des graines qui tombent sur les chemins et les oiseaux s'en emparent. C'est trop souvent le cas pour moi. Mon âme est un grand chemin par la dissipation, la curiosité, la lé­gèreté. Le bon grain n'y prend pas racine. - D'autres grains tombent sur une terre pierreuse ou embroussaillée d'épines. C'est encore mon âme, durcie par la tiédeur et occupée par les épines des soucis matériels et terrestres, étrangers à ma vocation. Ces grains ne produiront rien de durable. - Il y a enfin de bonnes terres qui produisent au centuple. Mon âme devrait en être là. Comment ferai-je pour la disposer? Il lui faut le labour profond de la pénitence et de la retraite, la garde de la mo­destie et du recueillement, l'amendement de la réparation et du sacrifi­ce. Que ferai-je?

Résolution. - O mon âme, dispose-toi à recevoir les semailles du bon grain, les semailles de la grâce féconde du Sacré-Cœur. Que feras-tu au­jourd'hui comme préparation: lectures, sacrifices, prières?

Colloque avec le divin Semeur.

12 Février
Jésus retrouvé au Temple

Invenerunt illum in templo sedentem in medio doctorum, audientem illos et in­terrogantem eos. Stupebant autem omnes qui eum audiebant, super prudentia et re­sponsis ejus (S. Luc, 2, 46).

Ils le trouvèrent au Temple, assis parmi les docteurs, les écoutant et les interro­geant. Tous ceux qui l'entendaient étaient stupéfaits de sa prudence et de la sagesse de ses réponses (S. Luc, 2, 46).

1er Prélude. Votre séjour au Temple, ô Jésus, est tout un mystère. J'admire, j'obser­ve, je prie. Je cherche à connaître les desseins de votre Cœur d'enfant.

2e prélude. O Jésus, vous avez voulu sanctifier nos études et préparer les docteurs à votre manifestation. Augmentez ma foi, bénissez nos études.

Ier POINT: L'écolier. - Il y a bien des desseins secrets dans ce mystè­re. Jésus a voulu préparer et mériter des grâces pour nos études et pour nos étudiants. Il reste au temple, il fait l'écolier et aussi un peu le maître. Il écoutait, il interrogeait, il répondait. Il est d'abord parmi les audi­teurs, puis les docteurs émerveillés et pressentant un prophète le font as­seoir au milieu d'eux: sedentem in medio doctorum. Il est donc écolier d'abord, puis docteur et maître.

Il est là pensionnaire pendant trois jours. Où a-t-il passé les deux nuits intermédiaires? Sans doute un des docteurs le recueillait le soir, peut­être le pieux Nicodème.

Jésus a voulu préparer et mériter des grâces pour toutes nos études, pour nos collégiens, pour nos séminaristes. Son cœur d'enfant prie pour nos enfants et nos jeunes gens.

Quel écolier exemplaire! Il écoute, il interroge. Quelle attention! quel zèle à l'étude!

Il est accueilli parmi les docteurs. Il a donc subi une sorte d'examen précoce. Comme nos jeunes gens doivent l'imiter et l'invoquer!

Il est aussi le modèle et le protecteur des maîtres. Les docteurs et le peuple admirent sa prudence et la sagesse de ses réponses.

Puissent tous les maîtres rester toujours dans les limites de la pruden­ce, de la sagesse, de l'union avec Dieu!

IIe POINT: L'apôtre. - Pendant trois jours son Père céleste le sou­strait à sa vie d'enfant et le fait précurseur et apôtre. Il a pour mission de préparer la synagogue à la manifestation prochaine du Messie. Il parle, il enseigne.

Il parle de Dieu, du Messie, de sa venue prochaine. «Les semaines an­noncées par Daniel touchent à leur terme, dit-il. Le sceptre est sorti de Juda (Gen., 41). Une naissance merveilleuse a eu lieu il y a quelques an­nées, à Bethléem, une étoile nouvelle l'a signalée. Des sages, des rois de l'orient sont venus pour adorer le Messie. Mais il devra souffrir pour son peuple: Isaïe, David, Ezechiel l'ont annoncé…».

«Le Christ, disait-il encore, est le véritable agneau de Dieu (Is., 53); il portera les péchés de tous; il sera immolé pour tous (Ps., 21; Is., 53; Dan., 9). Mais il ressuscitera (Ps., 45). Il se fera reconnaître par ses œuvres de miséricorde. Il évangélisera les pauvres, il guérira les malades, il ressuscitera les morts (Is., 53 et 61). Plus tard, il réunira tous les hom­mes sous son sceptre et à la fin des temps il viendra juger les vivants et les morts».

Que ce soit bien là ce qu'il a dit, nous sommes autorisés à le penser par ce que nous lisons dans l'Evangile, qu'il a fait appel à ces textes d'Isaïe, soit en prêchant à la synagogue de Nazareth, soit en répondant aux envoyés de Jean-Baptiste.

Les vieux docteurs s'agitaient sous des impressions diverses. Plusieurs pleuraient d'émotion et sentaient une grâce merveilleuse agir en leur âme. Mais d'autres, les orgueilleux, bouillonnaient de colère.

Jésus termina par une prière, qu'il adressait à son Père pour tous, puis il se retira avec un doux sourire pour aller à la rencontre de Marie et de Joseph.

Quel exemple pour les maîtres! Quelle sûreté de doctrine, puisée à la source sainte des Ecritures!

IIIe POINT: La vocation. - Quand Jésus s'est jeté dans les bras de Marie, sa mère lui demande une explication: «Pourquoi, dit-elle, nous as-tu quittés? Pourquoi as-tu fait couler nos larmes?». Jésus lui répond: «Ne faut-il pas que je réponde aux ordres de mon Père céleste?». - Pensez-vous que l'Evangile rapporte cela sans motif? C'est la seule paro­le de Jésus relatée dans l'Evangile pour toutes les trente premières an­nées de sa vie.

Il y avait un motif grave. C'est une direction pour toutes les voca­tions. Les enfants sont sous la tutelle de leurs parents jusqu'à l'âge d'homme, mais il y a un point pour lequel ils n'ont pas à obéir aux pa­rents mais à Dieu, c'est la question de la vocation.

Si Dieu parle, s'il appelle un jeune homme au sacerdoce ou à la vie re­ligieuse, une jeune fille à la virginité, les parents ne peuvent pas s'y op­poser. Dieu s'est réservé ce point là.

Jésus a pendant trois jours une vocation spéciale de précurseur et de prophète, il n'obéit qu'à son Père: In his quae Patris met sunt, oportet me esse. Obéissons à Dieu pour notre vocation, pour notre mission, pour notre ministère. Ces grâces-là ne dépendent pas de la chair et du sang, elle viennent directement de Dieu.

Faisons réparation à Notre-Seigneur pour toutes les résistances qu'il éprouve.

Résolution. - Parlez, Seigneur, votre serviteur écoute. Je veux faire ce que vous voulez. Je prie aussi pour les étudiants et les maîtres, pour qu'ils se conforment à toutes les leçons que vous leur donnez dans ce mystère, un des plus gracieux de l'Evangile. Je m'unis aux prières et aux pieux désirs de votre Cœur d'enfant.

Colloque avec Jésus au Temple.

13 Février
Retour de Jérusalem a Nazareth

Et ait ad illos: Quid est quod me quae­rebatis? Nesciebatis quia in his quae Pa­tris mei sunt oportet me esse… et descen­dit cum eis et venit Nazareth et erat sub­ditus illis (S. Luc, 2, 49).

Et il leur dit: Pourquoi me cherchiez­vous? Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois aux choses de mon Père… et il de­scendit avec eux et il vint à Nazareth et il leur était soumis (S. Luc, 2, 49).

1er Prélude. Oh! comme ils s'aimaient ces jours-là, plus encore que de coutume, après avoir été séparés pendant trois jours.

2e Prélude. Donnez-moi la grâce, Seigneur, de bien comprendre vos pieux entretiens et votre obéissance.

Ier POINT: La semence. - C'est une semence de foi que Jésus a jetée, il a fait le précurseur pendant trois jours.

Les mystères de Bethléem avaient eu pour but de préparer les esprits à la manifestation du Messie. On en avait beaucoup parlé. Les bergers avaient raconté dans toute la région l'apparition de l'étoile et les faits de Bethléem. Tout le monde était dans l'admiration: Omnes qui audierunt, mirati sunt (S. Luc, 2, 18).

Le passage des mages avait causé un grand émoi a jérusalem. Hérode avait consulté les Princes des prêtres et les Scribes (S. Mat., 2, 4).

La présentation de Jésus au Temple avait aussi éveillé l'attention. Les fidèles avaient été témoins des extases de Siméon et d'Anne.

L'attente du Messie était générale en Orient. On pressentait que les temps étaient venus. Cette attente avait son écho jusqu'à Rome.

Mais trente ans de silence entre les merveilles de Bethléem et la prédi­cation de Jean-Baptiste, c'eût été trop. Voilà pourquoi Jésus rompit le silence et fit le précurseur à l'âge de douze ans.

Les docteurs du Temple furent avertis de scruter les prophéties. Le peuple de toute la Palestine, présent ces jours-là au Temple, fut mis en éveil.

Tout le monde était ému, dit l'Evangile, en entendant le jeune pro­phète: Stupebant omnes qui eum audierunt.

Quand Jésus quitta le Temple, les gens pieux vinrent sûrement baiser le pan de sa robe et lui offrir des fleurs.

La semence était jetée pour préparer l'entrée triomphale à Jérusalem vingt ans plus tard et les conversions qui suivirent la résurrection.

IIe POINT: Les pieux entretiens. - C'est ici le moment d'imaginer les pieux entretiens de Jésus et de ses parents. Ils s'en retournaient tous les trois à Nazareth, si heureux d'être de nouveau réunis.

Descendit cum eis: il descendit avec eux, nous dit saint Luc, comme pour nous dire: méditez sur leurs entretiens.

Jésus sortait d'ailleurs de l'extase dans laquelle il avait parlé aux doc­teurs. De quoi pouvait-il s'entretenir avec ses parents, si ce n'est de sa mission messianique et de tous les desseins de miséricorde qui remplis­saient son Cœur.

Il y amenait doucement leur pensée: «Mère, disait-il, les hommes pas­sent mal les jours de leur pèlerinage ici-bas. Ils se laissent absorber par le souci des intérêts temporels. Et pourtant les miracles de la création sont partout semés sur leur route, mais ils ne daignent pas y jeter un regard. Ils ne considèrent pas qui a fait croître et verdir cet arbre, qui a si diver­sement colorié cette troupe ailée de gracieux oiseaux, ni qui la nourrit sans qu'elle s'en inquiète. Certes, ces folâtres oiseaux ne sèment ni ne récoltent. - Contemplez, ô ma mère, ô mon lis, votre soeur, cette fleur que voilà, blanche comme la neige. En vérité, ni l'épouse d'un roi, ni Salomon même dans sa gloire n'ont été parés aussi magnifiquement. Et cependant ce n'est qu'une fleur.

«L'homme seul, à l'âme immortelle, pèse quelque chose dans la ba­lance devant l'Esprit divin. Lui seul se trouve entouré d'une protection et d'une grâce supérieures. Mais il étouffe lui-même en soi l'étincelle de la lumière. Il laisse emporter sa raison et son cœur au gré de sa volonté capricieuse. Par sa méchanceté sans frein, il accumule de jour en jour péché sur péché, il vit comme un criminel qui s'abrite dans les ténèbres. Aussi le Père éternel l'a-t-il rejeté de son amitié. Il y a cependant des promesses; il y a un remède tout-puissant, c'est le sang de l'innocent…». Pleurez, Marie, Jésus vient de retourner dans votre cœur le glaive que Siméon y planta, il y a douze ans… Et nous, pleurons nos péchés et no­tre ingratitude.

IIIe POINT: L'obéissance. - Le voyage s'achève. Jésus relève et con­sole les âmes. Les étoiles brillent. «Mère, dit Jésus, vous serez l'étoile brillante qui conduira les hommes au port. Vous serez la médiatrice des grâces divines. Tous vous prendront pour guide».

Joseph écoutait toujours avec ravissement et parlait peu: «Vous, lui dit Jésus, ô mon bien-aimé Père et gardien, vous serez le tuteur, le nour­ricier et le bienfaiteur des âmes dans la nouvelle Alliance, comme l'autre Joseph, le glorieux fils de Jacob, l'a été pour le peuple de Dieu en Egyp­te».

Jésus qui s'était épanché devant les docteurs n'a pas dû être moins confiant pour ses parents. Il leur a dit toutes ces choses.

Puis on rentra dans l'humble maison de Nazareth. Tous trois se jetè­rent à genoux et récitèrent le Pater. Et Jésus reprit pour de longues an­nées son rôle de silence et d'obéissance.

Quelle leçon pour notre vanité!

Résolutions. - O Jésus, donnez-moi d'aimer le silence, la prière, le travail et l'obéissance, comme les aimait votre Cœur d'enfant. Que je ne sorte et ne me livre à l'action que sur vos ordres et dans la mesure où vous le voulez: In his quae Patris met sunt, oportet me esse.

La vie humble, cachée, laborieuse, avait les préférences de votre Cœur, elle doit aussi avoir les miennes.

Colloque avec Jésus adolescent.

13 Février
Mémoire de la passion

Le chemin de la croix

Tunc ergo tradidit eis illum ut crucifi­geretur. Susceperunt autem Jesum et eduxerunt. Et bajulans sibi crucem exivit in eum qui dicitur Calvariae locum, he­braice autem Golgotha, ubi crucifixerunt eum (S. Joan, 19, 16).

Alors il le leur livra pour qu'il fût cruci­fié. Ils le prirent donc et l'emmenèrent. Et lui, portant sa croix, marcha vers le lieu qui est appelé Calvaire, en hébreu Golgo­tha, où ils le crucifièrent (S. Jean, 19, 16).

1er Prélude. Je vois Jésus aller du palais de Pilate au Calvaire à travers une multitude grossière. Il porte sa croix avec une peine extrême.

2e Prélude. Nous vous adorons, ô Jésus, et nous vous bénissons, parce que vous avez racheté le monde par votre sainte croix.

Ier POINT: Le portement de croix. - Pilate livre Jésus aux juifs. Ils le prennent, ils le malmènent. Il se laisse faire, parce qu'il a pris sur lui nos péchés. Il veut bien tenir à notre place le rôle d'un coupable condamné et châtié. - O Jésus, votre Cœur est trop généreux! C'est moi qui méri­te d'être condamné. Que ferai-je pour vous soulager? Vous attendez que je me convertisse et que je fasse pénitence. Je m'imposerai aujourd'hui telle mortification.

Jésus est chargé de sa croix. Je le vois pliant, succombant sous le faix, sous les coups. C'est pour nous, c'est pour moi, qu'il en est réduit là. «Il a pris sur lui nos langueurs, il s'est chargé de nos iniquités» (Is., 53, 4). Je n'ai qu'un moyen d'alléger la croix de mon Sauveur, c'est de porter la mienne avec courage: la croix du devoir, du travail, du zèle; la patience dans les épreuves et les difficultés de chaque jour, la lutte contre moi­même. O mon Jésus, aidez-moi.

Jésus est trois fois renversé. Ce n'est pas seulement une souffrance, une réparation, c'est aussi un exemple. Jésus se relève avec tout ce qu'il a de force. Je tombe, hélas! fréquemment, non pas matériellement comme Jésus, mais moralement. Je veux me relever promptement par la péni­tence, par la confession. Je tombe aussi dans les épreuves et les difficul­tés. J'élèverai mon regard vers le ciel et je me remettrai à l'œuvre avec confiance.

IIe POINT: Les rencontres. - Jésus et sa mère… Leurs regards se rencon­trent. Il y a des larmes dans leurs yeux. Ce ne sont pas des larmes de fai­blesse. C'est le tribut de la souffrance, c'est l'impression de la compas­sion réciproque. Mais leurs regards les réconfortent tous les deux. Ils se comprennent. Ah! si dans mes chutes et dans mes peines, je regardais pieusement et fermement Jésus et Marie, comme je me relèverais! com­me je reprendrais courage!

Jésus et Simon de Cyrène. Jésus avait son Père et sa puissance personnel­le, pourquoi accepte-t-il le secours d'un homme? C'est pour nous instruire. Nous aussi nous avons Dieu et nous avons notre courage per­sonnel, mais Notre-Seigneur veut autre chose encore, il veut que nous recourions à l'aide d'un homme, à la direction sacerdotale. Simon était superflu pour lui, il est nécessaire pour nous.

Jésus et Véronique. Que ferai-je pour effacer les crachats, la poussière et le sang qui souillent la face de Jésus? Il attend de moi réparation, amen­de honorable, conversion. O Jésus, c'est pour effacer les souillures de mon âme que vous avez accepté celles de votre visage: pardon, merci, réparation! C'est le cri que je dois pousser à chacune des stations de vo­tre chemin de croix.

Jésus console les filles de Jérusalem. «Ne pleurez pas sur moi, mais sur vous». Quelle bonté désintéressée! Mais si, Jésus, je pleure sur vous, mais je veux aussi pleurer sur moi, me convertir et réparer mes fautes.

Vous êtes compatissant, je veux l'être aussi. Les œuvres m'attendent. elles demandent mon concours. Que d'âmes souffrantes à consoler! Que de plaies à soigner! que de pauvretés à secourir! Par quelle œuvre vais-je commencer aujourd'hui? A quelle âme offrirai-je une consolation et un encouragement?

IIIe POINT. Le Calvaire. - Jésus dépouillé. Nous nous sommes tant at­tachés à toutes sortes de choses terrestres: vêtements, meubles et vanités de tout genre. Jésus expie, il est dépouillé de tout. quel détachement vais-je lui promettre aujourd'hui pour le contenter et pour réparer?

Jésus mis en croix. Ses mains et ses pieds sont cloués. Il expie mes ac­tions et mes démarches coupables: dévouement infini de son côté; mise­res et hontes, du mien. Pardon et merci toujours! Que ferai-je? Je voue­rai aujourd'hui mes œuvres et mes démarches à la gloire de Dieu et au bien des âmes. Quelle œuvre vais-je faire aujourd'hui? Où porterai-je mes pas pour le service de Notre-Seigneur?

Jésus meurt sur la croix. Jésus parle sur la croix. Il prie pour ses ennemis, il nous donne Marie pour mère. Je ne l'ai pas encore assez bien compris. Une mère, cela dit tant de choses! O Marie, soyez vraiment ma mère. Jésus meurt sur la croix: «Tout est consommé; mon Père, je remets mon âme entre vos mains». Pourrai-je dire à ma mort que j'ai tout consom­mé, que j'ai accompli tout ce que Dieu attendait de moi? Hélas! j'ai fait plus souvent ma volonté que celle de mon Dieu. J'ai trop écouté les ca­prices des sens. - Jésus veut qu'après sa mort son Cœur nous soit ou­vert par la lance. Il nous prépare les grâces de la dévotion à son Cœur.

Jésus est déposé de la croix et couché au tombeau. C'est la grande douleur de Marie de voir le cadavre de Jésus entre ses bras. Elle entrevoit les mystè­res de la dévotion au Sacré-Cœur. Pardon, ô Marie, j'ai tant contribué à cette mort! Pardon, laissez-moi pleurer à vos pieds!

Au tombeau, Jésus nous enseigne que la paix est dans la mort au mon­de. Plus je me détacherai du monde, et plus je goûterai la paix dans mon âme.

Résolution. - Dans ce temps de pénitence préparatoire à Pâques, je fe­rai souvent le chemin de la croix. C'est dans le sacrifice et la mort à moi-même que je trouverai la grâce et la vie. Je remercie Jésus de m'avoir ouvert son Cœur miséricordieux.

Colloque avec Jésus en croix.

14 Février
Silence et recueillement

Omnes qui audierunt, mirati sunt, et de his quae dicta erant a pastoribus ad ip­sos. Maria autem conservabat omnia haec conferens in corde suo… Et venit Naza­reth, et erat subditus illis. Et Mater ejus conservabat omnia verba haec in corde suo (S. Luc, 2, 18 et 51).

Ceux qui entendirent les récits des pa­steurs étaient dans l'admiration. Mais Marie conservait tout en son cœur et mé­ditait… Et Jésus alla à Nazareth. Il obéis­sait, et sa Mère conservait en son cœur tout ce qu'elle avait entendu (S. Luc, 2, 18 et 51).

1er Prélude. On parle peu à Nazareth. Marie médite et repasse en son cœur les my­stères dont elle est le témoin.

2e Prélude. Aidez-moi, Seigneur, à mener cette vie de silence et de recueillement qui était celle de votre Sacré-Cœur et qui est si favorable à la sainteté.

Ier POINT: Sobriété de paroles dans la Sainte Famille. - On parle peu à Na­zareth. L'évangile n'a pas voulu donner une seule parole de saint Joseph. Il en donne quelques-unes de Marie, mais bien peu. Il signale plutôt à deux reprises sa vie de silence et de recueillement: «Elle conservait et méditait en son cœur les mystères dont elle avait été le témoin». Cette méditation habi­tuelle implique une vie de calme, de silence et d'union avec Dieu.

On entendait seulement à Nazareth, dans la sainte maison, quelques entretiens courts, affectueux, discrets, à intervalles réglés, n'envahissant jamais les heures sérieuses, sans plaintes ni médisances, sans ce flux de paroles, ces vains propos qui caractérisent les esprits agités, dissipés et curieux. Chacun faisait abnégation de soi pour servir Dieu, soit directe­ment dans la prière, soit indirectement en aidant son prochain.

Rien que les paroles nécessaires pour s'entendre au travail ou dans la vie de famille, et quelques mots de piété pour s'aider à aimer et à servir Dieu. Oh! comme cela diffère de ma manière d'agir! Comme je suis loin de ce calme, de cette discrétion, de cette réserve!

Que ferai-je aujourd'hui pour m'en rapprocher?

IIe POINT: Sobriété de paroles avec le dehors. - Quel recueillement peut­il y avoir chez ceux qui sont répandus au dehors? La curiosité et la dissi­pation sont deux ennemis de la vie intérieure.

C'est un désastre pour un peuple que la vie d'agitation, la vie enfiévrée des passions, des fêtes, de la curiosité. Jérémie nous le dit: «Toute la terre est dans la désolation, parce qu'il n'y a personne qui réfléchisse» (12-11).

Comment une âme peut-elle entendre Dieu quand elle est agitée par des fêtes, par des lectures troublantes, par des conversations oiseuses, fu­tiles et sans fin?

On parle peu à Nazareth. L'Evangile rapporte la conversation de Ma­rie avec l'ange Gabriel, celle-là ne dissipe pas. - Marie échange aussi quelques paroles avec sainte Elisabeth. C'est une salutation, puis le chant du Magnificat.

Nous avons encore quelques paroles de Marie a Jésus au Temple, puis son intervention à Cana.

Quelles belles leçons de foi et de piété dans ces deux conversations de Marie avec sa parente Elisabeth et avec les serviteurs des époux de Ca­na! Elle salue Elisabeth et l'invite à rendre grâce à Dieu. Elle exhorte les serviteurs de Cana à faire tout ce que Jésus dira. Voilà ce qu'étaient les pensées et les paroles de Marie.

Et nous, nous cherchons souvent les conversations distrayantes. Tous les bruits du monde viennent à notre esprit par les causeries inutiles et par une attention trop grande donnée à la presse quotidienne.

Que peut-il alors nous rester de recueillement, de vie intérieure, d'union avec Dieu? Notre Dieu est un Dieu de paix, il ne se plaît pas dans l'agitation (3, Reg., 19-11).

L'aimable souhait de Notre-Seigneur était toujours: «La paix soit avec vous, Pax vobis!».

Seigneur, donnez-moi l'amour de cette paix et le courage de repousser la dissipation!

III° POINT: Conversation avec Dieu. - Deux fois l'Evangile nous dit que Marie conservait en son cœur, en sa mémoire, en sa pensée, les my­stères dont elle était témoin. Cela exprime le caractère de Marie, qui était aussi celui de Jésus et de saint Joseph: ils aimaient la vie intérieure, la contemplation, la conversation avec Dieu.

On peut leur appliquer toutes les pages délicieuses du livre de l'Imita­tion sur la vie intérieure. Nous n'en pouvons redire ici que quelques li­gnes.

«Heureuse l'âme qui entend le Seigneur lui parler intérieurement et qui reçoit de sa bouche la parole de consolation».

«Heureuses les oreilles toujours attentives à recueillir ce souffle divin, et sourdes au bruit du monde!».

«Heureux ceux qui pénètrent les mystères que le cœur recèle, et qui, par des exercices de chaque jour, tâchent de se préparer de plus en plus à comprendre les secrets du ciel!» (Liv., 3, chap. 1).

«Apprenez à mépriser les choses extérieures et à vous donner aux inté­rieures et vous verrez le royaume de Dieu venir en vous… Dieu visite souvent l'homme intérieur, et ses entretiens sont doux, ses conversations ravissantes; sa paix est inépuisable et sa familiarité incom­préhensible… ».

A Nazareth, ces trois cœurs si purs et si saints sont toujours attentifs au souffle divin qui les inspire et ils amassent des trésors immenses de lu­mière et de grâce. Jésus croissait en sagesse; Marie et Joseph croissaient aussi en sagesse et en grâce.

Résolution. - Pardon pour ma dissipation passée, ô mon Sauveur! je veux me dégager de toute dissipation et de toute conversation inutile. Je veux contenir aussi mon imagination et diriger ma mémoire vers vous et vos mystères. J'ai perdu une infinité de grâces, pardonnez-moi; guérissez-moi. Faites-moi participer au recueillement de votre divin Cœur.

Colloque avec la Sainte Famille.

15 Février
Le bienheureux Claude de la Colombière

Si inclinaveris aurem tuam, excipies doctrinam, et si dilexeris audire, sapiens eris. In multitudine presbyterorum pru­dentium sta, et sapientiae illorum ex cor­de conjungere, ut omnem narrationem Dei possis audire (Eccli., 6, 34).

Si tu inclines ton oreille, tu recevras la science et si tu aimes à écouter, tu acquer­ras la sagesse. Ecoute les prêtres prudents et adhère de tout cœur à leur sagesse pour entendre les conseils de Dieu (Eccli., 6, 34).

1er Prélude. La mission du P. Claude de la Colombière a été de diriger Marguerite­Marie et de l'aider dans son apostolat.

2e Prélude. Donnez-moi toujours, Seigneur, le conseiller dont j'ai besoin.

Ier POINT: Le directeur. - Claude de la Colombière, né en 1641 à Saint-Symphorien près de Lyon, fut envoyé par son provincial à Paray en 1675 pour être supérieur de la maison que les Jésuites avaient en cette ville. Il y connut la Bienheureuse Marguerite-Marie et devint son con­fesseur. C'était juste le moment de la grande révélation du Sacré-Cœur, qui date du 16 juin 1675. Après un examen attentif et prudent le Père Claude de la Colombière jugea cette révélation authentique. Il adopta la dévotion au Sacré-Cœur et en devint le propagateur le plus zélé, après avoir rassuré Marguerite-Marie et sa supérieure la Mère de Saumaise.

L'année suivante, il dut partir en Angleterre, où il inspira cette belle dévotion à bien des âmes. Banni d'Angleterre et déjà malade, il passa par Paray en allant à Lyon; il y revit Marguerite-Marie, la rassura, la fortifia; il rassura également la Mère Greyfie, qui avait succédé à la Me­re de Saumaise.

Dieu voulut qu'il vint mourir à Paray, et qu'il pût voir encore et en­courager Marguerite-Marie. Sa mort arriva le 15 février 1682. Notre-Seigneur lui-même fit connaître à Marguerite-Marie qu'il avait choisi le Père de la Colombière pour la seconder dans sa mission.

Oh! comme il importe d'avoir un bon directeur! Il faut le demander à Dieu et le choisir avec soin. Notre sanctification et notre salut y sont si fortement intéressés!

IIe POINT: L'apôtre. - Le Père de la Colombière se consacra lui-même au Sacré-Cœur le vendredi 21 juin 1675; c'était le jour après l'oc­tave du Saint-Sacrement, le jour désigné par Notre-Seigneur pour la fête venir.

Il commença dès lors à inspirer cette dévotion à toutes ses filles spiri­tuelles à Paray.

Appelé à Londres l'année suivante, comme prédicateur de la duchesse d'York, il y fit connaître et aimer le Sacré-Cœur, et d'abord de la du­chesse elle-même, qui intervint plus tard avec d'autres princes et prin­cesses auprès du Pape Innocent XII, pour l'établissement de la nouvelle dévotion. Il en parle même dans quelques-uns de ses sermons de ca­rême.

Revenu en France, il continua cet apostolat, d'une manière fort per­suasive, dans ses lettres de direction. Il demandait aux supérieures de l'établir dans leurs communautés. Il exerçait le même apostolat près des jeunes religieux dont il avait, à Lyon, la direction spirituelle. C'est à lui que le Père de Galliffet fait remonter sa propre dévotion au Sacré-Cœur. Mais c'est surtout après sa mort que le Père allait remplir sa mission. Il s'en alla au ciel le 15 février 1682. Deux ans après, on publiait ses ser­mons en quatre volumes, et, dans un volume à part, le journal de ses re­traites spirituelles. On y lisait ceci: «J'ai reconnu que Dieu voulait que je le servisse en procurant l'accomplissement de ses desseins touchant la dévotion qu'il a suggérée à une personne à qui il se communique fort confidemment, et pour laquelle il a bien voulu se servir de ma faiblesse». Puis il donnait le récit de la grande apparition du 16 juin 1675.

Cela fut beaucoup lu, car l'auteur était en grand renom de sainteté. Au journal des retraites était joint son bel acte d'offrande ou d'obla­tion au Sacré-Cœur qui eut aussi sa part dans le développement de la dévotion.

Et moi, qu'ai-je fait jusqu'à présent pour propager cette belle dévo­tion selon le désir de Notre-Seigneur?

IIIe POINT: L'acte d'oblation. - Ce bel acte du Père de la Colombière caractérise admirablement la dévotion au Cœur de Jésus. Il commence par en dire le but: «Cette offrande, dit-il, se fait pour honorer ce divin Cœur, le siège de toutes les vertus, la source de toutes les bénédictions et la retraite de toutes les âmes saintes».

«Pour toutes ses bontés, dit-il, ce divin Cœur ne trouve dans le cœur des hommes que doute, oubli, mépris, ingratitude». Le saint religieux formule alors son offrande:

«Pour réparation de tant d'outrages et de si cruelles ingratitudes, ô très adorable Cœur de mon aimable Jésus, et pour éviter de tomber en un semblable malheur, je vous offre mon cœur avec tous les mouve­ments dont il est capable, et je me donne tout entier à vous… J'offre à votre divin Cœur tout le mérite, toute la satisfaction de toutes les mes­ses, de toutes les prières, de tous les actes de mortification, de toutes les pratiques religieuses, de tous les actes de zèle, d'humilité, d'obéissance et de toutes les autres vertus que je pratiquerai jusqu'au dernier moment de ma vie. Non seulement tout cela sera pour honorer le Cœur de Jésus, mais encore je le prie d'accepter la donation entière que je lui en fais, d'en disposer en la manière qu'il lui plaira et en faveur de qui il lui plaira».

Ce bel acte contribua beaucoup à bien déterminer et à propager la vraie dévotion au Sacré-Cœur.

Résolution. - Que ferai-je, sinon de m'unir à l'oblation du Père de la Colombière et de la faire à mon tour? Oui, Seigneur, je me donne et consacre à votre divin Cœur. Je vous offre tout ce dont je puis disposer, et je me propose de m'unir à vous fréquemment dans la journée.

Colloque avec le Sacré-Cœur.

16 Février
Vie de travail

Unde huic haec omnia? et quae est sa­pientia quae data est illi; et virtutes tales quae per manus ejus efficiuntur? Nonne hic est faber, filius Mariae, frater Jacobi et Joseph, et Judae et Simonis?… et scan­dalizabantur in illo (S. Marc, 6, 2).

D'où lui vient tout cela? Et la sagesse qu'il possède, et les merveilles qu'il opè­re? N'est-ce pas le charpentier, fils de Marie, frère de Jacques, de Joseph, de Jude et de Simon?… et ils étaient scanda­lisés à son sujet (S. Marc, 6, 2).

1er Prélude. Mais oui, c'est le charpentier Jésus, fils du charpentier Joseph et parent d'autres ouvriers.

2e Prélude. Faites-moi goûter, Seigneur, le prix du travail et donnez-moi le dégoût et le mépris de l'oisiveté.

Ier POINT: Le travail, c'est le devoir. - Tout le monde travaille à Beth­léem. Saint Joseph travaille: «Jésus n'est-il pas le fils du charpentier, fa­bri filius», dit le peuple. Jésus travaille: «D'où lui vient cette science, di­sent les rabbins, n'est-il pas charpentier: Nonne hic est faber?». Marie tra­vaille: «Jésus, disent-ils, c'est le charpentier, fils de Marie», comme pour dire: c'est un ouvrier, fils d'une ouvrière. Marie c'est la femme forte, que le livre des Proverbes avait en vue: «Elle cherche la laine et le lin et les travaille avec art… elle met la main aux rudes travaux et ses doigts font tourner le fuseau et la quenouille» (Prov., 31, 10).

Ils sont de race royale, pourquoi travaillent-ils des mains? Dieu a vou­lu qu'ils fussent les modèles de tous, des grands et des petits. Aux grands, ils enseignent que la noblesse de la race n'empêche pas l'humili­té, la gravité et la pureté des mœurs. Aux petits, ils enseignent le coura­ge, la vertu, la tempérance, qui donnent une prospérité relative.

Le travail, c'est le devoir de tous, un noble devoir, qui nous fait parti­ciper à l'acte créateur et conservateur de Dieu. Il fallait travailler dès le paradis terrestre. Nos facultés sont faites pour produire. L'intelligence, la volonté, les mains sont des images et des ressemblances de l'activité divine. Dieu est acte, il produit, conserve, administre. Dans l'inaction nous ne serions plus des enfants de Dieu et des images de Dieu. Travail­lons chacun selon notre vocation.

IIe POINT: Le travail, c'est la réparation. - Au paradis terrestre, c'était le travail facile et agréable. Après, ce fut le travail réparateur, le labeur, le travail dur et pénible: «Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front».

Jésus a voulu prendre part avec les siens au travail réparateur. Ils sont bien rudes les outils qui fatiguent et durcissent les petites mains de l'ap­prenti! Pendant vingt cinq ans, Jésus est enseveli dans la poussière d'un atelier, courbé soir et matin sur les planches qu'il rabote et sur les socs de charrue qu'il façonne. Il a frappé rudement avec le marteau et la hache; il a tiré violemment la scie. N'a-t-il pas tout bien fait: bene omnia fecit.

Le labeur des charpentiers est un des plus durs.

Il y avait des clients inintelligents et difficiles à satisfaire, des boutades et des reproches à subir, des salaires trop maigres à recevoir: on donnait alors un sicle, environ un franc, par jour.

Faber et fabri filius: ce beau travail à l'air donnait à Jésus la vigueur et la beauté physiques. Il ressemblait à Adam, qui était sorti parfait des mains du Créateur.

«Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front». Jésus a sué journelle­ment. Il a fait de belles charrues, qui fendaient la terre et préparaient le champ pour les semailles. Sa récréation était sans doute d'aller les voir fonctionner; et tout cela lui parlait du grand champ de l'Eglise et des âmes, à labourer, à ensemencer, à cultiver.

Quelle honte de ne pas travailler, ou de ne travailler qu'à s'amuser! Une société qui en est là s'annihile, elle s'étiole, elle se pourrit. C'est le danger de la richesse. Et pour cela il faut que d'autres travaillent double, pour réparer, pour expier.

Jésus travaillait par devoir et il forçait le travail pour expier toutes les paresses, toutes les mollesses, toutes les sensualités. Son divin Cœur ai­mait le travail comme un acte de réparation et de mérite.

O Jésus, je baise vos mains durcies par les outils.

IIIe POINT: Le travail, c'est le salut. - L'oisiveté, c'est la tentation, c'est le péché. Le travail, c'est l'occupation sainte et saine, c'est le servi­ce de Dieu. C'est l'accomplissement de la loi. - Le travail écarte mille tentations. Le démon n'a pas de prise sur les âmes occupées. Il n'a rien à suggérer à celui qui travaille.

Travailler par devoir, travailler en esprit de foi, c'est un acte méritoire qui accroît constamment la grâce en nous. Chaque coup de hache appor­tait à Jésus un mérite, une grâce.

Il faut pour cela que le travail soit offert au commencement et surnaturalisé pendant sa durée par un fréquent sursum corda! et des oraisons ja­culatoires. Et cela ne manquait pas à Nazareth, mais chez nous?

Il y a aussi le travail spirituel, le travail intérieur, la lutte constante contre le naturalisme, l'accomplissement des exercices, la règle. L'union avec Dieu est comme un foyer où il faut constamment mettre du bois, le bois des actes intérieurs de foi, d'amour, d'abandon, labeur constant et admirablement fructueux.

Résolution. - Je travaillerai, selon mon état, à mes occupations quoti­diennes; je travaillerai selon mon horaire, par devoir et en esprit de ré­paration. Je travaillerai à régler ma vie intérieure. Je mettrai constam­ment au foyer de mon cœur, le bois des pieuses aspirations vers Dieu. Le travail était le souci du Cœur de Jésus.

Colloque avec la Sainte Famille.

17 Février
Vie de prière et d'adoration

Et ut perfecerunt omnia secundum le­gem Domini, reversi sunt in Galilaeam, in civitatem suam Nazareth. Puer autem crescebat et confortabatur plenus sapien­tia, et gratia Dei erat in illo. Et ibant pa­rentes ejus per omnes annos in Jerusalem in die solemni Paschae (S. Luc, 2, 39).

Dès qu'ils eurent tout accompli selon la loi du Seigneur, ils retournèrent en Gali­lée, dans leur ville de Nazareth. L'enfant grandissait et se fortifiait, rempli de sages­se, et la grâce de Dieu était en lui. Ses pa­rents allaient tous les ans à Jérusalem pour la fête de Pâque (S. Luc, 2, 39).

1er Prélude. La Sainte Famille prie à la maison, elle va prier à la Synagogue, elle va prier et adorer au Temple.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, une petite part de cet esprit d'adoration et de prière qui régnait à Nazaret.

Ier POINT: La prière officielle. - Il y a des prières de règle ou de coutu­me générale. Les prières du matin et du soir et quelques exercices cha­que jour étaient déjà dans les habitudes du peuple de Dieu. «Je loue Dieu sept fois par jour», disait David.

On allait à la synagogue le jour du sabbat et à Jérusalem aux grandes fêtes, au moins à Pâques.

La Sainte Famille observait toutes les bonnes coutumes et toutes les règles du culte, non pas seulement par routine, comme tant d'autres, mais avec une ferveur toujours croissante. «Ils accomplissent tout selon la coutume et la loi», dit l'Évangile. Ils vont tous les ans à Jérusalem (S. Luc, 2, 27). Nous voyons Notre-Seigneur révéler la coutume de la Sain­te Famille en priant avant et après le repas, en allant à la synagogue, en prolongeant sa prière le soir.

Au Temple, quel recueillement! Marie et Joseph ne regardent pas la foule. Ils se prosternent, ils adorent, ils prient, ils sortent sans remarquer même que Jésus est resté. Ils ne pensent qu'à Dieu, ils n'entendent que Dieu.

Oh! quel contraste avec mon naturalisme, mes distractions et ma mol­lesse!

Prier exactement, fidèlement et bien prier, telle doit être ma résolu­tion.

IIe POINT: La prière intime. - Jésus et Marie priaient toujours au fond de leur cœur. Jésus nous le dit: «Il faut toujours prier et ne jamais cesser» (S. Luc, 18, 1).

Quelques versets de l'Evangile trahissent la prière intime de Jésus et de Marie.

Quand l'archange Gabriel descend à Nazareth, Marie nous révèle son âme: «Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum: Je suis la servan­te du Seigneur, qu'il me soit fait selon votre parole!».

Voilà donc la disposition habituelle de Marie dans sa prière, c'est l'humilité et l'abandon: ce que Dieu veut, et c'est tout. C'est la suprême sainteté.

Le Magnificat nous dit plus amplement les sentiments de la prière de Marie. C'est un chant lyrique à la gloire de Dieu. C'est la louange, la re­connaissance, l'humilité. Point de sollicitude personnelle; Dieu est bon, cela lui suffit, il rejette les orgueilleux et il bénit les humbles. Elle répare aussi, elle proteste contre les superbes et les avares. L'amour pur et l'ac­tion de grâces sont la note dominante: «Mon âme glorifie le Seigneur!».

Jésus nous révèle les attraits de son Cœur, la prière intime et secrète: «Fermez votre porte, dit-il, et priez votre Père dans le secret. Il vous voit dans votre retraite et il vous exaucera» (S. Mat., 6, 6).

Et que dit Notre-Seigneur dans le secret? sa prière habituelle, c'est le Pater. «C'est comme cela que vous prierez», dit-il, c'est donc qu'il le fai­sait lui-même. La moitié du Pater et la meilleure, est toute de pur amour: «Que votre nom soit béni! Que votre règne arrive! Que votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel!».

La seconde moitié est une humble supplication, pour les biens spiri­tuels et temporels: «Donnez-nous aujourd'hui notre pain quotidien et pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; et ne nous laissez pas succomber à la tentation, mais délivrez-nous du mal».

Toute la prière est animée d'un sentiment de charité fraternelle. Elle s'adresse au Père commun et demande ses grâces pour tous. - Dans les jours d'épreuves, la prière de Jésus nous manifeste une autre disposition de son Cœur, c'est l'abandon, la résignation et le courage: «S'il est pos­sible, que ce calice s'éloigne; cependant, que votre volonté se fasse et non la mienne!».

IIIe POINT: Le sacrifice. - Le grand acte religieux, c'est le sacrifice. La Sainte Famille assistait aux sacrifices pour l'action de grâces et la prière, les victimes pour le péché.

Comme le cœur de Jésus et le cœur de Marie devaient être émus pen­dant ces sacrifices, non seulement à cause de l'honneur qui en revenait à Dieu et des fruits qu'on en pouvait attendre, mais parce qu'ils figuraient et préparaient un sacrifice prochain, celui du Calvaire! Sans une force surhumaine, Jésus et Marie auraient-ils pu contempler à pâques l'im­molation de tant de milliers d'agneaux?

Et que pensaient-ils en leurs cœurs? Ils offraient spirituellement le vé­ritable Agneau, celui dont la mort serait vraiment rédemptrice et fécon­de. - Prenez-le, disait Marie à Dieu le Père; immolez-le, fiat! fiat! - S'il n'est pas possible, disait Jésus, que ce calice s'éloigne, frappez et im­molez l'agneau.

J'assiste chaque jour au saint sacrifice, j'y prends part, suis-je ému par la pensée de ses fruits? Suis-je disposé à m'y unir dans la mesure où la Providence le voudra, pour adorer, pour réparer, pour obtenir le salut des âmes et le mien?

Résolution. - Je prierai au Temple, je prierai avec mes frères, je ferai les prières de règle. Je prierai aussi en secret, je prierai toujours. Mon âme respirera la prière, pour les quatre fins du sacrifice: l'adoration, l'action de grâces, la réparation et la demande en union avec les saints Cœurs de Jésus et de Marie.

Colloque avec Jésus et Marie en prière.

18 Février
Vie de pauvreté et de renoncement

Nonne hic est faber, filius Mariae, fra­ter Jacobi et Joseph et Judae et Simonis? Nonne et sorores ejus hic vobiscum sunt? Et scandalizabantur in illo (S. Marc, 6, 3).

N'est-ce pas un ouvrier comme nous, le fils de Marie, le parent de Jacques, de Jo­seph, de Jude et de Simon? Ses sœurs ne sont-elles pas là avec vous? Et ils étaient scandalisés (S. Marc, 6, 3).

1er Prélude. Jésus avait prêché avec son éloquence divine à la Synagogue de Naza­reth. Les gens étonnés et jaloux se disent: N'est-ce pas le pauvre charpentier que nous connaissons?

2e Prélude. Vous avez aimé et choisi la pauvreté, Seigneur, donnez-moi d'en comprendre le prix.

Ier POINT: Joseph et Marie dans la pauvreté. - Joseph est un modeste ouvrier. Il n'a pas d'aide pour les lourds travaux, il est seul. Il porte de pesants fardeaux. Il manie la hache et la scie à la sueur de son front. Il est simplement vêtu tout le jour. S'il avait eu des manouvriers à son ser­vice, nous ne le verrions pas transporter si facilement ses pénates de Na­zareth à Bethléem, de Bethléem en Egypte, d'Egypte à Nazareth. C'est un ouvrier pauvre, qui reçoit quelques sicles quand il a fait une pièce d'ouvrage. S'il avait eu quelque argent, il aurait bien trouvé un loge­ment à Bethléem.

Marie est pauvre. Elle est la servante des siens, toujours active, labo­rieuse, vigilante, dévouée. Elle manie le fuseau, l'aiguille, le balai. Elle prépare les aliments, elle approprie la maisonnette. Elle est encore la ser­vante des voisins et des amis, par charité, par humilité. Quand Elisabeth est sur le point de devenir mère, Marie court se mettre à son service pen­dant trois mois. A Nazareth, Marie devait visiter les malades, veiller les morts, aider les mères qui avaient de nombreux enfants, partager ses modestes provisions avec de plus pauvres qu'elle.

Tout ce que nous lisons de merveilleux dans la vie des saints sur l'amour de la pauvreté et l'amour des pauvres, n'est qu'une copie de la pauvreté de Marie.

III POINT: Jésus est pauvre. - Il a choisi la pauvreté. Son divin Cœur l'a aimée et l'a voulue. Il l'affiche dès sa première heure: il repose sur la paille dans l'étable. Il est élevé dans l'extrême pauvreté en Egypte. Il a été racheté au Temple par les colombes du pauvre. Au retour à Naza­reth, la Sainte Famille retrouve une maisonnette qui a été abandonnée pendant six ans ou habitée par des pauvres. Il faudra du temps pour l'approprier et la remettre en état. Il faudrait des ressources qu'on n'a pas. Le travail ne vient pas de suite. La bourgade est petite et pauvre. Ceux qui emploient le charpentier discutent son maigre salaire. Il fait plutôt quelques raccommodages, pauvrement payés.

La maison a deux petites pièces: pour couchettes, des nattes; pour meubles, quelques tabourets, une table, un coffre fabriqués par saint Joseph. Quelques instruments de travail, et pas des meilleurs.

Jésus est un humble apprenti, qui s'endurcit à la peine. Son épaule a porté des socs de charrue, avant de porter la croix. Ses mains ont enfon­cé bien des clous avant d'en être percées elles-mêmes. Et quelle chose di­gne de remarque, que Jésus ait choisi ce métier! Il a, toute sa vie, porté des pièces de bois, enfoncé des clous, manié dés marteaux. Rien ne se prêtait mieux à la méditation quotidienne de sa Passion. Il s'offrait tous les jours pour nous et multipliait chaque jour ses actes de dévouement et d'amour pour nous.

La nourriture à Nazareth était celle des pauvres. Nous voyons Jésus habitué à manger le pain d'orge et les poissons séchés. Il n'a pas d'autres provisions même dans sa vie publique.

Sa pauvreté est une des causes du mépris dont l'accablent les Phari­siens, les Scribes et les publicains… N'est-ce pas un charpentier, disent-­ils, et le fils de la pauvre Marie?

IIIe POINT: Le sens de la pauvreté. - Pourquoi ce choix de la pauvreté par la Sainte Famille? Pour deux grands motifs. La pauvreté est un re­mède préventif aux tentations de la richesse; la pauvreté est une répara­tion pour les abus de la richesse.

La pauvreté s'imposait à la Sainte Famille comme réparation. La riches­se a fait commettre tant de fautes d'orgueil, d'avarice, de sensualité! Jésus était venu pour rétablir la justice. Puisque les hommes avaient aimé la richesse jusqu'à mépriser les lois de Dieu pour l'acquérir, Jésus devait la mépriser pour relever la gloire de son Père. Aussi a-t-il aimé ardem­ment la pauvreté, comme il a aimé l'humilité pour réparer toutes les in­solences de l'orgueil et la mortification pour réparer tous les excès de la sensualité.

Mais Jésus voulait aussi proposer la pauvreté aux âmes généreuses comme une sauvegarde pour la vertu.

Pour la vie chrétienne commune, Jésus se contente de mettre les âmes en garde contre les abus de la richesse. Il recommande la justice, la cha­rité, la tempérance.

Aux âmes plus généreuses, il propose, il conseille la pauvreté, soit dans la vie privée, soit dans la vie claustrale, et il devait donner l'exem­ple avec le conseil.

Aimez la pauvreté, nous dit-il par son exemple, et vous ne serez pas tentés de vivre dans l'oisiveté ni de vous accorder tous les plaisirs lu­xueux qui excitent la concupiscence et amollissent les âmes.

Résolution. - L'exemple de Nazareth me porte au détachement si cher au Cœur de Jésus. En esprit de réparation, j'accepterai volontiers les privations que la Providence m'imposera.

Dans quelle mesure m'imposerai-je la pauvreté volontaire? cela dé­pend de ma vocation. Aujourd'hui même je veux faire quelque sacrifice. Lequel?

Colloque avec la Sainte Famille.

18 Février
La quinquagésime

Assumpsit autem Jésus duodecim et ait illis: Ecce ascendimus Jerosolymam, et consummabuntur omnia, quae scripta sunt per prophetas de Filio hominis… Factum est autem, cum appropinquarent Jericho, coecus quidem sedebat secus viam mendicans (S. Luc, 18, 31 et suiv.).

Jésus prit les douze et leur dit: Nous al­lons à Jérusalem et tout s'accomplira de ce qui a été écrit par les prophètes sur le Fils de l'homme… Mais comme ils appro­chaient de Jéricho, un aveugle mendiant était assis près de la porte (S. Luc, 18, 31 et suiv.).

1er Prélude. Jésus annonce sa passion à ses apôtres, ils ne comprennent pas. Il guérit un aveugle pour montrer qu'ils ont besoin d'être éclairés.

2e Prélude. O Jésus, je suis bien aveugle pour ma sanctification, guérissez-moi, faites que je voie.

Ier POINT: Le sacrifice d'Abraham. - Tous ces dimanches nous remet­tent sous les yeux l'Ancien Testament dans les grands événements qui ont préparé la rédemption. Nous avons médité le péché d'Adam, puis le châtiment du déluge. Voici le sacrifice d'Abraham, une des plus belles figures du sacrifice rédempteur.

Dieu veut nous montrer le prix de ce qu'il fait pour nous et la gran­deur de son amour. Il choisit Abraham. Il lui donne tardivement un fils, Isaac, le fils de la promesse, de qui naîtra tout un peuple. De ce peuple béni sortira le Messie. - Et quand Isaac est devenu un adolescent, Dieu en demande le sacrifice à Abraham. Quelle épreuve! Ce n'est pas seule­ment un fils, c'est le fils du miracle et de la promesse, le fils par lequel doit venir à Abraham toute sa gloire.

Abraham consent à le sacrifier, puis l'intervention divine empêche l'immolation.

Dieu a voulu nous montrer par là qu'en nous donnant son Fils et en le sacrifiant, il nous témoignerait un immense amour. Comme je l'ai peu compris jusqu'à présent! Comme je suis froid, ingrat, insensible!

Les grands jours de pâques s'approchent, ne vais-je pas secouer mon indolence?

IIe POINT: Saint Paul nous prêche la charité. - Pour l'épître du jour, l'Eglise nous fait lire le beau chapitre treizième de la première épître de saint Paul aux Corinthiens. On y lit la nécessité de la charité, ses de­voirs, sa perpétuité, son excellence.

«Quand j'aurais le don des langues, dit saint Paul, avec le don de science et de prophétie et une foi à transporter les montagnes, si je n'ai pas la charité je ne suis rien.

Quand je donnerais tous mes biens aux pauvres et que je passerais dans le feu pour mon prochain, si je le fais par vanité et non par charité, ce n'est rien».

O Dieu de charité, donnez-moi la charité, la participation à votre bon­té, sans laquelle rien ne peut vous plaire. que je devienne votre fils vrai­ment bon et aimant, aimant pour vous surtout qui méritez tant d'amour, aimant aussi pour mon prochain, pour vos enfants qui sont mes frères.

La charité est patiente, elle est bienveillante. Elle n'est pas envieuse, agitée, orgueilleuse. Elle n'est pas égoïste, mais dévouée.

Elle n'est pas irascible.

Elle ne soupçonne pas facilement le mal.

Elle ne se réjouit pas des faiblesses du prochain. Elle supporte toutes les contradictions.

Je sens qu'elle me manque beaucoup, je m'en humilie et je vous de­mande pardon, ô mon Dieu. Je veux marcher dans la charité, croître dans la charité, en faire les œuvres et commencer aujourd'hui par quel­que acte pratique.

La charité est le don le plus précieux. Elle ne finit pas avec la vie. elle se continue et se perfectionne au ciel.

Les autres dons cesseront, les dons des langues et de prophétie, et la science incomplète de la terre. La foi même cessera parce que nous ver­rons Dieu, et l'espérance aussi parce que nous serons au terme. La cha­rité est éternelle. Ici-bas, la foi, l'espérance et la charité sont nécessaires. Au ciel, la charité seule restera.

Je dois donc aimer la charité par-dessus tout. Je dois la désirer, la de­mander à Dieu et m'y exercer sans cesse.

IIIe POINT: Jésus annonce sa passion et guérit un aveugle. - Jésus allait de Galilée à Jérusalem par les bords du Jourdain. Il prédit aux apôtres sa passion, en leur citant Isaïe et les psaumes. Ils ne comprennent pas. Ils étaient encore si terrestres! Ils croyaient à un règne temporel du Messie.

Jésus pensait en lui-même: «Ce sont des aveugles, je les guérirai un jour». Il veut leur faire comprendre qu'ils sont aveugles, puisqu'ils ne comprennent pas ses paroles et ne le croient pas. Et pour les aider à en­trer dans ces pensées, il s'arrête près d'un aveugle, à la porte de Jéricho. Il le fait causer, il excite sa foi, puis il le guérit.

Quelques-uns, sans doute, les plus éclairés, ont compris ou soupçonné sa pensée.

Je suis, hélas! comme les apôtres et comme l'aveugle de Jéricho. Jésus me dit sa bonté, sa passion, et tout l'amour de son divin cœur pour moi. Je ne comprends pas ou presque pas. Je ne l'aime pas ou presque pas. Seigneur, guérissez ma cécité. Rappelez-moi encore vos souffrances. Vous avez été livré aux gentils, moqué, flagellé, conspué. Ils vous ont mis à mort. Et les grands anniversaires de ces événements vont revenir. Secouez mon inertie, ô Jésus, allumez en mon cœur le feu de votre amour. Je vous en supplie humblement, instamment, filialement.

Résolution. - Tout l'office de ce jour me prêche la charité. Abraham aime Dieu jusqu'à lui sacrifier le fils de la promesse. Saint Paul exalte la charité. Notre-Seigneur me rappelle toute la générosité de son Cœur et particulièrement tout ce qu'il a voulu faire pour moi dans sa passion. Serai-je insensible à tant d'instances divines? Aidez-moi, Seigneur, à vous aimer constamment, pratiquement, et mon prochain pour l'amour de vous.

Colloque avec Notre-Seigneur.

19 Février
Vie d'obéissance

Et dicit Mater ejus ad illum: Fili, quid fecisti nobis sic? Ecce pater tuus et ego do­lentes quaerebamus te… et descendit cum eis, et venit Nazareth: et erat subditus illis (S. Luc, 2, 48).

Sa Mère lui dit: Mon Fils, pourquoi nous as-tu fait cela? Ton père et moi nous te cherchions en pleurant… et il descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis (S. Luc, 2, 48).

1er Prélude. Jésus obéissait à Marie et à Joseph, humblement, constamment, affec­tueusement.

2e Prélude. O Jésus, rendez-moi obéissant à mes supérieurs, à ma règle, à mon direc­teur.

Ier POINT: Jésus obéissait. - Deux mots résument vingt-cinq ans de la vie de Nazareth: Erat subditus: Jésus était soumis et obéissant, son divin Cœur a choisi l'obéissance pour réparer l'orgueil du nôtre.

Il obéissait à son Père céleste d'abord, c'était sa vie: Ecce venio, ut fa­ciam voluntatem tuam. C'est ainsi que le Psalmiste l'avait caractérisé. Et lui-même, au cours de sa vie, répète souvent cette affirmation: «Je fais toujours ce qui plaît à mon Père, j'obéis toujours à mon Père». Il a obéi aux desseins de son Père jusqu'à la mort de la croix.

Mais ce n'est pas seulement à Dieu son Père que Jésus obéissait: Erat subditus illis, il était soumis à Marie et a Joseph. «Jusqu'à l'âge d'environ trente ans, dit Bossuet, il ne fit plus autre chose que leur obéir. Je suis saisi d'étonnement à cette parole, continue le grand évêque: est-ce là donc tout l'emploi d'un Jésus-Christ, du Fils de Dieu? tout son emploi, tout son exercice est d'obéir à deux de ses créatures. Et en quoi leur obéir? Dans les plus bas exercices, dans la pratique d'un art mécanique! Où sont ceux qui se plaignent et qui murmurent, lorsque leurs emplois ne répondent pas à leur capacité, disons mieux, à leur orgueil? Qu'ils viennent dans la maison de Joseph et de Marie, et qu'ils y voient travail­ler Jésus-Christ. Nous ne lisons point que ses parents aient jamais eu de domestiques, semblables aux pauvres gens, dont les enfants sont les ser­viteurs… O Dieu, je suis saisi encore un coup! Orgueil, viens crever à ce spectacle!» (8e élévation de la 20e semaine).

Jésus obéit à la loi de Moïse. Il allait au Temple à l'époque fixée, non seulement pendant son adolescence, mais même pendant sa vie publi­que. «Le Fils de l'homme, disait-il, n'est pas venu abroger la loi, mais la perfectionner».

Il obéissait aux lois civiles, pour bien montrer que toute autorité vient de Dieu: «Rendez à César ce qui est à César».

Il obéit à Pilate, au Sanhédrin, à ses bourreaux! … Il continue dans l'Eucharistie sa vie de parfait obéissant…

IIe POINT: Excellence de cette obéissance. - Par elle, il rendit à son Père l'hommage qui lui est dû, par elle il nous sauva.

Dieu est le maître souverain, mais les hommages de la créature sont incapables de lui rendre le culte d'amour et de soumission qu'il mérite. Seul Jésus est «un domaine assorti à cette souveraineté divine, un champ immense et tout ouvert à ses vouloirs et à ses opérations. Par Jésus seul, Dieu peut faire dans une créature tout ce que bon lui semble, non seule­ment sans obstacle et sans retardement, mais sans réserve et, pour ainsi dire sans limites» (Mgr Gay, Vie et vertus chrétiennes, T. II, p. 344).

Seul Jésus a offert à son Père une obéissance adéquate à son autorité. Mais Dieu n'est pas seulement le Maître souverain, il est le Maître of­fensé. C'est pourquoi «ce n'était plus assez que l'obéissance de Jésus allât jusqu'au service; il fallait qu'elle allât jusqu'au sacrifice. Elle ne faisait plus seulement de lui un sujet, elle faisait de lui une victime: et de là vient que saint Paul ayant dit que le Christ a été fait obéissant, ajoute aussi­tôt: jusqu'à la mort et jusqu'à la mort de la croix» (Mgr Gay, p. 346).

Par l'obéissance, Jésus nous a sauvés, c'est saint Paul qui nous l'attes­te. «Comme beaucoup d'hommes sont devenus pécheurs par la désobéis­sance d'un seul homme, Adam, de même beaucoup seront rendus justes par l'obéissance d'un seul qui est Jésus» (aux Rom., 5, 19).

Par notre obéissance, nous concourons avec Jésus à honorer Dieu et à sauver notre âme et celles de nos frères.

IIIe POINT: Qualités de cette obéissance. - Elle était d'abord parfaite­ment surnaturelle. C'était toujours et uniquement la volonté de son Père que Jésus cherchait; quand il obéissait à Marie, à Joseph, aux lois hu­maines, aux bourreaux, c'était à son Père qu'il obéissait. Il en est de mê­me pour nous quand nous obéissons à nos supérieurs et à nos règles pour l'amour de Dieu.

L'obéissance de Jésus était exacte et consciencieuse. «Il a tout bien fait». Il a soigné son travail de charpentier comme il eût soigné une œuvre de grande valeur. Dieu attend de nous le soin et l'exactitude dans toutes nos œuvres.

L'obéissance de Jésus était cordiale, prompte et généreuse. Ecce venio. Il était toujours prêt. Faisons de même pour toutes les manifestations de la volonté divine.

Elle était entière et sans réserve. Jésus obéit à tout, de la crèche au Calvai­re. Il n'examine pas si l'ordre donné lui plaît. L'expression d'un désir lui suffit. Il obéit d'esprit et de cœur, il a toujours son regard fixé sur son Père pour connaître sa volonté et s'y conformer pleinement.

Son obéissance est persévérante, sans intervalle, sans lassitude, sans re­lâche. Il a obéi jusqu'à la croix; il obéit encore dans l'Eucharistie et il obéira jusqu'à la fin des temps.

Quel exemple! Puis-je hésiter à embrasser une vertu que le Cœur de Jésus aime tant?

Résolution. - Je comprends maintenant, Seigneur, que l'obéissance est ce qu'il y a de plus agréable à votre Père, pour l'honorer et pour effa­cer les outrages qu'il reçoit par la désobéissance des pécheurs. Je veux obéir mieux que par le passé à mes supérieurs et à ma règle. Donnez-moi un cœur obéissant comme le vôtre.

Colloque avec Jésus adolescent.

19 Février
Les quarante heures

Tu scis improperium meum et confu­sionem meam, et reverentiam meam. In conspectu tuo sunt omnes qui tribulant me: improperium expectavit cor meum et miseriam. Et sustinui qui simul contrista­retur et non fuit; et qui consolaretur et non inveni (Ps., 68, 20).

Vous savez les opprobres et la confu­sion que je subis avec résignation. Vous avez devant les yeux tous ceux qui me persécutent. Mon Cœur n'attend qu'op­probres et misère. J'ai attendu que quel­qu'un partageât ma tristesse et me conso­lât, et je ne l'ai pas trouvé (Ps., 68, 20).

1er Prélude. Sur la croix, Jésus cherchait des consolateurs, ses apôtres s'étaient en­fuis. Au tabernacle, il en cherche encore et il en trouve peu, même dans des jours où le monde l'offense plus gravement.

2e Prélude. Donnez-moi la grâce, ô Jésus, de vous être fidèle comme saint Jean.

Ier POINT: Jésus demande réparation. - Jésus nous a manifesté son Cœur, mais son Cœur blessé, entouré d'épines, surmonté de la croix. Il a fait connaître son amour à Marguerite-Marie, mais un amour mécon­nu et outragé: «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes et qui ne reçoit de la plupart que de la froideur, de l'indifférence et de l'ingratitu­de». Jésus apparut plusieurs fois à la Bienheureuse couvert de plaies ou dans l'attitude de l'Ecce homo.

L'amour de Jésus pour nous est un amour méconnu et outragé, sur­tout à certains jours dans lesquels les hommes ont coutume de s'aban­donner à tous les excès du sensualisme. Il en est ainsi dans les fêtes du carnaval. La prière, le travail et tout ce qui est sain et honnête est sus­pendu. On fait de la nuit le jour. L'ivresse, la sensualité et le blasphème débordent partout. Cela rappelle les orgies païennes que Notre-Seigneur est venu expier et supprimer.

Notre-Seigneur en serait moins attristé s'il voyait de l'empressement chez les âmes chrétiennes pour le visiter et le consoler dans ces jours de désordre. Mais, hélas! il peut redire dans le tabernacle les paroles du psalmiste: J'ai cherché quelqu'un qui voulût partager ma tristesse et me consoler et je ne l'ai pas trouvé. - Serai-je du nombre des indifférents et des ingrats, ou bien irai-je avec les fidèles amis du Calvaire donner à Notre-Seigneur la consolation d'une bonne visite avec des pratiques de réparation?

IIe POINT: Quelques pratiques de réparation. - Notre-Seigneur a indiqué à la Bienheureuse Marguerite-Marie ce qu'il désire. L'acte d'amende honorable lui est toujours agréable, mais surtout en de pareils jours. La Bienheureuse en a rédigé plusieurs. «Seigneur, disait-elle, vous méritez les adorations de tous les cœurs que vous avez chéris et obligés infini­ment, et vous n'en recevez que des ingratitudes, des froideurs, et surtout de moi, qui mérite, par cela même, votre juste indignation… Vengez­-vous, Cœur de mon Sauveur, sur cette âme ingrate mais repentante, en la transperçant mille et mille fois des traits de votre amour».

D'autres pratiques sont chères au Sacré-Cœur: la messe et la commu­nion réparatrices, la visite eucharistique, la dévotion à la Passion… Marguerite-Marie recommande particulièrement les messes en l'hon­neur du Sacré-Cœur (Lettre 85). Dans sa vie comme dans ses écrits, la dévotion au Saint-Sacrement est étroitement unie avec la dévotion au Sacré-Cœur. C'est à l'autel qu'elle voit Jésus outragé, qu'elle lui offre ses réparations et lui fait amende honorable. Notre-Seigneur lui a de­mandé de communier aussi souvent qu'elle le pourrait. Elle passait des heures devant le Saint-Sacrement, comme en extase. Une des idées chè­res à son cœur est de se consumer comme un cierge qui brûle au sanc­tuaire:

C'est ma plus grande envie De consommer ma vie Comme un cierge allumé Devant mon bien-aimé.

La dévotion à la Passion est aussi une de ses pratiques réparatrices. Ce n'est pas seulement à l'Heure Sainte du jeudi soir, mais souvent dans ses prières qu'elle s'unissait à Jésus souffrant.

Elle aimait à offrir au Père éternel «les amples satisfactions que Notre-Seigneur a faites à sa justice pour les pécheurs sur l'arbre de la croix». Elle y joignait ses propres souffrances, ses croix, ses mortifications.

IIIe POINT: L'amour compatissant. - Mais ce que Notre-Seigneur de­mande surtout pour le consoler, c'est l'amour de nos cœurs, l'amour compatissant. Les autres actes ne lui sont chers que s'ils sont une émana­tion, une'effusion de cet amour.

L'amour, la consécration ou don amoureux de soi au Sacré-Cœur, la vie toute pour lui et de lui sont la fin principale de la dévotion au Sacré-­Cœur.

Toutes les pratiques de cette dévotion doivent être animées par l'amour. C'est dans cet esprit que toute âme dévouée au Sacré-Cœur étudie et médite les mystères de la vie de Notre-Seigneur pour y trouver les traces de son amour. C'est pour mieux l'aimer qu'elle cherche à le mieux connaître.

C'est par amour qu'elle compatit à ses peines, qu'elle lui rend hom­mage en le voyant méconnu, qu'elle jouit de ses joies et de ses triomphes comme si c'étaient les siens, qu'elle vit de lui enfin et qu'elle s'efforce de lui plaire en l'aimant de plus en plus.

En ces tristes jours, la meilleure réparation à offrir au Sacré-Cœur est donc de lui témoigner beaucoup d'amour et en particulier d'amour com­patissant, dans l'oraison, à la sainte messe, à la visite au Saint Sacre­ment et dans quelque acte d'apostolat fait pour sa gloire et pour son amour.

Résolution. - Je renouvelle, ô mon Sauveur, le don de moi-même à votre Cœur Sacré. Je vous fait amende honorable pour toutes mes fau­tes et pour les outrages qu'on vous prodigue aujourd'hui. Je ferai tel acte d'apostolat, par la parole ou par l'exemple, pour gagner quelque âme à votre amour.

Colloque avec Jésus méconnu et outragé.

20 Février
Vie de règle

Et ut perfecerunt omnia secundum le­gem Domini, reversi sunt in Galilaeam. Puer autem crescebat… et ibant parentes ejus per omnes annos in Jerusalem secun­dum consuetudinem diei festi (S. Luc, 2, 39).

Après avoir tout accompli selon la loi de Dieu (à la Purification), ils revinrent en Galilée. L'enfant grandit… et ses parents allaient chaque année à jérusalem selon la coutume des jours de fête (S. Luc, 2, 39).

1er Prélude. Tout accomplir selon la loi de Dieu, c'est la préoccupation de Jésus, de Marie et de Joseph.

2e Prélude. Seigneur, mettez en mon cœur le zèle de la règle, afin que j'accomplisse tout selon votre volonté.

Ier POINT: La règle h Nazareth et au tabernacle. - L'esprit de règle de la sainte Famille se manifeste à plusieurs reprises dans l'Evangile. Elle ac­complit tout selon la loi de Dieu, selon la coutume des jours de fête. Lois, coutumes et règle, c'était sa préoccupation constante. Là, tout le monde obéit, c'est un instinct divin. «Dieu dispose tout avec poids et mesure», dit le livre de la sagesse (11-21).

Cependant, ce n'est pas à Nazareth que Marguerite-Marie contemple la régularité de Notre-Seigneur, c'est au tabernacle. «Unissons nos ob­servances, dit-elle, à celles de Jésus au Saint-Sacrement. Demandons-lui que, puisqu'il n'a jamais transgressé les lois que son amour lui a prescri­tes dans ce divin Sacrement, il ne permette pas que nous négligions l'ob­servation de nos saintes règles» (Avis 8-9, 41, 58).

Quelles règles s'est donc prescrites Notre-Seigneur au Saint­-Sacrement? Il vient, quand le prêtre l'appelle. Il reste tant que les espè­ces existent. Il est à la discrétion des prêtres; il se tient jour et nuit à la di­sposition des fidèles; il se soumet aux humiliations et aux outrages qui lui sont infligés.

Telle est la règle qu'il ne transgresse jamais. Pour nous conformer à cette divine régularité, soyons fidèles à toutes les prescriptions qui con­viennent à notre état: règles religieuses ou règlement de vie convenu avec notre directeur.

Le grand moyen d'y parvenir, dit Marguerite-Marie, c'est d'aimer beaucoup le Sacré-Cœur de Jésus. Si nous l'aimons bien, nous ne vou­drons pas l'attrister en manquant à nos règles.

IIe POINT: Importance de la fidélité aux règles et observances de notre vocation. - «Il faut, dit Marguerite-Marie, être bien fidèles à la pratique de top­ tes nos saintes observances: règles, constitutions, coutumier et directoi­re. C'est seulement par cette fidélité que nous pouvons gagner le Sacre­Cœur de l'adorable Jésus, et nous ménager les faveurs et les grâces divi­nes.

«C'est sur nos règles, constitutions et directoire que nous serons jugés et c'est d'après leur observation que nous serons justifiés ou condamnés» (Sa vie par les contemp p. 297).

«Dans une retraite, dit-elle, mon divin Maître me dit: Tu ne saurais me plaire davantage que par une constante fidélité à marcher sans dé­tour dans les voies de la règle, dont les moindres défauts sont grands de­vant moi. C'est une illusion de penser qu'on peut me trouver par un au­tre chemin» (Ibid, p. 125).

«Je vous supplie et je vous conjure, disait-elle à ses novices, par tout l'amour que vous portez au Sacré-Cœur de Jésus-Christ de vous atta­cher fortement et constamment à lui et à vos saintes règles, ne vous en départant jamais. Pour vous rendre de grandes saintes, il ne faut que vous rendre inviolablement fidèles en la pratique de toutes vos observan­ces… Oui, soyez fidèles à vos règles, en les préférant à tout le reste; n'en négligez aucune, pour petite qu'elle soit. Il y a souvent de grandes grâ­ces attachées à ce qui nous paraît petit».

«Votre nom est inscrit dans le Cœur de Jésus, dit-elle encore; si vous êtes infidèles à vos règles, vous jetez, en quelque sorte, de la boue sur ce nom».

Voilà donc les fruits de cette régularité; elle nous rend agréables au Cœur de Jésus, elle le réjouit; elle nous ménage les grâces et les faveurs divines; elle est le seul chemin pour conduire à la sainteté.

Voilà assez de motifs pour dicter mes résolutions.

IIIe POINT: L'exemple de la fidèle discipline du Sacré-Cœur. - Notre-Seigneur a conduit sa servante dans la voie de la parfaite régularité. «La servante de Dieu se faisait admirer par la grande attention avec laquelle elle observait les moindres règles», lisons-nous au bref de sa Béatification.

«Persuadée que la fidélité à ses règles était le plus sûr moyen d'arriver à la perfection, dit Mgr Languet son pieux biographe elle regardait les plus petites observances comme autant de préceptes. Aussi dès son en­trée dans la communauté, elle se fit une loi inviolable de les garder toute sa vie avec une extrême exactitude. Elle les observa en effet si bien et si fort à la lettre, qu'on eût pu dire que quelquefois il y avait de l'excès, si l'on peut excéder dans la simplicité de l'obéissance. A l'instant que la cloche commençait à sonner, elle interrompait subitement tout ce qu'elle faisait, pour obéir à l'ordre de Dieu que la cloche lui marquait. Laisser imparfaite une syllabe ou une lettre à demi formée, couper un mot dans la conversation, au moment que la cloche l'interrompait étaient pour el­le des pratiques journalières et d'habitude».

Ces détails révèlent en l'âme une disposition habituelle, une convic­tion profonde. La règle! La règle! c'était l'idéal de Marguerite-Marie. Il faudrait que ce fût le mien.

La règle, mon règlement de vie, j'y dois tenir parce que c'est la volon­té de Dieu. Pour y manquer, il faut un motif de nécessité ou de charité, dit Marguerite-Marie. Est-ce ma disposition habituelle? Hélas! non. Je m'en humilie et j'y veux remédier.

Résolution. - Ma règle, c'est le contentement du Cœur de Jésus, c'est mon intérêt spirituel, c'est la source des grâces et des faveurs divines. Je veux m'y conformer plus fidèlement, dès aujourd'hui, pour chacune des actions de ma journée.

Colloque avec Jésus à Nazareth.

20 Février
Les cendres

In sudore vultus tui vesceris pane, do­nec reverteris in terram de qua sumptus es: quia pulvis es et in pulverem reverteris (Gen., 3, 19).

Tu mangeras ton pain à la sueur de ton front, jusqu'à ce que tu retournes dans la terre d'où tu es sorti: parce que tu es cen­dre et tu retourneras dans la cendre (Gen., 3, 19).

1er Prélude. Le prêtre trace aujourd'hui sur mon front avec des cendres le signe de la pénitence et le signe de la mort.

2e Prélude. Faites, Seigneur, que ce souvenir m'inspire une vraie pénitence et qu'il me prépare à une sainte mort.

Ier POINT: Souvenir de la mort et du péché. - Qu'est-ce que la poussière et la cendre? C'est le signe de la destruction; c'est le cachet que le temps, l'incendie et la mort impriment aux choses de la terre. Que reste-t-il des monuments les plus fameux de l'antiquité, des capitales les plus illustres, de la Rome ancienne, d'Athènes, de Thèbes, de Babylone? Cendre et poussière.

Où sont ces édifices somptueux, ces chefs-d'œuvre de l'art qu'on ap­pelait les merveilles du monde? Cendre et poussière. Où sont les restes des héros et des sages d'autrefois? Cendre et poussière.

L'Eglise veut qu'après les fêtes mondaines des jours passés et avant la grande quarantaine, nous nous rappelions la vanité des choses humai­nes; mais elle veut surtout que nous méditions sur notre origine, sur la création, le péché du premier homme et ses conséquences: «Souviens-toi que tu es sorti de la poussière et que tu y retourneras». C'est la sentence divine après la chute. L'homme a été tiré de l'argile, mais il n'y devait pas retourner. Il devait être confirmé en grâce et glorifié dans son corps comme dans son âme. Il a péché et avec le péché la mort est entrée dans le monde: Per peccatum, mors (Aux Rom., 5, 12).

Quels ravages! La concupiscence et la mort sont les fruits du péché. L'Eglise nous propose aujourd'hui cette méditation fondamentale. J'ai péché en Adam, j'ai péché pendant toute ma vie, je mourrai. Pardon, Seigneur, pour les péchés de tous mes frères en Adam, par­don pour tous les miens. Je pleure de vous avoir offensé et outragé. - Je mourrai, mais auparavant je veux réparer mes fautes, les effacer par la pénitence et mériter la résurrection, par la grâce de votre Cœur immolé et miséricordieux.

IIe POINT: Signe de faiblesse. - Que suis-je? Cendre et poussière. La poussière est emportée par le vent. Ainsi en est-il de ma pauvre nature. Je suis accessible à tout vent de la tentation. Je suis aussi faible en mon âme que fragile en mon corps. Ma volonté est aussi mobile que la pous­sière. En quoi donc puis-je m'enorgueillir? Quelle leçon d'humilité!

Pourquoi l'argile et la cendre s'enorgueillissent-ils? dit le Sage (Eccli., 10, 9). Tous les hommes, dit-il encore, ne sont que terre et cendre (17, 31). Les peuples, après un rapide éclat, sont comme un monceau de cen­dres après l'incendie, dit Isaïe (33, 12).

Notre vie s'en ira comme s'éteint une étincelle, dit le Sage, et notre corps tombera en cendres (Sag., 2, 3).

Abraham disait: «Oserai-je parler à Dieu, moi qui ne suis que cendre et poussière?» (Gen., 18-27). Cependant il parla à Dieu avec humilité et confiance.

Tel doit être le fruit de cette cérémonie. Je dois me souvenir, tous les jours, de mon néant et de ma fragilité. Le signe matériel s'effacera de mon front, la pensée qu'il exprime doit rester gravée dans ma mémoire.

Je ne suis que néant, cependant j'irai à Dieu, mais j'irai avec humili­té. J'irai en déplorant mes fautes, j'irai en faisant réparation et amende honorable pour mes péchés et ceux de mes frères.

J'irai avec la conscience de ma faiblesse, mais confiant quand même, parce que Dieu est bon, parce que le Fils de Dieu a pris un cœur pour m'aimer et qu'il a brisé ce cœur pour laisser découler sur mon âme le parfum de sa miséricorde.

IIIe POINT: Symbole de pénitence. - La cendre a toujours symbolisé la pénitence. Celui qui met la cendre sur sa tête et sur ses vêtements veut signifier qu'il est triste jusqu'à négliger le soin de sa toilette.

Judith, dans son deuil patriotique, met de la cendre sur sa tête. Mar­dochée exprime de la même manière le deuil de son peuple. Les Mac­chabées pleuraient et se couvraient de cendres.

Dans un autre sens, la cendre de la génisse immolée est mêlée à l'eau pour former l'eau lustrale qui efface les souillures légales (Nombres, 19, 2). Ceux qui sont aspergés par cette cendre humide sont purifiés, parce qu'ils participent au sacrifice.

Notre-Seigneur fait allusion à la cendre comme symbole de pénitence, quand il dit aux villes coupables, Bethsaïde et Corozaïn: «Si Tyr et Sidon avaient été témoins des merveilles qui s'accomplissent chez vous, ces villes auraient fait pénitence dans le cilice et la cendre» (S. Mat., 11, 21).

Comment ferai-je pénitence dans ce carême? J'accomplirai d'abord, autant que possible, les préceptes de l'Eglise sur l'abstinence et le jeûne, puis je mourrai à mes habitudes, à ma tiédeur, à ma lâcheté, à ma sen­sualité, à mon naturalisme.

Que les cendres sur ma tête expriment cette mort! Que je meure par la pénitence pour revivre par la grâce! Mais que je n'oublie pas quelle est la pénitence préférée par le Sacré-Cœur de Jésus: c'est la pénitence par amour, c'est le regret d'avoir offensé le meilleur des pères et des amis, le Sauveur et le Rédempteur de mon âme.

Résolution. - Je suis triste et je sens le besoin de faire pénitence jusqu'à la résurrection pascale. Tous les jours je formulerai ma péniten­ce en esprit d'amour, et je la réaliserai par la mortification et par un vé­ritable changement de vie. Je m'unirai au Cœur de Jésus, victime de ré­paration et de salut.

Colloque avec Jésus prêchant la pénitence.

21 Février
Vie de charité

Multitudinis credentium erat cor unum et anima una: nec quisquam eorum quae possidebat, aliquid suum esse dicebat, sed erant illis omnia communia (Act., 4, 32).

La foule des croyants n'avait qu'un cœur et qu'une âme, et aucun d'eux ne se réservait ce qu'il possédait, mais tout était commun entre eux (Act., 4, 32).

1er Prélude. C'était l'esprit de Nazareth, cela, que Jésus inspirait à ses premiers disci­ples: un cœur et une âme, et la communauté des biens.

2e Prélude. Faites régner, Seigneur, en nos âmes, la charité de votre Sacré-Cœur; faites de nos maisons d'autres Nazareth.

Ier POINT: Comme on s'aimait à Nazareth! - Nous l'avons entrevu à la première pâque de Jésus. Il reste en arrière. Quelle douleur pour Marie et Joseph! que de larmes! Quelle course pour le retrouver! Pater tuus et ego dolentes quoerebamus te.

La tradition nous rapporte la douceur de Jésus enfant, la bonté de Marie. - Nous verrons plus tard Jésus pleurer sur Lazare et sur Jérusa­lem. Ces trois cœurs sont admirables de tendresse et de charité.

Il n'y a pas de spectacle plus doux à contempler que celui de la maison de Nazareth. Comme ces trois cœurs sont unis dans la charité! Comme ils s'aiment! Comme ils sont serviables, prévenants, dévoués, généreux! Ils sont prodigues d'empressement: Jésus va au devant des désirs de Ma­rie, tous deux vont au devant des besoins de saint Joseph; prodigues d'affection expansive: Cor unum et anima mea: doux sourires, pieux sou­haits, encouragements mutuels, remerciements répétés…; prodigues de générosité et de soins: chacun donne sa peine, son temps, ses consola­tions, son concours, ses sollicitudes, ses dévouements aux autres; chacun partage ses joies et ses grâces avec les autres.

Avec les gens de Nazareth, ils sont prodigues d'indulgence et de pa­tience. Ils connaissent la faiblesse humaine, ils supportent les imperfec­tions et les défauts; ils souffrent le mal et veulent le vaincre par le bien.

C'est Nazareth que décrivait saint Paul dans son apologie de la charité (1 aux Cor., 13). «La charité est douce, patiente, bienveillante, sans en­vie, sans ambition, sans murmures et sans critiques».

Où en suis-je dans la pratique de la charité? Oh! que j'ai besoin de m'inspirer de l'esprit de Nazareth!

IIe POINT: Source de la charité. - C'est dans l'amour de Dieu que l'amour du prochain a sa source. Si nous aimons Dieu, notre Père, il s'ensuivra que nous aimerons tous ses enfants nos frères. «Celui qui ai­me le Père, dit saint Jean, aimera aussi ceux qu'il a engendrés» (S. Jean, 5, 1).

Or, où a-t-on mieux aimé le Père qu'à Nazareth! Jésus aime infini­ment son Père, comment n'aimerait-il pas sans mesure Marie et Joseph qui sont si chers à son Père, et tous les hommes pour lesquels son Père l'a envoyé sur la terre!

Marie et Joseph aiment Jésus comme leur Dieu, en même temps qu'ils l'aiment comme leur fils.

Ainsi dans ce sanctuaire béni de Nazareth, l'amour va sans cesse du cœur de Jésus aux cœurs de Joseph et de Marie pour revenir du cœur de la Mère et du père au cœur du Fils.

Et cet amour débordant se déverse sur le prochain, sur tous ceux qui sont en rapport avec la Sainte Famille.

Personne mieux que saint Jean n'a expliqué cette source de la charité. Une partie de sa première épître est sur ce sujet: «Dieu nous a aimés jus­qu'à donner son Fils pour nous. Le Christ nous a aimés jusqu'à mourir pour nous. Si donc nous aimons Dieu et le Christ, nous devons aimer les hommes qui leur sont si chers: Carissimi si sic Deus dilexit nos, et nos debemus alterutrum diligere» (S. Jean, 4, 11).

Dieu pourrait nous dire: Comment! j'aime tous les hommes jusqu'à donner mon Fils pour eux et vous ne les aimez pas! Vous n'êtes donc pas mes enfants, vous n'avez pas mon esprit.

«Si quelqu'un dit qu'il aime Dieu et n'aime pas son frère, il ment. Il n'aime pas vraiment Dieu, celui qui n'aime pas le prochain». «D'ailleurs, ajoute saint Jean, Dieu nous en a fait un commandement. Si nous l'aimons, il veut que nous aimions aussi notre prochain… et com­ment aimerons-nous le prochain? Non pas seulement en paroles, mais en œuvres et en vérité».

IIIe POINT: La félicité est le fruit de l'amour. - Rien ne coûte à celui qui aime, ni le travail, ni la fatigue, ni la peine. «Mon joug est doux et mon fardeau est léger», dit le bon Maître, parce qu'il n'en coûte pas de porter un fardeau pour celui qu'on aime.

«Celui qui aime Dieu, dit saint Jean, observe les commandements et les commandements lui sont légers» (S, Joan, 5, 3).

L'amour fait tout porter avec allégresse. Rien ne coûtait aux trois ho­tes de la sainte maison de Nazareth, ni fatigues, ni privations, ni peines d'aucun genre, puisque tout était pour Dieu et pour les âmes. Jésus était déjà dans la même disposition qu'au Calvaire: «Il prit la croix avec joie, cum gaudio sustinuit crucem» (aux Héb., 12, 2). Il portait avec la même joie les croix de Nazareth.

Saint Paul disait dans le même esprit: «Je surabonde de joie dans mes tribulations» (2 aux Cor. 7, 2).

Si je savais dire à toute souffrance qui se présente: «Je t'accepte pour le Bien-Aimé et pour les âmes qui lui sont chères», toute souffrance me serait légère. C'est ce qu'exprime saint Augustin quand il dit: «Quand le labeur est aimé, il n'y a plus de labeur. - Ubi labor amatur non laboratur». O mon âme, aime Jésus, c'est le secret de la félicité comme à Nazareth.

Résolution. - Si Dieu m'a tant aimé, comment ne l'aimerais-je pas? Si le cœur de Jésus m'a tant aimé, comment ne l'aimerais-je pas? Si j'aime Dieu et le Christ, comment n'aimerais-je pas mon prochain qu'ils ai­ment tant? Que ferai-je aujourd'hui pour le prouver?

Colloque avec la sainte Famille.

22 Février
Sur la charité envers le prochain

Deus autem patientiae et solatii det vo­bis idipsum sapere in alterutrum secun­dum Jesum Christum; ut unanimes uno ore honorificetis Deum et Patrem Domini nostri Jesu Christi; propter quod suscipite invicem, sicut et Christus suscepit vos in honorem Dei (Ad Rom., 15, 5).

Que le Dieu de patience et de consola­tion vous fasse la grâce d'être toujours unis de sentiment et d'affection entre vous, selon Jésus-Christ. Afin que, tous ensemble, d'un même cœur et d'une mê­me bouche vous rendiez gloire à Dieu, le Père de N.-S. J.-C. C'est pourquoi, traitez-vous les uns les autres avec bonté, comme J.-C. vous a traités pour la gloire de Dieu (aux Rom., 15, 5).

1er Prélude. Saint Paul nous décrit là les mœurs de la Sainte Famille: soyez unis en­tre vous, selon Jésus-Christ; traitez-vous les uns les autres avec bonté, comme Jésus­-Christ vous a traités.

2e Prélude. Je contemplerai encore la bonté de votre cœur, ô mon Sauveur, pour m'en inspirer.

Ier POINT: Excellence de la charité. - C'est le second commandement et il est semblable au premier. Mais Notre-Seigneur en a fait son comman­dement préféré, parce que l'autre allait de soi. «C'est mon commande­ment à moi, dit-il, que vous vous aimiez comme je vous ai aimés» (S. Jean, 15, 12).

Il a fait de ce commandement la caractéristique de la loi nouvelle et le trait principal de ses vrais disciples. «C'est à cela, dit-il, que l'on reconnaîtra que vous êtes mes disciples, si vous vous aimez les uns les autres» (S. Jean, 13, 35).

N'était-ce pas la caractéristique de son divin cœur? «Abîmez-vous souvent, disait Marguerite-Marie, dans la charité de cet aimable cœur, afin que vous ne fassiez rien au prochain qui blesse tant soit peu cette vertu».

Que Dieu vous fasse la grâce, disait saint Paul, d'être toujours unis de sentiments et d'affection les uns envers les autres, selon l'esprit de Jésus-Christ, et conformément à son exemple.

Soyez unis dans le culte et l'amour de Dieu, et pour rester unis supportez-vous les uns les autres: le fort aidera le faible, le savant aidera l'ignorant, le juif et le gentil seront charitables entre eux. Notre­-Seigneur ne nous a-t-il pas supportés? Ne nous a-t-il pas pris avec lui et unis à son corps mystique pour nous présenter à son Père?

IIe POINT: La charité envers le prochain est nécessaire à qui veut aimer Dieu. - L'amour de Dieu et l'amour du prochain ne font qu'un. Peut-on ai­mer Dieu et ne pas aimer les hommes ses enfants? Ces deux amours n'en faisaient qu'un dans le cœur de Notre-Seigneur. Quand il prononçait son Ecce venio en entrant dans sa vie mortelle, il venait en même temps pour l'amour de son Père et pour l'amour de ses frères.

Le Pater est la prière du cœur de Jésus; il exprime ces deux amours réunis et fondus ensemble dans chacune de ses demandes.

Pater noster. - Tous les hommes sont membres d'une grande famille dont Dieu est le Père, et Jésus le Fils aîné est chargé de remplacer son Père.

Sanctificetur nomen tuum. - Que votre nom soit sanctifié, consacré dans nos cœurs par notre amour filial.

Adveniat regnum tuum. - Régnez dans nos cœurs qui vous aiment et que nous vous offrons.

Fiat voluntas tua. - Que notre soumission soit celle des enfants à leur Père.

Panent nostrum quotidianum da nobis. - En retour de notre amour filial, pourvoyez à nos besoins.

Dimitte nobis. - Pardonnez-nous dans la mesure où nous pardonnons à nos frères.

En priant. Jésus nous portait tous dans son cœur. Il veut qu'en priant nous portions également tous nos frères en notre cœur.

L'amour du prochain est inscrit à chaque page de l'Evangile. Notre-Seigneur pouvait-il faire plus pour le recommander que de nous dire qu'il tiendrait comme fait à lui-même ce que nous ferions pour le plus petit d'entre les siens?

N'est-ce pas sur cette charité que portera surtout le jugement? «J'ai eu faim et vous m'avez donné à manger; j'ai eu soif et vous m'avez donné à boire…».

IIIe POINT: La charité ne doit pas reposer sur un motif humain. - Saint Paul appelle notre attention sur ce point: Soyez unis, dit-il, de senti­ments et d'affection mais selon Jésus-Christ et en Jésus-Christ. Ne vous laissez pas guider par l'intérêt, l'ambition ou la sensualité. Recherchez les plus saints pour vous édifier, les plus pauvres pour les secourir.

Les autres préceptes de l'Evangile sont tombés des lèvres du Sauveur; celui-là, dit saint Augustin, est sorti de son Cœur! Ce fut le fond même de sa vie et de ses exemples. Il nous a aimés tout pécheurs que nous som­mes, il nous a donné sa grâce que personne ne peut mériter; il nous a in­struits dans notre ignorance, consolés dans nos peines, recherchés dans nos égarements, secourus dans nos besoins spirituels et corporels. Il nous a tout donné et il s'est donné lui-même. Voilà la règle et le modèle de notre charité.

Notre-Seigneur réserve ses préférences pour les cœurs généreux, eussent-ils même quelques faiblesses. Ceux-là peuvent devenir ses amis. Ceux qui calculent, ceux qui cherchent leur intérêt, peuvent devenir tout au plus des serviteurs exacts. Ils auront droit à leur récompense. Les faveurs de Jésus seront pour ses amis.

Jésus aime particulièrement les enfants et les pauvres, et il veut qu'on les aime.

Nous témoignerons particulièrement notre charité aux hommes en leur faisant connaître et aimer le Sacré-Cœur de Jésus.

Comme la charité surnaturelle est un don céleste, demandons-la. Prions Notre-Seigneur de la répandre dans nos cœurs.

Résolution. - Je veux aimer par-dessus tout Notre-Seigneur, mais je veux l'aimer aussi dans mes frères, parce qu'ils sont le prix de son sang et parce qu'il les aime.

Je veux les aimer surnaturellement et pour la fin pour laquelle le cœur de Jésus les a aimés, je veux les aimer pour l'amour de Notre-Seigneur et parce qu'ils sont son image.

Quels actes de charité ferai-je aujourd'hui?

Colloque avec le Sacré-Cœur.

22 Février
La couronne d'épines

Et milites plectentes coronam de spinis, imposuerunt capiti ejus: et veste purpurea cirdumdederunt eum; et veniebant ad eum et dicebant: Ave rex Judaeorum: et dabant ei alapas (S. Joan, 19, 2).

Les soldats tressant une couronne d'épines la mirent sur sa tête: et ils le re­vêtirent d'un vêtement de pourpre; et ils venaient à lui en disant: salut, roi des juifs, et ils lui donnaient des soufflets (S. Jean, 19, 2).

1er Prélude. Les soldats païens tournèrent cruellement en dérision la royauté de Jésus-Christ.

2e Prélude. Je proteste de tout mon cœur. Je reconnais que Jésus est mon roi et le roi de tous les hommes.

Ier POINT: La royauté de Jésus tournée en dérision. - Les légionnaires païens de Pilate imaginent une fête du couronnement, scène diabolique où la cruauté la plus barbare s'unit aux sanglantes ignominies, au mépris, à l'insulte. Ils entraînent le plus doux des enfants des hommes et le font asseoir sur un trône dérisoire. Ils arrachent les vêtements collés à ses plaies sanglantes; son sang coule de nouveau. Il veut nous donner tout le sang de son cœur.

C'est le sang rédempteur de l'agneau divin, recueillons-le en esprit pour le présenter à Dieu le Père, comme le prix d'une infinité de grâces. On af­fuble ensuite le Sauveur d'un manteau de laine rouge. On le couronne d'épines tressées qui lui déchirent la tête et le front. On lui met en main un roseau, comme un sceptre dérisoire. Puis au milieu des rires, des bouffon­neries et des blasphèmes, on le salue en grimaçant: Salut, roi des juifs!

Il fallait que tout en Jésus fût immolé à la gloire de son Père. Rien n'est épargné ni en son âme, ni en son corps. Sa dignité royale est con­spuée.

Je proteste, ô mon bon Maître, contre cet outrage fait à vos droits su­prêmes Oui, vous êtes roi non seulement des juifs, mais de tous les hom­mes, j'honore votre royauté, je la proclame.

Vous n'êtes pas seulement roi, mais le Roi des rois. Votre Père vous a donné en héritage toutes les nations de la terre. Elles doivent toutes reconnaître votre royauté et obéir à vos lois. Vous êtes roi par votre na­ture divine et vous l'êtes par la Rédemption. Vous êtes Roi de gloire, parce que vous avez été Roi de gloire, parce que vous avez été Roi de douleurs. Ceux qui croyaient détruire votre royauté, lui conféraient au contraire de nouveaux droits.

IIe POINT: Souffrances cruelles de Jésus. - Les pointes acérées des tres­ses épineuses déchirent cruellement le front du Roi des rois. Les veines de ses tempes versent le sang; ses yeux, ses joues, ses cheveux en sont rougis. Il éprouve des douleurs indicibles. Y a-t-il rien de plus sensible que les nerfs de la tête?

Les soldats grossiers et impitoyables frappent à coups de roseaux la tê­te sacrée de la victime, les épines s'enfoncent davantage. Son front n'est plus qu'une plaie.

Pourquoi ces souffrances spéciales? C'est parce que ces organes ont beaucoup à expier. Les yeux, les oreilles des hommes ont prêté leur at­tention à tous les spectacles coupables, à toutes les paroles criminelles: aux blasphèmes, aux impuretés aux calomnies.

Le visage a été l'instrument de toutes les vanités et de toutes les séduc­tions. Notre-Seigneur livre sa face adorable à toutes les souffrances pour tout expier.

Le front couvre le cerveau organe de l'imagination, il faut qu'il souf­fre aussi et que la tête, qui commande à tout l'organisme ait ses châti­ments particuliers: «Du sommet de la tête à la plante des pieds, a dit le prophète, il n'y aura aucun membre d'épargné: A planta pedis usque ad verticem non est in eo sanitas» (Jo., 1, 6). Isaïe parle du peuple coupable, mais Jésus s'est substitué à son peuple pour tout expier à sa place.

Que ferai-je pour soulager Notre-Seigneur? Il attend de moi l'amour compatissant, mais ce n'est pas assez. Il veut aussi que je souffre un peu avec lui, et que j'accepte avec patience et générosité les malaises que la nature m'apportera: «J'ai cherché quelqu'un qui souffrit avec moi, qui simul mecum contristaretur». Expier et réparer dans le mesure de mes faibles forces, c'est mon partage.

IIIe POINT: Les impropères. - Et pendant que Jésus est là avec une couronne, un sceptre et un manteau dérisoires, ses bourreaux l'insultent et l'outragent.

Ils lui donnent des soufflets de leurs mains grossières, ils lui crachent au visage. Ils l'accablent de leurs railleries, de leurs quolibets, de leurs injures: illuserunt ei. L'épreuve est longue, ils sont toute une cohorte: con­gregaverunt ad eum omnem cohortem. Ils rivalisent de grossièreté et de cruau­té. A la fin, il est dans le plus triste état où jamais homme se soit trouvé; il est couvert de crachats et de sang. Il n'avait plus l'aspect d'un homme: vidimus eum et non erat aspectus.

Il était auparavant le plus beau, le plus noble, le plus majestueux des enfants des hommes; il n'y a plus trace de sa beauté: non est species et neque decor. Il paraît méprisable et le dernier des hommes: despectum et novissi­mum virorum: Son visage disparaît sous les souillures; qui lui accorderait encore quelque estime: quasi absonditus vultus ejus, unde nec reputavimus eum (Isaïe, 53, 2). Mais non, vous vous trompez, cruels bourreaux. Vous croyez l'humilier et vous l'exaltez. Vous glorifiez sa bonté, sa patience, sa générosité. Vous les rendez manifestes. Plus vous le faites souffrir, plus vous manifestez la bonté de son cœur, plus vous le rendez aimable à nos yeux et glorieux aux yeux de son Père. Ah! vos vues sont courtes. Sachez seulement en profiter, pécheurs de tous les siècles. Jésus s'est hu­milié pour vous relever.

Résolution. - Laissez-moi, ô Jésus, arracher toutes ces épines, effacer tous ces crachats, réparer tous ces soufflets, par autant d'actes d'amour, de repentir et d'amende honorable. Je le comprends aujourd'hui, cha­que fois que j'éviterai une faute, chaque fois que j'édifierai mon pro­chain, j'arracherai une épine de votre front et j'apporterai un adoucisse­ment aux souffrances de votre cœur.

Colloque avec Jésus couronné d'épines.

23 Février
Prédication de saint Jean-Baptiste

Anno autem quinto decimo inperii Ti­berii Caesaris, factum est verbum Domini super Joannem. Et venit in omnem regio­nem Jordanis, praedicans baptismum poenitentiae in remissionem peccatorum (S. Luc, 3, 1).

La quinzième année de l'empire de Ti­bère César, la parole du Seigneur se fit entendre à Jean. Et il vint dans le pays du Jourdain prêchant le baptême de péniten­ce pour la rémission des péchés (S. Luc, 3, 1).

1er Prélude. A Nazareth, Jésus menait la vie cachée d'un humble ouvrier. Au désert, Jean-Baptiste menait la vie cachée de l'ascète et du solitaire.

2e Prélude. Mon Dieu, régnez aussi en moi par la vie intérieure et la pénitence, pour que ma vie soit une prédication comme celle de votre précurseur.

Ier POINT: Le détachement de Jean-Baptiste. -Saint Jean-Baptiste a eu, comme Jésus son Maître, une longue vie cachée. Leur adolescence à tous deux est décrite en quelques mots qui ont une grande analogie. Il est dit de Jésus qu'il grandissait en sagesse, en âge et en grâce devant Dieu et devant les hommes; - de saint Jean-Baptiste, il est dit que l'en­fant croissait et se fortifiait dans l'Esprit-Saint (in spiritu). Le théâtre de leurs progrès est différent. Jésus mène la vie cachée à Nazaret: Venit Na­zareth et erat subditus illis. Saint Jean-Baptiste mena la vie solitaire et ère­mitique au désert: Et erat in desertis in diem ostensionis suae ad Israël (S. Luc, 1, 80).

Quelle vie étonnante pour un enfant, pour un adolescent! C'est une conduite spéciale de Dieu. Cet enfant, après ses premières années sans doute, de douze à trente ans, a une soif toute surnaturelle de vie solitai­re, de prière, de lecture, de mortification, comme autrefois Elie au Car­mel, comme plus tard les solitaires d'Egypte et saint Benoît à Subiaco.

C'est que rien de grand et de fécond ne se fait dans le monde, qui n'ait été préparé loin du monde, dans le silence, dans la solitude et la médita­tion.

Quel détachement chez cet adolescent! Il ne renonce pas seulement à sa famille, mais aussi à toutes les commodités de la vie: «Il est vêtu d'un rude cilice; il se nourrit des sauterelles du désert et du miel que les abeil­les déposent dans le tronc des arbres» (S. Mat., 3.4). Il a un vêtement plus rude que la robe de bure de saint François, c'est un tissu grossier de poil de chameau. Il s'est dépouillé de toutes les jouissances créées, pour jouir de toutes les douceurs du ciel.

IIe POINT: Son énergie. - Quelle énergie chez cet adolescent! La force d'âme est son caractère propre. Ce n'est pas un roseau, c'est un chêne ou un cèdre: «Celui que vous êtes allés voir au désert, dit le Sauveur, n'est pas le roseau que le vent fait plier en tous sens». Ce n'est pas un homme inconstant, léger, frivole, aujourd'hui plein d'ardeur pour la vé­rité et pour le bien, et demain incliné du côté opposé par le souffle de l'opinion ou de la passion.

C'est un homme grave, sérieux et ferme, qui a compris, qui a voulu, et qui reste immuablement attaché à sa conviction et à sa résolution. «Ce n'est pas un homme mollement vêtu», un homme sensuel, ami des salons et des lieux de plaisirs; c'est le plus grand des fils nés de la femme. - Depuis les jours de Jean-Baptiste, le royaume des cieux est pris d'assaut; les braves l'emportent» (S. Mat., 11).

Jésus se fait le panégyriste de la force d'âme de Jean-Baptiste. Quelle leçon d'énergie ils nous donnent là tous les deux! Les grandes œuvres, les grandes entreprises et le royaume des cieux ne sont pas pour les ro­seaux, mais pour les cèdres. L'énergie et le caractère se trempent dans une vie austère, dans l'habitude de se vaincre soi-même, dans le déta­chement du monde, de ses vanités et de ses mollesses. Le Cœur de Jésus et celui de Jean-Baptiste ont été plus forts que la mort.

Est-ce la voie que j'ai suivie jusqu'ici? Qu'ai-je à faire pour remonter le courant d'une vie molle et tiède? Ne faut-il pas rompre brusquement avec une habitude ou une relation?

Et pour les âmes envers lesquelles j'ai une mission d'éducation, qu'ai­-je fait jusqu'à présent? Les ai-je formées à l'obéissance, à l'austérité, au sacrifice? je rendrai compte de leur vie comme de la mienne.

IIIe POINT: Les fruits de salut. - Les auditeurs de Jean sont innom­brables. «Jérusalem allait à lui, et toute la Judée, et tout le pays des envi­rons du Jourdain» (S. Mat., 3, 5). Le peuple, les grands, les soldats eux­-mêmes s'ébranlent. Tous ont bonne volonté et demandent le baptême de pénitence. Seuls les Pharisiens et les Sadducéens, orgueilleux et sen­suels, s'abstiennent et critiquent, ou bien ils viennent, mais sans convic­tion. Saint Jean-Baptiste les connaît, il prévoit leur résistance au Sau­veur. Il leur parle avec toute la sévérité d'un juge et d'un prophète, com­me faisaient autrefois Isaïe et Jérémie: «Race de vipères, leur dit-il, si vous voulez échapper à la colère divine, faites pénitence. Vous êtes fiers d'être les enfants d'Abraham, mais Dieu n'a pas besoin de vous, il peut susciter, quand il voudra, des fils spirituels d'Abraham, qui vous rem­placeront. Quand un arbre ne donne pas de bons fruits, on l'arrache et on le jette au feu. Vous êtes cet arbre. La cognée va frapper. Moi, je vous offre le baptême de pénitence, après moi viendra un plus grand et plus fort que moi. Celui=là baptisera dans le Saint-Esprit. Il vannera son grain et nettoiera son aire. Il recueillera le grain dans ses greniers et brû­lera la paille».

Les Pharisiens ne comprirent pas et ne s'humilièrent pas. La moisson de Jean fut quand même bien belle. Tous les humbles confessaient leurs péchés et recevaient le baptême de pénitence.

Notre zèle portera de grands fruits comme celui de Jean, si nous som­mes comme lui austères et mortifiés.

Résolution. - O mon Sauveur, vous avez loué l'austérité et l'énergie de votre Précurseur, donnez-moi quelque chose de sa grâce. Je veux m'exercer à l'austérité dès aujourd'hui par quelque sacrifice; je veux fortifier mon cœur et ma volonté en m'unissant à votre Cœur Sacré dont les sentiments sont la règle de ma sanctification.

Colloque avec Jésus louant son Précurseur.

24 Février
Bapteme de pénitence

Fuit Joannes in deserto baptizans, et praedicans baptismum poenitentiae in re­missionem peccatorum. Et egrediebatur ad eum omnis Judaeae regio, et Jerosoly­mitae universi, et baptizabantur ab illo in Jordanis flumine, confitentes peccata sua (S. Marc, 1, 4).

Jean était au désert, baptisant et prê­chant le baptême de la pénitence pour la rémission des péchés. Tout le pays de la Judée allait à lui et tous ceux de Jérusalem et ils recevaient le baptême dans le Jour­dain en confessant leurs péchés (S. Marc, 1, 4).

1er Prélude. Saint Jean prêche la pénitence, le repentir, la conversion, pour préparer la voie au Messie.

2e Prélude. Seigneur, j'aspire à recevoir vos visites, dans le mystère de votre grâce et dans l'Eucharistie; comment puis-je vous recevoir dignement, si je ne me prépare pas par la pénitence?

Ier POINT: S. Jean prêche la pénitence. - Le Messie va venir, il établira son règne spirituel. Comment me préparer à sa visite? Dans quelles con­ditions m'admettra-t-il en son royaume? Il faut que je purifie mon âme par la pénitence. «Voici venir le royaume de Dieu, disait saint Jean, donc pénitence! Pénitence! Faites de dignes fruits de pénitence».

Cela voulait dire: Le Christ va venir avec ses grâces, avec ses miséri­cordes. Il organisera le royaume de Dieu, son Eglise. Mais il ne peut évi­demment pas vous y admettre si vous êtes couverts de péchés. Sa miséri­corde est grande sans doute, il vous pardonnera beaucoup, mais encore faut-il que vous regrettiez le passé et que vous changiez de vie.

Les juifs et les païens d'alors ont compris cela. Comme signe de leur changement de vie, ils recevaient le baptême. Ils étaient plongés dans l'eau come dans la mort et ils en sortaient comme avec une vie nouvelle. Le baptême symbolisait la purification et le renouvellement de leur âme.

Ai-je compris suffisamment que je dois me préparer chaque jour à la venue du Sauveur en mon âme par la grâce et par l'Eucharistie? Est-ce que ma vie ne se traîne pas dans la routine et la tiédeur, au lieu de se purifier dans la pénitence et de se renouveler par la conversion?

IIe POINT: Le changement de vie. - Préparez la voie du Seigneur. Il y a dans vos âmes bien des bouleversements et des irrégularités, rien d'égal, rien de net et de correct, comme il faudrait que ce fût pour une voie royale. Abaissez ces hauteurs, qui marquent l'orgueil et la vanité; rele­vez ces parties basses, qui marquent la lâcheté, la sensualité, l'avarice, la tiédeur; redressez ces sentiers tortueux, qui sont les voies de l'hypocrisie et de l'inconstance; égalisez ces chemins raboteux, qui marquent les dé­fauts de caractère, l'impatience, la dureté, la mauvaise humeur. Préparez au Sauveur une voie digne de lui, où il s'avancera avec plai­sir en répandant ses bénédictions.

Ainsi parlait saint Jean-Baptiste.

Et ses auditeurs le questionnaient. Que ferons-nous? disait-on de tou­tes parts dans la foule. Il répondait: Faites de dignes fruits de pénitence, confessez vos péchés et changez de vie.

Que faut-il faire? demandaient quelques publicains ou collecteurs d'impôts. Il leur dit: N'exigez rien au delà de ce qui vous a été prescrit. Qu'avons-nous à faire? demandaient des soldats. Il leur dit: Abstenez-vous de toute violence et de toute délation et contentez-vous de votre paye. Il arrivait, en effet, trop souvent que des soldats dénonçaient des innocents, comme coupables de rébellion ou d'autres crimes, afin de s'emparer de leurs biens ou de recevoir un honteux salaire.

En résumé, saint Jean-Baptiste recommande à tous l'accomplissement du devoir d'état.

C'est aussi en remplissant tous les devoirs de mon état et de ma voca­tion spéciale d'ami du Sacré-Cœur que je préparerai les voies au bon Maître. Je sais ce qu'il attend de moi, mais je ne le lui donne pas tou­jours. Il demande de moi un cœur pur et aimant, une grande fidélité à ma règle de vie, avec l'habitude du recueillement, de la prière et de la vie intérieure. A ces conditions, il viendra volontiers dans mon âme et y ver­sera les grâces de son divin Cœur.

IIIe POINT: Les pénitences. - La pénitence est une disposition de l'esprit et du cœur. C'est le repentir, la contrition, la détestation du pé­ché. Notre-Seigneur demande tout cela, mais il y faut joindre les péni­tences extérieures. Sans les actes extérieurs, nos sentiments peuvent être une illusion. Les actes de pénitence manifestent le repentir et le forti­fient.

Sans les actes de pénitence, qui privent le goût de quelque satisfaction, qui affligent la chair, qui contraignent les yeux à la modestie, les mains au travail, les genoux à l'adoration suppliante et persévérante, il n'y a pas de repentir ferme, assuré et durable.

Saint Jean-Baptiste enseignait éloquemment la pénitence par ses exemples. Ne s'était-il pas imposé au désert de longues années d'austéri­tés et de privations pour entraîner les hommes de bonne volonté à la pra­tique de la pénitence à sa suite?

Faites de dignes fruits de pénitence, disait-il. Les fruits de la pénitence ou du repentir sont les actes de mortification que s'impose l'âme péni­tente avec le changement de vie et de conduite.

Saint Jean-Baptiste indique quelques sacrifices qu'il conseille. «Que celui qui a deux tuniques en donne une, disait-il, et de même pour les aliments». C'est un appel aux œuvres de miséricorde, qui sont une ex­cellente pénitence par la peine qu'elles coûtent et par les sacrifices qu'el­les imposent.

Que ferai-je pour expier mes fautes?

Résolution. - J'ai un extrême regret, ô mon Sauveur, de vous avoir of­fensé, vous dont le cœur est si bon et qui méritez tout honneur. Pardonnez-moi. Malgré mon indignité, j'ai confiance en votre miséri­corde. Mais je dois et je veux m'imposer quelques pénitences positives et surtout je veux accepter en esprit de pénitence les sacrifices que votre providence m'imposera.

Colloque avec saint Jean-Baptiste.

25 Février
Saint Mathias

Et statuerunt duos, Joseph qui vocaba­tur Barsabas, qui cognominatus est ju­stus, et Mathiam. Et orantes dixerunt: Tu Domine, qui corda nosti omnium, ostende quem elegeris ex his duobus unum… et dederunt sortes eis, et cecidit sors super Mathiam (Act., 1, 23).

Ils en choisirent deux, Joseph Barsa­bas, surnommé le juste, et Mathias. Ils priaient en disant: Seigneur, qui connais­sez les cœurs de tous, montrez-nous celui que vous avez choisi des deux… Ils tirè­rent au sort et le sort tomba sur Mathias (Act., 1, 23).

1er Prélude. Il fallait un apôtre de la réparation, pour remplacer judas. Deux pieux disciples semblaient mériter cet honneur, mais le sort indiqua Mathias.

2e Prélude. Seigneur, donnez-moi comme à saint Mathias l'esprit de réparation. Je vous fais amende honorable pour mes fautes et pour toutes celles qui attristent votre cœur.

Ier POINT: Fidélité. - Il faut, dit saint Pierre, remplacer le traître et choisir un autre apôtre. Cherchons donc un disciple fidèle, un disciple qui ait été tout le temps avec nous, depuis le commencement de la vie publi­que du Sauveur jusqu'à sa mort.

Et on en choisit deux, les plus fidèles, les plus zélés disciples du Sau­veur. Joseph Barsabas, surnommé le juste, et Mathias. Celui-ci n'avait pas le surnom de juste, mais il en avait la réputation. Tous deux avaient suivi assidûment le Sauveur; ils ne l'avaient pas quitté; ils avaient en­tendu et mis en pratique tous ses enseignements.

C'étaient les plus dévoués, les plus assidus, les plus fidèles après les douze. Ils avaient tout vu, tout entendu, tout médité. Ils avaient donc fait le noviciat et les études nécessaires, ils pouvaient recevoir l'imposi­tion des mains, le sacerdoce, le caractère épiscopal et la mission apostoli­que.

Mais lequel des deux va-t-on choisir? Ils sont dignes tous les deux de ce grand honneur et de cette grande mission. Saint Pierre a la pieuse inspiration de confier le choix à Dieu en s'en rapportant au sort, et le sort tomba sur Mathias.

C'est donc lui le fidèle par excellence, le disciple parfait, qui enseigne­ra le mieux la doctrine du Christ et qui reproduira le mieux les vertus de son divin Cœur.

Si je veux avoir les faveurs divines, voilà le chemin: suivre fidèlement Jésus, méditer tous ses mystères, du commencement à la fin, me péné­trer des sentiments de son Cœur sacré et reproduire ses vertus.

IIe POINT: Apostolat. - Que cherchaient les apôtres? un témoin de la vie et de la résurrection de Jésus. Et que voulaient-ils lui confier? le ministère et l'apostolat desquels judas était déchu.

Voilà les sources de l'apostolat: la connaissance et l'amour de Jésus, avec une mission divine spéciale, s'il s'agit d'un ministère officiel. Mais pour toute âme apostolique, il faut ces deux conditions: la connaissance et l'amour de Jésus.

Les apôtres cherchaient un témoin qui ait suivi fidèlement Jésus du commencement à la fin de sa vie publique et de sa passion.

Si nous voulons nous préparer à l'apostolat, qui incombe à chacun de nous dans la mesure de sa vocation, suivons Jésus du commencement à la fin.

Suivons-le en lisant et méditant l'Evangile. Pour nos méditations quo­tidiennes, prenons la vie de Jésus, ses vertus, ses enseignements, ses mi­racles, ses souffrances. C'est un thème infini, toujours fécond, toujours lumineux et fortifiant. Suivons Jésus avec la liturgie. Reprenons chaque année la méditation de son enfance avec le temps de Noël et de ses autres mystères suivant les temps de l'année.

Suivons-le comme saint Mathias, non seulement en l'écoutant, mais en vivant avec lui, en vivant de sa vie.

Il faut que nous devenions des témoins de sa résurrection, intellectuel­lement et moralement; intellectuellement, par des études qui nous ren­dent capables de devenir de vrais apologistes du Christ et de la religion; moralement, par notre propre résurrection spirituelle et par celle des âmes que nous lui gagnerons. Il faut qu'il vive en nous par ses vertus et sa sainteté, afin que nous manifestions véritablement sa résurrection.

IIIe POINT: Réparation. - Considérons les préludes de cette élection. Saint Pierre rappelle judas, son avarice, sa trahison, sa mort affreuse. Il rappelle ensuite les malédictions prophétiques formulées contre le traître par les psaumes: «Que sa maison reste déserte et inhabitée! que son épi­scopat soit confié à un autre!» (Ps., 68 et 108).

C'est sous l'impression de ces souvenirs et de ces malédictions que se fait l'élection. Et le sort tombe sur saint Mathias. Il était là, il pleurait sans doute au souvenir de judas. Il l'avait connu et l'avait cru juste et bon. Et voilà qu'on lui confie le ministère et l'apostolat, desquels judas est déchu. Il le remplacera. Il remplira sans doute ses fonctions d'écono­mat, tant que les apôtres seront réunis. Il est substitué à judas. Il a donc mission de le remplacer et de le faire oublier, non seulement des hommes mais de Jésus lui-même. Comment fera-t-il? Il faut qu'il soit un répara­teur.

Avec quelle prudence il touchera cet argent qui a séduit judas! Avec quelle tendresse il aimera Jésus pour lui faire oublier judas! Il faudra qu'il aime doublement, qu'il aime plus que les autres. Il fera la répara­tion de l'amour et la réparation de la pénitence. Il sera un des modèles et des protecteurs des âmes réparatrices et des amis du Sacré-Cœur.

Résolution. - Grand Saint, prenez-moi à votre suite pour vivre avec Jésus du commencement à la fin, pour méditer sa vie, pour l'aimer, pour lui faire oublier judas par mon désintéressement, par ma fidélité, par mon amour vrai et sincère. Hélas! n'ai-je pas fait quelquefois le ju­das? Mais Notre-Seigneur ne m'a pas rejeté, il m'a donné du temps.

Je veux réparer avec saint Mathias et avec lui consoler le Sacré-Cœur.

Colloque avec saint Mathias.

25 Février
Le 1er dimanche de Carême

La force pour les combats spirituels se puise dans l’amour de Dieu

Et dixit ei diabolus: Haec omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me. Tune dixit ei Jésus: Vade, Satana; scriptum est enim: Dominum tuum adorabis et illi soli servies (S. Mat., 4, 9).

Et le diable lui dit: Je te donnerai tout cela, si tu m'adores. Mais Jésus dit: Retire-toi, Satan; il est écrit: Tu adoreras ton Dieu et tu ne serviras que lui seul. (S. Mat., 4, 9).

1er Prélude. Plusieurs fois Satan revient à l'assaut, mais Jésus nous montre où l'on puise une force invincible, c'est dans l'amour de son Père et dans le carquois des Sain­tes Ecritures.

2e Prélude. Donnez-moi, Seigneur, de vous aimer aussi et d'être assez pénétré du Saint Evangile pour être invincible dans toutes les tentations.

Ier POINT: Notre-Seigneur a voulu être tenté pour nous instruire et nous montrer le secret de sa force qu'il puise dans l'amour de son Père. - Toute la vie de Notre-Seigneur a été un combat contre Satan, dont il venait détruire l'empire; mais l'Evangile nous signale deux circonstances principales de cette lutte, au commencement et à la fin de son ministère public.

Dans la première de ces luttes, Satan essaya de le séduire par l'attrait de la triple concupiscence, par les séductions de la sensualité, de la vaine gloire et de l'ambition. Dans la seconde, il essaya de l'abattre par la crainte et par les terreurs de la mort.

C'est de la chute d'Adam, séduit par le démon, qu'étaient sortis le mal et le péché; c'est de la victoire de Notre-Seigneur que devaient sortir la réparation et le salut.

Il a voulu particulièrement, dans sa tentation du Jourdain, nous en­seigner l'art des combats spirituels et nous mériter la victoire. Il a voulu nous montrer le secret de la force, qui est l'amour. Voyez dans quelles conditions il s'avance au-devant des tentations: Plenus spiritu sancto (S. Luc); ductus a spiritu (S. Marc). Son Cœur est rempli de l'amour de son Père, c'est sa force. Remarquez ses réponses au démon, elles sont toutes tirées de l'Ecriture, parce qu'il se nourrit de la parole de son Père bien­-aimé et qu'il ne cherche que sa volonté. Satan lui propose de changer les pierres en pains pour apaiser sa faim; mais il avait entrepris ce jeûne pour faire la volonté de son Père et il le mènera jusqu'à la fin sans y rien changer. Il se réserve de faire des miracles pour manifester aux hommes sa mission divine et non pour sa propre utilité.

Le démon lui propose ensuite de se jeter du haut du temple en comp­tant sur le secours divin, mais il répond que nous ne devons pas tenter Dieu et mettre sa toute-puissance au service de notre volonté propre.

Satan lui propose enfin de lui donner tous les royaumes du monde s'il veut l'adorer; mais Jésus répond qu'il n'a qu'une loi et qu'un souci, c'est d'adorer son Père.

L'amour de son Père est sa lumière et sa force.

IIe POINT: A l'exemple de Notre-Seigneur, nous devons puiser notre force dans l'amour. - L'amour est la force même, dit saint Augustin: Fortitudo est amor (De mor. Eccl., 5). Il entreprend tout, il résiste à tout, il souffre tout pour Dieu; il soutient pour lui les plus rigoureux assauts de la dou­leur sans s'abattre et sans se plaindre, et les plus vives sollicitations de la volupté sans se laisser corrompre. Rappelons-nous ce qui est dit de l'Epouse du Cantique: Pulchra es, amica mea, suavis et décora… terribilis ut castrorum acies ordinata: Vous êtes belle, aimable et pleine de douceurs, ô mon épouse, et vous êtes redoutable comme une armée rangée en ba­taille.

Cette beauté et cette force de l'Epouse viennent de son amour. L'Epouse est parfaitement unie à son Bien-Aimé, c'est ce qui la rend fer­me et terrible à ses ennemis, qui n'osent attaquer sa pureté. La force vient de l'union, l'union vient de l'amour et l'amour fait toute la beauté de l'âme. C'est pour cela que l'Epouse du Cantique ajoute: Fortis est ut mors dilectio. L'amour est fort comme la mort. Il résiste jusqu'à la mort aux tentations et il rend insensible comme un mort aux attraits de la vo­lupté.

Ah! si j'aimais fortement mon Sauveur, si je lui étais bien uni, les ten­tations n'auraient pas de prise sur moi, j'en ai fait l'épreuve, je n'ai été accessible aux tentations que dans mes jours de tiédeur.

IIIe POINT: Moyens d'entretenir cet amour. - Dans cet évangile, Notre-Seigneur ne nous donne pas seulement le secret de sa force qui est l'amour, mais il nous enseigne aussi les moyens pour entretenir et accroître cet amour: ces moyens sont la prière, la méditation de la sainte Ecriture, la solitude, le jeûne. C'étaient là les occupations de Notre­-Seigneur au désert; c'est par là que son divin Cœur se préparait au dé­sert; c'est par là que son divin Cœur se préparait aux tentations qu'il avait résolu de subir pour notre instruction. Ce sont là les vertus que l'Eglise nous invite à pratiquer pendant le saint temps de carême, pour croître dans l'amour et dans la force et prendre une vie nouvelle à l'occa­sion des grands mystères de la Rédemption.

Une âme dissipée et répandue au dehors, une âme distraite, une âme sensuelle peut-elle aimer fortement Notre-Seigneur?

Disciplinons notre volonté par la règle de la solitude et du silence, re­cueillons notre esprit dans la prière et la méditation, mortifions notre corps par le jeûne, et Notre-Seigneur viendra dans notre âme purifiée pour y allumer le feu de son amour.

Quand on l'aime fortement et par-dessus toutes choses, on est fort avec lui, pour lui et contre lui-même, car l'amour le désarme, l'incline à nos désirs et triomphe de son Cœur. Celui qui l'aime vient à bout de tout, triomphe de tout; rien ne peut lui résister, parce que le secours de Notre-Seigneur ne lui manque jamais.

Ah! si je n'avais pas négligé, cet amour, comme ma vie aurait été pure et féconde! Que je sois au moins l'ouvrier de la onzième heure et que je m'attache aujourd'hui à Notre-Seigneur pour toujours!

Résolutions. - Toute ma force, toute ma joie, toute ma vie est dans l'amour de mon Sauveur et l'union à son divin Cœur. Pour conserver et accroître cet amour, je veux sacrifier toujours plus fidèlement ma volon­té dans l'abnégation et la régularité; mon intelligence dans le recueille­ment et dans la pensée habituelle du Sauveur; mon corps dans la mortifi­cation et la modestie.

Colloque avec Jésus dans sa retraite.

26 Février
Baptême du Sauveur

Tunc venit Jésus a Galilaea in Jorda­nem ad Joannem ut baptizaretur ab eo. Joannes autem prohibebat dicens: «Ego a te debeo baptizari, et tu venis ad me?». Respondens autem Jésus dixit ei: «Sine modo: sic enim oportet nos implere omnem justitiam» (S. Mat., 3, 13).

Alors Jésus vint de Galilée au Jourdain trouver Jean pour être baptisé. Mais Jean s'y refusait disant: «C'est moi qui dois être baptisé par vous et vous venez à moi?». Jésus répondit: «Laisse-moi faire, il faut ainsi que nous accomplissions toute justice» (S. Mat., 3, 13).

1er Prélude. Jésus vient au baptême pour signifier qu'il représente ses frères coupa­bles. Il est plongé dans l'eau pour symboliser et annoncer sa mort.

2e Prélude. Bon Maître, inspirez-moi l'esprit de réparation et de sacrifice, qui rem­plissait votre cœur.

Ier POINT: La victime. - Le baptême du Sauveur est le dernier acte de sa longue préparation de trente ans. Il s'est déjà offert publiquement à son Père dans la Circoncision et dans la Présentation au Temple, il vient encore s'offrir au bord du Jourdain. Jean-Baptiste, comme pro­phète autorisé de Dieu, appelle les Israëlites au baptême de pénitence, pour les préparer au règne du Messie, Jésus n'a pas besoin du baptême, pas plus qu'il n'avait besoin de la Circoncision ni de la Présentation et du rachat au Temple. Mais il vient en victime et en réparateur. Il assu­me sur lui la responsabilité de nos péchés. Il veut accomplir toute la loi ancienne, qui était une loi de purification et de préparation. Il subit le baptême, non pour lui, mais pour les hommes ses frères. Il est plongé dans l'eau en signe de mort et de résurrection. Son baptême symbolise et annonce sa mort réelle et sa résurrection, tandis que le nôtre exprime seulement une mort spirituelle au péché et la résurrection à la vie surna­turelle.

Saint Jean voudrait s'opposer au baptême de Jésus, qui n'a rien à pu­rifier, mais Jésus lui répond qu'il doit accomplir toute justice, et il en­tend par là la juste expiation de nos fautes.

Quelle vive impression de souffrance, mais aussi d'amour pour son Père et pour nous le Cœur de Jésus dut ressentir dans cette mort symbo­lique!

Quelle leçon de pénitence, de charité, de dévouement!

IIe POINT: Le prêtre. -Jésus est prêtre de droit, dès son incarnation; mais son sacerdoce est consacré au bord du Jourdain par la descente du Saint-Esprit.

Jésus s'est préparé par le baptême et par la prière; et comme il priait nous dit saint Luc (Jesu baptizato et orante), le ciel s'entr'ouvrit, et le Saint­-Esprit descendit sur sa tête, sous la forme d'une colombe lumineuse et symbolique. C'est l'onction sacerdotale, royale et prophétique.

L'action du Saint-Esprit est symbolisée ordinairement par l'imposi­tion des mains et l'onction du Saint-Chrême. L'onction représente la douceur et la grâce du Saint-Esprit; le symbole de la colombe, pour re­présenter l'action de l'Esprit-Saint, n'est pas moins gracieux.

Jésus s'est offert en victime par le baptême; son Père le constitue Sou­verain Prêtre de la loi nouvelle. Jésus exercera son sacerdoce par ses trois années de prédication, par le sacrifice du calvaire et par le sacrifice eu­charistique. Il est prêtre et victime; il se livrera à ses bourreaux et il ac­ceptera toutes les immolations.

Saint Jean a tout compris: «Voici, dit-il, l'Agneau de Dieu, (qui vient s'offrir et mourir) pour effacer tous les péchés des hommes». L'onction du Saint-Esprit constitue en même temps Notre-Seigneur Roi et prophète, Roi et Messie.

Dieu intervient: «C'est mon Fils bien-aimé», dit-il. Il n'a pas besoin d'ajouter: «Ecoutez-le», comme il fera à la Transfiguration; cela va de soi. Quand Dieu nous dit: «C'est là mon Fils», cela veut dire: C'est votre Roi et votre Maître, honorez-le, écoutez-le, obéissez-lui.

Désormais Jésus est prêt pour sa mission messianique et réparatrice. Prêtre et Agneau, il marchera vers l'autel pour s'immoler lui-même quand le jour sera venu. Son divin Cœur n'a pas d'autre idéal.

Quels doivent être mes sentiments de reconnaissance et d'amour? Refuserai-je de m'immoler à la suite de Jésus pour les âmes, dans une vie de travail et de sacrifice?

IIIe POINT: Celui qui s'abaisse sera élevé. - Jésus s'abaisse au point de scandaliser saint Jean-Baptiste. «Comment, dit celui-ci au bon Maître, vous venez parmi les pécheurs demander le baptême, mais c'est moi qui devrais le recevoir de vous!».

Mais Jésus insiste, il descend dans l'eau avec les signes de pénitence que donnaient les autres baptisés. Ce ne sont pas ses péchés qu'il déplo­re, ce sont les nôtres. Il veut, dit-il, accomplir toute justice. N'est-il pas juste que le représentant et la caution des pécheurs s'humilie pour eux? Mais le ciel et la terre protestent contre cet abaissement: «C'est moi, dit saint Jean, qui devrais recevoir le baptême de votre main». Le ciel parle. «C'est là mon Fils bien-aimé», dit le Père; et le Saint-Esprit vient compléter la manifestation de la sainte Trinité.

Saint Jean parle encore sous l'inspiration prophétique: «J'ai vu, disait-il, le Saint-Esprit descendant sous la forme d'une colombe et repo­sant sur lui; et j'avais été prévenu. Dieu, qui me dirige m'avait dit: «Ce­lui sur lequel tu verras descendre le Saint-Esprit, c'est le Messie, c'est celui qui baptisera dans le Saint-Esprit» (S. Jean, 1. 33).

Celui qui s'abaisse sera élevé. Jésus s'humilie et ne pense pas à sa gloi­re mais son Père y pense pour lui.

Quelle leçon d'humilité et d'abnégation!

Résolution. - Jésus humble de Cœur, Jésus victime d'amour, voilà mon modèle.

Pardon, ô Jésus, pour tous mes actes de vanité, d'amour-propre, de recherche de moi-même. Que ferai-je pour réparer tout cela? Quels actes d'humilité, de modestie, ferai-je aujourd'hui? Jésus attend ces actes de moi, non seulement pour mon salut, mais comme moyen d'apostolat.

Colloque avec Jésus au bord du Jourdain.

27 Février
Jésus au desert

Jeune et prière

Tunc Jésus, plenus spiritu Sancto, re­gressus est a Jordane, ductus est in deser­tum a spiritu, ut tentaretur a diabolo. Et erat in deserto quadraginta diebus et qua­draginta noctibus, eratque cum bestiis; et nihil manducavit in diebus illis (Mat., 4; Marc, 13; Luc, 4).

Alors Jésus, rempli du Saint-Esprit, s'éloigna du Jourdain, conduit par le Saint-Esprit au désert pour y être tenté par le démon. Il demeura au désert qua­rante jours et quarante nuits, auprès des animaux sauvages, et il ne mangea rien pendant ce temps-là (Mat., 4; Marc, 13; Luc, 4).

1er Prélude. Jésus veut ajouter encore une préparation surabondante à sa mission pu­blique. Il se retire au désert pour jeûner et prier pendant quarante jours.

2e Prélude. Faites moi comprendre, Seigneur, les sources où je dois puiser les grâces de l'apostolat.

Ier POINT: La solitude. - Jésus, après son baptême, rempli de l'Esprit-.Saint, s'éloigna des bords du Jourdain, et fut poussé, entraîné par l'inspiration intérieure du Saint-Esprit, dans le désert, pour y passer quarante jours dans la prière et pour y subir les épreuves du jeûne et de la tentation.

Jésus a choisi le désert de la quarantaine, non loin de la mer Morte. C'est une contrée triste et sauvage, où les rochers pouvaient lui offrir pour la nuit un abri semblable à celui des animaux.

Il venait de prendre sur lui les péchés du genre humain coupable, et il voulait commencer de suite cette vie d'expiation et de pénitence à la­quelle il s'était voué.

Mais il avait un autre but encore: montrer l'amour de son Cœur pour la retraite et la prière, et indiquer à tous les apôtres des temps futurs la nécessité de la retraite pour prier et prendre des forces avant toute entre­prise apostolique.

Il voulait aussi pendant ces quarante jours accumuler des grâces pour toutes nos retraites: retraites dans les grandes circonstances de la vie, re­traites annuelles, retraites mensuelles. Ce sont des jours de grâces, des jours de moissons, mais où trouverons-nous pour ces jours-là les réserves de grâces amoncelées dont nous avons besoin? dans les mérites de la grande retraite du Sauveur. Comment en ai-je profité? Comment ai-je fait mes dernières retraites?

IIe POINT: Le jeûne. - Dans cette solitude, Jésus a voulu jeûner qua­rante jours et quarante nuits. Moïse et Elie avaient fait de même avant d'entreprendre leur grande mission vis-à-vis du peuple de Dieu.

Notre-Seigneur a voulu que ce jeûne absolu et miraculeux fût quel­quefois reproduit dans l'Eglise. On l'attribue à saint Siméon Stylite, à sainte Catherine de Sienne, etc.

Le premier Adam avait péché par gourmandise, le nouvel Adam a voulu réparer par le jeûne. Il y avait aussi à expier toute notre sensuali­té, qui est infinie.

Notre-Seigneur voulait aussi nous montrer comment il faut combattre nos passions mauvaises. Notre corps est un ennemi qu'il faut affaiblir et dominer, si nous ne voulons pas qu'il nous domine et qu'il asservisse no­tre âme.

«Le jeûne, dit saint Basile, sert d'ailes à la prière pour s'élever en haut et pénétrer jusqu'aux cieux… il est aussi le gardien de la chasteté». La période de quarante jours a ses opportunités mystérieuses. Il faut sans doute ce laps de temps pour que la pénitence agisse fortement sur la nature. L'Eglise nous demande aussi quarante jours d'un jeûne relatif, pour imiter le jeûne absolu de Notre-Seigneur.

Le jeûne est le gardien de la chasteté pour nous, surtout dans cette pé­riode du printemps où les sens sont plus excités.

Il donne des ailes à la prière que l'abondance des aliments rend lourde et somnolente.

Ai-je profité de l'exemple de Notre-Seigneur? Ai-je obéi au précepte de l'Eglise, dans la mesure de mes forces et de ma santé? Ai-je fait pen­dant quarante jours une pénitence suffisante et vraiment efficace? Ai-je remplacé par quelque autre mortification ce que je ne pouvais pas faire? N'ai-je pas gaspillé tant de grâces qui s'offraient à moi?

IIIe POINT: La prière. - Nous savons ce que faisait Jésus quand il se retirait ainsi dans la solitude. L'Evangile nous le rappelle plusieurs fois: «Jésus, dit saint Marc, s'en alla dans un lieu désert pour prier» (1, 35). «Il se retirait dans le désert, dit saint Luc, et il priait» (5, 16). «Il allait sur les montagnes pour prier» (S. Mat., 14; S. Luc, 6).

Au désert du Jourdain, l'occupation de son Cœur fut donc une belle prière de quarante jours: prière d'adoration, d'amour, d'action de grâces, envers son Père; prière de réparation, d'amende honorable, de sup­plication et d'intercession pour nous. Il y avait tout à suppléer pour le néant de nos prières! Il eût pu le faire en un instant, tant sa prière est ef­ficace! Il a voulu le faire longuement pour mieux nous en montrer l'im­portance.

Il prie comme créature et enfant de Dieu pour tous ceux qui ne le font pas. Il prie comme roi et comme prêtre pour tous les hommes constitués en dignité qui négligent ou remplissent mal le devoir de la prière. Il prie pour tous les temps, pour toutes les races, pour tous les âges, pour toutes les conditions, pour les sociétés et pour les individus, pour tous nos be­soins spirituels et temporels. Son divin Cœur est un abîme de prières.

Oh! quelle consolation et quel motif de confiance! Nous ne pouvons rien demander que Jésus ne l'ait demandé d'avance pour nous. Nous n'avons qu'à puiser dans le trésor de ses adorations, de ses actions de grâces, de ses réparations, de ses prières. Tout cela est à nous. Prenons et offrons à la sainte Trinité: nous sommes tout-puissants.

Résolution. - Solitude, jeûne, prière, trois grands moyens de sainteté. je veux avoir habituellement l'amour de la solitude, des petits sacrifices, des oraisons jaculatoires et de l'esprit de prière. je puise aussi dans le trésor de prière du Cœur de Jésus un joyau d'un prix infini à offrir à Dieu pour ma conversion et ma sanctification.

Colloque avec Jésus au désert.

28 Février
La triple tentation de Notre-Seigneur

Diabolus ostendit ei omnia regna mun­di et gloriam eorum et dixit ei: Haec omnia tibi dabo, si cadens adoraveris me. Tunc dixit ei Jésus: «Vade, Satana, scrip­tum est enim: Dominum Deum adorabis, et illi soli servies» (S. Mat., 4, 8).

Le diable lui montra tous les royaumes du monde et leur gloire et lui dit: Je te donnerai tout cela, si tu m'adores. Alors Jésus lui dit: «Retire-toi, Satan, car il est écrit: Tu adoreras le Seigneur ton Dieu et tu ne serviras que lui» (S. Mat., 4, 8).

1er Prélude. Adam avait faibli dans la tentation, Jésus a voulu être tenté pour réparer par sa victoire la défaite de notre premier père.

2e Prélude. Seigneur Jésus, enseignez-moi à combattre vaillamment le démon et à le vaincre.

Ier POINT: La sensualité. - Jésus a voulu être notre modèle jusque dans les tentations. Il a voulu passer par les diverses tentations qui peu­vent assaillir notre âme.

Satan commence par lui proposer de changer des pierres en pains, pour satisfaire son appétit. Il l'excite donc à employer dans un but pure­ment personnel, au service du corps et des appétits de la chair, une puis­sance surnaturelle qui lui avait été donnée pour un but plus élevé, pour prouver extérieurement aux hommes sa mission divine. Satan espère ainsi provoquer chez le Sauveur quelque inclination à la sensualité.

Jésus répond à cette tentation et aux autres par des sentences de la sainte Ecriture. Il nous indique par là quel a été l'objet de ses médita­tions dans la solitude et comment nous devons chercher notre force dans la parole de Dieu.

«Il est écrit, répondit-il, que l'homme ne vit pas seulement de pain mais aussi de la parole divine» (Deut., 7, 3).

Dans toute sa vie, Jésus s'abandonnera à la divine Providence pour tout ce qui le concerne et il ne fera aucune concession à la sensualité. Oh! combien j'ai à faire sous ce rapport! Combien je suis faible et in­cliné à rechercher mille jouissances! Le remède est dans l'union avec Notre-Seigneur, dans la méditation assidue de sa parole et de ses mystè­res. Tant que mon Cœur ne sera pas fortement attaché au Cœur de Jésus et bien épris de son amour, il se laissera séduire par les jouissances sensuelles.

IIe POINT: L'orgueil. - Le tentateur, rebuté et confondu, ne se rend pas pour cela. Il tentera un assaut d'un autre côté. Ceux qui maîtrisent leur corps et foulent aux pieds la sensualité sont quelquefois plus exposés que les autres aux tentations de l'orgueil; le démon essaie donc de vain­cre Jésus par les attraits de l'ostentation et de la vaine gloire. Il le transporte sur le haut du Temple et lui dit: «Si vous êtes le Fils de Dieu, précipitez-vous d'ici et les anges de Dieu vous prendront dans leurs mains et vous préserveront de tout mal».

Mais agir ainsi, c'eût été, de la part de Notre-Seigneur, tenter Dieu et paraître rechercher les applaudissements du monde. Il n'est pas permis de mettre ainsi la toute-puissance de Dieu à l'épreuve et au service de notre volonté propre, en nous jetant de gaieté de cœur dans des périls qui ne sont pas nécessités par notre devoir, sous prétexte, que Dieu vien­dra à notre secours. C'est ce que Notre-Seigneur fait entendre au dé­mon, en citant un passage du Deutéronome: «Tu ne tenteras point le Seigneur ton Dieu».

Le démon a donc proposé à Notre-Seigneur un acte de vanité et d'or­gueil proportionné à sa situation, en l'engageant à user de son pouvoir miraculeux pour une satisfaction d'amour-propre.

Il connaît le fort et le faible de chacun, ses conditions intellectuelles, morales et sociales et il présente à chacun les tentations susceptibles de réussir.

C'est sous cent formes différentes, qu'il essaie de mettre en œuvre no­tre tendance à la vanité, à l'amour-propre, à l'orgueil. Il cherche à gâter même les bonnes œuvres que nous faisons en y mélant des vues, des sen­timents d'amour-propre et d'estime de nous-mêmes. Nous laisserons­nous toujours prendre?

Quel remède y a-t-il? l'amour de l'humilité, le souvenir de nos péchés, de nos faiblesses, la méditation de la vie de Notre-Seigneur et spéciale­ment de son incarnation et de son enfance, qui nous révèlent les abîmes d'humilité de son divin Cœur.

IIIe POINT: La cupidité. - Satan, vaincu une seconde fois, revient avec une autre de ses armes les plus puissantes, la troisième grande con­cupiscence, la cupidité. Il transporte Jésus sur une montagne, il lui mon­tre tous les royaumes de ce monde et leur gloire, et il lui dit: Si vous m'adorez, je vous donnerai tout cela. - C'est comme s'il disait: je suis le prince de ce monde, voulez-vous être mon glorieux vassal? Voyez ces vastes contrées, ces terres opulentes, ces villes prospères, et tout le reste du monde, de sa gloire et de ses richesses, je puis vous donner tout cela. Toutes ces choses m'ont été livrées, et je les donne à qui je veux…

Jésus se contente de répondre: «Retire-toi, il est écrit: Tu adoreras le Seigneur Dieu et tu ne serviras que lui seul». Comment cette tentation pourrait-elle même effleurer le Cœur de Jésus, lui qui a choisi par préfé­rence les abaissements de l'incarnation, les humiliations de Bethléem, les privations de l'exil, le travail mercenaire de Nazareth?

Mais pour nous, toutes ces tentations sont séduisantes, l'argent, le bien-être, les commodités de la vie, dût souffrir la justice et, la pureté de l'âme.

Où est le remède? C'est encore dans la méditation de la vie de Jésus, dans l'amour de celui qui a voulu être pauvre pour nous racheter, pour expier nos convoitises: Bethléem, Nazareth et le Calvaire, lisons, médi­tons, prions. Nous aimerons le détachement, le sacrifice, chacun selon notre vocation et notre grâce.

Les gens du monde peuvent chercher à acquérir une fortune modérée en respectant les lois de Dieu. Les âmes plus généreuses iront jusqu'à la pauvreté volontaire.

Résolution. - Merci, ô mon Sauveur, d'avoir voulu me donner cet exemple de lutte intrépide contre Satan, et me mériter la victoire. J'ai compris que l'union avec vous et la méditation de votre vie seront ma sauvegarde, je renouvelle ma résolution de raviver plusieurs fois le jour dans mon cœur le souvenir de vos mystères, en m'unissant aux senti­ments de votre divin Cœur.

Colloque avec Jésus dans sa tentation.

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