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Nous allons entrer demain dans le beau mois dédié à Marie. Chaque jour du mois, nous la saluerons, en prenant pour thème de nos louanges et de nos prières une des invocations que l'Eglise lui adresse sous la for­me de litanies.

Aujourd'hui, avec nos pieuses litanies, nous remontons à l'origine des choses, et nous apercevons déjà Marie toute resplendissante de beauté et de grâces dans les desseins éternels de l'Auguste Trinité.

Toutes les péripéties du monde, tous les événements de l'avenir étaient présents au regard de Dieu dès le commencement. Il devait créer l'homme juste et réglé dans ses puissances, avec une âme ornée de toutes les vertus et un corps immortel et incorruptible.1) Mais il prévoyait que le premier homme se laisserait aller à la prévarication et communiquerait la souillure de son péché à tous ses descendants. Par cette faute, tous les enfants d'Adam devaient perdre la justice et l'intégrité originelles, la grâce, l'harmonie des puissances de l'âme et l'immortalité du corps.2)

Mais Dieu, dans sa bonté, daignait préparer de toute éternité le remè­de au mal et le relèvement de l'humanité. Dans ses desseins de miséri­corde, il fixa avant tout son regard divin sur le Réparateur du genre hu­main et sur sa Mère. Il se proposa de les employer tous les deux à l'ac­complissement des prodiges de sa miséricorde infinie. Il leur prédestina donc tout ce qui convenait à leur dignité: il prépara le Réparateur pour lui-même, et la divine Mère pour le Réparateur, puisqu'elle devait con­courir avec lui à la restauration du monde pour la plus grande gloire de Dieu. Voilà pourquoi il créa toutes choses avec eux, c'est-à-dire en arrê­tant sur eux sa pensée, car si la vue du péché dans lequel l'homme allait tomber par sa faute était propre à le détourner de la création, la perfec­tion avec laquelle il devait réparer cette faute, en faisant surabonder la grâce là où le péché avait abondé, devait le porter victorieusement à réa­liser ses desseins.

Voilà aussi pourquoi l'Eglise, non pas simplement par manière de louange, mais par un sentiment fondé sur la vérité et les faits, applique à Marie les paroles qui, dans les paraboles de Salomon, se rapportent di­rectement à la Sagesse incréée; à cette Sagesse qui, dans la création du monde, assistait l'éternel Architecte, et préparait avec lui le rétablisse­ment de ce monde dans l'ordre naturel de la grâce par une nouvelle créa­tion spirituelle.3)

Marie, dit saint Augustin, est l'Ouvrage d'un conseil éternel. Nous pou­vons nous représenter les trois personnes de la sainte Trinité se consul­tant pour combler Marie des dons les meilleurs.

Dieu le Père, se préparant à réparer le mal fait à l'homme par le péché originel, se complut en la bienheureuse Vierge Marie comme en son ai­de dans l'œuvre de la Rédemption. De toute éternité, Dieu le Père con­temple en Marie sa fille bien-aimée, qui doit le consoler du désordre pro­duit par le péché de l'homme.

De toute éternité aussi, le Fils de Dieu, ayant résolu de se faire homme, conçut l'idéal d'une mère digne de sa sagesse, de sa sainteté et de sa gran­deur; d'une mère dont la perfection répondit à son domaine souverain et à la gloire de sa divinité. Il se prépara un palais digne de lui servir d'habita­tion, en décrétant d'avance la sainteté de cette femme merveilleuse en qui il devait prendre sa nature humaine et la pureté d'âme et de corps de celle qui devait le nourrir de son lait, converser avec lui, et concourir avec lui à la réparation des maux causés par le péché. Admirons la ravissante beauté de l'âme de Marie. La sagesse divine s'est complut en elle et l'a préparée telle, quelle fut digne d'être sa Mère: Sapientia aedificavit sibi domum.4)

Honorons ces privilèges incomparables de Marie. Imitons sa pureté dans la mesure où nous le pourrons, en conservant notre cœur exempt de tout péché actuel, et la sagesse divine s'empressera de nous faire par­ticiper à la faveur de sa présence spéciale dans notre âme.

Le Saint-Esprit aussi, comme le Père et le Fils, se complut en Marie de toute éternité. Il vit, dans cette Vierge admirable, celle qui était desti­née à coopérer à la grande œuvre de l'Incarnation du Verbe. Il s'apprê­tait à former en elle le corps très pur qui devait être uni au Fils de Dieu. Aussi lui préparait-il une telle abondance de grâces que les Saints et les Anges en sont dans l'étonnement.

Ainsi les fondements de cette cité mystique, la Vierge Marie, sont pla­cés au-dessus des plus hautes montagnes, et Dieu l'honore au-dessus de tous les tabernacles de Jacob:5) elle sera au-dessus des patriarches par la foi, des prophètes par l'espérance, des martyrs par le courage, dés vier­ges par la pureté, des apôtres par le zèle, des séraphins par l'amour. L'Esprit-Saint se complaît en elle, il admire en elle l'objet de toute sa joie et de son amour. «Vous êtes toute belle et toute pure», lui dit-il. Tota pulchra es, amica mea, macula non est in te.6)

Le Saint-Esprit la prépara dans son amour; il la prépara avec une ten­dresse extrême pour se dédommager des ruines accumulées sur la géné­ration humaine. Et quand l'heure fut venue, il la créa comme un astre vivificateur au milieu des ténèbres spirituelles où était tombée l'humani­té, comme autrefois, au milieu des ténèbres du monde encore informe, il avait fait briller les rayons éclatants d'une pure lumière, destinée à don­ner à l'univers l'ornement, la beauté, la variété et la vie.

Oh! avec combien plus de joie qu'après la création du monde, Dieu put dire, au premier instant de la conception de Marie, ces mémorables paroles par lesquelles il loua la beauté des créatures: Vidit Deus quod esset bonum:7) il vit que son œuvre était belle!

Le Saint-Esprit se complaisait en son œuvre, en la beauté et la perfec­tion de cette chaste colombe, qui allait être son Epouse et la Mère du Ré­dempteur: Una est colomba mea, perfecta mea.8)

Honorons comme il convient cette Vierge que la Sainte-Trinité a prépa­rée avec tant d'amour et qu'elle a comblée de tant de grâces. Elle seule est toute aimable, au milieu de la corruption humaine, comme un lis très pur parmi les épines.

Si nous lui rendons le culte qu'elle désire le plus, en l'imitant dans son zèle à conserver et à augmenter dans notre cœur la grâce du Saint-­Esprit, elle nous obtiendra de ce Dieu sanctificateur de plus grandes for­ces et de plus grands secours actuels; elle nous obtiendra toutes les grâces nécessaires pour persévérer jusqu'à la mort dans le bien, et pour obte­nir, après une sainte mort, l'union intime, dans la connaissance et l'amour, avec cette adorable Trinité dont elle est le chef-d'œuvre et la préférée.

EXEMPLE: Le siècle de Marie Immaculée

Tous nos exemples tendront à montrer que le dix-neuvième siècle a été le siècle de Marie et qu'il a préparé le siècle du Sacré-Cœur.

Le plus grand événement du siècle aux yeux des habitants du ciel a dû être la glorification de l'Immaculée Conception de Marie, par le décret pontifical du 8 décembre 1854.

Les autres grands événements surnaturels du siècle ont préparé celui­là ou bien en ont été la conséquence.

La révélation de la médaille miraculeuse de la Vierge Immaculée en 1830, le culte du Cœur immaculé de Marie inspiré par la Sainte Vierge au pieux pasteur de Notre-Dame-des-Victoires en 1836 et l'apparition de la Vierge Immaculée au juif Ratisbonne en 1842, préparaient les esprits à la définition de l'Immaculée Conception.

Les apparitions de Lourdes venaient glorifier la Vierge Immaculée. Les merveilles de Lourdes réveillaient le culte de Marie dans le monde entier.

Le Concile était la réponse du ciel au grand acte de Pie IX. Le Pontife avait glorifié la Vierge, la Vierge glorifiait le Pontife.

La gloire de Notre-Dame de Lourdes grandissait toujours. Le monde entier accourait à Lourdes. Le monde entier élevait des autels et des sta­tues à Notre-Dame de Lourdes; et maintenant la terre doit paraître aux Anges toute constellée par les images de la Vierge Immaculée, comme le ciel nous paraît constellé par les étoiles du firmament.

Des Congrégations sans nombre se sont vouées à la gloire de Marie Immaculée.

Pour les hommes: les Bénédictins du Cœur immaculé de Marié', les Cisterciens de l'Immaculée Conception, les Enfants de Marie Immacu­lée, les Prêtres de l'Immaculée Conception.

Pour les femmes, plus de vingt Congrégations vouées à la prière ou aux œuvres les plus diverses se sont mises sous le patronage de Marie Immaculée. On compte les Auxiliatrices, les Bénédictines, les Domini­caines, les Franciscaines, les Sœurs, les Dames, les Religieuses, les Ser­vantes de l'Immaculée Conception; les Sœurs, les Filles, les Servantes, les Oblates de Marie Immaculée; les Sœurs du Cœur immaculé de Ma­rie, celles de la Vierge Immaculée.

Ces maisons sont répandues partout et proclament les gloires de Ma­rie Immaculée.

Peut-on dire, après cela, que le dix-neuvième siècle n'a pas, malgré ses erreurs et ses égarements, admirablement glorifié la Vierge Immacu­lée? Entrons dans ce courant, c'est la voie de la grâce et de l'espérance. Soyons nous-mêmes d'humbles et pieux serviteurs de la Vierge Imma­culée.

PRIÈRE: Louanges de sainte Mechtilde à Marie

Rappelez-vous, ô Marie, la joie ineffable qui vous inonda, lorsque vous vîtes pour la première fois l'adorable Trinité. Vous avez pu con­templer l'amour éternel que la Trinité sainte vous prodigua de toute étérnite, en vous choisissant pour la Mère du Verbe et l'Epouse du Saint-Esprit.

Rappelez-vous le salut de bienvenue de votre aimable Fils, de votre Père céleste et de votre Epoux. La splendeur de la divinité vous pénétra

de sa lumière la plus vive; la sainte Trinité épancha en vous la plénitude de son divin amour et vous combla de douceurs infinies, prêtes à rejaillir sur toutes les âmes qui vous les demandent. O Marie, laissez déborder sur nous votre plénitude de grâces, pour consoler nos tristesses et pour effacer nos péchés.9)

Ainsi soit-il

Un des dons que l'auguste Trinité avait préparés à Marie, c'était son nom. Ce beau nom de Marie a été choisi par Dieu lui-même, comme ce­lui de Jésus.

Comment Dieu, qui a honoré plusieurs de ses saints et notamment saint Jean-Baptiste, du privilège de recevoir de lui leur nom, n'aurait-il pas accordé la même faveur à la Mère du Rédempteur?

D'ailleurs, c'est la tradition de l'Eglise. «L'auguste nom de Marie, donné à la divine Mère, nous dit saint Liguori, est descendu du ciel et il lui fut imposé par ordre de Dieu, ainsi que l'attestent saint Jérôme,10) saint Epiphane,11) saint Antonin12) et d'autres auteurs».

«Le nom de Marie, dit sait Pierre Damien, a été tiré du trésor de la di­vinité».13) «O Marie, dit Richard de Saint-Laurent, c'est l'adorable Trini­té tout entière qui vous décerna ce beau nom, devant lequel toute créatu­re doit s'incliner».14)

(Quel est donc le sens de ce beau nom? il a deux parties, Martam. La seconde partie signifie la mer; la première a plusieurs significations, elle veut dire maîtresse, étoile, myrrhe ou amertume. Notre divine Mère est donc la maîtresse des abîmes, ce qui exprime bien les trésors sans limites dont elle est la dispensatrice; elle est la myrrhe qui préserve de la corrup­tion; elle est un abîme d'amertume pour les grandes douleurs qu'elle a souffertes pour nous.

Ce nom admirable a une efficacité incomparable pour chasser les dé­mons, pour nous exciter à la vertu, pour nous fortifier et nous protéger contre tous les périls, surtout à l'heure de la mort.

Il est aussi d'une douceur toute céleste. Saint Antoine de Padoue y trouvait les mêmes délices que saint Bernard dans le nom de Jésus. Le nom de Jésus, disait l'abbé de Clairvaux, le nom de Marie, reprenait saint Antoine, est une joie pour le cœur de ses fidèles serviteurs, il est du miel sur leurs lèvres et une mélodie à leurs oreilles.15) «On raconte du vé­nérable Juvenal Ancina, dit saint Liguori, qu'il ressentait, en prononçant le nom de Marie, une douceur sensible à ses lèvres».

A défaut de cette douceur sensible, qui est une grâce exceptionnelle, il y a une douceur spirituelle, mêlée de consolation, de joie et de confiance, que le nom de Marie fait communément ressentir à ceux qui le pronon­cent avec dévotion. - Parlant de cette douceur que lui aussi éprouvait à prononcer le nom de Marie, le bienheureux Henri Suso disait qu'il se sentait alors tout transporté de confiance et délicieusement embrasé d'amour.16) - «O admirable Marie, dit saint Bernard, on ne peut vous nommer sans que vous nous enflammiez d'amour, et ceux qui vous ai­ment ne peuvent penser à vous sans que vous combliez leur âme de joie.17)

Non seulement ce nom est très doux à l'âme, mais, comme nous l'avons dit déjà, il est une force, une consolation, une source abondante de toutes sortes de grâces. «Personne, dit saint Bonaventure, ne peut prononcer dévotement le nom de Marie sans en retirer quelque profit.18)

Le pieux écrivain, Ludolphe de Saxe, en s'adressant à la sainte Vier­ge, lui dit: «O Marie, le souvenir de votre nom console ceux qui sont dans l'affliction, il remet sur le chemin du salut ceux qui s'égarent, et il empêche les pécheurs de s'abandonner au désespoir!».19)

On applique au nom de Marie, dans la sainte liturgie, ce texte du Cantique des Cantiques: «Votre nom est comme l'huile répandue».20) «Si l'Esprit-Saint, dit Alain de la Roche en commentant ces paroles, compa­re ce glorieux nom à une effusion d'huile, c'est parce que l'huile d'olive guérit nos blessures, exhale une agréable odeur et nourrit la flamme, et que semblablement le nom de Marie guérit les pécheurs, réjouit nos cœurs et nous enflamme du divin amour».21)

Ce beau nom chasse les démons et attire les anges. «Les démons ont une telle frayeur de la Reine du ciel, dit Thomas à Kempis, qu'à peine entendent-ils proférer son auguste nom, ils prennent la fuite comme pour échapper à un feu dévorant».22)

Recourons donc souvent à ce nom béni, tombé du ciel pour notre salut.

C'est de la sainte Vierge elle-même que sainte Brigitte apprit la puis­sance de son nom. «Il n'y a pas sur la terre, lui dit Marie, de pécheur tel­lement froid dans l'amour de Dieu, qu'il ne puisse, en invoquant mon nom avec la bonne volonté de se convertir, forcer le démon de s'enfuir aussitôt». Et pour faire encore mieux comprendre quelle vénération et quelle terreur son nom inspire à l'enfer, Marie lui dit une autre fois: «Tous les démons tremblent devant mon nom, tellement que, s'il vient à retentir, les voilà contraints aussitôt de relâcher l'âme qu'ils tenaient dé­jà captive dans leurs griffes». Si les anges rebelles s'éloignent des pé­cheurs qui invoquent le nom de Marie, il arrive par contre, quand les âmes justes le prononcent dévotement, que les bons anges s'empressent encore davantage auprès d'elles, selon ce que Notre-Seigneur daigna ré­véler également à sainte Brigitte: «Dès qu'ils entendent des âmes justes prononcer mon nom, les bons anges se serrent autour d'elles».23)

D'après saint Germain, comme la respiration est le signe de la vie, ainsi l'invocation fréquente du nom de Marie est un signe de la présence actuelle, ou tout au moins prochaine, de la divine grâce dans une âme; car ce nom puissant a la vertu d'aider et de ranimer ceux qui l'invoquent avec dévotion: «De même donc, dit le saint, que la respiration de notre corps témoigne de sa vitalité, de même, ô Marie, votre nom très saint, que vos serviteurs ont sans cesse à la bouche, témoigne de la vie qui les anime et de l'assistance que Dieu leur accorde, et au besoin il leur ob­tient et leur assure l'une et l'autre».24)

Suivons donc fidèlement le sage conseil que nous donne saint Ber­nard: «Dans les périls, dans les tentations, dans les difficultés, pense à Marie, invoque Marie. Que son nom soit sans cesse sur tes lèvres et qu'elle-même soit toujours dans ton cœur».25) Oui, à chaque fois que nous sommes en danger de perdre la divine grâce, élevons notre pensée vers Marie, invoquons son nom sacré conjointement avec le nom de Jésus, car ces deux noms ne se séparent pas. Que jamais donc ces deux noms si doux et si puissants de Jésus et de Marie ne s'éloignent de notre cœur, ni de nos lèvres; car toujours ils nous donneront la force de tenir en échec et de vaincre tous nos ennemis. - Dans nos derniers moments en particulier, ces noms bénis, prononcés avec bonne volonté, nous pro­cureront une mort calme et toute sainte.26)

EXEMPLE: Le siècle de la maternité de Marie

La bonté maternelle de Marie n'a jamais fait défaut à l'Eglise et aux âmes, mais il semble que dans le dix-neuvième siècle la sollicitude ma­ternelle de Marie s'est montrée plus empressée encore et plus dévouée que jamais.

Dans quel siècle est-elle intervenue, pour le salut des âmes et des so­ciétés, comme elle l'a fait au dix-neuvième siècle à Lourdes, à La Salet­te, à Paris, à Pontmain, à Pompei?

Dans quel siècle s'est-elle montrée si présente et si bienfaisante dans une infinité de sanctuaires où la reconnaissance des fidèles s'est manife­stée par des milliers d'ex voto? Dans quel siècle s'est-elle autant multipliée sous la forme de milliers et milliers de religieuses, qui sont comme son ombre et sa main pour donner des soins matériels à toutes les faiblesses et à toutes les misères, aux orphelins, aux malades, aux vieillards, aux infirmes, aux sourds-muets, aux aveugles, aux prisonniers, aux enfants du peuple et à toutes les épaves de la misère et du vice?

En 1830, elle apporte à tous ses enfants la médaille miraculeuse; en 1836, elle vient à Paris se charger de la conversion des pécheurs au sanc­tuaire de Notre-Dame-des-Victoires; en 1846, elle pleure avec nous à La Salette; en 1858, elle ouvre à Lourdes, une source de guérisons, de mira­cles et de conversions; en 1871, elle nous encourage à l'espérance à Pont­main; en 1876, elle recommande le Rosaire et le relèvement des classes ouvrières à Pompéi.

Apôtre infatigable, elle entreprend les missions les plus variées, elle se fait Notre-Dame de l'Usine, Notre-Dame des Champs, Notre-Dame du Travail.

En vingt ou trente endroits, elle s'appelle Notre-Dame de Grâce, Notre-Dame de Pitié, Notre-Dame de Consolation, Notre-Dame de Bon-Secours.

Dans la personne des vierges qui la représentent, elle se fait sœur et fille de la Charité, de la Compassion, du Refuge, de la Miséricorde. Elle est auprès de toutes les misères et de toutes les souffrances. Elle est la mère de ceux qui n'en ont pas, la sœur de tous les affligés, la gardienne des malades, l'éducatrice des pauvres.

O Marie, quand aurez-vous été plus mère que dans le dix-neuvième siècle?

Plus courageuse que Judith et que Jeanne d'Arc, vous êtes partout à la fois pour le salut des âmes et des peuples. Plus zélée et dévouée que saint Paul, vous pouvez dire: «Je me suis faite tout à tous, pour vous sauver tous».

PRIÈRE De saint Alphonse de Liguori

Marie, ma mère bien-aimée, et vous aussi, ô mon bien-aimé Jésus, que vos très doux noms vivent toujours dans mon cœur et dans le cœur de tous les hommes! Que mon âme oublie tous les autres noms pour ne se rappeler que vos noms adorés et les invoquer sans cesse! Ah! mon Jésus, mon Rédempteur, et vous, ô Marie, ma mère bien-aimée, quand arrivera pour moi ce moment de la mort où, exhalant mon dernier souf­fle, je devrai quitter ce monde oh! alors par vos mérites accordez-moi cette grâce que ma bouche s'ouvre une fois encore pour dire et redire: Je vous aime Jésus, Marie! Jésus, Marie, je vous donne mon cœur et mon âme.

Ainsi soit-il

«Ayant arrêté le dessein de l'Incarnation, dit saint François de Sales, Dieu pouvait produire en plusieurs façons l'humanité de son fils, comme par exemple, en le créant de rien, tant pour le corps que pour l'âme, ou bien en formant son corps de quelque matière existante, comme il fit pour celui d'Adam; mais il préféra lui donner une mère, pour manifester davantage sa bonté et son infinie sagesse».

Dieu nous montre sa bonté en élevant Marie, une simple créature pri­se parmi nous, à la dignité sublime de Mère de Dieu. Il nous manifeste sa sagesse en opposant à l' œuvre fatale de notre première mère, l'œuvre réparatrice de Marie.

«L'ouvrage de notre conception commence par Eve, dit Bossuet, l'ou­vrage de la réparation par Marie; la parole de mort est portée à Eve, la parole de vie à la sainte Vierge… L'ange de ténèbres veut élever Eve à une fausse grandeur, en lui faisant accepter la divinité: Vous serez comme des Dieux. L'ange de lumière établit Marie dans la véritable grandeur par une société avec Dieu: Le Seigneur est avec vous. L'ange de ténèbres, par­lant à Eve, lui inspire un dessein de rebellion; l'ange de lumière, parlant à Marie, lui persuade l'obéissance. Eve croit au serpent, Marie à l'ange. Eve, séduite par le serpent, est contrainte de fuir devant la face de Dieu; et Marie, instruite par l'ange, est rendue digne de porter Dieu. Eve nous ayant présenté le fruit de mort, Marie nous présente le fruit de vie».

Le Fils de Dieu nous manifeste aussi admirablement sa tendresse pour nous, en se faisant petit enfant et notre frère par le sang.

«Quoi de plus conforme à sa bonté, s'écrie le grand orateur Mac­Carthy, que de naître d'une mère mortelle et dans l'état de l'enfance! Il semblerait peut-être, à consulter les idées humaines, qu'il eût été plus di­gne du Verbe incarné de recevoir un corps immédiatement formé des mains de Dieu, comme celui du premier Adam, et de venir au monde comme lui dans l'état d'homme parfait. Mais si telle eût été sa naissan­ce, il n'eût point contracté d'union intime et indissoluble avec notre na­ture; il nous aurait été semblable, il est vrai, mais il serait demeuré étranger à notre sang et à notre race, et nous n'aurions pu qu'impropre­ment nous dire ses cohéritiers et ses frères; au lieu que, recevant le jour d'une fille d'Adam, il a voulu être, ô prodige d'amour! l'os de nos os et la chair de notre chair. Il a voulu s'incorporer avec nous, appartenir vé­ritablement à la famille du genre humain. Pouvait-il porter plus loin la bonté? Le ravissement du prophète redoublait en considérant cet adora­ble Rédempteur sous les humbles et aimables traits de l'enfant au ber­ceau; il s'écriait: Parvulus natus est nobis, un petit enfant nous est né! O le doux spectacle, en effet! Qui ne serait ému jusqu'aux larmes en voyant la Divinité, si grande, si redoutable par elle-même, réduite par l'amour à ce qu'il y a de plus petit dans l'humanité?27)

Marie est donc la Mère de Dieu. La Sainte Ecriture l'appelle souvent la mère du Christ, et le Christ est Dieu. Le Concile d'Ephèse a confirmé ce titre donné à Marie par la tradition. Et c'est ce privilège incompara­ble de la maternité divine, qui fait de Marie la Reine de toutes les créatu­res, et qui est la source et la cause de toutes ses grandeurs, de toutes ses grâces, de sa puissance et de sa gloire.

La Maternité divine a donné à Marie les relations les plus intimes avec l'auguste Trinité. «O Marie, s'écrie Bossuet, quand j'aurais l'esprit d'un ange de la plus sublime hiérarchie, mes conceptions seraient im­puissantes à comprendre l'union très parfaite du Père éternel avec vous. Vous associant à sa génération éternelle, il vous a fait mère d'un même fils avec lui… O prodige, ô abîme de charité! … il a voulu que vous fus­siez la mère de son Fils unique et être le Père du vôtre».28)

Nous reviendrons sur l'union de Marie avec le Verbe, quand nous la saluerons comme Mère du Christ. Signalons encore aujourd'hui l'union que sa Maternité divine lui confère avec le Saint-Esprit dont elle devient l'épouse; car ce titre lui est bien dû, puisqu'elle a conçu son divin Fils par l'opération mystérieuse du Saint-Esprit.

O Marie, quand je contemple en vous cette éminente dignité de Mère de Dieu, ma vénération, ma confiance et mon amour pour vous sont sans limites et je me sens impuissant à vous les exprimer.

Les conséquences de cette dignité de Marie nous offrent un thème presque infini.

«Ni l'esprit ne peut concevoir, dit saint Augustin, ni la langue ne peut exprimer tous les effets de cette dignité». «C'était, disent saint Bonaven­ture,29) saint Anselme, et saint Bernardin30) et d'autres saints docteurs, la plus grande grâce à laquelle Dieu pût élever une créature». - «A quel degré plus haut, dit saint Liguori, pouvait monter une créature qu'à ce­lui de Mère de son Créateur?31)

Ce beau titre fait de Marie la Reine de toutes les créatures. «Si celui qui est né de la Vierge est Roi, dit saint Athanase, cette mère qui lui a donné naissance est véritablement Reine et Maîtresse».

Saint Damascène, saint Anselme et saint Augustin disent la même chose: «Marie est devenue la Maîtresse et la Reine de toutes les créatures en devenant la Mère du Créateur».32)

Les titres du Christ à la royauté appartiennent dans une certaine me­sure à Marie. Son premier titre est sa dignité d'Homme-Dieu; la dignité de Mère de Dieu donne aussi à Marie la supériorité sur toutes les créatu­res. Le second titre du Christ est la Rédemption. Il nous a achetés au prix de son sang. Mais Marie, remarque saint Bernard, nous a ouvert la source de la miséricorde en nous donnant le Christ. Elle est donc la co­rédemptrice et ses droits sont analogues à ceux du Christ.

Enfin la Maternité divine de Marie est la raison de sa puissance d'in­tercession. Les prières des Saints sont puissantes auprès de Dieu, et ce­pendant ce ne sont que des prières de serviteurs; mais celle de Marie sont des prières de Mère. Saint Antonin disait que «la prière de Marie a sur le cœur de Jésus la force d'un commandement.33) Aussi regardait-il comme une chose impossible que la divine Mère demande à son Fils une grâce et que son Fils lui réponde par un refus. «Impossible, disait-il, que la Mère de Dieu ne soit pas exaucée». Voilà pourquoi saint Bernard nous exhorte à demander, par l'intermédiaire de Marie, toutes les grâ­ces que nous désirons obtenir de Dieu. «Cherchons la grâce, s'écrie-t-il, mais cherchons-la par Marie, car elle est mère; toujours elle est exaucée et il ne se peut pas qu'elle essuie un refus».34)

Auguste Mère de Dieu, priez Jésus pour moi. Voyez les misères de mon âme, et ayez pitié de moi. Oui, priez et ne cessez jamais de prier pour moi, tant que vous ne me verrez pas au ciel assuré de mon salut éternel. O Marie, vous êtes mon espérance, ne m'abandonnez pas.35)

EXEMPLE: Le siècle de la Royauté de Marie

Le dix-neuvième siècle a bien été aussi le siècle de la royauté de Marie.

Un roi a des statues et des palais, une administration et une armée. Il reçoit des hommages et des couronnes. Telle fut Marie.

On peut appeler statues royales celles qui s'élèvent, couronne en tête, au dessus de tous les autres monuments, pour recevoir les hommages des peuples. C'est ainsi que Notre-Dame du Puy, la reine de France, se dresse sur le rocher Corneille, Notre-Dame de Fourvières sur sa colline, Notre-Dame de Boulogne sur sa coupole, Notre-Dame du Havre sur son promontoire, et d'autres encore sur des montagnes ou sur des tours élevées.

Des palais: le dix-neuvième siècle a restauré et rajeuni les splendides cathédrales, qui sont les plus beaux palais du monde, à Paris, à Reims, à Amiens, à Chartres, à Laon, à Rouen, à Milan.

Il a élevé partout de nouveaux sanctuaires à Marie qui sont de splen­dides palais ornés avec toute la richesse de l'art moderne et dont plu­sieurs ont coûté des millions. Quelques-uns se présentent de suite à notre pensée: Lourdes, Fourvières, Boulogne, la Salette, Pontmain, Notre-­Dame de la Garde, Notre-Dame de Brébières, Issoudun, Notre-Dame de la Treille, Notre-Dame d'Afrique, Notre-Dame de Pompéi et de Campo-Cavallo; et je pense que nous pouvons ajouter: et cent autres.

Une reine a son administration et son armée. La sainte Vierge comp­te, rien qu'en France, un millier de pèlerinages. Il y en a qui attirent à eux des fidèles de toute la nation, d'autres exercent leur influence sur un diocèse, sur un arrondissement, sur une cité. N'est-ce pas une admimi­stration imposante?

N'est-ce pas une armée que toutes les communautés d'hommes et de femmes et toutes les congrégations de jeunes gens et de jeunes filles qui sont au service de Marie?

Une reine reçoit des hommages et des couronnes. Après Dieu, qui a reçu plus d'hommages que Marie au dix-neuvième siècle? Les vieilles nations catholiques lui étaient déjà consacrées. La France a renouvelé sa consécration à Chartres le 27 mai 1873. Cent cinquante députés y assis­taient. Les nations nouvelles ont fait leur acte d'hommage: la Bolivie en 1870, l'Equateur en 1892, le Congo belge en 1891. L'Angleterre catholi­que a renouvelé sa consécration en 1893 et elle a reconnu la Sainte Vier­ge pour sa Reine douairière.

Aux mois de mai et d'octobre, l'hommage des fidèles à Marie est quo­tidien.

Et des couronnes? Rien qu'en France, plus de soixante statues véné­rées de la sainte Vierge ont reçu les honneurs du couronnement solen­nel. En présence de foules immenses et enthousiastes qui acclamaient leur reine, des couronnes d'or scintillantes de pierreries ont été posées sur le front de Marie.

O notre Reine, nous sommes à vous, secourez-nous. Régnez sur nos âmes et sur notre patrie par votre douce influence et par votre sollicitude maternelle.

PRIÈRE De saint Anselme

Secourez-nous, ô Vierge pleine de miséricorde, secourez-nous, sans avoir égard à la multitude de nos péchés. Pensez que notre Créateur a pris de vous la chair humaine, non pour condamner les pécheurs, mais pour les sauver. Si vous eussiez été élevée à la dignité de Mère de Dieu pour votre seul avantage, on pourrait peut-être dire qu'il vous importe peu que nous soyons sauvés ou damnés; mais Dieu s'est revêtu de votre chair pour notre salut et pour celui de tous les hommes. De quoi nous serviront cette puissance et cette gloire dont vous jouissez, si vous ne nous faites partager votre bonheur? Assistez-nous donc et protégez-­nous; vous savez combien nous avons besoin de votre secours. Nous nous recommandons à vous: faites que nous ne nous damnions pas, mais que nous servions et que nous aimions éternellement votre divin Fils Jésus.

Ainsi soit-il

La prédestination de Marie à la Maternité divine n'était pas séparée de la prédestination à une virginité éminente. L'auguste Trinité voulait faire de Marie la Mère de Dieu, mais elle voulait que cette Mère de Dieu, possé­dât au plus haut degré tous les charmes et toutes les grâces de la virginité.

Dieu nous avait révélé son dessein par le prophète Isaïe: «Voici qu'une Vierge enfantera, elle mettra au monde un fils et ce fils sera le Sauveur Jésus».36)

Marie devait donc être la Vierge par excellence et en même temps la Vierge Mère.

L'Eglise l'appelle la Vierge des vierges.

Les Pères de l'Eglise, saint Jérôme, saint Ambroise, saint Jean Dama­scène, et d'autres, l'appellent le porte-étendard de la virginité, la maîtresse et le modèle des vierges.

On peut dire que Marie est la Vierge des vierges, parce qu'elle fut la première à s'obliger par vœu à la virginité; parce qu'elle a pratiqué cette vertu d'une manière éminente et parce qu'elle a aimé la virginité plus qu'aucune autre vierge ne l'a aimée.

La chasteté est une vertu qui a pour effet particulier de rendre l'homme semblable aux anges. La virginité, qui consiste dans la chasteté perpétuel­le et parfaite, favorise toutes les vertus et élève l'homme à une pureté qui le rapproche singulièrement de la pureté infinie de Dieu. Marie, conduite en tout par l'Esprit-Saint, ne pouvait être dépourvue de cette vertu angé­lique et divine. Non seulement elle fut toujours vierge, mais dès son bas âge, elle se consacra à Dieu par le vœu de virginité perpétuelle.

Elle fut la première parmi les filles des Hébreux à choisir la virginité. Elle voulut s'y obliger par vœu, tant son cœur était détaché de toute af­fection humaine et rempli de l'amour de Dieu. Voulant être toute à Dieu, elle lui donna de bonne heure tous les droits qu'elle pouvait avoir sur sa propre personne.

L'Eglise ne met pas en doute ce vœu de virginité. Quand l'ange vient annoncer à Marie la grâce que Dieu lui offre d'être la Mère de Dieu, elle répond: «Je n'ai pas de rapports avec les hommes». Cette réponse n'au­rait pas de sens, s'il ne s'agissait pas d'une résolution irrévocable et d'une promesse faite à Dieu. «Marie n'aurait pas dit cela, dit saint Au­gustin, si elle n'avait pas voué à Dieu sa virginité».

Les Pères de L'Eglise pensent aussi que Marie fut la première à émet­tre ce vœu.

On interprète ainsi ce passage du psaume: «Des vierges seront offertes au Roi après elle»,37) c'est-à-dire après la Reine qui la panière a dédié sa virginité au souverain Roi.

Saint Ambroise a dit: «C'est Marie qui la première a levé l'étendard de la virginité». Et saint Jean Damascène: «Vous êtes, ô Marie, la plante vivace de la virginité, dont la semence s'est répandue au loin». Saint An­selme disait au Christ: «Vous êtes descendu du trône de votre gloire vers une humble vierge, marquée avant toute autre par le sceau du vœu de virginité».38)

Non seulement Marie a fait la première le vœu de virginité, mais elle a pratiqué cette vertu à un degré suréminent. Son intention était si pure, ses sens si complètement soumis! Elle inspirait la vertu qu'elle prati­quait. Et Dieu veillait si bien sur Celle dans le sein de laquelle son Fils devait reposer!

Enfin, elle aima cette vertu plus que toute autre vierge. Les Pères de l'Eglise en font la remarque à propos de sa réponse à l'ange.

Sans s'arrêter à peser les avantages que lui apporterait la Maternité divine, Marie réclame avant tout sa virginité.

Elle est vraiment la Vierge des vierges, et sa virginité si parfaite lui a gagné le cœur de Dieu.

Ames chrétiennes, si vous avez gardé jusqu'ici la virginité, rappelez­vous que ce trésor doit être porté avec précaution. «Il est plus précieux que tout l'or de la terre», dit la sainte Ecriture,39) et il se perd si facile­ment!

Contemplez donc sans cesse Marie et apprenez d'elle à plaire à Dieu, en conservant votre cœur pur dans toutes ses affections.

Si, au contraire, vous avez déjà sur ce point de grands sujets de confu­sion, ne perdez pas confiance pour cela; recourez à Marie et priez-la d'user de sa toute-puissante protection pour guérir votre pauvre et misé­rable cœur.

Contemplons quelques instants la jeune Vierge pendant son séjour au Temple après son vœu de virginité.

Les anges du ciel qui planaient sur le sanctuaire, découvraient déjà dans cette douce et frêle créature la Vierge d'Isaïe, l'Ève céleste, qui ve­nait effacer la faute que l'Ève terrestre n'avait pu laver de ses pleurs, la fille adoptive et préférée de Dieu. Pénétrés de joie en voyant luire enfin l'aurore de la Rédemption du monde, les chœurs angéliques saluaient avec respect cette jeune plante, née de la racine de Jessé, qui allait croître aux pieds des autels du Très-Haut, comme l'olivier de la paix et de l'alliance renouvelée. Ils saluaient aussien elle le modèle de toutes les vierges qui allaient mener sur la terre la vie angélique.

L'engagement solennel qu'avait pris Marie devait servir en effet de mo­dèle, dans le cours des siècles, à cette multitude de vierges qui se dévouent sans réserve à Dieu, en se retirant dans la maison du Seigneur, comme dans un port de salut et dans un saint asile contre les dangers et les séduc­tions du monde. Dans une sage défiance d'elles-mêmes, et dans la crainte de regarder en arrière, elles ont voulu s'attacher au Seigneur, comme Ma­rie, par des liens indissolubles. A sa suite, dit le prophète, paraîtront une multi­tude de vierges; ô Roi, les compagnes de l'épouse vous seront présentées.40)

Depuis la consécration de Marie dans le Temple, l'usage de mener une vie angélique dans des corps humains s'est répandu dans le monde entier. A la rencontre de combien de vierges ira au dernier jour, la pre­mière des Vierges, la Vierge des vierges, la glorieuse Marie!

Elle les accueillera et les présentera à son divin Fils en lui disant: «Celles-ci ont préféré la virginité à l'honneur de toute autre alliance, je vous demande qu'elles soient auprès de moi dans le ciel». Et Marie entonnera avec elles le cantique de l'Agneau, qui est l'épithalame des vierges.

Que nous ayons ou non cette vocation spéciale, imitons dans la mesu­re de notre grâce cette vie de Marie dans le Temple. Dieu remplissait son esprit et son cœur; sa prière montait fervente vers Lui comme un encens parfumé; ses occupations lui étaient offertes et consacrées. Elle ne perdait pas de vue son union avec Dieu. Son âme, exempte du tumulte des passions, écoutait en silence la voix de l'Esprit-Saint; elle vivait et conversait toujours sous le regard de Dieu. Imitons ces admirables di­spositions de la Vierge des vierges.

EXEMPLE: Les couronnements de Marie

«Le souvenir d'un beau jour est encore une fête!».41) Voilà pourquoi, ô notre Reine, vous conserviez et repassiez dans votre esprit le souvenir des mystères de Notre-Seigneur;42) voilà pourquoi aussi l'Eglise, pour remplir votre cœur de joie, nous invite à vous rappeler souvent, dans la récitation du Rosaire, les grands jours de votre vie et de celle du Sau­veur.

Par le même principe, nous pouvons offrir aussi aujourd'hui à vos lè­vres une coupe remplie d'un délicieux breuvage, en vous rappelant les enthousiasmes et les effusions de piété et d'amour qui ont éclaté dans toutes les fêtes de couronnement célébrées depuis un siècle en beaucoup de vos sanctuaires.

Le Sainte-Siège accorde donc les honneurs d'un couronnement royal aux images de la Vierge qui sont les plus vénérées et les plus miraculeu­ses. Au dix-septième et au dix-huitième siècles, c'est l'Italie qui a sou­vent profité de cette faveur; au dix-neuvième siècle, c'est la France.

Soixante-dix fois depuis 1850, l'une ou l'autre de nos provinces a cou­ronné sa Reine céleste.

Les sacres des rois n'ont pas plus d'éclat. Cinq, dix, trente évêques parfois se réunissaient; vingt mille, trente mille, parfois cent mille fidèles venaient processionner, prier, chanter les louanges de Marie. Les cœurs étaient ardents, les yeux mouillés de larmes; et souvent des miracles ré­compensaient la foi des assistants.

O Marie, rappelez-vous vos grands jours, et il ne sera pas possible que vous ne preniez pas cette pauvre France en compassion. Rocamadour, le vieux pèlerinage de nos preux, commence en 1853, avec Notre-Dame-des Victoires et Notre-Dame du Puy. Trois ans après, on élevait au Puy votre grande statue de Reine, fondue en bronze avec 200 canons de Sébastopol.

En 1854, c'est Chartres où l'on vous aime, ô Marie, depuis le temps des vieux Gaulois, Chartres, où l'église qui vous abrite est peut-être le plus beau palais du monde.

Puis les couronnes de Reine vont se placer sur vos images du nord au midi, de l'est à l'ouest. A Liesse en 1857, il y a 50.000 pèlerins et les chroniques disent que rien dans ce siècle n'a égalé la splendeur de cette fête. A Lourdes cependant, il y a 100.000 pèlerins et à Boulogne aussi 100.000. Nous faisions dire vos louanges par nos plus éloquents ora­teurs; souvent des sanctuaires nouveaux et somptueux vous étaient of­ferts en même temps que des couronnes. Le plus souvent aussi, la société civile était de la fête: les préfets, les généraux, les amiraux saluaient vo­tre royauté.

Si nous entrions dans le détail de ces fêtes, nous rencontrerions, à Notre-Dame du Laus, 6 évêques, 600 prêtres, et 40.000 pèlerins du Dauphiné; à Notre-Dame-d'Espérance de Saint-Brieuc, à Notre-Dame du Folgoët, c'est la Bretagne; à Notre-Dame-de-Bon-Secours de Rouen, à Notre-Dame-de-la Délivrance, c'est la Normandie; à Notre-Dame­des-Gardes, c'est l'Anjou; à Notre-Dame-du-Bon-Secours de Nancy, à Notre-Dame de Sion, à Notre-Dame de Benoite-Vaux, c'est la Lorraine et l'Alsace, qui sont représentées par des foules de 40 à 60.000 pèlerins. Mais nous ne finirions pas.

Conservez en votre cœur, ô Marie, le souvenir de ces soixante-dix grandes journées et prenez en pitié la pauvre France.

PRIÈRE De saint Ephrem

O Vierge immaculée et toute pure, Marie, Mère de Dieu, vous êtes élevée au-dessus de tous les saints; vous êtes l'unique espérance des pé­cheurs et la joie des justes; c'est par vous que nous avons été réconciliés avec Dieu. O grande Princesse, Mère de Dieu, couvrez-nous des ailes de votre miséricorde, ayez compassion de nous. Nous vous appartenons, vous ayant été donnés et étant consacrés à votre culte; nous portons le ti­tre de vos serviteurs; ne permettez pas que Lucifer nous entraîne dans le feu éternel. O Vierge Immaculée, nous sommes sous votre protection; c'est pourquoi nous avons recours uniquement à vous, et nous vous sup­plions d'empêcher que votre divin Fils irrité par nos crimes nous aban­donne au pouvoir du démon.

Vous êtes notre espérance, secourez-nous et sauvez-nous.

Ainsi soit-il

Quand nous avons médité sur le beau titre de Mère de Dieu, nous avons surtout considéré la dignité et la gloire qui en reviennent à Marie. Aujourd'hui, en méditant sur le titre de Mère du Christ, nous nous arrête­rons plutôt à l'union merveilleuse qui existe entre Marie et son divin Fils, et ce sera encore, sous une autre forme, proclamer la gloire de Marie.

Cette union est sans comparaison au-dessus de toute autre union des saints avec Dieu. Les Pères de l'Eglise ont exalté cette union dans les ter­mes les plus saisissants.

«Le Fils est la substance de sa Mère, dit saint Pierre Damien, et la Mère est la substance de son Fils: Jésus et Marie sont donc une même chose». - Saint Bernard disait à Marie: «Combien vous êtes familière au Christ, combien proche, combien intime! Il demeure en vous et vous en lui; vous le revêtez et vous êtes revêtue par lui; vous le revêtez de vo­tre chair, et il vous revêt de la gloire de sa majesté; vous revêtez le soleil d'une nuée, et vous êtes vous-même revêtue par le soleil».

Saint Pierre Damien a dit encore: «Dieu est en toutes choses de trois manières (par son essence, par sa présence et par sa puissance), il a été en Marie d'une quatrième manière, par l'identité». Et ce saint ajoute: «Que toute créature tremble et se taise: qui osera mesurer l'immensité de cette dignité!».43)

Saint Bernardin considère aussi une quadruple union de Marie avec son fils: dans l'Incarnation, dans la Conversation, dans la Passion et dans la Gloire:

Dans l'Incarnation, par l'identité de la chair, parce que la chair de Marie est devenue celle du Fils de Dieu.

Dans la Conversation, par la familiarité. Marie a nourri et allaité Celui qu'el­le avait mis au monde, elle l'a réchauffé, elle l'a couché dans la crèche, elle l'a habillé, elle l'a transporte en Egypte, elle l'a entouré pendant toute son en­fance de son affection maternelle. Elle a été sa compagne inséparable, elle a prié avec lui, jeûné avec lui, mangé avec lui. Avec lui elle s'est livrée à l'orai­son, à la contemplation, aux œuvres saintes. Que de jours et de mois bénis pendant lesquels elle a conversé avec son Fils dans la Même maison!

Dans la Passion, par sa compassion. Les disciples et les amis s'enfui­rent, Marie demeura. Elle endura avec son Fils la même Passion, lui dans sa chair, elle dans son cœur. Aussi saint Chrysostome, dans le my­stère de la sainte Passion de Notre-Seigneur, considère deux autels, ou deux sacrifices: l'un dans lequel le corps du Christ était offert sur la croix, l'autre dans lequel l'âme de Marie était transpercée par le glaive de la compassion.

Dans la Gloire, par la béatitude. Car elle a été élevée jusqu'au trône royal: «La Reine, dit le psaume, s'est assise à la droite du Roi, en un vê­tement d'or rehaussé de broderies».44)

Cette union de Jésus et de Marie, en particulier par l'identification morale de leurs cœurs, est le caractère le plus original de la dévotion prêchée par le Père Eudes.

Voici comment le vénérable Père expose cette union:

«Il n'est pas juste de séparer deux choses que Dieu a jointes si étroite­ment par les liens les plus forts et par les nœuds les plus serrés de la na­ture, de la grâce et de la gloire; je veux dire: le divin Cœur de Jésus, Fils unique de Marie, et le Cœur virginal de Marie, Mère de Jésus; le Cœur du meilleur Père qui puisse être, et de la meilleure Fille qui fut et qui se­ra jamais; le Cœur du plus divin de tous les époux et de la plus sainte de toutes les épouses; le Cœur du plus aimable de tous les enfants et de la plus aimante de toutes les mères; deux Cœurs qui n'en font qu'un , non pas en unité d'essence, telle qu'est l'unité du Père et du Fils, mais en unité de sentiment, d'affection et de volonté».45)

Cette union, nous devons l'imiter, nous devons avoir avec Jésus et Marie un seul cœur par la conformité à leur volonté, par la docilité con­stante à leur conduite. Tel doit être l'objet de nos méditations et de notre vie intérieure.

La Bienheureuse Marguerite-Marie a connu aussi cette admirable union des Cœurs de Jésus et de Marie. «Un jour de la fête du Cœur de la Très Sainte Vierge, dit-elle, après la sainte communion, Notre­-Seigneur me fit voir trois cœurs, dont celui qui était au milieu paraissait très petit et presque imperceptible. Les deux autres étaient tout lumi­neux et éclatants; l'un surpassait incomparablement l'autre, et j'entendis ces paroles: C'est ainsi que mon pur amour unit ces trois cœurs pour toujours! Les trois n'en firent qu'un. Cette vue dura assez longtemps, et m'inspira des senti­ments d'amour et de reconnaissance qu'il me serait difficile d'exprimer». Les deux cœurs lumineux sont évidemment les sacrés Cœurs de Jésus et de Ma­rie, et le plus petit celui de la bienheureuse qui s'y allait abîmer.46)

Saint François de Sales aussi aimait à contempler l'union du Cœur de Jésus et du Cœur de Marie. Nous lisons dans son Traité de l'amour de Dieu: - «Si l'on peut dire des premiers chrétiens qu'ils n'avaient qu'un cœur et une âme, à cause de leur parfaite et mutuelle dilection; si saint Paul ne vivait plus lui-même, et si Jésus-Christ vivait en lui, à cause de l'extrême union de son cœur à celui de son maître, union par laquelle son âme était comme morte en lui-même pour vivre dans le Cœur du Sauveur qu'elle aimait, ô vrai Dieu! combien est-il plus véritable que la sacrée Vierge n'avait qu'une âme, qu'un Cœur et une vie avec son Fils, en sorte que cette sainte Mère en vivant ne vivait pas, mais que son Fils vivait en elle! Mère la plus aimante et la plus aimée qui pouvait jamais être, mais aimante et aimée d'un amour incomparablement plus émi­nent que celui de tous les Ordres des anges et des hommes, puisque les noms de Mère unique et de Fils unique sont aussi des noms au-dessus de tous les noms, en matière d'amour».

Un peu plus loin, saint François de Sales dit encore: «A qui de tous les Séraphins appartient-il de dire au Sauveur: Vous êtes mon vrai Fils, et je vous aime comme mon vrai Fils? Et à qui de toutes les créatures fut-il jamais dit par le Sauveur: Vous êtes ma vraie Mère toute mienne, et je suis votre vrai Fils tout vôtre? Si donc un serviteur aimant osa bien dire, et le dit en vérité, qu'il n'avait point d'autre vie que celle de son maître, combien hardiment et ardemment devait s'écrier cette Mère: Je n'ai point d'autre vie que la vie de mon Fils, ma vie est toute en la sienne, et la sienne est toute en la mienne; car, ce n'était plus union, mais unité de Cœur, d'âme et de vie entre cette Mère et ce Fils».

Oh! comme cette union fait bien ressortir la grandeur et la dignité de la Mère du Christ!

Pour nous, imitons autant que nous le pouvons l'union du Cœur de Marie avec son divin Fils et soyons avec saint Paul des serviteurs si ai­mants du Christ que nous puissions dire aussi: «Je ne vis plus, c'est Jésus-Christ qui vit en moi».

EXEMPLE: La médaille miraculeuse

Une des premières manifestations de la Sainte Vierge au dix-neuvième siècle est celle où elle nous recommanda la médaille miracu­leuse. La diffusion de cette médaille devait ranimer la dévotion à l'Im­maculée Conception et préparer la définition de ce dogme de notre foi.

C'est en 1830, en cette année de révolution, durant laquelle s'accom­plirent tant d'actes impies, que Marie vient inaugurer l'ère des miséricordes. Comme un arc-en-ciel sur un horizon tout chargé d'orages elle apparaît à une jeune novice des Filles de la charité, la Sœur Catherine Labouré, pour lui apporter une promesse de bénédiction, un gage de salut.

La sœur vit pendant l'oraison un tableau représentant la Vierge im­maculée, vêtue d'une robe blanche et d'un manteau bleu, avec un voile rose comme l'aurore. Les mains étendues de la Vierge lançaient vers le globe terrestre des rayons éclatants.

La sœur entendit une voix qui lui disait: «Ces rayons sont le symbole des grâces que Marie obtient aux hommes, et le point du globe où ils dé­coulent plus abondamment c'est la France». Autour du tableau la voyante lut l'invocation: «O Marie, conçue sans péché, priez pour nous qui avons recours à vous!». Le tableau se retourna et sur le revers la sœur vit la lettre M surmontée d'une petite croix; au-dessous étaient fi­gurés les saints Cœurs de Jésus et de Marie. La voix céleste se fit enten­dre de nouveau et dit: «Il faut faire frapper une médaille sur ce modèle, et les personnes qui la porteront indulgenciée et feront avec piété cette courte prière, jouiront d'une protection toute spéciale de la Mère de Dieu».

Quelques mois après, la sœur eut la même apparition. La voix céleste ajouta que la sainte Vierge n'était pas contente de ce qu'on négligeait de faire frapper la médaille.

La même apparition se reproduisit en Suisse, le 17 août 1835, à une religieuse que le ciel avait déjà favorisée de grâces extraordinaires.

La médaille, autorisée par les supérieurs ecclésiastiques, se répandit bientôt dans toute l'Europe et dans tous les rangs de la société. On sait les prodiges sans nombre, tant dans l'ordre temporel que dans l'ordre spirituel, obtenus par ce signe de la toute-puissance de Marie, prodiges si avérés, si universels, que cette médaille ne fut bientôt plus connue que sous le nom de Médaille miraculeuse.

Marie préparait ainsi la définition de l'Immaculée Conception et le culte des Sacrés-Cœurs.

Portons tous la médaille qu'elle nous a recommandée. Propageons-la avec une grande foi et nous obtiendrons des grâces de tout genre pour nous et pour les autres.

PRIÈRE De sainte Gertrude à Marie par le Cœur de Jésus

O très doux Jésus, votre amour vous a fait vous incarner et naître pour nous d'une Vierge très pure, afin de subvenir à l'indigence de vos pauvres créatures; je vous conjure, par votre très doux Cœur, de dai­gner suppléer auprès de la Vierge votre Mère, pour tous mes nombreux péchés, commis par négligence ou par ingratitude, en ce qui tient au ser­vice et à l'honneur d'une si bénigne Mère. Je reconnais que sa clémence maternelle n'a jamais tardé à m'assister en toutes mes nécessités. Pour lui en témoigner ma digne reconnaissance, offrez-lui, je vous prie, o très aimable Jésus, votre très doux Cœur, pour lui rappeler toute l'affection que vous lui avez toujours si grandement témoignée. Rappelez-lui aussi qu'en faveur d'elle vous avez pardonné à tous les pécheurs. Aussi, bon Jésus, rendez-la moi favorable et faites qu'à la vie et à la mort elle soit ma chère avocate et ma tendre patronne.47)

Ainsi soit-il

Marie, la Mère du Christ, est en elle-même un océan, un trésor de grâces; elle est, relativement à nous, le canal et la dispensatrice de la grâce.

«Le divin Cœur de la Mère de Dieu, nous dit le Père Eudes, est une mer de grâce. Ce n'est pas moi, ajoute-t-il, qui dit cela, c'est un archan­ge qui, envoyé de Dieu et descendu du ciel pour annoncer à la Reine des Anges qu'elle est choisie par la divine Majesté pour être la Mère de son Fils, lui déclare, avant toutes choses, qu'elle est pleine de grâce». Notez qu'il ne dit pas qu'elle sera, mais qu'elle est pleine de grâce.

Voulez-vous savoir comment elle est pleine de grâce avant l'Incarna­tion du Fils de Dieu en elle? Considérez deux vérités qui nous sont ensei­gnées par plusieurs illustres docteurs.

La première est que la très sainte Vierge a été remplie d'une grâce si éminente au moment de sa Conception immaculée que, selon le senti­ment de plusieurs théologiens très signalés, elle surpassait dès lors la gra­ce du premier des Séraphin et du plus grand de tous les saints.

La seconde vérité est que cette divine Vierge n'était jamais oisive, mais qu'elle était toujours appliquée à Dieu, et dans un exercice conti­nuel d'amour pour sa divine Majesté; et par cet exercice, la grâce dou­blait en son âme d'heure en heure: de sorte qu'elle était arrivée à un de­gré de grâce inconcevable et indicible quand l'Archange Gabriel la salua comme pleine de grâce. Or, si cette Vierge bénie a été si pleine de grâce avant de concevoir en soi le Fils de Dieu, quelle a été l'abondance et la plénitude de grâce que le Saint-Esprit a versée dans son cœur, pour la rendre digne d'être la Mère du Fils de Dieu!

Quelle abondance de grâce le même Saint-Esprit répandit-il dans son cœur pour la rendre digne de continuer cet office de Mère!

Mais qui pourrait comprendre ce que cet adorable Enfant, qui est infi­niment riche, infiniment libéral, et infiniment reconnaissant, rendit à celle de qui il recevait continuellement des soins maternels!

Combien de grâces n'a-t-elle pas acquises dans les conversations qu'elle a eues avec lui, durant tout le temps qu'elle l'a possédé sur la ter­re, et surtout quand elle l'offrit en sacrifice au Père éternel pour le salut du genre humain tant dans le Temple au jour de sa Présentation, que sur le Calvaire au jour de sa mort!

Combien d'actes d'amour et de zèle n'a-t-elle pas faits encore après la mort du Sauveur!

Après cela, ne vous étonnez pas si nous disons avec les Pères de l'Egli­se que le Cœur de Marie est une mer de grâce. «La grâce de la sainte Vierge est immense», dit saint Epiphane. - «Quand je veux considérer l'immensité de votre grâce et de votre gloire, ô Marie, dit Saint Ansel­me, mon esprit se perd et ma langue devient muette».48)

Non seulement Marie est remplie de grâce, mais elle est pour nous la source, le trésor, le canal de la grâce. Notre-Seigneur a uni le Cœur de sa sainte Mère avec le sien dans l'opération du mystère de l'Incarnation qui est la source de toutes les grâces. Voici comment saint Cyrille d'Ale­xandrie exprimait cette croyance au Concile d'Ephèse: «Je vous salue, ô Marie, Mère de Dieu, qui êtes le trésor de tout l'univers! Je vous salue, vous qui avez contenu en votre sein virginal Celui que le monde entier ne peut contenir; vous, par qui la sainte Trinité est adorée et glorifiée par toute la terre; vous, par qui les anges et les archanges sont remplis de joie; vous, par qui les démons sont mis en fuite; vous, par qui l'homme, qui était banni du paradis, y a été rétabli; vous, par qui le monde est ar­rivé à la connaissance de la vérité; vous, par qui les sacrements sont con­férés aux croyants; vous, par qui les églises sont édifiées par toute l'éten­due de la terre; vous, par qui les nations sont amenées à la pénitence; vous, par qui les apôtres ont prêché le salut aux gentils; vous, par qui rè­gnent les rois chrétiens».

Il est bien clair que, après le Cœur de Jésus, nous avons obligation à la charité indicible du Cœur de Marie de toutes les faveurs que nous avons jamais reçues de la divine bonté. C'est pourquoi, après avoir re­mercié Dieu des grâces générales et particulières qu'il nous fait inces­samment, nous ne devons jamais manquer de nous tourner vers la très bonne Vierge pour lui témoigner. notre reconnaissance.49)

Le Cœur bienheureux de la très bénie Vierge est devenu comme cette merveilleuse fontaine que Dieu fit sortir de la terre au commencement du monde: Une fontaine jaillisait, qui arrosait toute la surface de la terre.50) Saint

Bonaventure nous dit que cette fontaine figurait la très-sainte Vierge; mais nous pouvons dire aussi raisonnablement, dit le Père Eudes, que c'est une figure de son Cœur, lequel est véritablement une fontaine vi­ve, dont les eaux célestes arrosent, non seulement la terre, mais toutes les choses créées qui sont sur la terre et au ciel; c'est une fontaine et une source d'une infinité de biens.

La source primitive du paradis terrestre donnait naissance à quatre fleuves. Ainsi en est-il de cette source nouvelle, qui est l'abondante cha­rité du Cœur très libéral de Marie. Elle se partage en quatre fleuves qui arrosent le monde entier.

Le premier s'applique aux âmes de l'Eglise souffrante, auxquelles la charité incroyable du cœur miséricordieux de la Mère de Dieu procure plusieurs consolations et soulagements, et même leur délivrance, car el­les ne sortent de leurs peines que par son entremise.

Le second regarde les âmes justes et fidèles de l'Eglise militante qui, par cette même charité du Cœur de leur très bonne Mère, reçoivent une infinité de lumières, de grâces et de bénédictions de la divine bonté pour leur sanctification.

Le troisième concerne toutes les âmes infidèles qui sont en état de per­dition, ce qui comprend celles de tous les païens, de tous les mauvais ca­tholiques. Pour ces âmes, ce Cœur très débonnaire est plein d'une misé­ricorde inconcevable qui porte cette très précieuse Mère à en avoir com­passion, à s'entremettre pour elles auprès de son Fils, à demander sans cesse leur conversion, à impétrer de lui beaucoup de grâces pour cette fin, et à obtenir effectivement le salut de plusieurs.

Le quatrième fleuve coule pour tous les habitants de l'Eglise triom­phante, et c'est de celui-ci qu'il est dit dans les psaumes: «I1 y a un fleuve très abondant, dont les belles eaux réjouissent la sainte cité de Dieu». Le Cœur de la Reine du ciel est, après Dieu, la source de toutes les gloires et félicités de tous les saints.

C'est ainsi que cette fontaine admirable arrose toutes les parties de l'univers de ses divines eaux.51)

Saint Bernard et saint Anselme ont développé cette pensée. «C'est à bon droit, dit saint Bernard, que toutes les générations vous disent bien­heureuse, vous qui avez engendré la vie et la gloire de toutes les généra­tions, car les anges ont trouvé en vous la gloire pour jamais; les justes, la grâce; les pécheurs, le pardon».

EXEMPLE : Notre-Dame des Victoires à Paris

Ce sanctuaire nous rappelle une des plus touchantes manifestations de la sainte Vierge au dix-neuvième siècle.

C'est un église votive, fondée par le roi Louis XIII en 1629, en recon­naissance de la victoire remportée sur les protestants à La Rochelle. On en a fait une paroisse après la Révolution.

M. Dufriche des Genettes, nommé curé de Notre-Dame des Victoires en 1832, gémissait, comme beaucoup de pasteurs de ce temps-là, sur la désertion de son église. Pendant sa messe, le 3 décembre 1836, il enten­dit une voix qui lui disait: «Consacre ta paroisse au Saint et Immaculé Cœur de Marie». Il le fit dès le lendemain. Il fonda une confrérie. Il de­manda à Dieu pour signe la conversion d'un de ses paroissiens, M. Joly, ancien ministre; il l'obtint.

Grégoire XVI et Pie IX approuvèrent l'archiconfrérie. En 1840, qua­tre ans seulement après la fondation, il y avait déjà 150 confréries affi­liées et 200.000 associés.

Actuellement, l'archiconfrérie compte 15.000 agrégations et trois mil­lions d'associés.

La statue a été couronné en 1853 par Monseigneur Pacca, délégué de Pie IX, qui offrait lui-même la couronne.

On sait l'affluence constante des pieux visiteurs au pied de la statue miraculeuse. Un millier de cierges lui sont offerts chaque jour. Les grâ­ces obtenues sont innombrables, surtout les grâces spirituelles. L'église est littéralement tapissée d'ex-voto.

Une infinité de paroisses, de France et de l'étranger, ont des confré­ries de Notre-Dame des Victoires, et la chère Madone honorée sous ce beau titre a vraiment une influence immense pour ramener les âmes à son Fils.

La confiance en Marie, réveillée par les faveurs obtenues à Notre­-Dame des Victoires, a rejailli sur Paris et toute la région.

La dévotion à Marie s'est ranimée, les anciens pèlerinages ont repris faveur.

Notre-Darne de Sainte Espérance à l'église Saint Séverin, Notre-­Dame des Champs, Notre-Dame de Toute-Aide et de Bonne Délivrance dans les chapelles de la rue de Sèvres, Notre-Dame des Vertus à Auber­villiers, Notre-Dame des Miracles à Saint-Maur et d'autres encore ont revu les beaux jours d'autrefois.

Notre-Dame de Bonne Garde à Longpont a reçu les honneurs du cou­ronnement.

C'est Marie qui conserve à Paris ce qui lui reste de foi. Elle voudra, espérons-le, refaire de Paris une ville chrétienne, pour la conduire aux pieds du Sacré-Cœur à Montmartre.

PRIÈRE Du vénérable Père Eudes

Grâces infinies au souverain Auteur de la grâce, qui a donné un cœur si grand et si saint à sa divine Mère, qui l'a rempli d'une grâce si prodi­gieuse que c'est un océan de grâce et une mer de bénédictions pour tous les vrais enfants de ce très doux et très aimable Cœur. O cœur admira­ble! qui avez toujours été fermé à toutes sortes de péchés, et qui avez toujours été rempli de la plus haute sainteté dont un cœur humain peut être capable, je vous offre mon cœur; prenez-en, s'il vous plaît, une pleine et éternelle possession; ne souffrez point qu'il y entre rien qui dé­plaise à mon Dieu, mais priez sa divine Majesté d'y établir parfaitement le règne de sa grâce et de son amour.

Ainsi soit-il

A la vue des vertus et des mérites que Marie a su accumuler par sa cé­leste prudence, nous sentons le besoin d'exalter sa beauté et sa gloire, et nous nous écrions: Vierge vénérable, Vierge digne de louange, priez pour nous.

«O ma souveraine, dit saint Anselme à Marie, rien ne vous égale; car tout est au-dessus ou bien au-dessous de vous; au-dessus de vous, il y a Dieu, et tout ce qui n'est pas Dieu se trouve au-dessous de vous».52) - «Telle est la perfection de Marie, s'écrie saint Bernardin, que Dieu seul en peut comprendre la sublimité».53) Et le bienheureux Albert le Grand ajoute qu'à moins de devenir elle-même une personne divine, Marie ne pourrait contracter avec Dieu une plus intime union. Combien donc elle est digne de notre vénération, cette auguste créature, placée si haut par sa maternité divine et ses vertus sublimes, que Dieu lui-même ne peut l'élever davantage!

O Marie, Mère de Dieu, et ma Mère, Vierge très prudente et très ver­tueuse, je me prosterne à vos pieds et je voudrais que tous les hommes, saisis d'admiration pour votre sublime dignité, vous donnassent leur cœur.

Marie est éminemment digne de toute louange, omni laude dignissima, s'écrie la sainte Eglise dans un de ses chants en l'honneur de la divine Mère. D'ailleurs, selon saint Ildephonse, toute la gloire décernée à la Mère se tourne en louanges pour le Fils.54) De là cette exclamation de saint Georges de Nicomédie: «Dieu regarde comme adressées à lui-même toutes les louanges qu'on vous décerne, ô Marie, ou plutôt, votre gloire il la considère comme sienne».55)

Le ciel est promis à celui qui fait connaître et aimer Marie, ainsi qu'el­le le déclare elle-même: «Ceux qui m'enseignent aux autres posséderont la vie éternelle».56) «Oui, dit à ce sujet Richard de Saint-Laurent, ceux qui hono­rent Marie ici-bas-en seront honorés dans le ciel». «De même, ajoute saint Anselme, que Marie, en devenant Mère de Dieu, fut constituée pour les pécheurs l'instrument de leur salut, ainsi les pécheurs, en pu­bliant les grandeurs de Marie, obtiennent le salut».57) Il est bien vrai que tout le monde ne peut pas entreprendre de faire des discours, mais il n'est personne non plus qui ne puisse, en conversant avec des parents ou des amis, louer la Sainte Vierge, parler de ses grandeurs, de sa puissan­ce, de sa miséricorde, et ainsi inspirer aux autres la dévotion envers cette divine Mère.

O Reine du ciel, j'en prends aujourd'hui la résolution, désormais je ferai tout mon possible pour porter mon prochain à vous honorer et à vous aimer. Agréez ce désir de mon cœur, aidez-moi à l'exécuter.

Pour louer Marie parfaitement, nous ne pourrions pas trouver de meilleur guide que sainte Mechtilde, car la chère sainte a été formée par Notre-Seigneur lui-même à cette louange.

Un jour, pendant l'Avent, Mechtilde exprima, dans sa prière, le désir de saluer la glorieuse Vierge d'une manière digne d'elle. Elle reçut cette instruction de Notre-Seigneur:

«Salue, dit-il, le Cœur virginal de ma Mère, à cause des biens sans nombre qui l'ont rendu si utile aux hommes: premièrement, il fut très pur; aussi fit-elle, la première, le vœu de virginité; secondement, il fut très humble, ce qui lui mérita surtout de concevoir du Saint-Esprit; troi­sièmement, il fut rempli de dévotion et de désir, et ce fut par ce désir qu'elle m'attira en elle; quatrièmement, il fut très fervent dans l'amour de Dieu et du prochain; cinquièmement, il fut très fidèle dans ses souve­nirs et conserva avec soin celui de tous les actes de mon enfance, de ma jeunesse et de mon âge d'homme; sixièmement, il fut très patient dans ma Passion, dont le souvenir a toujours transpercé ce Cœur de douleur; septièmement, il fut très fidèle à Dieu, car elle consentit à ce que moi, son Fils unique, je fusse immolé pour la rédemption du monde; huitiè­mement, il fut très ardent en ses prières, intercédant sans cesse pour l' Eglise à son berceau; neuvièmement, il fut appliqué dans sa contem­plation, aussi obtint-elle par ses mérites les grâces que Dieu destinait aux hommes.

Cette salutation, recommandée par Notre-Seigneur à sainte Mechtil­de, est devenue populaire grâce au vénérable Père Eudes. C'est dans ce passage qu'il a recueilli la plupart des invocations qu'il adresse tout à la fois, dans sa prière Ave Cor, au Cœur de Jésus, et au Cœur de Marie, qu'il considère comme un seul cœur dans l'unité de l'amour. Offrons quelquefois cette salutation à Jésus et à Marie.

Sainte Gertrude nous enseigne à suppléer à l'insuffisance de nos louanges en les offrant à la Sainte Vierge par l'entremise du Cœur de Jésus-Christ. Notre-Seigneur lui a manifesté combien il agréait cette pratique. Elle nous propose elle-même cette formule:

«O très doux Jésus, votre amour vous a fait vous incarner et naître pour nous d'une Vierge très pure, afin de subvenir à l'indigence de vos pauvres créatures; je vous conjure, par votre très doux Cœur, de dai­gner suppléer auprès de la Vierge votre Mère, pour toutes mes défectuo­sités, dues à ma négligence ou à mon ingratitude, en ce qui tient au ser­vice et à l'honneur d'une si bénigne Mère. Je reconnais que sa clémence maternelle n'a jamais tardé à m'assister en toutes mes nécessités. Pour lui en témoigner toute ma reconnaissance, offrez-lui, je vous prie, ô très aimable Jésus, votre très doux Cœur, qui surabonde de toute béatitude; par lui, montrez à cette tendre Mère toute votre affection divine. Cet amour vous l'a fait choisir pour Mère, gratuitement, de toute éternité, avant toute créature; il vous a fait la préserver de toute souillure et l'or­ner d'une manière incomparable de toutes les grâces et de toutes les ver­tus. Montrez-lui toute cette tendresse dont vous lui avez donné tant de témoignages sur la terre, lorsqu'elle vous pressait, petit enfant, sur son sein maternel; puis la fidèle et filiale affection dont jamais vous ne vous êtes départi envers elle, durant le temps que vous avez conversé parmi les hommes; vous lui obéissiez en tout, comme un fils à sa Mère, vous, le Souverain du ciel, et spécialement à l'heure de votre mort, paraissant oublier vos propres douleurs, vous avez, du fond de vos entrailles, com­pati à sa désolation, et lui avez donné à la fois un fils et un gardien. Montrez-lui enfin cette affection incomparable qui vous l'a fait élever au jour de sa joyeuse Assomption, au-dessus de tous les choeurs des anges, et la constituer dame et Reine du ciel et de la terre. Ainsi, bon Jésus, fai­tes qu'elle soit pour moi une mère favorable et, à la vie et à la mort, ma chère avocate et ma tendre patronne».58)

O Marie, Vierge digne de louanges, que pourrais-je vous dire qui vous fût plus agréable que cette offrande, inspirée par votre divin Fils à sainte Gertrude? C'est de tout cœur que je vous la présente et que je vous prie de l'agréer.

EXEMPLE : Notre-Dame d’Espérance, Notre-Dame de Salut

Ce sont là deux vocables qui apportent avec eux la consolation et la confiance. Ils ont été donnés à Marie en 1871, après les épreuves de la guerre.

On connaît l'histoire des apparitions de Pontmain. Sept petits enfants virent la Sainte Vierge dans la soirée du 17 janvier 1871. Marie leur dit ces paroles encourageantes: «Mais priez, mes enfants, Dieu vous exau­cera en peu de temps, mon Fils se laisse enfin toucher».

Deux jours après, l'armistice était conclu.

L'enquête épiscopale ne laisse aucun doute sur l'authenticité des ap­paritions. Mgr Wicart, évêque de Laval, prononça son jugement dès le mois de février 1872 et autorisa le culte de Notre-Dame d'Espérance.

Une vaste basilique, commencée en 1875, a été consacrée en 1877 en présence de huit évêques et d'une grande foule de pèlerins, et la statue a été couronnée récemment.

Le titre de Notre-Dame de Salut a été donné à Marie par les Pères de l'Assomption. Ces Pères possédaient une statue de pierre dans le style du moyen âge, achetée chez un brocanteur de la Cité. La Madone un peu inclinée et souriante semble être l'ancienne statue du portail de la Sainte-Chapelle, devant laquelle priait souvent saint Louis, et qui sourit à Duns Scott le jour où il défendit à la Sorbonne le privilège de l'Imma­culée Conception, en l'an 1304.

La statue, déposée au couvent de l'Assomption d'Auteuil, avait été endommagée par les Communards. Elle a été restaurée. Les Pères l'ont placée sur l'autel de leur chapelle de la rue Francois Ier, et lui ont donné ce beau nom de Notre-Dame de Salut. Ils ont fondé une confrérie de ce nom; et l'Œuvre de Notre-Dame de Salut, approuvée par un grand nombre d'évêques, a commencé sa campagne apostolique de pèlerina­ges, de publications populaires et d'œuvres sociales.

On lui doit en grande partie le développement que les pèlerinages ont pris en France depuis 1872. On lui doit aussi le réveil de la vie catholique suscité par la publication du Pèlerin et de La Croix.

Notre-Dame de Salut, sauvez la France.

Notre-Dame d'Espérance, souriez encore à nos faibles efforts, intercé­dez encore pour que votre divin Fils se laisse toucher de nouveau. Nous prions bien mal, il est vrai; suppléez à l'insuffisance de nos prières, pour que votre divin Fils nous exauce bientôt!

SALUTATIONS Du vénérable P. Eudes et de sainte Mechtilde au très saint Cœur de Jésus et de Marie

Je vous salue, ô Cœur très saint, très doux et très humble, je vous salue, ô Cœur très pur, très patient et très obéissant, je vous salue, ô Cœur très fidèle et très miséricordieux,

Je vous salue, ô Cœur très aimable et très aimant de Jésus et de Marie.

Nous vous adorons,

Nous vous louons,

Nous vous glorifions,

Nous vous rendons grâces,

Nous vous aimons,

De tout notre cœur,

De toute notre âme,

Et de toutes nos forces.

Nous vous offrons, donnons, consacrons et immolons nos cœurs,

Prenez-les et possédez-les tout entiers,

Purifiez-les, illuminez-les et les sanctifiez, afin que vous y viviez et ré gniez maintenant et toujours et aux siècles des siècles.

Ainsi soit-il

Marie est toute-puissante pour nous aider. Elle est notre médiatrice, subordonnée, il est vrai, mais toujours unie au Christ. L'enseignement de l'Eglise n'hésite pas sur ce point: «Il n'est personne, dit saint Ger­main en s'adressant à Marie, qui soit sauvé sans vous, ô Vierge très sainte, personne qui soit délivré du mal, ou favorisé de la grâce sans vous».59) - «C'est par vous que nous avons été réconciliés au Christ, lui dit saint Ephrem, vous êtes la rédemption des captifs et le salut de tous».60) Mais il est bien entendu que c'est par le Christ et à titre de mé­diatrice secondaire et subordonnée que Marie a contribué à notre salut.

Marie a concouru à l'œuvre de l'Incarnation. Elle l'a méritée dans une certaine mesure, non pas d'un mérite absolu, mais d'un mérite de convenance, parce qu'il convenait que Dieu exauçât les désirs et les priè­res d'une âme aussi parfaite.

Elle a déterminé l'heure de l'Incarnation par son consentement. «C'est de la réponse de Marie à l'Ange Gabriel, dit Bourdaloue, que dé­pendait l'accomplissement du glorieux mystère de l'Incarnation. Ce consentement était, dans les décrets éternels de Dieu, une des conditions requises, et voilà, ajoute le grand orateur, l'essentielle obligation que nous avons à cette Reine des vierges, puisqu'il est de foi que c'est par el­le que Jésus-Christ nous a été donné et que c'est à elle que nous sommes redevables de ce Dieu sauveur».61)

Mais c'est là aussi la source de la puissance de Marie. N'a-t-elle pas quelques droits sur les fruits de l'Incarnation qui ne s'est faite que par son consentement?

Et non seulement Marie a consenti à l'Incarnation, mais elle en a été l'instrument. C'est elle qui nous a donné Jésus, la source de toutes les grâces.

Pour ce qui est de l'application des fruits de l'Incarnation, Marie y a également une grande part, grâce à ses prières et à ses mérites. Son âme si généreuse a prié pour les besoins de tous. Ses mérites, ses souffrances, ses sacrifices ont été agréés par Dieu avec ceux de Jésus, parce qu'il a plu à Dieu d'unir Marie à Jésus pour notre salut, comme Eve était unie à Adam pour notre perte. C'est l'enseignement traditionnel de l'Eglise: «Eve a contribué au péché, dit saint Augustin, et Marie au salut». - «Marie est médiatrice de grâce, dit saint Liguori, par voie de simple in­tercession et par un mérite de convenance, parce qu'elle a offert à Dieu ses mérites pour le salut des hommes et que Dieu les a acceptés par grâce avec ceux de Jésus».62)

Toutes les grâces nous viennent donc par l'intercession de Marie. Elle en est la trésorière, parce qu'il a plu à Dieu de l'unir toujours à l'œuvre rédemptrice. C'est le sentiment des Pères. La grâce, disent-ils, est tout entière dans le Christ comme dans le chef, mais elle vient à nous par Marie comme par le cou et le canal.

«Je ne vous tairai pas, dit Bossuet, une conséquence de la Maternité de Marie, c'est que Dieu, ayant voulu une fois nous donner Jésus-Christ par la Sainte Vierge, cet ordre ne se change plus, car les dons de Dieu sont sans repentance. Ayant reçu par elle le principe universel de la grâ­ce, nous en recevons encore par son entremise les diverses applications dans tous les états différents qui composent la vie chrétienne».63)

Aussi l'intercession de Marie est si efficace et si puissante, que Dieu ne lui refuse rien de ce qu'il peut accorder par sa puissance ordinaire, c'est-à-dire de ce qui peut contribuer au salut des hommes, selon les des­seins de Dieu, avec leur concours. C'est le sentiment des docteurs et des saints. «Tout obéit à l'empire de la Vierge, même Dieu, dit saint Ber­nardin. Veuillez seulement, ô Marie, et tout se fera». - «La prière de la Vierge, dit saint Antonin, a le caractère d'un commandement, aussi est­il impossible qu'elle ne soit pas exaucée». - «Recourez à Marie, dit saint Bernard, elle sera exaucée par égard à sa dignité, pro sua reverentia. Le Fils exaucera sa Mère et le Père exaucera son Fils».

Recourons donc sans cesse à Marie, surtout pour les choses du salut, elle est toute-puissante.

Pour nous bien affermir dans notre confiance, écoutons encore quel­ques témoignages des saints et des docteurs.

Richard de Saint-Laurent a dit: «La puissance du Fils et de la Mère est la même, le Fils tout-puissant a fait la Mère toute-puissante». Saint Germain dit à Marie: «Par l'autorité maternelle dont vous jouissez en­vers Dieu, vous procurez la grâce du pardon même aux grands pé­cheurs; il est impossible, en effet, que vous ne soyez pas exaucée, pui­sque Dieu vous traite toujours comme sa Mère véritable et immaculée». Saint Pierre Damien disait aussi à Marie: «Comment la puissance du Christ pourrait-elle aller contre la vôtre, elle qui a reçu sa chair de votre chair; vous approchez de cet autel d'or de la réconciliation humaine plutôt-en maîtresse qu'en servante, Domina non ancilla».64)

Saint Antonin a dit: «La prière de la Mère de Dieu est la plus noble des prières; parce qu'elle est comme une parole de commandement et qu'elle est nécessairement exaucée, comme le montre la prière de Beth­sabée à Salomon, figure de la prière de Marie; demandez ce que vous voulez, ô ma Mère, disait Salomon, puisque je ne puis pas détourner mon regard de vous».

Le bienheureux Grignon de Montfort disait: «Elle est si puissante que jamais elle n'a été refusée dans ses demandes; elle n'a qu'à se montrer devant son Fils pour le prier, aussitôt il accorde, aussitôt elle reçoit; il est toujours amoureusement vaincu par les mamelles, les entrailles et les prières de sa très chère Mère».65)

Enfin Bourdaloue résume toutes ces déclarations:

«Nous persuaderons-nous que Dieu, en glorifiant Marie, ait tellement borné son pouvoir, qu'elle ne soit plus en état de nous en faire sentir les salutaires effets? Mais n'est-ce pas toujours la mère de ce Dieu sauveur qu'elle a donné au monde et qui lui fut soumis? Est-ce en recevant la ré­compense de ses mérites qu'elle a perdu ses plus beaux droits? Et si ce Fils adorable qu'elle porta dans son sein a fait pour elle des miracles sur la terre, que lui refusera-t-il au ciel? C'est ainsi que les Pères ont raison­né et c'est là-dessus qu'ils se sont fondés pour nous exhorter, dans des termes si énergiques et si forts, à réclamer sans cesse la Mère de Dieu».66)

O Marie, je vous supplie donc de demander mon salut, parce que si vous voulez qu'il se fasse, il se fera.

EXEMPLE : Notre-Dame de Pellevoisin et le Sacré-Cœur

C'était en 1876, au lendemain de la consécration solennelle de toute l'Eglise au Sacré-Cœur, que Marie apparaissait à Pellevoisin, au diocè­se de Bourges.

Elle venait comme à Lourdes, semble-t-il, donner la sanction du ciel à l'acte pontifical et, en même temps, munir les âmes d'une arme nouvel­le, d'un bouclier protecteur pour l'heure des combats.

Et, afin de rendre plus sensible, plus frappante, cette nouvelle manife­station de son amour, la Vierge choisissait une humble domestique ma­lade et presque mourante, pour être l'objet de ses faveurs et la dépositai­re de ses souveraines volontés.

Ces révélations se partagent en trois séries bien distinctes. Dans les cinq premières apparitions, Marie nous découvre son amour maternel, en venant assister, consoler et guérir une pauvre mourante; et pour as­seoir notre foi, elle accomplit un miracle de premier ordre, preuve évi­dente de sa toute-puissante intervention.

Dans les trois apparitions de juillet, la très Sainte Vierge fait douce­ment entrevoir à Estelle qu'elle aura une mission à remplir; sans rien préciser, elle l'encourage au calme, lui prédit des contradictions et lui déclare aussi qu'Elle est venue particulièrement pour la conversion des pécheurs.

Enfin, dans les sept dernières apparitions, qui se suivront du samedi 9 septembre jusqu'au 8 décembre 1876, la Mère de Dieu révèle le scapu­laire du Sacré-Cœur, qu'Estelle devra faire connaître et propager, après en avoir soumis le modèle à l'évêque du diocèse.

Ces manifestations sont bien authentiques. Mgr l'évêque de Moulins écrivait le 30 avril 1898 à l'auteur d'une brochure sur Pellevoisin: «Les amis dévoués de Notre-Dame de Pellevoisin - et je me range avec fierté dans cette phalange qui se développe chaque jour - trouveront conden­sé dans votre brochure tout ce qui a trait à cette dévotion qui leur est chère: le récit authentique des apparitions, l'enquête canonique aboutis­sant à l'approbation de l'autorité diocésaine, l'origine du pèlerinage, les conversions, les guérisons et les miracles éclatants opérés par la média­tion puissante de la Mère toute miséricordieuse, les témoignages nombreux de la prédilection spéciale de notre grand pape Léon XIII…».

Le Saint Père a approuvé, par un décret du mois d'avril 1900, le sca-

pulaire du Sacré-Cœur, légèrement modifié.

Notre-Dame de Pellevoisin est venue contribuer à préparer, pour le vingtième siècle, le règne du Sacré-Cœur.

PRIÈRE à Marie toute miséricordieuse

O Mère toute miséricordieuse, vous venez à nous les mains tendues et pleines de grâces, pour nous attirer et nous combler de vos faveurs. Nous accourons donc à l'odeur de vos parfums plus suaves que les roses. Couvrez nos yeux du voile de la modestie; ceignez nos reins du cordon de la pureté et de la pénitence: attachez-nous à vos pieds par les liens d'un amour fidèle, et étendez sur nos cœurs l'image bénie du Cœur de votre divin Fils. Qu'elle soit pour nous comme le bouclier de la plus lar­ge et de la plus puissante protection, jusqu'au jour où nous irons nous reposer dans le sein de Dieu pour toute l'éternité.

Ainsi soit-il

(200 jours d'indulgence)

Non seulement la Vierge Marie, Mère de Dieu, est toute-puissante, mais elle est toute bonne et toute clémente, elle est la plus fidèle des pro­tectrices et des bienfaitrices.

La source et la cause de cette bonté, de cette clémence, de cette ten­dresse inépuisable, c'est que Marie n'est pas seulement la Mère de Dieu, elle est aussi notre Mère.

Marie est Mère des chrétiens dans l'ordre surnaturel.

«Voici votre Mère», nous a dit Notre-Seigneur en parlant à saint Jean du haut de la Croix. Les faits et les paroles de la Sainte Ecriture, comme le remarquent tous les docteurs, après saint Augustin et saint Thomas, ont souvent deux sens, un sens littéral et un sens spirituel, tous deux voulus par l'Esprit-Saint. On doit admettre surtout ces deux sens quand ils sont indiqués par les circonstances, par la matière ou par les expres­sions employées. C'est ce qui a lieu ici. Ces paroles se rapportent dans le sens littéral à saint Jean et dans le sens spirituel à tous les chrétiens. Les circonstances nous l'indiquent.

Si l'on considère, dit le Père Ventura, l'auguste fonction, la noble charge que le Fils de Dieu avait à remplir au moment de sa mort, on comprendra qu'il ne pouvait un seul instant arrêter sa pensées à Marie, et à saint Jean uniquement, sans descendre en quelque sorte de la hau­teur de sa mission, de la sublimité de sa position de personnage public, de victime universelle, sans altérer la perfection, l'intégrité de son of­frande, dans laquelle tout ce qui lui était propre et personnel nous était sacrifié, dévolu et transmis. Le disciple a dû par là même représenter tous les vrais croyants, tout comme, selon l'énergique expression de saint Paul, les bourreaux représentaient tous les pécheurs, et le bon lar­ron tous les vrais pénitents. C'est ainsi que nous avons dû nous trouver compris dans l'adoption de saint Jean».67)

Bossuet explique ce texte dans le même sens: «Femme, voilà votre Fils. Ne vous persuadez pas que le Sauveur regarde saint Jean en ce lieu comme un homme particulier: tous ses disciples l'ont abandonné, et son Père ne conduit au pied de la croix que le bien-aimé de son cœur; telle­ment que, dans ce débris de son Eglise, saint Jean, qui est le seul qui lui reste, lui représente tous ses fidèles et toute l'universalité des enfants de Dieu.

C'est donc tout le peuple nouveau, c'est toute la société de l'Eglise que Jésus recommanda à la Sainte Vierge en la personne de ce cher disciple».68)

Soit à propos de ce même texte, soit en d'autres circonstances, les Pè­res de l' Eglise nous redisent souvent que Marie est notre Mère et ils en expliquent les raisons.

Marie est notre Mère, parce qu'elle nous a engendrés spirituellement, en coopérant à la Rédemption. «Comme la mort s'est propagée par Eve, dit saint Irénée, la vie a été conférée à tous par Marie».

Il convenait que Dieu, qui s'était associé Marie pour la génération tem­porelle de son Fils, se l'associât aussi pour notre génération adoptive. «Ce n'est pas assez, dit Bossuet, que Marie soit associée au Père éter­nel, comme Mère de son Fils unique: Celui qui lui donne son propre Fils, qu'il engendre par sa nature, lui refuserait-il les enfants qu'il adop­te par sa charité?».69)

Nous sommes toutefois pour Marie plus que des enfants adoptifs, nous sommes des enfants spirituels, qu'elle a engendrés en coopérant à la Rédemption.

Marie est notre Mère, cela suffit à faire comprendre comment elle est toute bonne, toute clémente et toujours fidèle dans sa tendresse.

Elle est notre Mère, et dès lors, qui pourrait douter de sa bonté et de sa miséricorde? A qui d'ailleurs, comme le proclame saint Bernard, est­-il jamais arrivé d'implorer le secours de Marie et de se voir abandonné?

Bien plus, Marie désire tellement d'être priée, et cela pour nous di­spenser plus abondamment ses grâces, qu'elle se regarde comme offen­sée quand nous ne la prions pas.

Et qu'on ne s'imagine pas, dit saint Liguori, qu'il faille faire de lon­gues prières pour obtenir le secours de Marie: Il faut seulement le récla­mer avec confiance. «Telle est sa bonté, dit Richard de Saint-Victor, qu'elle accourt avant même que nous l'ayons invoquée. Car, ajoute-t-il, elle ne peut voir nos misères, sans que son cœur la porte à nous secourir».70)

Les mystiques nous proposent les mêmes croyances que les théolo­giens,- mais ils leur donnent souvent un tour plus coloré et plus impres­sionnant. Ecoutons sainte Mechtilde nous expliquer en son langage ima­gé la sollicitude maternelle du Cœur de Marie.

Sainte Mechtilde, comprenait que les paroles de Jésus «Voici votre Fils», avaient dû transformer profondément le Cœur de Marie et y ver­ser une tendresse infinie pour saint Jean. Aussi, un jour, adressa-t-elle cette prière à Notre-Seigneur: «Confiez-moi, Seigneur, à votre Mère, comme vous lui avez confié Jean, votre bien-aimé».

Aussitôt le Seigneur, agréant son vœu, la remit aux mains de sa Mère en lui disant: «Je vous confie cette âme, ô ma Mère, comme si je vous présentais mes plaies. Si j'étais à terre, devant vous, couvert de blessu­res, vous chercheriez à me penser et à me soulager; eh bien! soulagez ainsi cette âme dans ses peines. -je vous la confie, comme je vous con­fierais le prix de ma rançon. Vous saurez ainsi à quel prix je l'estime, moi qui n'ai pas refusé de mourir pour son amour. - Je vous la confie encore comme ayant mis en elle toutes les délices de mon Cœur, car j'ai dit: Mes délices sont d'être avec les enfants des hommes».

Mechtilde prit alors la parole: «O Seigneur, dit-elle, ne voulez-vous pas en agir de même avec tous ceux qui désirent vous posséder?».

Il répondit: «Oui, car je ne fais pas acception de personne».

Nous sommes donc confiés à Marie, comme si nous étions les blessu­res de son Fils, le prix de son Fils, les délices du Cœur de Jésus! Ainsi le soin qu'elle a de nous et de tous les pécheurs du monde est comparable au soin qu'elle a eu de Jésus lui-même. C'est Notre-Seigneur Jésus­Christ lui-même qui nous l'enseigne. Pouvons-nous douter après cela de la clémence et de la fidélité de notre Mère?

Terminons par une image saisissante que la Sainte Vierge elle-même a employée pour dépeindre sa générosité.

Elle disait un jour à sainte Mechtilde: «Si un homme ici-bas, quand il s'est enivré, se montre plus libéral que celui qui est sobre, combien ne serai-je pas plus généreuse, moi qui, à toute heure, m'enivre de l'ineffa­ble douceur du Cœur divin, où je goûte le vin très pur et très doux de sa divinité?».

O Marie, buvez toujours à la source du Cœur sacré, afin que vos libé­ralités se multiplient autant que nos faiblesses et nos besoins. Mais vos enfants ne pourraient-ils pas, eux aussi, approcher leurs lèvres de cette coupe enivrante et fortifiante? Aidez-les à obtenir cette grâce.

EXEMPLE : Mater admirabilis

Mater admirabilis est le titre donné à une pieuse composition exécutée en 1844, à fresque et en forme d'essai, sur la muraille d'un vaste corri­dor du couvent de la Trinité-du-Mont à Rome.

Cette humble image peinte dans le silence des cloîtres, n'était desti­née, dans le principe, qu'à satisfaire la piété des religieuses du Sacré-­Cœur qui désiraient avoir devant les yeux, pendant leurs heures de tra­vail manuel, le modèle par excellence, la très-sainte Vierge travaillant comme l'une d'elles.

Ce détail explique pourquoi on a représenté Marie, à l'âge de quinze ans, occupée à filer dans les parvis du Temple: à ses côtés sa corbeille à ouvrage et son livre entr'ouvert indiquent les laborieuses et studieuses occupations de cette aimable et immaculée adolescente.

Aujourd'hui le solitaire corridor est une chapelle visitée par tous les pèlerins de la ville éternelle et ses parois sont couvertes d'ex-voto.

Mais comment cette image qui semble si bien exprimer le passage du Cantique des cantiques: «Je suis la fleur des champs et le lis des vallées», est-elle devenue si célèbre?… Le 20 octobre 1846, le Souverain Pontife visitant la Trinité-du-Mont, daigna prier devant la modeste Madone qui présidait les réunions de la communauté: «C'est une dévote pensée, dit Sa Sainteté, d'avoir représenté la très-sainte Vierge à un âge où elle sem­blait être oubliée».

Toute la bénédiction attachée à la fresque de Mater admirabilis est ren­fermée dans ces paroles, et Marie a prouvé par des faveurs sans nombre qu'elle agréait la dévote pensée, qui a voulu la faire honorer pendant les années de son adolescence.

Dès 1846, des grâces toutes particulières vinrent révéler l'amour de Marie pour sa modeste image. M. l'abbé Blanpin, missionnaire à l'île Bourbon, recouvra, aux pieds de la Madone, la voix que depuis deux ans il avait perdue à la suite de ses fatigues apostoliques. Dans l'élan de sa reconnaissance, il demanda au Saint-Père la faveur d'offrir l'auguste Victime devant l'image de sa bienfaitrice. Ce fut la première Messe dite en ce lieu, qui devint dès lors une véritable chapelle.

Depuis 1846, des guérisons de corps et d'âmes attirèrent de nombreux visiteurs: et la sainte Fileuse du temple de Jérusalem semble se complai­re dans ce concours de fidèles qui viennent troubler sa solitude, sans paraître la distraire de sa contemplation devant le lis virginal qui s'incline vers elle.

De nombreux décrets du Saint-Père sont venus successivement confir­mer et accroître la dévotion à Mater admirabilis.

En 1849, un premier décret permettait de célébrer la fête de la Mère ad­mirable le 20 octobre, anniversaire de la première visite de Sa Sainteté Pie IX à la pieuse Madone. Ce décret enrichit aussi de nombreuses indul­gences le petit sanctuaire, qui devint, à partir de cette époque, une cha­pelle où Leurs Eminences les Cardinaux,, Nos Seigneurs les Evêques et de pieux missionnaires venus de toutes les parties du monde aiment à of­frir le saint sacrifice.

Enfin, en 1855, Sa Sainteté daigna mettre le sceau à ses faveurs pour Mater admirabilis, en étendant à toute la Société du Sacré-Cœur les indul­gences accordées par le Siège apostolique à la chapelle de la Vierge Im­maculée, érigée sous le titre de Mater admirabilis, avec la seule obligation de donner ce titre à une statue ou à une image de la très sainte Vierge, si l'on ne pouvait avoir une copie du tableau original.

Des diocèses entiers en Amérique et de nombreuses chapelles ont dési­ré avoir part aux mêmes faveurs et on a daigné nous assurer à la Sacrée Congrégation des indulgences que toutes les requêtes de ce genre, faites dévotement à ladite Congrégation, seraient agréées.

PRIÈRE : Louanges de sainte Mechtilde à Marie

Nous vous louons, ô Sainte Mère de Dieu, de la fidélité que vous avez gardée à Dieu en toutes choses durant votre vie, car vous avez préféré, dans toutes vos actions, la volonté divine à la vôtre. Nous exaltons aussi la grande fidélité avec laquelle vous avez constamment assisté votre Fils Jésus dans tous ses besoins et vous avez compati à ses souffrances jusqu'à souffrir en votre âme tout ce qu'il a eu à souffrir en son corps. Votre fidélité se conserve même dans le ciel, où vous lui gagnez les pé­cheurs par leur conversion et vous lui acquérez les âmes par leur déli­vrance du purgatoire.71)

Nous mettons toute notre confiance, ô Marie, dans la bonté de votre Cœur maternel, et nous comptons sur votre miséricorde.

Ainsi soit-il

Ces deux invocations nous disent combien Marie se livra pleinement à l'action divine, combien elle fut docile à toutes les grâces de Dieu. Par sa pureté et son détachement des choses de la terre, elle fit de son âme un miroir limpide où vinrent se refléter et se reproduire toutes les vertus divines.

Par sa docilité à l'action de l'Esprit Saint, elle fit de son cœur le trône et comme le siège de la sagesse.

Un miroir bien net et sans tache reproduit avec perfection l'image des objets qui lui sont présentés.

Grâce à la pureté de son Cœur, sur laquelle elle veilla avec une extrê­me diligence, Marie était plus apte qu'aucun autre saint à reproduire en elle-même toutes les vertus avec leurs perfections les plus sublimes. Et comme l'ensemble des vertus est souvent désigné dans la Sainte Ecriture et dans le langage de l'Eglise par le mot de justice, on peut vraiment dire de Marie qu'elle est le Miroir de la justice.

Sainte Mechtilde aimait à contempler ce céleste Miroir, et Marie vou­lait bien la guider elle-même dans l'étude de ses vertus.

«O reine des vertus, disait un jour sainte Mechtilde, dites-moi, je vous prie, quelle vertu vous avez pratiquée la première dans votre enfance et quelles autres vertus lui firent cortège»! Voici la réponse de Marie: «L'humilité, l'obéissance et l'amour firent mes délices dès le commence­ment. Dès mon enfance, je fus d'une humilité si profonde que jamais je ne me préférais à aucune créature; j'étais si soumise et si obéissante à mes parents, que jamais en rien je ne les ai contristés. Dès le moment où le Saint-Esprit remplit mon âme, au sein de ma mère, je fus inclinée à tout ce qui est bien; toute vertu qui m'était proposée, je l'embrassais avec un bonheur inexprimable».

Ainsi, dès l'aurore de sa vie, la Vierge immaculée était inclinée vers le bien d'une façon merveilleuse. Pendant toute son existence sur la terre, elle fut toujours dans l'exercice de quelque vertu.

Elle apparut un jour à sainte Mechtilde entourée de sept vierges. «Toutes ces vierges, dit-elle, étaient à mon service sur la terre: la premiè­re, qui est la pureté, m'a servie dans le sein de ma mère, quand je fus remplie du Saint-Esprit».

La seconde, la prudence, m'a servie dans mon enfance; aussi je n'ai jamais rien fait de puéril qui fût contre la volonté de Dieu.

La troisième, la chasteté, me guida au moment de la salutation de l'Ange. C'est l'amour que j'avais pour elle qui me dicta toutes les répon­ses que je fis à l'Ange.

La quatrième, l'humilité, m'a faite Mère de mon Dieu, quand je me confessai sa servante.

La cinquième, la charité, a fait descendre le Fils de Dieu du sein de son Père pour reposer dans le mien.

La sixième, la diligence, m'assista dans tous les soins réclamés par mon Fils après sa naissance; je devais ainsi accomplir en lui toute la vo­lonté de son Père.

La septième, la patience, a été à mon service depuis la première nuit où mon Fils est né jusqu'au jour de sa Passion.72)

Mechtilde dit alors: «O sainte Dame, obtenez moi ces vertus». Marie répondit: «Approche de mon Fils et fais lui cette demande». - C'est en effet dans le Cœur de Jésus que nous devons aller puiser ces vertus com­me dans leur source.

Le vénérable Père Eudes, considérant à son tour les vertus de ce Mi­roir de justice, nous montre dans le Cœur de Marie un abîme d'humili­té et le royaume de la divine volonté.

C'est à cet abîme que l'on peut appliquer ces paroles: Abyssus abyssum invocat. Un abîme d'humilité appelle un abîme de grâce et de bénédic­tions célestes.

Le premier abîme appelle le second, parce que la prière d'un cœur humble est toute-puissante devant Dieu. C'est un abîme qui invoque, qui appelle et qui attire en soi toutes les grâces du ciel, Dieu les y versant à pleines mains et sans réserve.

La conformité du Cœur de Marie à la volonté divine a permis à la très sainte Trinité d'opérer en ce Cœur très pur toutes ses merveilles.

Ce sont là les dispositions que nous devons imiter pour que nos cœurs soient aussi dans une certaine mesure des miroirs de justice et les sièges de la sagesse.

Le Cœur de Marie fut le siège des vertus les plus héroïques. Instru­ment souple et docile, il avait consenti dès le premier instant à un acte parfait de donation, qui constituait Marie dans une dépendance totale, absolue, perpétuelle, à l'égard de Dieu.

Cette dépendance explique toutes les qualifications glorieuses par les quelles le vénérable Père Eudes salue le Cœur de la Mère adorable. Cette dépendance, en effet, est le principe de la véritable humilité: Ave, cor humillimum.

Cette dépendance, soumet notre volonté à la volonté de Dieu: Ave, cor obedientissimum.

Cette dépendance s'affirme surtout dans les actes de religion et nous livre tout entiers aux exigences du culte divin: Ave, cor devotissimum.

Cette dépendance salue la croix et accepte noblement la souffrance: Ave, cor patientissimum.

Cette dépendance nous propose Dieu, dans sa tendre bonté et sa dou­ce miséricorde, comme modèle et comme guide pour nos rapports avec le prochain: Ave, cor benignissimum.

Cette dépendance est pour l'âme convaincue de la grandeur de Dieu et de la profondeur de son propre néant, comme la perle précieuse qu'il faut chercher avec soin, comme le trésor qu'il faut faire fructifier: Ave, cor vigilantissimum.

Cette dépendance met Dieu à sa place et la créature à la sienne; elle est le principe de la vraie sagesse: Ave, cor sapientissimum.

Jamais cœur humain ne prêta son concours à des actes plus nombreux et plus-héroïques de vertu. Marie était dans un exercice perpétuel de quel­que vertu. Pendant les soixante-douze ans de son existence, Dieu lui don­na de passer par tous les états et toutes les vicissitudes de la vie humaine, et par là il lui offrait l'occasion d'exercer toutes les vertus. Le Cœur docile de Marie prêtait sans réserve son concours à l'action divine.

O sainte dépendance, sainte conformité à la volonté divine, soyez aus­si la règle de notre vie! Nous voulons tenir notre cœur pur et détaché des créatures, pour qu'il soit un miroir fidèle des vertus célestes, et pour que la Sagesse divine en puisse prendre possession et y régner en maîtresse absolue.

EXEMPLE : Notre-Dame du Perpétuel-Secours

C'est Marie qui a voulu être honorée au dix-neuvième siècle sous ce titre plein de promesses.

Une ancienne image de Marie avait été apportée de Crète à Rome au quinzième siècle, après la prise de Constantinople par les Turcs. Marie voulut que son image, déposée d'abord chez une famille chrétienne, fût honorée publiquement sous le beau nom de Notre-Dame du Perpétuel­-Secours. Elle le demanda elle-même dans une apparition à une enfant.

La Mère du Perpétuel-Secours fut, en effet, exposée solennellement en 1499 dans l'église de Saint-Mathieu à l'Esquilin et pendant trois siè­cles elle y prodigua les faveurs et les miracles. Mais en 1809, l'église de Saint-Mathieu tomba en ruines et ne fut pas reconstruite. L'image fut déposée dans un oratoire privé. Elle était là presque oubliée, quand un événement providentiel vint lui rendre son antique gloire et une plus grande encore.

Un prédicateur avait rappelé à l'église du Gésu les merveilles opérées autrefois par la Madone du Perpétuel-Secours et il avait exprimé son re­gret qu'elle fût perdue. Un frère Rédemptoriste qui l'entendit savait qu'elle était dans l'oratoire des Augustins de sainte Marie in Posterula. Il en fit part à son supérieur. Les Rédemptoristes avaient acheté le terrain de l'ancienne église de Saint-Mathieu et y avaient établi leur noviciat. Leur supérieur obtint de Pie IX que la Madone leur soit rendue pour être honorée là où elle l'avait été pendant trois siècles.

Nous avons eu le bonheur d'assister aux fêtes splendides de la transla­tion, le 26 avril 1866 et aux fêtes du couronnement le 23 juin 1867. Tout Rome y prit part et il y eut plusieurs guérisons miraculeuses.

La Mère du Perpétuel-Secours avait repris possession de son trône. Son culte se répandit partout. Une archiconfrérie porta son nom dans toutes les nations, et des copies de la sainte image sont devenues aussi un but de pèlerinage à Paris, à Londres, en Belgique, en Angleterre, en Amérique, partout où les Rédemptoristes ont fondé des maisons. Beaucoup de familles ont la gracieuse image à leur foyer.

C'est encore une grande grâce du dix-neuvième siècle et un gage cer­tain d'espérance et de confiance.

PRIÈRE de Saint Pierre Damien

O Mère de Dieu, tournez-vous vers nous par votre amour. Je sais, ma Souveraine, que vous êtes toute bonne, et que vous nous aimez d'un

amour qui ne peut être surpassé par aucun autre amour. Combien de fois n'apaisez-vous pas la colère de notre juge, lorsqu'il est près de nous punir? Tous les trésors de la miséricorde du Seigneur sont entre vos mains, Ah! qu'il n'arrive pas que vous cessiez de nous faire du bien, vous qui ne cherchez que l'occasion de sauver tous les misérables, et d'étendre sur eux votre miséricorde; car votre gloire s'accroît, chaque fois que vous procurez aux pénitents le pardon de leurs fautes, et que vous les faites parvenir ensuite au paradis. Tournez-vous donc vers nous, afin que nous puissions aller vous voir dans le ciel; car, après la vi­sion béatifique, la plus grande gloire dont nous puissions jouir, c'est de vous voir, de vous aimer et d'être sous votre protection. Ah! exaucez­nous, puisque votre divin Fils veut vous honorer en ne vous refusant rien de ce que vous lui demandez.

Ainsi soit-il

Le Cœur de Marie a été souvent rempli de joie pendant sa vie mortel­le, il est désormais inondé de joies ineffables dans le ciel.

Nous partageons les joies de notre Mère, elles nous sont communes avec elle; et de plus Marie est pour nous la cause de joies personnelles par les grâces qu'elle nous procure sans cesse et par la gloire qu'elle nous prépare.

L'Eglise signale et exalte les joies de Marie dans les mystères de sa vie dont elle fait la fête.

Sainte Mechtilde, sainte Gertrude et le vénérable Père Eudes ai­maient à redire les joies du Cœur virginal de Marie. La sainte Vierge invitait elle-même sainte Mechtilde à lui rappeler les joies de sa vie et à y prendre part.

Imitons ces âmes angéliques et avec elles louons Marie et félicitons-la des grandes joies dont son Cœur fut souvent enivré par la grâce divine. Le premier battement du Cœur de Marie fut un tressaillement de joie. C'était la grâce de l'Immaculée Conception qui faisait irruption dans son âme. Aussi l'Eglise lui prête en ce jour ces paroles de l'Ecritu­re: «Je me réjouirai dans le Seigneur, et déjà mon âme a tressailli en Dieu, parce qu'il m'a revêtue du vêtement du salut et qu'il m'a envelop­pée du manteau de la justice».73)

«Rappelle-moi, disait Marie à sainte Mechtilde, la grande joie que j'éprouvai au premier moment de mon existence; car, au moment où il unit mon âme à mon corps, Dieu me remplit du Saint-Esprit. Cet hôte divin me préserva entièrement du péché originel, il me choisit pour son sanctuaire, et c'est ainsi, comme une rose sans épines, comme l'étoile du matin, que je fis mon apparition dans le monde».

L'Eglise salue encore le tressaillement du Cœur de Marie à sa Nativi­té. La liturgie signale ce jour comme l'aurore de toutes nos joies: Nativi­tas tua gaudium annuntiavit universo mundo.

Marie disait aussi à sainte Mechtilde: «Rappelle-moi la joie que je res­sens en voyant la complaisance que la sainte Trinité a prise en moi de toute éternité et spécialement au jour de ma naissance. L'adorable Tri­nité avait préparé en moi dans sa joie et son ravissement un cœur où de­vait paraître tout l'art de sa sagesse et de sa bonté. Elle contemplait ma naissance et mon enfance et y mettait sa joie et son allégresse, au point que toutes mes actions d'enfant étaient comme un jeu qui charmait ses regards, selon cette parole de l' Ecriture: Je me jouais tout le temps en sa Pré­sence».

La Vierge des vierges éprouva dans son cœur si pur, le jour de sa Pré­sentation, les doux tressaillements que ressentent les vierges qui se con­sacrent au Seigneur.

La fiancée de Joseph, ravie de trouver un époux épris comme elle des joies de la virginité, sentit dans son cœur des battements plus doux et plus forts que ceux de toute autre union.

Aux tressaillements du cœur de la Vierge viennent s'ajouter les tres­saillements du cœur de la Mère.

«Rappelle-moi, disait encore Marie à sainte Mechtilde, la joie que j'ai éprouvée lorsque le Fils de Dieu, sortant comme un époux du sein de son Père, vint dans mon sein et s'elança comme un géant pour parcourir sa voie;

La joie qui m'a inondée, lorsque sortant de mon sein virginal, il est devenu le Fils de ma consolation et de mon allégresse;

Ma joie à l'offrande des Mages: mon Fils devint alors le Fils de ma gloire; jamais, depuis la création, aucune mère n'a reçu de tels honneurs à la naissance de son fils;

Ma joie lorsque j'offris mon Fils dans le temple; là, il a été pour moi le Fils de ma sainteté et de ma pureté. Les autres mères y venaient pour se purifier; moi, je n'avais pas besoin de purification et j'y reçus un ac­croissement de sainteté;

Dans sa passion, il a été le Fils de mes douleurs, mais aussi de ma ré­demption;

Dans sa résurrection, il a été le Fils de ma joie et de mon allégresse; et enfin, dans son Ascension, le Fils d'une majesté divine et d'une royale dignité».

Et de quelles joies indicibles aussi Marie a été comblée au jour de son Assomption et de son couronnement!

Mais Marie veut faire partager toutes ses joies à ses enfants, et elle s'y emploie par son intercession quotidienne pour nous conduire à l'aide de grâces incessantes jusqu'à la joie éternelle du ciel.

Marie est surtout la cause de notre joie, parce qu'elle nous a donné le Sauveur. Avec lui elle nous a donné la vie de la grâce et elle nous donne déjà un avant-goût des joies du ciel par la douce espérance de voir Dieu et de le posséder.

Si Jésus fut la cause première efficiente et méritoire de notre vie spiri­tuelle, en nous ressuscitant à la vie de la grâce, alors que nous étions morts par le péché mortel; Marie en fut la cause secondaire, en donnant à son Fils la nature humaine, sans laquelle le Verbe divin n'aurait pas pu satisfaire à la justice divine de la manière que Dieu l'exigeait; et c'est surtout pour cette raison que l'Eglise appelle Marie notre vie, notre dou­ce joie et notre espérance: Vita, dulcedo et spes nostra salve!

Marie est encore la cause de notre allégresse par le moyen qu'elle nous offre pour conserver et fortifier notre vie spirituelle.

La prière et les bonnes œuvres nous aident à conserver et à dévelop­per cette vie, mais le moyen le plus efficace, c'est celui que nous a laissé le Sauveur au dernier jour de sa vie, dans l'excès de son amour, c'est le pain eucharistique. Mais avez-vous jamais réfléchi que c'est de Marie que vous vient cette chair immaculée, qui vous est servie par le Fils de Dieu dans le délicieux festin de son amour?

«Cette même chair, dit saint Augustin, que le Christ a tirée de Marie, qu'il a conservée durant sa vie mortelle et qu'il possède maintenant glo­rieux dans le ciel, c'est celle-là même qui nous est offerte dans le très­-saint sacrement de l'Eucharistie».74)

«Considérez, dit saint Pierre Damien, combien nous sommes redeva­bles à Marie! Ce même corps qu'elle engendra, qu'elle porta avec tant de soin et d'amour dans son sein, qu'elle enveloppa de langes et qu'elle nourrit de son lait, c'est celui-là même que nous recevons maintenant à la sainte table.75) «Voyez maintenant si Marie, source d'un si grand don, ne doit pas être appelée «Cause de notre allégresse».

Enfin Marie est encore la cause de notre joie par la protection qu'elle nous donne pour nous empêcher de perdre la vie de la grâce. Non seule­ment elle nous aide journellement pendant toute notre vie, mais elle nous assiste principalement à l'heure de notre mort. Et à cette heure so­lennelle elle ne se contente pas de nous secourir, elle vient à nous pour nous défendre et recueillir notre dernier soupir, comme l'affirment saint Jérôme76) et saint Vincent-Ferrier77) avec d'autres saints docteurs. - Soyons donc bien dévoués à une mère si tendre et si fidèle.

EXEMPLE : Marie Auxiliatrice

Turin a toujours eu une grande dévotion envers Marie. Sa Madone de la Consolata est une des plus vénérées de toute l'Italie. Mais dans ces dernières années, c'est Marie Auxiliatrice qui appelle davantage à elle la confiance et les foules.

Après que Pie VII eût établi la fête de Marie Auxiliatrice, plusieurs églises ont été construites sous ce vocable. Il y en a une fort belle à Spole­to. Mais la principale est celle de Turin. Elle a été fondée par Don Bo­sco, de sainte mémoire, en 1865. Pie IX approuva l'archiconfrérie de Notre-Dame Auxiliatrice en 1870. Depuis lors, les religieux Salésiens, fondés par Don Bosco, ont merveilleusement propagé cette dévotion.

C'est à Marie Auxiliatrice que Don Bosco demandait ses miracles. Marie a montré à Turin, comme à Pompéi, qu'elle est la protectrice des œuvres sociales et ouvrières. C'est elle qui dirige ce mouvement de résurrection sociale chrétienne dont Léon XIII s'est fait le législateur. Elle a inspiré à son fidèle disciple Don Bosco un grand nombre d'œuvres sociales: Patronages ou oratoires de jeunes gens, pour les jours de dimanche et de fêtes, avec jardins de récréation, exercices de piété, cours spéciaux et divertissements;

Ecoles du soir pour ouvriers;

Ecoles du jour, pour enfants mal vêtus que les écoles publiques ne re­çoivent pas;

Orphelinats, asiles pour jeunes gens pauvres et abandonnés, dont les uns suivent les études classiques et les autres sont préparés aux divers métiers, quelques-uns même au sacerdoce;

Colonies agricoles pour orphelins et orphelines: celles-ci sont confiées aux sœurs de Marie Auxiliatrice;

Diffusion de la Bonne Presse: traités et journaux populaires. Aujourd'hui 400.000 enfants sont élevés dans les maisons Salésiennes.

La France, la Belgique, l'Amérique comptent un grand nombre d'Ora­toires Salésiens.

Les pieux disciples de Don Bosco ont aussi de belles missions, notam­ment dans l'Amérique du Sud. Ce sont de grands propagateurs de la dé­votion au Sacré-Cœur.

Le saint fondateur repose à Val-Salice près de Turin, au Séminaire des Salésiens.

La belle église de Notre-Dame Auxiliatrice à Turin est aussi imposan­te que pieuse. Les peintures de la coupole représentent l'intervention de Marie-Auxiliatrice dans les combats de Lépante et de Vienne et dans le retour de Pie VII à Rome.

Marie, secours des chrétiens, priez pour nous, aidez à la rénovation de la vie sociale chrétienne.

PRIÈRE de Saint André de Crète

je vous salue, ô Pleine de grâce; le Seigneur est avec vous. Je vous sa­lue, ô Instrument de notre joie, par qui la sentence de notre condamna­tion a été révoquée et changée en un jugement de bénédiction! Je vous salue, ô Temple de la gloire de Dieu, Demeure sacrée du Roi des cieux! vous êtes la réconciliation de Dieu avec les hommes. Je vous salue, ô Mère de notre allégresse! vous êtes vraiment et singulièrement bénie, puisque, seule entre toutes les femmes, vous avez été trouvée digne d'être la Mère de votre Créateur. Toutes les nations vous appellent Bienheureuse. - O Marie, si je mets ma confiance en vous, je serai sau­vé; si je suis sous votre protection, je n'ai rien à craindre; car, être votre serviteur dévoué, c'est avoir des armes qui assurent le salut, armes que Dieu n'accorde qu'à ceux qu'il veut rendre victorieux.

Soyez, ô Marie, notre joie pour l'éternité.

Ainsi soit-il

Marie est devenue un Vase spirituel, un Vase d'honneur, un Vase in­signe de dévotion, parce qu'elle a porté dans son sein le Fils de Dieu, parce qu'elle a possédé dans son Cœur le Saint-Esprit et ses dons à un degré éminent, et enfin parce que, semblable à un vase de parfums, son Cœur a toujours laissé monter vers le ciel les senteurs exquises de la dé­votion la plus parfaite.

En devenant la Mère de Dieu, Marie est devenue le temple de l'au­teur même de la grâce, qu'elle possédait désormais dans son sein et qui lui était uni de l'union la plus intime qui soit au monde.

Quelle intimité, quelle communication divine ne s'établit pas alors en­tre la Mère et le Fils! Tandis que de sa propre substance, elle donne l'ac­croissement et la forme au corps adorable de l'Homme-Dieu, qui ne fait plus qu'un avec elle, son Fils, par sa présence toute divine, lui comuni­que, pour ainsi dire, sa vie divine, sa substance divine, nourrissant spiri­tuellement l'âme de sa Mère des lumières de la plus pure sagesse, et son cœur, des feux de la charité la plus ardente.

Quelle union! Quelle intimité! Il n'en est point de plus grande dans l'ordre de la nature, ni de plus étroite dans l'ordre de la grâce, que celle de Jésus et de Marie, si ce n'est celle de l'union personnelle hypostatique du Verbe avec l'humanité. Les dispositions, les sentiments du Fils pas­sent dans l'âme de la Mère, et ils ne font l'un et l'autre qu'une même chose moralement. Ceux qui n'ont jamais aimé, dit saint Augustin, ne savent pas combien il y a de force dans l'amour, pour transformer vrai­ment celui qui aime et pour en faire un autre lui-même, jusqu'à lui don­ner les mêmes volontés, les mêmes inclinations et quelquefois les mêmes pensées. C'est ainsi que Marie n'avait pas une volonté, un sentiment, une inclination qui ne fût en union avec son Fils; elle était toute transfor­mée en Jésus-Christ. N'est-ce pas assez pour dire que son Cœur était un Vase d'honneur, un Vase spirituel, un Vase insigne de dévotion?

Cette union avec Dieu est d'ailleurs le caractère propre de toute la vie de la Sainte Vierge. Elle a été commencée par l'action puissante du Saint-Esprit dès le moment de la Conception Immaculée de Marie. Elle a été portée au degré le plus élevé qui se puisse concevoir par l'Incarna­tion du Verbe et sa vie au sein de Marie. Elle a été continuée par la vie commune de Jésus et Marie à Nazareth et par leur sacrifice commun au Calvaire.

Mais quelles grâces particulières apporte à Marie le Verbe anéanti en elle? Il lui donne des lumières plus vives que jamais sur la grandeur de Dieu et le néant del créatures. Il lui enseigne que la Majesté divine ne peut être dignement honorée que par les humiliations d'un Dieu fait homme, et que tous nos hommages ne sont rien et ne sauraient mériter par eux-mêmes d'être agréés.

Marie, dès ce moment, eut un sentiment intime de son impuissance. Elle s'appliqua à glorifier Dieu par son propre Fils. «Je ne puis rien, disait-elle à Dieu, je ne suis rien, je n'ai rien à vous offrir; mais j'ai le Fils que vous m'avez donné; je vous adore par lui. Regardez ce Fils, c'est le vôtre et c'est le mien. Le voilà réduit à un état d'anéantissement, pour reconnaître votre souveraineté. Hélas! que puis-je faire, sinon de joindre le néant de ma nature à son anéantissement volontaire, et de vous supplier d'agréer l'hommage de la Mère dans celui du Fils?».

Leçons d'humilité, leçons de charité, leçon de sacrifice, c'est tout ce que Marie lisait au plus intime du Cœur de Jésus vivant en elle. C'est ce que nous devons lire aussi dans la pratique de la vie intérieure, dans la méditation des mystères de Notre-Seigneur, pour nous rapprocher de la vie si parfaite de ce Vase insigne de la dévotion.

Comment dire les richesses de ce Vase d'honneur et les progrès inces­sants de la perfection et de la charité dans le Cœur de Marie?

Ne peut-on pas dire que la Mère du Sauveur n'a jamais fait qu'un ac­te d'amour, mais cet acte d'amour toujours croissant a duré pendant tout le cours de sa vie!

Si sainte Thérèse est morte d'amour, qui peut douter que le divin amour qui embrasait le très saint Cœur de la Mère de Dieu, et qui était incomparablement plus ardent que celui de sainte Thérèse et de tous les saints ensemble, ne l'eût fait mourir mille et mille fois, si la vie ne lui avait été conservé par miracle?

Marie a donné elle-même à sainte Brigitte quelques indications sur sa vie intérieure. «J'ai toujours été remplie du Saint-Esprit dès mon enfan­ce, lui dit-elle, mais à mesure que j'ai avancé en âge, le Saint-Esprit m'a toujours remplie de plus en plus, et d'une plénitude si abondante qu'il n'a laissé en moi aucun vide ni aucune place pour le péché. J'étais telle­ment embrasée de l'amour de Dieu que je ne prenais plaisir en chose du monde qu'en l'accomplissement de sa très sainte volonté…».

L'action de la grâce à laquelle elle correspondait si docilement, et la contemplation des vertus si parfaites de Notre-Seigneur faisaient croître indéfiniment dans le Cœur de Marie toutes les vertus: la prudence, l'humilité, l'obéissance, la patience.

Mais c'est par-dessus tout le divin amour qui grandissait sans mesure et remplissait tellement le Cœur et l'âme et toutes les puissances de cette Vierge bénie, qu'il était véritablement l'âme de son âme, la vie de sa vie, l'esprit de son esprit, le cœur de son cœur; de sorte que l'amour divin était tout et faisait tout en elle et par elle.

Si elle priait, c'était l'amour qui priait en elle; si elle parlait, c'était l'amour qui parlait en elle et par elle; si elle travaillait, c'était l'amour qui l'appliquait au travail; si elle mangeait, c'était pour obéir à ces paro­les du Saint-Esprit, qui est l'amour essentiel: «Soit que vous mangiez, soit que vous buviez, soit que vous fassiez quelque autre chose, faites tout pour la gloire de Dieu». Si elle se mortifiait en quelque chose, c'était par la conduite de ce même amour, qui la tenait dans une mortification continuelle.

A l'exemple de Marie, vivons de la vie intérieure, par l'habitude du recueillement, de la réflexion, de la prière. Le divin amour grandira dans nos cœurs et nous serons les préférés de Marie. C'est en faveur des âmes intérieures que Marie s'appelle la Mère du bel amour. Ego Mater pulchrae dilectionis, parce qu'elle a pour elles une tendresse maternelle et qu'elle s'applique à exciter en elles les flammes d'un pur amour et le zèle pour la perfection.

EXEMPLE : Notre-Dame du Rosaire de Pompéi, et les pèlerinages d’Italie

L'Italie, qui était déjà si riche en sanctuaires de Marie, en a encore fondé de nouveaux au dix-neuvième siècle.

Elle avait Lorette, la nouvelle Nazareth; elle avait Notre-Dame de la Portioncule d'Assise; ce sont là des noms connus dans le monde entier.

Elle avait ses madones des villes, comme Sainte-Marie-Majeure, Sainte­Marie du Transtevere, Sainte-Marie de Campitelli à Rome, Notre-Dame de la Consolation à Turin, Notre-Dame de la Sainte-Lettre à Messine et tant d'autres; et puis les madones des montagnes, les Sinaïs de la Vierge, comme celle de Varallo, près du lac Majeur, si aimée de saint Charles Bor­romée, celle de Monte Vergine, près de Naples, la madone de Saint-Luc au Monte della Guardia près de Bologne, la madone des Sept Douleurs au mont Senario près de Florence, la madone du Bon-Conseil aux monts A1­bains, souvent visitée par Léon XIII dans sa jeunesse.

Mais les pieux Italiens aiment tant Marie, qu'elle veut à son tour les combler de ses tendresses.

Le plus populaire des pèlerinages nouveaux en Italie, c'est celui de Pompéi. C'est le Lourdes de l'Italie méridionale.

C'est un pieux laïc napolitain, l'avocat Bartolo Longo, qui eut la bon­ne pensée de propager la dévotion au Rosaire dans les campagnes de Pompéi. Il voyait là de pauvres campagnards privés de toutes les res­sources du culte et desservis seulement par une pauvre chapelle. Il les groupa en confrérie du Rosaire, pour qu'ils eussent dans cette nouvelle corporation des secours en cas de maladie, une contribution aux frais de noces des jeunes filles et des funérailles honorables. Son œuvre avait un double but: propager le Rosaire, qui a tant de promesses de grâces et re­lever la vie corporative.

Il offrit un modeste tableau de Notre-Dame du Rosaire à la chapelle de Valle de Pompéi et y fit célébrer une fête populaire. C'était en 1873. Deux ans après il y fit donner une mission et songea à recueillir des of­frandes pour élever une nouvelle église.

Les prodiges commencèrent le 2 février 1876. Une famille de Naples était bien éprouvée par la maladie d'une jeune fille épileptique. Elle pro­mit une belle offrande pour l'église de Pompéi si la jeune fille guérissait. La grâce fut obtenue.

Depuis lors des milliers de faveurs ont été accordées par la madone de Pompéi. Une grande et belle basilique lui a été dédiée. Une nouvelle bourgade s'élève. Les pèlerins viennent du monde entier. Marie a voulu manifester sa prédilection pour le Rosaire et pour les œuvres d'apostolat social et ouvrier.

PRIÈRE de sainte Gertrude

je vous salue, lis blanc de la Trinité toujours immuable dans sa splen­deur; rose éclatante qui ravissez le ciel; en vous le Roi des cieux a voulu naître et sucer votre lait; nourrisez nos âmes en faisant couler sur elles les grâces divines.

A vous de planter dans le cœur de ceux qui vous invoqueront la rose de la charité, le lis de la pureté, la violette de l'humilité. A vous aussi de transformer tous les sentiments du cœur de vos enfants, et de les rendre semblables aux sentiments de votre cœur maternel.

Vous êtes la règle des moeurs. Vous avez su, mieux que tous les hom­mes, gouverner en votre cœur l'ensemble des affections, des moeurs et de tous les mouvements des sens. Obtenez-moi la même grâce et confor­mez mes sentiments aux vôtres.78)

Quel gracieux symbole! Marie est parmi les hommes ce qu'est la rose parmi les fleurs, elle est éclatante par sa beauté spirituelle et toute parfu­mée par la bonne odeur de ses vertus.

La rose est la reine des fleurs; elle est l'ornement royal des jardins au printemps alors que ses vives couleurs éclatent comme un rubis au mi­lieu des autres fleurs. Notre Reine et notre Mère est la rose du jardin de l'Eglise. Elle est ornée de toutes les perfections. Elle a été figurée par ces femmes illustres dont la beauté est tant louée dans l' Ecriture. Les char­mes de Rebecca, la grâce de Rachel, l'admirable dignité de Judith, la splendeur étonnante d'Esther n'étaient que l'ombre de la beauté de Ma­rie. Aussi l'époux des Cantiques l'appelle-t-il sa colombe toute belle; et elle-même se compare aux champs de roses de Jéricho.79)

Puisqu'elle était la Mère de Jésus, elle devait ressembler à son Fils, qui fut le plus beau des enfants des hommes.80) Il convenait, dit Suarez, que Marie ressemblât au Christ et que, devant lui donner la vie, elle par­ticipât à sa beaué.81)

Adam fut beau, Eve lui ressembla: pourquoi donc voudriez vous que Marie ne ressemblât pas parfaitement à son Jésus, la beauté même, d'autant plus qu'elle devait régénérer avec lui le monde défiguré par le péché de nos premiers parents.

«Je vous salue dit saint Jean Damascène à Marie, fleur ornée des plus exquises beautés et qui deviez donner naissance à la plus belle des fleurs».82)

«Marie, dit saint François de Sales, est comme une belle rose, avant-courrière du printemps de la grâce».

Quoiqu'elle fût toute belle, d'ailleurs, Marie n'inspirait que de cha­stes affections, comme le remarque saint Thomas.83) La beauté intérieure de son âme toute brûlante d'amour de Dieu éclatait dans son regard vir­ginal et se répandait sur tout son extérieur par une modestie parfaite. El­le y j'oignait la pudeur, représentée par le vif coloris de la rose.

Quelle merveilleuse beauté! Ses yeux vous montrent Dieu; son front serein vous révèle la source de la véritable paix; ses lèvres ne s'ouvrent que pour parler de l'amour et des bienfaits du Créateur; la sainteté de Dieu resplendit sur son visage: la gravité de sa personne vous rappelle la majesté divine. Dans sa parole, dans son regard, dans sa démarche, dans son travail, dans son oraison, en tout et partout, elle respire une grâce et un air vraiment célestes, elle répand l'odeur suave d'une vertu divine.

Elle vous attire, mais c'est pour vous unir à Dieu, son unique bien; el­le vous charme, mais c'est pour vous enflammer de l'amour suprême; el­le vous ravit et vous entraîne, mais c'est pour vous attacher immuable­ment au centre de toute affection sainte. Oh! comme cette magnifique rose mérite bien d'être appelée la Reine des fleurs qui ornent le beau et délicieux jardin de l'Eglise!

Mais Marie n'est pas seulement symbolisée par la beauté de la rose, elle l'est aussi par ses parfums, qui représentent l'odeur de ses vertus. «O belle Rose, s'écrie saint Jean Damascène, qui, de sa bonne odeur, embaume toute l'Eglise de Jésus-Christ».84)

Les vertus de Marie nous attirent comme le parfum des roses nous charme. On peut dire de Marie ce que le Cantique dit de l'Epoux céle­ste: Nous courrons à l'odeur de tes parfums.

Saint Bernard compare le Cœur de Marie à un jardin de délices. «Nous y cueillons, dit-il, les fleurs les plus gracieuses. La Sainte Vierge, ajoute-t-il, est ce beau parterre fermé à l'esprit impur, rempli de divins aromates, cultivé par une main céleste et paré des fleurs délectables de toutes les vertus. Parmi les plus belles, trois surtout nous ravissent d'ad­miration et remplissent la maison du Seigneur du plus suave parfum: la violette de l'humilité, le lis de la virginité, la rose de la charité. Il était di­gne de nous arriver par ce parterre divin, celui qui est la fleur la plus bel­le, la fleur choisie entre mille, et sur qui s'est reposé l'Esprit du Sei­gneur».

Ne l'oublions pas, le céleste époux se plaît parmi les fleurs, et s'il ne trouve pas en nos âmes les parfums de l'humilité et de la charité, il n'y établira pas son séjour.

Le vénérable Père Eudes appelle le Cœur de Marie le «Paradis de tou­tes les vertus, de tous les dons et fruits du Saint-Esprit et de toutes les béatitudes». C'est le jardin royal, orné de toutes les fleurs et enrichi de tous les fruits qui peuvent plaire au divin jardinier.

Le Saint-Esprit avait mis au Cœur de Marie toutes les vertus dès le moment de sa Conception immaculée, et il les y avait sans cesse culti­vées. Il y avait aussi versé tous ses dons et imprimé toutes ces disposi­tions que nous appelons les Béatitudes.

Mais la sainte charité dominait toutes les vertus de Marie et les ani­mait toutes. Par amour pour son Dieu, elle pratiquait l'humilité et s'ou­bliait elle-même; par amour pour son Dieu, elle se détachait des créatu­res et vivait dans la pauvreté et la chasteté; par amour pour son Dieu, el­le avait faim et soif de la justice, elle pleurait les péchés des hommes, elle supportait les épreuves et les persécutions; par amour pour son Dieu, el­le aimait dans le prochain tous les enfants de Dieu. La charité dominait toute sa vie et aucun autre symbole ne peut mieux la représenter que la rose mystique.

Ainsi donc, ô bonne Vierge Marie, comme la rose revêtue de pourpre est la reine des fleurs, vous êtes la Reine du ciel et de la terre. Comme la rose est la plus suave des fleurs et la plus délicieusement parfumée, vous êtes la plus suave des créatures et la plus riche en vertus. Comme la rose supporte autour d'elle les épines, vous vous attachez aux pécheurs par votre miséricorde et votre compassion. La rose ouvre sa corolle aux rayons du soleil; ainsi vous vous êtes épanouie au soleil de justice pour recevoir le Fils de Dieu dans votre sein comme un rayon mystérieux. - On cueille la rose avant qu'elle se fane; et vous, avant que votre chair bénie fût atteinte par la corruption, vous fûtes enlevée de ce monde et of­ferte à Dieu par. les anges comme la plus délicieuse des fleurs.

O rose bénie entre toutes les fleurs qui embaument le jardin mystique de l'Eglise! O rose, délices et ornement du paradis, fortifiez par vos par­fums la vertu chancelante de mon cœur; inspirez-moi un ardent amour pour la pureté de cœur, pour la mortification de mes passions, pour la garde de mes sens; donnez moi une volonté forte pour remplir tous mes devoirs envers Dieu et le prochain. Que par votre puissante intercession, je plaise aux regards de Dieu et que j'en sois béni!

EXEMPLE : Notre Dame de Lorette et de Campocavallo

La grand pèlerinage de Lorette a pris aussi dans le dix-neuvième siè­cle une nouvelle jeunesse.

On a fêté en 1894, le sixième centenaire de la translation de la Sainte Maison.

Monseigneur l'évêque de Lorette avait fondé en 1889 la Congrégation universelle de la Santa Casa. Léon XIII a béni cette association, et des millions de fidèles s'y sont fait inscrire.

Les fidèles prennent la livrée de Marie par le scapulaire; ils s'unissent aux mystères de la vie de Marie par la confrérie du Rosaire; ils entrent pour ainsi dire dans la Sainte Famille, à titre d'hôtes ou de serviteurs par la Congrégation universelle de la Santa Casa. Beaucoup de nos sanctuai­res de Marie sont agrégés au sanctuaire de Lorette et propagent la Con­grégation universelle.

Plusieurs nations catholiques ont une chapelle spéciale dans la basili­que de Lorette, et depuis le centenaire de 1894, elles rivalisent de zèle et de goût artistique pour la décoration de ces chapelles.

La France a la chapelle Saint-Louis, où notre peintre Lameire repro­duit des scènes de la vie du saint Roi.

L'Italie a décoré la chapelle Saint Joseph. Le peintre Faustini y a re­présenté la vie de la Sainte Famille à Nazareth.

L'Allemagne fait décorer par le peintre Seitz la grande chapelle absi­dale. C'est toute l'épopée de la glorieuse Mère de Dieu qui y est repré­sentée: sa vie terrestre, sa gloire au ciel, son intervention dans la vie de l'Eglise.

A la coupole, le peintre romain Maccari a représenté la gloire de Ma­rie d'après litanies, où la divine Mère est saluée comme Reine des An­ges, des Vierges, des Martyrs et de tous les Saints. Plusieurs de ces pein­tures ont une grande valeur artistique.

Le nouveau Nazareth a donc été bien glorifié à Lorette pendant le dix­neuvième siècle.

Marie a voulu ajouter une sorte de complément à son sanctuaire de Lorette. Celui-ci ne rappelait que les mystères joyeux de la Sainte Vier­ge. Elle a choisi une image de ses douleurs, une Pietà, à quelques kilomè­tres de Lorette, à Campocavallo pour en faire un nouveau sanctuaire privilégié. De 1892 à 1896, l'image de Campocavallo a souvent remué les yeux, souri ou pleuré et manifesté à ses visiteurs des reproches ou des encouragements. Plusieurs malades ont aussi obtenu là des miracles éclatants. Une belle basilique y a été élevée.

Lorette et Campocavallo, c'est tout Marie, ses joies et ses douleurs. Méditons souvent les mystères de Marie et notre sanctification progres­sera rapidement.

PRIÈRE de saint Bernard

Vous êtes, ô Marie, cette Femme unique dans laquelle le Sauveur a trouvé son repos et a déposé sans mesure tous ses trésors. Voilà pour­quoi, ô ma sainte Reine, tout l'univers honore votre sein comme le tem­ple de Dieu, dans lequel a été commencé le salut du monde: c'est là que s'est opérée la réconciliation entre Dieu et l'homme. Vous êtes, auguste Mère de Dieu, le jardin fermé, où la main du pécheur n'a jamais péné­tré pour en cueillir la fleur. Vous êtes le beau Parterre dans lequel Dieu a mis toutes les fleurs qui ornent l'Eglise, et où l'on admire entre autres la violette de votre humilité, le lis de votre pureté et la rose de votre charité. A qui pourrons-nous vous comparer, ô Mère de grâce et de beauté? Vous êtes le Paradis de Dieu; c'est de vous qu'est sortie la source d'eau vive qui arrose toute la terre. Oh! que de bienfaits vous avez apportés au monde, en méritant de devenir un aqueduc si salutaire!

Venez donc au secours de notre faiblesse. Oh! qui est plus à même de parler à Notre-Seigneur Jésus-Christ que vous, qui êtes admise à goûter si intimement les douceurs de sa conversation? Parlez, parlez, auguste Reine, car votre divin Fils vous écoute, et vous obtiendrez tout ce que vous lui demanderez.

Ainsi soit-il

Le Cantique des Cantiques, dans la Sainte Ecriture, en décrivant la beauté de l'épouse mystique, compare son cœur à la tour de David et à une tour d'ivoire. Mais l'Eglise dans nos litanies a élargi ce symbole. C'est Marie elle-même qu'elle compare à la tour de David et à une tour d'ivoire.

Il est facile de comprendre pourquoi on attribue à Marie les propriétés d'une tour et spécialement de la tour de David. Le haut donjon construit au temps de David, au point le plus élevé des remparts de Jérusalem, protégeait toute la ville. Il était lui-même entouré par des travaux avan­cés. Il était défendu par de vaillants guerriers, qui le tenaient fourni de toutes sortes de munitions de guerre afin de pouvoir résister à tous les, as­sauts. C'était le vrai rempart de Jérusalem, la terreur de ses ennemis, le refuge de ses habitants en cas de détresse.

Marie n'est-elle pas tout cela pour l'Eglise? N'est-elle pas la tour de David de cette vaste Jérusalem? Sa protection n'est-elle pas comme un mur inébranlable, sur lequel sont toujours établis des guerriers vigilants et invincibles? Qui oserait s'en approcher pour attaquer ceux qui se se­raient réfugiés auprès d'elle? N'a-t-elle pas les anges à son service pour nous protéger?

Elle participe à la puissance de Dieu: «Vous êtes toute-puissante, ô Marie, lui dit saint Bonaventure, parce que le Tout-Puissant est avec vous».85) Elle dispose de tous les moyens naturels et surnaturels, pour pro­téger ses pieux serviteurs et pour abattre l'audace du démon et déjouer ses ruses.

Qui pourrait énumérer tous les fruits de sa protection?

Les fidèles lui ont offert des milliers d'ex-voto, mais qu'est-ce que cela en comparaison du nombre de ses bienfaits? A combien d'âmes elle a conservé l'innocence baptismale! Combien d'autres elle a préservées de la rechute après la pénitence, en les protégeant contre les attaques du démon!

Le Cantique des Cantiques la dit terrible comme une armée rangée en batail­le. Au seul nom de Marie; comme à celui de Jésus, l'enfer tremble et fré­mit: «Vous repoussez, lui dit saint Germain, les assauts des ennemis par la seule invocation de votre nom, et vous conservez vos serviteurs sains et saufs».86)

Enfermons-nous de bonne heure dans cette tour de David, et nous y vivrons à l'abri des coups de nos ennemis. Vivons auprès de Marie. Quelles que soient la méchanceté et la ruse du démon, cette Tour mysté­rieuse protège et sauve tous ceux qui se confient en elle. «Elle est d'une manière spéciale la terreur de nos ennemis spirituels», dit saint Pierre Damien. «Elle est plus redoutable au démon qu'on ne saurait croire, dit saint Bonaventure.87)

«Vous êtes, ô Marie, notre refuge, notre secours et notre asile, dit saint Thomas de Villeneuve.88) Si nous sommes assaillis par les ennemis, vous êtes la tour de sûreté qui nous donne du courage et multiplie nos forces pour nous rendre invincibles contre tous les efforts du démon et contre les révoltes des passions.

Il est inouï qu'un homme, au milieu de ses tentations, ait espéré en Marie, ait recouru à elle avec confiance, se soit retiré derrière les hautes et puissantes murailles de sa protection, et qu'il ait eu à se repentir d'avoir recouru à elle et à se plaindre que Marie l'ait abandonné.

Marie est l'unique refuge et l'unique recours des hommes dans leurs tentations. Vous deviendrez infailliblement le jouet de vos ennemis, si vous perdez confiance en elle, ou si, par une coupable négligence, vous cessez de recourir à sa protection.

Lorsque vous vous sentez assailli par vos ennemis, au milieu des ténè­bres où se trouve parfois votre esprit, au milieu des agitations et des an­goisses qui oppressent votre cœur, prononcez le nom de Marie, et aussi­tôt vous verrez poindre un rayon de lumière qui vous éclairera, un vent de ferme espérance qui vous dirigera et tiendra votre cœur ferme et soli­de au milieu de ses langueurs et de ses combats. Vous reprendrez con­fiance et une paix profonde renaîtra dans votre âme.

Le vénérable P. Eudes exalte aussi la puissance et les victoires de la Tour mystique de David.

N'a-t-elle pas vaincu Dieu lui-même toutes les fois qu'elle a désarmé la divine vengeance; toutes les fois que par sa miséricordieuse interces­sion, elle a lié les mains de la terrible justice de Dieu?

Et puisqu'elle est unie si intimement à Jésus-Christ, puisque le sang versé sur la croix est en quelque sorte le sien, n'a-t-elle pas une part à toutes les victoires du Rédempteur?

Toutes les victoires de votre Fils, toutes les victoires des anges, toutes les victoires des martyrs et de tous les autres saints du ciel et de la terre, sont en quelque façon vos victoires, ô puissante Reine! Oh! que nous pouvons bien vous dire, et avec plus de raison, ce que le grand-prêtre de l'Ancienne loi disait à Judith: Vous êtes la gloire de Jérusalem et la joie d'Israel». Oui, vous êtes la gloire de la vraie Jérusalem, qui est la sainte Eglise; vous êtes la joie du christianisme, vous êtes l'honneur des chré­tiens, parce que vous avez agi virilement et que votre cœur a été rempli de force; et parce que le Seigneur vous a trouvée pure, sa main vous a fortifiée et s'est servie de vous pour sauver son peuple. Vous serez bénie éternellement. Dieu a exalté votre nom, et vos louanges ne tariront pas dans la bouche des hommes. Vous êtes la véritable Judith et nous vous devons notre salut.

Marie a rendu la paix à une infinité d'âmes par sa victoire sur les dé­mons, comme Judith a rendu la paix à son peuple en donnant la mort à Holopherne. A l'abri de la blanche Tour d'ivoire, on trouve une paix aussi parfaite que l'homme peut en posséder sur la terre.

C'est avec raison que saint Jean Damascène fait dire à Marie: «Je suis la cité de refuge pour tous ceux qui recourent à moi: venez et puisez aux sources abondantes des grâces».89) En vain chercheriez-vous ailleurs un lieu de refuge et de sécurité, c'est en cette Tour d'ivoire que Dieu vous offre le salut. Il l'a élevée et fortifiée, afin qu'elle soit invincible et victo­rieuse, et qu'elle offre à tous le moyen de trouver en elle une paix im­muable.

Marie peut redire, avec son divin Fils qui l'a investie de sa puissance, ces paroles prophétiques d'Isaïe: «Mon peuple, retiré derrière les rem­parts inexpugnables de ma protection, vivra dans une douce tranquillité; il y élèvera ses tentes avec confiance et y trouvera la prospérité et la paix.90)

EXEMPLE : Notre Dame del Pilar et l’Espagne

Aucune nation n'a plus aimé Marie que le noble et chevaleresque Espagne. On dit qu'il y a en Espagne 80.000 églises ou chapelles dédiées à Marie.

Mais l'Espagne estime aussi qu'elle est particulièrement aimée par la Sainte Vierge.

D'après les traditions, la Sainte Vierge aurait apparu, même de son vivant, en l'année 40 de notre ère, à l'apôtre saint Jacques, à Saragosse. Saint Jacques le Majeur avait commencé à évangéliser l'Espagne. Le soir du 2 janvier de l'année 40, il avait réuni quelques disciples sur les bords de l'Ebre à Saragosse et il leur exprimait sa tristesse à la vue des difficultés de son apostolat. Marie leur apparut entourée de lumière. Des anges apportaient une colonne de marbre. Marie demanda à Jacques, en lui annonçant que l'Espagne aurait pour elle une grande dévotion, de lui élever en cet endroit un sanctuaire, où sa statue reposerait sur la co­lonne apportée par les anges. C'est l'origine de l'église de Notre-Dame du Pilier ou del Pilar.

La grande basilique actuelle est dans le style du dix-septième siècle, el­le a 135 mètres de longueur et autant de largeur. Elle abrite sous ses voû­tes élevées le petit temple où se trouve la statue miraculeuse. Le trésor de la Madone est si riche qu'on a pu, il y a trente ans, en tirer, sans trop l'amoindrir, des sommes considérables pour continuer les travaux de la basilique.

L'Espagne a beaucoup d'autres sanctuaires de Marie. L'image de Marie accompagnait ses chevaliers dans toutes leurs campagnes, elle les aidait sur les champs de batailles et recevait ensuite les hommages de leur reconnaissance dans les villes: telles, la Vierge du Sanctuaire à To­lède, la Vierge des batailles à Séville, la Vierge Antique à Grenade.

L'Espagne aime toujours Marie. Au dix-neuvième siècle, elle a agrandi ou restauré beaucoup de ses sanctuaires, comme ceux de Sara­gosse et de Montserrat; elle lui élève actuellement à Madrid deux gran­des basiliques: à Notre-Dame de Almudena et à Notre-Dame de Atocha.

Douce et aimable Vierge du Pilier, que nous avons vu vénérer avec tant de foi, tant de respect et tant d'amour par le peuple espagnol, priez pour l'Espagne et priez pour nous.

PRIÈRE de saint Ildefonse

O ma souveraine Maîtresse, la très humble servante de votre Fils, la Mère de mon Seigneur, je me prosterne humblement à vos pieds, et je vous prie de m'obtenir le pardon de mes péchés; faites que je sois purifié de toutes les fautes de ma vie. je vous prie de m'accorder la grâce d'être uni de cœur à Dieu et à vous, et de servir fidèlement votre Fils et vous: votre Fils comme mon Dieu, et vous comme la mère de mon Dieu; votre Fils comme mon Rédempteur, et vous comme la cause de ma Rédemp­tion: car, si votre divin Fils a payé ma rançon, c'est avec la chair sacrée qu'il a reçue de vous.

Faites que je publie vos grandeurs tant que je pourrai les publier; que je vous aime tant que je pourrai vous aimer; que je vous loue tant que je pourrai vous louer; que je vous serve tant que je pourrai vous servir.

Ainsi soit-il

La Maison d'or, c'était le riche palais de David, l'Arche d'alliance, c'était le coffret mystérieux, conservé dans le sanctuaire du temple, et qui contenait la manne, les tables de la loi et la verge fleurie d'Aaron.

Dieu résidait dans le sanctuaire. Il y accueillait les sacrifices de l'An­cienne Loi, il y rendait des oracles. Il avait une présence particulière à l'Arche d'alliance, pour figurer et préparer la présence réelle du Christ dans nos tabernacles.

Marie n'est-elle pas bien nommée la Maison d'or et l'Arche d'alliance par la présence du Fils de David et du Fils de Dieu en son sein? Souvent les Pères de l'Eglise et les docteurs ont salué en Marie l'Arche d'alliance, plus parfaite que celle de l'Ancienne Loi. Elle aussi est faite d'un bois incorruptible, symbole de sa pureté, elle est toute revêtue et couronnée de l'or de la charité. Mais elle contient plus que la Manne, plus que les Tables de la Loi et le lis d'Aaron, puisqu'elle est là Mère du Dieu de l'Eucharistie, de l'auteur de la Loi et de la Fleur divine qui de­vait sortir de la tige de Jessé.91)

Personne n'a mieux dépeint que le Père Eudes l'assimilation de Marie à l'Arche d'alliance, au Tabernacle, au Saint des saints.

Le Sacré-Cœur de Jésus, dit-il, est le sanctuaire par excellence où Dieu est adoré, glorifié et aimé d'une manière digne de ses grandeurs et de ses bontés infinies. Mais le Saint Cœur de Marie est le second sanc­tuaire de l'amour divin; sanctuaire qui n'a été profané par aucun péché, mais qui a toujours été orné de la beauté éclatante de toutes les vertus; sanctuaire qui a toujours été la glorieuse demeure du Saint des saints, et dans lequel il y a toujours eu et il y aura toujours plus d'honneur, plus de gloire et plus d'amour pour la très sainte Trinité que dans tous les sanc­tuaires matériels et spirituels de tous les temps.

Dans ce sanctuaire, sont offerts à Dieu des sacrifices bien plus parfaits que ceux du temple de l'Ancienne Loi: sacrifices d'amour et de louange. Sacrifices d'amour, car ce Cœur virginal a toujours été pendant sa vie terrestre et il est encore plus au ciel dans un exercice et dans un sacrifice perpétuel d'amour envers Dieu.

Sacrifices de louange, car ce même Cœur est une hostie perpétuelle de louange, d'adoration, de bénédiction, de glorification et d'action de grâ­ces envers la très sainte Trinité.

C'est ce Cœur qui est représenté par l'encensoir d'or qui est en la main d'un ange, au chapitre huitième de l'Apocalypse. C'est un encen­soir d'or, parce que le saint Saint Cœur de Marie est tout or et tout amour. Cet encensoir est en la main d'un ange, qui est l'Ange du grand conseil, c'est-à-dire notre Sauveur, pour montrer que le Cœur sacré de notre divine Mère a toujours été en la possession et en la direction de l'Ange du grand conseil.

Cet Ange du grand conseil remplit l'encensoir du feu de l'autel, c'est-­à-dire des prières des Saints. Les Saints, en effet, mettent leurs prières et toutes les louanges et adorations qu'ils rendent à Dieu dans le Cœur Sa­cré de leur très bonne Mère, afin qu'étant unies avec les siennes elles soient plus agréables et plus efficaces devant Dieu.

Après cette gracieuse interprétation du symbole de l'encensoir d'or, le vénérable Père Eudes nous explique comment la Vierge Marie n'offre pas seulement, dans le sanctuaire de son Cœur, les exercices d'amour et de louange que nous venons de dire, mais aussi des victimes d'amour, comme le grand prêtre de l'Ancienne Loi offrait le sang du sacrifice dans le Saint des saints.

La première victime qu'elle offre, c'est son divin Fils, qu'elle a offert dans le temple de Jérusalem et au Calvaire, et qu'elle offre encore conti­nuellement au ciel, en union avec tous nos sacrifices eucharistiques.

La seconde victime, c'est elle-même, qui a vécu sur la terre dans un sacrifice continuel de tout son être et qui présente sans cesse ce sacrifice à Dieu dans le ciel.

Ce céleste sanctuaire est bien à nous, puisqu'il est le Cœur de notre mère; sachons nous unir à ses sacrifices si efficaces et si agréables à Dieu. Présentons à Dieu les victimes offertes par Marie, en y unissant nos petit sacrifices quotidiens.

Le vénérable Pères Eudes nous enseigne aussi à offrir sur cet autel du Cœur de Marie le sacrifice de la messe.

Il interprète dans ce sens l'antienne: Introibo ad altare Dei, «J'entrerai à l'autel de Dieu», qui se récite au commencement de la messe. L'autel de Dieu, nous dit-il, c'est le Cœur de Jésus et le Cœur de Marie, qui n'en font qu'un moralement. Prêtres ou fidèles, quand nous disons cette an­tienne, rappelons-nous que c'est sur cet autel de leur Cœur que Jésus et Marie offrent quotidiennement à Dieu toutes les messes qui sont célé­brées.

C'est sur ce même autel que nous devons aussi offrir le divin sacrifice, et non pas seulement sur l'autel visible et matériel qui paraît à nos yeux et qui n'est que l'ombre de celui-là.

Ayant à offrir ce sacrifice sur un autel si saint et si doux, nous devons l'offrir, en faisant et disant toutes les choses que nous avons à y faire et à y dire, en union de l'amour, de la charité, de l'humilité et de la sainteté de ces deux Cœurs admirables. Ils forment en quelque manière un seul autel, que nous appelons aussi le Saint des saints, lorsque, en montant à l'autel, le prêtre prie Dieu «de le dégager de toute iniquité, afin qu'il mé­rite d'entrer dans le Saint des saints avec une âme pure et sainte».

Enfin on peut entendre encore dans le même sens la prière que le prê­tre fait après la consécration: «Nous vous supplions, ô Dieu tout­-puissant, de commander que cette hostie adorable soit portée par les mains de votre ange, c'est-à-dire de l'Ange du grand conseil, sur votre grand et sublime autel, devant la face de votre divine Majesté».

Oh! combien ces réflexions peuvent nous aider à dire saintement la messe si nous sommes prêtres; à y assister saintement, si nous ne le som­mes pas!

Pour terminer, redisons à Marie l'hymne de louange que saint Jean Damascène lui offrait un jour d'Assomption: «Aujourd'hui, disait-il, l'Arche sainte et animée du Dieu vivant, qui a porté le Créateur en son sein, est transportée dans le temple du ciel, qui n'est pas fait de main d'homme; et David son ancêtre exulte de joie et avec lui tous les chœurs des anges louent, glorifient, exaltent leur Reine». Nous nous unissons à leurs louanges et à leurs chants de gloire et d'amour. Nous louons et bé­nissons l'Arche d'alliance du Nouveau Testament. C'est auprès d'elle que nous voulons vivre et offrir le sacrifice quotidien de l'accomplisse­ment de tous nos devoirs.

EXEMPLE : La Vierge Consolatrice de Kevelaer et les pays de langue allemande

Le culte de Marie a grandi aussi pendant le dix-neuvième siècle dans toute l'Europe centrale. De nouveaux et riches sanctuaires lui ont été élevés à Munich, à Berlin et en bien d'autres villes. L'art l'a représentée sous mille formes différentes, en peinture, en sculpture, en gravure, à Munich et à Düsseldorf. Tous les pèlerinages anciens ont pris un nou­veau développement.

Kevelaer, près de Clèves, est le principal et celui qui attire les plus grandes foules. Rappelons cependant aussi celui de Mariazell en Autri­che et celui d'Einsiedeln en Suisse.

Mariazell est située dans les belles montagnes du Semmering. Elle est visitée par 20.0000 pèlerins chaque année. Au milieu de sa grande église du dix-septième siècle, une chapelle abrite la petite statue de la Vierge. Les pèlerins ont prodigué là leurs offrandes. La chapelle a douze colon­nes d'argent, la chaire est en porphyre; le maître-autel a un christ en ar­gent de grandeur naturelle sur une croix d'ébène; le trésor de l'église est étonnamment riche.

Einsiedeln est située entre les beaux lacs de Lucerne et de Zurich. Elle a aussi son petit sanctuaire abrité par une riche église du dix-huitième siècle. Les pèlerins du Tyrol et de la Suisse y montrent une ferveur capa­ble d'arracher à Marie ses faveurs les plus signalées.

La Consolatrice des affligés attire aussi à Kevelaer 200.000 pèlerins par an. On honore là une toute petite image qui est la reproduction de la Vierge de Luxembourg. Un petit sanctuaire abrite l'image miraculeuse, mais on a élevé à côté, de 1858 à 1864, une grande église, qui est une des plus belles de l'Allemagne du nord et une vaste chapelle de confessions avec de beaux cloîtres où s'achèvent des peintures qui représentent, dans le style si religieux de l'école de Düsseldorf, les paraboles de l' Evangile et le jugement dernier.

Kevelaer est le Lourdes de l'Allemagne. La piété des pèlerins allemands et hollandais y est incomparable. On n'y voit pas comme à Lourdes des mi­racles éclatants et journaliers, mais les grâces spirituelles y abondent.

Notre-Dame, Consolatrice des affligés, priez pour nous; priez aussi pour le retour à l'unité de l'Eglise de tous les hérétiques du Nord de l'Europe.

PRIÈRE de saint Méthode

Votre nom, ô Mère de Dieu, est rempli de toutes les grâces et de tou­tes les bénédictions divines.

Vous avez renfermé en vous-même Celui qui est l'immensité; et Celui qui nourrit toute créature, vous l'avez vous-même nourri. Celui qui remplit le ciel et la terre et qui dispose de tout en maître absolu, a daigné avoir besoin de vous; car vous lui avez donné ce vêtement de chair qu'il n'avait pas auparavant. Réjouissez-vous donc, ô Mère de Dieu et sa très humble servante. Quelle joie! quelle ineffable joie! Vous avez pour débi­teur Celui qui donne aux créatures tout ce qu'elles ont. Tous, nous som­mes les débiteurs de Dieu; mais Dieu est votre débiteur. Aussi, ô très sainte Mère de Dieu, votre bonté et votre charité dépassent de beaucoup celles de tous les autres saints et bien plus qu'eux vous avez accès auprès de Dieu, car vous êtes sa Mère! Nous vous supplions, ô notre puissante protectrice de penser à nous et à nos misères.

Ainsi soit-il!

Marie est la Porte du ciel, elle est aussi l'Etoile qui nous conduit au ciel. On pourrait multiplier ces symboles. Saint Bernard appelle aussi Marie la Voie royale du Sauveur, ou la voie par laquelle on arrive sûrement au Sauveur et au salut. Ailleurs, il l'appelle encore le noble char qui porte nos âmes vers Dieu.92)

La pensée commune de tous les saints, c'est que le salut et tous les dons nous viennent par Marie. «Personne, dit saint Germain à Marie, n'arrive au salut que par vous; personne n'est délivré de ses maux, si ce n'est par vous; à personne Dieu n'accorde aucun don, si ce n'est par vous».93)

Oh! combien de saints, s'écria saint Liguori, ne seraient pas à présent dans le ciel, si Marie ne les y avait conduits par sa puissante intercession! «Si nous appelons Marie Porte du ciel, dit saint Bonaventure, c'est par­ce que personne ne peut entrer au paradis que par elle».94) - «Tous ceux, dit-il ailleurs, qui se confient en la protection de Marie, verront la porte du ciel s'ouvrir devant eux pour leur livrer passage».95)

Saint Ephrem n'hésitait pas à dire de la dévotion envers la divine Mè­re, «qu'elle est l'entrée de la Jérusalem céleste».96) Et le pieux Louis de Blois, s'adressant à la sainte Vierge, lui dit: «O notre Reine, à vous sont confiées les clefs avec tous les trésors du royaume des cieux».97) Aussi faut­il que nous priions sans cesse Marie en lui disant avec saint Ambroise: «Ouvrez-nous, ô Marie, ouvrez-nous les portes du ciel, car vous en avez les clefs»; bien plus, vous en êtes la porte, ainsi que l'Eglise vous le dit à vous-même: Porte du ciel, priez pour nous.

Quand ensuite, dans l'hymne Ave Maris Stella, et dans les litanies, l'Eglise proclame Marie l'Etoile de la mer, «c'est, remarque le docteur angélique, parceque, semblables aux navigateurs que guide la lumière des étoiles, les chrétiens sont conduits au ciel par Marie».98)

Pareillement saint Fulgence la nomme l'Échelle du Ciel; «car, dit-il, c'est par Marie que Dieu descendit du ciel sur la terre, afin que, par elle aussi, les hommes méritent de s'élever de la terre au ciel».99) Et saint Ana­stase le Sinaïte s'écrie en lui adressant la parole: «Salut, ô pleine de grâ­ce! oui, pleine de grâce, non pas seulement pour vous, mais pour nous aussi, afin que vous soyez la voie de notre salut et notre chemin pour monter à la céleste patrie».100)

«Bienheureux donc, conclut saint Bonaventure, ceux qui vous con­naissent, ô Mère de Dieu! car, vous connaître, c'est avoir trouvé le che­min de l'immortalité; et publier vos grandeurs, c'est marcher dans la voie du salut éternel».101)

Quel est, se demande Denis le Chartreux, celui qui échappe à l'enfer? Quel est celui qui parvient au royaume des cieux? Et il répond: «Au sa­lut et au bonheur céleste parviennent certainement tous ceux pour le­squels la Mère de miséricorde offre à Dieu ses prières». C'est également ce qu'affirme Marie elle-même: Par moi règnent les rois, nous dit-elle:102) grâ­ce à mon intercession, les âmes règnent ici-bas en dominant leurs pas­sions; puis, après les jours de cette vie mortelle, elles vont éternellement régner dans le ciel. «Car au ciel, selon le mot de saint Augustin, autant il y a d'habitants, autant il y a de rois».103)

En résumé, Marie est la souveraine maîtresse du ciel; car au ciel tout se passe comme elle veut, et elle y introduit qui elle veut, ainsi que l'af­firme Richard de saint Laurent, quand, sur ces paroles de l'Ecclésiasti­que: Ma puissance s'exerce dans Jérusalem,104) il lui fait dire: «Je commande dans le ciel et j'en ouvre les portes selon mon bon plaisir»105) - «C'est à bon droit, ajoute l'abbé Rupert, qu'elle partage le trône de son Fils».106) Et de fait, si elle a pour Fils le Roi du ciel, il faut bien qu'elle soit la Reine du ciel. En conséquence, ajoute l'abbé Guerric, celui qui sert Marie et que Marie recommande au Seigneur est assuré de la possession du ciel, tout autant que s'il s'y trouvait déjà.

Sainte Gertrude avait coutume de dire aussi que le Sacré-Cœur de Jé­sus nous a confiés à Marie pour qu'elle nous conduise au ciel. «Pour mettre le comble-à vos bienfaits, disait-elle à Notre-Seigneur, vous m'avez donné votre très douce Mère comme dispensatrice de vos grâces, et vous m'avez confiée à son amour en termes si pleins de tendresse, que jamais époux n'en trouva de pareils pour recommander une épouse ché­rie à sa mère!».

Marie veille sur nous comme une mère veille sur ses enfants. Nous sommes en effet ses enfants. «Ce n'est pas mon fils unique, dit-elle un jour à sainte Gertrude, c'est mon premier-né qu'on doit appeler mon très doux Jésus; je l'ai conçu le premier dans mon sein, mais après lui, ou plutôt par lui, je vous ai tous conçu pour être ses frères et pour être mes enfants, en vous adoptant dans les entrailles de ma charité mater­nelle».

Le don de Dieu par excellence, c'est Jésus, son divin Fils; mais c'est par Marie qu'il a voulu le donner aux hommes. Il a attendu le fiat de ses lèvres bénies pour l'épancher de son Cœur divin dans le sein immaculé de la Vierge. Il a voulu que les bergers de Bethléem et les mages de l'Orient le reçussent de ses mains virginales. Avant de se livrer à la croix et à la mort, Jésus lui a demandé son consentement; et tous deux ensem­ble, unis dans une même volonté, ont uni leur sacrifice sur le Calvaire.

C'est toujours Marie qui doit donner Jésus aux âmes. Saint Jean Da­mascène appelle Marie l'étoile qui annonce le lever du soleil.107) De même que l'étoile du matin précède l'astre du jour, ainsi Marie précède Jésus et conduit à Jésus.

La dévotion à Marie est l'avant-courrière du soleil de la grâce; «de tel­le sorte, dit saint Germain, que la dévotion à Marie est un signe que l'âme est déjà en état de grâce ou qu'elle ne tardera pas à y rentrer».108)

L'Eglise appelle aussi Marie l'Etoile de la mer. De là cette exhortation que saint Bernard adresse à chacun de nous: «O homme, si tu ne veux pas être submergé sous les flots des tentations, ne détache pas tes yeux de cette Etoile de salut. En suivant Marie, tu ne t'écarteras pas de la route; si Marie te protège, tu ne peux plus craindre d'être damné; si Marie t'accorde ses faveurs, tu arriveras au ciel».109)

C'est donc en vous, Mère bien-aimée, que je place toutes les espéran­ces de mon salut éternel. Je me consacre de nouveau à votre amour et à votre service. Conduisez-moi au ciel pour qu'avec vous je loue Jésus, vo­tre Fils, éternellement.

EXEMPLE : Notre-Dame de Liesse

La poétique légende de Liesse est bien connue. Elle a tout le charme d'un roman chrétien de chevalerie. Mais tout le fond du récit est hors de conteste et repose sur des témoignages qui n'ont pas rencontré de con­tradiction sérieuse.

Trois nobles seigneurs du Laonnois étaient chevaliers de saint Jean de Jérusalem. Faits prisonniers par les Sarrasins dans un combat, ils furent emmenés au Caire. Le sultan essaya de les gagner à la secte musulmane. Il leur envoya dans la prison des docteurs de sa religion et même sa fille Ismérie pour discuter avec eux; mais il arriva qu'ils gagnèrent Ismérie à la religion catholique en lui faisant connaître la très sainte Vierge Marie. Elle désira en voir une image. Ils obtinrent de Dieu qu'une statue toute belle, toute embaumée et rayonnante de lumière leur fût apportée dans la prison, sans doute par le ministère des anges. Le jour suivant Ismérie, toute convertie, emporta la statue en sa chambre. Elle eut une vision de la sainte Vierge, qui lui demanda de délivrer les chevaliers et de prendre le nom de Marie qui serait plus tard glorifié à son occasion.

Ismérie délivra les chevaliers et partit du Caire avec eux. Après une journée de marche, ils se reposèrent et, pendant leur sommeil, les anges les transportèrent en Picardie auprès du château des chevaliers. Ceux-ci présentèrent la jeune princesse à leur évêque qui la baptisa et l'appela Marie.

Les chevaliers firent bâtir une église en un lieu où l'image, par une pe­santeur miraculeuse, avait marqué qu'elle voulait demeurer.

Les pèlerins accoururent bientôt, non seulement de France, mais de Flandre, d'Angleterre et d'Allemagne. Plus tard, Jeanne d'Arc et le «gentil Dauphin» s'y rendirent ensemble pour remercier Marie du suc­cès de leurs armes. C'est aussi auprès de Notre-Dame de Liesse, au châ­teau de Marchais, que le duc de Guise fonda la ligue pour la défense de la religion catholique.

Louis XIII et Louis XIV s'y rendirent plusieurs fois avec la cour.

La Révolution, hélas! brûla l'ancienne statue. On en refit une copie, dans laquelle on inséra quelques débris de la statue primitive.

Le culte de Notre-Dame de Liesse se relève et retrouve une popularité toujours croissante. Le couronnement de 1857, le pèlerinage des 3.000 ouvriers des Cercles en 1873 préparèrent la restauration de l'église, qui reprend sa fraîcheur d'antan.

O Notre-Dame de Liesse, ramenez la paix et la joie dans toute la chré­tienté. Bénissez particulièrement le diocèse de Soissons et Laon, qui vous est toujours resté dévoué.

PRIÈRE de saint Alphonse de Liguori à Marie, pour obtenir la grâce d’aimer Notre-Seigneur Jésus-Christ

O ma Mère, je vois que j'ai d'immenses obligations envers votre divin Fils; je vois qu'il mérite un amour infini. Vous ne désirez autre chose si­non de le voir aimé. Voici de mon côté ce que par-dessus tout je vous de­mande de m'accorder: donnez-moi un grand amour pour Jésus-Christ. Vous obtenez de Dieu tout ce que vous voulez: obtenez pour moi, je vous en conjure, la grâce d'être tellement enchaîné à la volonté divine, que je ne m'en sépare plus jamais. Je ne vous demande ni biens de la ter­re, ni honneurs, ni richesses; je vous demande ce que votre cœur nous souhaite le plus: l'amour de Dieu; oui, je veux aimer mon Dieu. Puis-je former un désir qui vous soit plus agréable, et se peut-il que vous ne m'aidiez pas à le réaliser? Mais non, déja vous m'aidez; déjà vous priez pour moi. Ah! priez, priez; et ne cessez jamais de prier jusqu'au jour où vous me verrez dans le ciel, à l'abri du danger de perdre encore mon Dieu, et assuré de l'aimer toujours avec vous, ô ma Mère bien-aimée.

Ainsi soit-il

Marie n'est que bonté, aussi on peut tout espérer d'elle, la guérison des corps et celle des âmes. Souvent même ses bienfaits revêtent l'éclat d'un miracle, comme il arrive à Lourdes et en tant d'autres sanctuaires.

«Marie, dit saint Bernard, est comme la terre promise, où Dieu fait couler le lait et le miel de ses bénédictions».110)

- «Tels sont, dit saint Léon, les trésors de bonté et de clémence dépo­sés dans le sein de Marie que nous devons la proclamer non seulement miséricordieuse, mais la miséricorde même».

- «Quand je vous contemple, dit saint Bonaventure, ô ma souverai­ne, je n'aperçois plus rien que la miséricorde; car c'est en faveur des mi­sérables que Dieu vous a choisie pour sa Mère, et c'est l'office de sa mi­séricorde qu'il vous a confié. Sans cesse occupée des malheureux, vous m'apparaissez comme enveloppée de miséricorde et vous semblez n'avoir à cœur que d'exercer la miséricorde».111)

- «Telle est la bonté de Marie, dit le pieux abbé Guerric, que son cœur, tout débordant de maternel amour, ne saurait cesser un instant d'opérer en notre faveur des œuvres de miséricorde».112) On l'invoque dans la maladie, dans la souffrance, dans l'épreuve, et les ex-voto de nos sanctuaires disent combien elle est secourable.

Mais Dieu a voulu tout particulièrement faire de Marie l'espérance et le salut des pécheurs. Si nous voulions relater tout ce que les Pères de l'Eglise, les docteurs et les saints ont dit de ce beau privilège de Marie, il nous faudrait écrire une bibliothèque entière. Nous glanerons seulement quelques épis dans ce champ incommensurable.

Le moyen-âge, très avide de symboles, a comparé Marie à l'astre de la nuit, parce qu'elle éclaire le pécheur, qui marche dans la nuit des pé­chés.

Après avoir créé la terre, Dieu, dit la Sainte Ecriture, fit deux grands lu­minaires, l'un plus grand pour présider au jour, l'autre moins grand pour présider à la nuit. «Le soleil créé pour briller durant le jour, est, dit le cardinal Hu­gues, la figure de Jésus, dont la lumière réjouit les justes qui vivent dans le grand jour de la grâce divine; la lune, créée pour luire durant la nuit, est la figure de Marie, dont la lumière éclaire encore les pécheurs, plon­gés dans la nuit du péché».

Puisque Marie est cet astre propice aux malheureux pécheurs, que doit faire celui qui se trouve misérablement engagé dans la nuit du péché?

«Que celui-là, répond Innocent III, lève les yeux vers l'astre des nuits, qu'il invoque Marie».113) Il a perdu la lumière du soleil en perdant la grâce de Dieu; eh bien! qu'il se tourne vers celle qui est figurée par la lune; qu'il prie Marie, elle lui donnera lumière et force: lumière pour con­naître son misérable état; force pour en sortir au plus tôt.

La divine miséricorde, dit le Père Eudes, règne si parfaitement dans le Cœur de Marie, Mère du Sauveur, qu'elle lui fait porter le nom de Rei­ne et de Mère de miséricorde. Elle a tellement gagné le cœur de la divine miséricorde qu'il lui a donné les clefs de tous ses trésors, et l'en a rendue maîtresse absolument. «Elle s'appelle la Reine de miséricorde, dit saint Bernard, parce qu'elle ouvre les abîmes et les trésors de la divine miséri­corde à qui elle veut, quand elle veut et comme elle le veut».

La divine miséricorde règne si pleinement dans son Cœur, et le rem­plit d'une si grande compassion à l'égard des pécheurs et de tous les mi­sérables que saint Augustin ne craint pas de lui dire: «Vous êtes, après Dieu, l'unique espérance des pécheurs».

«Mes chers enfants, dit saint Bernard, c'est par cette échelle que les pécheurs montent au ciel, c'est ma très grande confiance, c'est tout le sujet de mon espérance».

Pourrions-nous douter de la miséricorde de Marie, quand nous l'avons vue pendant sa vie mortelle offrir son divin Fils pour les pé­cheurs, au temple et au Calvaire; et tant souffrir pour eux en assistant sans murmurer à l'affreux supplice de son divin Fils? Serait-elle moins généreuse et moins bonne au ciel qu'elle n'était sur la terre? Nous pou­vons tout attendre de celle qui a tant fait pour nous.

Quelque grand pécheur que nous soyons, ne désespérons pas. Une mère n'a pas horreur de panser les plaies de son enfant, quelque infectes que soient ces plaies.

O Mère de Dieu, dit saint Bernard, en quelque misérable état que se trouve le pauvre pécheur, vous n'en avez pas horreur. Qu'il soupire seu­lement vers vous et vous tendez votre main pour le tirer de l'abîme du désespoir.114)

On applique à Marie cette parole du Livre des Proverbes: «Celui qui me trouvera, trouvera la vie et puisera le salut dans le Seigneur».

- Marie, dit saint Germain, est un refuge toujours ouvert pour rece­voir les pécheurs. Saint Jean Damascène l'appelle aussi la cité de refuge dont les portes s'ouvrent devant tous ceux qui viennent y chercher un abri, et non seulement devant les âmes innocentes, mais encore devant les plus grands coupables accourus pour implorer sa protection.115)

Ce pécheur, lui dit saint Bonaventure, cet homme, objet d'horreur pour tout le monde, vous l'accueillez avec une tendresse de mère; et,_ tout misérable qu'il est, vous ne l'abandonnez pas que vous ne l'ayez ré­concilié avec son juge.

La mansuétude, la patience et la clémence de Dieu, remarque le Père Eudes, sont trois divines perfections qui s'unissent à la miséricorde. La patience divine retient la justice de Dieu et l'empêche de frapper les pécheurs. Elle les attend, elle les recherche, elle les invite à se réconci­lier avec Dieu.

La divine clémence remet le péché et la peine due au péché avec une libéralité sans bornes.

La mansuétude traite le pécheur avec une libéralité exquise.

Ces trois divines perfections vivent et règnent aussi dans le cœur de la Mère de miséricorde; car après le cœur de Dieu, il n'a jamais été et il ne sera jamais un cœur si rempli de mansuétude, de patience et de clémen­ce que le Cœur de la divine Marie.

Son cœur s'est formé sur le modèle de celui de son divin Fils. Contemplez-la au Calvaire. Que fait cette très douce brebis en voyant déchirer et égorger son très cher et très innocent agneau, qu'elle aime d'un amour sans pareil? Crie-t-elle contre les meurtriers qui le massa­crent ainsi impitoyablement? Se plaint-elle du tort et de l'injustice qu'on lui fait? Demande-t-elle justice au Père éternel? Rien moins, elle demeu­re dans le silence, on n'entend pas une seule parole ni la moindre plainte sortir de sa bouche, on n'entend que ses soupirs, on ne voit que ses lar­mes. Son Cœur demeure si plein de mansuétude, de patience et de clé­mence, qu'à l'imitation de son Jésus, elle excuse ceux qui lui arrachent l'âme avec tant de rage et elle dit de cœur pour eux au Père éternel les mêmes paroles que lui dit Jésus: «Mon Père, pardonnez-leur, parce qu'ils ne savent ce qu'ils font». Elle est disposée à se sacrifier elle-même pour eux avec son Fils. Après cela, pouvons-nous douter de la clémence de son Cœur?

EXEMPLE : Notre-Dame d’Afrique

Le premier évêque d'Alger, Mgr Dupuch était de Bordeaux et très dé­voué à N.-D. de Verdelais. Il consacra sa cathédrale, son séminaire et son diocèse à la sainte Vierge. En passant par Lyon pour se rendre en Afrique, il reçut en don et emporta avec lui une belle statue de la sainte Vierge, dans la pensée de la mettre à la façade de sa cathédrale; mais le gouvernement ne le permit pas.

Le second évêque, Mgr Pavy était Lyonnais. Lui aussi nourrissait le projet de faire de Marie la protectrice de sa ville épiscopale, comme Notre-Dame de Fourvières est la protectrice de Lyon.

Deux pieuses personnes de Lyon qui l'avaient suivi à Alger, avaient placé une statuette de Marie contre un vieil olivier dans un ravin qui ser­pente au-dessous du petit séminaire. Quelques femmes de marins y vin­rent quelquefois prier et faire brûler des cierges. Mgr Pavy voyant ce commencement de pèlerinage plaça une statue plus haute dans une grot­te voisine de l'olivier, puis dans une chapelle provisoire de plus en plus visitée.

En 1855, après la définition de l'Immaculée Conception, le modeste pèlerinage prit un tel développement, que l'évêque se décida à y élever un sanctuaire digne de Marie. Il acheta le sommet de la colline entre Al­ger et Saint-Eugène et commença une souscription. Il vint lui-même en France quêter dans toutes nos cathédrales.

La belle basilique byzantine fut commencée en 1858. Le gros œuvre était achevé en 1866, quand Mgr Pavy vint à mourir.

Mgr Lavigerie trouva encore un demi-million pour décorer l'église. Elle fut consacrée en 1872. La belle statue de Lyon y fut placée en 1873 et couronnée en 1876.

Le pèlerinage avait pris une importance considérable. On y comptait déjà, en 1885, huit mille ex-voto, parmi lesquels deux épées illustres: celle du général Yusuf et celle du vainqueur de Malakoff, le maréchal Pélis­sier; à côté, on voit la canne légendaire du général Lamoricière, et, dans un cercle d'or, aux pieds de la statue, une petite médaille d'argent que le général Bugeaud avait portée à son cou pendant toutes ses campagnes.

C'est auprès de Notre-Dame d'Afrique et sous sa protection que s'est fondée la belle société des Missionnaires qui ont entrepris de convertir l'Afrique équatoriale.

Mgr Pavy avait fondé là aussi, dès 1858, une archiconfrérie de prières pour la conversion de l'Afrique. Dès 1863, la pieuse croisade comptait soixante mille associés. Il y en a aujourd'hui près d'un million.

Notre-Dame d'Afrique, aidez les missionnaires qui travaillent héroïquement sur tous les points de ce continent pour gagner les âmes à votre divin Fils.

PRIÈRE de Guillaume, évêque de Paris

O Mère de Dieu, votre bonté n'a jamais dédaigné de secourir aucun pécheur, quelque énormes que fussent ses crimes, dès qu'il s'est recom­mandé à vous. Eh quoi! peut-il en être autrement? serait-ce à tort ou en vain que l'Eglise vous nomme son Avocate et le Refuge des malheureux? Ah! il ne sera pas dit que mes fautes aient pu faire obstacle au grand mi­nistère de miséricorde dont vous êtes investie, et qui vous constitue la Médiatrice de paix, l'unique espérance, et l'asile assuré des misérables. Il ne sera pas dit que la Mère de Dieu, celle de qui est sortie, pour le bon­heur du monde entier, la source même de la miséricorde, ait refusé sa compassion à aucun des malheureux qui ont eu recours à elle. Votre offi­ce est de réconcilier les pécheurs avec Dieu; laissez-vous donc porter à me secourir par votre bonté, qui est immense et beaucoup plus grande que tous mes péchés.

Ainsi soit-il

Marie a conquis ces beaux titres par ses bienfaits. Partout les fidèles, confiants et reconnaissants, lui ont élevé des sanctuaires sous les titres gracieux de Notre-Dame de Bon-Secours, Notre-Dame de Perpétuel­-Secours, Marie Auxiliatrice, Marie Consolatrice des affligés.

La divine Providence lui avait réservé ce rôle. Elle n'était pas seule­ment figurée par Eve, la mère de la grande famille humaine, elle était fi­gurée aussi par Esther et par Judith qui avaient secouru et sauvé le peu­ple de Dieu.

Marie devait être le refuge et le secours des âmes, des familles et des sociétés. Son empressement à nous secourir avait été exprimé dans l' Ecriture par les plus gracieux symboles. Elle y avait aussi préludé dans sa vie mortelle en courant assister sa parente Elisabeth, en venant en ai­de aux époux de Cana, en assumant la charge de donner à saint Jean ses soins maternels.

Nous avons vu que l'Arche d'alliance fut une des figures de Marie. Or, c'est grâce à l'Arche d'alliance que les Israélites remportaient toutes leurs victoires. Lorsqu'on élevait l'Arche dans le camp, Moise disait: «Levez­vous, Seigneur; que tous vos ennemis soient dissipés».116) Et l'armée du peuple dé Dieu remportait la victoire. Ainsi succomba Jéricho, ainsi furent défaits les philistins, parce que l'Arche de Dieu était avec les enfants d'Israël.117)

La Sainte Ecriture compare Marie au palmier de Jéricho, au cèdre du Liban, à une armée rangée en bataille. La palme est le symbole de la vic­toire, remarque le bienheureux Albert le Grand, et Marie, le glorieux Palmier de Jéricho assure la victoire à tous ceux qui s'abritent sous sa protection.118) Le cèdre du Liban, dit le cardinal Hugues, représente Ma­rie, non seulement parce que son bois est incorruptible, comme l'âme de Marie, mais encore parce que l'odeur du cèdre fait fuir les serpents, comme la présence de Marie chasse les démons.

Marie était figurée aussi par les colonnes de nuée et de feu qui diri­geaient le peuple de Dieu vers la terre promise. Ces colonnes, dit Ri­chard de Saint-Laurent, marquaient les deux offices que Marie exerce continuellement en notre faveur: douce et bienfaisante nuée, elle nous protège contre les ardeurs du soleil de justice; colonne de feu, elle nous défend contre les démons.119)

En volant au secours de sa parente Elisabeth, elle montre son empres­sement à nous assister. En demandant à son divin Fils le miracle du changement de l'eau en vin à Cana, elle se montre la protectrice des fa­milles. En assumant le soin maternel de Saint Jean, elle prend la tutelle et le soin de toute l'Eglise.

Par les grandes figures qui la représentaient, par Débora, par Esther et par Judith, elle a manifesté son rôle de protectrice des nations. Est-il étonnant, après cela, de voir partout les particuliers et les na­tions réclamer son patronage, recourir à son assistance et lui témoigner par des monuments et des offrandes de tout genre leur reconnaissance pour les bienfaits reçus?

L'Eglise chante en son honneur cet hymne de confiance: «Salut, ô Reine, Mère de miséricorde, notre vie, notre douceur et notre espé­rance! ».

Les Docteurs et les Saints cherchent les expressions les plus fortes pour dire combien elle est secourable. «Elle est, dit Saint Jean Damascène, l'unique soulagement de tous les affligés et la souveraine consolatrice de tous les cœurs angoissés». «Marie, dit Saint Jean Chrysostome, est un océan de miséricorde».120)

«Qui est-ce qui peut comprendre, ô Vierge bénie, dit saint Bernard, la longueur, la largeur, la hauteur et la profondeur de votre miséricorde! Sa longueur s'étend jusqu'au dernier jour de ceux qui l'invoquent; sa largeur remplit toute la terre; sa hauteur s'élève jusqu'au ciel, pour y ré­parer les ruines de la céleste Jérusalem, et sa profondeur a pénétré jusqu'aux enfers, pour en préserver tant d'âmes qui allaient y tomber».

Les annales de l' Eglise et des nations rapportent quelques-uns des traits de la protection puissante de Marie.

En 1571, la puissance musulmane est sur le point de dominer toute l'Europe, le grand pontife saint Pie V suscite une croisade, mais en même temps il recourt à Marie, il fait réciter le rosaire dans toute l' Eglise, et, le 7 octobre, il a la vision d'une victoire définitive, qui était rempor­tée par la flotte chrétienne à Lépante. C'est après cette belle victoire remportée au cri de Vive Marie, que saint Pie V fit ajouter aux litanies l'invocation: Marie, Secours des chrétiens, priez pour nous.

En 1620, l'image de Marie conduit les catholiques à la victoire contre les protestants à Prague. La sainte image est ensuite portée à Rome et on lui dédie la belle église de Notre-Dame de la Victoire.

En 1683, les Turcs sont aux portes de Vienne. C'est encore au nom de Marie qu'on les repousse, et le Pape Innocent XI institue en souvenir de cette intervention de la Sainte Vierge la fête du Saint Nom de Marie.

En 1814, Pie vii, délivré d'une injuste oppression par l'intercession de Marie, institue la fête de Notre-Dame Auxiliatrice et la fixe au 24 mai, jour de sa rentrée à Rome.

En France, Philippe-Auguste, vainqueur par le secours de Marie, avait fondé l'abbaye de Notre-Dame de la Victoire, à Senlis.

En 1628, Louis XIII, après la prise de la Rochelle sur les protestants, faisait élever l'église votive de Notre-Dame des Victoires et consacrait la France à Marie.

En 1855, le 8 septembre, l'armée française conduite par Pélissier in­voquait Marie et prenait Sébastopol, à l'heure même où Marie, glorieu­sement couronnée dans son sanctuaire de Fresneau, donnait à l'orateur de cette fête, Mgr Thibaut, évêque de Montpellier, le pressentiment de cette victoire. «Je vois, disait-il, nos guerriers monter à l'assaut de cette forteresse redoutable, j'entends leurs cris de triomphe et Marie entoure de son manteau ses enfants bien-aimés».

Le général Pélissier avait du reste choisi le 8 septembre pour donner l'assaut, parce qu'il avait confiance dans le secours de la Sainte Vierge. C'est aussi sous l'égide de Marie que l'Espagne catholique a recon­quis pas à pas tout le sol de la patrie contre les musulmans. Elle honore aussi à Séville l'image de la Vierge des batailles que saint Ferdinand por­tait à l'arçon de sa selle, quand il conquit la ville.

O Vierge bénie, Secours des chrétiens, protégez-nous, protégez nos familles, protégez les nations chrétiennes dans ces temps difficiles que nous traversons.

EXEMPLE : Notre-Dame de Chartres

La belle cathédrale de Chartres est le joyau de la France. Le symboli­sme de son architecture, les sculptures de ses portails et de ses chapelles, les peintures de ses vitraux forment comme un poème qui chante la gloi­re de Marie.

La Sainte Vierge doit être fière de ce palais qui n'a pu être élevé que par une foi ardente en ses grandeurs et un amour immense pour sa beau­té céleste et sa bonté incomparable.

Notre-Dame de Chartres, c'est vraiment Notre-Dame de France. La Gaule druidique honorait déjà à Chartres la Vierge-Mère, annoncée par la révélation primitive.

Le culte de Marie ne fut donc que transformé, ou plutôt déterminé par la prédication évangélique.

La grotte druidique fut le premier sanctuaire de Marie à Chartres. Une église plusieurs fois renouvelée lui succéda, jusqu'à ce qu'on entre­prit au onzième siècle le merveilleux édifice que nous admirons aujourd'hui. Ce fut un acte de foi et d'amour national envers Marie.

Le savant Fulbert gouvernait l'église de Chartres. Il fit appel à la piété de tout l'Occident. Les rois de France et d'Angleterre, les ducs d'Aqui­taine et de Normandie et un grand nombre de seigneurs féodaux appor­tèrent de l'or à pleines mains. Mieux que cela, toute la société française voulut servir de ses mains la Reine du ciel et de la France. On venait là, gentilshommes et nobles dames, tirer les chars et servir les ouvriers, comme on va aujourd'hui à Lourdes porter les brancards des malades. Les ouvriers se tenaient en état de grâce et communiaient avec ferveur, de sorte que l'on peut dire que la belle cathédrale est toute immaculée, comme il convenait à la demeure de Marie. Elle fut consacrée en 1260. Saint Louis était la avec la noblesse de son royaume.

Le pape Pascal II y avait célébré les fêtes de Pâques en 1107. Innocent II y vint en pèlerinage et y reçut l'hommage de Henri 1er d'Angleterre. Saint Ferdinand de Castille et Richard Cœur de Lion s'y rencontrèrent dans une prière commune. Henri IV voulut y être sacré en 1594. Ainsi le protestantisme, qui s'était flatté de conquérir le trône de France, ve­nait expirer aux pieds de Notre-Dame.

La belle cathédrale possède deux Madones miraculeuses: Notre-­Dame de Sous-Terre et Notre-Dame du Pilier. Elle possède aussi l' insi­gne relique du Voile de la Sainte Vierge, que Charles le Chauve avait re­çu de l'impératrice Irène.

La statue de Notre-Dame du Pilier date du quatorzième siècle. Elle a été couronnée en 1854. Celle de Notre-Dame de Sous-Terre est une re­production moderne de la Vierge druidique qui a été brûlée en 1793.

Un grand pèlerinage national, en 1873, renouvela la consécration de la France à Marie. Cent quarante députés y prirent part.

O Marie, souvenez-vous de votre vieille alliance avec la France et ramenez-nous aux pieds du Christ.

PRIÈRE du vénérable Père Eudes

O Marie! Reine de tous les cœurs consacrés à Jésus, voici mon très indigne cœur qui se présente et qui se donne à vous pour être plongé avec le vôtre dans l'océan d'amour et de charité du cœur de Dieu, et pour s'y perdre à jamais. Hélas! vous voyez, Mère de pitié, que nous sommes ici-bas sur une mer orageuse de tribulations et de tentations qui nous assiègent de tous côtés! Qui peut tenir contre tant de furieuses tem­pêtes, tant d'écueils, tant de périls, sans faire naufrage? Jetez donc les yeux de votre miséricorde sur nous, et que votre très pitoyable Cœur ait compassion de nous; qu'il soit notre étoile et notre conduite; qu'il soit notre protection et notre défense; qu'il soit notre appui et notre force!

Ainsi soit-Il

Nous commençons à méditer aujourd'hui les invocations qui disent la gloire de notre Reine au ciel.

Avec les anges, avec les saints et les justes de l'Ancien et du Nouveau Testament, saluons Marie. Elle est la Reine du ciel, assise sur un trône glorieux à la droite du Roi Jésus-Christ, toute éclatante de beauté et re­vêtue d'une robe d'or semée de pierreries.121) L'éclat du soleil l'entoure et douze étoiles lui forment une couronne.122) Tout le ciel la proclame bien­heureuse et chante ses louanges, parce que Dieu l'a comblée de ses fa­veurs.

Marie est Reine parmi les anges comme parmi les hommes. «La mère du roi est nécessairement reine», dit saint Athanase. «Marie étant la Mè­re du Créateur est devenue la Maîtresse et la Reine de toutes les créatu­res», dit saint Jean Damascène.123)

Dieu, notre Créateur, a établi un ordre admirable entre les créatures. Les moins parfaites dépendent des plus parfaites, et toutes dépendent de la plus élevée en dignité, de celle qui, par la prééminence de ses dons et de ses qualités, est supérieure à toutes les autres. Or, la plus noble, la plus riche en prérogatives, celle qui possède le plus de sagesse, de puis­sance, de bonté, c'est la Vierge Marie.

C'est elle que le Père éternel a préférée à toutes les œuvres de la créa­tion, puisque c'est avec elle et par elle qu'il donnait aux autres l'existen­ce et les lois qui les régissent: «J'étais avec lui, disposant tout, peut dire Marie avec la divine sagesse; c'est par moi que règnent les rois et que les législateurs font de justes lois: à moi les richesses et la gloire».124)

Les choses corporelles étant subordonnées au bien de l'homme de­vaient lui être soumises. Les hommes unis en société sous les lois divines et humaines devaient recevoir des Anges, qui leur sont supérieurs, des lumières et des secours; les hommes et les Anges devaient être soumis à la première-née parmi les simples créatures, au chef-d'œuvre de la créa­tion. «Marie, dit Gerson, selon les lois de la hiérarchie décrites par saint Denis, contient éminemment les perfections de toutes les créatures qui lui sont inférieures, et elle a le droit d'être appelée la Reine et la Maîtresse du monde».125)

Ainsi l'ordre surnaturel est au-dessus de l'ordre naturel, et au sommet de l'ordre surnaturel, se trouve placée la divine Mère, à côté du Ré­dempteur. Au-dessus d'elle, le Créateur, la comblant de grâces et ensui­te de gloire, lui a donné l'empire de l'univers et l'a établie Reine des An­ges et des hommes. «Elle est, dit saint Germain, la souveraine des Anges et la Maîtresse de toute la création».126)

Ce que Dieu le Père a fait pour sa Fille première-née, le Verbe a voulu le faire aussi pour sa Mère. Il a voulu la faire participer à son empire. Le titre de Reine des Anges appartient donc encore à Marie, parce qu'elle est la Mère de Jésus-Christ, que son Père a établi sur toutes les hiérar­chies des Anges, selon la parole de saint Paul: «Dieu le Père a placé le Christ à sa droite, au-dessus des principautés, des puissances, des vertus et des dominations».127) Il convenait que Marie possédât tout ce que possè­de son Fils; il convenait que son Fils lui assujettît tout ce qui dépend de lui.

Marie est encore la Reine des Anges, parce qu'elle est l'épouse du Saint-Esprit. Toute épouse de roi est reine. Le Saint-Esprit qui a choisi Marie pour son épouse, lui a donné avec lui-même autant de ressem­blance qu'en peut comporter une simple créature. «Il en a fait, dit saint Bernardin, comme la forme de sa beauté et de son amour».128) Il l'a donc élevée bien haut au-dessus des Séraphins et il en a fait leur Reine.

Quelle source de consolation pour nous! Notre Mère est la reine des Anges, des Séraphins eux-mêmes, ces esprits célestes, qui offrent de plus près à Dieu les hommages d'adoration et d'amour. Oh! combien son amour pour Dieu est brûlant! Demandons-lui donc de nous faire partici­per à cet amour ardent dont elle aime Dieu. Demandons-lui de nous ren­dre semblables aux Anges par la pureté de nos mœurs, par la sainteté de notre vie. Efforçons-nous d'acquérir ces vertus angéliques en coopérant aux secours que nous donnera la Reine des Anges. Elle comble de ses dons les âmes qu'elle trouve bien disposées.

Pour entrer davantage dans le détail, considérons les relations de Ma­rie avec les diverses hiérarchies des Anges.

Le Père communique surtout à Marie sa puissance, le Fils lui commu­nique sa science, le Saint-Esprit son amour.

Par son union avec Dieu le Père, Marie fut élevée au-dessus de tous les ordres des Anges qui sont investis de quelque pouvoir dans la cour cé­leste. Elle est au-dessus des Trônes par sa proximité avec Dieu, par sa fermeté et sa stabilité en lui; au-dessus des Dominations, par son domai­ne et son pouvoir de disposer de tout et de gouverner tout ce qui appar­tient aux ministères divins; au-dessus des Vertus, par sa force dans l'em­ploi des moyens pour arriver à une fin, en surmontant tous les obstacles de la nature; au-dessus des Puissances, par son énergie à éloigner les ma­lins esprits du royaume de Dieu sur la terre. - Oh! que notre Reine est puissante et comme nous devons recourir à elle avec confiance!

Par son union avec le Verbe de Dieu, son divin Fils, Marie participe à la science divine. Le Verbe éternel ne voulut pas moins faire pour elle du côté de la science, que son Père avait fait du côté de la puissance.

La science de Marie surpasse celle que les Principautés, les Archanges et les Anges apportent dans l'exécution de toutes les entreprises dont ils sont chargés; celle que les Dominations, les Vertus et les Puissances ont reçue pour gouverner efficacement tout ce qui tient à la gloire de Dieu.

Elle surpasse même éminemment celle des Chérubins. Marie pénètre bien plus efficacement qu'eux les mystères divins. Elle est, dit saint Eph­rem, comme un soleil, qui reflète l'infinie sagesse de son Fils et qui jette les Chérubins eux-mêmes et les Séraphins dans une extase d'admiration et d'étonnement.129)

Comme épouse du Saint-Esprit, elle surpasse immensément par son amour l'amour des Séraphins. Le Saint-Esprit a embrasé son cœur d'une charité si pure et si ardente, qu'auprès d'elle tout l'amour des Sé­raphins n'est qu'une étincelle. Les Séraphins en la contemplant s'en­flamment toujours plus d'amour pour Dieu. C'est dans cette fournaise d'amour qu'ils puisent les moyens d'exciter toujours davantage le feu de la charité dans les ordres inférieurs de la hiérarchie angélique.

Combien cette royauté de Marie sur le monde angélique est pour nous un gage de confiance et de salut! Les Bons Anges la servent et exécutent ses messages. Les mauvais anges la redoutent. Cherchons dans sa protection un asile assuré contre les démons et une sainte familiarité avec les Anges.

EXEMPLE : Notre-Dame de Rocamadour

C'est aussi un vieux pèlerinage national, qui a repris faveur et vie au dix-neuvième siècle.

La chapelle de Marie s'élève en haut d'un rocher, au-dessus d'un escalier de 216 marches, que les pieux pèlerins montaient autrefois à ge­noux, fussent-ils rois, princes où évêques.

On sait la légende de ces lieux saints. Amadour, le Zachée de l'Evan­gile, vécut dans cet ermitage et y mourut. Son corps, retrouvé intact en l'an 700, s'y conserva tel jusqu'à ce qu'il eût été brûlé et brisé par les Huguenots; son tombeau fut témoin d'innombrables miracles.

La statue de la Vierge, taillée en un tronc d'arbre, date du temps de Zachée. On l'a revêtue de lames d'argent pour la conserver.

Saint Martial, premier évêque de Limoges, envoyé par saint Pierre en Gaule, avait dans sa compagnie, dit saint Antonin, deux saints person­nages: Amadour et son épouse Véronique. D'après la tradition constan­te, ces deux contemporains du Sauveur vécurent d'abord dans le Mé­doc, où Martial les visita. Là, Véronique mourut et fut ensevelie. Après sa mort, Zachée vint en Quercy, à Rocamadour, vivre de la vie solitaire.

Il avait élevé là, en l'honneur de la bienheureuse Vierge, un autel qui fut consacré par le vénérable évêque Martial.

Heureux les prêtres auxquels il est donné d'offrir le saint sacrifice sur cette antique pierre, après tant de martyrs, d'évêques et de confesseurs! Avant le passage des protestants, les sanctuaires de Rocamadour étaient remplis d'ex-voto. On y voit encore un tableau représentant les parents du grand Fénelon, offrant à Marie leur fils qu'elle a guéri.

Dans les âges de foi, Notre-Dame de Rocamadour était visitée par les rois et les seigneurs de France et de Castille.

Charlemagne et Roland y vinrent prier. En 1212, à la bataille de Na­vas de Tolosa, Alphonse de Castille, au plus fort de la mêlée, fit déployer la bannière de Notre-Dame de Rocamadour; ce fut le signal de la défaite des musulmans, qui périrent, dit un historien au nombre de cent mille, tandis que parmi les chrétiens trente seulement furent blessés, après le déploiement de l'étendard.

En 1853, Pie IX offrit lui-même la couronne destinée à la Madone de Rocamadour.

Le pèlerinage a repris faveur comme dans ses plus beaux jours. Tou­tes les ruines se relèvent, toutes les plaies se cicatrisent. Un chemin de croix monumental invite à se reposer, à chacune de ses stations, les pèle­rins qui gravissent la montagne.

Tous les ans, cent mille pèlerins reprennent l'habitude de venir prier, se faire pardonner et bénir dans ce sanctuaire rajeuni. Cette résurrection du sanctuaire de Rocamadour est l'œuvre du siècle de Marie.

PRIÈRE de saint Pierre Damien

O Vierge sainte, secourez ceux qui implorent votre assistance; tournez-vous vers nous. Quoi! pour être déifiée comme vous êtes, avez-­vous oublié les hommes? Assurément non. Vous savez quels sont les pé­rils dans lesquels vous nous avez laissés, et quel est l'état misérable de vos serviteurs. Non, il ne convient pas à une miséricorde si grande que la vôtre d'oublier une misère comme la nôtre. Tournez-vous vers nous avec votre puissance, puisque Celui qui est puissant, vous a donné la toute-puissance dans le ciel et sur la terre. Rien ne vous est impossible, puisque vous pouvez même rendre aux désespérés l'espérance de leur sa­lut. Plus vous êtes puissante, plus vous devez être miséricordieuse.

Nous mettons en vous notre confiance et nous ne serons pas confon­dus.

Ainsi soit-il

Marie est la Reine des Patriarches et des Prophètes, parce que les Pa­triarches et les Prophètes l'attendaient comme ils attendaient le Messie. Ils avaient en tête de la Genèse la promesse divine, dans laquelle Dieu avait dit: «Une femme viendra avec son rejeton et ils écraseront la tête du serpent». Ils avaient aussi toutes les figures et prophéties, qui unis­saient sans cesse Marie à son divin Fils.

C'est avec raison qu'Auguste Nicolas, dans son traité sur le «Plan di­vin» a dit: «Les prophéties unissent et entrelacent si strictement les desti­nées de la Mère et du Fils, qu'elles obligent à les accepter ou à les rejeter ensemble, et que c'est retirer leur témoignage au Fils que de le retirer à la Mère».

La Bienheureuse Vierge, dit M. Combalot dans ses conférences, vi­vait dans le conseil de la Sagesse éternelle; son nom était écrit dans la pensée du Verbe, avant que les siècles fussent sortis du sein de l'éternité, et depuis le jour où le temps comme un fleuve a commencé sa course, les destinées préparées à Marie n'ont pas cessé de consoler la terre. Jésus et Marie remplissent le passé, le présent, l'avenir. La Bible, pour qui sait lire ce livre venu du ciel, est pleine des destinées de la Reine des Anges; ses vertus s'y réfléchissent à chaque page, et chaque mot de ce livre im­mortel, sert, pour ainsi dire, de voile à quelqu'un des mystères accom­plis dans son sein.

Les Pères de l' Eglise signalent cette présentation de Marie au monde par le Saint-Esprit dans les figures et les prophéties de l'Ancien Testa­ment.

«Marie, dit saint Jean Damascène, a été esquissée et prêchée d'avance par les prophéties et les figures». - «Prêchons Marie, dit saint Bernard, la Reine des anges, attendue par les nations et comme d'avance par les Patriarches et les Prophètes».

Saint Méthode indique lui-même quelques figures: «Vous êtes, dit-il, ô Marie, la tige attendue de la fleur de Jessé, la toison qui reçut la pluie merveilleuse, le propitiatoire par lequel Dieu manifesta la nature humai­ne dont il s'était revêtu».

La prophétie d'Isaïe était assez claire: «Une Vierge enfantera et son fils portera le nom de Jésus ou Sauveur».130)

L'arche de Noé, l'arche d'alliance, le buisson de feu, étaient des figu­res de Marie; Rachel, Judith et Esther la représentaient.

Les Patriarches et les Prophètes attendaient et vénéraient la nouvelle Eve avec le nouvel Adam.

Mais Marie peut aussi être appelée Reine des Patriarches et des Pro­phètes parce qu'elle a surpassé la foi des Patriarches et l'espérance des Prophètes.

Sa foi a été plus ferme, plus féconde, plus parfaite que celle des Pa­triarches.

Les Patriarches attendaient le Messie, mais s'ils avaient vu les humi­liations de sa Passion, ne l'auraient-ils pas abandonné comme ont fait les apôtres? Marie garde sa foi en voyant son Dieu naître dans une étable; elle l'adore dans sa crèche. Elle croit que cet enfant, qui doit être tran­sporté en Egypte pour échapper à la fureur d'Hérode, est le Sauveur du monde et le Roi du ciel. Elle croit sans hésiter que cet homme, qu'elle voit pendant trente ans gagner sa vie par l'état de charpentier, est le Créateur de l'univers, le Roi de gloire, le Verbe de Dieu. Sur l'infâme gibet de la croix, elle le reconnaît pour son Dieu, pour son unique et sou­verain bien. Au milieu de toutes ces épreuves, sa foi n'est pas ébranlée. «Votre foi, ô Marie, a fait votre bonheur», lui dit Elisabeth: Beata quae credidisti.

Comparons notre foi à celle de Marie. Pourquoi le découragement vient-il nous assaillir à la première adversité? Jésus-Christ nous a dit que la vie présente est un exil, qu'il faut aller au ciel par la voie du reconce­ment; que le bonheur et la sanctification consistent dans la conformité à la volonté de Dieu; que les souffrances bien supportées se changeront en une gloire éternelle. Il est impossible que Jésus se trompe, et cependant nous semblons ne pas ajouter foi à ses paroles et nous cherchons sans ces­se et sans mesure les joies et les consolations humaines. O Marie, affermissez-nous dans la croyance aux vérités du salut.

La foi de Marie fut plus féconde en œuvres que celle des Patriarches. Elle fut grande, cependant, la foi de Noé, qui lui fit bâtir l'arche. Elle fut grande la foi d'Abraham, qui lui fit conduire Isaac au sacrifice. Mais la vie de Marie est un tissu de saintes œuvres et de sacrifices héroïques. El­le souffre sans interruption pour son Fils, qu'elle est toujours prête à sa­crifier pour la gloire de Dieu et le salut des hommes. Marie a pratiqué la foi la plus généreuse et la plus héroïque, puisqu'elle a été, de tous les saints, la plus semblable au Roi des martyrs.

Marie a été aussi la Reine des Prophètes par la fidélité et la fermeté de ses espérances.

Eclairés par l'Esprit-Saint, les Prophètes prévirent les triomphes du Rédempteur et les annoncèrent aux peuples, et ils attendirent du Messie à venir le règne de la grâce et de béatitude immortelle, par la destruction du péché et de la tyrannie du démon qui tenait les hommes dans l'esclavage. Mais leur espérance n'était pas si pure qu'ils n'y mêlassent une at­tente de règne temporel et de grandeur terrestre du peuple juif.

L'espérance de Marie était plus pure; elle n'était pas mêlée au désir des biens d'ici-bas. Marie désirait le règne de la grâce, la possession de Dieu, le bonheur d'un amour éternel et de le glorifier sans fin dans, le ciel.

Les prophètes gardaient une espérance ferme et fidèle et ils l'entrete­naient, dans le peuple de Dieu, même dans les moments d'épreuves na­tionales et quand ils voyaient le peuple châtié par Dieu et emmené en exil. Mais n'auraient-ils pas faibli dans leur confiance, s'ils avaient vu le Sauveur mourir sous leurs yeux? Marie le vit mort et elle espéra en sa ré­surrection. De ce mort, elle attendait la vie; de ce Jésus méprisé, elle at­tendait la gloire; de ce crucifié abandonné de tous, elle attendait tout son secours.

Affermissons notre espérance. Soyons patients et persévérants dans l'accomplissement de nos devoirs et dans le support des peines de la vie. L'espérance chrétienne ne repose-t-elle pas sur la promesse infaillible de Dieu même, confirmée par son serment: «Dieu, dit saint Paul, pour montrer la fermeté de sa promesse y a ajouté un serment».131) Job disait: «Quand Dieu me réduirait en poussière, j'espérerais en lui».132) Recommandons-nous à Marie dans les épreuves, et animons-nous par son exemple à la confiance et à la patience.

EXEMPLE : Notre-Dame du Puy et de Fresneau

L'histoire de Notre-Dame du Puy, c'est l'histoire de l'âme de la Fran­ce, comme celle de Notre-Dame de Chartres, de Rocamadour, de Cler­mont et plusieurs autres.

Avec l'âme de la France, Marie prie, pleure, combat, triomphe.

La colline du Puy avait un temple de Diane. Dès le premier siècle, Marie s'y révèla à une pieuse chrétienne et y demanda un sanctuaire. Saint Georges, premier évêque de la région, vint sur la colline et y trou­va, au mois de juillet, de la neige qui marquait l'emplacement de la cha­pelle, comme cela devait arriver à Rome pour Sainte-Marie-Majeure. Saint Martial donna pour le sanctuaire un soulier de la Vierge qu'il avait apporté de Rome.

Plus tard saint Evode voulant consacrer l'église la trouva consacrée par les anges. Elle était toute illuminée de torches et l'on conserve encore deux de ces torches dans le trésor. Depuis ce temps, Notre-Dame du Puy porta le nom d'église angélique.

Charlemagne y vint prier à son retour de Rome et, par une singulière coïncidence, il donna Lourdes en fief à Notre-Dame du Puy.

Le Pape saint Léon IX dit dans une bulle de 1051, que «dans ce sanc­tuaire du Puy-Notre-Dame, plus qu'en aucun autre, la Mère de Dieu reçoit un culte filial d'amour, de respect et de vénération, de tous les peuples qui habitent la France».

Sept papes, dix-huit rois de France et un grand nombre de saints y sont venus en pèlerinage.

Saint Louis y apporta la Vierge noire qui fut brûlée à la Révolution. Jeanne d'Arc y envoya sa mère prier pour sa mission.

Les grands pardons d'autrefois attiraient au Puy des foules immenses. Ceux de 1843, 1853, 1864 ont renouvelé les mêmes spectacles. On y a compté 300.000 pèlerins.

Nous unissons aux grands souvenirs du Puy le gracieux sanctuaire de Notre-Dame de Fresneau, dans la Drôme. C'est Marie qui s'est plu à les unir. En 1855, le 8 septembre, on couronnait la Vierge de Fresneau. L'orateur de la fête, Mgr Thibaut, évêque de Montpellier, visiblement inspiré, annonça qu'à l'heure même Marie faisait triompher nos troupes à Sébastopol. Le présage était exact. Le gouvernement d'alors reconnut sa dette envers Marie. Il donna deux cents canons de Sébastopol à Mgr l'évêque du Puy pour en faire la statue colossale de Notre-Dame de France, et il en donna aussi quelques-uns à Mgr l'évêque de Valence pour orner le sanctuaire de Fresneau.

Notre-Dame de France, priez pour la France.

PRIÈRE de saint Germain de Constantinople

O ma Souveraine, vous qui êtes l'unique consolation que je reçoive de Dieu, la seule rosée céleste qui vienne me rafraîchir dans mes peines; vous qui êtes la lumière de mon âme, lorsqu'elle se trouve environnée de ténèbres; vous qui êtes mon guide dans mes voyages, ma force dans mes faiblesses, mon trésor dans ma pauvreté, mon remède dans mes blessu­res, ma consolation dans mes larmes; vous qui êtes mon refuge dans mes misères et l'espérance de mon salut, exaucez mes prières, ayez compas­sion de moi, comme il convient à la Mère d'un Dieu qui a tant d'amour pour les hommes; accordez-moi tout ce que je vous demande.

Rendez-moi digne de jouir avec vous de la grande félicité dont vous jouissez dans le ciel. Je sais qu'étant la Mère de Dieu, vous pouvez me procurer ce bonheur, si vous le voulez. O Marie! vous êtes toute puis­sante pour sauver les pécheurs; votre recommandation seule suffit, parce que vous êtes la Mère de la véritable vie.

Ainsi soit-il

Marie est la Reine des Apôtres, parce qu'elle a été plus qu'eux fidèle à Notre-Seigneur, et parce qu'elle a eu plus d'amour et de dévouement pour les âmes.

Les apôtres étaient les disciples choisis et bien-aimés de Notre­-Seigneur. Ils l'ont suivi fidèlement pendant trois ans, mais ils ont tous manqué de courage au jour de la Passion. Saint Jean lui-même s'était éloigné un moment; saint Pierre a renié son bon Maître, les autres se sont enfuis. La fidélité de Marie a été inébranlable. Elle était là, Stabat Mater Juxta crucem, elle ne craignait pas la mort, elle eût volontiers donné sa vie avec Jésus.

L'amour et le dévouement de Marie pour nous a surpassé aussi im­mensément celui des apôtres. C'est un amour maternel, et c'est tout di­re. Marie peut nous dire avec la sainte Ecriture: «Est-ce qu'une mère peut oublier son enfant et n'avoir pas pitié du fruit de son sein? Mais quand même elle le pourrait, pour moi je ne vous oublierai pas».133)

Non seulement Marie est une Mère, mais c'est une Mère toute d'amour. Qui pourra jamais expliquer le dévouement de Marie pour nous? D'après Arnauld de Chartres, tel était l'amour de Marie envers nous, qu'à la mort de Jésus-Christ elle brûlait du plus ardent désir de s'immoler avec son Fils pour le salut du genre humain. Et ainsi, ajoute saint Ambroise, «pendant que le Fils agonisait sur la croix à laquelle on l'avait attaché, la Mère se serait volontiers offerte aux bourreaux, afin de donner également sa vie pour nous».134)

La première raison du grand amour et du grand dévouement qu'a Marie pour nous et de son zèle pour notre salut, c'est son amour pour Dieu.

L'amour de Dieu et l'amour du prochain tombent sous le même pré­cepte, suivant cette parole de saint Jean: Nous avons de Dieu ce commande­ment: que celui qui aime Dieu aime aussi son frère;135) en sorte que les progrès de l'un sont la mesure des progrès de l'autre. Aussi voyez les apôtres et les prêtres animés de l'esprit apostolique: enflammés qu'ils étaient d'un si grand amour pour Dieu, que n'ont-ils pas fait pour l'amour de leur pro­chain? Ils en vinrent pour le salut de leurs frères à exposer et à perdre leur liberté et leur vie. Saint Pierre a bravé les fureurs de Néron et il est mort sur la croix. Saint Paul a subi la prison, la flagellation, les persécu­tions, les naufrages, avant de présenter son cou au glaive des bourreaux. Saint Jean a subi le supplice de l'huile bouillante et l'exil. Les autres apôtres ont aussi donné leur vie pour le Christ. Saint François-Xavier, dans les Indes, s'en va par les montagnes à la recherche des sauvages re­tirés au fond de leurs cavernes comme autant de bêtes fauves; il rampe sur ses mains, il s'expose à mille dangers, et tout cela pour secourir les âmes de ces malheureux et les ramener à Dieu. Saint François de Sales entreprend de convertir les hérétiques de la province du Chablais, et, pendant une année entière, il se hasarde chaque jour à traverser un tor­rent en se cramponnant à une planche, afin d'aller sur l'autre rive prê­cher ces obstinés. Saint Paulin de Nole se réduit en esclavage afin de ren­dre à la liberté le fils d'une pauvre veuve. Et c'est ainsi qu'enivrés d'un grand amour de Dieu, les saints en vinrent à faire tant de grandes choses par amour pour leurs frères.

Mais Marie ne l'emporte-t-elle pas sur tous en amour de Dieu, elle qui, dès le premier instant de sa vie, l'a plus aimé que tous les anges et tous les saints ensemble? Aussi son amour et son dévouement pour nous, qui sommes les enfants de Dieu, est-il sans égal. «Comparée à l'amour de Marie pour un seul d'entre nous, dit le Père Nieremberg, la tendresse de toutes les mères pour leurs enfants, n'est qu'une ombre légère, et Marie nous aime à elle seule bien plus que ne nous aiment tous les saints et tous les anges».136)

On peut dire de Marie, comme saint Jean a dit de Dieu le Père, qu'el­le nous a tellement aimés qu'elle a donné pour nous son Fils unique. Elle a exercé l'apostolat de la souffrance pendant sa vie; elle exerce au ciel l'apostolat de la miséricorde. «Sa sollicitude, dit saint Bernard, s'étend au genre humain tout entier».137) - «Marie, dit Bernardin de Bustis, se fait un plus grand bonheur de nous combler de ses biens, que nous ne pouvons mettre d'empressement à les recevoir».138) Qui donc a eu plus qu'elle un cœur vraiment apostolique?

Personne n'a parlé avec plus de chaleur du dévouement apostolique de Marie pour nous que le vénérable Père Eudes.

Le Cœur de Marie, dit-il, est une fournaise ardente qui envoie ses flammes partout, et dans laquelle il y a plus de feu et plus d'ardeur pour nous qu'il n'y en a jamais eu et qu'il n'y en aura jamais dans tous les cœurs des pères et des mères à l'égard de leurs enfants, des frères à l'égard de leurs frères, des amis à l'égard de leurs amis, des apôtres à l'égard de leurs ouailles, en un mot dans tous les cœurs du ciel et de la terre.

Ce zèle du Cœur de Marie, dit-il encore, est un soleil brillant et ré­pandant ses lumières de tous côtés, qui éclaire les ténèbres de ceux qui s'en approchent, qui nous fait voir nos faiblesses et nos manquements, afin que nous les détestions; qui nous fait connaître notre néant et nos misères, afin que nous nous humiliions; qui nous découvre les malices et les artifices des ennemis de notre salut, afin que nous nous en gardions; qui nous manifeste l'illusion et la tromperie des vanités et des bagatelles du monde, afin que nous les méprisions, et qui nous met devant les yeux les merveilles des grandeurs et des bontés de Dieu, afin que nous le ser­vions avec crainte et amour; c'est un zèle qui surpasse celui de tous les apôtres.

C'est un amour très vigilant, qui a toujours les yeux ouverts sur nous et sur toute notre conduite, afin de nous assister, de nous protéger et de nous conduire en toutes choses.

Marie agit auprès de Dieu pour nous par son intercession. Elle agit auprès des apôtres, des pontifes et des prêtres, en les éclairant, en diri­geant leur zèle, en les animant aux travaux de l'apostolat. Elle agit au­près de nous tous par les saints anges, par les grâces constantes qu'elle nous obtient et au besoin par son intervention miraculeuse.

Combien nous devons aimer Marie qui nous aime tant! Les saints ne tarissaient pas d'amour à son égard. Elle est ma Mère, c'est tout dire, disait saint Stanislas. Saint Bernard l'appelait la Ravisseuse des cœurs. Saint Ber­nardin l'appelait la bien-aimée de son âme.

Mais aussi combien nous devons, à l'exemple de Marie, aimer notre prochain! Nous devons pratiquer le zèle selon notre vocation. Nous de­vons aider le prochain par la prière, par l'exemple, par toutes les bonnes œuvres.

O Marie, Reine des Apôtres, mettez dans mon cœur au moins une étincelle de ce feu qui dévorait le vôtre, un rayon de votre ardent amour pour Dieu et pour les âmes, une parcelle de votre zèle apostolique.

EXEMPLE : Notre-Dame de la Treille et Notre-Dame de Grâce

La région du Nord est riche en pèlerinages. Le diocèse de Cambrai en compte une trentaine. Nous voudrions décrire ceux de Douai, Valen­ciennes, Arras, Saint-Omer, etc., etc., mais un volume n'y suffirait pas. Offrons seulement nos hommages à Notre-Dame de la Treille et à Notre-Dame de Grâce.

Cambrai a été appelé de bonne heure la ville de Marie. Nos vieux rois mérovingiens et carlovingiens avaient visité et doté son sanctuaire de la sainte Vierge. Saint Norbert, saint Bernard et saint Louis vinrent prier Notre-Dame-de-Grâce.

Au quinzième siècle, le chanoine de Bruille y rapporta de Rome une image de la Vierge attribuée à saint Luc et provenant d'une église de Constantinople. La sainte image devint le palladium de la ville. On la portait en procession quand la guerre sévissait dans le Nord. Les ducs de Bourgogne et plusieurs rois de France lui apportèrent leurs offrandes. Quand Louis XIV assiégea Cambrai, il défendit de pointer les canons vers la vieille basilique.

L'image de la Madone fut sauvée à la Révolution, et, en 1803, la pro­cession annuelle reprit son cours avec un enthousiasme indescriptible. Cent mille personnes y prirent part. La statue a été couronnée dans ces dernières années.

- Le culte de Notre-Dame-de-la-Treille à Lille est aussi ancien que la ville. Il remonte au septième siècle, date de la fondation du château de Lille.

La statue de Notre-Dame-de-la-Treille fut longtemps honorée dans la collégiale de Saint-Pierre. C'est là que saint Bernard, saint Thomas Be­cket, saint Louis, saint Vincent Ferrier vinrent la visiter.

En 1269, on fonda une procession annuelle en souvenir des nombreux miracles obtenus. En 1634, la ville de Lille, la bien-aimée de Marie, se con­sacra solennellement par l'organe de ses magistrats à Notre-Dame-de-la­Treille.

La Révolution détruisit la belle collégiale, mais la statue fut sauvée et replacée ensuite dans l'église Sainte-Catherine.

En 1854, on commença la construction d'une splendide basilique qui rivalisera, quand elle sera achevée, avec nos plus belles cathédrales. Le plan adopté fut celui d'un architecte protestant qui dut à cette circon­stance la grâce de sa conversion. La statue a été transportée en 1873 dans la partie déjà construite de la nouvelle église. La translation a été l' occassion de fêtes splendides, ainsi que le couronnement qui eut lieu l'année suivante.

O Marie, donnez à la foi chrétienne un triomphe complet dans ce beau diocèse de Cambrai, dont vous êtes la Reine.

PRIÈRE de saint Anselme

O très sainte Dame, par la faveur que Dieu vous a faite de vous élever si haut, et de vous rendre avec lui toutes choses possibles, nous vous prions de faire que la plénitude de la grâce que vous avez méritée, nous rende participants de votre gloire. Daignez, ô très miséricordieuse Rei­ne, vous employer à nous procurer le bien pour lequel un Dieu a consen­ti à se faire homme dans vos chastes entrailles. Ne soyez pas difficile à nous écouter; si vous daignez prier votre Fils pour nous, il vous exaucera aussitôt. Il suffit que vous vouliez notre salut; dès lors il est impossible que nous ne soyons pas sauvés. Et qui pourra resserrer les entrailles de votre miséricorde? Si vous n'avez pas compassion de nous, vous qui êtes la Mère de la miséricorde, que deviendrons-nous, quand votre divin Fils viendra nous juger?

Prenez-nous donc en pitié et ne nous abandonnez pas.

Ainsi soit-il

Marie possède au ciel toutes les gloires, même celles que la théologie appelle accidentelles, celles qui s'ajoutent au bonheur d'être au ciel et de posséder Dieu.

Elle a d'abord, évidemment, l'auréole des vierges puisqu'elle est la Reine des Vierges, la Vierge des vierges. Elle a aussi l'auréole des doc­teurs. Les Pères l'appellent Maîtresse de la foi et Docteur des docteurs, et saint Thomas fait remarquer qu'il n'est pas besoin d'enseigner publi­quement pour avoir l'auréole des docteurs.

Enfin Marie a l'auréole des martyrs. Que faut-il en effet pour être martyr? Etre affligé de souffrances pour le Christ et dans une telle mesu­re que ces souffrances soient suffisantes pour donner la mort, alors mê­me que la mort ne s'en soit pas suivie. Or, Marie a bien été persécutée en haine du Christ. En donnant la mort au Christ, ses ennemis attei­gnaient sa mère qui était présente. Et ses souffrances étaient propres à lui ôter la vie, sans un miracle de Dieu, parce qu'elle aimait plus le Christ que sa propre vie.

C'est ainsi que l'Eglise tient pour martyrs les Saints Innocents, quoi­que leurs meurtriers n'aient pas eu directement en vue leur mort, mais celle du Christ. Elle tient aussi pour martyr l'apôtre saint Jean, quoiqu'il ait survécu par miracle au supplice de l'huile bouillante.

Que Marie ait été véritablement martyre, dit saint Liguori, on ne peut en douter, comme le prouvent Denis le Chartreux et d'autres au­teurs; car c'est une opinion indubitable, qu'une douleur qui peut donner la mort est suffisante pour constituer le martyre, quoique la mort ne s'en suive pas.139)

- «Ce n'est pas, dit saint Bernard, par le glaive du bourreau, mais par l'immense douleur de son âme que Marie devint martyre».140) Son corps ne tomba pas inanimé aux pieds du bourreau, mais dans la Pas­sion de son Fils, son Cœur très saint fut percé d'un glaive de douleur, capable de lui donner non pas une mort, mais mille morts. Ainsi ce n'est pas seulement un vrai martyre que Marie eut à endurer; mais ce fut le plus grand de tous, parce qu'il fut le plus long et le plus cruel, puisqu'il dura en quelque sorte tout le temps de la vie de Marie, et ainsi elle n'est pas seulement martyre mais la Reine des Martyrs.

«De même que le Sauveur préluda dès la crèche à sa Passion et à sa croix, comme dit saint Bernard; ainsi la Sainte Vierge, semblable en tout à-son Fils, fut martyrisée durant toute son existence». On peut lui applique cette expression de Jérémie: Votre affection est grande comme la mer.141) La Sainte Vierge fut, durant toute sa vie, abreuvée sans cesse d'amertumes, parce que sans cesse elle avait devant les yeux la Passion du Rédempteur. «Car on doit regarder comme une chose entièrement certaine, selon la révélation faite par un ange à sainte Brigitte, que, le Saint-Esprit favorisant Marie de lumières supérieures à celles de tous les prophètes, elle les surpassa tous dans l'intelligence des prophéties qu'ils avaient eux-mêmes consignées dans la Sainte-Ecriture au sujet du Mes­sie. Aussi l'auguste Vierge comprit bientôt, longtemps avant de devenir la Mère du Verbe incarné, combien il aurait à souffrir pour le salut de hommes; dès lors aussi, remplie de compassion à la pensée de la mort si atroce que, malgré son innocence, le Sauveur devait endurer pour des péchés dont il n'était pas coupable, elle commença d'endurer le plus grand de tous les martyres».142)

Compatissons aux douleurs de Marie et apprenons d'elle la patience et la résignation. Marie se plaignit à sainte Brigitte de ce qu'on oubliait trop ses grandes douleurs.

En 1239, elle apparut aux pieux fondateurs de l'ordre des Servites. El­le leur présenta un habit de couleur noire et leur dit combien ils lui fe­raient plaisir en méditant souvent tout ce qu'elle avait souffert. Nous pouvons nous unir à eux en portant le scapulaire des sept douleurs.

Jésus-Christ lui-même a révélé à la bienheureuse Véronique de Bena­sco combien il aime à nous voir compatir aux douleurs de sa Mère: «Les larmes que l'on verse sur ma Passion me sont bien chères, lui disait-il, mais, vu l'immense amour que j'ai pour ma Mère, on me fait encore un plus grand plaisir en méditant les douleurs qu'elle souffrit à ma mort».143)

Sainte Brigitte eut encore une vision à Rome dans l'église de Sainte­Marie-Majeure au sujet des douleurs de Marie. La Bienheureuse Vierge lui apparut avec saint Siméon et un ange tenant en mains une épée dé­mesurément longue et toute ruisselante de sang. Or cette épée figurait la longue et excessive douleur qui déchira le Cœur de Marie pendant toute sa vie. Aussi le pieux abbé Rupert la fait-il parler en ces termes: «Aines rachetées, enfants si chers à mon Cœur, ne limitez pas votre compassion pour moi à cette heure où j'ai vu mon bien-aimé Jésus expirer sous mes yeux. Ce glaive de douleur, annoncé par Siméon, n'a pas cessé, en at­tendant qu'il traversât mon Cœur, de le déchirer durant toute ma vie. Car je ne pouvais regarder mon Fils sans voir déjà la mort si cruelle qui lui était réservée. Voyez donc quel long et douloureux supplice j'eus, toute ma vie, à endurer».144)

Les grandes douleurs viennent le plus souvent des grandes affections, remarque le vénérable Père Eudes. Il en fut ainsi pour Marie. Jésus, le Bien-Aimé de son Cœur, devint la cause de la grande douleur de Marie. Aussi les Pères lui appliquent cette parole du Cantique: «Mon Bien-­Aimé est un bouquet de myrrhe que je porterai toujours sur mon sein et dans mon cœur». - «Toutes les souffrances des martyrs ne sont rien, ô Marie, dit saint Anselme, en comparaison de vos souffrances, dont l'im­mensité a transpercé toutes vos entrailles et le plus intime de votre Cœur si aimant».

- «O Cœur très doux de Marie, s'écrie saint Bonaventure, comment est-ce que vous êtes changé en un Cœur de douleurs, tout enivré de fiel, de myrrhe et d' absinthe!».145)

Jésus a promis de récompenser par de grandes grâces la dévotion aux douleurs de sa Mère. D'après une révélation faite à sainte Elisabeth, saint Jean l'Evangéliste eut un jour l'ardent désir de revoir la Bienheu­reuse Vierge, déjà en possession de la gloire céleste. Son désir fut exau­cé. Il vit apparaître sa Mère bien-aimée et avec elle Jésus-Christ. Puis le saint apôtre entendit Marie demander à son Fils quelque grâce spéciale pour tous ceux qui pratiqueraient la dévotion envers ses douleurs. Notre-Seigneur promit qu'il leur serait fait quatre grâces spéciales:

1 ° Ils auront le bonheur de faire avant leur mort une vraie pénitence de tous leurs péchés;

2° Une protection spéciale leur est assurée de la part de Jésus-Christ dans toutes leurs tribulations;

3 ° Lui-même imprimera dans leur cœur le souvenir de sa Passion, pour les en récompenser ensuite dans le ciel;

4° Enfin, il les remettra lui-même entre les mains de Marie, afin qu'elle les traite selon son bon plaisir et leur obtienne toutes les grâces qu'elle voudra.146)

EXEMPLE Notre-Dame de Strasbourg et de Marienthal

L'Alsace a une grande dévotion à Marie. Elle compte environ cin­quante pèlerinages à la Sainte Vierge. Strasbourg a l'image de la Vierge-Mère dans ses armes. La flèche de Strasbourg porte la statue de Marie à 142 mètres de hauteur dans les airs.

Les deux principaux pèlerinages de Marie en Alsace, sont celui de la Vierge douloureuse à la cathédrale, et celui de Marienthal où le sanc­tuaire a deux Madones couronnées, Notre-Dame des douleurs et Notre­-Dame de Liesse.

Quand les protestants essayèrent de gagner à eux la ville, la statue de la Mère douloureuse versa, dit-on, plusieurs fois des larmes.

- Marienthal, ou Vallée de Marie, existe depuis le treizième siècle. Dé­jà alors le Pape Innocent IV s'en déclarait le protecteur «en considération des grâces nombreuses obtenues en ce lieu».

Deux statues de la Sainte Vierge y obtiennent la confiance des pèle­rins: L'une, sculpture très fine du quatorzième siècle, représente Marie debout avec l'Enfant Jésus; c'est Notre-Dame de Liesse, couronnée en 1871. L'autre, une Mater dolorosa, est beaucoup plus ancienne; c'est la statue couronnée en 1859.

En 1793, quand les commissaires de la Convention se présentèrent pour dévaliser la chapelle, ils se trouvèrent en face de quatre mille Alsa­ciens catholiques, venus là pour défendre leur Mère, et ils durent re­brousser chemin.

En 1803, le culte de Marie fut rétabli avec solennité, à Marienthal, comme dans la plupart de nos sanctuaires de France. Les magistrats de Haguenau portèrent la statue sur leurs épaules. Le siècle de Marie commença la construction d'une belle église ogivale qui fut terminée en 1866.

Les Madones de Strasbourg et de Marienthal ont essaimé: on ne compte pas moins de dix pèlerinages à la Vierge Douloureuse, en diver­ses bourgades d'Alsace.

A Guildwiller, comme à Chartres et à Longpont, le culte de Marie a succédé au culte druidique de la Vierge qui devait enfanter.

O Marie, par la puissance d'intercession de vos douleurs incompara­bles, protégez la province d'Alsace, qui est un de vos plus beaux fiefs, contre l'influence grandissante du protestantisme et du judaïsme.

PRIÈRE de saint Bernard

Nous levons nos regards vers vous, ô Reine du monde! Nous devons comparaître devant notre Juge, après tant de péchés; qui apaisera sa co­lère? Personne ne peut le faire mieux que vous, ô Vierge sainte, qui l'avez tant aimé, et qui en avez été si tendrement aimée. Ouvrez donc, ô Mère de miséricorde, ouvrez l'oreille de votre cœur à nos soupirs et à nos prières. Nous recourons à votre protection; calmez l'indignation de votre divin Fils, et faites-nous rentrer en grâce auprès de lui. Vous n'ab­horrez point le pécheur, quelque indigne qu'il soit; vous ne le méprisez point, s'il soupire vers vous et réclame, avec repentir, votre intercession; votre main compatissante le protège contre le désespoir; vous lui donnez de la confiance, vous le fortifiez, et vous ne l'abandonnez point que vous ne l'ayez réconcilié avec son juge..

Nous mettons en vous notre espérance.

Ainsi soit-il

Nous avons vu déjà comment Marie est la Reine des Vierges, en mé­ditant un autre beau titre qui lui est donné, celui de Vierge des vierges. Nous considérerons plutôt ici le modèle de toutes les vertus dans la Rei­ne des confesseurs.

Il faut que le cœur où le saint amour doit habiter soit vide des affec­tions de la terre, des concupiscences de la chair, de l'estime de soi­-même, de l'amour du monde et de ses biens; il faut qu'il soit humble, chaste, patient et doux: une condition essentielle de la charité, c'est le détachement des choses de la terre. C'est la voie qu'ont suivie les Saints: ils ont commencé par la mortification et la pénitence, pour s'appliquer ensuite à l'acquisition des diverses vertus qui constituent la sainteté. La mortification prépare les âmes et les aide à pratiquer les autres vertus; celles-ci à leur tour reçoivent leur vie, leur beauté et leur achèvement de la charité, qui est le couronnement de la perfection.

Marie fut en tout cela l'exemple admirable des Confesseurs. L'Eglise appelle confesseurs ces hommes extraordinaires, qui menti­rent, sur la terre, une vie parfaitement mortifiée, spirituelle et vertueuse et qui contribuèrent puissamment au salut du prochain et à la gloire de Dieu; les uns, dans la solitude, par l'oraison, la contemplation et la péni­tence; les autres au milieu des peuples, par leurs travaux et leurs exem­ples. Leur mémoire est bénie de toutes les nations. Tous les fidèles admi­rent en eux le triomphe de la grâce divine: Dieu est admirable dans ses Saints.147)

Marie fut leur modèle et leur guide.

Les Evangélistes donnent peu de détails sur les vertus de Marie, ce­pendant ils la proclament pleine de grâces, et ces mots expriment suffisam­ment qu'elle eut toutes les vertus et qu'elle les eut toutes à un degré héroïque. «Les autres saints, dit saint Thomas, ont éminemment prati­qué certaines vertus: celui-ci brille par son humilité, celui-là par sa cha­steté, un autre par sa charité; mais la bienheureuse Vierge s'offre à nous comme le modèle accompli de toutes les vertus».148)

Saint Ambroise dit également: «Telle fut Marie, qu'elle seule offre dans sa vie le modèle de toutes les vies».

Considérons en particulier quelques-unes des principales vertus de Marie.

Le monde ne connaissait pas l'humilité avant la venue du Rédemp­teur. Le Fils de Dieu vint en personne nous l'enseigner; il voulut que les hommes apprissent surtout de lui à devenir humbles: Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur. Marie profita la première et plus excellem­ment que tout autre de cette leçon. «Jamais, dit saint Bernardin, la sain­te Vierge ne perdait de vue la majesté de Dieu ni son propre néant».149) Plus Marie se croyait comblée de grâces, plus elle s'humiliait, se rappe­lant sans cesse que toutes ces grâces lui venaient de Dieu. Devenue Mère de Dieu, elle ne voulut pas le faire connaître à saint Joseph, au point, qu'il en fut troublé et déconcerté.

Son humilité est émue par la salutation de l'Ange, et quand Elisabeth la salue en la louant, elle renvoie les louanges à Dieu: Mon âme glorifie le Seigneur.

Le détachement de Marie ne fut pas moins parfait que son humilité! Le bienheureux Canisius dit que la Sainte Vierge aurait pu, avec l'héri­tage reçu de ses parents. vivre dans l'aisance, mais qu'elle aima mieux être pauvre; et qu'ainsi, après avoir prélevé une faible portion sur ses biens, elle distribua tout le reste en aumônes au Temple et aux indigents.150) Beaucoup d'auteurs pensent même que Marie fit vœu de pauvreté; et on sait qu'elle-même, dans une révélation faite à sainte Bri­gitte, disait: «Dès le commencement je fis dans mon cœur le vœu de ne jamais rien posséder en ce monde».151) Toutes les offrandes des Rois Ma­ges passèrent des mains de Marie aux mains des pauvres. Elle ne put of­frir, à la Purification, que les tourterelles du pauvre. Elle choisit une vie de travail à Nazareth.

C'est en imitant l'humilité de Marie et son détachement, dans la me­sure de notre vocation, que nous préparerons nos cœurs à la ferveur de la charité.

Esquissons encore quelques-unes des belles vertus de Marie. Quelle ne fut pas la perfection de son obéissance!

Même après avoir reçu les salutations de l'ange Gabriel, elle ne voulut pas se donner un autre nom que celui de servante: Voici la servante du Sei­gneur. «Oui, s'écrie saint Thomas de Villeneuve, elle fut une vraie et fi­dèle servante, celle qui jamais, dans aucune parole, dans aucune action, pas même dans aucune pensée, ne fit la moindre opposition au Très­Haut; et qui, dépouillée de toute volonté propre, vécut en tout et tou­jours parfaitement soumise au bon plaisir divin».152) Elle-même déclare qu'elle doit à son obéissance d'avoir ravi le cœur de Dieu: Il a regardé, s'écrie-t-elle, l'humilité de sa servante. Combien l'obéissance de Marie fut admirable dans le voyage de Bethléem et dans la fuite en Egypte! Mais l'héroïsme de son obéissance éclata par-dessus tout lorsque, pour se con­former à la volonté de Dieu, elle offrit son Jésus en sacrifice, avec une grandeur d'âme incomparable. Vraiment, l'obéissance de Marie a sur­passé celle de tous les Saints. Aussi elle aime particulièrement les âmes obéissantes. «L'obéissance, disait-elle à sainte Brigitte, est le droit che­min du ciel».

Nous avons parlé de sa chasteté, de sa patience, de son amour de Dieu et du prochain en d'autres lectures. Signalons encore son esprit de prière et d'oraison, qui est aussi la manifestation de sa foi et de son espérance en Dieu.

Son oraison fut continuelle et parfaite. C'est pour mieux vaquer à l'oraison que, dès l'âge de trois ans, elle voulut, tout enfant qu'elle était, se renfermer dans la retraite du Temple. Elle ajoutait encore aux orai­sons d'usage au Temple une longue oraison pendant la nuit, comme elle l'a révélé à sainte Elisabeth: «Je me levais toujours la nuit, lui dit-elle, et j'allais m'agenouiller devant l'autel du Temple, afin d'y présenter mes prières au Seigneur».153)

Son oraison fut toujours profondément recueillie. «Jamais, dit Denis le Chartreux, nulle distraction, nulle attache, nulle occupation extérieu­re ne détourna l'âme de Marie de sa contemplation».154)

Elle faisait ses délices de la solitude, qui est une condition du recueille­ment et de la vie d'oraison. «La Vierge des vierges, assure Saint Ber­nard, était toujours sur ses gardes pour éviter la société et la conversa­tion des hommes».155) Le silence et la solitude sont si favorables pour élever la pensée au-dessus de la terre et la porter vers les choses du ciel!

O Marie, j'admire en vous toutes les vertus qui forment les confes­seurs et les saints. Obtenez-moi la grâce de vous imiter dans le détache­ment des créatures et l'union avec Dieu!

EXEMPLE : Notre-Dame de la Garde à Marseille

Les gens de mer sont dévots à Marie. Etant toujours au péril, ils ont tou­jours besoin d'une protectrice à invoquer. Si nous suivions nos côtes, de Nice à Port-Vendres et de Bayonne à Dunkerque, nous trouverions cent Madones populaires.

Marseille avait, depuis ses origines chrétiennes, la Madone de la Con­fession, dans sa vieille abbaye de Saint Victor, trop oubliée aujourd'hui par les pèlerins et qui constitue vraiment les lieux-saints de Marseille.

Notre-Dame-de-la-Garde, plus jeune de onze siècles, est aujourd'hui la véritable mère des Marseillais et la Reine de la cité phocéenne. Son sanctuaire est un des plus illustres que le dix-neuvième siècle ait élevés à la gloire de Marie. Et puis son site est si merveilleux! La Madone domi­ne et bénit la grande cité qui est l'entrepôt du monde, et les flots bleus de la Méditerranée aux horizons sans limites.

A qui vient des pays lointains de l'Orient ou de l'Afrique, la France présente d'abord sa Reine bien-aimée.

C'est au treizième siècle que Marie a pris possession de sa colline. Elle a été bientôt populaire, surtout parmi les marins. «Lorsque les gens de mer arrivent et qu'ils aperçoivent la chapelle, dit un auteur du siècle dernier, ils chantent à deux genoux le Salve Regina, dans leur bâtiment; ils saluent la Vierge en tirant le canon, et une fois arrivés dans le port, ils vont dé­poser dans cette chapelle leurs ex-voto et leurs offrandes».

Même à l'heure présente, les navires qui ont quitté le port et ceux qui reviennent après une longue traversée, en passant sous le regard de Notre-Dame-de-la-Garde, saluent d'un coup de canon la Reine de la Méditerranée.

Pour les marins, la Vierge de la Garde est la Bonne Mère et n'a pas d'autre nom.

Belzunce était monté là-haut avec son clergé et son peuple en 1720, après son vœu au Sacré-Cœur, pour obtenir la délivrance de la peste. Au dix-huitième siècle, la statue de vermeil avait le privilège unique de tenir en ses mains aux jours de fête et de présenter aux fidèles son di­vin Fils lui-même, sous les espèces eucharistiques.

La chapelle fut rendue au culte en 1807, après la Révolution, et les pè­lerinages recommencèrent.

En 1832, le clergé, les magistrats et le peuple portèrent la statue en procession à travers la ville et Marie imposa un terme au choléra.

Un beau sanctuaire de style byzantin, avec une haute tour qui porte la statue de Marie, avait été élevé de 1861 à 1864, et consacré par le cardi­nal de Villecourt en présence de trois cardinaux et de trente-huit arche­vêques et évêques.

En 1884, la municipalité avait interdit les processions; la Providence permit que le sanctuaire fut incendié et le choléra revint. L'épidémie s'arrêta après un pèlerinage de réparation conduit par Mgr Robert.

Le sanctuaire a été restauré et chaque année un million de pèlerins vont y saluer la Reine de la Provence et de la France.

PRIÈRE de Sainte Gertrude Trois demandes très efficaces à la Sainte Vierge

Bienheureuse Vierge Marie, en souvenir de la ravissante innocence avec laquelle vous avez préparé au Fils de Dieu, dans votre sein virginal, une demeure pleine de charmes, je vous supplie de me purifier, par vos prières, de toute souillure.

Ainsi soit-il

Bienheureuse Vierge Marie, en souvenir de cette humilité si profonde qui vous a valu d'être exaltée au-dessus de tous les chœurs des Anges et des Saints, je vous supplie de réparer par vos prières tous mes péchés d'orgueil et de vanité.

Ainsi soit-il

Bienheureuse Vierge Marie, en souvenir de cet indicible amour qui vous a inséparablement unie à Dieu, je vous supplie de m'obtenir par vos prières une charité toujours croissante et une grande abondance de toutes sortes de mérites.

Ainsi soit-il

Marie est la Reine de tous les saints, à plus d'un titre: parce qu'elle a été pour tous d'abord le canal de la grâce, comme nous l'avons déjà dit; parce qu'elle les a tous surpassés dans la vertu, comme nous l'avons dit également; et enfin parce qu'elle est au ciel plus puissante et plus glo­rieuse: c'est ce que nous allons rappeler, avec le témoignage des docteurs et des Pe'res de l' Eglise.

Si l'intelligence humaine, au dire de l'apôtre,156) est incapable de com­prendre la gloire immense que Dieu a préparée dans le ciel pour ceux qui l'auront aimé sur la terre, «quel est l'homme, se demande saint Ber­nard, qui pourra jamais comprendre ce que Dieu a préparé pour sa Mè­re?».157) Quelle gloire il doit avoir préparée pour cette mère bien-aimée, qui durant sa vie l'aima plus que ne l'aimèrent tous les hommes, plus que ne l'aimeront jamais tous les saints et tous les anges ensemble!

Marie se trouve élevée au ciel au-dessus de tous les anges eux-mêmes, et par conséquent au-dessus de tous les saints. Aussi l'Eglise chante-t­elle au jour de l'Assomption: La sainte Mère de Dieu a été exaltée par-dessus tous les chœurs des anges dans le royaume céleste, en sorte que la Bienheureuse Vierge ne voit personne au-dessus d'elle excepté la très sainte Trinité. De là le docte Gerson, après avoir remarqué, avec saint Thomas et saint Denis l' aréopagite, que tous les ordres des Anges et des saints forment trois hiérarchies distinctes, affirme que dans le ciel Marie forme une hié­rarchie à part, la plus sublime de toutes et la première après Dieu.158)

De même, dit saint Antonin, qu'il n'y a pas de comparaison possible entre une reine et de simples serviteurs, ainsi la gloire de Marie est, sans comparaison aucune, supérieure à celle de tous les anges et de tous les saints.

Au surplus, pour s'en convaincre, il suffit de remarquer ce que dit Da­vid: La reine se tient à votre droite.159) Cette Reine, qui a sa place près du Fils de Dieu, c'est Marie, comme l'expliquent à maintes reprises les Pères de l' Eglise.

Et de fait, comme les œuvres de Marie surpassèrent incomparablement en mérite les œuvres de tous les saints, Marie devait obtenir une récompense bien supérieure à la leur. «Incomparable, s'écrie saint Ilde­phonse, est la vie que mena l'auguste Vierge; incompréhensibles par conséquent sont la récompense et la gloire qu'elle a méritées entre tous les saints».160) - «Possédant éminemment, dit saint Thomas, les mérites de tous les hommes et de tous les Anges, et même encore davantage, la Vierge des vierges doit avoir sa place par-dessus toutes les hiérarchies célestes».161)

Marie excella dans toutes les grâces et toutes les vertus. Elle fut l'apô­tre des apôtres; elle fut la Reine des martyrs par l'incomparable gran­deur de ses souffrances; elle fut le Porte-Etendard des vierges, le modèle des épouses; à l'innocence la plus parfaite, elle joignit la plus austère mortification; en un mot, son Cœur fut le sanctuaire de toutes les plus héroïques vertus.

C'est ce qu'exprime si bien le psaume: La Reine se tient à votre droite, re­vêtue d'une robe d'or et couverte d'ornements variés. C'est précisément parce que les grâces, les privilèges, les mérites des autres saints se trouvent réunis en Marie, qu'elle a son vêtement de gloire orné de broderies di­verses. Marie éclipse, par l'éclat de sa gloire, tous les autres saints. «A l'imitation du soleil, dont la splendeur efface celle de toutes les étoiles réunies, dit saint Basile de Séleucie, la divine Mère surpasse en gloire tous les bienheureux du ciel».162) - «Bien plus, ajoute saint Pierre Da­mien, de même qu'en présence du soleil la lumière des étoiles et de la lu­ne s'éclipse, comme si ces astres n'existaient pas, ainsi devant la gloire de Marie se voile toute la splendeur des hommes et des anges, au point qu'ils semblent à peine présents dans le ciel».163)

Réjouissons-nous de voir notre Mère si près du trône de Dieu dans une gloire incomparable. Sa grandeur ne lui fait pas oublier nos misères. Elle s'inspire de la miséricorde infinie de Dieu pour nous prendre en pi­tié. O Marie, assise à la table de votre Seigneur, tous les biens affluent entre vos mains; laissez tomber sur vos serviteurs les restes de votre abondance.

Non seulement Marie est élevée au-dessus de tous les saints, mais elle a vis-à-vis d'eux un rôle de mère et de reine, qu'elle exerce en contri­buant à leur béatitude. Les saints docteurs l'ont souvent remarqué.

«De même que tous les astres, dit saint Bernardin de Sienne, reçoivent du soleil leur éclat, ainsi tous les saints du ciel reçoivent de la vue de Ma­rie un accroissement de lumière et de félicité».164) Saint Bernard nous dit également «qu'au jour où la divine Mère entra dans le ciel, il se fit com­me une nouvelle explosion de bonheur parmi les bienheureux».165) Et saint Pierre Damien estime qu'après le bonheur de voir Dieu face à face, le plus grand bonheur des bienheureux c'est de contempler la beauté de Marie: «Vous voir, lui dit-il, c'est, après la vision de Dieu, le comble de la félicité!».166) Sur quoi saint Bonaventure fait dire aux élus: «C'est de Marie que nous vient, après Dieu, notre plus grande gloire, notre plus grande joie».167)

Marie est donc vraiment la Reine du ciel, comme l'Eglise le proclame. Tous les anges et les saints qui sont dans le ciel, dit le vénérable Père Eu­des, mettent leurs couronnes à ses pieds; ils la regardent, honorent et bé­nissent à jamais comme la Mère de leur Créateur et de leur Sauveur, et comme leur glorieuse impératrice et leur très honorée et très chère Mère.

En la voyant glorieusement couronnée par la très sainte Trinité, tous s'écrient: C'est ainsi que Dieu aime la divine Marie, qui est la plus ai­mable de toutes les créatures; c'est ainsi que le Père aime sa très chère et unique Fille; c'est ainsi que le Fils de Dieu aime sa très digne Mère; c'est ainsi que le Saint-Esprit aime sa très sainte Epouse. C'est ainsi que le très aimable Cœur de Marie est le premier objet de l'amour de la très sainte Trinité, parce que sa sainteté et son amour ont ravi le cœur de Dieu.

O glorieuse Vierge, s'écrie saint Liguori, les saints, dans leur étonne­ment à la vue de vos magnificences, ne cessent de s'extasier sur votre beauté, et ils ne font que se répandre en cris d'admiration et de joie. Et moi aussi, auguste Reine du ciel, tout misérable que je suis et le dernier de vos serviteurs, je veux, si vous me le permettez, faire retentir mes cris d'admiration et d'étonnement.

O Marie, vous êtes belle par-dessus toutes les créatures et le plus ra­vissant amour de notre cœur. Enflammez donc notre pauvre cœur de votre amour, pardonnez-nous nos infidélités passées, adoptez-nous pour vos enfants dévoués, pour vos benjamins préférés. Prenez nos cœurs et ne les laissez plus s'égarer.

EXEMPLE : Notre-Dame de Fourvières

Nous ne blesserons personne en disant que la cité de Lyon est celle qui manifeste en France le plus d'amour pour Marie.

Rattachée directement à Marie par saint Pothin, saint Polycarpe et saint Jean, l'Eglise de Lyon professait dès l'origine, pour la Mère de Dieu, un culte que les siècles n'ont fait que fortifier.

Son premier apôtre, saint Pothin, avait apporté d'Asie une image de la Vierge qu'il déposa dans un premier sanctuaire, devenu aujourd'hui la crypte de l'église saint Nizier. La statuette devait un jour gravir la montagne et dominer la ville.

Fourvières était un lieu prédestiné. C'est l'emplacement du vieux fo­rum de Trajan, où tant de martyrs versèrent leur sang qui descendit à flots pour rougir les eaux de la Saône.

Au douzième siècle, la chapelle de Fourvières avait déjà son chapitre de chanoines. Au treizième siècle, Innocent IV tint le Concile de Lyon et institua la fête de la Nativité de Marie. Avant de quitter la ville, il voulut la bénir du haut de la colline de Fourvières. Peu après, Marie fut officiel­lement déclarée patronne de la cité.

En 1643, au temps de la peste, les consuls, au nom du peuple, firent le vœu, si le fléau disparaissait, de monter tous les ans à Fourvières pour offrir des présents à Marie. Ils furent exaucés et le vœu fut fidèlement accompli par les magistrats de la ville pendant cent cinquante ans.

Pie VII en 1805 réconcilia la chapelle de Fourvières après la Révolu­tion et bénit la ville.

Il faudrait décrire ici le merveilleux sanctuaire que les Lyonnais vien­nent d'élever à Marie, en exécution du vœu qu'ils en firent pendant la guerre de 1870.

Leur piété y a dépensé une dizaine de millions.

Le pieux architecte, M. Bossan, a su trouver dans son amour pour Marie des inspirations heureuses qui lui permirent de sortir de la routine de son siècle et d'offrir à Marie un joyau aux formes nouvelles, avec une richesse de symbolisme qui égale celle des meilleures époques du Moyen-Age.

Au dehors, la façade séduit par les trois arcades élevées de son fronton où sont représentés les vœux de 1643 et de 1870.

L'intérieur surtout a une élégance et une richesse de décoration incom­parables. Les gracieuses colonnes de marbre bleu avec leurs chapiteaux blancs portent les trois coupoles où des mosaïques représentent les figures de l'Ancien Testament qui annonçaient Marie, fille du Père éternel, Mère du Verbe et épouse de l'Esprit-Saint. Les murs latéraux représentent en de grandes peintures les principales interventions de Marie dans l'histoire de l' Eglise et dans l'histoire de la France. Les vitraux redisent toutes les royautés de Marie, reine des prophètes, des martyrs et des vierges.

Mais nous ne saurions tout dire en quelques lignes. Tous les détails de la plus riche ornementation ont une signification symbolique, et toutes les gloires de Marie sont là représentées.

Rien d'aussi beau n'a été offert à Marie au dix-neuvième siècle. O Marie, protégez Lyon et la France.

PRIÈRE de saint Alphonse de Liguori

Auguste Mère de Dieu, ô Marie, ma Mère, il est vrai que je ne mérite pas de prononcer votre nom. Mais vous qui m'aimez et qui voulez mon sa­lut, c'est à vous, si impure que soit ma langue, de faire en sorte que je puis­se toujours appeler à mon secours votre très saint et tout puissant Nom; car votre Nom est notre soutien durant la vie et il est notre salut à la mort.

Oui, ô Marie, Vierge si pure, ô Marie, Mère si douce, faites que votre Nom soit désormais la respiration de ma vie; et chaque fois que je vous appellerai, ah! ma Souveraine, ne tardez pas à me secourir. Dans toutes les tentations qui viendront m'assaillir, dans toutes les épreuves que j'aurai à traverser, je veux vous appeler et ne pas cesser un instant de m'écrier: Marie! Marie! Voilà ce que je veux faire durant ma vie et voilà ce que j'espère surtout de faire à ma mort, pour aller ensuite louer éter­nellement dans le ciel votre Nom bien-aimé, ô clémente, ô bonne, ô dou­ce Vierge Marie!

Ainsi soit-il

L'Immaculée Conception, c'est le grand privilège de Marie, que Dieu a voulu glorifier au dix-neuvième siècle. Ce dogme était dans la tradition de l' Eglise, mais avec quelque obscurité. Sa définition formulée par la bulle Ineffabilis, du 8 décembre 1854, l'impose à notre foi. Les appari­tions et les miracles de Lourdes ont apporté un éclat nouveau à la défini­tion promulguée par le Vicaire infaillible de Jésus-Christ.

Marie est immaculée dans sa conception. C'est en raison de sa mis­sion, de sa prédestination à la Maternité divine que Dieu a voulu lui ac­corder ce privilège, et c'est en vertu des mérites de Notre-Seigneur que Dieu lui fait cette grâce.

Le sens de ce dogme, c'est que Dieu, en créant l'âme de Marie, l'a di­spensée de cette disgrâce qu'encourent tous les enfants d'Eve. Il a laissé subsister en elle quelques conséquences du péché originel; elle était su­jette à la souffrance et à la mort, mais il l'a exemptée de cette tache par laquelle les âmes des enfants d'Adam naissent tous privés de la grâce et inclinés au péché.

Cette faveur, que Dieu voulait accorder à notre divine Mère, il l'avait promise dès le commencement. Il avait annoncé au paradis terrestre que la nouvelle Eve serait victorieuse du serpent infâme et soustraite à son influence.

Telle a toujours été la tradition de l'Eglise.

Saint Chrysostome, saint Jérôme et d'autres Pères interprètent le tex­te de la Genèse dans le sens d'une inimitié complète et perpétuelle entre Marie et le démon.

D'autres Pères, très nombreux, ont interprété la salutation de l'ange en ce sens que Marie a été ornée d'une grâce toute exceptionnelle; qu'el­le était plus pure que tous les anges eux-mêmes et exempte de toute ta­che. «Je vous salue, dit saint Jean Damascène, je vous salue pleine de grâce, parce que vous êtes plus sainte que les Anges… plus élevée que les Principautés et les Puissances… plus belle et plus auguste que les Chéru­bins et les Séraphins, plus pure que le soleil».168) - «Vous avez trouvé gra­ce devant Dieu, dit saint Sophrone, mais une grâce entière, une grâce perpétuelle».169) - «Vous avez trouvé grâce, dit saint André de Crète, la grâce qu'Eve avait perdue».170)

L'Eglise avait aussi manifesté sa foi par l'institution de la fête de la Conception, qui remonte au cinquième siècle chez les Grecs, au septiè­me chez les Latins.

Les raisons théologiques ne manquaient pas non plus. La Sainte Tri­nité pouvait-elle laisser un seul instant sous la puissance du démon celle qui devait être la Fille bien-aimée du Père, la Mère du Fils, l'épouse du Saint-Esprit? Celle qui devait être la médiatrice de paix entre Dieu et les hommes et la réparatrice du monde perdu, pouvait-elle être un seul in­stant en l'état de péché?

«La sagesse de Dieu, dit saint Anselme, se serait-elle trouvée par ha­sard dans l'impuissance de préparer pour son Fils une demeure digne de lui, en préservant Marie de la souillure commune à la race humaine?».

«Peut-on mettre en doute, dit saint Bernardin, que le Fils de Dieu se soit préparé à lui-même une mère ornée de tous les dons de la nature et de toutes les perfections de la grâce».171)

«Non, dit saint Ambroise, ce n'est pas à la terre, mais au ciel, que le Christ emprunta ce vase d'élection pour descendre en lui et en faire le temple de la pureté».172) - «II ne convenait pas, disait saint Jean-Baptiste dans une révélation à sainte Brigitte, que le Roi de gloire descendît ail­leurs que dans ce vase d'une pureté et d'une excellence incomparable­ment supérieures à celles de tous les anges et de tous les hommes».

O Marie, c'est par la grâce spéciale de ce mystère que vous voulez nous sauver au temps présent. Vous avez manifesté plusieurs fois votre Immaculée Conception dans le dix-neuvième siècle pour nous inviter à méditer ce mystère et à l'honorer. Vous avez vu la corruption de notre temps et vous lui offrez comme remède l'exemple de votre pureté; nous vous remercions, ô Mère, nous avons honte de nos fautes, et nous vou­lons marcher désormais à votre suite dans la modestie et la chasteté.

Le symbole caractéristique de Marie, c'est le lis, la fleur toute blanche et toute pure. Dieu dit à Marie, dans le Cantique des Cantiques: «Celle que j'aime est parmi toutes les filles de Sion comme le lis entre les épines».173) L'Eglise a adopté ce symbole biblique et l'art chrétien a mille fois représenté auprès de Marie la fleur immaculée.

Les Pères de l'Eglise et les Saints ont cent fois aussi comparé Marie à la fleur sans tache.

«Marie, dit saint François de Sales, est le lis qui grandit au milieu des épines; les épines sont l'image du péché et le lis n'a pas d'épines; sa tige n'en porte pas».

D'autres gracieux symboles ont désigné dans l'Ecriture Sainte la pu­reté inaltérable de Marie. Saint Liguori les rappelle dans la prière sui­vante:

«Je voudrais que tout le monde, ô Marie, acclamant vos prérogatives, vous reconnût pour cette belle Aurore que le divin Soleil ne cessa jamais d'illuminer; pour cette Arche du salut qui, par un choix spécial, évita l'universel naufrage du péché; pour cette parfaite et immaculée Colom­be, comme vous appelait votre divin époux; pour ce Jardin fermé où Dieu trouva ses délices; pour cette Fontaine scellée, dont l'ennemi ne trouble ja­mais les eaux limpides; pour ce Lis éclatant de blancheur, qui, s'épa­nouissant au milieu des épines du péché, loin d'en ressentir les atteintes comme les autres enfants d'Adam, et d'encourir la disgrâce de Dieu, ap­parut au monde dans tout l'éclat de la beauté, de la pureté et de l'amitié divine.

«Ah! permettez que je vous loue, ô Marie, comme vous loua votre Dieu lui-même. Vous êtes toute belle, vous disait-il, et en vous il ne se trouve au­cune tache.174) O très pure et toute blanche colombe, immaculée Vierge Ma­rie, vous qui attirez par votre beauté les regards de Dieu, ne dédaignez pas d'abaisser les yeux de votre miséricorde sur les plaies si hideuses de mon âme!… Hélas! non seulement je suis né dans le péché; mais ensui­te, que de fois j'ai souillé mon âme par toutes sortes de péchés volontai­res! Mais quelle grâce Dieu peut-il vous refuser? O Vierge immaculée, c'est à vous de me sauver».

EXEMPLE : Notre-Dame de Bon-Secours

Marie a de nombreux sanctuaires sous ce vocable. Les deux princi­paux sont à Nancy et à Rouen.

L'église de Notre-Dame de Bon-Secours, qui s'élève sur la colline de Bosseville près de Rouen est une des plus belles qui aient été bâties au dix-neuvième siècle. Elle rappelle nos plus beaux sanctuaires du quator­zième siècle par l'ampleur de ses nefs, la richesse de ses sculptures et de ses vitraux.

Le culte de Marie à Bosseville date des origines du christianisme. Des marins reconnaissants envers Marie y avaient élevé, vers l'an 1300, la chapelle qui a été remplacée par la belle basilique moderne.

La statue a été couronnée en 1880.

Devant l'église a été placé, en 1892, le beau monument de Jeanne d'Arc, par le sculpeur Barrias. La statue de Jeanne d'Arc et celle de ses saintes bien-aimées, sainte Marguerite et sainte Catherine, reposent sur un soubassement qui contient un oratoire dédié à Notre-Dame des­-Armées.

La ville de Nancy a également un beau sanctuaire dédié à Notre-­Dame de Bon-Secours. C'est une église du dix-huitième siècle, qui rem­place celle que René d'Anjou y avait fait bâtir en 1476, en souvenir de sa victoire sur Charles le Téméraire.

L'église actuelle est le témoignage de la piété du roi de Pologne, Stanis las Leczinski. La statue qu'on y honore représente une Vierge auxiliatri­ce, avec deux groupes de protégés sous son manteau: à droite, l'ordre ec­clésiastique, depuis le Pape jusqu'aux simples cleres; à gauche, l'ordre laïque, depuis les princes jusqu'au dernier de leurs sujets.

Le duc Charles IV avait fait agrandir la chapelle en faveur des innom­brables pèlerins qui y vinrent à la suite des miracles qui s'y faisaient presque journellement.

En 1793, un soulèvement populaire sauva l'église, dont on se contenta de fermer les portes. Aussi, quel transport de joie parmi le peuple de Nancy, quand il vit les portes se rouvrir dès 1801!

En 1865, le cardinal Mathieu, archevêque de Besançon, entouré des évêques du voisinage et d'innombrables pèlerins qui représentaient la Lorraine entière, a couronné, au nom de Pie IX, la Reine de Nancy. Depuis lors, après la guerre de 1870-71, au réveil des pèlerinages,

Notre-Dame de Bon-Secours a vu à ses pieds bien des Cœurs en deuil. Outre les sanctuaires de Nancy et de Rouen, quarante autres pèleri­nages français sont dédiés à Notre-Dame de Bon-Secours.

O Vierge secourable, si chère à tant de pieux fidèles, ayez pitié de nous!

PRIÈRE de saint Ephrem

O Reine de l'univers, notre très clémente Souveraine, vous êtes l'uni­que avocate des pécheurs, le port qui met en sûreté ceux qui ont fait nau­frage; vous êtes la consolation du monde, la rançon des captifs, l'allé­gresse des infirmes, la joie des affligés, le refuge et le salut de toute la ter­re. O Pleine de grâce, éclairez mon entendement et déliez ma langue, pour chanter vos louanges, et surtout pour répéter le cantique angélique si digne de vous. Je vous salue, ô Paix, ô Joie, ô Salut, ô Consolation du monde entier! Je vous salue, ô le plus grand miracle qui ait jamais été dans le monde, jardin de délices, asile assuré, ouvert à quiconque est en péril, fontaine de grâce, médiatrice entre Dieu et les hommes!

Je me réfugie sous votre protection et j'y serai en sûreté.

Ainsi soit-il

Léon XIII a été, comme saint Pie V, l'apôtre du Rosaire. C'est lui qui a ajouté à nos litanies cette belle invocation. Dix fois il s'est adressé à l' Eglise tout entière pour lui recommander le Rosaire, par des Encycli­ques toutes pénétrées de la piété de son cœur envers Marie. Il a fondé le mois de Marie. Il a élevé la fête de Notre-Dame du Rosaire à un plus haut rang dans l'ordre liturgique. Il a été en un mot un nouvel apôtre du Rosaire.

C'est qu'il a vu la triste situation dans laquelle se trouvait l'Eglise. Il a souvent comparé notre temps au douzième siècle et les sectes d'aujourd'hui à celle des Albigeois, qui voulaient bouleverser la société et détruire tout l'ordre social, comme veulent faire aujourd'hui les com­munistes et les anarchistes.

Marie est venue au secours de la société chrétienne au douzième siè­cle. Le moyen qu'elle employa, ce fut le Rosaire, dont elle confia la pro­pagation à saint Dominique. La récitation du Rosaire ramena parmi les fidèles l'habitude de la prière et répandit la connaissance exacte des my­stères de Notre-Seigneur avec les sentiments que la méditation de ces mystères éveille dans les âmes.

La récitation du Rosaire ramena partout la paix et la piété. C'était comme une pluie bienfaisante tombant sur un sol aride, selon l'expres­sion de la Vierge Marie elle-même. Comme saint Dominique se désolait à ses pieds, à la vue des malheurs de son temps, la Sainte Vierge lui dit: «Cette terre restera stérile jusqu'à ce que la pluie y tombe». Elle lui fit comprendre que cette pluie était la dévotion du Rosaire et qu'il devait la répandre partout.

La Très Sainte Vierge n'est-elle pas venue renouveler le même mira­cle à Lourdes, en demandant avec tant d'instance la récitation du Rosai­re pour le salut de la société?

Léon XIII répond au désir de Marie, comme saint Dominique y a ré­pondu au douzième siècle. Les miracles se multipliaient au douzième siècle quand saint Dominique faisait réciter le Rosaire. Ils se multiplient aussi à Lourdes pour la guérison des malades et la conversion des pé­cheurs. Le Rosaire finira bien aussi par guérir notre pauvre société et par lui rendre le sens chrétien.

Citons avec saint Liguori un des beaux miracles opérés par saint Do­minique, grâce à la récitation du Rosaire:

Saint Dominique prêchait à Carcassonne. On lui amena un Albigeois tombé au pouvoir du démon, pour avoir publiquement attaqué la dévo­tion du Rosaire. Le saint ayant, de la part de Dieu, commandé aux dé­mons de déclarer si, dans ses prédications sur le Rosaire, il avait rien dit qui fût contre la vérité: «Ecoutez, s'écrièrent les démons en poussant des hurlements, écoutez, chrétiens, cet homme qui est notre ennemi ne vous a dit sur Marie et le Rosaire que la vérité». Ils ajoutèrent qu'ils ne pou­vaient rien contre les serviteurs de la Sainte Vierge; qu'à la mort beau­coup de pécheurs, malgré leurs démérites, se sauvent, parce qu'ils invo­quent Marie. «Nous sommes contraints, dirent-ils encore, de faire connaître que, parmi tous ceux qui persévèrent dans la dévotion envers Marie et le Rosaire, aucun ne se damne; car, à ceux qui sont en péché mortel, Marie obtient avant leur mort la grâce d'un vrai repentir». Saint Dominique se mit ensuite à réciter le Rosaire avec le peuple; et pendant ce temps-là on vit plusieurs démons sortir du corps de ce malheureux, jusqu'à ce qu'enfin, le Rosaire étant entièrement récité, cet homme se trouvât parfaitement délivré. A la suite de ce miracle, beaucoup d'héré­tiques se convertirent.175)

Le Rosaire a donc la puissance d'éloigner le démon. Soyons fidèles à le dire et à le bien dire pour mériter la protection de Marie pendant no­tre vie et à l'heure de notre mort.

Réciter le Rosaire, c'est tresser une couronne de roses à Marie pour orner son front royal. Les salutations angéliques dont il est composé sont en effet les louanges qui plaisent le plus à Marie, parce qu'elles expri­ment parfaitement ses grâces et répondent exactement à ses mérites. Comme le doux parfum des roses plaît, attire, et délecte, dit le bienheu­reux Albert le Grand, ainsi les parfaites louanges renfermées dans ce sa­lut, l'odeur si suave de sainteté et de dévotion que répand cette prière composée par l'ange, tout cela forme un cantique souverainement agréable à Marie et comme une couronne de roses qui orne son front et réjouit son Cœur.

Offrir à Marie ce tribut de louanges, c'est lui rappeler l'honneur qu'elle reçut lorsqu'elle fut couronnée Reine du ciel, en récompense de la part qu'elle avait prise aux mystères de Notre-Seigneur. Rien ne peut lui plaire davantage et rien ne peut nous mieux assurer sa bienveillance. Le pieux docteur dominicain Alanus ne craint pas de dire que cette dévotion est un signe de prédestination.

Récitons donc fidèlement le Rosaire ou du moins le chapelet. La Sain­te Vierge elle-même l'a demandé à saint Dominique, elle l'a de nouveau demandé à Lourdes. Le Saint-Père nous le demande pour le triomphe de l'Eglise. Les annales de l'Eglise nous redisent les grâces innombrables obtenues par cette dévotion. Les Souverains Pontifes l'ont enrichie d'in­dulgences.

Entrons dans la confrérie du Rosaire et récitons le chapelet, mais récitons-le pieusement et humblement. Il y a des grâces spéciales à le ré­citer en commun.

L'Eglise nous demande de méditer en le récitant sur les mystères de la vie de Notre-Seigneur. Pensons au moins à sa Passion, à ses souffrances, à sa flagellation, à sa mort. Formons pour chaque dizaine une intention spéciale. Il vaut mieux aussi faire bien que faire vite. La Sainte Vierge révéla un jour à la bienheureuse Eulalie qu'elle préfère cinq dizaines, ré­citées posément et dévotement, à quinze dizaines dites avec précipitation et sans ferveur.

EXEMPLE : Notre-Dame de Boulogne et Notre-Dame de Brébières

Notre-Dame de Boulogne a aussi sa gracieuse légende. En l'an 633, disent les chroniques, un navire sans matelots ni rames, venant de la haute mer, abordait à Boulogne. Il contenait une statue en bois, repré­sentant la Vierge Marie avec l'Enfant Jésus. On présuma qu'elle quit­tait l'Orient à l'heure où les musulmans s'emparaient de la Terre­-Sainte, et qu'elle était due au ciseau de saint Luc lui-même.

En 1104, la comtesse Ida, mère de Godefroy de Bouillon, bâtit une église magnifique pour la recevoir. Le preux chevalier Godefroy lui-même offrit sa couronne d'or de roi de Jérusalem à la patronne de sa vil­le natale, et le culte de Notre-Dame de Boulogne alla dès lors toujours en grandissant.

La plupart des rois de France allèrent rendre hommage à l'image mi­raculeuse.

Le nombre des muets, des pestiférés, des malades de toutes sortes, des enfants morts sans baptême, qui recouvrèrent la santé ou la vie par l'in­tercession de la Vierge de Boulogne, est presque incalculable.

La Révolution a détruit la statue comme tant d'autres pieux trésors; une main cependant a été sauvée.

Tout le monde sait quel superbe monument Mgr Haffreingue a fait élever, de 1827 à 1840, pour honorer la nouvelle statue. La chère Mado­ne toujours bienfaisante aux populations de la région du Nord, a été couronnée en 1885.

- Notre-Dame de Brébières à Albert, dans la Somme, est la même qu'on appelle en Espagne la Divina Pastora, c'est la céleste bergère qui veille sur les brebis et les agneaux.

Des brebis indiquèrent au douzième siècle le lieu où elle était cachée dans le sol. On lui bâtit une église, et des miracles sans nombre ont ré­compensé la foi des fidèles.

Mais de notre temps ce pèlerinage a pris un éclat qui le place dans les premiers rangs parmi ceux de France. Le curé, M. l'abbé Godin, a fait élever une basilique, qui ne coûte pas moins de deux millions; et pour la beauté et la variété des autels, des peintures et des vitraux, elle ne le cède qu'à Fourvières, Tout ce que l'art moderne sut faire de plus délicat en bronze, en marbre, en mosaïque, y a été employé. Comme a dit une pieuse notice, on s'écrie en arrivant dans cet intérieur: «Quelle foi et quel amour ont pu élever une semblable merveille!» et en voyant les mi­racles se multiplier pour la guérison des malades, pour la conversion des pécheurs et la consolation des affligés, on ajoute: «Oh! qu'il fait bon ici!» Et nous disons, en souvenir de tant de sanctuaires: «Oh! qu'il fait bon aux pieds de Marie!».

PRIÈRE de sainte Mechtilde

O Marie, Reine des vertus, votre Cœur immaculé a possédé toutes les perfections. Vous avez aimé particulièrement l'humilité, l'obéissance et la charité. Dès votre enfance, vous étiez d'une humilité si profonde que jamais vous ne vous préfériez à aucune créature; vous étiez si soumise et si obéissante à vos parents, que jamais en rien vous ne les avez contri­stés. Dès l'aurore de votre vie, quand le Saint-Esprit vous remplit de sa grâce et de sa charité, vous étiez inclinée à tout ce qui est bien; toute ver­tu que les circonstances vous offraient à pratiquer, vous l'embrassiez avec un bonheur inexprimable.176)

O Marie, obtenez-moi ces vertus et ces dispositions; présentez-moi au Cœur sacré de Jésus pour que je puisse les y puiser comme en leur source.

Ainsi soit-il

Les litanies de la sainte Vierge nous conduisent aux pieds de l'Agneau de Dieu. Marie conduit toujours à Jésus.

Le mois de Marie conduit au mois du Sacré-Cœur. Le siècle de Marie prépare le siècle du Sacré-Cœur.

Ce fut une pensée heureuse et providentielle d'appeler Marie «Notre­Dame du Sacré-Cœur». Aussi à peine ce nom fut-il proposé par le Révé­rend Père Chevalier et les religieux d'Issoudun, qu'il fut accueilli par­tout avec une grande allégresse. C'était en 1855. Pie IX autorisa volon­tiers ce nouveau titre de Marie, et une confrérie innombrable se groupa sous ce beau nom.

Notre-Dame du Sacré-Cœur, ce nom rappelle tout l'amour de Marie pour le Sacré-Cœur, et toute sa puissance d'intercession sur ce Cœur Divin.

L'union de Marie au Cœur de Jésus a souvent été décrite par les saints. La bienheureuse Marguerite-Marie voyait les deux Cœurs de Jésus et de Marie n'en faire qu'un. Toute la spiritualité du vénérable Père Eudes se rapporte à cette union. Personne n'a égalé le Père Eudes dans la description et le culte de cette union des saints Cœurs de Jésus et de Marie. Il n'a pas prononcé le nom de Notre-Dame du Sacré-Cœur, mais il a fait plus que cela pour honorer l'union de Marie à Jésus, il leur a attribué un seul Cœur moral; il a chanté cette union en des pages séra­phiques; il a fait accepter par l'Eglise, dans les offices qu'il a composés, le culte de cette union mystérieuse.

Saluons, avec le Père Eudes, le Cœur de Marie, «image du Cœur de Jésus, uni au Cœur de Jésus, repos du Sauveur, sanctuaire de la divini­té, trône de la divine volonté, gardien de la parole divine, miroir de la Passion de Jésus-Christ; le Cœur de Marie, qui ne fait qu'un avec le Cœur de Jésus».

De cette union découle la puissance presque infinie de Marie, la toute­puissance d'intercession du Cœur de Marie, que le Père Eudes appelle aussi «le trône de la miséricorde, l'abîme de grâces, le trésor des biens in­nombrables, le refuge, la consolation, la joie, le paradis de notre cœur».

Cette intimité de cœur et cette puissance d'intercession, les Pères de l'église les avaient célébrées souvent, quoiqu'ils ne l'aient pas fait ex pro­fesso, comme le Père Eudes. Ils appellent souvent Marie notre médiatri­ce, non pas de justice, mais de grâce et d'intercession. «Marie, dit saint Bonaventure, est la très fidèle médiatrice de notre salut»177) - «Comment, dit saint Laurent Justinien, ne serait-elle pas toute pleine de la grâce, elle que le Seigneur a faite l'échelle du paradis, la porte du ciel, la vraie mé­diatrice entre Dieu et les hommes».178)

Appeler Marie «Notre-Dame du Sacré-Cœur», n'est-ce pas exprimer sous une forme gracieuse sa fonction de toute-puissante médiatrice? Notre-Seigneur, disent les Pères, a confié à Marie la plénitude de tous les biens, n'est-ce pas dire qu'il lui a confié la clef de son Cœur et son Cœur lui-même?

«O hommes, s'écrie saint Bernard, comprenez avec quel amour, avec quelle dévotion le Seigneur veut, pour la gloire de notre auguste Souve­raine, que nous ayons sans cesse recours à elle etiv que nous nous réfu­giions sous sa protection; car il lui a confié la plénitude de tous les biens, et cela, afin qu'il ne pût y avoir en nous aucune espérance, aucune grâce, aucune influence salutaire que nous ne reconnaissions tenir des mains de Marie».179) D'ailleurs tout le traité de saint Bernard sur le Canal des grâces divines, (de Aquaeductu), pourrait être appelé la théologie de Notre-Dame du Sacré-Cœur.

O Marie, qui aimez à être saluée de ce beau nom de «Notre-Dame du Sacré-Cœur», offrez à ce divin Cœur nos louanges, nos adorations, nos actions de grâces; présentez lui aussi nos prières, ou plutôt, vous savez mieux que nous ce qui nous est nécessaire, priez-le pour nous et demandez-lui ce que vous voudrez pour vos pauvres enfants, si dénués de tous biens et de toutes grâces.

O Notre-Dame du Sacré-Cœur, avec un des plus ardents de vos servi­teurs, le vénérable Père Eudes, je salue encore en vous «la clef du trésor céleste, la fontaine des jardins, le puits d'eau vive, la source de lumière et de grâce, la source de la vie éternelle, la source de l'huile sacrée et du vin céleste, la source de lait et de miel, la source de toute consolation et de toute bénédiction, la source de biens sans nombre».

Avec saint Bernardin de Sienne, je reconnais que «toutes les vertus, toutes les grâces et tous les dons célestes sont dispensés par vos mains, et que vous en faites part à qui vous voulez et comme vous voulez».180) Avec saint Ildephonse, je confesse que «le Seigneur veut faire passer par vos mains tous les biens dont il a résolu de combler les hommes; aussi vous a-t-il confié tous les trésors et toutes les richesses de ses grâces».181)

Et si je ne puis pas dire absolument que vous commandiez dans le ciel, je reconnais que vos prières sont toujours les prières d'une mère, et qu'elles ont par conséquent une sorte de toute-puissance suppliante. Aussi je proclame, avec saint Bonaventure, «que vous êtes toute puissan­te pour obtenir par vos prières tout ce que vous voulez de votre divin Fils».182) Avec saint Pierre Damien: «que toute-puissance vous a été don­née dans le ciel aussi bien que sur la terre, que vous pouvez faire tout ce que vous voulez, tellement qu'il vous est possible de rendre l'espérance du salut, même aux âmes les plus désespérées».183)

O Marie, voici la fin de votre beau mois et l'aurore du mois du Sacré­Cœur. Je suis venu à vous, je vous ai remis et confié tous mes intérêts, toute ma vie et mon salut, conduisez-moi à Jésus et à son divin Cœur. Vous êtes la médiatrice auprès du médiateur, vous êtes l'échelle du ciel.

J'entends saint Bernard me dire: «Marie est l'échelle des pécheurs et par elle ils peuvent remonter aux sommets de la divine grâce»; et encore: «Si vous craignez de recourir à Jésus parce que sa Majesté divine vous effraie; si vous voulez un médiateur auprès du médiateur, recourez à Marie: elle intercédera pour vous auprès de son Fils qui certainement l'exauceras». O Marie, je ne vous quitte pas, à la fin de ce mois; c'est avec vous et auprès de vous que je veux faire le mois du Sacré-Cœur; n'êtes-vous pas Notre-Dame du Sacré-Cœur?

EXEMPLE : Notre-Dame du Sacré-Cœur, de Sittard et les sanctuaires de Belgique

La Belgique et la Hollande ont de nombreux sanctuaires de Marie, où affluent chaque année les pèlerinages et les processions. La Belgique a Notre-Dame de Halle, Notre-Dame de Tongres, Notre-Dame de Mon­taigu, Notre-Dame de Bon-Secours. Elle y a ajouté au dix-neuvième siècle plusieurs chapelles dédiées à Notre-Dame de Lourdes et à Notre­-Dame du Perpétuel-Secours à la frontière de France, en remplaçant la modeste chapelle d'autrefois par une belle et haute rotonde ogivale, di­gne du treizième siècle. Le concours des pèlerins à Bon-Secours, comme en plusieurs sanctuaires belges, s'est merveilleusement accru dans ces dernières années.

Le Grand-Duché de Luxembourg a aussi sa madone vénérée, Notre­Dame Consolatrice, qui attire à la cathédrale 200.000 pèlerins par an. En Hollande, c'est Notre-Dame du Sacré-Cœur qui a la faveur des âmes pieuses. Elle a conquis les cœurs par une belle guérison chez les Ursulines de Sittard en 1867, en sauvant de la mort une enfant qui avait avalé une aiguille. Les pieuses Ursulines ont admirablement favorisé le culte de Notre-Dame du Sacré-Cœur. Elles lui ont bâti une gracieuse basilique dans le style ogival du Nord, en briques décorées et pierres noi­res. Elles ont aussi fait construire pour abriter les pèlerins un beau cloître qu'elles appellent Maria-Park, où se voient des stations de la Passion en hauts reliefs qui sont vraiment des chefs-d'œuvre de la sculpture chré­tienne contemporaine.

Sittard avait depuis des siècles une Madone vénérée sous le nom de sa­lus infirmorum. Pendant les restaurations de l'église paroissiale incendiée, de 1857 à 1861, les pieuses Ursulines avaient eu la garde de la statue merveilleuse. Elles ont entouré l'image sainte de tant de soins et de pié­té, que la Sainte Vierge a voulu les récompenser en leur donnant une au­tre source de grâces dans le pèlerinage de Notre-Dame du Sacré-Cœur, quand elles eurent restitué à la paroisse la statue antique.

Notre-Dame du Sacré-Cœur protège à Sittard de nombreuses com­munautés religieuses et en particulier le noviciat et l'école apostolique des Prêtres du Sacré-Cœur de Jésus, qu'elle a attirés sous son manteau maternel, depuis l'année 1882.

Cent mille pèlerins de la Hollande, de l'Allemagne et de la Belgique viennent, chaque année, offrir leurs hommages à Notre-Dame du Sacré­Cœur et solliciter ses grâces.

O Notre-Dame du Sacré-Cœur, présentez-nous à Jésus et soyez notre avocate auprès de lui.

SOUVENEZ-VOUS. A Notre-Dame du Sacré-Cœur

Souvenez-vous, ô Notre-Dame du Sacré-Cœur, de la puissance sans bornes que votre divin Fils vous a donnée sur son Cœur adorable; pleins de confiance en vos mérites, nous venons implorer votre protection, ô puissante Trésorière du Cœur de Jésus, qui pouvez à votre gré faire de­scendre sur les hommes tous les trésors d'amour et de miséricorde, de lu­mière et de salut que ce Cœur Sacré renferme; accordez-nous, nous vous en conjurons, toutes les faveurs que nous sollicitons. Non, nous ne pouvons essuyer de refus, et puisque vous êtes notre Mère, ô Notre­-Dame du Sacré-Cœur, accueillez favorablement nos prières, et daignez les exaucer.

Ainsi soit-il

Notre-Dame du Sacré-Cœur, priez pour nous. (100 jours d'indulgence chaque fois. Pie IX, 20 juin 1867).


1)
Creavit hominem Deus, et secundum se vestivit eum virtute (Eccli., XVII, 2). Deus creavit hominem inexterminabilem (Sap., II, 23).
2)
Per unum hominem peccatum in Nunc mundum intravit, et per peccatum mors… (Rom. V, 12).
3)
Cum eo eram, cuncta componens, et delectabar per singulos dies, ludens coram eo (Prov. VIII, 30).
4)
Prov., IX.
5) , 6)
Fundamenta ejus in montibus sanctis, diligit Dominus portas Sion, super omnia tabernacula Jacob, (Ps. XIV, 1).
7)
Gen., I, 8.
8)
Cant., VI, 3.
9)
De gratia spec., 1, 26.
10)
De Nativ. V. M.
11)
Or. de praes. deip.
12)
Hist, part, 1 t. IV.
13)
Serm. de Annunt.
14)
De laud., B. M. 1. I, c. II.
15)
Jubilus in corde, mel in ore, melos in aure.
16)
Dial, c. XVI.
17)
Depr. ad gl. V.
18)
Spec. B. M.
19)
Vita chr. n. 2 c. LXXXVI.
20)
Oleum effusum nomen tuum, Off. B. V. Resp. 6.
21)
In cant., I.
22)
Ad nov., ch. 23.
23)
Revel., 1. I, c. II.
24)
De zona Deip.
25)
De laud., B. M.
26)
S. Liguori. Gloires de Marie, chap. X
27)
Sermon pour Noël.
28)
Sermon pour la Nativité.
29)
De Virgine, serm. 2.
30)
De consensu Virginis, Serm. 2.
31)
Sermo de Incarn.
32)
Damascène, lib. IV. de fide.
33)
Oratio deiparae habet rationem imperii. 6. 4, t. XV 1. XVII.
34) , 179)
De Aquaed.
35)
S. Alphonse de Liguori.
36)
Isaïe, VII, 14.
37) , 40) , 44) , 159)
Ps. 44.
38)
Cités par Billuart: De myst. Ch., art. 4.
39)
Omnis ponderatio non est digna continentis animae. Eccl, XXVI-30.
41)
Reliquia cogitationis diem festum agent tibi. Ps. 75.
42)
Conservabat omnia verba haec in corde suo. Luc., II.
43)
Cités par le Tractatus theol. de B. Maria Virgine (Ryon: Bridayne).
45)
Cœur admirable, 1, c. 5.
46)
Vie de la Bienheureuse, I, 122.
47)
Insin. IV. 48-51.
48)
Cités par le P. Eudes: Cœur admirable, IX. 2.
49)
Ven. Père Eudes: le Cœur admirable de Marie.
50)
Gen, II 6.
51)
P. Eudes: le Cœur de l’admirable de la Mère de Dieu.
52)
De Conc. B. M. V.
53)
Pro Fest. V M., serm. 5.
54)
De Virg. S. M. c. XII.
55)
Or. in Ingr. B. V.
56)
Eccli., XXIV.
57)
De Excell. V, c. I.
58)
Sainte Gertrude, liv. IV, chap. LI.
59)
Serm. de Zona Deip.
60)
Orat. ad Virg.
61)
Serm. sur l’Annonciation.
62)
2e disc. sur la nativité de la Sainte Vierge
63)
4e serm. sur I Annonciation
64)
Serm. de Nativ.
65)
Première partie, §2.
66)
Sermon sur la dévotion à Marie.
67)
Ventura: Marie Mère de Dieu, Mère des hommes, c. VI.
68) , 69)
Serm. sur le Rosaire.
70)
In Cant., c. XXIII.
71)
De gratia spec., I, 44.
72)
Sainte Mechtilde: Œuvres, I, 36.
73)
Isaïe: ch. LXI.
74)
In psalm, 38.
75)
Serm. de Natia. Virg.
76)
Epist II, ad Eustach.
77)
Serm. De Ass.
78)
Insin, III, 19.
79)
Eccli., XXIV, 18.
80)
Ps. XXXXIV.
81)
In. 3 part. disp.
82)
De Nativ.
83)
Quamvis esset pulchra corpore a nulla unquam concupisci potuit. Lib. III, sent. dise. 3.
84)
Or. I, de Nativ.
85)
In spec., c. v.
86)
Orat. de zona Deip.
87)
In spec., c. III.
88)
Conc. III, de Concept.
89)
Serm. II, de dormit. deip.
90)
Js. XXVII, 18
91)
S. Damasc., de Nativ. Virg.
92)
De Adv. Dom., s, II.
93) , 108)
De Zona Deip.
94)
In. Luc, 1.
95)
Ps. B. M. V. Ps. 90.
96)
De Laud. Dei Gen.
97)
Par. an. fid. p. 2. c. 4.
98)
Exp. in Salut. ang.
99)
De laud. M.
100)
In flnn. s. I.
101)
Psal. B. V, Ps. 85.
102)
Prov. VIII. 15.
103)
Quot cives, tot reges.
104)
In Jerusalem potestas mea Eccli., XIV. 15.
105)
De laud. B. M., 1. I.
106)
In. Cant.
107)
Stella demonstrans solem. Men. graec. 15 mart.
109)
De laud. V. M. hom. 2.
110)
In Salve Reg. s. 3.
111)
Stim. div. am., p. III, chap. XIX.
112)
De Assumpt., s. 1.
113)
In Assumpt., s. 2.
114)
Deprec. ad glor. V.
115)
De dormit. B. V. s, 2.
116)
Num., X, 35.
117)
1 Reg., XIV, 18.
118)
Bibl. Marian.
119)
De laud. B. V., 1. 7.
120)
Mar spatiosum misericordiarum.
121)
Ps. 44
122)
Apoc., XII
123)
Lib. IV de Fide., cap. 5.
124)
Prov. VIII.
125)
Tract. 4 in Magn.
126)
G. p. de Proes.
127)
Eph. I. 20.
128)
Serm. XI. de Nom. M.
129)
Serm. de Laud. Virg.
130)
VII, 41.
131)
Heb., VI, 17.
132)
XIII, 15.
133)
Is. LXIX. 15.
134)
Instft. virg., c. 7.
135)
I, Jean. IV. 21.
136)
De aff. erga B. V., c. II.
137)
In Ass. s. 4.
138)
Marial. p. 2, s. 5.
139)
Neuvième disc. sur les douleurs de Marie.
140)
De serm. Dom. in caena. 1-4.
141)
Thren, 11, 13.
142)
Sainte Brigitte: Serm. Ang. c. 17-18.
143)
Bolland. 13 an. Vit. 1. 1. c.
144)
In Cant., I. 1.
145)
P. Eudes: Le Cœur adm., 1. I.
146)
S. Lig., s. 9, sur les douleurs de Marie.
147)
Ps. 67.
148)
Exp. in Sal. ang.
149)
Pro. Fest. B. M., s. 4.
150)
De V. M., 1, 1 et 1. 4.
151)
Rev., 1 1, c. 10.
152)
De Ann., c. I.
153)
S. Bonav., Med. vit. Ch., c. 3.
154)
De Laud. V., 1. 2.
155)
De Laud. V. M.
156)
1 Cor. 11. 9.
157)
In Assump. s. 1.
158)
Super. Magn. L. 4.
160)
De Ass. 1-2.
161)
Serm. de Assumpt.
162) , 163)
In Assumpt.
164)
Pro Fest. B. V. s, 13.
165)
In Assumpt. s. 1.
166)
In Nat. B. V. s. 1.
167)
Spec. B. V. 1. 6.
168)
In Annunt. deip.
169)
In Annunt. Virg.
170)
In Annunt.
171)
Pro Fest. B. M., c. IV.
172)
Inst. Virg., c. v.
173)
Cant. II.
174)
Cant. IV.
175)
S. Lig. Recueil d’exemples.
176)
De gratia spec., 1, 20.
177)
Spec. B. V., 1. 7.
178)
Serm. in Annunt.
180)
Pro Fest. B. V. s., 5.
181)
De Corde Virginis Mariae.
182)
Cité par saint Lig. Gloires de Marie, c. VI.
183)
De aquoed.
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