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Cette première invocation de nos belles litanies propose à nos médita­tions le dogme fondamental de la génération éternelle du Verbe divin. C'est un préliminaire analogue à celui de l'Evangile de saint Jean, qui nous rappelle la génération divine du Verbe, avant de nous parler de l'Incarnation.

«Au commencement était le Verbe, et le Verbe était en Dieu et le Ver­be s'est fait chair, et il a habité parmi nous, et nous avons vu sa gloire, la gloire du Fils de Dieu».1)

Dans les chants inspirés de David, Dieu dit lui-même à son Verbe: «Je vous ai engendré de mon sein avant que j'eusse créé l'étoile du matin». Et encore: «Vous êtes mon fils, je vous ai engendré aujourd'hui.2)

Faisons un acte de foi à cet enseignement des Divines Ecritures. Di­sons avec le symbole des apôtres: «Je crois en Jésus-Christ fils unique de Dieu», et avec saint Athanase: «Oui, nous croyons que le Fils est Dieu, engendré de la substance du Père, avant tous les siècles».

Le Fils du Père éternel n'est pas une créature de Dieu, si grande qu'on puisse la supposer. Il est son Fils. Il possède la même nature que le Père, c'est-à-dire la propre nature de Dieu; il est consubstantiel au Père et vraiment Dieu.

Cet enseignement de notre foi nous introduit dans le sanctuaire même de la Trinité Sainte, au plus intime du mystère de la vie divine, dont il nous révèle les manifestations ineffables.

Adorons avec amour notre Dieu, le Père de Notre-Seigneur Jésus­Christ, notre Dieu, de qui émane toute paternité au ciel et sur la terre.3)

Adorons aussi le Cœur de Jésus, Fils du Père éternel.

En contemplant ce mystère ineffable de la filiation éternelle du Verbe, le vénérable Père Eudes est entraîné à chanter de suite un hymne d'amour:

«Quel esprit pourrait concevoir et quelle langue pourrait exprimer la moindre étincelle de cette fournaise infiniment ardente du divin amour qui embrase le cœur adorable du Fils de Dieu au regard de son Père? C'est un amour digne d'un tel Père et d'un tel Fils, c'est un amour qui égale très parfaitement les perfections ineffables de son objet bien-aimé; c'est un Fils infiniment aimant, qui aime un Père infiniment aimable; c'est un Dieu qui aime un Dieu; c'est un amour essentiel qui aime l'amour éternel; c'est un amour immense, incompréhensible, infini, qui aime un amour incompréhensible, infini. En un mot, le divin Cœur de Jésus, considéré selon sa divinité ou selon son humanité, est infiniment plus embrasé d'amour pour son Père, et il l'aime infiniment davantage en chaque moment que tous les cœurs des anges et des saints ensemble ne le peuvent aimer durant toute l'éternité.

«Et parce qu'il n'y a point de plus grand amour que de donner sa vie pour celui qu'on aime, le Fils de Dieu aime tant son Père qu'il serait prêt à sacrifier encore sa vie comme il l'a sacrifiée en la croix et à la sacrifier une infinité de fois, si cela se pouvait et si tel était le bon plaisir de son Père.

«O Père divin! il n'y a rien de si aimable que vous, car vos perfections sont innombrables et infinies, et les bontés inénarrables que vous avez pour vos créatures leur imposent des obligations infinies de vous servir, honorer et aimer de toutes leurs forces.

«Et néanmoins, il n'y a rien au monde qui soit si peu aimé que vous, et même qui soit tant méprisé et tant outragé de la plupart de vos créatu­res: Oderunt me et Patrem meum. «Ils me haïssent, moi et mon Père»,4) dit votre Fils Jésus; «Ils me haïssent gratis», moi qui ne leur ai jamais fait aucun mal, mais qui les ai comblés de toutes sortes de biens: Odio habue­runt me gratis.5) Car je vois l'enfer plein d'une foule innombrable de dé­mons et de damnés qui vomissent sans cesse des millions de blasphèmes contre votre divine majesté; et je vois la terre remplie d'infidèles, de juifs, d'hérétiques et de faux chrétiens qui vous traitent comme si vous étiez leur plus grand ennemi!».

Le pieux écrivain continue:

«Mais deux choses me réjouissent et me consolent. La première est que vos perfections et vos grandeurs, ô mon Dieu! sont admirables, et que vous prenez une si grande complaisance et un si parfait contente­ment dans l'amour infini que votre Fils bien-aimé vous porte et dans tout ce qu'il a fait et souffert pour réparer les injures de vos ennemis, qui ne pourront jamais vous ôter la moindre étincelle de votre gloire et de votre félicité.

«La seconde chose qui me réjouit est que cet aimable Jésus, votre Fils bien-aimé, ayant voulu, par un excès de bonté incomparable, être notre chef et que nous soyons ses membres, nous a associés avec lui dans l'amour qu'il vous porte, et nous a donné par conséquent le pouvoir de vous aimer du même amour dont il vous aime.

«Et comme le Père de Jésus nous a donné toutes choses en nous don­nant son Fils: Cum ipso omnia nobis donavit,6) l'amour du Fils de Dieu pour son Père est à nous, et nous en pouvons et devons faire usage comme d'une chose qui est nôtre.

«O mon Sauveur! je me donne à vous pour m'unir à l'amour éternel, immense et infini que vous portez à votre Père. O Père adorable, je vous offre tout cet amour éternel, immense et infini de votre Fils Jésus, com­me un amour qui est à moi.

«Et parce que l'amour du Père vers son Fils n'est pas moins à moi, puisque le Père nous a tout donné avec son Fils, je puis faire usage de ce même amour du Père vers son Fils. - O mon Jésus! je vous offre cet amour éternel, immense et infini que votre Père vous porte.

«O bonté ineffable! ô amour admirable! Oh! quel bonheur pour nous que le Père éternel nous donne son Fils, et toutes choses avec lui, et qu'il nous le donne, non seulement pour être notre rédemption, notre Frère, notre Père, mais encore pour être notre chef. Oh! quel avantage d'être membres du Fils de Dieu, et de n'être qu'un avec lui, comme les mem­bres ne sont qu'un avec leur chef, et par conséquent de n'avoir qu'un esprit, qu'un cœur et qu'un amour avec lui, et de pouvoir aimer son di­vin Père et le nôtre d'un même cœur et d'un même amour avec lui!

«Oh, que le ciel et la terre et tout l'être créé soient changés en une très pure flamme d'amour vers ce Père des bontés et vers ce Fils unique de sa divine dilection!».7)

EXEMPLE : Les apôtres de la dévotion au Sacré-Cœur

Le Sacré-Cœur de Jésus a été figuré de plusieurs manières dans l'An­cien Testament et spécialement par le côté d'Adam d'où Eve est sortie, comme l'Eglise est sortie du Cœur de Jésus.

Le prophète Isaïe nous a montré le Cœur de Jésus transpercé. L'apôtre saint Jean se dépeint lui-même reposant sur le Cœur de Jésus à la Cène. Il a vu ouvrir le Cœur de Jésus par la lance du centurion. Les Pères de l' Eglise ont entrevu tout ce que la dévotion privée pou­vait trouver de lumières et de grâces dans la contemplation du Cœur de Jésus ouvert par la lance. Saint Augustin et saint Jean Chrysostome y font plusieurs fois allusion. Saint Bonaventure et saint Bernard épan­chent les tendres sentiments de leurs cœurs en des pages inspirées qui ont déjà toute l'ardeur séraphique des révélations de sainte Gertrude. Toutefois, Notre-Seigneur se réservait de révéler pleinement les trésors de son cœur par des messagers spéciaux. Le Sacré-Cœur devait avoir qua­tre interprètes, que nous appellerions volontiers ses quatre évangélistes, si ce nom n'était pas réservé aux narrateurs sacrés de la Rédemption.

Le Sauveur répartit ces messagers de son amour sur un espace de qua­tre siècles. Sainte Gertrude et sainte Mechtilde, au treizième siècle, of­fraient le Sacré-Cœur aux âmes privilégiées. La bienheureuse Marguerite-Marie et le vénérable Jean Eudes devaient le manifester quatre siècles plus tard au monde entier.

Les temps prédits par saint Jean étaient arrivés. Le monde s'est refroi­di dans la charité. La dévotion destinée à le réchauffer du feu de l'amour divin va cesser d'être le privilège des saints, pour devenir le partage de tous. C'est l'incendie qui doit embraser le monde. C'est pour réaliser ce grand dessein que Dieu a choisi le vénérable Jean Eudes et la bienheu­reuse Marguerite-Marie.

L'un et l'autre ont consacré tout leur zèle, toutes leurs forces, toute leur vie à faire connaître et aimer le Sacré-Cœur. Le Père Eudes le pré­sente d'abord à la Normandie et à la Bretagne; Marguerite-Marie le présente à la Bourgogne, puis à la France entière. L'Eglise a sanctionné de son autorité souveraine et la dévotion prêchée par le Père Eudes, et la dévotion révélée par la Bienheureuse.

Il n'y a nulle différence essentielle entre ces dévotions. Le Sacré­-Cœur du vénérable Père Eudes est le Sacré-Cœur de la bienheureuse Marguerite-Marie, comme il est le Sacré-Cœur de sainte Mechtilde et de sainte Gertrude. Aux deux filles de saint Benoît de nous montrer le Cœur de Jésus dans ses actes de louange et d'amour envers son Père, au vénérable Père Eudes de nous le montrer surtout dans son union avec Marie sa Mère, et à la bienheureuse Marguerite-Marie de nous le pré­senter entouré d'une louange d'épines, symbole de nos ingratitudes. L'étude approfondie des œuvres de ces amis du Sacré-Cœur nous mon­tre l'unité de leur doctrine.

Nous n'avons pas de choix à faire entre ces quatre évangélistes ou messagers du Sacré-Cœur: nous avons des paroles de feu à écouter, une doctrine à comprendre, des grâces à recevoir, des vertus à imiter, en particulier la douceur et l'humilité du Sacré-Cœur.

PRIÈRE. Formule de consécration au Sacré-Cœur de Jésus proposée par le pape Léon XIII

Très doux Jésus, Rédempteur du genre humain, jetez un regard favo­rable sur nous, qui très humblement sommes prosternés au pied de votre autel. Nous sommes et nous voulons être vôtres; mais pour que nous puissions vous être unis par des liens plus solides, voici qu'en ce jour chacun de nous se consacre spontanément à votre Très-Sacré-Cœur.

Beaucoup d'hommes ne vous ont jamais connu, beaucoup vous ont mé­prisé en transgressant vos ordres; ayez pitié des uns et des autres, ô très bon Jésus, et entraînez-les tous vers votre Saint Cœur. Soyez, ô mon Seigneur, le roi non-seulement des fidèles qui ne se sont jamais éloignés de vous, mais aussi des enfants prodigues qui vous abandonnèrent. Faites que ceux-ci re­gagnent vite la maison paternelle pour ne pas périr de misère et de faim.

Soyez le roi de ceux que des opinions erronées ont trompés ou qui sont séparés de l'Eglise à la suite d'un désaccord, ramenez-les au port de la vérité et à l'unité de la foi, afin qu'il n'y ait bientôt qu'un troupeau et qu'un pasteur.

Soyez enfin le roi de tous ceux qui sont plongés dans les antiques su­perstitions des gentils, et ne refusez pas de les arracher aux ténèbres pour les ramener dans la lumière et le règne de Dieu. Donnez, Seigneur, à votre Eglise, le salut, le calme et la liberté. Accordez à toutes les na­tions la paix et l'ordre et faites que, d'une extrémité à l'autre de la terre, résonne une seule parole: Louange au divin Cœur qui nous a donné le salut, à lui soit honneur et gloire dans tous les siècles.

Ainsi soit-il

Cette seconde invocation des litanies propose à nos méditations toute la doctrine du mystère adorable de l'Incarnation.

«La foi catholique, dit le symbole de saint Athanase, est de croire et de professer que Notre-Seigneur Jésus-Christ, fils de Dieu, est Dieu et homme: Dieu engendré de la substance du Père avant tous les siècles, homme né de la substance de sa mère dans le temps».

Jésus est vraiment homme, comme il est vraiment Dieu. C'est sur ce fait divin, sur cette vérité de notre foi, que repose toute l'économie du mystère de la Rédemption.

«Le Verbe s'est fait chair et il a habité parmi nous», dit saint Jean.8)

«Il n'y a, dit saint Paul, qu'un seul médiateur entre Dieu et les hom­mes, Jésus-Christ homme»;9) et ailleurs le même apôtre ajoute: «J'ai été appelé à l'apostolat afin d'annoncer l'Evangile de Dieu touchant son Fils, né de la postérité de David selon la chair».10)

Non seulement nous croyons que Jésus-Christ est vraiment homme, mais nous croyons aussi que c'est par l'opération du Saint-Esprit que le Verbe se fit chair au sein de Marie.

C'est que l'Incarnation est une œuvre du divin amour, selon cette pa­role de saint Jean: «Dieu a tellement aimé le monde qu'il lui a donné son Fils unique».11) Or, l'amour est l'attribut spécial de la personne du Saint­-Esprit, comme la puissance est l'attribut spécial du Père et la sagesse ce­lui du Fils.

Mais c'est aussi au Saint-Esprit qu'est attribuée la collation de la grâce et l'œuvre de la sanctification des âmes: il convenait donc que l'In­carnation, qui est la grande œuvre destinée à opérer la sanctification de l'humanité, fût l'action propre du Saint-Esprit.

C'est du plus pur sang de la Vierge Marie que fut formée l'humanité sainte du Sauveur. Fille d'Adam, elle communique à son divin Fils la nature d'Adam. Car, «ce n'est pas la nature des anges, ou quelque au­tre, que le Verbe voulut prendre, dit saint Paul, mais la nature de la race d'Abraham».12)

La conséquence de cette doctrine, c'est que la très Sainte Vierge est la mère de Jésus, la mère du Christ; et comme le Christ est Dieu, elle est la mère de Dieu.

Adorons Notre-Seigneur Jésus-Christ, le Fils de Dieu fait homme dans le sein de la Vierge Marie par l'opération du Saint-Esprit. - Vé­nérons la très sainte Vierge Marie, la mère de Dieu et notre mère.

Nous avons hier contemplé, avec le vénérable P. Eudes, la source de tout amour au sein de l'adorable Trinité. Contemplons aujourd'hui, avec sainte Mechtilde, l'œuvre admirable de l'amour dans l'Incarnation.

«L'Incarnation est le fruit de l'amour», nous dit-elle.

La chère sainte personnifie l'amour ou la charité sous la forme d'une vierge céleste; et c'est cette vierge qui tire du cœur de Dieu son Fils éter­nel pour l'amener au sacrifice de l'Incarnation.

Ecoutons son récit: «Elle vit dans le cœur ou le sein de Dieu une vierge très belle (symbole de la charité); celle-ci avait à la main un anneau sur le­quel était monté un diamant (un diamant fruste à polir); elle le touchait sans cesse au Cœur de Dieu. La chère sainte demanda à cette vierge pourquoi elle touchait ainsi ce diamant au cœur divin; elle lui répondit: «Je suis l'Amour divin, et ce diamant désigne le péché d'Adam: de même qu'on se sert de sang pour nettoyer et polir le diamant, ainsi la faute d'Adam ne peut disparaître que par l'Incarnation et par le sang du Christ. Aussitôt qu'Adam eut péché, je suis intervenue et j'ai arrêté toute cette faute. J'ai frappé sans cesse le cœur de Dieu, l'excitant à la pitié, et je ne lui ai laissé de repos qu'au moment où j'ai pris le Fils de Dieu dans le cœur du Père, pour le déposer dans le sein de la Vierge sa Mère». - L'Incarnation est donc bien le fruit de l'œuvre du Saint-Esprit.

L'Eglise développe cette pensée dans l'hymne de la fête du Sacré­Cœur. Les deux strophes suivantes ne sont-elles pas une réminiscence de la révélation de sainte Mechtilde?

Amor coegit te tuus

Mortale corpus sumere

Ut novus Adam redderes

Quod vetus ille abstulerat.

Ille amor, almus artifex

Terrae, marisque et siderum

Errata patrum miserans

Et nostra rumpens vincula.

«C'est votre amour qui vous a contraint de revêtir un corps mortel, afin de nous rendre, ô nouvel Adam, ce que le premier nous avait fait perdre!

«C'est cet amour, souverain Créateur de la terre, de la mer et des cieux, qui a eu pitié de l'erreur criminelle de nos premiers parents et qui a brisé les chaînes de notre servitude».

Sainte Mechtilde ajoutait: «L'amour seul a dominé la toute-puissance de la Majesté divine; il a, pour ainsi dire, affolé sa sagesse insondable, puis il a fait jaillir toute sa bonté, assoupi les rigueurs de sa justice chan­gée par lui en mansuétude, et enfin abaissé le Dieu de majesté jusqu'à l'exil de notre misère».

L'amour qui a fait descendre le Fils de Dieu sur la terre ne le quittera plus et lui inspirera toutes ses démarches.

«C'est moi, dit l'Amour à sainte Mechtilde, qui ai aidé la Vierge Ma­rie à revêtir Jésus de langes et à lui rendre tous les soins nécessaires. - C'est moi qui conduisis Jésus en Egypte et qui le décidai à tout ce qu'il fit et souffrit pour l'homme, jusqu'à ce que je l'eusse attaché à la croix. Là, j'apaisai entièrement la colère de Dieu, et j'unis l'homme à Dieu par un lien d'amour indissoluble».

Notre-Seigneur expliqua aussi à sainte Mechtilde comment les batte­ments de son cœur sacré étaient conduits par le triple amour de la Sainte-Trinité vivant en lui et par son amour humain: l'amour tout­puissant, qui l'immolait tout en le rendant invincible aux sévices des juifs; l'amour infiniment sage qui réglait et gouvernait toute sa vie; l'amour infiniment doux qui lui faisait trouver aimables ses souffrances rédemptrices: et enfin son amour humain qui répandait la grâce sur ses lèvres et le faisait aimer de tous.13)

Quelles leçons, pour nous, de reconnaissance pour Dieu le Père, qui nous a donné son Fils; pour le Verbe de Dieu qui s'est fait homme et qui est mort pour nous racheter; pour le Saint-Esprit, dont l'amour infini nous a donné le Rédempteur! Laissons-nous aussi conduire par la chari­té. Offrons nos actions à Dieu le Père en union avec les travaux et les œuvres de Jésus. Unissons-nous à ses intentions, à ses désirs, à ses priè­res, à l'esprit d'amour vivant en lui. Réglons notre vie entière, nos pen­sées, nos paroles et nos actes d'après sa manière de vivre; et ainsi, com­me il le dit lui-même à sainte Mechtilde, le cuivre vil de nos actions uni à l'or pur des siennes se changera en un or précieux.

EXEMPLE : Les saints du Sacré-Cœur

La mission de sainte Mechtilde et de sainte Gertrude ne fut pas stérile. La dévotion au Sacré-Cœur gagna, dès le treizième siècle, les commu­nautés religieuses et les âmes dévotes.

Avec les œuvres des deux vierges du monastère d'Helfta, le Livre de la grâce spéciale de sainte Mechtilde et le Héraut de l'amour divin de sainte Ger­trude, la dévotion au Sacré-Cœur devint d'abord le précieux héritage des fils de saint Benoît.

Grâce au zèle du pieux Lansperge, l'éditeur des écrits de sainte Ger­trude, elle fleurit chez les Chartreux.

Les Frères Prêcheurs, ou Dominicains, dès le commencement du qua­torzième siècle, avaient fait connaître les écrits de sainte Mechtilde dans la haute Italie, et un grand nombre d'entre eux ont célébré les tendresses du cœur de Jésus; ainsi Tauler, Henry Suzo, Louis de Grenade, aux­quels il faut ajouter les noms de sainte Catherine de Sienne, de sainte Catherine de Ricci et de sainte Rose de Lima.

La famille franciscaine a aussi rédigé son catalogue de saints dévoués au Sacré-Cœur. En tête, figure le docteur séraphique, saint Bonaventu­re; puis viennent, à des titres divers, Urbain de Cazal, saint Bernardin de Sienne, sainte Catherine de Bologne, la bienheureuse Baptista Vara­ni, sainte Angèle de Foligno, sainte Catherine de Gênes.

Les Pères de la Compagnie de Jésus ont trouvé des prédécesseurs du vénérable Père de la Colombière dans saint Ignace, leur glorieux fonda­teur, dans saint Louis de Gonzague, l'aimable patron de la jeunesse, dans Suarez, le plus grand de leurs théologiens, dans le P. Canisius, le vaillant athlète de la foi romaine.

Enfin les religieuses de la Visitation ont montré que saint François de Sales et sainte Jeanne de Chantal étaient déjà les amis privilégiés du Sacré-Cœur, et que, par une inspiration divine, ils avaient établi leur ordre pour être le foyer de la dévotion nouvelle.

Du treizième aux dix-septième siècle, il est donc facile de constater une traînée de flammes et de lumière sortie du Sacré-Cœur de Jésus. Imitons l'amour tendre et fort de ces saints pour Jésus, mais aidons­nous surtout des pratiques spéciales indiquées par les évangélistes du Sacré-Cœur et en particulier par sainte Gertrude et Marguerite-Marie. C'est la grâce propre de notre temps.

PRIÈRE: Consécration au Sacré-Cœur de Jésus de la bienheureuse Marguerite-Marie

Je donne et consacre au Sacré-Cœur de Notre Seigneur Jésus-Christ, toute ma personne et ma vie, mes actions, peines et souffrances, pour ne plus me servir d'aucune partie de mon être que pour l'aimer, honorer et glorifier. C'est ici une volonté irrévocable d'être tout à lui et faire tout pour son amour en renonçant de tout mon cœur à tout ce qui lui pour­rait déplaire. Je vous prends donc, ô Sacré-Cœur, pour l'unique objet de mon amour, le protecteur de ma vie, l'assurance de mon salut et mon asile assuré à l'heure de ma mort. Soyez donc, ô Cœur de bonté, ma ju­stification envers Dieu le Père, et détournez de moi les traits de sa juste colère. O Cœur d'amour, je mets toute ma confiance en vous, car je crains tout de ma faiblesse, mais j'espère tout de vos bontés. Consumez donc en moi tout ce qui vous peut déplaire et résister; et que votre pur amour s'imprime si avant dans mon cœur que jamais je ne vous puisse oublier, ni être séparé de vous. Je vous conjure, par toutes vos bontés, que mon nom soit écrit en vous, puisque je veux faire consister tout mon bonheur à vivre et mourir en qualité de votre esclave.

Ainsi soit-il

«Le Verbe s'est fait chair». Le Fils de Dieu s'est fait l'un des nôtres. «Il a habité parmi nous, et nous l'avons vu, plein de grâce et de vérité».14) Celui qui a créé le monde a pris la forme du serviteur et de l'esclave,15) et nos yeux ont vu cette manifestation merveilleuse de l'amour divin, ma­gnum pietatis sacramentum.16)

Co-éternel et consubstantiel à son Père, incréé et impassible comme lui, le Fils de Dieu est devenu volontairement notre frère et notre victi­me, se soumettant volontairement comme tous les hommes à la loi rigou­reuse de la mort.

Le Père avait dit: «Les holocaustes et les sacrifices ne suffisent pas pour apaiser ma justice». Le Verbe avait répondu: «O Père, me voici pour faire votre volonté»,17) et le Père avait «adapté un corps humain à son Fils», corpus autem aptasti mihi.18)

Mais dans ce corps, adapté au Fils de Dieu et uni substantiellement au Verbe, il y avait un cœur, un cœur vivant, aimant, souffrant; un cœur prêt à s'immoler pour suppléer aux holocaustes.

C'est là toute la base de la dévotion au Sacré-Cœur. Ce divin Cœur est adorable parce qu'il est adapté au Fils de Dieu, parce qu'il est substan­tiellement uni au Verbe, parce qu'il est devenu le Cœur de Dieu.

Je vous adore, ô divin Cœur de Jésus. Je vous aime comme le Cœur de mon Dieu.

Parce qu'il est Dieu et homme à la fois, le Verbe incarné est le média­teur naturel entre Dieu et les hommes.

Comme homme, il est notre frère aîné, notre chef, notre roi, notre pontife. Comme souverain prêtre, il donne à Dieu la gloire, l'adoration, la louange, l'action de grâces, la réparation; comme Dieu, il donne aux hommes la grâce, le pardon, la résurrection, la vie éternelle.

Les fonctions sublimes de notre pontife suprême ont commencé le jour de l'Incarnation, elles ont continué pendant toute la vie de l'Homme­-Dieu. Au Calvaire surtout elles ont eu leur plein exercice. Le souverain Prêtre recueillait en lui-même tous les hommages rendus à son Père par tous les sacrifices anciens et les offrait en son nom et au nôtre. De plus, il accompagnait cette offrande de l'effusion de son propre sang et devenait, lui l'Homme-Dieu, la victime du sacrifice par excellence, le seul digne de la Majesté infinie.

En même temps, il instituait le sacrifice de la messe, qui devait perpé­tuer à travers les siècles et renouveler sur chaque point de l'espace l'im­molation sanglante du Calvaire et les adorations du souverain Prêtre et de la divine victime. Il créait son Eglise avec sa hiérarchie, ses pontifes, ses prêtres. Il donnait aux sacrements leur efficacité, pour transformer notre vie et notre mort.

La croix était l'autel de ce sacrifice, le trône de cette médiation, le théâtre de cette création nouvelle; mais le centre d'où s'élançaient les adorations vers Dieu et d'où jaillissaient les grâces jusque sur nous, c'était le Cœur sacré de Jésus.

C'est du Cœur de Jésus uni substantiellement au Verbe, qu'est sorti le sang de notre rachat; c'est du Cœur de Jésus que s'est élancée l'Eglise son Epouse sans tache, immaculée; c'est du Cœur de Jésus que sont sor­tis les sacrements et la grâce qui nous sanctifie et nous assiste, c'est à lui que doivent monter les élans de notre reconnaissance.

Or, ces fonctions du Cœur sacré de Jésus n'ont pas cessé avec le Con­summatum est de la croix. Il est toujours notre médiateur, notre pontife et la source de toutes les grâces. C'est parce qu'il est substantiellement uni au Verbe, que le Cœur de Jésus peut être un médiateur suffisant en donnant un prix infini à ses mérites.

Notre-Seigneur a révélé à sa servante bien-aimée, sainte Gertrude, ce rôle de son divin Cœur.

C'était pendant l'Avent; Notre-Seigneur la visita sur son lit de souf­france et lui entrouvrit le ciel, pour la faire assister à une messe que lui, le Prêtre éternel, célébrait lui-même.

Or, pendant que l'on chantait l'Offertoire, le très précieux Cœur de Notre-Seigneur sembla sortir de sa poitrine sacrée. Il avait la forme d'un autel d'or et brillait d'une splendeur merveilleuse semblable à celle du feu. Alors, tous les anges préposés au ministère des hommes, prenant leur vol, vinrent offrir avec une grande joie, sur cet autel du Cœur de Jésus, toutes les prières et toutes les bonnes œuvres accomplies par ceux dont ils étaient chargés. Tous les Saints, s'approchant ensuite, offrirent chacun leurs mérites sur ce même autel à leur Seigneur, pour sa louange éternelle et pour le salut de Gertrude. Enfin, son bon ange arriva, por­tant un calice d'or, qu'il offrit pareillement sur l'autel d'or du Cœur de Jésus. Ce calice renfermait toutes les croix, tribulations et peines que cette bienheureuse avait supportées, tant en son cœur qu'en son corps, depuis son enfance. Le Seigneur bénit aussitôt ce calice d'un signe de croix à la manière d'un prêtre qui consacre l'hostie. Puis il dit d'une voix harmonieuse: Sursum Corda! et tous les Saints, à cet appel, s'avancè­rent et, élevant leurs cœurs, les approchèrent de l'autel d'or du Cœur divin; ils attendirent que le calice béni et consacré par le Seigneur avec tant d'affection vînt à déborder, afin de pouvoir recueillir quelques gout­tes de ses effluves, pour accroître leur joie et leur gloire.

Et bientôt après, le Seigneur Jésus, se levant de son trône, sembla pré­senter à Dieu le Père, dans ses deux mains, son Cœur très saint, que Gertrude avait vu sous la forme d'un autel d'or, et l'offrit pour les hom­mes. Le Seigneur ordonna ensuite à Gertrude de prier aussi pour l'Egli­se. Elle le fit et Notre-Seigneur, unissant les mérites de sa vie aux prières de Gertrude, fit part des fruits de cette prière à l'Eglise universelle.19)

De cette admirable vision se dégage une vérité consolante: pour ado­rer la Majesté infinie de Dieu, nous n'en sommes pas réduits à notre fai­blesse. Le Sacré-Cœur, uni substantiellement au Verbe, reçoit nos hommages; il les offre lui-même et leur donne ainsi une valeur infinie. Comme une âme fortement éprise de la gloire de Dieu trouve un indici­ble contentement dans ce délicieux mystère!.

Prenons la sainte habitude de cette dévotion gertrudienne. Sachons vivre en union avec Notre-Seigneur et les saints. Offrons toutes nos priè­res, toutes nos actions sur l'autel d'or du Cœur de Jésus. Unissons-les aux prières et aux mérites des saints, aux mérites de Notre-Seigneur lui-même. Tous ces trésors célestes sont à nous par la communion des saints, mais peu d'âmes savent en profiter. Que de richesses nous gaspil­lons! Humilions-nous et offrons aujourd'hui tout ce que nous aurions pu offrir dans le passé. Notre-Seigneur voudra bien l'agréer.

EXEMPLE. Le Cœur de Jésus et l’Apôtre bien-aimé

Saint Jean a voulu s'appeler lui-même le disciple que Jésus aimait. Il avait un cœur doux et tendre, et dès son enfance il avait eu, à cause de sa parenté et de son voisinage de Nazareth, des relations avec Notre-­Seigneur.

Un jour Mechtilde était préoccupée de savoir si Notre-Seigneur, à son retour d'Egypte, avait eu quelques relations avec ses parents; il lui ré­pondit: «D'où vient, à ton avis, qu'il est dit dans l'Evangile: ils le cher­chaient parmi leurs parents et leurs amis; sinon de ce que j'allais quel­quefois avec eux? D'où, à ton avis encore, saint Jean l'Evangéliste fut-il si prompt, quand je l'appelai après les noces, à me suivre, sinon qu'il ai­mait ma manière de vivre et mon caractère? Il me connaissait par expé­rience, ce qui lui rendit si facile l'obéissance à me suivre».

Une autre fois, Mechtilde toute ravie du privilège qu'avait eu le disci­ple bien-aimé de reposer pendant la Cène sur la poitrine de son Maître adoré, demandait à Notre-Seigneur comment elle devait lui en témoi­gner son amour et le louer à cause de son disciple. «D'abord tu me loue­ras, lui répondit Jésus, à cause de la noblesse de sa naissance, car il est né dans ma famille, la plus noble qui soit sous le ciel. - Ensuite de ce que je l'ai appelé au sortir des noces à l'apostolat. - En troisième lieu, de ce qu'il a mérité de voir la clarté de ma face sur la montagne, de pré­férence aux autres. - En quatrième lieu, de ce que dans la dernière Cè­ne, il a mérité de reposer sur ma poitrine. - En cinquième lieu, de ce qu'il a eu, plus que les autres, le don d'intelligence; aussi a-t-il pu écrire pour les hommes la prière que j'ai faite au mont des Oliviers. - En si­xième, de ce que sur la croix, par un amour tout particulier, j'ai confié ma Mère à sa garde. - En septième, de ce qu'après ma résurrection, je lui ai donné des lumières spéciales, par lesquelles il m'a seul reconnu, quand les autres disciples étaient tourmentés par la tempête, et qu'il s'écria: «C'est le Seigneur» - En huitième, de ce que, par un privilège spécial dû à ma familiarité, je lui ai révélé mes mystères, lorsqu'il a écrit l'Apocalypse, et que par mon inspiration divine, il a pu écrire: Au com­mencement était le Verbe, ce qui était resté ignoré des Prophètes et de tous les autres hommes. - En neuvième, de ce que pour ma gloire il a bu du poison. - En dixième, de ce qu'il a fait beaucoup de miracles en mon nom et ressuscité des morts. - En onzième, de ce que je l'ai réjoui par mes apparitions, et l'ai invité à mon festin avec ses frères. - En douzième, enfin, de ce que je l'ai délivré de toutes les douleurs de la chair, et conduit; avec gloire de cet exil à la joie éternelle».

La Sacré-Cœur en effet n'a pas voulu seulement combler de faveurs son disciple bien-aimé pendant qu'il était sur la terre, il l'a encore élevé dans les cieux à une gloire spéciale: «Saint Jean a reçu dans tous ses sens quelque chose de plus élevé que tous les autres saints. Ses yeux contem­plent avec plus de clarté la lumière inaccessible de la divinité. Mais son cœur surtout brûle avec un charme plus délicieux d'amour pour Dieu, et s'élance d'un essor plus libre et plus sublime dans les hauteurs les plus inaccessibles de la divinité».

PRIÈRE de sainte Mechtilde

Louange, adoration, grandeur, gloire et bénédiction à vous, ô bon Jé­sus, pour cette joie ineffable ressentie par vous en votre bienheureuse humanité, lorsque votre Père lui donna en votre résurrection la glorifica­tion divine, et conféra à tous les élus la glorification éternelle en sa divi­nité. - Votre charité sans bornes vous avait attiré en ce monde du sein de votre Père, et vous avait soumis à toutes les peines et toutes les misè­res. Cette joie a rempli en votre résurrection tous vos membres d'une al­légresse incomparable, eux qui sur la croix avaient été remplis d'une douleur intolérable. Par cette joie indicible, je vous prie, ô très aimable Médiateur de Dieu et des hommes, d'éclairer mon intelligence et de me faire connaître mon âme, afin que je sache en tout temps ce qui est agréable à vos yeux.

Ainsi soit-il

Le Cœur de Jésus étant uni substantiellement au Verbe, est, par là même, d'une majesté infinie.

Personne n'a mieux établi cette déduction que le vénérable Père Eu­des; c'est avec lui que nous adorerons aujourd'hui la majesté infinie du Cœur de Jésus.

Le Cœur de Jésus participe à la majesté de la très sainte Trinité. Les trois personnes divines ont une même puissance, une même sagesse, une même bonté, un même esprit, une même volonté, un même cœur. De là vient que notre Sauveur, en tant que Dieu, n'a qu'un même cœur avec le Père et le Saint-Esprit; et en tant qu'homme, son Cœur humainement divin et divinement humain n'est qu'un aussi avec le cœur du Père et du Saint-Esprit, par unité d'esprit, d'amour et de volonté. C'est pour­quoi adorer le Cœur de Jésus, c'est adorer le cœur du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

La très sainte Trinité est vivante et régnante avec toute sa majesté dans le Cœur de Jésus.

Le Père éternel est dans ce Cœur admirable, y faisant naître son Fils bien-aimé et l'y faisant vivre de la même vie toute sainte et toute divine, dont il vit dans son sein adorable de toute éternité. Il y imprime aussi une image très excellente de sa divine paternité, afin que ce Cœur hu­mainement divin et divinement humain soit le Père de tous les cœurs des enfants de Dieu. C'est pourquoi nos cœurs le doivent regarder, ai­mer et honorer comme leur très aimable Père, et s'efforcer de graver en eux une parfaite ressemblance de sa vie et de ses vertus.

O bon Jésus! Nous adorons en votre divin Cœur la Majesté infinie de votre Père céleste, et nous vous prions de faire régner en nos cœurs l'obéissance et le dévouement filial que vous avez pratiqués vous-même jusqu'à la mort.

Considérons aussi que le Verbe éternel est avec sa majesté infinie dans le Cœur royal de Jésus, l'unissant avec lui de la plus intime union qui se puisse imaginer, c'est-à-dire de l'union hypostatique.

Cette union rend ce même Cœur adorable de la même adoration qui est due à Dieu.

Le Verbe éternel est vivant et régnant dans le Cœur de l'Homme-­Dieu. Il y règne sur toutes les passions humaines qui ont leur siège dans le cœur. - O Jésus, le roi de mon cœur! vivez et régnez ainsi sur mes passions, les unissant avec les vôtres et ne permettant pas qu'elles aient aucun usage que par votre conduite et pour votre seule gloire.

Considérons encore que le Saint-Esprit est aussi, avec sa majesté infi­nie, vivant et régnant dans le Cœur de Jésus d'une manière ineffable. Il y renferme les trésors infinis de la science et de la sagesse de Dieu, et il le remplit de tous ses dons en un souverain degré, selon ces paroles divines: «L'esprit du Seigneur reposera sur lui, l'esprit de sagesse et d'intelligen­ce, l'esprit de conseil et de force, l'esprit de science et de piété; et il sera rempli également de l'esprit de la crainte du Seigneur».20)

Les trois personnes divines sont vivantes et régnantes dans le Cœur du Sauveur, comme dans le plus haut trône de leur amour, dans le pre­mier ciel de leur gloire, dans le paradis de leurs plus chères délices. Elles y répandent, avec le reflet de leur majesté infinie, une abondance et une profusion inexplicables de lumières admirables, des océans immenses de grâces et des torrents de flammes de leur éternel amour.

O très sainte Trinité! louanges infinies vous soient rendues à jamais pour tous les miracles d'amour que vous opérez dans le Cœur de mon divin Jésus; je vous offre le mien, avec ceux de tous mes frères, vous sup­pliant très humblement d'en prendre une entière possession, d'y détrui­re tout ce qui vous déplaît et d'y établir souverainement le règne de votre divin amour.

Par suite de cette vie spéciale de la très Sainte Trinité dans le Cœur de Jésus, ce divin Cœur est devenu le sanctuaire et l'image de toutes les perfections divines.

Adorons et contemplons toutes les perfections de la divine essence vi­vantes et régnantes dans le Cœur de Jésus, c'est-à-dire l'éternité de Dieu, la force, la sagesse, la bonté, la gloire, la félicité, la patience, la sainteté et les autres.

Adorons ces divines perfections dans tous les effets admirables qu'elles opèrent dans ce Cœur merveilleux; offrons-leur toutes les adorations, la gloire et l'amour qui leur seront rendus éternellement par ce même Cœur.21)

Pour louer dignement l'infinie majesté de ce divin Cœur, en qui vit et règne l'auguste Trinité avec toutes ses perfections, aidons-nous des pa­roles inspirées par Notre-Seigneur lui-même à sainte Mechtilde:

«Je vous salue, très doux Cœur de Jésus, plus doux que le miel, sour­ce vive de toute grâce et de toute bonté. Salut, Cœur très aimant de Jésus, noble trésor de toutes les richesses de Dieu. Mille et mille fois je vous bénis, je vous salue. O noble Cœur de Jésus, par ce mutuel retour d'amour qui vous unit à la très sainte Trinité, je vous salue et vous adore dans l'abondance de toutes les grâces qui ont découlé de vous et qui en découleront jamais sur toutes les âmes.

«Je vous bénis, ô Cœur très noble de Jésus, je vous bénis dans cet amour qui, par la vertu de l'Esprit-Saint, vous a créé du sang très pur de la Vierge Marie. Je vous glorifie, ô très doux Cœur de Jésus, dans cet amour de la sainte Trinité qui vous a si magnifiquement orné de tous les dons célestes.

«Je vous exalte, ô Cœur très compatissant de Jésus, dans cet amour dont vous avez toujours brûlé pour le genre humain. Je vous vénère, ô Cœur très généreux de Jésus, dans cet amour qui vous a brisé, tandis que vous mouriez sur la croix. Je vous salue, ô Cœur de Jésus, Cœur si digne de toute ma confiance, je vous loue dans cet amour qui vous a fait permettre à la lance de vous transpercer, qui vous a fait distiller l'eau et le sang.

«Et maintenant je me tourne vers vous, ô très auguste Trinité, et par ce Cœur infiniment béni, je vous loue, je vous glorifie et je vous bénis de ce que vous ayez pu, de ce que vous ayez su, de ce que vous ayez voulu répandre dans le très noble Cœur de Jésus tant de dons et une si abon­dante profusion de grâces. Et avec toute l'affection et tout le respect pos­sibles, j'offre à votre suprême Majesté ce même Cœur si doux, ce Cœur si digne, ce Cœur à jamais au-dessus de tous les cœurs, rempli de toutes les amabilités de la Divinité et inondé du plus parfait bonheur. Ah! dai­gnez réparer entièrement par lui tout le mal que j'ai fait et toute la négli­gence que j'ai mise à faire le bien» (Sainte Mechtilde: livre III, chap. VIII).

EXEMPLE : aint Jean et sainte Gertrude

C'est saint Jean qui forma sainte Gertrude à l'amour du Sacré-Cœur. Il lui apparut un jour pendant son oraison. Ses vêtements blancs étaient tout parsemés d'aigles d'or. Sur son épaule droite était brodé un lis avec ces mots: «Disciple que Jésus aimait»; sur son épaule gauche, un autre lis avec ces paroles: «Le gardien de la Vierge».

Alors Gertrude dit au Seigneur: «Pourquoi, très aimable Seigneur, me l'avez-vous présenté, à moi indigne, cet ami qui vous est si cher?». Le Seigneur répondit: «Afin de lui inspirer pour toi une amitié spécia­le. Je l'ai choisi pour être auprès de moi ton fidèle patron dans les cieux». Un peu plus tard, à la fête de saint Jean, l'apôtre apparut encore à la sainte; il la combla d'amitiés et lui dit. «Viens avec moi, tu es l'élue de mon Dieu; reposons ensemble sur le sein si doux du Seigneur, là sont ca­chés tous les trésors de la béatitude».

Comme elle éprouvait une jouissance ineffable aux pulsations très saintes qui faisaient battre sans interruption le Cœur sacré, elle dit à saint Jean: «N'avez-vous pas senti, bien-aimé de Dieu, le charme de ces suaves pulsations, lorsque vous reposiez à la Cène sur ce sein béni?» - «Oui, je l'ai senti, et la suavité en a pénétré mon cœur. Mon âme en a été échauffée avec autant de force qu'une chaudière l'est par un feu ar­dent qui la fait bouillir. Elle reprit: «Pourquoi donc avez-vous gardé là dessus un silence si absolu?». Il répondit: «Ma mission était autre: à l'Eglise encore jeune j'avais à transmettre un enseignement sur le Verbe incréé de Dieu le Père. Quant à exprimer les douceurs de ces pulsations, c'est chose réservée aux derniers temps: le monde vieilli, en entendant ce mystère, reprendra dans l'amour divin quelque chaleur».

Telle est la magnifique prophétie de saint Jean, annonçant la diffusion de la dévotion au Sacré-Cœur, diffusion dont nous sommes aujourd'hui les témoins privilégiés.

PRIÈRE de sainte Gertrude au Sacré-Cœur de Jésus-Christ

Je vous salue, ô Sacré-Cœur de Jésus! source vive et vivifiante de la vie éternelle, trésor infini de la Divinité, fournaise ardente du divin amour; vous êtes le lieu de mon repos et mon asile, ô mon aimable Sau­veur: embrasez mon cœur de l'ardent amour dont le vôtre est tout em­brasé: répandez dans mon cœur les grandes grâces dont le vôtre est la source, et faites que mon cœur soit tellement uni au vôtre que votre vo­lonté soit la mienne, et que la mienne soit éternellement conforme à la vôtre, puisque je désire que désormais votre sainte volonté soit la règle de tous mes désirs et de toutes mes actions.

Mon adorable et ineffable Jésus, je vous conjure, par tous vos mérites infinis et par le précieux amour de votre divin Cœur, d'effacer tous les péchés de mon âme et de suppléer à tous les défauts de ma vie.

Ainsi soit-il!

Avançons dans l'exposé théologique de notre belle dévotion et conti­nuons à conformer nos sentiments et nos résolutions aux vérités dogma­tiques sur lesquelles repose cette dévotion sublime.

Nous avons vu que le Cœur de Jésus est substantiellement uni au Verbe, Fils de Dieu, et que la très sainte Trinité vit et règne dans ce di­vin Cœur. Nous pouvons donc à bon droit appeler le Cœur de Jésus le Temple saint du Seigneur.

A qui demanderons-nous aujourd'hui le développement de cette pen­sée? Nous laisserons pour un jour les quatre évangélistes du Sacré-Cœur et nous écouterons saint Bernard.

Ce saint, si profondément sympathique, a eu le privilège bien rare d'être à la fois un apôtre d'une dévorante activité et un contemplatif d'une sublime élévation. Il combat les hérétiques dans ses prédications, il est l'âme des conciles, l'arbitre des rois, le prédicateur de la croisade, et il écrit des pages mystiques d'une grande suavité.

Il a souvent parlé de la dévotion au Sacré-Cœur, en particulier dans sa Vigne mystique, ouvrage écrit par lui ou par ses disciples sous sa dictée. Au troisième chapitre de ce livre, il nous montre bien dans le Cœur de Jésus, le Temple de Dieu, le saint des saints, le sanctuaire de l'exaudition. Ecoutons-le.

«Les bourreaux, dit-il, transpercèrent donc non seulement les mains de Jésus, mais encore ses pieds et son côté, et leur lance, poussée par une main pleine de fureur, pénétra jusqu'au plus intime de son Cœur-Sacré, qui déjà avait été blessé par le glaive de l'amour.

«Dans ce Temple, dans ce saint des saints, devant cette arche du testa­ment, j'adorerai et je louerai le nom du Seigneur, disant avec David: «J'ai trouvé mon cœur pour prier mon Dieu».22) Et moi aussi, j'ai trouvé le Cœur de mon roi, de mon frère, de mon tendre ami Jésus. Et je ne l'adorerais pas? - Je l'adorerai et je le prierai aussi; car son Cœur est à moi, je ne crains pas de le dire, puisque le Christ est mon chef. Et com­ment ce qui appartient à mon chef, ne m'appartiendrait-il pas? De mê­me que les yeux corporels de ma tête sont vraiment mes yeux, de même mon cœur spirituel est vraiment à moi. J'ai donc en quelque sorte un même cœur avec Jésus…

«Après avoir trouvé ce Cœur qui est le vôtre et qui est le mien, ô très doux Jésus, je vous prierai, vous qui êtes mon Dieu. Admettez seule­ment mes prières dans ce sanctuaire de l'exaudition, ou plutôt attirez-­moi tout entier dans votre Cœur.

«Mes péchés m'en interdisent peut-être l'accès; mais votre Cœur a été dilaté sans mesure par un incompréhensible amour; ô vous, qui pou­vez rendre pur celui qui a été conçu dans l'iniquité, ô Jésus, dont la beauté surpasse toute beauté, lavez-moi de plus en plus de toutes mes iniquités, et purifiez-moi de mes fautes afin que je puisse m'approcher de vous qui êtes la pureté même; que je mérite d'habiter dans votre Cœur tous les jours de ma vie, et que je puisse voir et accomplir votre sainte volonté.

«Votre côté a été percé, pour que l'entrée en fût ouverte. Votre Cœur a été blessé pour que nous puissions habiter en lui et en vous, loin des agitations du dehors. Votre Cœur a été blessé, afin que cette plaie visi­ble nous révélât la plaie invisible de l'amour…».

- Ainsi saint Bernard, dans ce traité, considère le Cœur de Jésus comme le Temple de Dieu, le saint des saints, le sanctuaire de l'exaudi­tion, le Temple où l'on adore, où l'on prie, où l'on obtient le pardon des péchés et la pureté de l'âme; la maison de Dieu où l'on se repose à l'abri des tentations et des agitations du dehors.

Souvent dans ses écrits, saint Bernard nous montre encore le côté ou­vert du divin Crucifié, le Cœur de Jésus, comme le temple favorable à la prière, à la louange, à l'amour. Souvent aussi, il le propose au pécheur comme le sanctuaire de l'exaudition pour le pardon des péchés.

Dans son sublime commentaire du Cantique des Cantiques, il nous montre ce sanctuaire de la miséricorde.

«Le Cœur du Sauveur Jésus, dit-il, est tout débordant de douceur et de suavité; deux sources de miséricorde en jaillissent: la longanimité avec laquelle il attend le pécheur, et la facilité avec laquelle il lui pardon­ne. Ecoutez: ce n'est pas moi qui parle. Vous lirez dans saint Paul: Méprisez-vous donc les richesses de sa bonté, de sa patience et de sa longanimité? et encore. Ignorez-vous que la bonté de Dieu vous rappelle au repentir?.23) Il laisse longtemps suspendu l'arrêt vengeur sur la tête du pécheur, afin de pou­voir accorder un jour la grâce du pardon au pénitent. Car il ne veut pas la mort du pécheur, mais plutôt qu'il se convertisse et qu'il vive.24)

«Donnons un exemple de l'autre source de miséricorde, je veux dire de la facilité du pardon. Ne lisez-vous pas aussi: A quelque moment que le pé­cheur pousse le gémissement du repentir, son péché lui sera pardonné. Et ailleurs: Que l'impie abandonne la voie mauvaise, que l'homme d'iniquités laisse ses pensées et qu'il revienne au Seigneur, et le Seigneur aura pitié de lui; qu'il retourne à notre Dieu, qui est plein de bonté pour pardonner.25)

David résume le tout en ces belles et courtes paroles: Il est plein de longa­nimité et tout miséricordieux.26)

L'épouse du Cantique, qui a fait l'expérience de cette double bonté montre que sa confiance a grandi à tel point qu'elle ose demander le bai­ser de l'Epoux. «Quoi d'étonnant, ô époux divin, que j'ose le présumer, quand je vois cette source de miséricorde toujours jaillissante de votre poitrine sacrée. C'est la douceur de votre amour qui m'encourage et non pas certes la confiance de mes propres mérites».

Avec saint Bernard, avec sainte Gertrude et Marguerite-Marie, en­trons souvent dans le Temple saint du Cœur de Jésus.

Si nous sommes pécheurs, allons y chercher la contrition et le pardon en méditant la Passion du Sauveur.

Si notre âme est en grâce avec Dieu, entrons dans ce temple pour y louer la sainte Trinité en nous unissant aux louanges du Cœur de Jésus et à celles de tous les saints, qui sont offertes par les anges sur l'autel de ce divin Cœur.

Prions dans ce sanctuaire de l'exaudition, pour toutes les grandes cau­ses, pour l'Eglise, pour les nations chrétiennes, pour les justes et les pé­cheurs, pour les vivants et pour les morts. La prière est là toute-­puissante, parce qu'elle est unie aux supplications du Sauveur Jésus, toujours accueillies avec égard par son divin Père.

==EXEMPLE

Il est juste que les Pères de l'Eglise apportent au Cœur de Jésus le té­moignage de leur amour.

«L'évangéliste saint Jean, dit saint Augustin, en parlant de la blessure du Cœur de Jésus, s'est servi du mot ouvrir, parce qu'alors s'ouvrit dans le Cœur du Sauveur la porte de la vie, d'où sont sortis les sacrements par lesquels on arrive à la vie éternelle. L'eau est le symbole du baptê­me, et le sang du divin Sauveur est contenu dans l'Eucharistie, qui est le plus grand des sacrements».27)

«S'il est d'un homme sage de régler sa vie sur un grand exemple, dit saint Grégoire de Nazianze, où en trouverons nous un plus grand que celui du Cœur de Jésus. Il est l'unique original de toute sainteté. Toutes les vertus y sont dans leurs sources, et comme il les possède seul d'une manière indépendante, il les donne aussi sans obligation, par le seul mouvement de sa bonté».28)

«Cette blessure visible, dit saint Bernard, pourquoi Jésus-Christ a-t-il voulu la recevoir? C'est afin que dans cette blessure corporelle nous voyions en quelque sorte l'invisible blessure que son amour pour nous avait faite à son Cœur. Qui donc n'aimerait ce Cœur doublement blessé?».

«Lève-toi, dit saint Bonaventure, lève-toi, âme chère au Christ, sois comme la colombe qui place son nid à l'entrée du trou de la pierre; tu y trouveras une demeure comme le passereau; veille donc et ne t'endors pas; place ta bouche à cette ouverture sacrée afin d'y puiser les eaux sa­lutaires à la fontaine du Sauveur. Car c'est là la source sortant du milieu du paradis, et qui, se divisant en quatre fleuves, et se répandant sur tous les cœurs fidèles, arrose la terre entière en la fécondant».29)

Le Cœur de Jésus est, selon la pensée de saint Ambroise, le principe des voies de Dieu, c'est-à-dire de l'humilité, de la force, de la patience, de la sagesse, de l'amour divin; en un mot, il n'y a pas de vertu qui ne dérive par communication et par ressemblance de cette source. C'est pourquoi il est appelé le maître des vertus, et il en porte le sceptre, parce que c'est de Jésus-Christ crucifié qu'il faut en apprendre la pratique.30)

Quelle part pouvons-nous avoir à la gloire du nom chrétien, ajoute saint Léon, si nous ne sommes pas intimement unis à Celui qui nous assu­re qu'il est la voie, la vérité et la vie? Il est la voie, par l'exemple d'une conversation toute sainte; il est la vérité par les maximes d'une doctrine divine; il est la vie, par la communication d'une éternelle félicité, et par conséquent, en le suivant nous ne devons craindre ni l'égarement, ni le mensonge, ni la mort.

PRIERE

O mon Jésus, qui vous rendez obéissant entre les mains des prêtres, pour y mourir mystiquement, prenant la qualité d'hostie pour vous lais­ser immoler et sacrifier selon leurs desseins, sans témoigner de résistan­ce, je veux, pour me conformer à vous, me rendre prompt à l'obéissance et, comme une hostie d'immolation, je me mettrai entre les mains de tous ceux à qui vous voulez que j'obéisse, afin que, mourant à toutes mes volontés, passions, inclinations et aversions, ils puissent disposer de moi à leur gré, sans que je fasse jamais paraître de répugnance. Et la vio­lence que je me ferai sera pour honorer celle que vous vous faites, ô mon divin Sauveur, pour entrer dans les âmes souillées du péché dont vous avez tant d'horreur, qu'à chaque fois que vous y entrez, vous renouvelez l'agonie mortelle du jardin des Olives. De même que vous, ô mon Sei­gneur! je dissimulerai si bien mes répugnances qu'elles n'auront d'autre effet que de vous les sacrifier en disant: «Jésus se taisait», Jésus a été obéissant jusqu'à la croix. Je veux obéir comme lui jusqu'au dernier soupir de ma vie.

Ainsi soit-il

Sixième jour

Cœur de Jésus, Tabernacle du Très-Haut, ayez pitié de nous

Cette invocation a beaucoup de rapports avec la précédente et avec la suivante. Cependant le Tabernacle exprime quelque chose de plus inti­me encore que le Temple. Au Temple de l'Ancienne Loi, Dieu se ca­chait au Saint des Saints, auprès du Tabernacle, pour y recevoir l'hom­mage de ses prêtres et pour leur parler au temps voulu.

Dans le tabernacle de nos églises, Jésus-Hostie exerce ses fonctions mystérieuses de Médiateur et de Sauveur. Le Cœur de Jésus est sembla­ble au tabernacle de l'autel, le Verbe incarné y exerce son sacerdoce su­prême et son ministère de grâce.

Pour développer ce thème, nous trouverions de belles pages dans sain­te Gertrude et dans Marguerite-Marie, mais pour varier, et pour faire vibrer harmonieusement toutes les âmes privilégiées comme les cordes d'une lyre séraphique, empruntons aujourd'hui quelques pensées à la vénérable sœur Marguerite du Saint-Sacrement, morte en odeur de sainteté au carmel de Beaune, au dix-septième siècle.

Notre-Seigneur a fait bien des grâces à cette âme privilégiée. Il l'avait fait entrer en conversation avec les saints et avec les anges, il l'avait éle­vée jusque devant son trône dans le ciel. Il mit le comble à ses faveurs en lui ouvrant son propre Cœur et en la laissant pénétrer dans le Taberna­cle du Très-Haut.

Ne nous étonnons pas de cette faveur, nous dit le P. Jean Eudes. Le Fils de Dieu nous enseigne que ses membres demeurent en lui, et qu'il demeure en eux; il est le véritable Aaron, qui ne porte pas seulement son peuple gravé sur son sein dans des pierres précieuses, mais au fond de son cœur par l'abondance de son amour. Nous ne devons donc pas trou­ver étrange s'il a révélé à sœur Marguerite qu'il l'avait logée dans le sanctuaire où il reçoit universellement tous ses élus, et si, pour l'élever de plus en plus dans sa grâce, il la retira au même lieu où tous ceux qui l'aiment doivent incessamment habiter.

Le repos du bien-aimé disciple sur son Cœur en la dernière Cène et celui des justes dans le sein d'Abraham n'étaient qu'un tableau de l'infi­nie charité qu'il exerce envers les âmes. «C'est un pasteur, dit le prophè­te, qui porte ses agneaux entre ses bras-et dans son propre sein»,31) de sor­te que personne ne doit être surpris de la faveur qu'il a faite à sœur Marguerite de l'introduire dans son Cœur pour la rendre participante de ses célestes délices.

Il lui fit donc paraître son Cœur comme une vaste fournaise d'amour dans laquelle il l'enferma les jours et les nuits, durant l'espace de trois semaines ou d'un mois. Là elle puisa tant de grâces dans leur source et parvint à une telle sainteté que ses progrès parurent plus grands en un seul jour qu'ils n'avaient été auparavant en des années entières. Tantôt elle y était lavée et purifiée comme dans une fontaine de sainteté; tantôt ce Cœur divin la brûlant tout entière comme un feu très vif, consumait en elle ses imperfections; tantôt elle y était plongée comme dans un abîme de charité…

Elle fut initiée aux actes très saints du Fils de Dieu dans ce Tabernacle mystérieux. Elle remarqua ce double mouvement d'élévation et de com­pression du Cœur de Jésus, qui a été connu par d'autres saints. Elle comprit que ce Sacré-Cœur se resserrait comme pour se remplir du di­vin Esprit, pour aimer son divin Père en son propre nom, pour s'offrir à lui en sacrifice, pour s'anéantir devant sa majesté, pour entrer dans sa vie divine, pour s'unir à toutes ses adorables perfections, pour lui rendre tous ses propres devoirs, et qu'il se dilatait afin de répandre son esprit dans tous ses membres et de communiquer à son Eglise, qui est son corps, la chaleur vitale qu'il avait en lui-même.

Elle aperçut dans cet aimable Cœur de Jésus, dans ce Tabernacle cé­leste, un océan sans fond et sans rives d'amour envers Dieu son Père, une possession et une jouissance de sa divine bonté, un repos en son infi­nie béatitude, un calme et une paix qui surpassaient toute intelligence, un trésor incompréhensible de toutes les vertus qui éclataient dans une beauté, une hauteur, une étendue et une splendeur inexplicables. Toute­fois, parmi tant de richesses et de bonheur, elle vit que ce divin Cœur avait été noyé dans des abîmes profonds de douleurs et d'amertumes; qu'il avait été abattu et languissant de tristesse à cause des péchés des hommes, dont il avait été obligé de digérer le fiel et le venin, et que s'il n'eût été soutenu par le Verbe incarné, il eût succombé sous la pesanteur de nos crimes. Mais nonobstant les palpitations et les syncopes où l'hor­reur de nos péchés l'avait réduit tous les jours de sa vie, ce Cœur très bon lui fit connaître un si admirable transport d'amour pour ceux qui lui avaient causé tant de maux, que cela ne se peut pas exprimer. C'étaient la force et la générosité de son amour qui avaient contracté son Cœur, lorsqu'il lutta contre les appréhensions de la mort, et qui lui avaient cau­sé la sueur générale de sang par tout le corps.

Elle vit ce Cœur admirable comme le palais mystérieux, le Taberna­cle sacré où étaient nées et avaient été nourries toutes les affections du Sauveur, toutes ses dévotions, toutes ses joies, toutes ses tristesses. Mais parmi tous ces trésors inépuisables de vertu et de sainteté, ce fut princi­palement de l'amour, de la pureté de cœur et de l'innocence qu'elle fut rendue participante.32)

Quoique Notre-Seigneur ne fasse pas de grâces particulières à toutes les âmes, il en est sans doute beaucoup qui, dans l'obscurité de la foi, en­trent dans son cœur et dans ses affections, comme les saints y entrent dans la lumière des révélations.

Chacun de nous doit s'y élever humblement par cette voie commune qui est la voie de la foi. Lorsque nous voulons aimer ou adorer Dieu, concevoir une vraie douleur de nos péchés, nous sacrifier au Père éter­nel, nous n'avons pas de meilleur moyen que d'entrer en esprit dans le Cœur du Fils de Dieu et de nous revêtir de ses saintes dispositions, ai­mant en lui et avec lui, détestant le péché comme il le déteste, et nous unissant par la foi au sacrifice qu'il offre de lui-même.

Le Cœur de Jésus est vivant dans le tabernacle de nos autels. Son Cœur est là lui-même comme un tabernacle plus intime, comme le saint des saints. Notre âme peut pénétrer par la pensée dans ce tabernacle dé­licieux et s'unir aux actes du Cœur de Jésus, aux adorations et répara­tions qu'il offre à son Père, aux prières qu'il lui adresse, à ses sentiments d'horreur pour le péché, d'amour pour la pureté, pour l'humilité, pour la douceur et la charité.

N'a-t-il pas prié pour que nous soyons un avec lui, comme il est un avec son Père? Soyons un avec lui par l'union à tous les actes, à tous les battements de son cœur humain. Louons-le de toutes les grandeurs et de toutes les perfections que nous admirons dans ce Cœur sacré.

Nous trouverons pour tous ces actes des formules toutes brûlantes de ferveur dans les écrits des saints et spécialement de sainte Gertrude et du P. Jean Eudes.

EXEMPLE

A peine saint Augustin eut-il purifié dans les eaux du baptême les souillures de sa vie passée, qu'il se fixa dans le côté transpercé du Sau­veur pour y puiser la lumière et l'amour. S'il fut un Chérubin par sa doctrine, il fut un Séraphin par sa charité. On le représente tenant à la main un cœur enflammé et percé d'une flèche. Sa triple confession d'amour est peut-être la plus étonnante parole qu'une bouche humaine ait prononcée. C'est le suprême amour, cet amour qui veut tout ce qu'il peut vouloir, sans regarder ce qu'il peut faire.

«Augustin, m'aimes-tu? lui dit Jésus-Christ.

- O mon doux Maître, répondit Augustin, vous savez que je vous aime.

Jésus. - Explique-moi comment tu m'aimes.

Augustin. - Seigneur, si tous mes os étaient des lampes d'or, si tout mon sang était un baume au doux parfum, je voudrais voir brûler toutes ces lampes et consumer tout ce baume en votre honneur, et ainsi tout Augustin devenir un holocauste pour votre amour.

Jésus. - Que ferais-tu encore?

Augustin. - Seigneur, si toutes mes fibres étaient des liens d'or, je m'en servirais pour vous tirer à moi et vous enchaîner à mon amour pour toujours.

Jésus. - Que ferais-tu de plus?

Augustin. -je vous aime tant, ô Roi de gloire, que si, ce qui ne peut pas être, j'étais Dieu, et vous Augustin, je voudrais devenir Augustin afin que vous fussiez Dieu».

Celui qui a fait cette profession d'amour était vraiment un disciple du Sacré-Cœur. Aussi, quoiqu'il n'ait pas souvent nommé formellement le Sacré-Cœur, on trouve toute la force et la suavité de l'amour du Sacré­Cœur dans ses écrits, et notamment dans ses confessions, ses médita­tions, son manuel, ses soliloques. Les amis du Sacré-Cœur trouveront là de quoi satisfaire leur ardente dévotion.

PRIERE

====Aspirations d’amour du vénérable P. Jean Eudes vers l’aimable Cœur de Jésus==== 1. - Cœur admirable de mon Jésus! que j'ai de joie de voir en vous toutes les grandeurs, et les trésors inestimables de toutes sortes de biens.

2. - O très aimable Cœur de mon Sauveur! je vous offre tout l'amour qui brûle pour vous dans le cœur de Marie votre Mère et dans tous les cœurs qui vous aiment au ciel, les priant d'unir mon cœur avec eux dans ce même amour.

3. - O Jésus, le roi légitime et souverain de tous les cœurs, soyez le roi de mon cœur, et que je sois tout cœur et tout amour envers vous, comme vous êtes tout cœur et tout amour envers moi!

4. - O très bon Jésus! où m'enfuirais-je de votre justice, si vous ne me cachez dans votre Cœur?

5. - O Cœur admirable, principe de ma vie, que je ne vive qu'en vous et par vous!

6. - O très aimable Cœur! que je vous ai coûté cher, puisque vous m'avez acheté au prix de la dernière goutte de votre sang! Oh! que mon cœur aurait de joie de vous donner la dernière du sien!

Septième jour

Cœur de Jésus, Maison de Dieu
et Porte du Ciel, ayez pitié de nous

L'ouverture du Cœur de Jésus avait, dans les desseins de la Providen­ce, un sens mystérieux. Le Cœur de Jésus nous était ouvert pour que nous entrions en esprit dans ce Tabernacle du Très-Haut.

C'est un sanctuaire, un asile, un refuge, une école, une maison de re­pos, un paradis de délices que la charité divine nous ouvrait.

C'est un sanctuaire, nous l'avons déjà dit et médité. C'est une école, nous le verrons un autre jour en considérant dans le Cœur de Jésus tous les trésors de la sagesse et de la science.

Voyons aujourd'hui comment le Cœur de Jésus est pour nous la Mai­son de Dieu et la Porte du Ciel; la maison de notre Sauveur, de notre Frère et de notre Epoux céleste, un asile de refuge et la porte du paradis.

Nous nous aiderons cette fois, dans nos développements, des pensées de saint Bonaventure. Ne faut-il pas que le docteur séraphique vienne à son tour chanter les louanges du Sacré-Cœur qu'il a tant aimé?

Lorsque l'homme, dit saint Bonaventure, rappelle à sa pensée tout ce que le Fils de Dieu a voulu souffrir pour lui, il comprend la noblesse d'une âme rachetée au prix du sang de Jésus-Christ; il se sent appelé à vivre de la vie des anges et à établir sa demeure dans le ciel. Epris d'amour pour son Sauveur, il s'efforce d'entrer dans ce côté bienheu­reux, qui a été percé. pour lui et ouvert à ses besoins. Il sent que sa no­blesse et sa grandeur, comme son salut, c'est d'être immergé dans le sang de son Rédempteur. Sa vie et ses délices, c'est Jésus crucifié. C'est pourquoi il aime à converser sans interruption avec lui. Oh! quelle tri­stesse et quelle douleur il éprouve lorsqu'il voit son cœur pencher vers quelque autre objet! il s'enivre du sang de Jésus-Christ et tout le reste lui est en dédain.

C'est de ce sang que lui vient toute sa beauté, c'est en lui que, deve­nue semblable au Sauveur, son âme est une épouse sans tache de l'Epoux divin. Il reconnaît que c'est dans l'ouverture de ce Côté sacré que se trouve le lien du céleste mariage qui les unit, et ainsi il veut y de­meurer inséparablement attaché.

Cette Maison de Dieu est donc pour nos âmes la maison nuptiale et le lieu de notre repos. . Ce Côté sacré du Sauveur, dit saint Bonaventure, est encore le jardin de délices où je puise à la source de l'esprit de sacrifice. En méditant la Passion du Sauveur, je me transforme en Jésus crucifié, je m'immole avec lui, je me pare de son sang précieux. Et ainsi, je deviendrai digne de l'amour de l' Eternel et le cohéritier de Jésus-Christ dans le royaume où habitent les bien-aimés de Dieu, ceux qui ont été attachés à la croix avec le Sauveur. Je serai un sujet de louanges pour les saints qui s'écrie­ront en me voyant: «Quel est celui dont les vêtements sont si resplendis­sants?». Quel est celui qui s'avance avec tant de gloire, orné du sang de Jésus-Christ?

Ah! n'en doutez pas, c'est là le souverain refuge contre tous les maux, et la source assurée de tout le bien; c'est là le paradis de délices, c'est de ce Côté sacré que découle l'abondance de toute douceur et de toute sua­vité.

C'est là que l'homme s'enivre d'un parfum ineffable, là qu'un char­me indicible le rend étranger à lui-même et qu'un amour qu'il ne saurait contenir le ravit et le jette dans les bras du Seigneur; et c'est alors qu'il se repose dans les embrassements de son Bien-aimé.

C'est ainsi que dans son beau livre «L'aiguillon de l'amour divin», saint Bonaventure nous montre dans le Cœur de Jésus un paradis de délices et la Porte du ciel.

Nous entrons au ciel par le Cœur de Jésus, parce que nous nous revê­tons de ses mérites, nous nous couvrons de la pourpre royale de son sang.

Nous y goûtons un avant-goût du ciel parce que l'amour du Crucifié nous rend douces les croix que nous avons à porter.

Dans le même livre, saint Bonaventure chante encore les délices et les attraits de l'amour divin dans le Cœur de Jésus.

«O mon âme, s'écrie-t-il, comment peux-tu contenir les embrasse­ments du Bien-aimé? Comment n'as-tu pas été consumée lorsque tu en­tras par ses blessures et que tu parvins jusqu'à son cœur? O douceur ineffable! Je ne suis pas digne d'être la servante et me voilà devenue la bien-aimée, qui est enivrée de délices.

«Mais, qu'ai-je fait, quels sont mes mérites pour que vous me com­bliez de semblables bienfaits? Je vous ai persécuté et c'est en vous que vous établissez ma demeure. J'ai conspué votre face et vous me répon­dez par un baiser. Je vous ai percé d'un glaive et vous me délivrez de la mort; je vous ai abreuvé de douleur et vous me remplissez de joie et de consolation. Je vous ai donné la mort, ô mon Dieu, et vous, vous faites ma vie pleine de bonheur.

«Que notre âme trouve donc en vous son repos, ô très doux Jésus, et que jamais elle ne se sépare de vous, même pour un instant! C'est en ef­fet une marque de folie singulière de s'éloigner tant soit peu d'un lieu si glorieux et si plein de délices…».

Mais cette Maison de Dieu est aussi une retraite et un asile dans les tentations et les difficultés.

«O bonté ineffable du Très-Haut, vous permettez que nous soyons tentés, non pour nous faire tomber sous les coups de la tentation, mais afin que saisis de crainte, nous nous réfugions en-vous, le port de toute sûreté. O Seigneur, vous agissez comme une mère pleine de tendresse qui, désirant revoir et embrasser un fils qui s'est éloigné d'elle, le rem­plit de frayeur en le frappant par quelque objet terrible et lui tend les bras pour le recevoir aussitôt que la crainte le ramène.

«Alors elle lui sourit avec bonheur, elle lui prodigue ses baisers, elle l'exhorte à ne plus s'éloigner d'elle à l'avenir, de peur qu'il ne lui arrive quelque malheur. O bienheureuse tentation, qui nous force à nous jeter dans les bras de notre Dieu! O bon Maître, qui permettez que nous soyons tentés et qui vous offrez toujours à nous comme un refuge de salut, afin qu'en tout temps nous demeurions en vous! Ne vous étonnez donc pas, ô homme, si vous avez des tentations, mais dans votre frayeur réfugiez-vous en Dieu et si vous ne voulez plus être tenté, établissez-y vo­tre demeure; si vous vous trouvez trop éloigné de Dieu pour pouvoir re­courir à lui, hâtez-vous de vous approcher de Jésus-Christ de tout votre cœur, car il est proche de vous; hâtez-vous de vous cacher entièrement dans les profondeurs de son Côté (in sui lateris puteo), vous y serez à couvert et alors vous ne craindrez pas que votre ennemi vienne vous attaquer».

Saint Bonaventure a chanté en gracieux vers latins, qu'on trouve dans ses opuscules, cet asile divin du Cœur de Jésus. Traduisons quelques strophes de ce poème:

«Oui, je veux établir mon doux et cher asile dans les profondeurs du Cœur transpercé de mon Dieu; c'est là que je veux mourir. - O coupa­ble aveuglement du monde! Blessé à mort par ses ennemis, l'homme re­pousse le médecin qui est prêt à le secourir et qui ouvre à ce pauvre infir­me l'asile de son tendre Cœur. - Seul, le cœur indifférent n'arrive pas à comprendre dans quel but le Christ lui a découvert son Cœur tran­spercé et exposé sur la croix. Il ne voit pas, l'insensé, que le Seigneur a voulu lui ménager un délicieux asile. Mais, pour l'âme pieuse, toutes les fois que ce lieu de repos lui est montré, éperdue elle s'y précipite; sem­blable en cela à l'épervier qui, avide, affamé, fond sur l'appât sanglant qu'on lui présente…».

EXEMPLE

Mechtilde appartenait à la famille des seigneurs de Hackborn. Elle naquit en 1241. Elle entra toute jeune au monastère de Rodarsdof, qui fut transféré plus tard à Helfta, non loin de Eisleben où devait naître Lu­ther deux siècles plus tard.

C'est à Helfta que sainte Mechtilde reçut les communications du Cœur de Jésus.

Elle était d'une douceur merveilleuse, d'une grande patience, d'une ferveur et d'une dévotion exquise. Elle se montrait aimable et complai­sante envers tous.

Dieu l'avait comblée non seulement de grâces gratuites et spirituelles, mais aussi des plus précieux dons naturels: science profonde, connais­sance des belles lettres, voix angélique.

Chargée de l'école du monastère, elle eut parmi ses élèves la grande sainte Gertrude.

Le Sacré-Cœur a voulu nous montrer en elle, dès le treizième siècle, une âme prévenue de toutes ses faveurs. Dans ses visions, Mechtilde ap­puie souvent sa tête sur la poitrine de l'Homme-Dieu; elle boit à la sour­ce même où l'apôtre avait puisé les flots de vérité de son Evangile; elle a ses entrées libres dans ce sanctuaire de la louange parfaite, elle a trouvé dans ce sanctuaire le trésor de toutes les grâces, mais aussi l'autel du di­vin amour et son cœur s'y est enflammé des ardeurs dont brûlent les sé­raphins.

Toutes ses faveurs célestes ont été écrites dans le livre de la grâce spé­ciale.

Pour nous, imitons sa grande humilité, son amour de la règle, son re­cueillement, son union à Dieu, sa ferveur dans la prière.

PRIERE

O très doux Jésus, source d'amour, Père des miséricordes, et Dieu de toute consolation, qui avez daigné nous découvrir à nous, pauvres et in­dignes pécheurs, les ineffables richesses de votre amour; en actions de grâces pour vos innombrables bienfaits, spécialement pour l'institution de la Sainte Eucharistie, et en réparation de tous les outrages que votre Cœur a reçus de moi et des autres hommes dans ce mystère de votre in­finie charité, je voue à ce Cœur sacré tout ce que je suis et tout ce que j'ai, avec tous les biens et mérites que j'ai acquis par votre grâce, et que je pourrai acquérir dans la suite, et je promets de propager, autant qu'il sera en mon pouvoir, le culte de votre divin Cœur.

En outre, je choisis la Bienheureuse Vierge Marie pour ma mère de prédilection, je voue et consacre également à son Cœur immaculé ce que je suis et ce que j'ai, et je promets de propager, autant que je le pourrai et suivant l'esprit de l'Eglise, le culte de cette très pieuse Mère, et en particulier celui de son Immaculée Conception.

Je supplie donc très humblement votre infinie bonté qu'il vous plaise de recevoir cet holocauste en odeur de suavité, et que, comme vous m'avez donné le désir de vous l'offrir, vous me donniez encore une grâce abondante pour l'accomplir.

Ainsi soit-il

Huitième jour

Cœur de Jésus, fournaise ardente de charité, ayez pitié de nous

Le Cœur de Jésus est tout aimable, il est tout amour, il est tout dési­reux d'être aimé.

Pour développer ce beau sujet, nous nous aiderons de saint Alphonse de Liguori. Il représentera, dans le concert de louanges que tous les âges de l' Eglise offrent au Sacré-Cœur dans ce volume, les saints des deux derniers siècles. Il a parmi eux le rang de docteur. De même qu'il a bien parlé de la sainte Vierge, il a parlé admirablement de Notre-Seigneur et de tous ses mystères: de son Incarnation, de sa naissance et de sa vie ca­chée, de sa Passion, de l'Eucharistie et du Sacré-Cœur.

Le Cœur de Jésus est tout aimable. Le Cœur de Jésus est entièrement pur, saint, rempli d'amour envers Dieu et envers nous. - C'est dans ce Cœur que Dieu trouve toutes ses délices et met toutes ses complaisan­ces. Dans ce Cœur règnent toutes les perfections, toutes les vertus: un amour très ardent pour Dieu son Père, uni au plus grand respect et à la plus grande humilité qui soit possible; une souveraine confusion à cause de nos péchés, dont il a bien voulu se charger, unie à la plus grande con­fiance que puisse avoir un fils tendrement chéri; une extrême horreur de nos fautes, unie à une vive compassion de nos misères; une extrême dou­leur unie à une parfaite conformité à la volonté divine.

On trouve en Jésus tout ce qu'il peut y avoir d'aimable. Il en est qui gagnent l'affection par leur beauté, d'autres par leur innocence, d'au­tres par leur doux commerce, d'autres par leur piété. Si donc une per­sonne réunissait en elle ces diverses qualités et tout ce qui peut plaire, pourrait-on s'empêcher de l'aimer? Comment se peut-il donc que Jésus-­Christ, qui possède toutes ces vertus dans le plus haut degré de perfec­tion, et qui nous aime si tendrement, soit si peu aimé des hommes et ne soit pas l'objet de toutes nos affections?

Oh! Dieu, celui qui seul est vraiment aimable et qui nous a donné tant de preuves de son amour, Jésus seul n'arrive pas à se faire aimer de nous, comme s'il n'était pas assez digne de notre amour! Cette pensée arrachait des larmes aux Rose de Lima, aux Catherine de Gênes, aux Thérèse, aux Madeleine de Pazzi, qui, à la vue de tant d'ingratitude de la part des hommes, s'écriaient en pleurant: L'amour n'est pas aimé! L'amour n'est pas aimé!

Mon aimable Rédempteur, vous êtes la beauté du paradis, vous êtes l'amour de votre Père; dans votre Cœur siègent toutes les vertus. - O Cœur aimable de mon Jésus, vous méritez l'amour de tous les cœurs. Je vous aime, ô mon Jésus, et je veux vous aimer toujours. -je vous ai oublié par le passé, mais je ne veux pas vous obliger à m'oublier entière­ment et à m'abandonner. - O flammes ardentes, qui brûlez dans le cœur des amoureux de mon Jésus, allumez dans mon pauvre cœur ce feu sacré que Jésus est venu apporter du ciel sur la terre; consumez et dé­truisez toutes les affections impures qui vivent dans mon cœur et qui l'empêchent d'être entièrement à vous. - Faites, ô mon Rédempteur, que je ne vive plus que pour vous aimer. Si je vous ai autrefois méprisé, sachez qu'aujourd'hui vous êtes mon unique amour: je vous aime et je ne veux aimer que vous. De grâce, mon bien-aimé Seigneur, ne rejetez pas l'amour de mon cœur, quoiqu'il vous ait si longtemps contristé; que votre gloire soit de faire voir aux anges un cœur qui, après vous avoir fui et méprisé, vous aime maintenant avec ardeur!

Le Cœur de Jésus est tout aimant. Oh! si nous pouvions comprendre l'amour qui brûle pour nous dans le Cœur de Jésus! Il nous a tant ai­més, que, si tous les hommes, tous les anges et tous les saints réunis­saient tout l'amour dont ils sont capables, ils n'arriveraient pas à la mil­lième partie de l'amour que Jésus nous porte. Il nous aime immensé­ment plus que nous ne nous aimons nous-mêmes.

Jésus nous a aimés jusqu'à l'excès.33) A quel plus grand excès un Dieu pouvait-il porter l'amour, qu'en consentant à mourir pour ses créatures? Il nous a aimés d'un amour extrême.34) Il nous a aimés d'un amour éternel.35) Il nous a aimés plus que son honneur, plus que son repos, plus que sa vie, puisqu'il a tout sacrifié pour nous témoigner son amour. N'est-ce pas là un excès de charité qui doit faire l'étonnement des anges et des saints pendant toute l'éternité?

Ce n'est pas tout, cependant: cet amour de Jésus envers nous l'a enco­re décidé à demeurer avec nous dans le saint sacrement, comme sur un trône d'amour. L'amour fait désirer la présence continuelle de la per­sonne aimée; cet amour et ce désir font demeurer Jésus-Christ au milieu de nous dans le sacrement de l'autel. Trente-trois années passées avec nous sur la terre parurent un temps trop court à cet amoureux Seigneur. Ah! s'il demeure ainsi avec nous, c'est qu'il ne sait se séparer de nous. Il nous assure qu'il trouve en nous ses délices.

Cet amour l'a conduit jusqu'à se faire la nourriture de nos âmes, afin de s'unir à nous et de faire, pour ainsi dire, de nos cœurs et du sien, une seule et même chose: Quiconque mange ma chair et boit mon sang, demeure en moi et moi en lui.36) O prodige, ô excès de l'amour divin!

O Cœur adorable de mon Jésus, Cœur brûlant d'amour pour les hommes, Cœur créé tout exprès pour aimer les hommes, comment les hommes peuvent-ils vous mépriser de la sorte et répondre si mal à votre amour? - Mon Jésus, j'ai été moi-même un de ces ingrats, pardonnez-­moi cette grande faute, de ne vous avoir pas aimé, vous qui êtes si aima­ble et qui m'avez aimé jusqu'à tout épuiser pour m'obliger à vous ai­mer. O Cœur enflammé de Jésus, enflammez mon cœur. Ne permettez pas qu'à l'avenir j'aie encore le malheur de vivre, même un instant, pri­vé de votre amour.37)

Le Cœur de Jésus est tout désireux d'être aimé. Jésus n'a aucun be­soin de nous: avec ou sans notre amour, il est également heureux, égale­ment riche et puissant; et cependant, dit saint Thomas,38) parce qu'il nous aime, il désire autant notre amour, que si l'homme était son Dieu et que son bonheur dépendît de celui de l'homme. Frappé d'étonnement à cette pensée, job s'écriait: Qu'est-ce que l'homme, ô mon Dieu! pour que vous daigniez l'estimer de la sorte et lui témoigner tant d'affection?.39) Quoi! un Dieu désire et demande avec tant d'instances l'amour d'un ver de terre! Ce serait déjà une bien grande faveur si Dieu nous eût seule­ment permis de l'aimer. Les princes de la terre ne s'abaissent pas jusqu'à solliciter l'amitié de leurs sujets. Jésus est le roi du ciel, et c'est lui qui réclame notre amour avec tant d'empressement et qui dit à cha­cun de nous: Tu aimeras de tout ton cœur le Seigneur ton Dieu;40) c'est lui qui nous dit et nous répète: Mon fils, donne-moi ton cœur.41) Et lor­squ'il se voit repoussé par une âme il ne se rebute point, mais il se tient à la porte de cette âme, comme il nous l'apprend lui-même; il appelle et il frappe pour en obtenir l'entrée;42) il prie cette âme de lui ouvrir, en l'ap­pelant sa sœur et son épouse.43) En un mot, Jésus fait ses délices d'être ai­mé de nous, et il est rempli de joie lorsqu'une âme lui dit et lui répète souvent: Mon Dieu, mon Dieu, je vous aime!

Tout cela est l'effet de l'amour immense qu'il a pour nous. Celui qui aime, désire nécessairement d'être aimé; l'amour cherche l'amour. Dieu n'aime que pour être aimé, assure saint Bernard.44) Rappelons-nous la joie du bon Pasteur, qui retrouve sa brebis égarée, celle du père qui re­trouve son fils prodigue. Donnons à Dieu la joie d'être aimé de ses peti­tes brebis.

EXEMPLE

====Sainte Mechtilde nous présente le Sacré-Cœur de Jésus comme notre avocat devant Dieu le Père==== Un jour, Notre-Seigneur apparut à sainte Mechtilde et lui dit: «Viens avec moi au tribunal». Puis il s'empara d'elle et la plaça à son côté, de­vant son Père céleste. Alors tous les saints et toutes les créatures se mi­rent à déposer contre elle: les Séraphins l'accusaient d'avoir, par sa tié­deur, éteint l'amour divin que le Cœur de Dieu avait allumé dans son cœur. Les Chérubins, de ne s'être pas conduite selon les lumières éma­nées de Dieu, dont elle avait été favorisée plus que les autres. Les Trô­nes, qu'elle eût troublé par ses pensées inutiles et ses inquiétudes le repos de leur Roi, si désireux de la paix, qui avait établi en elle son trône. Les Dominations, qu'elle ne se fût pas soumise avec le respect dû à Dieu, leur Roi et Seigneur. Les Principautés, qu'elle n'eût pas respecté en elle ni chez les autres la divine noblesse qu'elle tenait de sa ressemblance avec Dieu. Les Puissances, de ne s'être pas inclinée devant la divine Ma­jesté avec le respect et le tremblement requis devant lui. Les Vertus, de ce qu'elle ne s'était pas exercée, comme elle le devait, à pratiquer les saintes vertus. Les Archanges, qu'elle ne se fût pas rendue attentive, au­tant qu'il eût fallu, aux suaves entretiens de Dieu, et qu'elle ne les eût pas chargés, quand ils lui étaient envoyés, de reporter à son Bien-Aimé des tendresses et de douces paroles d'amour. Les Anges, de ce qu'elle ne se servait pas bien de leur ministère.

La Bienheureuse Vierge Marie se plaignit qu'elle eût été infidèle au Fils de Dieu, mis par elle au monde pour être son frère. Les Apôtres dé­posèrent qu'elle n'avait pas suivi avec assez de zèle leur doctrine; les Martyrs, qu'elle avait enduré les peines et les infirmités à contre-cœur; les Confesseurs, qu'elle s'était conduite avec négligence dans la religion et dans les exercices spirituels; les Vierges, qu'elle n'avait pas aimé 'du fond du cœur un époux aussi aimable; enfin, toutes les créatures criaient ensemble qu'elle avait abusé d'elles.

Alors le très bon Jésus dit à son Père: «A toutes ces accusations inten­tées contre elle, je répondrai moi-même que je me suis épris d'amour, je l'avoue, pour elle». - Dieu le Père: «Qu'est-ce qui vous y a poussé?». - Jésus-Christ: «Mon libre choix; je l'ai choisie pour moi d'avance et de toute éternité». Alors l'âme, favorisée de Dieu, mettant sa confiance dans le crédit d'un tel répondant, se jeta avec assurance dans ses bras et dit à Dieu le Père: «Je vous présente, ô Père adorable, votre fils très humble, qui a soldé pour moi toutes les dettes que j'ai contractées par orgueil. Je vous présente votre Fils rempli de douceur qui, en mon nom, a satisfait pour tous mes péchés de colère. Je vous présente votre Fils très aimable, l'amour de votre Cœur, qui a pleinement suppléé à tous les manquements nés de ma haine. Sa libéralité sans bornes a payé la dette entière de mes péchés d'avarice; son très saint zèle a réparé ma lâcheté; son abstinence parfaite a suppléé à toutes mes intempérances; la pureté de sa très innocente vie a payé pour le mal que j'ai commis, en pensées, en paroles et en actions; sa parfaite obéissance, qui l'a rendu obéissant jusqu'à la mort, a effacé toutes mes désobéissances; enfin sa perfection rachète toutes mes imperfections».

PRIERE

Mon bien-aimé Rédempteur, vous m'ordonnez de vous aimer, et vous me menacez de l'enfer si je ne vous aime point; mais, quel enfer plus horrible, quel plus grand malheur pourrait-il m'arriver, que d'être privé de votre amour?

Mon bien-aimé Seigneur, je sais que par mes péchés, j'ai mérité d'être privé de votre grâce et d'être condamné à ne pouvoir plus vous ai­mer; mais j'entends que vous continuez à exiger mon amour, et je sens en moi un grand désir de vous aimer. Ce désir est un effet de votre grâ­ce, un don que je reçois de votre bonté; donnez-moi donc aussi la force de suivre ce désir, et faites que désormais je vous dise avec vérité, du fond de mon cœur, et que je vous répète sans cesse: Mon Dieu, je vous aime; mon Dieu, je vous aime. Vous désirez mon amour, ô mon Jésus, et je désire le vôtre. Oubliez mes infidélités, et donnez-moi la grâce de vous aimer toujours.

O Marie, Mère de Jésus et ma Mère, assistez-moi; priez Jésus pour que je l'aime.

Neuvième jour

Cœur de Jésus,
sanctuaire de la justice et de l'amour,
ayez pitié de nous

Notre-Seigneur, dans ses révélations à Marguerite-Marie, distingua souvent sa sainteté d'amour et sa sainteté de justice.

La sainteté de justice la faisait souffrir pour les pécheurs, comme elle a fait souffrir Notre-Seigneur lui-même pendant sa vie mortelle et particu­lièrement à l'agonie et au calvaire.

La sainteté d'amour la portait à aimer Dieu, à désirer la sainte com­munion et aussi à souffrir, mais par charité, pour être semblable à Notre-Seigneur et pour délivrer les âmes du purgatoire.

Voici comment elle décrit à plusieurs reprises cette double sainteté: «Notre-Seigneur me fit voir un jour, dit-elle, deux saintetés en lui, l'une d'amour et l'autre de justice, toutes deux rigoureuses en leur ma­nière, et lesquelles s'exercent continuellement sur moi. Par la première, j'endure des souffrances très douloureuses pour les âmes qui sont déte­nues en purgatoire et auxquelles Notre-Seigneur permet, selon qu'il lui plaît, de s'adresser à moi. - La seconde est la sainteté de justice, si ter­rible et épouvantable aux pécheurs, qui me fait sentir le poids de sa ri­gueur en me faisant souffrir pour les pécheurs, particulièrement pour les âmes consacrées».

En 1673, Notre-Seigneur lui montre comment il avait souffert lui-même les effets de la sainteté de justice à Gethsémani:

«C'est ici, lui dit Notre-Seigneur, où j'ai plus souffert intérieurement qu'en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délaissement géné­ral du ciel et de la terre, chargé des péchés de tous les hommes. J'ai paru devant la sainteté de Dieu, qui, sans avoir égard à mon innocence, m'a froissé dans sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et l'amertume de sa juste indignation, comme s'il eût oublié le nom de Père pour me sacrifier à sa juste colère. Il n'y a point de créature qui puisse comprendre la grandeur des tourments que je souffris alors; et c'est cette même douleur que l'âme criminelle ressent lorsqu'elle est de­vant le tribunal de la sainteté divine, qui s'appesantit sur elle, la froisse, l'opprime et l'abîme en sa juste fureur».

Notre-Seigneur demande souvent à la Bienheureuse d'accepter le poids de la sainteté de justice pour participer au salut des pécheurs. «Ma justice est irritée, lui dit-il, et prête à punir par des châtiments manifestes les pécheurs cachés, s'ils ne font pénitence. Lorsque ma justi­ce sera prête à lancer ses coups sur ces têtes criminelles, tu sentiras appe­santir ma sainteté sur toi. Elève alors ton cœur et tes mains au ciel par tes prières et par tes œuvres, en me présentant continuellement à mon Père, comme une victime d'amour immolée et offerte pour les péchés de tout le monde, et en me mettant comme un rempart entre sa justice et les pécheurs, afin d'obtenir ma miséricorde, de laquelle tu te sentiras envi­ronnée, lorsque je voudrai faire grâce à quelqu'un de ces pécheurs».

Plusieurs fois Notre-Seigneur lui fit sentir le poids de la sainteté de ju­stice à cause des péchés et imperfections de son peuple choisi.

«Mon peuple choisi me persécute secrètement, lui dit-il, et ils ont irri­té ma justice. Mais je manifesterai ces péchés secrets par des châtiments visibles, car je les criblerai dans le crible de ma justice, pour les séparer d'avec mes bien-aimés… Les autres se contentent de frapper sur mon corps; ceux-ci attaquent mon cœur, qui n'a jamais cessé de les aimer. Mais mon amour cèdera enfin à ma juste colère, pour châtier ces or­gueilleux…». Pendant ce temps, la Bienheureuse ne cessait de demander à Dieu une véritable conversion pour toutes ces âmes, lui offrant les me­rites de la vie, de la Passion et de la mort de son divin Fils et s'offrant elle-même à la divine bonté pour souffrir toutes les peines qu'il plairait à Dieu de lui envoyer.

Elle souffrait alors une sorte d'agonie. «Mes larmes, dit-elle, me ser­vaient de pain nuit et jour comme au prophète. Jésus-Christ au Saint­Sacrement, qui était tout mon refuge, me traitait avec tant d'indigna­tion, que j'y souffrais une sorte d'agonie, et je n'y pouvais demeurer qu'en me faisant une extrême violence; et si hors les temps d'obligation, je m'en allais me présenter devant lui en lui disant: «Où voulez-vous que j'aille, ô divine justice, puisque vous m'accompagnez partout?» j'entrais et sortais sans savoir ce que je devais faire et sans trouver de repos que celui de la douleur».

Quelle grande leçon pour nous! Redoutons cette sainteté de justice, qui finirait, comme le dit Notre-Seigneur, par nous environner et par laisser notre conscience sans remords, notre entendement sans lumière, notre cœur sans contrition. Elle nous conduirait ainsi à la mort dans no­tre aveuglement.

Satisfaisons à la sainteté de justice en faisant pénitence pour nos pé­chés et même dans la mesure du possible, en faisant réparation pour les pécheurs, en acceptant nos souffrances et nos croix pour leur salut, en offrant souvent pour eux les mérites de Notre-Seigneur, sa Passion et l'agonie de son Cœur.

La Bienheureuse nous parle souvent aussi de la sainteté d'amour. Cette sainteté, dit-elle, avait allumé dans son âme trois grands amours: l'un de souffrir pour être semblable à Notre-Seigneur et pour soulager les âmes du purgatoire; l'autre, d'aimer Dieu et de communier; le troi­sième, de mourir pour s'unir à Notre-Seigneur.

«Cette sainteté d'amour, dit-elle, me pressait si fort de souffrir pour lui rendre du retour, que je trouvais le plus doux repos à sentir mon corps accablé de souffrances, mon esprit dans toutes sortes de dérélic­tions, et tout mon être dans les humiliations, les mépris et les contradic­tions. Ces croix ne me manquaient pas, par la grâce de mon Dieu; et lor­sque ce pain salutaire diminuait, il m'en fallait chercher d'autre par la mortification volontaire; et mon naturel sensible et orgueilleux m'en fournissait beaucoup de matière».

A l'exemple de la Bienheureuse et pour ressembler au divin Crucifié et lui rendre amour pour amour, acceptons-nous généreusement les croix que la Providence nous envoie? Nous imposons-nous au moins quelques mortifications? Il y en a tant d'occasions et notamment pour pratiquer la modestie, la tempérance, la régularité, la charité. Sachons en profiter.

La sainteté d'amour pressait souvent aussi la Bienheureuse de souffrir pour la délivrance des âmes du purgatoire. Notre-Seigneur permettait à ces âmes de venir lui demander son concours.

«Sa charité bienfaisante, dit la mère Greyfié dans son mémoire, la portait à beaucoup prier pour les âmes du purgatoire, desquelles aussi souvent Notre-Seigneur lui faisait connaître l'état de peines et les moyens de les aider à satisfaire à la justice divine… Comme elle priait pour deux personnes qui avaient été en considération dans le monde, l'une lui fut montrée comme condamnée pour de longues années aux peines du purgatoire; toutes les prières et les suffrages qui étaient offerts à Dieu pour son repos étaient appliqués par la divine justice aux âmes de quelques familles de ses sujets, qui avaient été ruinées par son défaut de charité et d'équité à leur égard; et comme il ne leur était rien resté pour faire prier Dieu pour elles après leur mort, le Seigneur y suppléait de cet­te manière».

Notre-Seigneur montre là tout le soin qu'il prend des faibles et des op­primés; si les supérieurs ou patrons ont manqué d'équité ou de charité à leur égard, Notre-Seigneur répare tout, dans cette vie ou dans l'autre. Pratiquons la justice et la charité envers ceux qui peinent et qui souf­frent sur la terre et au purgatoire.

EXEMPLE

Sainte Gertrude est née le 6 janvier 1256. «Chez cette enfant bénie, dit un vieil historien, les fruits semblèrent prévenir les fleurs; ses premiers pas foulèrent la vanité du monde, et le premier salut qu'elle adressa au monde fut un éternel adieu». Elle entra en effet dès l'âge de cinq ans au monastère d'Helfta. Dans un âge si tendre, elle était mûre par la raison, elle était aimable et gracieuse à tous et gagnait tous les cœurs.

Lorsqu'elle eut été admise aux écoles dont sainte Mechtilde était la di­rectrice, elle s'y distingua par sa prompte soumission, par une intelligence rare; aussi dépassa-t-elle bientôt ses compagnes en sagesse et en science.

Notre-Seigneur l'appela spécialement quelques années plus tard à la vie intérieure. Il lui fit comprendre qu'elle avait eu jusque là une appli­cation trop grande aux études libérales et un attachement trop vif aux at­traits des sciences humaines.

C'est en 1281 que la chère sainte reçut la mission de faire connaître le Sacré-Cœur.

Notre-Seigneur lui inspira la rédaction de ses révélations, publiées sous le titre de Insinuations de la divine piété, ou Le Héraut de l'amour divin. Il a promis d'assister de sa grâce ceux qui liront ce livre si rempli de la sua­vité du Sacré-Cœur.

Notre-Seigneur a maintes fois visité sainte Gertrude et il l'a comblée de faveurs extraordinaires. Il a établi sa demeure dans l'âme de Gertru­de, il a imprimé ses plaies dans le cœur de la sainte.

Notre-Seigneur a donné à sainte Gertrude une mission manifeste rela­tivement à son Sacré-Cœur.

Il lui promit d'abord cette grâce: «A toi et à ta race, c'est-à-dire à l'or­dre bénédictin, je donnerai ces régions», lui dit-il, en lui montrant son Cœur.

Une autre fois il lui dit: «Voilà que je mets à ta disposition tout le tré­sor des douceurs de mon Cœur divin; tu en feras part à tous, autant que tu le voudras».

Un jour que la sainte lui consacrait son cœur, Notre-Seigneur dit à son Père: «Pour votre éternelle louange, ô Père saint, je consacre ce cœur; il répandra le trésor renfermé par mon cœur dans mon humani­té, pour être distribué au monde».

Sainte Gertrude devait être la prophétesse et la théologienne du Sacré­Cœur; elle ne devait pas être l'apôtre du culte extérieur du Sacré­Cœur. Cette mission était réservée à Marguerite-Marie.

Le Bien-aimé vint appeler cette belle âme à lui le 15 novembre 1302. Apprenons de sainte Gertrude l'art de prier, l'art d'offrir nos louan­ges et nos prières sur l'autel d'or du Cœur de Jésus, en union avec les prières et les mérites de Notre-Seigneur et des Saints.

PRIERE

1. O Cœur affligé de Jésus, je déteste tout ce qui vous déplaît, Donnez-moi une telle horreur du péché, que je craigne les fautes les plus légères, par la raison qu'elles vous déplaisent, à vous qui méritez un amour infini. Faites-moi la grâce, mon aimable Sauveur, de vous adres­ser sans cesse cette prière: O mon Jésus, donnez-moi votre amour.

2. O Cœur miséricordieux de Jésus, lorsque j'étais dans votre disgrâ­ce, votre bonté m'a éclairé et m'a offert le pardon; elle m'a donné de pleurer mes péchés et de désirer votre amour. Ah! ne cessez, ô mon Jésus, d'avoir pitié de moi. La miséricorde que je vous demande, c'est que vous m'accordiez lumière et force pour ne plus être ingrat.

3. O Cœur libéral de Jésus, c'est à vous de faire que mon pauvre cœur soit tout à vous. De moi-même je n'ai ni ne puis rien; j'ai seule­ment ce cœur que je tiens de vous; il peut et désire vous aimer. Faites donc, ô mon Jésus, que désormais votre sainte volonté soit l'unique re­gle de ma vie, de mes pensées, désirs et actions.

Dixième jour

Cœur de Jésus, plein d'amour et de bonté, ayez pitié de nous

L'amour qui a fait descendre le Fils de Dieu sur la terre ne le quitta plus, il régna en maître sur sa sainte humanité et lui inspira toutes ses œuvres et toutes ses paroles.

Saint Paul a dit: «Il m'a aimé et par suite de cet amour, il s'est livré pour moi».45) Nous pouvons étendre cette conclusion et dire: Il m'a aimé et son amour pour moi lui a fait choisir la pauvreté de Bethléem, les la­beurs de Nazareth et les fatigues de l'apostolat; il m'a aimé et son amour pour moi lui a fait trouver douces les souffrances de sa Passion et de sa mort. Il m'a aimé, et il m'a donné son corps et son sang dans l'Euchari­stie; il m'a donné sa mère du haut de la croix; il m'a donné sa grâce par les sacrements; il m'a donné la lumière de son Evangile; il m'a donné son Eglise comme mère, le sacerdoce comme appui et le ciel comme ré­compense. C'est l'amour qui ouvre encore le Sacré-Cœur, pour en ré­pandre sur nous tous les trésors.

Sainte Mechtilde, en développant cette pensée, signale surtout la solli­citude de Notre-Seigneur pour les pécheurs, ses paroles aimantes, ses larmes, les souffrances de sa Passion.

Le prophète David avait dit du Sauveur futur: exultavit ut gigas, il s'est élancé comme un géant!46) Mechtilde, se souvenant de ces paroles, en de­manda l'explication à Notre-Seigneur. Le Seigneur aussitôt lui apparut dans le ciel tel qu'un jeune homme élancé, agile et très beau; il lui dit: «Celui qui veut parcourir une route longue et difficile doit se ceindre haut et serré, pour que ses vêtements n'arrêtent point sa marche. C'est ainsi que je me suis ceint étroitement de l'humanité et de la passibilité, réduisant la longueur de l'éternité à la brièveté de la vie humaine. Je me suis élancé comme un géant dans toute sa force, ayant à parcourir cette difficile et bien pénible carrière où je devais accomplir la rédemption du genre humain. - Celui encore qui porte un trésor important et précieux se ceint étroitement, de crainte de le perdre; moi aussi, ayant à porter ce précieux trésor, l'âme de l'homme, je me suis ceint avec soin, et les âmes de tous ceux qui devaient être sauvés, je les ai toujours portées avec un amour et un désir ineffables dans mon cœur».

Celui qui s'élançait comme un géant du haut des cieux pour sauver les âmes, devait, inspiré par l'amour, se faire le Bon Pasteur à la recher­che de la brebis égarée. Il devait prendre les traits et le rôle du père de fa­mille courant au-devant du prodigue et lui ménageant un festin à son re­tour.

Qui pourra dire les ardents désirs du Cœur de Jésus pour le salut des âmes? Une de ses révélations à sainte Mechtilde nous aide à le compren­dre, «Viens ici te reposer et dormir à mes pieds, dit Jésus à la sainte». Obéissant aussitôt, elle posa sa tête sur les pieds de Jésus, si bien que son oreille était collée à la plaie du pied; de là, elle entendit cette plaie bouil­lonner comme une chaudière en feu». Quel bruit, lui dit le Seigneur, sort de cette chaudière bouillante? Mechtilde pensant en elle-même qu'elle n'en savait rien, le Seigneur reprit: «Cette chaudière bouillante fait un bruit qui semble dire: Cours, cours! Et c'est ainsi que l'amour ar­dent et bouillant de mon Cœur m'a toujours pressé, me disant: «Cours, cours de travaux en travaux, de ville en ville, de prédication en prédica­tion; jamais il ne m'a laissé de repos, jusqu'à ce que j'eusse accompli ju­squ'au bout tout ce qui était nécessaire à ton salut».

O Jésus, vous vous êtes assis, épuisé de fatigue de m'avoir poursuivi! Vous m'avez racheté par le supplice de la croix! que tant de sacrifices ne soient pas perdus.

Toutes les œuvres du Christ procèdent de son Cœur, de ce Cœur flo­rissant et aimant, comme il dit lui-même, d'où s'est écoulé et s'écoulera sans fin tout bien, toute joie et toute félicité au ciel et sur la terre. De mê­me ses paroles, citées dans l' Evangile sont toutes venues de cette source sacrée.

Il voulut le faire comprendre à sainte Mechtilde. Il lui ouvrit la plaie de son très doux Cœur et lui dit: «Regarde l'étendue de mon amour. Si tu veux le bien connaître, ne cherche rien de plus clair que les paroles de l'Evangile. Jamais on n'a entendu de paroles exprimant un amour plus tendre que celles-ci: Comme mon père m'a aimé, ainsi je vous ai aimés. Il en est d'autres semblables que j'ai adressées, tant à mes disciples qu'à mon Pè­re, en comblant ceux-là de mes bienfaits».

Rien, en effet, ne peut mieux exprimer l'immensité de l'amour du Sacré-Cœur pour nous que ces paroles: «Comme mon Père m'a aimé, je vous aime». Eh quoi! nous sommes aimés par Jésus comme il est aimé par son Père! Mais il est aimé par-dessus tout, mais il est aimé jusqu'à être l'unique objet de ses complaisances: «Voici mon Fils bien-aimé, en qui je me suis complu».

L'Evangile est rempli de paroles sorties du Cœur de Jésus. Celle que nous venons de citer les résume toutes; elle est la plus étonnante. - Et si Jésus nous aime tant, pourquoi ne l'aimons-nous pas davantage?

Les larmes de Notre-Seigneur nous disent aussi son amour.

Il n'est pas dit dans le saint Evangile que Notre-Seigneur ait souri, mais il est dit qu'il a pleuré. Il pleura sur Lazare, image de l'âme morte par le péché; il pleura sur Jérusalem, la cité ingrate et endurcie. D'au­tres larmes sont tombées des yeux du divin Maître. A quelle occasion, et que sont devenues ces larmes? Ecoutons Jésus le dire à sainte Mechtilde.

«Chaque fois que, sur la terre, je pensais à mon ineffable union avec Dieu le Père, par laquelle je suis un avec lui, mon humanité ne pouvait retenir ses larmes. Chaque fois aussi que je pensais à cette immense di­lection qui m'a attiré lors du sein de mon Père, pour m'unir à la nature humaine, mon humanité ne pouvait s'empêcher de verser des pleurs».

Alors Mechtilde lui dit: «Et où sont toutes ces larmes que l'amour vous a fait répandre?». Il répondit: «Elles ont dans mon cœur une place réservée; c'est comme un trésor aimé que l'on garde dans un lieu choisi et caché».

Le Cœur Sacré de Jésus est donc le principe des larmes qu'il a versées ici-bas et le réservoir mystérieux qui les a reçues et les garde encore au­jourd'hui dans les cieux.

L'amour de Jésus pour son Père, l'amour de Jésus pour les hommes fut la cause de ses larmes; larmes de joie à cause de la gloire qu'il allait procurer à son Père et du salut qu'il allait donner au monde par son sa­crifice; larmes de tristesse à cause des outrages qui continueront de mon­ter vers ce Père bien-aimé, et des ingratitudes dont le genre humain se rend coupable.

Les larmes de Jésus ont été recueillies et sont gardées dans son cœur! Malgré le feu brûlant dont ce cœur est le foyer elles ne sont pas absor­bées. Approchons donc du Sacré-Cœur de Jésus, nous y trouverons quelque part une de ces larmes versées pour nous; mais apportons aussi les nôtres pour qu'elles soient sanctifiées, même celles que nous versons pour des motifs naturels.

«Tu diras à la personne pour qui tu pries, de moins verser de larmes, dit un jour le Sauveur à sainte Mechtilde; comme cela toutefois ne lui est guère possible, qu'elle joigne ses larmes aux miennes, et qu'elle regrette de ne pas les avoir versées pour les pécheurs et par amour; je présenterai alors à mon Père ces larmes unies aux miennes, quand elle m'en priera». Apportons donc nos larmes au Cœur de Jésus, et mélangées aux sien­nes, elles deviendront méritoires. D'ailleurs la consolation de ceux qui souffrent, c'est de pleurer dans le cœur d'un ami sincère et compatis­sant, mais où trouver un ami dont le cœur nous soit plus dévoué que le Cœur Sacré de Jésus!47)

- Jésus nous a témoigné encore son amour par sa Passion, mais ce sera le sujet d'autres méditations.

Aujourd'hui, remercions-le de son infinie bonté et des larmes qu'il a versées pour nous et promettons-lui de lui demeurer fidèles.

EXEMPLE

Tous les saints ont aimé Jésus-Christ, car l'amour de Jésus-Christ est le terme de la sainteté; mais cet amour n'a pas le même caractère chez tous les saints; le plus saillant de l'amour de Gertrude est la confiance. Elle semble avoir mieux compris que d'autres ces paroles de Notre-Seigneur. «C'est moi qui vous l'enseigne, apprenez que je suis doux; n'ayez pas peur, approchez-vous, c'est moi». Voilà pourquoi, connaissant mieux le doux et le bon Cœur de Jésus, elle l'aimait si fort, trouvant en lui une source intarissable d'amour, de miséricorde et de confiance.

«Tous les biens que j'ai reçus, disait elle, je les dois à la confiance que j'ai eue dans la bonté gratuite de mon Dieu». Notre-Seigneur reprochant un jour à une sainte âme ses hésitations dans ses prières: «que ne ressembles-tu, lui dit-il, à ma bien-aimée Gertrude! il n'est rien qu'elle n'espère de ma bonté, aussi ne sais-je rien lui refuser».

En toutes choses elle recourait à Jésus, comme un enfant à sa mère. Aucune de ses peines ne lui semblait trop petite pour attirer le regard du très doux Jésus. Elle avait un jour laissé tomber une aiguille dans la pail­le. «O bon Jésus, dit-elle, j'aurais beau chercher, je perdrais inutilement mon temps, faites-moi la trouver, je vous prie». Puis étendant la main, elle rencontra l'aiguille sous ses doigts.

Elle donnait à Jésus les titres les plus affectueux et Jésus encourageait cette confiance que désire tant son cœur de frère. «Moi qui ne suis qu'une vile créature, disait Gertrude à Notre-Seigneur, je vous salue, très amoureux Maître!». - «Et moi, répondait aussitôt Jésus, je te sa­lue, ma très aimante épouse».

Le Sauveur lui fit entendre, à cette occasion, que son Cœur est très sensible à ces tendres appels de l'âme et qu'il y répond toujours. Imitons donc sainte Gertrude; allons à Jésus avec le même abandon, nous souvenant que s'il est notre Dieu, il est aussi notre Père, notre frère et notre ami.

PRIERE

1. O Cœur aimable de Jésus, Cœur très pur, très saint, tout rempli d'amour, Cœur dans lequel règnent toutes les perfections, toutes les vertus, vous méritez bien l'amour de tous les cœurs. Ah! mon Jésus dé­truisez dans mon cœur toutes les affections qui l'empêchent d'être tout à vous. Je vous aime, ô mon Jésus, et ne veux aimer que vous.

2. O Cœur aimant de Jésus, Cœur épris d'amour pour les hommes, ah! comment se peut-il faire qu'ils y correspondent si mal, et n'aient pour vous que du mépris? Hélas! J'ai été moi-même du nombre de ces ingrats, qui ne savent point vous aimer. Ne permettez pas qu'à l'avenir je vive encore privé de votre amour.

3. O Cœur de Jésus, désireux d'être aimé, Cœur qui trouvez vos dé­lices dans l'amour que nous vous portons, je mériterais, à cause de mes péchés, de vivre privé de votre grâce. Mais je vois que vous continuez encore à me demander votre amour. Ah! faites-vous donc aimer, faites­vous aimer beaucoup d'un pécheur qui vous a beaucoup offensé.

Onzième jour

Cœur de Jésus, abîme de toutes les vertus, ayez pitié de nous

«Depuis quelque temps, dit un jour la bienheureuse Marguerite­-Marie, il me semblait qu'une voix intérieure me disait sans cesse que j'étais sur le bord d'un précipice, et comme je n'en savais pas l' explica­tion, cela me mettait en peine; ce qui fit que je m'adressai un jour à Notre-Seigneur avec confiance, en lui disant: Unique amour de mon âme, faites-moi connaître ce qui m'inquiète.

«Dès que je fus en oraison, Jésus se présenta à mon âme tout couvert de plaies, me disant de regarder l'ouverture de son côté sacré, qui était un abîme sans fond, creusé par une flèche sans mesure, celle de l'amour. Que si je voulais éviter l'abîme que je me plaignais de ne pouvoir connaître, il fallait me perdre dans celui-ci, par lequel on évite tous les autres; que c'était la demeure de ceux qui l'aiment, et qu'ils y rencon­traient deux vies, une pour l'âme et une pour le cœur. L'âme y trouve une source d'eaux vives pour se purifier, le cœur y rencontre une four­naise d'amour, qui ne laisse plus vivre que d'une vie d'amour. L'âme s'y sanctifie, le cœur s'y consume. Mais l'ouverture de ce cœur est étroite, il faut être petit et dénué de toutes choses pour pouvoir y entrer».

Le Cœur de Jésus est un abîme insondable. On peut lui appliquer ces paroles qu'employait saint Paul en parlant de l'Incarnation: «C'est un mystère dont personne ne peut comprendre la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur». Cet abîme sans fond a été creusé par une flè­che sans mesure, qui est celle de l'amour. Car c'est un ineffable amour qui a déterminé le Verbe divin à s'incarner pour nous et à prendre ce Cœur qu'il a rempli de sa divinité; c'est son ineffable amour qui l'a por­té à se livrer pour nous et à laisser percer son cœur adorable; c'est d'amour que ce cœur vit et vivra éternellement; c'est d'amour sans me­sure, l'amour sans limites que l'on trouve quand on se plonge dans l'abîme de ce Cœur sacré. Or, le Sauveur invite sa bien-aimée, et nous avec elle, à nous perdre dans les mystérieuses profondeurs de cet abîme.

Qu'est-ce donc qu'être perdu dans l'abîme du Cœur de Jésus? C'est être uni à Dieu par l'amour dont ce Cœur est le sanctuaire; c'est arriver par le travail intime de la grâce et de notre volonté à ne plus voir que Jésus en tout et partout; c'est prendre toujours son esprit, sa manière de voir et d'apprécier les choses.

Etre perdu dans l'abîme du Cœur de Jésus, c'est s'approprier les sen­timents, les affections de ce Cœur adorable, c'est vivre de sa vie divine.

«Dans les chrétiens transformés par l'amour, dit M. Olier, le moi est converti en Jésus-Christ; ils n'ont plus de vie intérieure que celle du Fils de Dieu auquel ils sont liés. Cette vie demande qu'ils aient le même esprit que lui, elle leur donne les mêmes dispositions, les anime des me­mes devoirs qu'il lui rend incessamment lui-même».

Mais comment arrive-t-on à se perdre ainsi en Dieu? Ames genereu­ses, qui voudriez entreprendre ce travail, sachez que vous n'y parvien­drez que par le détachement des créatures. Il faut que vous ayez le cœur parfaitement libre, pour que votre Seigneur en soit complètement le maître et qu'il puisse y opérer comme il voudra. Il faut que vous vous appliquiez à surveiller votre nature pour réprimer tous ses écarts. Il faut que vous mouriez à tout ce qui n'est pas Dieu, pour que Dieu puisse éta­blir en vous sa vie surnaturelle et divine.

Il faudra aussi une grande fidélité à la grâce et à ses inspirations, lais­sant Jésus faire en vous tout ce qu'il veut, sans y résister, sans négliger l'impulsion de son esprit.

Vous devrez encore pratiquer un abandon sans réserve à la volonté toujours sainte de Dieu et aux dispositions toujours adorables de sa Pro­vidence; acceptant non seulement avec calme et résignation, mais encore avec joie tout ce qui vient de lui, n'ayant d'autre volonté que sa volonté et d'autre plaisir que son bon plaisir.

O Jésus, c'est ainsi que je me conduirai. Je veux perdre ma vie afin de la retrouver en vous, purifiée, ennoblie, glorieuse et immortelle. Aidez-­moi, ô mon divin Sauveur!

La Bienheureuse a répondu aux désirs de Notre-Seigneur et sondé dans tous les sens les abîmes du Sacré-Cœur. Elle nous a laissé des indi­cations lumineuses sur ces abîmes mystérieux. Si nous tenons compte de ses avis, nous trouverons là des trésors infinis pour tous nos besoins.

Si vous êtes dans un abîme de faiblesse, où vous tombez à tout mo­ment, allez vous abîmer dans la force du Sacré-Cœur, qui vous fortifiera et vous délivrera.

Si vous êtes dans un abîme de misères, allez les abîmer dans ce Cœur adorable, qui est tout rempli de miséricordes.

Si vous êtes dans un abîme d'orgueil et de vaine estime de vous­même, abîmez-le dans celui de l'humilité du Sacré-Cœur.

Si vous êtes dans un abîme d'ignorance, allez vous abîmer dans l'ai­mable Cœur de Jésus, où vous apprendrez à l'aimer et à faire ce qu'il désire de vous.

Si vous êtes dans un abîme d'infidélités et d'inconstances, allez vous abîmer dans celui de fermeté et de stabilité du Sacré-Cœur de Jésus. Si vous vous trouvez dans un abîme d'indigence, allez l'abîmer dans ce­lui de toute sorte d'abondance et de biens, dans le Sacré-Cœur de Jésus. Si vous vous trouvez en un abîme d'ingratitude pour les grands biens que vous avez reçus de Dieu, allez vous abîmer dans ce divin Cœur, qui est une source de reconnaissance, de laquelle il vous remplira si vous l'en priez.

Si vous êtes dans un abîme d'impatience et de colère, allez l'abîmer dans celui de douceur de l'aimable Cœur de Jésus, afin qu'il vous rende doux et humble.

Si vous vous trouvez dans un abîme de distractions, allez les perdre dans l'abîme de tranquillité du Sacré-Cœur, qui vous donnera infailli­blement la victoire.

Si vous êtes dans un abîme de ténèbres, allez à lui, il vous revêtira dé sa lumière.

Si vous êtes plongé dans un abîme de tristesse, allez l'abîmer dans ce­lui de la divine joie de ce Sacré-Cœur où vous trouverez un trésor de consolations qui dissipera toutes vos tristesses et afflictions d'esprit.

Quand vous vous trouverez dans le trouble et l'inquiétude, allez vous abîmer dans la paix de ce Cœur adorable, que personne ne pourra vous ôter.

Abîmez-vous souvent dans la charité de cet aimable Cœur, afin que vous ne fassiez rien au prochain qui blesse tant soit peu cette vertu.

Si vous vous trouvez dans un abîme de résistance et d'opposition à la volonté de Dieu, il vous la faut abîmer dans celui de soumission et con­formité au bon plaisir divin du Sacré-Cœur de Jésus; et là, perdre toutes vos résistances pour vous revêtir de cette heureuse conformité dans tou­tes les dispositions qu'il voudra faire de vous…

Mais quels sont les moyens de puiser ces trésors dans le cœur de Jé­sus? Il suffit pour cela d'un peu de bonne volonté, de quelques moments de réflexion, d'une courte méditation. Ces réflexions pourront être ai­dées par une lecture. Mais il faudra surtout s'appliquer à comprendre les sentiments du Cœur de Jésus, à pénétrer ses dispositions. Il faudra nous humilier de l'imperfection de notre intérieur et de nos affections, en face des sentiments et affections du Sacré-Cœur.

EXEMPLE

C'est le 22 juillet 1647 que naquit la Bienheureuse, à Verosvres, au diocèse d'Autun. Elle entra au monastère de la Visitation de Paray-le­Monial, le 20 juin 1671, à l'âge de vingt-trois ans. Ses révélations con­cernant le Sacré-Cœur commencèrent presque aussitôt.

Pendant les épreuves du noviciat, Notre-Seigneur lui avait laissé en­trevoir les grands desseins qu'il avait sur elle. Le 17 décembre 1677, il l'investit de sa grande mission, qui n'a de supérieure que la mission con­fiée aux apôtres.

C'était en la fête de saint Jean l'Evangéliste, dans le jour anniversaire de celui où le disciple bien-aimé annonçait à sainte Gertrude que les bat­tements du Sacré-Cœur seraient révélés au monde refroidi, afin de rani­mer son amour. Voici le récit que la Bienheureuse fit de cette révélation à ses supérieurs:

«Un jour de saint Jean l'Evangéliste, après avoir reçu de mon Dieu Sauveur une grâce à peu près semblable à celle que reçut le soir de la Cè­ne ce disciple bien-aimé, le Cœur divin me fut représenté comme sur un trône de feu et de flammes, rayonnant de tous côtés, plus brillant que le soleil et transparent comme le cristal. La plaie qu'il reçut sur la croix y paraissait visiblement: il y avait une couronne d'épines autour de ce di­vin Cœur et une croix au-dessus. Mon divin Maître me fit entendre que ces instruments de sa Passion signifiaient que l'amour immense qu'il a eu pour les hommes avait été la source de toutes ses souffrances; que dès le premier moment de son Incarnation tous ses tourments lui avaient été présents, et que ce fut dès ce premier moment que la croix fut, pour ainsi dire, plantée dans son Cœur; qu'il accepta dès lors toutes les douleurs et humiliations que sa sainte humanité devait souffrir pendant le cours de sa vie mortelle, et même les outrages auxquels son amour pour les hom­mes l'exposerait jusqu'à la fin des siècles, dans le Saint-Sacrement.

«Il me fit ensuite connaître que le grand désir qu'il avait d'être parfai­tement aimé des hommes, lui avait fait former le dessein de leur manife­ster son Cœur, et de le leur donner dans ces siècles derniers par un su­prême effort de son amour, leur ouvrant tous les trésors de miséricorde, de grâce, de sanctification et de salut qu'il contient, afin que tous ceux qui voudraient lui rendre et lui procurer tout l'honneur et l'amour qu'il leur serait possible fussent enrichis avec profusion des divins trésors dont ce Cœur est la source féconde, m'assurant qu'il prenait un plaisir singulier à être honoré sous la figure de ce cœur de chair, dont il voulait que l'image fut exposée en public, afin, ajouta-t-il, de toucher le cœur insen­sible des hommes. Il me promit qu'il donnerait ses meilleures bénédic­tions partout où cette image serait exposée».

PRIERE

1. - O Cœur reconnaissant de Jésus, j'ai bien su être reconnaissant envers les créatures, ce n'est qu'envers vous que j'ai été ingrat! Aimable Jésus, maintenant je vous aime par-dessus toute chose et plus que moi­même. Le reste de ma vie, je veux l'employer uniquement à vous aimer, ô Bien suprême. Faites-moi connaître votre sainte volonté; me voici prêt à tout, avec le secours de votre grâce.

2. - O Cœur de Jésus méprisé, abîme de miséricorde et d'amour, ah! que vos douleurs ne soient point perdues pour moi! Souvenez-vous, ô mon Jésus, des larmes et du sang que vous avez répandus pour mon amour, et pardonnez-moi. Faites que je meure à moi-même pour ne vi­vre qu'en vous, tout enflammé de votre saint amour.

3. - O Cœur de Jésus, fidèle envers ceux que vous appelez à vous ai­mer, que de fois, après avoir promis d'être tout à vous, je vous ai retiré mon amour! Je reconnais mon ingratitude et je la déteste. Enflammez mon pauvre cœur du feu de cet amour dont vous brûlez pour moi. O Marie, Mère du bel amour, aidez-moi à aimer votre Fils Jésus.

Douzième jour

Cœur de Jésus,
très digne de toutes les louanges,
ayez pitié de nous

Nous n'avons pas encore entendu saint François de Sales dans notre céleste concert, ce sera son tour aujourd'hui.

Dans son beau Traité de l'amour de Dieu, ce cher saint nous engage d'abord à remonter à la source des bienfaits de Dieu. Quelle est cette source? C'est le Cœur de Dieu, c'est en particulier le Cœur de Jésus­Christ.

«Il faut d'abord, dit notre aimable saint, considérer les bienfaits divins en leur origine première et éternelle. O Dieu, quelle assez digne dilec­tion pourrions-nous avoir pour l'infinie bonté de notre Créateur, qui de toute éternité a projeté de nous créer, conserver, gouverner, racheter, sauver et glorifier tous en général et en particulier? Hé! qui étais-je lor­sque je n'étais pas? moi, dis-je, qui étant maintenant quelque chose, ne suis rien qu'un simple chétif vermisseau de terre? et cependant Dieu, dès l'abîme de son éternité, pensait pour moi des pensées de bénédiction? Il méditait, résolvait et déterminait l'heure de ma naissance, de mon bap­tême, de toutes les inspirations qu'il me donnerait, et en somme tous les bienfaits qu'il me ferait et offrirait. Hélas! y a-t-il une douceur pareille à cette douceur?

«Il faut aussi, ajoute l'aimable saint, considérer les bienfaits divins en leur seconde source méritoire; car ne savez-vous pas, Théotime, que le grand-prêtre de la Loi portait sur ses épaules et sur sa poitrine les noms des enfants d'Israël, c'est-à-dire des pierres précieuses auxquelles les noms des chefs d'Israël étaient gravés? Eh! voyez Jésus, notre grand Pontife, et regardez-le dès l'instant de sa conception, considérez qu'il nous portait sur ses épaules, acceptant la charge de nous racheter par sa mort, et la mort de la Croix. O Théotime! cette âme du Sauveur nous connaissait tous par nom et par surnom; mais surtout au jour de sa Pas­sion, lorsqu'il offrait ses larmes, ses prières, son sang et sa vie pour tous, il lançait en particulier, pour vous, ces pensées de dilection: «Hélas! O mon Père éternel, je prends à moi et me charge de tous les péchés du pauvre Théotime pour souffrir les tourments et la mort, afin qu'il en de­meure quitte et ne périsse point, mais qu'il vive. Que je meure, pourvu qu'il vive; que je sois crucifié, pourvu qu'il soit glorifié». - O amour souverain du Cœur de Jésus, quel cœur te bénira jamais assez dévote­ment!

«Ainsi, dedans sa poitrine maternelle, son Cœur divin, prévoyait, disposait, méritait, impétrait tous les bienfaits que nous avons, non seule­ment en général pour tous, mais en particulier pour un chacun; et, dans son inépuisable douceur, il nous préparait le lait de ses mouvements, de ses attraits, de ses inspirations et des suavités par lesquelles il tire, con­duit et nourrit nos cœurs à la vie éternelle. Ses bienfaits ne nous échauf­fent point, si nous ne regardons la volonté éternelle qui nous les destine, et le Cœur du Sauveur qui nous les a mérités par tant de peines, et sur­tout en sa mort et Passion».

Tout notre amour est donc dû à Dieu et au Sacré-Cœur de Jésus. Mais, cet amour, comment le témoignerons-nous? Sous deux formes principales, nous dit saint François de Sales, l'amour de complaisance et l'amour de bienveillance.

Par le premier, l'âme est éprise de l'amoureuse complaisance qu'elle éprouve à considérer la divinité et ses infinies perfections.

Elle jouit des perfections de celui qu'elle aime; elle souffre de ses souf­frances et compatit à toutes les douleurs de l'Homme-Dieu, à toutes les tristesses du Cœur de Jésus.

L'amour de bienveillance souhaite et confère tous les biens possibles à la personne aimée. Nous ne pouvons désirer d'un vrai désir aucun bien à Dieu qui a tous les biens, mais nous formons des désirs imaginaires et conditionnels comme celui-ci: «O mon Dieu, s'il était possible que vous reçussiez quelque accroissement de bien, quel désir aurais-je que vous l'eussiez!».

Avec ces pieux désirs, la sainte bienveillance produit la louange du di­vin Bien-Aimé.

«L'âme qui a pris une grande complaisance en l'infinie perfection de Dieu, voyant qu'elle ne peut lui souhaiter aucun agrandissement de bonté, désire au moins que son nom soit béni, exalté, loué, honoré et adoré de plus en plus. Commençant par son propre cœur, elle ne cesse point de le provoquer à ce saint exercice. Comme une avette sacrée, elle va voletant çà et là sur les fleurs des œuvres et excellences divines, re­cueillant d'icelles une douce variété de complaisance, desquelles elle fait naître et compose le miel céleste de bénédictions, louanges et confessions honorables, par lesquelles, autant qu'elle peut, elle magnifie et glorifie le nom de son bien-aimé, à l'imitation du grand psalmiste qui, ayant envi­ronné et comme parcouru en esprit les merveilles de la divine bonté, im­molait sur l'autel de son cœur l'hostie mystique des élans de sa voix par cantiques et psaumes d'admiration et bénédiction».

Ce désir de louer Dieu que la sainte bienveillance excite en nos cœurs est insatiable; car l'âme qui en est touchée voudrait avoir des louanges infinies pour les donner à son Bien-Aimé, parce qu'elle voit que ses per­fections sont plus qu'infinies. Se trouvant bien éloignée de pouvoir sati­sfaire à son souhait, elle fait des efforts extrêmes d'affection pour louer en quelque manière cette bonté toute louable.

«A mesure que l'âme s'échauffe à louer la douceur incompréhensible de son Dieu, elle agrandit et dilate la complaisance qu'elle prend en cette douceur, et par cet agrandissement, elle s'anime de plus fort à la louan­ge. De sorte que l'affection de complaisance et celle de louange, par ces réciproques incitations, s'entredonnent de grands et continuels accrois­sements».

Le cœur atteint et pressé du désir de louer plus qu'il ne peut la divine bonté, sort maintes fois de soi-même pour convier toutes les créatures à le secourir en son dessein. Ainsi firent Daniel et les enfants de la fournai­se en cet admirable cantique de bénédictions, par lequel ils excitent tout ce qui est au ciel, en la terre et sous terre, à rendre grâces à Dieu, en le louant et bénissant souverainement. Ainsi le glorieux psalmiste, tout ému de la passion saintement déréglée qui le portait à louer Dieu, va sans ordre, sautant du ciel à la terre et de la terre au ciel, appelant pêle­-mêle les anges, les oiseaux, les poissons, les monts, les eaux, les dragons, les serpents, le feu, la grêle, les nuées; assemblant par ses souhaits toutes les créatures, afin que toutes ensemble s'accordent à magnifier pieuse­ment leur créateur, les unes célébrant elles-mêmes les divines louanges, et les autres donnant sujet de le louer par les merveilles de leurs différen­tes propriétés, qui manifestent la grandeur de leur facteur.

Ainsi le grand saint François chante le cantique du soleil et cent autres excellentes bénédictions pour invoquer les créatures à venir aider son cœur tout alangui, de quoi il ne pouvait louer à son gré le cher Sauveur de son âme.

C'est encore cette divine passion d'appeler toutes les créatures à louer Dieu qui fait faire tant de prédications, qui fait passer entre tant de ha­sards les Xavier, les Antoine de Padoue et cette multitude de missionnai­res aux Indes, au japon et ailleurs, afin de faire connaître, reconnaître et adorer le nom sacré de Jésus parmi ces peuples.

C'est cette passion sainte qui fait tant écrire de livres de piété, tant fonder d'églises, d'autels, de maisons pieuses, et en somme qui fait veil­ler, travailler et mourir tant de serviteurs de Dieu entre les flammes du zèle qui les consume et les dévore.

Enfin le désir de louer Dieu nous fait aspirer au ciel, pour nous unir aux admirables louanges des anges et des saints.

EXEMPLE

Les lettres de la bienheureuse Marguerite-Marie sont le plus souvent un précieux commentaire de ses révélations. Nous en lirons une au­jourd'hui.

«Vous ne pouviez, ma très-aimée sœur, m'engager à une plus étroite union avec votre charité qu'en aimant le Sacré-Cœur de Jésus, lequel, je n'en doute point, tiendra pour fort agréable cette oblation que vous lui voulez faire de vous-même afin d'être toute à lui, de faire et souffrir tout pour son amour, en un mot, de ne vivre que pour lui, selon son désir, d'une vie d'abandon, d'amour et de sacrifices; d'abandon total de vous­-même aux soins de son amoureuse direction, le prenant comme conduc­teur dans la voie du salut, ne faisant rien sans lui demander son secours et sa grâce qu'il vous donnera autant que vous vous confierez en lui. De plus il nous faut vivre de cette vie d'amour pour nous conformer entière­ment à ses états de sacrifice, d'abandon et d'amour au Très Saint­-Sacrement, où l'amour le tient comme une victime toute abandonnée à être continuellement sacrifiée pour la gloire de Dieu et notre salut.

«Unissez-vous donc étroitement à lui en tout ce que vous ferez, référez tout à sa gloire, établissez votre demeure dans cet aimable Cœur de Jésus. Vous y trouverez une paix inaltérable et la force d'exécuter tous les bons désirs qu'il vous inspirera. Evitez les fautes volontaires, portez au divin Cœur toutes vos peines et amertumes, car tout ce qui vient de lui est doux, il change tout en amour».

Si nous suivions ces bons conseils, comme notre vie serait heureuse, et comme elle serait agréable à Notre-Seigneur!

PRIERE QUOTIDIENNE

Salut au Sacré-Cœur de Jésus, source vive et vivifiante de la vie éter­nelle, trésor infini de la Divinité, fournaise ardente du divin amour, vous êtes le lieu de mon repos, et vous êtes mon asile. O mon Divin Sau­veur, embrasez mon cœur de l'ardent amour dont le vôtre est tout em­brasé, répandez dans mon cœur les grandes grâces dont le vôtre est la source, et faites que mon cœur soit tellement uni au vôtre, que votre vo­lonté soit la mienne, et que la mienne soit éternellement conforme à la vôtre, afin que désormais votre sainte volonté soit la règle de tous mes désirs et de toutes mes actions.

Ainsi soit-il

Treizième jour

Cœur de Jésus,
roi et centre de tous les cœurs,
ayez pitié de nous

Le Cœur de Jésus veut régner sur tous les cœurs. Il veut même ré­gner dans les palais des rois, sur les gouvernements et sur les nations. C'est son droit incontestable. Le Cœur de Jésus est le Cœur de Dieu, il a droit à tous nos hommages. Il est de plus le Cœur de notre Sauveur. Nous lui appartenons donc à tous les titres, et par la création et par la Rédemption.

Notre-Seigneur, à Paray-le-Monial, a revendiqué sa royauté sur tou­tes les nations, quoiqu'il ait parlé plus spécialement de la France. «Mon divin Sauveur, nous dit Marguerite-Marie, a de grands des­seins, qui ne peuvent être exécutés que par sa Toute-Puissance, qui peut tout ce qu'elle veut.

«Il désire donc entrer avec pompe et magnificence dans la maison des princes et des rois, pour y être honoré autant qu'il a été outragé, méprisé et humilié en sa Passion, et pour y recevoir autant de plaisir de voir les grands de la terre inclinés devant lui, qu'il a senti d'amertume de se voir anéanti à leurs pieds.

«Voici, ajoute la Bienheureuse, les paroles que j'ai entendues au sujet de la France. En parlant de notre roi (Louis XIV), mon adorable Sei­gneur m'a dit: «Fais savoir au fils aîné de mon Sacré-Cœur, que comme sa naissance temporelle a été obtenue par la dévotion aux mérites de ma Sainte Enfance, de même il obtiendra sa naissance de grâce et de gloire éternelle par la consécration qu'il fera de lui-même à mon Cœur adora­ble, qui veut triompher du sien, et par son entremise de celui des grands de la terre. Mon Cœur veut régner dans son palais, être peint sur ses étendards et gravé dans ses armes pour les rendre victorieuses de tous ses ennemis, en abattant à ses pieds ces têtes orgueilleuses et superbes, pour le rendre triomphant de tous les ennemis de mon Eglise».

Voici ce que la Bienheureuse a écrit dans un autre endroit: «Le Père éternel, voulant réparer les amertumes et angoisses que le Cœur de son divin Fils a reçues dans la maison des princes de la terre, parmi les humi­liations et outrages de sa Passion, veut établir son empire dans le cœur de notre grand monarque, duquel il se veut servir pour l'exécution de ce dessein, qui est de faire faire un édifice où serait le tableau de ce divin Cœur, pour y recevoir la consécration et les hommages du roi et de tou­te la cour. De plus, ce divin Cœur se veut rendre protecteur et défenseur de sa sacrée personne, contre tous ses ennemis visibles et invisibles dont il le veut défendre. C'est pourquoi il l'a choisi comme son fidèle ami pour faire autoriser la Messe en son honneur par le Saint-Siège apostoli­que; et en obtenir tous les autres privilèges qui doivent accompagner la dévotion de ce divin Cœur, par laquelle il lui veut départir les trésors de ses grâces de sanctification et de salut, en répandant avec abondance ses bénédictions sur toutes ses entreprises, qu'il fera réussir à sa gloire en donnant un heureux succès à ses armes, pour le faire triompher de la malice de ses ennemis. - Heureux donc sera-t-il, s'il prend goût à cette dévotion, qui lui établira un règne éternel d'honneur et de gloire dans ce Sacré-Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ, lequel prendra soin de l'élever et de le rendre grand dans le ciel devant son Père, autant que ce grand monarque en prendra de relever devant les hommes les opprobres et anéantissements que ce divin Cœur y a soufferts; ce qui se fera en lui rendant et lui procurant les honneurs, l'amour et la gloire qu'il en at­tend»..

La Bienheureuse ajoutait: «Mais comme Dieu a choisi le révérend Pè­re de la Chaise pour l'exécution de ce dessein, par le pouvoir qu'il lui a donné sur le cœur de notre grand roi, ce sera donc à lui de faire réussir la chose, secondant en cela l'ardent désir que ce divin Cœur a de se faire connaître en se manifestant aux hommes, pour en être aimé et en rece­voir un hommage tout particulier. Si ce grand serviteur de Dieu s'em­ploie à procurer au divin Cœur le plaisir qu'il désire si ardemment, il peut bien s'assurer qu'il n'a jamais fait d'action plus utile à la gloire de Dieu, ni plus salutaire à son âme, et dont il soit mieux récompensé. Vous ferez bien, si vous trouvez quelques autres Pères de bonne volonté, de les employer à cette affaire; car, par ce moyen, la chose réussira plus facilement, quoique tout y paraisse très difficile, tant pour les grands ob­stacles que Satan se propose d'y mettre, que pour toutes les autres diffi­cultés». (Lettre à la Mère de Saumaise).

Le Père de la Chaise dut remplir son mandat. Louis XIV n'a rien fait. Maintenant, nous sommes en démocratie, la parole est au peuple. Dans les siècles chrétiens, les républiques de Florence, de Sienne, de Gènes et de Venise avaient rendu hommage à Dieu aussi bien que les royaumes de France, d'Espagne, d'Angleterre et de Hongrie. Puisque c'est par la coupable insouciance et l'injustice des rois et des princes (Hérode et Pilate) que le Fils de Dieu a été humilié, méprisé, ac­cablé de souffrances et mis à mort, que son Cœur a été abreuvé d'amer­tume et percé d'une lance, ne serait-il pas juste que les princes et les grands fussent les premiers à lui rendre les hommages qui sont dus à sa suprême majesté, et à honorer son divin Cœur? Car enfin ce Cœur est le Cœur du roi des rois; c'est le Cœur de celui devant qui tous les chefs d'Etats ne sont rien, qui règne sur le monde entier avec une puissance absolue, et qui mérite tout honneur, toute louange et toute gloire de la part de toutes les créatures, dans le temps et dans l'éternité.

Ce Cœur est la source de toute majesté, de toute grandeur, de toute autorité. C'est lui et lui seul qui est capable d'apprendre aux princes et aux gouvernants quel usage ils doivent faire de la puissance suprême. Il leur donnera le secret d'avoir des sujets soumis et fidèles, en leur ensei­gnant à se soumettre eux-mêmes les premiers à Dieu, leur Roi et vérita­ble maître.

Ah! si ceux qui sont appelés à gouverner les peuples ici-bas connais­saient un peu mieux le Cœur de Jésus, ce foyer de lumière pour tous, ils finiraient par comprendre qu'ils ne tiennent leur dignité que de Dieu, et qu'ils n'ont été mis par lui à la tête de leurs frères que pour leur donner l'exemple des vertus chrétiennes et sociales, et pour travailler à leur prospérité matérielle, en veillant sérieusement à leurs intérêts moraux et religieux. Ils comprendraient que, comme les autres et plus sévèrement que les autres, il seront jugés un jour par ce Christ adorable qu'un des leurs a méprisé et fait mourir, et que devant son tribunal juste et redou­table ils porteront le crime de leur nation qu'ils auraient fait dévier du sentier de la justice, et dans laquelle ils auraient laissé pâlir et s'éteindre le flambeau de la foi. Ils comprendraient enfin que l'on ne règne vérita­blement que lorsqu'on est aimé, et qu'un chef d'Etat n'est aimé que lorsqu'il règne à la façon de Dieu. C'est ce règne si heureux et si désira­ble que leur apprendrait le Cœur de Jésus, s'ils venaient auprès de lui.

Notre-Seigneur a laissé entrevoir à la Bienheureuse qu'il faudrait du temps pour que sa demande fût accueillie, et que la bonne volonté du peuple pouvait suppléer à celle des rois.

Elle écrivait à une personne qui l'aidait puissamment à propager la dévotion au Sacré-Cœur: «Ah! que de bonheur pour vous et pour ceux qui y contribuent! car ils s'attirent par là l'amitié et les bénédictions éter­nelles de cet aimable Cœur et un puissant protecteur pour notre patrie. Il n'en fallait pas un moins puissant pour détourner le fiel et la sévérité de la jus­te colère de Dieu pour tant de crimes qui se commettent. Mais j'espère que le divin Cœur s'y rendra une source abondante et inépuisable de miséricorde et de grâces, ainsi qu'il me semble qu'il le promit à notre bon Père de la Colombière, le jour de sa mort».

Quel encouragement pour nous de savoir que notre zèle à tous pour le règne du Sacré-Cœur nous prépare un Puissant protecteur pour notre patrie, aussi bien que l'aurait fait le zèle des grands et des rois!

EXEMPLE

Le vénérable Jean Eudes (1601-1680) est le premier apôtre de la dévo­tion aux Sacré-Cœurs de Jésus et de Marie. Il commença par le Cœur de la Mère, pour s'élever ensuite jusqu'au Cœur du Fils. Cependant il ne les sépara jamais dans sa dévotion. La Congrégation de la Charité et celle des Missionnaires de Jésus et de Marie, qu'il fonda à Caen, l'une en 1641, l'autre en 1643, sont les premières familles religieuses consacrées à ces divins Cœurs. Dès l'année 1643, il célébrait à Caen la fête du Cœur de Marie, qui se propagea bientôt dans d'autres diocèses, avec l'office qu'il avait composé. En 1670, il établit la fête du Sacré-Cœur de Jésus, et en composa aussi l'office, approuvé de plusieurs évêques. Il avait dé­dié spécialement au Sacré-Cœur de Marie, en 1652, son séminaire de Coutances; il dédia spécialement, en 1664, au Sacré-Cœur de Jésus le séminaire de Caen (aujourd'hui l'hôtel-de-ville). Son grand ouvrage in­titulé: Le Cœur admirable de la Mère de Dieu, dont le douzième livre traite du Cœur de Jésus, est un traité solide et plein d'onction, le plus beau qui soit sorti de son cœur embrasé. La fête du Sacré-Cœur ne fut célé­brée à Paray qu'en 1689, avec l'office du Serviteur de Dieu. Coïncidence singulière! il avait réussi, malgré les jansénistes, à faire ac­cepter la dévotion et la fête du Sacré-Cœur dans la célèbre abbaye de Montmartre, sur la colline bénie où deux siècles plus tard ce divin Cœur devait prendre possession de Paris, de la France et de l'univers.

Pendant quarante ans, de 1640 à 1680, le vénérable apôtre ne prêche pas une seule mission sans faire connaître et aimer les divins Cœurs. Aussi ses travaux apostoliques étaient-ils couronnés de succès. Son zèle excitait l'enthousiasme des populations. Il instituait partout des confré­ries en l'honneur des Saints Cœurs de Jésus et de Marie. Il obtenait des évêques l'approbation des offices et des fêtes des Sacrés-Cœurs. C'est le monde entier qu'il aurait voulu jeter dans cette fournaise d'amour.

Imitons son zèle ardent pour répandre cette dévotion toute céleste, qui doit renouveler la face de la terre et attirer les bénédictions divines sur notre patrie.

PRIERE POUR LA FRANCE

Souvenez-vous, ô Cœur infiniment bon, infiniment miséricordieux de Jésus, de votre amour pour la France; souvenez-vous des bienfaits dont vous l'avez comblée et de vos anciennes miséricordes pour elle. Grâce, pitié, miséricorde, ô Cœur adorable, pour notre malheureuse et trop coupable patrie. N'oubliez pas, Seigneur, que c'est à une humble fille de la France que vous avez révélé les tendresses ineffables et les ri­chesses infinies de votre divin Cœur; que c'est dans le sein de notre pa­trie qu'a pris naissance cette précieuse dévotion qui, au milieu de nos malheurs, est encore notre espérance et notre plus douce consolation. Non, non, ô divin Cœur, ce ne sera pas en vain que nous aurons fait ap­pel à votre clémence, et, quelque coupables que nous soyons, vous ne re­pousserez pas la voix de notre humble prière, vous aurez pitié de nos lar­mes et vous ferez cesser les maux qui nous désolent.

Nous vous demandons cette grâce, ô divin Sauveur, par la plaie de vo­tre Cœur adorable et par les dernières gouttes du sang qu'il nous gar­dait, comme un gage de pardon et de paix. Ah! Seigneur! faites surabon­der la miséricorde là où surabonde l'iniquité. Pleins d'une inébranlable confiance en votre infinie bonté, nous ne cesserons de répéter: Miséri­corde divine incarnée dans le Sacré-Cœur de Jésus, couvrez le monde, répandez-vous sur nous.

Quatorzième jour

Cœur de Jésus, dans lequel sont
tous les trésors de la sagesse et de la science, ayez pitié de nous

Nous voudrions donner une de nos journées à un autre grand ami du Sacré-Cœur de Jésus, le saint docteur Lansperge, le chartreux.

Il a résumé dans ses beaux livres: «La Milice chrétienne» et «Le Car­quois du divin amour», toutes les leçons que nous donne le Sacré-Cœur de Jésus, et il conclut que «tous les trésors de la sagesse et de la science divine sont cachés dans ce Cœur adorable».

La dévotion envers le Cœur de Jésus est un abrégé de la dévotion en­vers Jésus incarné, vivant et mourant pour le salut de tous les hommes. L'amour de Jésus est en effet le secret de tous les mystères de son Incar­nation, de sa vie et de sa mort.

Contemplons le Cœur de Jésus et il nous rappellera le péché de nos premiers parents et toutes nos infidélités. Il nous reportera au conseil de la Sainte Trinité qui a décidé l'Incarnation du Verbe pour nous rache­ter.

La méditation du Sacré-Cœur nous redira le choix que le Sauveur a fait de la vie humble et cachée de Nazareth et des souffrances de la Pas­sion pour nous sauver. Elle nous représentera aussi les autres bienfaits de Notre-Seigneur: le don de son Eglise, le don de l'Eucharistie et des sacrements, le don de Marie sa Mère.

Le Cœur de Jésus nous enseigne les perfections infinies de Dieu et les vertus admirables du Verbe incarné. La justice et la miséricorde de Dieu éclatent dans le mystère de l'Incarnation. L'humilité du Christ et le dé­tachement des choses terrestres se manifestent dans sa naissance à Beth­léem. Sa douceur, son obéissance, son amour du travail, son esprit de régularité et de prière brillent surtout dans sa vie cachée à Nazareth. Sa charité, son zèle font l'ornement de sa vie publique. Sa patience, son dé­vouement, son horreur pour le péché resplendissent dans sa Passion.

L'amour de Jésus est le secret de tous ces mystères. Le Cœur de Jésus est donc la source de toutes les lumières dont nous avons besoin. C'est le livre toujours ouvert où sont contenus tous les trésors de la sagesse et de la science.

«On tire de ce Cœur, dit le pieux Lansperge, tout ce que l'on peut souhaiter, et nous ne recevons jamais ni de salut ni de grâce qui ne nous viennent de là. C'est une fournaise du divin amour, qui purge, qui em­brase et qui transforme en soi tous ceux qui désirent de s'unir à ce très aimable cœur».

Toute la science spirituelle se résume dans ce qu'on appelle la vie pur­gative, la vie illuminative et la vie unitive.

Qui nous présentera les conseils de la vie purgative d'une manière plus lumineuse que le Cœur de Jésus? Sa blessure nous rappelle l'hor­reur que mérite le péché et la rigueur de la justice divine qui n'a pu être apaisée que par la mort de l'Homme-Dieu. L'agonie du Cœur de Jésus nous prêche la pénitence, le repentir, l'humilité. La croix et les épines qui sont l'ornement du Cœur de Jésus nous enseignent la mortification, l'expiation et le détachement des joies terrestres.

Pour ce qui est de la vie illuminative, le Cœur de Jésus nous rappelle tous les mystères de la foi et toutes les vertus de la vie parfaite. Les mystères de la foi sont résumés dans le Cœur du Fils de Dieu, immolé pour satisfaire à la justice de son Père et pour sauver les hommes, les enrichir de la grâce et les conduire à la gloire du ciel. Les vertus de la vie parfaite ont toutes leur plus complet exemplaire et leur source dans le Cœur de Jésus. Le Sauveur lui-même nous a dit: «Apprenez de moi que je suis doux et humble de Cœur». Sous une formule plus générale, il a dit aussi: «Je vous ai donné l'exemple, afin que vous fassiez comme j'ai fait, que vous viviez comme j'ai vécu». Il a dit encore: «Suivez-moi, venez après moi».

Voulez-vous contempler l'idéal de l'humilité, de la douceur, de la pu­reté, de la charité, de la patience? allez au Cœur de Jésus. Il vous ensei­gnera la règle de toutes les vertus, qui se résume en cette direction: «Je fais la volonté de mon Père; je ne fais pas ma volonté, mais celle de Celui qui m'a envoyé».

Pour ce qui est de la vie unitive, elle est la pratique la plus parfaite de la charité, elle a donc son modèle et son idéal dans le Cœur de Jésus. Il a été si parfaitement uni à son Père! «Mon Père est en moi et je suis en lui», nous a-t-il dit. Il a demandé à son Père la même grâce d'union pour nous: «Qu'ils soient en nous, lui disait-il, comme vous êtes en moi et moi en vous!».48)

Le Cœur de Jésus est bien le maître de toutes les vertus.

Le dévot Lansperge a eu raison de dire: «On tire de ce Cœur tout ce que l'on peut souhaiter. On y trouve la véritable lumière qui éclaire tous les hommes. C'est une fournaise du divin amour toute ardente par le feu du Saint-Esprit, qui purge, qui embrase et qui transforme en soi tous ceux qui désirent de s'unir à ce très aimable Cœur. Pour tout dire en un mot, c'est dans ce Cœur adorable que tous les trésors de la sagesse et de la science divine sont cachés».

Puis le pieux auteur ajoute ces conseils pratiques: «C'est pourquoi, tenez-vous attaché à lui, sans que ni les lieux, ni les compagnies, ni les occasions puissent vous empêcher d'y courir comme à un lieu de refuge, où vous ne trouverez qu'amour et fidélité. Soyez certain que quand tous les cœurs des hommes vous tromperont, quand ils vous abandonneront et qu'ils manqueront de correspondance, le très bon Cœur de Jésus ne vous trompera et ne vous abandonnera jamais. Il est trop fidèle pour commettre un acte de lâcheté; il a trop d'amour pour vous, pour en per­dre le souvenir; et les douleurs qu'il a souffertes pour vous ne lui permet­tent pas de rien oublier pour achever votre salut. Si vous voulez marcher avec sûreté dans le chemin du ciel et entrer par la véritable porte, n'en cherchez point d'autre que cet aimable Sauveur, et assurez-vous que vous ne monterez jamais à la connaissance de sa divinité que par la voie de son humanité sainte, en vous servant de sa croix comme d'un bâton pour soutenir vos pas et appuyer votre faiblesse.

«Offrez lui toutes vos bonnes œuvres et unissez-les aux siennes; entrez en société avec lui par une amoureuse confiance, il prendra plaisir à ce négoce; et, mettant vos mérites avec les siens, tout sera commun entre vous deux, et il vous rendra participants de ses trésors immenses… Quel est l'homme qui ne donnerait volontiers un petit morceau de cuivre pour une grosse masse d'or; qui ne changerait un caillou contre une pierre précieuse? Vous pouvez faire cet échange spirituel, si vous unissez toutes vos paroles, toutes vos actions, toutes vos pensées et toutes vos souffran­ces à celles de Jésus».

Que ce soit là désormais notre règle de vie. En toutes circonstances, disons à Notre-Seigneur: «O mon Dieu et mon Sauveur, j'unis ce travail à celui que vous avez fait sur la terre; j'unis cette souffrance à celles que vous avez supportées pour moi». Si nous agissons ainsi, toutes nos ac­tions recevront un grand prix de leur union avec celles de Jésus.

EXEMPLE

Le R. P. Claude de la Colombière, né près de Lyon en 1641, entra dans la Compagnie de Jésus en 1659. Il se livra à la prédication avec un zèle apostolique: on eût dit ses sermons élaborés dans la fournaise du Cœur de Jésus. Il fut envoyé à Paray-le-Monial en 1674. La bienheu­reuse Marguerite-Marie, honorée des apparitions du Cœur de Jésus, entendit une voix lui dire: «Voilà celui que je t'envoie». Il dirigea en ef­fet avec une sagesse admirable la sainte visitandine, «n'épargnant rien, dit-elle, pour m'humilier et me corriger, ce qui me faisait grand plaisir». Il fut son auxiliaire dévoué dans l'apostolat de la dévotion au Sacré­Cœur, que sa parole embrasée fit connaître non seulement à Paray, mais à Lyon et même à Londres, où il fut persécuté et incarcéré. Quand il fut de retour à Paray, la Bienheureuse lui écrivit que le Sacré-Cœur voulait le sacrifice de sa vie, et, en effet, il expirait doucement peu de temps après, le 15 février 1682.

Il s'était engagé par vœu à ne jamais rien faire que pour la gloire de Dieu et à souhaiter d'être méprisé, rebuté, calomnié, et tenu pour insen­sé, sans qu'il y donnât occasion, pourvu que Dieu n'y fût point offensé. Les miracles opérés, dit-on, sur son tombeau, font espérer que l'Eglise l'associera bientôt aux honneurs qu'elle a décernés à la Bienheureuse.

Il a laissé quelques écrits et notamment le livre de sa Retraite où l'on retrouve tout l'esprit de la vraie dévotion au Sacré-Cœur.

PRIERE

«O Cœur très noble, très miséricordieux et très doux de mon très fidè­le amant, de mon Dieu et de mon Seigneur Jésus! je vous prie de tirer et d'absorber en vous mon cœur, toutes mes pensées et mes affections, toutes les puissances de mon âme et de mon corps, tout ce qui est en moi, tout ce que je suis et tout ce que je puis; ensevelissez et abîmez tout en vous, pour votre gloire et pour l'accomplissement de votre très sainte vo­lonté, O Jésus! mon très miséricordieux Seigneur! je me recommande à votre divin Cœur, je me résigne et m'abandonne entièrement entre vos mains. Je vous supplie aussi, ô Dieu très bénin! de m'ôter ce méchant cœur, impie et ingrat, et de me donner votre Cœur déifique, ou faites que mon cœur soit selon votre Cœur et selon votre bon plaisir.

Ah! Seigneur, mon Dieu, mon Sauveur et mon Rédempteur! ôtez­moi tous mes péchés et détruisez en moi tout ce qui vous déplaît, et ver­sez de votre Cœur dans le mien tout ce qui vous plaira davantage.

Convertissez-moi parfaitement et prenez une pleine possession de tout ce qui est en moi, pour en faire ce qui vous sera le plus agréable. Unissez mon cœur avec votre Cœur, ma volonté avec votre volonté, afin que je ne veuille jamais autre chose et que je ne puisse rien vouloir autrement que ce que vous voulez et comme vous le voulez. O doux Jésus! ô mon Dieu! faites que je vous aime de tout mon cœur en toutes choses».

Quinzième jour

Cœur de Jésus, dans lequel réside
toute la plénitude de la divinité,
ayez pitié de nous

L'Eglise, dans sa liturgie, compare le Cœur de Jésus à l'Océan: «Mon âme, s'écrie-t-elle, soupire après le Cœur de mon Seigneur, c'est là que Dieu a placé, comme dans un vase d'élection,'toutes les eaux de la mer, des abîmes de grâces et de richesses».49)

Aussi, comme Dieu est appelé l'Océan de l'être, pelagus essentiae,50) le Cœur de Jésus peut s'appeler l'Océan de la grâce, pelagus gratiarum; il est le lieu de toutes les grâces, comme l'Océan est le lieu de toutes les eaux;51) et ces eaux immenses sont en lui, avec leurs voix énergiques, leurs élan­cements admirables, leur étonnante puissance, leur inépuisable fécon­dité.

Océan divin, Océan de vie, les flots divins que vous jetez sur ce mon­de ne lui portent que la fertilité et la paix.

Que les grandes eaux de votre Cœur, ô Jésus, sont donc différentes des eaux amères et fangeuses que Dieu dut, aux premiers jours, séparer de la terre! Ce n'est point en se séparant de vous, c'est en allant à vous, c'est en entrant en vous pour s'y perdre qu'on trouve la véritable vie. Il faut naître en vous et non pas hors de vous, et vous êtes source de vie, non pas seulement en vous épanchant, mais en attirant tout à vous.

C'est au Cœur de Jésus qu'est la plénitude de la divinité, c'est là qu'il faut aller puiser la vie surnaturelle et la sainteté.

Un jour de Quasimodo, au moment où on lisait dans l' Evangile que le Seigneur souffla sur ses disciples et leur donna ainsi le Saint-Esprit, sain­te Gertrude pria le Seigneur, avec grande dévotion, de lui octroyer aussi cet Esprit plein de douceur.

Le Seigneur lui répondit: «Si tu désires recevoir le Saint-Esprit, il faut qu'auparavant, comme mes disciples, -tu touches à mon côté et à mes mains».

Par ces paroles, elle comprit que celui qui désire recevoir le Saint­Esprit doit d'abord toucher le côté du Seigneur, c'est-à-dire considérer avec reconnaissance l'amour du Cœur de notre Dieu. Par cet amour, il nous a prédestinés de toute éternité pour être les enfants et les héritiers de son royaume. Il faut considérer aussi comment il nous prévient sans cesse de toutes sortes de bienfaits et poursuit de ses grâces des ingrats.

Il faut encore toucher les mains du Seigneur, c'est-à-dire se rappeler avec gratitude chacune des œuvres de la Rédemption, à laquelle Notre­Seigneur a travaillé trente-trois ans pour notre amour, et surtout en sa Passion et à sa mort. Lorsque ce souvenir l'aura échauffée, l'âme dévote offrira son cœur à Jésus en union de l'amour qui lui a fait dire: «Ainsi que mon Père m'a envoyé, ainsi je vous envoie. Recevez le Saint­-Esprit».52) Et cela pour tout ce qu'il plaira à Dieu d'en faire: en sorte qu'en toutes choses, l'homme ne veuille ni ne désire que le suprême bon plaisir de Dieu; que, de plus, il se prête à faire et à souffrir tout ce que le Seigneur lui enjoindra. Quand on aura fait tout cela, sans aucun doute on recevra le Saint-Esprit dans la même disposition que les disciples, lor­squ'ils le reçurent par le souffle du Fils de Dieu.

Ainsi, pour recevoir en soi la grâce du Saint-Esprit, il suffit de toucher le Cœur sacré de Jésus et de se souvenir de ses bienfaits.

En voici un exemple. La veille de la Pentecôte, Gertrude priait dévo­tement pendant l'office divin pour être préparée à la venue du Saint­Esprit, lorsqu'elle entendit le Seigneur lui dire: «Vous recevrez la vertu du Saint-Esprit, qui surviendra en vous».53) Ces paroles du Seigneur la remplirent d'une merveilleuse douceur, et elle se mit à considérer avec une profonde humilité combien elle était indigne de tant de grâces.

Il lui sembla que cette pensée de son indignité allait creuser dans son cœur un abîme d'autant plus profond qu'elle s'estimait une plus vile créature. Elle vit alors que du Cœur du Fils de Dieu s'écoulait une source très pure et douce comme un rayon de miel; peu à peu, à force de couler, elle remplissait jusqu'au bord l'abîme creusé par l'humilité dans son pro­pre Cœur. Elle sentit que cela désignait la douceur de l'esprit consola­teur, qui coule avec suavité par le Cœur de Jésus dans le cœur des élus.

Le lendemain, à tierce, pendant que l'on chantait le Veni Creator, le Seigneur Jésus lui apparut; il semblait ouvrir de ses deux mains, en face d'elle, son cœur rempli de toute douceur. Elle tomba aussitôt à genoux et sa tête reposait sur le Cœur sacré. Le Seigneur Jésus, prenant sa tête, parut l'enfermer dans son Cœur divin. Il s'unit de la sorte sa volonté qu'on appelle le chef de l'âme. - A la seconde strophe: Qui diceris Para­clitus, obéissant à l'avis du Seigneur, elle mit ses deux mains sur le Cœur divin, et obtint de la sorte le secours de la divine consolation pour toutes ses œuvres. - A la troisième strophe: Tu septiformis munere, elle obtint la sanctification de tous ses désirs. - Par la quatrième strophe: Accende lu­men sensibus, elle recommanda ses sens au Seigneur: elle en reçut la pro­messe que ses sens seraient tout illuminés et que le prochain en recevrait une grande édification. - A la cinquième strophe: Hostem repellas longius, le Seigneur se penchant sur elle lui témoigna son amitié, et elle reçut comme un bouclier pour repousser loin d'elle tous les traits de l'ennemi.

Gertrude médita longuement sur ces faveurs extraordinaires et elle re­connut qu'elle avait reçu du Cœur de Jésus la vertu du Saint-Esprit, comme Notre-Seigneur le lui avait promis.

Le Cœur de Jésus possède donc bien la plénitude de la divinité. C'est de lui que nous obtenons l'Esprit-Saint et ses grâces.

C'est en lui aussi que le pécheur rencontre la miséricorde du Père Cé­leste et en obtient son pardon.

Notre-Seigneur a dit aussi à sainte Gertrude: «Il sera bon de faire connaître aux hommes l'avantage qu'ils trouveront à se souvenir sans cesse que moi, le Fils de la Vierge, je me tiens debout devant Dieu le Pè­re. Que s'ils viennent à commettre en leur cœur quelque faute par fragi­lité humaine, j'offre pour eux mon Cœur sans tache à Dieu le Père; s'ils pèchent par action, je lui présente mes mains percées; et il en est de mê­me pour toutes les autres fautes qu'ils commettent; mon innocence apai­se incontinent mon Père. A ce souvenir, ils se repentiront et obtiendront toujours sans peine leur pardon. C'est pourquoi je voudrais que mes élus, après avoir reçu le pardon de leurs péchés, me rendissent de perpé­tuelles actions de grâces pour leur avoir obtenu d'être si facilement exau­cés».54)

Adorons, dans le Cœur de Jésus, la plénitude de la divinité et puisons avec humilité à cette source de toute sainteté, de toute ferveur, de toute vertu, de toute miséricorde.

EXEMPLE

Le cher saint est plus que jamais l'objet de la confiance et de l'affec­tion de tous dans l'Eglise. On sait qu'il a été un grand thaumaturge, un grand ami des pauvres, on s'adresse à lui pour obtenir toutes sortes de grâces. On connaît moins son ardente dévotion envers le Sacré-Cœur de Jésus. Il a des pages tout à fait analogues à celles de sainte Gertrude. Comme elle, il compare le Cœur de Jésus au creux d'un rocher, à un autel d'or, à une cité de refuge.

«Le creux de la pierre, dit-il, où l'âme doit se réfugier, c'est la plaie du côté de Jésus-Christ. Il y a dans sa chair de nombreuses blessures et il y a la plaie de son côté; celle-là mène à son Cœur, c'est là qu'il appelle l'âme dont il fait son épouse. Il lui a tendu les bras; il lui a ouvert son cô­té et son Cœur pour qu'elle vienne s'y cacher. En se retirant dans les profondeurs de la pierre, la colombe se met à couvert des poursuites de l'oiseau ravisseur; en même temps, elle se ménage une demeure tran­quille où elle demeure doucement… Et l'âme religieuse trouvera dans le Cœur de Jésus, avec un asile assuré contre toutes les machinations de Satan, une délicieuse retraite… Ne restons donc pas à l'entrée de la grot­te; allons au plus profond. A l'entrée de la grotte, aux lèvres de la plaie, nous trouvons, il est vrai, le sang qui nous a rachetés… Il parle, il de­mande miséricorde pour nous. Mais là ne doit pas s'arrêter l'âme reli­gieuse. Lorsqu'elle a entendu la voix du sang divin, qu'elle aille jusqu'à la source de laquelle il découle, au plus intime du Cœur de Jésus. Là, el­le trouvera la lumière, la consolation, la paix, des délices ineffables.

«Il y avait, ajoute le saint, dans la loi ancienne deux autels: l'autel d'airain ou des holocaustes, et l'autel d'or ou des parfums… Jésus­Christ est tout à la fois ces deux autels: autel d'airain, dans son corps tout sanglant, immolé à la vue de tout le peuple; autel d'or, dans son cœur tout brûlant d'amour… Sur le premier, offrons nos larmes de componction et de repentir; sur le second, l'encens de notre tendresse et de notre dévotion…».

Le cher saint disait encore: «Les cinq plaies du Sauveur sont les cités de refuge dont parlait le prophète. Un cri s'élève de ces cités divines. A nous, elles parlent de repentir, de confiance, d'amour; à Dieu le Père, de miséricorde et de pardon… Une de ces villes, disait Isaïe, sera appelée Cité du Soleil. Si les cinq plaies du Sauveur sont des cités de refuge, la plaie de son Cœur divin est la cité du soleil, l'éternel foyer de la lumière et de l'amour».

PRIERE

O Cœur blessé d'amour et immolé par l'amour sur nos autels, je m'unis à vous, je m'anéantis devant vous! … je veux m'oublier pour penser à vous: être oublié, méprisé pour l'amour de vous, n'être compris et aimé que de vous. Je me tairai pour vous entendre et je me quitterai pour me perdre en vous.

O Cœur eucharistique de mon Jésus, dont le sang est la vie de mon âme, faites que je soulage votre soif ardente de ma sainteté, et que, puri­fié, je vous offre enfin un pur et véritable amour, à vous qui, étant Dieu, vivez et régnez avec le Père et le Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il

Seizième jour

Cœur de Jésus,
objet des complaisances du Père céleste,
ayez pitié de nous

Le Cœur de Jésus est l'objet des complaisances du Père céleste, non seulement parce qu'il est le Cœur de son Fils bien-aimé, le Cœur orné de toutes les perfections du Verbe incarné, mais aussi parce que Dieu le Père reçoit de ce Cœur, dans la mesure la plus pleine, tout ce qu'il at­tendait de ses créatures: l'adoration, la louange, l'action de grâces, l'of­frande, l'amende honorable.

Sainte Mechtilde a bien mis en lumière ces actes du Cœur de Jésus si agréables à son Père.

Un jour, la chère sainte avait le désir de louer, adorer et glorifier par­faitement son Dieu. «Oh! si j'en avais maintenant le pouvoir, disait-elle à Notre-Seigneur, je ferais plier humblement les genoux devant vous, mon très doux et très fidèle ami, au ciel, à la terre et à l'enfer avec toutes les créatures».

Le Seigneur lui répondit avec bonté: «Demande-moi d'accomplir ce voeu en moi-même; car en moi est contenue toute créature, et quand je me présente devant mon Père pour remplir l'office de louanges ou d'ac­tions de grâces, j'ai charge de suppléer ce qui manque en la créature».

C'est par le Sacré-Cœur que nous pouvons adorer Dieu d'une maniè­re digne de sa majesté infinie. Le Fils de Dieu fait homme peut seul offrir un hommage digne de la Sainte-Trinité. C'est par lui que les anges et les hommes peuvent louer parfaitement la majesté infinie.

L'Eglise exprime cette doctrine dans la préface de la messe: «Il est rai­sonnable et juste, équitable et salutaire, que toujours et en tout lieu, nous vous rendions grâces, Seigneur saint, Père tout-puissant, Dieu éternel, par le Christ Notre-Seigneur, par lequel les anges louent votre Majesté, les Dominations adorent, les Puissances tremblent, les Cieux et les Vertus des cieux, les bienheureux Séraphins vous célèbrent dans une commune allégresse. Permettez que nous mêlions nos voix aux leurs et que nous disions dans notre humble langage: «Saint, saint, saint le Sei­gneur Dieu des armées. Les cieux et la terre sont remplis de votre gloire. Hosanna au plus haut des Cieux!

Ainsi toute louange qui arrive au plus haut des cieux doit passer par les lèvres et le Cœur de Jésus-Christ.

Un jour, Mechtilde chantait à Dieu des actions de grâces; elle pria le Fils de Dieu lui-même, Jésus, l'Epoux de l'âme aimante, de vouloir bien rendre à Dieu le Père des louanges d'amour en son nom.

O admirable condescendance! Le Fils de Dieu se présente aussitôt avec respect devant son Père céleste et exalte sa grandeur en ces termes:

Coetus in excelsis te laudat coelicus omnis

Et mortalis homo, et cuncta creata simul.

«Toute l'assemblée céleste vous loue dans les hauteurs suprêmes; et l'homme mortel et toutes les créatures s'y joignent de concert».

Par ces mots: l'assemblée céleste, Mechtilde comprit que le Seigneur atti­rait à lui l'accord de toutes les louanges des habitants du ciel. Et par celles-ci: l'homme mortel, qu'il y unissait les intentions de tous les hom­mes. Par ces dernières: toutes les créatures, qu'il rassemblait en lui-même l'essence de toute créature pour célébrer les louanges de Dieu le Père. De cette manière, il faisait retentir pour elles, en la présence de Dieu le Pè­re, la louange au nom des cieux, de la terre et des enfers.

La sainte demanda un jour à Notre-Seigneur comment elle ferait pour le louer dignement. Notre-Seigneur lui dit qu'elle devait, à chacune des louanges qu'elle offrait, frapper un coup sur le Sacré-Cœur. Il voulait sans doute signifier que son Cœur, averti par ce coup, accueillait la louange de la sainte, y joignait la sienne et en faisait ainsi une louange parfaite. La sainte en effet offrit trois actes de louange et frappa trois fois au Cœur de Jésus et à chaque coup le ciel retentissait de la louange du Christ. Repente in ipso ictu totum coelum insonuit.

La sainte avait loué la Trinité à cause de son infinie grandeur. «A vous, disait-elle, honneur et empire, à vous gloire et puissance, à vous louange et jubilation dans les siècles éternels, ô bienheureuse Trinité!».

Elle avait loué Dieu des grâces accordées à Marie et aux saints déjà en possession du ciel, en disant: «C'est justement que toutes vos créatures vous louent, vous adorent, vous glorifient, ô bienheureuse Trinité. A vous louange, à vous gloire, à vous actions de grâces!».

Enfin, elle avait loué Dieu de toutes les grâces qu'il a versées sur les justes pour les sanctifier, sur les pécheurs pour les convertir, sur les âmes du purgatoire, que sa miséricorde absout chaque jour et conduit aux joies du ciel. Elle avait dit: «De Dieu vient tout, en lui tout existe. A lui gloire dans les siècles des siècles».

Le Cœur de Jésus avait accueilli toutes ces louanges, les avait divini­sées et offertes à la Sainte-Trinité.

Le Cœur de Jésus est aussi l'organe de nos réparations et amendes honorables.

Un jour, Notre-Seigneur apparut à Mechtilde les mains et les pieds liés. Il lui disait: «Toutes les fois que l'homme pèche mortellement, il me lie ainsi; il me tient dans ce tourment, tant qu'il persévère dans le péché».

Notre-Seigneur se plaignait à elle d'être maltraité de tant de manières dans son Eglise; trois choses surtout le blessaient: le clergé ne s'appli­quait pas à la Sainte Ecriture, mais la faisait servir à sa vanité; les reli­gieux négligeaient les choses intérieures et se portaient aux extérieures; le peuple n'avait pas de souci de la parole de Dieu ni des sacrements de l' Eglise.

Mechtilde était donc préoccupée d'offrir des réparations pour les pé­chés des autres, mais elle pensait surtout à ses propres péchés. Un jour, elle gémissait d'avoir passé le temps de sa vie dans l'inutilité; elle se pro­posait de vivre à l'avenir, si c'était possible, jusqu'au dernier jugement même, dans la douleur et la souffrance. Le Seigneur lui dit: «Pour répa­rer tes omissions et combler ce vide, salue mon Cœur à cause de sa divi­ne bonté; salue mon Cœur à cause des grâces sans nombre qui se sont épanchées et s'épancheront sur toutes les âmes qui doivent être sauvées». Le Cœur de Jésus se faisait donc l'organe de sa réparation.

Un jour de Vendredi-Saint, quand le moment fut venu pour elle d'adorer la croix, elle dit par une inspiration divine: «Voici tous mes dé­sirs, ô mon Seigneur, je les attache ici et je les conforme à vos désirs afin que pleinement purifiés et parfaitement sanctifiés par ce contact, ils ne puissent plus désormais s'arrêter aux choses de la terre». A la plaie de la main droite, le Seigneur lui dit: «Cache ici tes biens spirituels, afin que toutes les négligences que tu auras pu commettre sous l'habit religieux soient pleinement réparées par mes richesses».

A la main gauche, il dit: «Place ici toutes tes peines et tes afflictions; unies à mes souffrances, elles deviendront douces et exhaleront devant Dieu un parfum agréable».

A la plaie du cœur, il dit: «Cette plaie d'amour est si grande qu'elle embrasse le ciel et la terre et tout ce qu'il renferment; viens y placer ton amour près de mon divin Cœur, pour qu'il devienne parfait et qu'il se confonde en un seul amour, tel qu'un fer ardent avec le feu».55)

Ainsi Notre-Seigneur donne un prix immense à nos humbles répara­tions quand elles passent par ses plaies. Il est l'objet des complaisances de son Père, parce que son Père reçoit de lui seul des adorations, des louanges, des réparations dignes de son infinie Majesté.

EXEMPLE

Saint François de Sales ne peut pas être séparé de la bienheureuse Marguerite-Marie. Il avait fondé l'ordre de la Visitation pour honorer le Cœur de Jésus par l'imitation de sa douceur et de son humilité. Il y atti­ra miraculeusement la Bienheureuse en se manifestant à elle un jour dans une de ses images. Il lui apparut souvent pour la guider et l'encou­rager dans l'établissement de la dévotion au Sacré-Cœur.

Déjà avant Marguerite-Marie, une pieuse sœur de la Visitation, mor­te en odeur de sainteté, la sœur Anne-Marguerite Clément, avait eu des vues sur cette mission de saint François de Sales. La bienheureuse Marguerite-Marie le savait et en était encouragée. Elle avait lu ceci dans la vie de cette sainte âme:

«Dieu lui fit connaître que, pendant sa vie terrestre, saint François de Sales faisait son séjour dans le Cœur de Jésus-Christ, où son repos ne pouvait être interrompu par ses plus grandes occupations; que comme Moïse devint le plus doux de tous les hommes en conversant familière­ment avec son Dieu, de même ce bienheureux, par sa familiarité avec son cher amour arriva à la perfection des deux vertus du Cœur de Jésus­-Christ, la douceur et l'humilité; que ce saint législateur a été inspiré d'établir un ordre dans l'Eglise, pour honorer l'adorable Cœur de Jésus et ses deux plus chères vertus, qui sont le fondement des règles et consti­tutions de la Visitation».

La douceur était la vertu dominante de saint François de Sales. Il di­sait un jour qu'il avait été trois ans à l'étudier à l'école de Jésus-Christ, et que son cœur ne pouvait se contenter là-dessus.

Quelques personnes l'ayant un jour blâmé de son indulgence pour les pécheurs, il leur répondit: «S'il y avait quelque chose de meilleur que la douceur, Dieu nous l'aurait appris. Mais il ne nous recommande que deux choses, d'être doux et humbles de cœur. Me voulez-vous empêcher d'observer le commandement de Dieu, et d'imiter, le plus que je pourrai, la vertu dont il nous a donné l'exemple, et dont il fait si grand cas?

Par sa douceur, il ramena à Dieu une infinité de pécheurs.

Prenons saint François de Sales comme modèle dans sa douceur, son humilité, son zèle, son amour de Notre-Seigneur, et nous serons de vrais serviteurs du Sacré-Cœur.

PRIERE

====Au Cœur blessé de Jésus-Christ, par la bienheureuse Marguerite-Marie==== O amoureux Cœur de Notre-Seigneur Jésus-Christ! O Cœur qui blessez les cœurs plus durs que la pierre, qui échauffez les esprits plus froids que la glace, et attendrissez les entrailles plus impénétrables que le diamant, blessez donc, ô mon aimable Sauveur, mon cœur par vos sa­crées plaies, et enivrez-moi de votre Sang, en sorte que de quelque côté que je me tourne, je ne puisse rien voir que mon divin Crucifié, et que tout ce que je regarderai me paraisse teint de votre sang. O mon bon Jésus, faites que mon cœur ne se repose point qu'il ne vous ait trouvé, vous qui êtes son centre, son amour et sa félicité.

O Cœur divin, qui nous avez montré sur la croix l'excès de votre amour et de votre miséricorde en vous laissant ouvrir pour donner en­trée aux nôtres, recevez-les donc maintenant en les attirant par les liens de votre ardente charité, pour les consumer, par la véhémence de votre amour».

Dix-septième jour

Cœur de Jésus,
dont la plénitude se répand sur nous,
ayez pitié de nous

La plénitude de lumière et de grâces du Cœur de Jésus se répand sur les âmes dans la mesure de leurs dispositions. C'est un soleil qui darde ses rayons, c'est une source qui s'épanche.

«Il m'a semblé voir, dit Marguerite Marie, cet adorable Cœur com­me un soleil qui jetait ses rayons de toutes parts et sur chaque cœur, mais d'une manière bien différente, selon les différentes dispositions de ceux sur lesquels ces rayons tombaient. Car les âmes des réprouvés s'en­durcissaient encore davantage, comme la boue s'endurcit aux rayons du soleil. Et, au contraire, les cœurs des justes en devenaient plus purs et se ramollissaient comme la cire».

La Bienheureuse recevait cette faveur pour elle-même tous les pre­miers vendredis du mois.

«Le Sacré-Cœur, dit-elle, m'était représenté comme un soleil brillant d'une éclatante lumière, dont les rayons ardents tombaient d'aplomb sur mon cœur, lequel se sentait alors embrasé d'un feu si consumant, qu'il me semblait qu'il allait me réduire en cendres. C'était particulière­ment en ce temps que mon divin Maître me révélait ce qu'il désirait de moi, et me manifestait les secrets de son aimable Cœur».

Oui, le Cœur de Jésus est bien en effet le soleil des âmes, le soleil de justice qui s'est levé sur le monde des intelligences et des cœurs. On peut lui appliquer la prophétie d'Isaïe: «Lève-toi, Jérusalem, tressaille d'allégresse, voici le jour qui paraît pour toi, voici venir ta lumière, cette lumière à la clarté de laquelle devront marcher les nations, les rois et les peuples de la terre; car mon juste, dit le Seigneur, sortira et jettera de l'éclat comme un soleil».56)

Comme le soleil, le Cœur de Jésus est destiné à rayonner dans l'uni­vers entier, et à porter partout une lumière salutaire, jusque dans les profondeurs les plus cachées des âmes.

Le Cœur de Jésus est le soleil qui nous éclaire par son Evangile, cet Evangile qui est réellement le produit du Cœur divin et que Jésus­-Christ a donné aux hommes comme un faisceau de vérités, de lumières, d'enseignements et d'exemples; cet Evangile qui a lui dans les ténèbres et qui doit porter à toutes les nations et à toutes les âmes assises dans les obscurités de la mort, la douce influence de ses clartés divines, afin de dissiper leurs erreurs et de diriger leur marche dans la voie de la paix. Le Cœur de Jésus est encore le soleil qui nous éclaire par son Eglise, cette Eglise que Jésus a conçue dans la sollicitude de son Cœur pour nous, qu'il a acquise et fondée par le sang de son Cœur. Le Cœur de Jé­sus apparaît au sein de l' Eglise comme l'astre qui éclaire tout, anime tout, vivifie tout.

Le Cœur de Jésus est un soleil qui nous éclaire par l'ineffable beauté de toutes les vertus qui sont renfermées en lui comme en leur sanctuaire et en leur source. Ses exemples suffisent aux hommes de tout âge, de tout rang, de toute condition. «La lumière des hommes, dit saint Jean, c'est la vie du Fils de Dieu»,57) qui se résume tout entière dans les infinies perfections de son Cœur.

Le Cœur de Jésus est encore le soleil qui nous éclaire, parce que c'est de lui, comme de leur foyer, que partent ces traits de grâce qui illumi­nent notre esprit, touchent notre cœur, inclinent notre volonté vers le bien, nous révèlent les imperfections de notre âme, et nous donnent le remords après le péché. C'est dans ce Cœur sacré qu'il faut aller puiser les grâces qui dissipent nos doutes et nos troubles.

Semblable au soleil de la création, le Cœur de Jésus ne se contente pas d'éclairer, il échauffe aussi; il n'est pas seulement un foyer de lumière, il est aussi un foyer de chaleur. Quelle est l'âme qui, en s'approchant avec confiance de ce Cœur adorable, n'a pas senti ses glaces se fondre et son ardeur se ranimer par les flammes du divin amour qui s'échappent con­stamment de sa plaie sacrée?

Quand l'âme est pure, elle reproduit et réfléchit ce divin soleil de justi­ce comme un miroir fidèle. Ecoutons la bienheureuse Marguerite­-Marie. Elle venait de recevoir une grâce tellement insigne, que Notre­-Seigneur lui avait déclaré qu'elle n'en connaîtrait l'étendue qu'à l'heure de la mort. En attendant, il voulut lui en donner une faible idée par une image sensible qu'elle décrit en ces termes: Une lumière sortait de la plaie de son adorable côté et s'élançait dans mon cœur, ce qui me faisait ressentir une ardeur très grande. J'entendis ces paroles: «C'est ainsi que l'amour de mon Cœur fait un continuel rayonnement dans le cœur que je t'ai donné, et qui, par un autre rayonnement, renvoie les biens dans leur source».

O Jésus, que votre Cœur divin brille dans le petit monde de mon intérieur! Je veux qu'il éclaire mon esprit, qu'il enflamme mon cœur, qu'il me découvre le fond de mon âme, et qu'il se reflète sur le fond de ma vie tout entière. Je veux que mon cœur soit assez pur pour reproduire et conserver l'image de votre Cœur! Je veux, ô Jésus, que vous voyez vo­tre Cœur en regardant le mien!

Ce n'est pas seulement comme un soleil que le Cœur de Jésus projette sur nous ses rayons, c'est comme une source qu'il déverse sur nous de sa plénitude.

«J'ai reçu, dit la Bienheureuse, de grands effets de la protection de la très sainte Vierge. Une fois, elle me fit voir le Sacré-Cœur de Jésus com­me une source d'eau vive où il y avait cinq canaux qui coulaient avec complaisance dans cinq cœurs de cette communauté, qu'il avait choisis pour les remplir de cette divine abondance. Il y en avait cinq autres au­dessous qui recevaient beaucoup, mais ils laissaient couler par leur faute cette eau précieuse».

L'Esprit-Saint, dans l'Ecriture, a soin de nous apprendre que dans le paradis terrestre il y avait une source abondante qui arrosait en tous sens ce lieu de délices, et y entretenait la fraîcheur et la fécondité. N'était-ce pas une image du Cœur de Jésus, cette source divine qui coule dans l'Eglise, comme un fleuve immense, comme un fleuve de vie? les eaux que nous donne cette source mystérieuse, c'est le sang divin qui, sortant de ce Cœur adorable, va se répandre sur le monde en torrents de grâces.

Toutes les grâces de salut et de sanctification que le Sauveur nous a méritées par son Incarnation et sa Passion, il les a réunies dans son Cœur sacré comme dans un réservoir mystérieux.

C'est donc dans ce Cœur divin qu'une âme souillée par le péché doit aller se purifier pour reprendre sa beauté surnaturelle. Notre-Seigneur disait à Marguerite-Marie: «L'âme trouve dans mon Cœur la source des eaux vives pour se purifier».

C'est dans ce Cœur divin qu'une âme desséchée par les passions et rendue semblable à un désert stérile, va se rafraîchir et reprendre sa fer­tilité spirituelle. Le prophète Joël avait annoncé cette merveille: «En ce temps-là, il sortira, dit-il, une source qui fera refleurir la terre de Juda couverte de ronces et d'épines».

C'est à cette source d'eau vive qu'une âme fatiguée et affaiblie par les

épreuves de la vie et par ses luttes avec le démon et le monde, va se désal­térer et ranimer ses forces abattues. Ainsi les Hébreux au désert allaient se rafraîchir à la source que Moïse fit jaillir du rocher.

Le Cœur de Jésus est une source de sanctification. Ses eaux mysté­rieuses donnent la force et la santé à l'âme. Elles la font avancer dans la vie surnaturelle et dans les voies de la perfection.

Disons avec la Samaritaine: «Seigneur, donnez-moi à boire de cette eau».

EXEMPLE

La sœur Anne de Rémusat est la digne émule de la bienheureuse Marguerite-Marie. Elle eut les mêmes grâces à Marseille que Marguerite-Marie avait eues à Paray. C'est elle qui sauva Marseille de la peste, avec le concours de Monseigneur de Belzunce. Elle propagea les Sauvegardes, images du Sacré-Cœur sur un morceau d'étoffe, avec l'inscription: Arrête! le Cœur de Jésus est là. Sa confiance fut récompensée: plus d'une fois le fléau sembla reculer devant la sainte image. Elle de­mandait aussi la consécration effective des fidèles au Sacré-Cœur.

Voici d'ailleurs son récit:

«Notre mère supérieure, dit-elle, m'avait demandé de prier Notre­Seigneur qu'il daignât nous faire connaître par quels moyens il voulait qu'on honorât son Cœur pour obtenir la cessation du fléau qui ravageait la ville. Je l'ai prié, un peu avant la communion, de faire sortir de son Cœur adorable une vertu qui non seulement guérît les souillures de mon âme, mais qui m'éclairât sur l'objet de la demande que j'étais obligée de lui faire. Il m'a montré qu'il voulait purger l'Eglise de Marseille des er­reurs dont elle était infectée (le jansénisme), en lui ouvrant son Cœur adorable, source de toute vérité; qu'il demandait une fête solennelle au jour qu'il s'était lui-même choisi pour honorer son Cœur, et qu'en at­tendant de lui rendre cet honneur, il fallait que chaque fidèle se dévouât par une prière au choix de Monseigneur l'évêque, à honorer selon le dessein de Dieu le Cœur Sacré de son Fils; que par ce moyen, ils se­raient délivrés de la contagion; et, qu'enfin, tous ceux qui s'adonne­raient à cette dévotion ne manqueraient de secours que lorsque ce divin Cœur manquerait de puissance».

On sait comment Monseigneur de Belzunce consacra Marseille au Sacré-Cœur et la sauva de la peste.

Pour nous, Notre-Seigneur attend pour nous bénir que nous fassions à son Cœur une consécration effective, non pas seulement avec des pa­roles mais avec des habitudes de réparation, d'amour et de sacrifice.

PRIERE

O Jésus, je souhaite que mon pauvre cœur ne vive plus désormais que sous l'obéissance de votre Cœur adorable; par là, je serai plus humble, plus doux, plus charitable, puisque votre Cœur est surtout admirable par votre douceur, par votre humilité et par votre charité. O mon Dieu, quand me ferez-vous la grâce de m'ôter mon chétif cœur, et de mettre le vôtre à sa place, sinon en ce divin sacrement de l'Eucharistie, qui est le souverain gage de votre amour?

Loué, adoré, aimé et remercié soit à tout moment le Cœur eucharisti­que de Jésus dans tous les tabernacles du monde jusqu'à la consomma­tion des siècles.

Amen.

(100 jours une fois le jour, 1868)

Dix-huitième jour

Cœur de Jésus,
le désiré des collines éternelles,
ayez pitié de nous

Le patriarche Jacob, dans la bénédiction qu'il donne à son fils Joseph, appelle le Messie le désiré des collines éternelles.58)

Il semble que la nature matérielle elle-même ait désiré et attendu le Messie, parce qu'il devait être le réparateur de toutes choses.

Mais on peut aussi entendre par les «collines» les hommes éminents, comme les patriarches et les prophètes qui ont tant désiré la venue du Sauveur. Moïse s'écriait: «Seigneur, envoyez-nous Celui que vous devez envoyer!».59) Isaïe disait: «Que les cieux laissent descendre le juste, qui viendra comme une pluie fécondante!».60)

Les saints de l'Ancien Testament désiraient voir le Sauveur, non seu­lement pour leur propre salut, mais pour pouvoir le louer, l'adorer et l'aimer.

Le désir peut s'entendre de l'amour de concupiscence, par lequel nous soupirons après Dieu comme après notre fin dernière et notre souverain bien. Mais il s'entend aussi de l'amour de complaisance et de bienveil­lance, par lequel nous souhaitons que Dieu reçoive plus d'amour, plus d'obéissance, plus de gloire de la part des hommes.

L'amour de bienveillance et de désir pour le Cœur de Jésus a été la grande grâce de sainte Gertrude et de sainte Mechtilde.

Un pieux écrivain de notre temps, un grand ami de Jésus, le P. Faber, a bien parlé de l'amour de désir, nous lui empruntons quelques pensées. Aimer Notre-Seigneur, dit-il, d'un amour de désir, c'est souhaiter, dans notre amour pour lui, de voir augmenter tout ce qui, dans le ciel, sur la terre, dans l'enfer et dans le purgatoire, peut contribuer à alimen­ter ou à accroître sa gloire accidentelle. C'est former des désirs de choses même impossibles, comme de souhaiter qu'il soit plus parfait et plus beau qu'il n'est, lui qui est la perfection même et la beauté absolue.

C'est désirer de souffrir le martyre pour la foi, d'éteindre l'enfer, ou de faire évacuer le purgatoire, c'est désirer avec une ardeur qui aille ju­squ'à la douleur et aux larmes, de voir anéantir le péché, disparaître les scandales, et la tiédeur s'évanouir de la terre. C'est désirer surtout de servir nous-mêmes l'aimable et redoutable Majesté de Dieu autrement que nous ne le faisons, et d'attendrir nos cœurs de pierre qui ne battent point pour Dieu. C'est désirer que chaque grain de sable du rivage, cha­que feuille de la forêt, possèdent l'intelligence et la voix d'un séraphin, pour grossir le chœur qui chante les louanges de Dieu.

Il y a une grande différence entre cet esprit et celui qui consiste à faire des vœux pour échapper à l'enfer, pour faire un court séjour en purga­toire, pour obtenir des biens temporels, pour avoir une vie tranquille et une mort douce. Ce dernier esprit n'est pas mauvais, mais il est évidem­ment différent. L'esprit de désir, comme celui de louange, fait naître un genre de spiritualité tout autre, et il conduit au service d'amour.

C'est un grand acte d'amour de mettre toute notre confiance dans la bonté et la miséricorde de Dieu, et de nous oublier ensuite pour nous vouer à l'amour de Jésus et de son divin Cœur.

La connaissance de Dieu et de ses perfections infinies, la connaissance de Notre-Seigneur et de ses bontés sont la base de cet amour de complai­sance et de désir.

Saint François de Sales, dans son beau Traité de l'amour de Dieu, a bien parlé de l'amour de désir: «Ne pouvant, dit-il, faire aucun désir absolu pour Dieu, nous en faisons des imaginaires et conditionnels en cette sor­te: Seigneur, vous êtes mon Dieu et ne pouvez avoir indigence ni de mes biens ni de chose quelconque;61) mais si, par imagination de chose impos­sible, je pouvais penser que vous eussiez besoin de quelque bien, je ne cesserais jamais de vous le souhaiter au prix de ma vie, de mon être et de tout ce qui est au monde… S'il était possible que vous reçussiez quelque accroissement de bien, ô mon Dieu, quel désir aurais-je que vous l'eus­siez! … ».

«C'est encore une sorte de bienveillance envers Dieu, ajoute saint François de Sales, quand, en reconnaissant que nous ne pouvons l'agrandir en lui-même, nous désirons de l'agrandir en nous, et dans le prochain, c'est-à-dire de rendre de plus en plus et toujours plus grande la complaisance que nous avons en sa bonté…».

Le P. Faber nous propose un grand nombre de pratiques de louange et de désir. Il en est même qui sont indulgenciées et approuvées par l'Eglise, comme celles-ci, que Pie VII a enrichies d'indulgence: «Je dési­re, ô mon Dieu, que tout le monde vous aime. - Oh! que je serais heu­reux si je pouvais au prix de mon sang vous faire aimer par tous les hom­mes! - Venez, ô créatures, venez toutes adorer mon Dieu! O mon Dieu, que n'ai-je mille cœurs pour vous aimer, ou plutôt que n'ai-je le cœur de tous les hommes pour vous aimer pour eux!… Je me réjouis de ce que les anges et les bienheureux vous aiment dans le ciel, et je désire vous aimer avec une ardeur semblable à celle des saints qui ont eu le plus d'amour pour vous, comme saint joseph, comme la sainte Vierge dans chacun de ses mystères … ».62)

Le pieux Lancicius félicitait Notre-Seigneur des gloires de sa résurrec­tion… «Félicitons Dieu, disait-il, parce que des chœurs innombrables d'anges et de saintes âmes l'adorent dans le ciel comme leur chef suprê­me, comme la source et la cause de toutes les grâces; félicitons-le du culte dont il est l'objet dans le ciel et hors du ciel, sur la terre et dans le purga­toire, dans le sacrifice de la messe, dans l'érection des églises et dans tou­tes les bonnes œuvres qui s'accompliront jusqu'au dernier jour…».

Sainte Madeleine de Pazzi regardait comme un acte de désir agréable à Dieu la rénovation fréquente des vœux qu'on a faits et des résolutions qu'on a prises: «Cette rénovation, disait-elle, est un sujet de joie pour la Sainte Trinité, parce que l'âme renouvelle sa complaisance intérieure en même temps qu'elle fait cette oblation à Dieu, et se rappelle le plaisir de la première offrande avec une complaisance et une joie toujours nouvel­les».

Mais personne n'a surpassé sainte Gertrude dans l'art d'offrir à Dieu des actes de désir. Sainte Gertrude est le docteur et le poète de la louange et du désir.

«Quand me sentirai-je fixée, disait-elle, comme une corde mélodieuse à la harpe des séraphins, sur laquelle résonne sans cesse l'ineffable Sanc­tus, unissant les transports de mon cœur dans un même cantique avec ces esprits bienheureux!… Dieu de mon cœur, objet chéri de mes voeux, par votre puissance infinie, admettez dès cette heure, dans les mélodies qui s'échappent de votre Cœur, une note nouvelle pour expri­mer mon indigne louange, mon inépuisable action de grâces!…

«Mon cœur et mon âme aspirent à vous avec ardeur, ô Dieu de mon cœur. Si toutes les créatures étaient en mon pouvoir, toutes ces œuvres si belles de vos doigts, j'en formerais un concert de louanges à votre gloi­re… que n'ai-je toutes les forces réunies des anges et des hommes, avec quel bonheur je les dépenserais pour votre gloire!…».

La main sur le Cœur Sacré de Jésus, Gertrude l'oblige en quelque sorte à se louer lui-même de la manière la plus conforme à ses désirs. «Béni soyez-vous, ô mon Dieu, douceur de mon âme, pour la gloire sacrée de votre Divinité, qui a daigné habiter le chaste sein de la Vierge Marie.

«Béni soyez-vous par cette toute-puissance ingénieuse qui a répandu sur la Rose virginale tant de vertu, tant de beauté et de charme, que vo­tre amour n'a pas trouvé au-dessous de vous de la convoiter…

«Béni soyez-vous par toutes et chacune des gouttes de votre sang, dont vous vous êtes servi pour vivifier mon âme…

«Joie et allégresse soient à vous de la part de toutes vos créatures qui remplissent le ciel, la terre et les abîmes!

«A vous seul, honneur et gloire dans tous les siècles!». Unissons-nous à tous ces actes séraphiques de louanges et de désirs.

EXEMPLE

Peu de temps avant la mission merveilleuse de la bienheureuse Marguerite-Marie, le diocèse d'Autun donna à l'Eglise une de ses plus belles fleurs, cueillie dans le jardin du Carmel, la vénérable sœur Mar­guerite du Saint-Sacrement, carmélite de Beaune, dont la vie se résume dans le culte de l'Enfance de Notre-Seigneur et de la Sainte Eucharistie. C'était sur la fin du règne de Louis XIII, époque calamiteuse et troublée par la guerre de Trente-Ans; la France craignait une invasion: «Hâte­toi, ma fille, dit alors Notre-Seigneur à Marguerite; hâte-toi de prier pour ce peuple coupable, puise au plus tôt dans les trésors de mon En­fance, c'est par ses mérites que tu obtiendras grâce pour lui. «Et le Divin Sauveur se mit à apprendre à sa pieuse servante la manière de l'honorer depuis le moment de son Incarnation jusqu'à sa douzième année par une dévotion particulière au saint Enfant-Jésus, dont la pratique, sur­tout intérieure, était très facile.

Il s'agissait principalement de se pénétrer de la vie humble et cachée de l'Enfant-Dieu, et de prendre pour modèle la famille de Nazareth. Oh! combien cette dévotion qui, alors, sauva la France, serait oppor­tune aujourd'hui et attirerait la miséricorde divine sur la société si triste­ment bouleversée par l'esprit d'orgueil et d'indépendance et par l'amour du bien-être!

Un jour le divin Enfant ouvrit son Cœur à la vénérable sœur et lui dit: «Puise dans mon Cœur d'enfant ce que tu voudras, rien ne te sera refusé». Elle demanda un dauphin pour la France, et la naissance de Louis XIV fut attribuée à ses prières. L'une de ses dévotions préférées était d'embrasser le Cœur de l'Enfant Jésus pour obtenir aux prêtres et aux religieuses la pureté de l'amour divin. M. de Renty, M. Olier, le P. Eudes, le P. Bourgoing furent moins ses directeurs que ses disciples. L'humble carmélite de Beaune mourut en 1648; elle n'avait que vingt-neuf ans.

A son exemple, aimons tendrement Jésus-Enfant et la divine Hostie du tabernacle.

PRIERE

O mon Dieu, ô mon Roi, consacres mon être et ma vie à votre louan­ge et à votre gloire. Que mon âme, dans toutes ses pensées, ses mouve­ments, ses paroles et ses œuvres, vous glorifie dans ce qu'elle a de plus intime. Que mon corps, dans son essence et dans son énergie, soit voué aussi à votre amour; présentement, il n'est qu'une prison pour mon âme qui aspire avec ardeur à vous, ô Dieu, source de sa vie. Dans cet exil vous lui dérobez encore le mystère de son entrée et celui de sa sortie. Mais, ô Père des miséricordes, vous ne méprisez ni n'abandonnez l'ou­vrage de vos mains. Que votre compassion infinie s'occupe donc aussi de mon triste exil, de cet exil que vous avez daigné vous-même partager du­rant trente-trois années. Faites-moi éprouver les effets de cette bonté, qui s'est montrée si compatissante pour moi, lorsque, pour mon rachat, votre très doux Cœur fut brisé sur la croix par l'amour.

O Jésus, ma chère espérance, faites que ce Cœur divin blessé pour mon amour et ouvert sans cesse à tous les pécheurs, soit le premier asile de mon âme au sortir de mon corps. Au sein de cet abîme d'amour infi­ni, tous mes péchés seront anéantis en un instant, et aucun obstacle ne m'arrêtera plus, je pénétrerai avec vous, ô le Bien-aimé de mon cœur, au sein des joies célestes.

C'est là que, sur l'autel d'or de votre Cœur divin, je brûlerai l'encens que vous aimez, l'encens de mon âme; que je m'immolerai avec délices en retour de tant de faveurs si chères par lesquelles vous m'avez conso­lée, ô mon Père, ô mon Maître, dans toutes mes tribulations et angoisses d'ici-bas.

Dix-neuvième jour

Cœur de Jésus,
patient et très miséricordieux,
ayez pitié de nous

Le Cœur de Jésus a voulu souffrir pour notre amour dès le commen­cement de sa vie. «A peine conçu dans le sein de Marie, dit saint Al­phonse de Liguori, Jésus se représenta tous les tourments de sa Passion, et, pour nous obtenir le pardon et la grâce de Dieu, il offrit à son Père Eternel d'expier nos péchés et d'en porter la peine en notre place; dès lors il commença de souffrir, au moins par l'appréhension, tout ce que plus tard il endura dans sa douloureuse mort».

La sœur Madeleine Orsini, raconte saint Liguori, se trouvait depuis longtemps dans la tribulation, quand Jésus lui apparut attaché à la croix, et l'exhorta à souffrir avec résignation. «Mais, Seigneur, lui ré­pondit la servante de Dieu, vous ne fûtes que trois heures sur la croix, tandis que moi, j'endure cette peine depuis plusieurs années». Alors, Jésus lui dit en la reprenant: «Ah! ignorante, que dis-tu? Depuis le premier moment de mon séjour dans le sein de ma Mère, je souffris dans mon cœur tout ce que j'endurai plus tard sur la croix».

Isaïe l'a bien nommé l'Homme de douleurs.63) Ses peines intérieures et les douleurs de son âme surpassèrent immensément ses souffrances exté­rieures.

Non seulement il acceptait de souffrir avec patience et résignation, mais encore il le désirait pour l'amour de nous. «Il est un baptême dont je dois être baptisé, disait-il, en parlant de l'effusion de son sang; et com­me je me sens pressé en attendant qu'il se consomme! ».64)

«Jésus sachant, dit saint Jean, que son heure était venue de passer de ce monde à son Père, comme il avait aimé les siens, il les aima jusqu'à la fin».65) - Jésus appelait donc son heure celle de sa Passion, parce que, se­lon un pieux commentateur, ce fut le moment de sa vie après lequel no­tre divin Rédempteur soupira le plus, comme celui où il voulait, par ses souffrances et sa mort, révéler à l'homme l'immensité de son amour.

Arrivé au jardin de Gethsémani, notre Sauveur très aimant veut com­mencer lui-même sa douloureuse Passion; il donne pleine licence à la crainte, au dégoût, à la tristesse de venir le tourmenter. Il s'est offert de son plein gré à toutes ces souffrances. «Il a été sacrifié parce que lui­-même l'a voulu».66) D'où lui vient donc l'appréhension qu'il éprouve de la mort? «Mon Père, dit-il, si c'est possible, que ce calice s'éloigne de moi».67) Par là, il veut montrer, répond le vénérable Bède, qu'il est vrai­ment homme. Il est bien décidé à mourir pour nous prouver son amour, mais il veut aussi prévenir l'idée que, par la vertu de sa divinité, il est mort sans éprouver aucune douleur.

Sa patience et sa résignation ne se démentaient pas. «Mon Père, disait-il, que votre volonté se fasse»; j'embrasse la croix pour votre amour; je veux la porter pour vous plaire et pour sauver les hommes.

Jésus n'a pas témoigné moins de patience en souffrant une infinité de mépris dans sa Passion.

Suivant Bellarmin, les grands cœurs sont plus sensibles aux mépris qu'aux souffrances corporelles. En effet si celles-ci affligent la chair, ceux-là affligent l'âme qui est bien plus noble que le corps.

Et cependant, quelle sorte d'humiliation fut épargnée à notre Ré­dempteur pendant sa Passion? Un de ses disciples le trahit, un autre le renia, les autres s'enfuirent. - Les insolents ministres de la haine des juifs l'enchaînèrent comme un malfaiteur. Il est ensuite conduit brutale­ment aux tribunaux. On l'injurie, on le soufflette, on lui crache au visa­ge. On le condamne comme un blasphémateur. - Hérode le traite com­me un insensé. Le peuple lui préfère Barabbas. «Nous l'avons vu, dit Isaïe, devenu le dernier des hommes».68) «Il a été, dit Jérémie, non seule­ment méprisé, mais rassasié d'opprobres».69)

Au milieu de ces mépris et de ces souffrances morales, il a conservé toujours sa patience inaltérable et sa douceur infinie.

Que dirons-nous de la flagellation et du crucifiement? «Jésus a été frappé pour le crime de son peuple».70) C'est par amour pour nous qu'il a tant souffert et montré tant de patience. Il a voulu nous vaincre par tous ces témoignages de sa tendresse, afin que nous nous rendions à lui, que nous l'aimions et que nous renoncions au péché.

Disons-lui avec saint Alphonse: «Je vous aime, mon Jésus, blessé et déchiré pour moi. Si je ne puis vous offrir des plaies et du sang, je vous offre du moins toutes les peines que j'aurai à supporter; je vous offre mon cœur et je veux l'employer à vous aimer avec toute la tendresse dont je suis capable».

Le Cœur de Jésus n'est pas seulement un miracle incompréhensible de patience, il est aussi tout miséricordieux.

«Où pourrions-nous trouver, remarque saint Liguori, un cœur plus tendre et plus miséricordieux, un cœur qui ait eu plus de compassion de nos misères, que le Cœur de Jésus?».

C'est cette miséricorde qui le fit descendre du ciel sur la terre, et lui fit dire qu'il était le bon Pasteur venu pour donner sa vie, afin de sauver ses brebis.

C'est cette miséricorde, cette compassion qui lui arrache encore ce cri: «Pourquoi voulez-vous mourir, enfants d'Israël… Revenez à moi et vi­vez».71) Pourquoi voulez-vous donc vous damner en vous éloignant de moi? Revenez à moi et vous recouvrerez la vie.

Cette même miséricorde parlait par sa bouche, quand il se dépeignait lui-même sous les traits de ce père plein de bonté qui, malgré les mépris de son fils, ne sait pas le repousser quand il le voit venir repentant, mais qui l'embrasse avec tendresse, et oublie toutes les injures qu'il en a reçues: «Non, dit-il, je ne me souviendrai plus de toutes ses iniquités».72)

Sa miséricorde éclate dans ses démarches auprès de la Samaritaine pour la convertir, dans son pardon à Madeleine, à saint Pierre, au bon larron, dans la prière qu'il fait sur la croix pour ses bourreaux. Il pleure sur Jérusalem, il a pitié des foules qui manquent de pain, il appelle à lui tous ceux qui souffrent, pour les soulager.

«Ah! mon Jésus, s'écrie saint Liguori, vous pardonnez, vous, aux pé­cheurs repentants, et vous ne refusez pas de vous donner tout entier à eux, ici-bas dans la sainte communion, et au ciel en leur communiquant votre gloire, sans conserver la moindre répugnance à tenir éternellement embrassées ces âmes qui vous ont offensé. Où pourrait-on trouver un cœur plus miséricordieux et plus aimable que le vôtre, ô mon cher Sau­veur! ».

Ah! je vous ai assez offensé, ô miséricordieux Jésus, maintenant je veux vous aimer. Que ne puis-je recommencer les années que j'ai per­dues! mais non; les années ne reviennent plus, et il me reste peu de temps à vivre; mais quel que soit le reste de mes jours, court ou long, je veux l'employer uniquement à vous aimer, ô Bien suprême, qui méritez un amour éternel et infini!

Marie, ma Mère, ne permettez pas que je sois encore ingrat envers votre divin Fils, si patient et si miséricordieux; priez Jésus pour moi.73)

EXEMPLE

====Exercices d’amour et de piété envers l’aimable Cœur de Jésus, par Lansperge le Chartreux74==== Lansperge le Chartreux a vulgarisé les écrits de sainte Gertrude, il a été uni à l'apostolat de la sainte. Ecoutons aujourd'hui ses conseils: «Ayez soin de vous exciter et animer à la vénération du Cœur très dé­bonnaire de Jésus, qui est tout rempli d'amour et de miséricorde pour vous. Visitez-le souvent avec dévotion et ferveur, le baisant en esprit, respect et affection, et mettant en lui votre demeure.

«Demandez à Dieu, par lui, tout ce que vous avez à lui demander, et par lui offrez à sa divine Majesté tous les exercices de piété que vous fe­rez, parce que c'est en lui que sont renfermées toutes les grâces et tous les dons du ciel. C'est la porte par laquelle Dieu vient à nous. C'est pourquoi, afin de vous souvenir de cet exercice et de vous exciter par ce moyen à l'amour de Dieu, mettez en quelque lieu de votre maison, par lequel vous ayez à passer souvent, quelque image ou figure de ce divin Cœur de Jésus; et en la regardant souvenez-vous de votre exil, de votre misère et de vos péchés, et élevez votre cœur à Dieu avec une ardente dévotion, soupirant et gémissant après lui. Criez vers lui intérieure­ment, sans proférer de paroles, ou même par des paroles si elle vous ai­dent, désirant que votre cœur soit purifié et que votre volonté soit par­faitement unie au divin Cœur de Jésus et au bon plaisir de Dieu. Vous pourrez aussi, dans la ferveur de votre dévotion, prendre cette image du Cœur de Jésus et la baiser tendrement, portant votre pensée et votre in­tention à son véritable Cœur; et, comme si vous l'aviez en votre main, désirez ardemment de l'empreindre sur votre cœur; que votre esprit se perde et s'abîme en lui; que votre Cœur attire en soi l'esprit, la grâce, les vertus, et généralement tout ce qu'il y a de saint et de salutaire dans cet aimable Cœur, qui est un abîme de vertu et de sainteté. C'est une chose très bonne et très agréable à Dieu que vous honoriez avec une dé­votion particulière ce Cœur adorable.

Ayez recours au très bénin Cœur de Jésus dans toutes vos nécessités, et vous en recevrez les consolations et les assistances dont vous aurez be­soin, car, quand tous les cœurs des hommes vous auraient abandonné et qu'ils vous auraient trompé, demeurez en repos, ce Cœur très bon et très fidèle ne vous trompera ni ne vous abandonnera jamais».

PRIERE

Cœur miséricordieux de mon Jésus, ayez compassion de moi: Jesu dulcissime! miserere mei. Je vous dis cela maintenant, faites-moi la grâce de vous le dire toujours: Très-doux Jésus! ayez pitié de moi! Avant de vous avoir offensé, ô mon Rédempteur, je ne méritais certainement aucune des grâces si grandes et si nombreuses que vous m'avez faites: vous m'avez créé, vous m'avez donné tant de lumières, sans aucun mérite de ma part. Et depuis que je vous ai offensé, non seulement je ne mérite point de faveurs, mais je mérite votre abandon et l'enfer. C'est votre mi­séricorde qui vous a porté à m'attendre et à me conserver la vie, lorsque j'étais dans votre disgrâce: elle m'a éclairé, en m'invitant, à faire péni­tence pour obtenir mon pardon; elle m'a donné la douleur de mes péchés et le désir de vous aimer; et j'ai maintenant la confiance que, par l'effet de cette même miséricorde, je suis en grâce avec vous.

O mon Jésus, ne cessez point d'user de miséricorde envers moi: la grâce que je vous demande, c'est que vous me donniez la lumière et la force dont j'ai besoin pour ne pas retomber dans mon ingratitude. Mon Jésus, je vous aime, et je veux vous aimer toujours. La miséricorde que je vous demande et que j'espère, c'est de ne jamais permettre que je me sépare de vous: Ne permittas me separari a te.

Je vous en prie, vous aussi, ô Marie, ô ma Mère, ne permettez pas qu'il m'arrive encore de me séparer de mon Dieu.

Vingtième jour

Cœur de Jésus,
libéral pour tous ceux qui vous invoquent, ayez pitié de nous

«C'est le propre des personnes qui ont un bon cœur, remarque saint Liguori, de vouloir faire le bonheur de tous, et principalement des plus pauvres et des plus affligés. Mais où trouver une personne qui ait meil­leur cœur que Jésus? Etant d'une bonté infinie, Jésus a un extrême désir de nous communiquer ses richesses: «J'ai des trésors, nous dit-il, pour enri­chir ceux qui m'aiment».74)

C'est pour cela qu'il s'est fait pauvre, dit l'apôtre saint Paul: Il a vou­lu nous enrichir, c'est-à-dire nous obtenir des grâces spirituelles et même temporelles par sa pauvreté.75)

C'est aussi pour cela qu'il a voulu demeurer avec nous dans le Saint­Sacrement, où il se tient continuellement, les mains pleines de grâces, pour les répandre sur ceux qui viennent le visiter. A la même fin, il se donne tout à nous dans la sainte communion, nous montrant par là qu'il ne saurait nous refuser ses biens, puisqu'il en vient jusqu'à se donner lui-même à nous tout entier.76)

Nous trouvons donc dans le Cœur de Jésus tous les biens et toutes les grâces que nous pouvons désirer: «En lui, a dit saint Paul, vous avez été enrichis de tous les biens, en sorte que toute grâce est à votre portée».77)

Nous sommes redevables au Cœur de Jésus de toutes les grâces que nous avons reçues, telles que la rédemption, la vocation à la foi, les lu­mières, le pardon de nos fautes, les secours pour résister aux tentations, la patience dans l'adversité. Lui-même nous en avertit: «Sans mon aide, vous ne pouvez faire aucun bien».78)

«Et si par le passé, nous dit Notre-Seigneur, vous n'avez pas reçu plus de grâces, ne vous en prenez pas à moi, mais prenez-vous en à vous­mêmes, qui avez négligé de me les demander: Jusqu'à cette heure vous n'avez rien demandé…; demandez et vous recevrez».79)

Oh! combien le Cœur de Jésus est riche et libéral envers tous ceux qui recourent à lui.80) Oh! quelles grandes miséricordes il répand sur les âmes attentives à le prier et à l'honorer! «Seigneur, chantait David, vous êtes plein de bonté, de douceur; vous êtes tout miséricorde pour tous ceux qui vous invoquent».81)

Recourons donc toujours à ce divin Cœur, demandons avec confiance et nous obtiendrons tout.

La bienheureuse Marguerite-Marie a bien mis en relief la libéralité du Sacré-Cœur et ses promesses généreuses.

Elle écrivit un jour: «Notre-Seigneur m'a fait connaître ce soir, à l'oraison, qu'il voulait être connu, aimé et adoré des hommes; que pour cela il leur communiquerait beaucoup de grâces lorsqu'ils se seraient consacrés à la dévotion et à l'amour de son Sacré-Cœur».

Une autre fois, Notre-Seigneur lui montra encore les puissants effets de la dévotion à son Sacré-Cœur, et la consolante extension qui s'en fe­rait dans le monde entier. «Il m'a fait voir, dit-elle, la dévotion à son di­vin Cœur comme un bel arbre, qu'il avait destiné de toute éternité pour prendre son germe et ses racines au milieu de notre Institut, et pour étendre ensuite ses branches, afin que chacun en pût cueillir les fruits à son gré et selon son goût… Son divin Cœur veut que les filles de la Visi­tation distribuent les fruits de cet arbre sacré avec abondance à tous ceux qui désireront d'en manger, sans crainte qu'ils leur manquent; parce qu'il prétend, comme il l'a fait entendre à son indigne esclave, de redon­ner par ce moyen la vie à plusieurs en les retirant du chemin de la perdi­tion, et en ruinant l'empire de Satan dans les âmes, pour y établir celui de son amour, qui n'en laissera périr aucune de celles qui se consacrent sincèrement à lui».

«Il n'y a pas d'exercice de dévotion, dit encore la Bienheureuse, qui soit plus propre à élever en peu de temps une âme à la sainteté. «Ceux qui travaillent au salut des âmes obtiendront des succès mer­veilleux, s'ils sont pénétrés eux-mêmes d'une tendre dévotion au divin Cœur.

«Les personnes séculières trouveront par ce moyen tous les secours né­cessaires à leur état, la paix dans leurs travaux et les bénédictions du ciel dans toutes leur famille, le soulagement dans leurs entreprises. Elles trouveront dans ce Cœur adorable un lieu de refuge pendant leur vie, mais principalement à l'heure de la mort».

«Notre-Seigneur, dit-elle une autre fois, m'a découvert des trésors d'amour et de grâces pour les personnes qui se consacreront et se sacri­fieront toutes à lui rendre et procurer l'honneur, l'amour et la gloire qui seront en leur pouvoir, mais des trésors si grands qu'il m'est impossible de m'en exprimer. Cet aimable Cœur a un désir infini d'être connu et aimé de ses créatures, dans lesquelles il veut établir son empire comme la source de tout bien, afin de pourvoir à tous leurs besoins. C'est pour cela qu'il veut qu'on s'adresse à lui avec une grande confiance.

«Il n'y a pas, dit-elle, de moyen plus efficace d'obtenir ce qu'on lui de­mande, que de le faire par l'entremise du très saint sacrifice de la messe, un vendredi, en faisant dire trois ou cinq messes, en l'honneur des cinq plaies. - Plusieurs personnes, ajoutait-elle, ont été guéries par ce moyen».

Voici encore d'autres témoignages de la libéralité du Sacré-Cœur. - La Bienheureuse écrivit à la mère de Saumaise que Notre-Seigneur lui avait fait connaître derechef le grand plaisir qu'il prend d'être honoré de ses créatures. Il lui promit que «tous ceux qui seraient dévoués à ce Sacré-Cœur ne périraient jamais, et que, comme il est la source de tou­tes bénédictions, il les répandrait avec abondance dans tous les lieux où serait exposée l'image de cet aimable Cœur pour y être honorée; que par ce moyen il réunirait les familles divisées; qu'il protégerait celles qui seraient en quelque nécessité; qu'il répandrait l'onction de sa charité dans toutes les communautés où serait honorée cette divine image; qu'il en détournerait les coups de la juste colère de Dieu, en les remettant en sa grâce lorsque par le péché elles en seraient déchues».

Quelques pensées de sainte Mechtilde achèveront de nous faire com­prendre la libéralité du Sacré-Cœur. «L'amour du Cœur divin, nous dit-elle, reste toujours immuable et brûlant pour nous, quels que soient nos oublis et nos froideurs».

Gardons toujours la confiance dans le Sacré-Cœur, c'est-à-dire la foi pratique en son amour et sa libéralité inépuisable, parce que notre con­fiance ne repose pas sur nos mérites, mais sur la bonté infinie du divin Cœur.

Pour le passé, nous avons la douce expérience du Sacré-Cœur et de son secours dans le besoin.

Pour l'avenir, nous avons la certitude profonde de la fidélité du Sacré­Cœur à nous secourir et à remplir toutes ses promesses.

Pour le présent, gardons le sentiment vivace de la bonté du Sacré­-Cœur, quelles que soient les circonstances, quelle que soit notre indigni­té. «Quand même il me tuerait, disait job, j'espérerais encore en mon Dieu».82)

La confiance met l'âme dans un état particulier à l'égard du Sacré-­Cœur, état semblable à celui d'un enfant à l'égard de son père; il compte sur lui pour sa nourriture, pour son vêtement, pour son éducation, pour son avenir; il se sent, lui et toute sa destinée, à la discrétion de son père, mais comme il croit à l'amour et à la bonté du cœur paternel, il attend tout de lui avec une ferme assurance, et il repose en paix. Tel est l'état d'une âme vraiment confiante dans le Sacré-Cœur: elle attend tout de lui, la paix de son âme et la paix de son corps, le pardon de ses fautes, la force dans les combats de la vie, la délivrance de tous ses maux; plus que cela, elle attend des grâces de choix, des faveurs de prédilection.

Malgré ses fautes répétées, elle ne peut se défendre d'espérer encore, d'espérer quand même de la tendresse infinie du Sacré-Cœur. C'est que le fondement de sa confiance ne repose pas sur ses propres mérites, mais sur la bonté infinie de son Dieu. «Le Cœur de Jésus, dit sainte Mechtilde, est simple comme la colombe: il ne change jamais dans ses dispositions de bonté pour l'homme, bien que celui-ci lui manque souvent de fidélité».

EXEMPLE

Sophie Barat est née à Joigny, en Bourgogne, en 1779. Elle est morte en 1865. Sa cause de canonisation a été introduite il y a quelques années. Elle a fondé la Congrégation des Dames du Sacré-Cœur, vouée à l'édu­cation des jeunes filles. Cette belle Congrégation contribue beaucoup à faire connaître et aimer le Sacré-Cœur. Elle doit être très chère à Notre­-Seigneur.

La mère Barat avait un ardent amour pour le Sacré-Cœur de Jésus. Nous ferons ressortir surtout sa tendre et naïve dévotion pour l'Enfant­-Jésus.

À Noël, son cœur se dilatait, elle recevait ce jour-là et gardait jusqu'à la fête de la Purification un Enfant Jésus en cire qu'elle couvrait de ca­resses. Elle le prenait sur ses genoux durant ses prières, le pressait sur son cœur, l'appelant son trésor, son tout, et faisant avec lui d'amoureux colloques. En 1862, à la veille de l'Avent, elle dit à ses sœurs: «On m'a défendu, l'année dernière, de baiser les pieds de l'Enfant Jésus qui est à la chapelle de peur que je ne l'endommage. C'est une cruauté, mais cela m'est égal maintenant, j'en possède un à moi, et je pourrai l'embrasser autant que je voudrai. «Cet amour si naïf ne s'en élevait pas moins aux plus hautes pensées: «Un Dieu… le Verbe de Dieu… la Sagesse éternelle se réduit au silence et ne l'interrompt qu'avec des cris enfantins!… Un Dieu tout-puissant se soumet à d'humbles créatures… Ah! que l'orgueil vienne ici se confondre et expirer! Pour moi, le grand mystère que je ne puis comprendre, à la vue de la crèche, c'est qu'une religieuse tienne en­core à l'amour-propre. Si la crèche ne nous apprend le renoncement ab­solu au fini, au créé, nous sommes des fous et des aveugles; retournons aux petites maisons du monde. Il en est plein».

Allons donc souvent, par la pensée, à la crèche de Bethléem nous re­tremper dans l'esprit d'humilité et de renoncement.

AFFECTIONS ET PRIERES

Oh! mon Jésus, vous n'avez point refusé de me donner votre sang et votre vie; et moi, je refuserais de vous donner mon misérable cœur! Non, mon cher Rédempteur, je vous l'offre et vous le donne tout entier; je vous consacre toute ma volonté;-daignez l'accepter et en disposer se­lon votre bon plaisir. je ne possède rien, je ne puis rien; mais j'ai un cœur que je tiens de vous, et dont personne ne peut me dépouiller; je puis perdre mes biens, mon sang, ma vie: mais on ne saurait m'enlever mon cœur. Avec ce cœur, je puis vous aimer. De grâce, ô mon Dieu, enseignez-moi le parfait oubli de moi-même; enseignez-moi ce que je dois faire pour arriver à votre pur amour, dont votre bonté m'inspire le désir. je me sens bien déterminé à vous plaire; mais, pour accomplir cet­te résolution, j'ai besoin de votre secours et je l'implore. C'est à vous, ô Cœur aimant de Jésus, c'est à vous de faire que mon pauvre cœur soit tout à vous; ce cœur qui, par le passé, a été si ingrat envers vous, et, par sa faute, privé de votre amour. Faites que ma volonté soit entièrement unie à la vôtre, en sorte que je veuille uniquement ce que vous voulez, et qu'à l'avenir votre sainte volonté soit la règle de toutes mes actions, de toutes mes pensées et de tous mes désirs.

O Marie Immaculée, que vous êtes heureuse, vous dont le Cœur a toujours été parfaitement conforme au Cœur de Jésus! je vous en conju­re, ô ma Mère, obtenez-moi la grâce de ne vouloir et ne désirer désor­mais que ce que vous voulez, Jésus et vous.

Vingt-et-unième jour

Cœur de Jésus, source de vie et de sainteté, ayez pitié de nous

Nous avons jusqu'à présent donné, dans ce mois, une large place à la dévotion bénédictine, à la dévotion de sainte Gertrude et de sainte Mechtilde.

Cette forme de dévotion est plus céleste que terrestre, elle est toute fai­te de sainte liberté, d'élans d'amour et de confiance. Elle s'adapte à la sainte liturgie. Elle prie, elle pleure, elle chante, avec David, avec les psaumes, avec les anges du sanctuaire et du ciel. L'âme qui en est éprise vit au tabernacle et au ciel, plus qu'en elle-même.

La dévotion de Marguerite-Marie est différente. C'est celle des sain­tes femmes, de saint Jean, de la Sainte Vierge elle-même au Calvaire. Elle a choisi pour mission d'offrir à Jésus la myrrhe qui doit embaumer ses plaies. Elle vit au Calvaire ou bien auprès du divin délaissé du taber­nacle. Son caractère propre est la compassion, l'amende honorable, la réparation, l'immolation.

La dévotion ignatienne a plus de calcul, de stratégie. Elle lutte, elle combat, elle veille à l'ennemi, elle compte les victoires et les défaites. Saint Ignace tient de saint Paul, c'est un lutteur: Bonum certamen certavi. Pour saint Ignace, comme pour saint Paul, la vie spirituelle est un com­bat, c'est une course dans le stade; c'est une lutte.

Le seizième et le dix-septième siècles, avec sainte Thérèse, avec M. Olier, M. de Condren, M. de Bérulle, ont donné, en France, une nuan­ce nouvelle à la dévotion. Avec eux, l'âme vit en elle-même comme en un château intérieur, où elle observe l'action de la grâce, la conduite ha­bituelle de l'Esprit-Saint. Elle vit, pour ainsi dire, sous la dictée de l'Esprit-Saint qui éclaire, guide et conduit les âmes dociles. - «On est seul avec Dieu, dit sainte Thérèse, dans le petit ciel de son âme: on le goûte, on le contemple amoureusement et on s'offre à lui».

Nous invoquons aujourd'hui le Sacré-Cœur comme source de vie et de sainteté; demandons aux tenants de la dévotion thérésienne comment le Sacré-Cœur met en nous continuellement la vie surnaturelle et la sainteté par l'action de l'Esprit-Saint, de l'Esprit d'amour, qui descend du Cœur de Jésus en nos cœurs pour y établir la vie divine dans la me­sure de notre docilité.

Personne, peut-être, n'a mieux exprimé cette vie du Christ en nous par son Esprit, qu'un saint disciple de l'école sulpicienne, le vénérable François-Marie Libermann, qui fonda la Congrégation des Missionnai­res du Saint-Cœur de Marie.

Le plus souvent, il ne parle pas formellement du Sacré-Cœur. C'est Jésus, c'est l'âme de Jésus, c'est la volonté de Jésus qui agit en nous par l'Esprit divin; mais on sent qu'en toutes ses pages, on pourrait rempla­cer ces expressions par le Sacré-Cœur de Jésus, en tenant compte plus complètement des révélations d'Helfta et de Paray-le-Monial.

«Notre très doux et très puissant Seigneur Jésus, écrit-il, veut établir en vous son règne et son amour… Voyez son divin Esprit agissant con­stamment dans votre âme, suavement et fortement. Il établit en vous la vie de Jésus, les affections et les amours de Jésus. Oh! la belle et divine vie de Jésus! C'est une vie d'amour, et la vie d'amour est une vie douce et puissante, qui nous remplit de la sainteté de Jésus».

N'est-ce pas là véritablement la vie du Sacré-Cœur en nous? «Quand le divin Esprit agit en nous, poursuit le vénérable dans la mê­me lettre, notre âme est brûlante et, au milieu de ce feu, elle est comme portée, unie à Dieu sans trouble, sans inquiétude, sans agitation, sans ir­ritation, sans mouvement d'amour-propre et, au contraire, avec un mouvement d'abaissement de nous-mêmes, non seulement devant Dieu, mais dans notre propre intérieur et devant toutes les créatures. O mon très cher, comme nous sommes heureux, lorsque nous sommes sous la puissance du divin Esprit, sous l'influence complète de l'esprit d'amour de Jésus! tout devient amour en nous; toutes nos actions, mê­me les mouvements les plus légers de notre âme, tout est amour: amour pour Dieu, devant qui nous sommes sans cesse prosternés et anéantis; amour pour les hommes, sans aigreur, sans jugement envers qui que ce soit; notre esprit est calme, sans s'activer contre ceux qui nous affligent, qui nous contredisent ou nous persécutent…» (Lettre 237).

Mais comment laisserons-nous ainsi Jésus vivre en nous? Le vénéra­ble nous le dit cent fois dans ses écrits spirituels et dans ses lettres. Il faut tenir notre âme libre du péché, calme et paisible, écoutant la conscience éclairée par la grâce et accomplissant en tout la volonté de Dieu. Mais écoutons-le parler: «Il faut commencer par quitter tout mouvement hu­main et naturel. Ne vous recherchez en rien; renoncez à votre propre esprit, à votre propre volonté pour n'en avoir d'autre que celle de Jésus, comme lui-même n'en a d'autre que celle de son Père céleste. Sachez bien que vous devez être tout entiers à Notre-Seigneur Jésus-Christ; Il veut être toutes choses pour vous et en vous; et vous aussi, vous devez être tout consacrés et dévoués à ce divin Maître, de manière que votre vie soit toute en Jésus… Il faut toujours se tenir dans une grande pureté intérieure devant Dieu: il faut se renoncer en tout: mais cela, dans un esprit de douceur et de paix, et toujours en nous unissant à notre divin Maître, et en nous rendant fidèles à l'impression divine de son amour. Ayez sans cesse Jésus présent à votre esprit… N'agissez en rien avec pré­cipitation. Soyez en toutes choses paisiblement unis à Dieu et agissez comme Notre-Seigneur a agi… Ne visez pas aux grâces extraordinaires, mais visez au parfait renoncement, afin de ne plus vivre que de la vie de Notre-Seigneur… Tâchons de vivre dans une grande paix et une grande union avec Notre-Seigneur, dans la vie et dans la connaissance de nos misères, de notre pauvreté et de notre méchanceté…

«Faites bien attention à cette paix, vivez-y sans relâche devant Dieu et en Dieu; mais que ce soit une paix de renoncement et de mort, et non une paix d'indifférence; une paix d'amour et d'union, et non une paix factice, provenant de l'oubli de ce qui nous trouble ou de l'effort hu­main.

«Soyez graves et modestes, mais avec douceur, suavité, sans effort et sans travail humain. Si votre âme est paisiblement et humblement unie à Dieu, vous serez facilement graves et modestes…

«Ayez la vie de Jésus en vous. Soyez toujours une image parfaite de Jésus. Dans vos rapports avec Dieu, soyez une image de Jésus crucifié, humilié, anéanti pour sa gloire adorable. Dans vos oraisons, soyez tou­jours unis à Jésus et ne suivez que le mouvement de l'amour divin, com­me Jésus. Par rapport à vos frères, soyez l'image de Jésus conversant parmi les hommes…

«Soyez forts et robustes, car la vertu de Jésus est en vous; soyez forts, non pour reprendre sévèrement les autres, mais pour réprimer les senti­ments naturels et vos mauvais penchants…

«Ayez dans votre intérieur et dans votre extérieur la divine douceur de Jésus…

«Vive donc uniquement en vous le saint amour de Jésus et de Marie!» (Lettre 114).

Vraiment, c'est bien là le règne du Cœur de Jésus en nous, règne de paix et de sainteté, règne de grâce et de charité. C'est bien le règne du Cœur de Jésus que décrit le pieux fondateur, lorsqu'il dit: «Ne goûtez que Jésus, ne jouissez que de Jésus, ne soupirez qu'après Jésus; n'ayez de cœur, n'ayez d'âme, de corps, de vie et d'existence que pour Jésus et en Jésus… Qu'il soit la vie et l'âme de votre âme, que vous n'ayez plus d'action, de sentiment, de désirs, d'affection, de volonté, ni de vue, mais que ce soit Jésus qui vous anime en toutes les opérations intérieures et extérieures de votre âme. Alors, il vivra en vous, dans son esprit de sainteté, dans la plénitude de sa puissance, et il retracera en vous tous les états intérieurs de sa sainte âme auxquels il voudra vous rendre partici­pants…» (Lettre 133).

C'est bien là le règne du Cœur de Jésus en nous. Qu'il vienne ce rè­gne, nous vous en prions, ô Jésus, par Marie! Adveniat regnum tuum!

EXEMPLE

La vie extérieure du curé d'Ars était si extraordinaire que plusieurs, s'y arrêtant d'une manière exclusive, ont négligé de se rendre compte de sa vie intérieure autrement plus prodigieuse. Comme il aimait le Sacré-­Cœur de Jésus caché dans nos tabernacles! Aussi, ceux qui l'ont connu plus intimement attestent-ils qu'il ne pouvait parler du divin Cœur sans pleurer d'attendrissement.

«O mes enfants, s'écriait-il, que fait Notre-Seigneur dans le Sacre­ment de son amour? Il a pris son bon Cœur pour nous aimer; il est là comme dans le ciel, sur son trône d'amour et de miséricorde, nous ten­dant ses mains pleines de grâces… Que c'est beau! si l'homme connais­sait bien ce mystère, il mourrait d'amour… O Jésus! vous connaître, c'est vous aimer… Il sort de ce Cœur Sacré une transpiration de ten­dresse et de miséricorde, capable de noyer tous les péchés du monde… O Cœur de Jésus, poursuivait-il, les yeux baignés de larmes, Cœur d'amour! fleur d'amour!… Le Cœur, c'est tout ce qui restait dans le très saint Corps du Sauveur après que Longin l'eut percé pour en faire sortir l'amour!… Si nous n'aimons pas le Cœur de Jésus, qu'aimerons­-nous donc? il n'y a que de l'amour dans ce Cœur; comment fait-on pour ne pas aimer ce qui est aimable?».

Le cher saint disait aussi: «Quand une âme a reçu dignement le sacre­ment de l'Eucharistie, elle est toute noyée dans l'amour, elle se roule amoureusement dans le sang de Jésus-Christ comme l'abeille dans le sein d'une belle fleur… Elle devient humble, douce, mortifiée, charitable, modeste et aimable à tout le monde. Elle est capable de tous les sa­crifices… ». C'est que par la communion Jésus l'a bien changée et qu'il a laissé en elle son esprit et son Cœur.

En est-il ainsi de nous? Prenons la résolution de communier avec plus de ferveur.

PRIERE

O Jésus, vivant en Marie, venez et vivez en vos serviteurs, avec votre esprit de sainteté, la plénitude de votre puissance, la réalité de vos ver­tus, la perfection de vos voies, la communication de vos mystères, et do­minez toute puissance ennemie par votre Esprit, à la gloire du Père.

Ainsi soit-il

(300 jours d'indulgence 1 fois le jour. Pie IX, 1859).

ACTE D’OFFRANDE

Prenez, Seigneur, et recevez toute ma liberté, ma mémoire, mon en­tendement et ma volonté, tout ce que j'ai et tout ce que je possède. Vous me l'avez donné, Seigneur, je vous le rends: tout est à vous, disposez-en selon votre bon plaisir. Donnez-moi votre amour; donnez-moi votre grâ­ce: cela me suffit.

(300 jours d'indulgence 1 fois le jour. Léon XIII, 1883)

Vingt-deuxième jour

Cœur de Jésus, propitiation pour nos péchés, ayez pitié de nous

Nous avançons dans la méditation de nos belles litanies. Les premiè­res invocations nous ont montré le Cœur de Jésus substantiellement uni au Verbe, et c'est la source et la base de tous ses titres et de toutes ses gloires. Les invocations suivantes nous ont rappelé ses perfections, ses amabilités, ses vertus. Nous avons contemplé en lui le temple de Dieu, le tabernacle du Très-Haut, l'abîme de toutes les vertus, le modèle et la source de la bonté, de la sagesse, de la patience et de toute sainteté. Nous allons considérer tous les excès de son amour pour nous, dans les souf­frances de sa Passion.

Mais rien ne peut mieux nous introduire dans la contemplation de la Passion que la considération de l'image même du Sacré-Cœur, telle que Notre-Seigneur l'a révélée à Marguerite-Marie.

En nous montrant son Cœur entouré des instruments de sa Passion, Notre-Seigneur n'a-t-il pas indiqué lui-même que le caractère propre de son Cœur était celui d'une victime de propitiation pour nos péchés? La croix, les épines, les flammes et la blessure n'expriment pas autre chose. C'est le cœur de l'agneau consumé sur l'autel de la croix en hostie de propitiation.

Ecoutons la révélation de Marguerite-Marie:

«Un jour de saint Jean l'Evangéliste, après avoir reçu de mon divin Sauveur une grâce à peu près semblable à celle que reçut le soir de la cè­ne ce disciple bien-aimé, le Cœur divin me fut présenté comme sur un trône de feu et de flammes, rayonnant de tous côtés, plus brillant que le soleil et transparent comme un cristal. La plaie qu'il reçut sur la croix y paraissait visiblement. Il y avait une couronne d'épines autour de ce Cœur divin et une croix au-dessus.

«Mon divin Maître, ajoute la Bienheureuse, m'aida lui-même à com­prendre cette vision. Les instruments de sa Passion unis à son Cœur si­gnifiaient que l'amour immense de son Cœur pour les hommes avait été la source de toutes ses souffrances; que dès le premier moment de son In­carnation tous les tourments lui avaient été présents, et que ce fut dès ce premier moment que la croix fut, pour ainsi dire, plantée dans son Cœur; qu'il accepta dès lors toutes les douleurs et humiliations que sa sainte Humanité devait souffrir pendant le cours de sa vie mortelle, et même les outrages auxquels son amour pour les hommes l'exposait ju­squ'à la fin des siècles dans le Saint-Sacrement».

Pourquoi Jésus nous montre-t-il son divin Cœur entouré des instru­ments de sa Passion? C'est pour nous rappeler que l'amour infini de son Cœur a été la cause de toutes ses souffrances; que c'est parce qu'il nous a aimés sans mesure qu'il n'a reculé devant aucune des volontés de son Père, et qu'il a supporté avec un dévouement inépuisable tout ce que la malice des hommes et des démons a pu inventer.

Oui, mon Sauveur, vous m'avez montré que vous m'aimiez de toute la puissance de votre Cœur lorsque vous avez enduré pour moi les raille­ries, les outrages, les coups, les épines de la couronne, les clous, la croix et la lance! Oui, vous m'avez révélé toute la force de votre amour pour moi, lorsque vous avez souffert d'être trahi, garrotté, souffleté, meurtri, traité d'insensé, condamné à mort pour nous acheter la vie bienheureu­se, la vie éternelle.

Toute la Passion de Jésus se résume dans son Cœur. Toutes ses souf­frances partaient de son Cœur et retombaient sur son Cœur d'un poids écrasant. La croix était dans son Cœur avant d'être au Calvaire, car pendant sa vie il brûlait du désir d'être baptisé du baptême du sang qu'il devait recevoir sur la Croix. La couronne d'épines déchirait son Cœur avant de pénétrer cruellement dans sa tête sacrée; car les épines, c'étaient nos innombrables péchés, dont il avait pris sur lui, dès le com­mencement, l'effrayante expiation; les épines, c'était l'ingratitude des hommes qui méconnaîtraient sa tendresse; c'était la multitude de ceux qui devaient se perdre malgré tous ses efforts pour les sauver.

Oh! qu'il est beau ce Cœur ainsi environné de son diadème sanglant, ainsi déposé sur l'autel de la croix, ainsi consumé comme une victime perpétuelle par le feu sacré de son amour! Comme toutes ces choses par­lent éloquemment à mon âme et m'apprennent à connaître l'amour de ce Cœur adorable!

Mais pourquoi encore le Sauveur nous montre-t-il son Cœur environ­né des instruments de sa Passion? C'est qu'il voulait nous enseigner que le souvenir et le culte de son Cœur ne devaient pas être séparés du sou­venir et de la méditation de ses souffrances; il voulait que la dévotion à son Cœur allumât dans nos âmes la dévotion à sa Passion, que les hom­mes, hélas! laissent trop souvent dans un oubli impardonnable. Il vou­lait nous faire comprendre que la dévotion à son divin Cœur n'est pas seulement une dévotion de sentiment, mais une dévotion qui doit pro­duire l'amour de la croix et du sacrifice.

«Mon Cœur est le fruit de l'arbre de la croix, semble nous dire Notre­Seigneur; mais pour cueillir ce fruit, il faut, à mon exemple, porter la croix; à mon exemple, souffrir et s'immoler chaque jour; à mon exem­ple, gagner et conquérir le ciel en passant par le chemin du sacrifice».

Notre-Seigneur veut que les hommes pensent à sa Passion et la médi­tent.

Nous lisons dans la vie de la bienheureuse Véronique, de l'ordre de saint Augustin, que ce divin Maître lui dit un jour:

«Je désire que les hommes s'efforcent de rendre à ma Passion le culte d'une douleur sincère et d'une vive compassion pour mes souffrances. Ne verseraient-ils qu'une seule larme, ils peuvent être sûrs qu'ils ont beaucoup fait, car la langue humaine ne saurait exprimer la joie et la sa­tisfaction que me cause cette larme».

Ecoutons encore ce que le Sauveur dit à sainte Gertrude: «Quiconque, succombât-il sous le poids des péchés les plus graves, viendra seulement offrir à Dieu le Père la Passion et la mort que j'ai souffertes sans les avoir méritées, peut se relever soulagé par la douce espérance que ses péchés lui seront remis. Oui, en vertu de cet acte, il recevra le fruit salutaire de mes souffrances: car il n'est pas sur la terre de remède aussi efficace con­tre le péché, que le pieux souvenir de ma Passion, uni à un repentir sin­cère et à une foi vive».

Jésus promet de répandre les bénédictions les plus abondantes sur ceux qui montrent de la dévotion à sa Passion. Voyez avec quel divin en­thousiasme il en parle à la bienheureuse Angèle de Foligno: «Vous êtes bénis de mon Père, ô vous qui me plaignez, qui vous affligez sur moi, et qui, en marchant sur mes traces, avez mérité de laver vos vêtements dans mon sang! Vous êtes bénis, vous qui pleurez sur ma croix et sur les cruelles souffrances que j'ai dû endurer afin de satisfaire pour vous, et de vous racheter des peines éternelles qui vous étaient réservées; en compa­tissant à la pauvreté, aux douleurs et aux mépris que j'ai supportés pour vous, vous avez été justifiés. Vous êtes bénis, vous qui, avec une tendre compassion, gardez le souvenir de ma Passion, qui est la merveille de tous les âges, le salut et la vie des âmes égarées et le seul refuge des pé­cheurs. Puisque vous avez pleuré avec moi, vous partagerez avec moi le royaume et la gloire que j'ai conquis au prix de mes souffrances, et vous jouirez à jamais de mon héritage».

Sachons donc profiter de la propitiation offerte pour nous par le Sacré-Cœur en méditant ses souffrances et en imitant son sacrifice.

EXEMPLE

Le divin Cœur n'a pas changé ses volontés, il n'a pas abandonné ses desseins sur la France, malgré l'indifférence avec laquelle ils y ont été ac­cueillis; il daigna les révéler de nouveau et avec non moins d'insistance, en 1814, à la sœur Marie de Jésus, de la Congrégation de Notre-Dame.

Cette sainte âme, abîmée dans le Cœur de Jésus comme dans un océan de lumière, y voyait clairement les désirs dont il est enflammé et ses desseins particuliers de miséricorde sur la France. Souvent le Sau­veur lui disait qu'il souhaitait ardemment que le roi Louis XVIII consa­crât sa famille et son royaume à son divin Cœur, qu'il en fît célébrer la fête solennellement et universellement chaque année et qu'enfin il fit bâ­tir une chapelle en son honneur.

Un jour ce souverain Maître ajouta: «La France est toujours bien chè­re à mon Cœur et elle lui sera consacrée… je prépare à la France un dé­luge de grâces lorsqu'elle sera consacrée à mon divin Cœur. je dispose toutes choses pour cela; oui, la France sera consacrée à mon cœur; alors la foi et la religion refleuriront en elle, et toute la terre se ressentira des bénédictions dont je la comblerai».83)

Il semble que nous soyons bien loin de l'accomplissement des désirs divins. Cependant la dévotion au Sacré-Cœur gagne tous les jours du terrain, et l'église de Montmartre s'achève.

Notre-Seigneur a laissé entendre aussi à Marguerite-Marie qu'il in­terviendrait par quelque grand coup de la Providence: «Mon divin Sau­veur a de grands desseins, a-t-elle dit, qui ne peuvent être exécutés que par sa Toute-Puissance, qui peut tout ce qu'elle veut».

Et puis, après tout, le spectacle de l'anarchie des esprits ramène nos intellectuels à la foi; n'est-il pas vraisemblable que la vue de l'anarchie politique et sociale où conduit l'athéisme ramènera les peuples et les gouvernants à la soumission à Dieu, le Roi des rois et des nations?

PRIERE

O mon très aimable et très-doux Jésus! je désire, de toutes les affec­tions de mon cœur, que tous les êtres créés et incréés vous louent, vous honorent et vous glorifient éternellement, pour la plaie sacrée dont votre divin côté a été navré. je dépose, je renferme, je cache dans cette plaie et dans cette ouverture de votre Cœur, mon cœur et toutes ses affections, mes pensées, mes désirs, mes intentions, et toutes les puissances de mon âme; vous suppliant, par le précieux sang et par l'eau sainte qui ont dé­coulé de votre très aimable Cœur, que vous preniez une entière posses­sion de moi, que vous me conduisiez en toutes choses, et que vous me consumiez dans le feu très ardent de votre saint amour, en sorte que je sois tellement absorbé et transformé en vous, que je ne sois plus qu'un avec vous.

O Père très aimable et très débonnaire! je vous offre, en satisfaction de tous mes péchés et de ceux de tout le monde, et en réparation de ma paresse, de ma tiédeur, de ma négligence et de mon amour désordonné; je vous offre, dis-je, cette sacrée plaie du Cœur de votre Fils, le sang et l'eau qui en sont découlés, et l'amour immense duquel il vous a aimé; vous suppliant que de cette sainte plaie vous versiez en mon âme un amour très pur, très ardent, très parfait et éternel, avec lequel je vous ai­me de tout mon cœur et vous bénisse en tout et par-dessus tout, que je ne désire que vous, que je ne cherche que vous, que je ne sois attaché qu'à vous seul, et que j'emploie entièrement toutes les puissances de mon corps et de mon âme à vous aimer et glorifier.

Vingt-troisième jour

Cœur de Jésus, rassasié d'opprobres,
ayez pitié de nous

Notre-Seigneur a senti peser sur lui pendant toute sa vie l'opprobre de nos péchés, dont il avait pris l'expiation à sa charge. Il était comme le bouc émissaire de la pauvre humanité. «Il portait le poids de nos péchés»,84) dès le premier instant de son Incarnation. Il paraissait devant son Père comme le représentant responsable de l'humanité coupable. L'opprobre de nos péchés pesait sur lui sans répit, jusqu'à ce qu'il en fût rassasié dans les excès de sa Passion.

Ecoutons saint Bernard nous décrire le Cœur du bon Maître, rassasié d'opprobres.85)

Saint Bernard contemple Notre-Seigneur sous le gracieux symbole de la vigne.

C'est le Seigneur lui-même qui a choisi ce symbole: «Je suis la vigne, nous a-t-il dit, et vous êtes les ceps».

La vigne était belle et gracieuse. C'était la vigne choisie, et chère au Cœur de Dieu. Mais voici qu'elle a été ravagée et foulée aux pieds. C'est nous qui méritions d'être broyés à cause de nos péchés. Jésus, la vigne mystique, s'est offert à notre place. Il s'est livré à toutes les souf­frances pour expier nos péchés. La beauté de la vigne mystique s'est ob­scurcie.

La beauté insigne du Sauveur a été doublement altérée pendant sa vie, remarque saint Bernard: en premier lieu par la tristesse que lui causait sa compassion pour les hommes et qui rejaillissait de son Cœur sur son ado­rable visage, et en second lieu par les tortures cruelles de sa Passion.

Et d'abord, comme il avait pris la sensibilité humaine, nous pouvons conjecturer comment il était impressionné à notre sujet. Tout homme est tellement ému et troublé du péril de ses amis, que souvent il en éprouve une altération dans la santé et les forces de son corps. Si tel est le dévouement d'un homme à l'égard d'un autre homme, quel sera donc celui du Sauveur Jésus à l'égard de tous les hommes? Car tous étaient ses enfants et tous étaient atteints d'une infirmité mortelle.

Nous savons ce que l'apôtre saint Paul disait de lui-même: «Qui peut souffrir sans que je souffre avec lui?».86) Si celui qui avait une étincelle d'amour, un reflet du soleil de charité, a éprouvé de cet amour même une telle compassion et un tel affaiblissement, que devrons-nous penser de celui qui est la charité même, et de la plénitude duquel tous ont reçu et doivent recevoir les rayons de l'amour?

On ne peut pas douter que le Sauveur n'ait subi des souffrances et un brisement de cœur incomparables et qu'il n'ait été d'autant plus accablé que ses sentiments de compassion étaient plus intenses, lui qui ne voyait pas seulement les actions des hommes mais qui sondait leurs pensées.

Une parole du Sauveur lui-même vient à l'appui de cette assertion: «Jérusalem, Jérusalem, dit-il, que de fois j'ai voulu rassembler tes fils, comme la poule rassemble ses petits sous ses ailes, et tu n'as pas voulu!».87)

Pourquoi Notre-Seigneur a-t-il voulu se comparer à la poule? C'est, nous disent les Saints-Pères, pour mieux montrer la tendresse incompa­rable de son Cœur. A quel état de souffrances et de brisement a-t-il été réduit, lui qui a pleuré sur nous tous, comme nous le rappelle Isaïe: «Il a pris sur lui nos souffrances et porté nos péchés».88)

Mais arrivons à sa Passion. Et je ne veux pas, dit saint Bernard, appe­ler sa Passion seulement le jour où il est mort, mais toute sa vie. Car c'est toute sa vie qu'il a porté la croix et souffert le martyre. Rappelons brièvement et méditons longuement son abstinence, la longueur de ses veilles, la fréquence de ses oraisons, son assiduité au travail jusqu'à la sueur de son front, ses courses de village en village pour prêcher et gué­rir. Combien n'a-t-il pas souffert de la faim et de la soif, lui qui est le pain de vie et la source jaillissante jusqu'à la vie éternelle? Remarquez son jeûne de quarante jours et quarante nuits, après lequel il eut faim. Voyez-le revenir vers les hommes avec son bon visage défiguré par un si long jeûne. Et l'Evangéliste a bien marqué qu'il eut faim, afin que vous sachiez qu'il a accompli ce jeûne, non pas par sa puissance divine, mais dans la faiblesse de sa nature humaine.

O mon bon Maître, combien vous nous avez aimés!

Saint Bernard poursuit:

Mais arrivons au jour de son dernier combat. Commençons à contempler notre divin Maître dans ce lieu même où, suivant son propre témoi­gnage, son âme, sous le poids de la tristesse et de l'ennui, fut triste ju­squ'à la mort. Pendant qu'il priait et qu'il était en agonie, une sueur de sang baigna ses membres avec une telle abondance qu'il coulait goutte à goutte sur la terre.

Parcourons ensuite toutes les péripéties de cette nuit terrible et voyons comment il fut enchaîné, traîné, frappé, souffleté et couvert de crachats, couronné d'épines, frappé à la tête par le roseau, broyé sous les fouets de la flagellation, chargé sous le poids de sa croix et condamné à porter d'abord cette croix, sur laquelle il devait être ensuite attaché.

Et tout cela, c'est pour apaiser la justice de son Père. C'est pour rem­placer les victimes de propitiation de l'Ancienne Loi, qui n'étaient que des symboles insuffisants.

Jésus est dépouillé de ses vêtements. Il devient un opprobre pour le monde, il est un sujet d'étonnement et de scandale pour un grand nom­bre, et les foules branlent la tête en signe de mépris. - Mais pourquoi tarder? Il est élevé sur la croix; ses mains et ses pieds sont transpercés. La lance du soldat fait sortir de son Cœur la dernière goutte de sang. Notre Médiateur, brisé sous le poids de nos crimes, se tient en présence de son Père, afin de détourner sa colère, qui nous aurait frappés et per­dus. Son Cœur ne faiblit pas, et les sentiments de sa persévérante misé­ricorde ne fléchissent pas. Oh! dans quel état je vous contemple, très bon et très aimant Jésus! Qui donc vous a condamné à une mort si amère et si odieuse?

Voilà donc le produit que vous rend cette vigne que vous aviez trans­plantée de la terre d'Egypte! Vous espériez qu'elle produirait des rai­sins, mais elle n'a produit que des épines. Car elle vous a abreuvé d'amertume. Que dis-je? elle n'est plus à vous. Car elle vous a couronné d'épines et les épines de nos péchés vous entourent de toutes parts. Cette vigne vous a renié lorsque les juifs se sont écrié. «Nous n'avons pas d'autre roi que César».

Après vous avoir chassé en dehors de la vigne de votre propre cité, les habitants sacrilèges vous ont mis à mort, non pas en vous frappant d'un seul coup, mais après les longs tourments de la croix, après les blessures multiples de la flagellation, après vous avoir percé de clous les mains et les pieds.

Oh! Seigneur Jésus, combien ils furent nombreux ceux qui vous ont frappé! Vous l'avez été par votre Père, qui ne vous a pas épargné, vous son propre Fils, mais qui vous a livré pour nous tous. Vous vous frap­piez vous-même, car vous livriez votre âme, que personne, sans vous, ne pouvait vous enlever. Il vous a frappé, le disciple impie, par le perfide baiser de la trahison. Ils vous ont frappé, les gentils, par les fouets et les clous. Nous vous avons tous frappé par nos péchés.

Le Roi s'est livré pour l'esclave, Dieu pour l'homme, le Créateur pour la créature, l'innocent pour le coupable.

Je compatis à vos souffrances, Seigneur mon Roi, mon Maître, mon Père, mon Frère, qui êtes aimable au-dessus de tout amour. Conformons-nous à notre vigne mystique, nous qui sommes ses bran­ches. Souffrons avec notre divin modèle. Acceptons les peines de la vie et ne négligeons pas la mortification, si nous voulons plus tard partager la gloire de Jésus ressuscité. Disons avec saint Paul: «Je suis attaché à la Croix avec le Christ. -je porte dans mon corps les stigmates de Jésus-­Christ».89) Sanctifions nos croix en les unissant à celle de Notre-Seigneur.

EXEMPLE

M. Dupont, né à la Martinique en 1797, est mort à Tours, en odeur de sainteté, en 1876. Ses œuvres à Tours ne se comptent pas. Il ravviva la dévotion à saint Martin, il établit l'adoration nocturne; il propagea la dévotion à la Sainte Face. C'est chez lui que le général de Charette reçut le drapeau du Sacré-Cœur qui devait se couvrir de gloire à Patay. Ci­tons ici une belle page de lui sur le Sacré-Cœur:

«Il y a nécessité pour nous de coopérer aux grâces qui débordent du Cœur de Jésus pour sauver la génération actuelle. Nous pouvons le dire avec saint Jean, Jésus les répand de sa plénitude, mais si nous ne les re­cevons pas, nous resterons bien misérables et bien inféconds. Il est évi­dent que les grâces dont la terre est inondée viennent du Cœur adorable de Jésus, et que Marie, qui intervient par ce divin Cœur, doit intervenir aussi par son Cœur Immaculé, puisqu'il s'agit du dernier effort de l'amour pour ranimer la foi éteinte, comme Marguerite-Marie Alacoque l'a entendu annoncer par Notre-Seigneur.

«Il est certain que saint Jean seul a entendu les pulsations du Cœur de Jésus et que la bienheureuse Marguerite-Marie a reçu du Sauveur l'or­dre formel de faire honorer d'une manière spéciale son Cœur de chair. Lorsque sainte Gertrude, morte en 1260, prédisait ce culte futur, elle fit remarquer à saint Jean qu'il n'en avait rien dit. Il lui répondit: Cette révé­lation est réservée aux derniers temps afin qu'en entendant les pulsations de ce Cœur divin, le monde soit réchauffé dans l'amour de Dieu qui s'attiédit.

«Le rapprochement qui existe entre les révélations de sainte Gertrude et de Marguerite-Marie, explique ce que nous voyons aujourd'hui et in­spire une grande confiance pour les combats du Seigneur. Pendant trois siècles l'humanité s'est roulée dans l'orgueil de sa raison et s'est recon­nue à la fin dans un cloaque infect. Tout étonnée, elle entend, à cette heure, cette parole: «L'heure est venue de sortir de notre sommeil. Que ne doit pas sacrifier un chrétien pour s'unir, dans cette lutte suprême, au Cœur de Jésus, que sainte Gertrude vit en saillie hors de sa poitrine sa­crée, et comme posé pour être le régulateur des nôtres!».

PRIERE

O mon Sauveur! qui est-ce qui vous a fait souffrir tant de tourments que votre Sacré Cœur en a été rompu de douleur, sinon cet amour infini que vous avez pour votre Père et pour nous? De sorte qu'on peut dire que vous êtes mort d'amour et de douleur, et que votre Cœur a été rom­pu, froissé et brisé de douleur et d'amour pour la gloire de votre Père et pour notre rédemption. O Cœur adorable de mon Jésus! que vous rendrai-je pour tous les excès de votre bonté? Oh! que n'ai-je tous les cœurs du ciel et de la terre pour vous les sacrifier dans les flammes de votre amour! O Père saint, pouvez-vous refuser ce qu'on vous demande par le Cœur très aimable de votre Fils, rompu d'amour et de douleur pour moi. Je vous supplie, ô Père adorable! de prendre une pleine et en­tière possession de mon cœur, et d'y établir parfaitement et pour jamais le règne du très saint amour de Jésus et de Marie.

Vingt-quatrième jour

Cœur de Jésus, broyé à cause de nos péchés, ayez pitié de nous

Le Cœur de Jésus a été broyé dans la douleur, mais il a voulu toutes ses souffrances, il les a accueillies avec joie, comme le remarque saint Paul.90)

Chaque pas sur le chemin du Calvaire hâtait notre rédemption. Cha­que goutte de sang versé purifiait nos âmes et les préparait aux saintes épousailles de la grâce avec notre Epoux divin.

Jésus nous a aimés jusqu'à considérer sa Passion comme une noce joyeuse où il contractait alliance avec nous. Il a chanté l'épithalame de ces noces, sanglantes et joyeuses à la fois, dans une révélation à sainte Mechtilde, et c'est vraiment un poème de la plus haute inspiration lyri­que. Donnons-en quelques fragments.

Notre-Seigneur avait célébré avec la Sainte ses fiançailles mystiques. La Sainte lui demandait de lui envoyer au doigt annulaire une douleur, qu'elle supporterait tous les jours de sa vie, en mémoire de ses fiançailles avec lui. Notre-Seigneur, faisant allusion aux noces telles qu'on avait coutume de les célébrer à cette époque, lui dit cette sorte d'ode toute brûlante de la sainte passion de l'amour divin:

«Je te donne un anneau décoré de sept pierres précieuses.

«A la première, tu peux te rappeler l'amour divin qui, me faisant quit­ter le sein de mon Père, m'a fait servir au milieu de travaux sans nombre pendant trente-trois années pour te posséder. Quand l'époque des noces approchait, l'amour de mon Cœur m'a laissé vendre, pour le prix du fe­stin, où je me suis donné moi-même pour être ton pain, ta viande et ta boisson. En ce festin ne manquèrent ni la musique, ni les jeux, ni la dan­se: la musique, ce furent mes paroles coulant avec une douceur infinie; pour réjouir les convives, je me suis abaissé, comme l'eût fait un bouf­fon, aux pieds de mes disciples.

«A la seconde pierre précieuse, tu te rappelleras qu'après le festin, comme un beau jeune homme, j'ai commencé une danse: tombant trois fois à terre, je fis comme trois bonds si violents que je fus baigné de ma sueur mêlée aux gouttes de mon sang. Dans les noces, on donne aux danseurs des vêtements; par cette danse j'ai acquis pour mes compa­gnons (pour les âmes rachetées), un triple costume: la rémission de leurs péchés, la satisfaction pour les âmes et ma divine glorification.

«A la troisième pierre, souviens-toi que dans mon amour si humble j'ai accueilli le baiser de mon épouse, lorsque judas, s'approchant, me baisa. A ce baiser, mon cœur ressentit un tel amour que, s'il se fût re­penti, j'aurais pris alors son âme pour épouse. Ce fut le moment où je m'unis à celles que, de toute éternité, j'avais prédestinées pour être mes épouses.

«A la quatrième pierre, pense aux chants nuptiaux qui, par amour de l'épouse, résonnèrent à mes oreilles, lorsque, comparaissant devant le juge, j'entendis tant de faux témoignages produits contre moi!

«A la cinquième, rappelle-toi les ornements que je revêtis pour ton amour, changeant à tous moments mes vêtements, l'un blanc, l'autre de pourpre, l'autre d'écarlate, prenant pour couronne de roses, une cou­ronne d'épines.

«A la sixième, souviens-toi de mon étreinte d'amour, lorsque je fus lié à la colonne où je reçus pour toi tous les traits de tes ennemis.

«A la septième, tu te rappelleras mon entrée au lit nuptial de la croix. Les époux ont coutume de donner des habits aux histrions, ainsi ai-je donné mes vêtements aux soldats et mon corps aux bourreaux. Etendus par les clous cruels, mes bras t'ont embrassée tendrement. Du lit nuptial de la croix, mon amour t'a chanté sept chants, tout remplis d'une mer­veilleuse suavité. Puis, j'ai ouvert mon Cœur pour t'y faire entrer, en m'endormant amoureusement du sommeil de la mort avec toi sur la croix».

O étrange épithalame! Ainsi toutes ces douleurs étaient pour vous des joies, ô bon Maître. Nous n'aurions pas osé parler si joyeusement de vos souffrances, nous aurions craint de blasphémer. Vous avez voulu le faire vous-même pour bien nous faire comprendre toute l'étendue de votre amour pour nous. Vous nous expliquez ce que saint Paul a dit de vous: «Il a porté la croix avec joie».

Quelles actions de grâces pourraient correspondre à un pareil amour! Aidons-nous encore de sainte Mechtilde.

La sainte se demandait quelles actions de grâces dignes du Seigneur elle lui rendrait pour ses blessures et en particulier pour la blessure de son Cœur sacré: «Quel genre de reconnaissance vous témoigner, disait-­elle à Notre-Seigneur, pour cette plaie d'amour reçue en la croix pour les hommes, alors que l'amour perça de la flèche d'un amour invincible vo­tre Cœur si compatissant? Et pour cette autre grâce par laquelle il sortit de votre Cœur de l'eau et du sang pour nous guérir, et qu'ainsi, vaincu par l'amour immense que vous aviez pour votre épouse, vous êtes mort de la mort de l'amour?».

Le Seigneur répondit: «Que l'homme conforme toujours sa volonté à ma volonté, en tout et par-dessus tout, soit tout pour lui».

Le Seigneur ajouta: «Je le dis en vérité: les larmes répandues pieuse­ment pour ma Passion, je les accepte comme si on était mort pour moi­même».

«Ah! mon Seigneur, dit la sainte, comment ferai-je pour obtenir ces larmes?».

Le Seigneur répondit: «Je vais te l'apprendre. Pense d'abord à mon amitié, à mon affection pour toi, quand je suis allé au-devant de mes en­nemis. Eux me cherchaient avec des épées et des bâtons pour me tuer, comme si j'avais été un brigand et un malfaiteur. Et moi, j'allai vers eux comme une mère qui va au-devant de son fils, pour l'arracher à la gueu­le des loups. - Puis, lorsqu'ils me frappaient sans pitié de leurs souf­flets, je répondais aux soufflets qu'ils me donnaient, en donnant autant de baisers affectueux aux âmes de tous ceux qui, jusqu'au dernier jour, doivent être sauvés par les mérites de ma Passion. - Ensuite, pendant qu'ils me flagellaient avec tant de cruauté, j'ai fait pour eux une prière si efficace à mon Père céleste, que beaucoup d'entre eux furent convertis. - De plus, lorsqu'ils m'enfonçaient la couronne d'épines sur la tête, je comptais les pointes d'épines pénétrant dans ma chair, pour placer au­tant de pierres précieuses dans leur couronne. - Lorsqu'ils me clouè­rent à la croix et étendirent mes membres, au point qu'on put compter mes os et mes entrailles, j'employai toute ma divine puissance à attirer à moi les âmes de ceux qui étaient prédestinés à la vie éternelle. C'est ce que j'avais dit auparavant: «Lorsque je serai élevé, j'attirerai tout à moi».91) - Enfin, lorsque la lance m'ouvrit le côté, j'ai tiré de mon Cœur le breuvage de vie pour tous ceux qui, en Adam, avaient bu la mort; je les fis devenir enfants de vie éternelle et de salut, en moi qui suis la vie».92)

Comme toutes ces paroles sont belles! Le Sauveur qui embrasse les âmes, quand judas vient lui donner un baiser perfide! Le Sauveur qui met, en échange des épines de sa couronne, des pierres précieuses dans la nôtre! Mais surtout les dernières paroles sont délicieuses. Tous nous avons bu à la coupe du cœur d'Adam et nous avons dans nos veines un sang impur, souillé, chargé d'orgueil, de révolte, de concupiscence, de passion, de péché, de mort, mais nous buvons à la coupe du Sacré-­Cœur un sang précieux, chargé d'humilité, d'obéissance, de sainteté, de vie éternelle.

Buvons jusqu'à l'ivresse.

EXEMPLE

Parmi les âmes qui, à notre époque, ont le mieux compris la dévotion au Sacré-Cœur, et sont entrées le plus avant dans l'esprit de réparation, une place à part doit être réservée à la Mère Marie de Jésus, fondatrice et supérieure générale des Filles du Cœur de Jésus.

Après une enfance angélique et tout embaumée des parfums de la pié­té, quoique non exempte d'épreuves cruelles, Marie Deluil-Martiny, qui devait être plus tard la Mère Marie de Jésus, conçut, à l'âge de 23 ans, le désir de se consacrer tout entière à l'œuvre de la réparation en­vers le Sacré-Cœur de Jésus. Après s'être dévouée pendant quelques an­nées à la propagation de la garde d'honneur de Bourg, elle se sentit pres­sée de fonder une communauté de religieuses, réparatrices. Elle fut en­couragée par un vénérable religieux de la Compagnie de Jésus, Compa­gnie que l'on retrouve toujours, fidèle à la mission providentielle qu'elle a reçue depuis le V. P. de la Colombière, à l'origine de toutes les œuvres qui intéressent la dévotion au Sacré-Cœur.

«Le culte, l'imitation du martyre intérieur des Cœurs de Jésus et de Marie, disait la jeune fondatrice dans une lettre admirable que nous voudrions citer tout entière, sera une des pierres les plus précieuses de la robe de l'Eglise… Qui refuserait de tremper ses lèvres au calice des dou­leurs intérieures du Cœur de Jésus? C'est le Cœur qui a tant aimé, mais aussi c'est le Cœur qui a tant souffert… Tout, dans la future associa­tion, doit être pour le Cœur de Jésus par le Cœur de Marie… Il semble que la Vierge-Prêtre veut se former un nouveau cortège, en s'entourant d'une génération d'âmes choisies parmi les «Vierges qu'elle amène au Roi»; et comme elle a enfanté et formé en saint Jean le Prêtre, ces âmes auront pour but, dans leurs immolations, de former les prêtres à la sain­teté et à la perfection du sacerdoce».

Le 8 décembre 1872, le cardinal de Malines, qui avait dit, au sortir du premier entretien avec mademoiselle Marie Deluil: «Je viens de voir la Thérèse de notre Siècle», signait l'acte d'érection du premier monastère des Filles du Cœur de Jésus, et le 20 juin de l'année suivante, la fonda­trice revêtait l'habit blanc de l'institut avec plusieurs de ses filles.

Bientôt, elle se rendait à Marseille pour y fonder un nouveau mona­stère. C'est là que la Mère Marie de Jésus, le 27 février 1884, tomba, frappée à mort par la balle d'un ancien serviteur du couvent. Elle mou­rut en disant: «Je lui pardonne… Pour l'Œuvre! Pour l'Œuvre!». S'of­frant ainsi en victime pour l'extension de sa chère Œuvre et de sa com­munauté naissante.

Actuellement, les Filles du Cœur de Jésus ont trois monastères, celui de Berchem, celui de Marseille et un autre à Turin.

A Berchem elles sont gardiennes d'une basilique splendide, bâtie par les soins de Mgr Van den Berghe, en l'honneur du Sacré-Cœur de Jésus, et qui a été désignée par l'autorité épiscopale comme le Sanctuaire National de la Belgique au Sacré-Cœur, à l'instar de la basilique de Montmartre pour la France.

Appelons de nos vœux le jour où toutes les nations voudront se grou­per au pied du Sacré-Cœur, devenu comme l'étendard de ralliement pour toutes et où nous verrons la réalisation de cette mystérieuse parole du Prophète: «Il élèvera un signe au milieu des nations et rassemblera ceux qui étaient dispersés en Israël».

PRIERE

O Cœur aimable de mon Sauveur, vous êtes le siège de toutes les ver­tus, la source de toutes les grâces, la fournaise ardente où s'embrasent du divin amour toutes les âmes saintes; vous êtes l'objet de toutes les complaisances de Dieu; vous êtes le refuge des affligés, et la demeure des âmes qui vous aiment. O Cœur digne de régner sur tous les cœurs, et de posséder l'affection de tous les cœurs, ô Cœur qui avez été blessé pour moi sur la croix, par la lance de mes péchés, et qui, depuis lors, de­meurez dans le saint Sacrement de l'autel, toujours blessé pour moi d'une autre lance, celle de votre amour envers moi; ô Cœur aimant, qui aimez les hommes avec tant de tendresse, et qui êtes si peu aimé des hommes, remédiez vous-même à une si grande ingratitude, enflammez nos cœurs d'un véritable amour pour vous. Ah! que ne puis-je parcourir le monde, pour publier les grâces, les douceurs, les trésors que vous pro­diguez à ceux qui vous aiment véritablement! Agréez le désir que j'ai de voir tous les cœurs brûler d'amour pour vous. O Cœur divin, soyez ma consolation dans les peines, mon repos dans les travaux, mon soulage­ment dans les angoisses, mon port dans les tempêtes. Je vous consacre mon corps et mon âme, mon cœur, ma volonté, ma vie et tout ce que je suis. J'unis aux vôtres toutes mes pensées, toutes mes affections, tous mes désirs. - O Père éternel, je vous offre les affections toutes pures du Cœur de Jésus: si vous rejetez les miennes, vous ne pouvez rejeter celles de votre Fils, qui est la sainteté même; qu'elles suppléent à ce qui me manque, et qu'elles me rendent agréable à vos yeux.

Vingt-cinquième jour

Cœur de Jésus, obéissant jusqu'à la mort, ayez pitié de nous

Le Sacré-Cœur de Jésus a toujours vécu dans l'obéissance. Jésus obéissait à Nazareth; pendant trente ans, il était soumis à Marie et à Jo­seph. Il obéissait pendant sa vie publique, il observait les lois de Moïse, il allait au Temple et accomplissait la Pâque. Il obéissait aux lois civiles et payait l'impôt à César. Mais c'est surtout dans sa Passion que son obéissance se manifesta de la manière la plus éclatante.

Il obéit aux ignobles agents des grands prêtres qui viennent l'arrêter à Gethsémani, parce qu'ils représentent l'autorité de la synagogue.

Il se laisse garrotter et conduire au sanhédrin. Il comparaît humble­ment devant ses juges, il se laisse jeter en prison. Il se laisse conduire chez Pilate et chez Hérode. Il se soumet à sa condamnation.

Il porte sa croix pour obéir à ses bourreaux, il ôte ses vêtements, il s'étend sur la croix, il livre ses mains et ses pieds pour qu'on les cloue. Mais on peut dire de son obéissance comme de son amour, qu'elle a eu sa plus haute expression dans les grandes circonstances de son Incar­nation, de son agonie et de sa mort.

Quand son Père nous l'a donné pour Rédempteur, quand son Père lui a demandé de venir sur la terre pour expier nos péchés, il a prononcé son ecce venio.

«Je viens, ô mon Père, a-t-il dit, pour faire votre volonté».93) Il avait conscience de ce qu'il lui en coûterait. Il voyait devant lui toutes les hu­miliations à subir, toutes les souffrances à supporter. Il acceptait tout par amour pour nous. Cet acte d'obéissance comprenait à lui seul tous les sacrifices de sa vie et de sa mort.

A Gethsémani, son acte d'obéissance a aussi une extension infinie. Toutes les souffrances de sa Passion lui sont présentes et il prononce son Fiat. Il prévoit l'ingratitude des hommes et l'inutilité de son sang pour un grand nombre. La crainte et l'émotion l'écrasent, il répète trois fois son Fiai.

Mais c'est sur la croix que l'obéissance du Sacré-Cœur de Jésus nous présente sa plus sublime manifestation, parce que c'est là que le Père éternel demande à son Fils le plus grand sacrifice. Ce sacrifice, c'est l'abandon, qui arrache à Notre-Seigneur cette plainte infiniment dou­loureuse: «Mon Dieu! mon Dieu! Pourquoi m'avez-vous abandonné?».

Par ce cri plaintif, Notre-Seigneur a voulu témoigner que ce moment était pour lui le plus douloureux de sa vie. Il nous apprenait en même temps quelle est la malice du péché, qui obligeait en quelque sorte Dieu de livrer à des tortures sans soulagement, son Fils innocent, qui a pris la responsabilité de nos fautes.

Notre-Seigneur, ne fut pas, à ce moment, abandonné de la Divinité, mais il fut privé de toutes les consolations dont Dieu a coutume de soute­nir ses fidèles serviteurs dans leurs souffrances; il resta plongé dans un abîme de ténèbres, de craintes et de dégoûts amers.

«Cette privation de la présence sensible de Dieu, Jésus l'avait déjà connue à Gethsémani, remarque saint Liguori; mais sur la croix il l'éprouva d'une manière plus complète encore et plus cruelle».

O Père éternel, s'écrie le même saint Alphonse, quel déplaisir vous a donc causé ce Fils innocent et obéissant, pour que vous l'ayez condamné à une mort si amère? Regardez-le sur cette croix: voyez comme sa tête y est tourmentée par les épines, comme son corps suspendu à trois cro­chets de fer ne repose que sur ses plaies! Il est abandonné de tout le mon­de, même de ses disciples; ceux qui l'entourent le tournent en dérision et le blasphèment; pourquoi donc, vous qui l'aimez tant, l'avez-vous ainsi abandonné?

Mais il ne faut pas oublier que Jésus s'était chargé de tous les péchés du monde; et quoiqu'il fût le plus saint de tous les hommes, ou plutôt la sainteté même, néanmoins, s'étant obligé à expier tous nos péchés, il pa­raissait le plus grand pécheur de l'univers; et comme il s'était rendu responsable des péchés de tous, il fallut qu'il payât pour tous. Or, nous méritions d'être !jamais abandonnés dans l'enfer et livrés à un dése­spoir éternel, il a donc voulu être lui-même abandonné à une mort sans consolation, afin de nous délivrer de la mort éternelle.

Ce fut en retour de cette obéissance suprême au Calvaire que son Père lui accorda le salut du genre humain: «Aux jours de sa vie mortelle, a dit saint Paul, le Christ offrit des prières et des supplications avec un grand cri et des larmes à Celui qui pouvait le sauver de la mort, et il fut exaucé comme le méritait sa sublime dignité».94)

Du reste, cet abandon fut pour Jésus la plus cruelle de toutes les peines de sa Passion; car, après avoir souffert tant de douleurs atroces sans ou­vrir la bouche, il ne se plaignit que dans cette dernière circonstance, et ce fut en poussant un grand cri, noce magna, accompagné de beaucoup de larmes et de prières, comme le dit saint Paul, qu'il exhala sa plainte. Rendons grâces à notre Sauveur d'avoir bien voulu nous racheter à un si haut prix. Prouvons-lui notre reconnaissance en bannissant de notre cœur toute affection qui ne serait pas pour lui.

Le souci de Notre-Seigneur, en toutes ses souffrances, était de faire la volonté de son Père. On lit dans saint Jean:95) «Après cela, sachant que toutes choses étaient accomplies, afin qu'une parole de l' Ecriture s'accomplît, Jésus dit: j'ai soif!». Le passage des Saintes Ecritures au­quel l'évangéliste fait ici allusion, est cette parole prophétique de David: «Ils m'ont donné du fiel pour ma nourriture et, dans ma soif, ils m'ont présenté du vinaigre».96)

Enfin Notre-Seigneur nous donne le dernier témoignage de son obéis­sance: «Consummatum est. Tout est consommé». Il vit que tout était ac­compli; toutes les volontés de son Père étaient réalisées. Toutes les priè­res des anciens patriarches, toutes les prophéties concernant sa vie, sa mort, les mauvais traitements et les humiliations qu'il devait subir, tout cela était devenu une réalité. Tous les sacrifices de l'ancienne loi avaient atteint leur terme dans le sacrifice de la Croix dont ils étaient la figure.

Tout était consommé, Notre-Seigneur avait rempli sa mission, il prononça ses dernières paroles: «Mon Père, je remets mon âme entre vos mains», et, en poussant un grand cri, il expira.

Saint Jean rapporte qu'au moment d'expirer notre divin Rédempteur baissa la tête,97) témoignant ainsi qu'il acceptait la mort de la main de son Père avec une entière soumission; c'était alors en effet qu'il mettait le comble à son humble obéissance, selon le mot de saint Paul: «Il s'est hu­milié et s'est rendu obéissant jusqu'à la mort et à la mort de la Croix».98)

Selon saint Ambroise, l'expression «Emisit spiritum: Il rendit son âme», signifie que Jésus mourut, non par nécessité ni par le fait des bourreaux, mais parce qu'il voulut bien mourir; il ne perdit point la vie, mais il la quitta de son plein gré. Il mourut volontairement pour obéir à son Père, pour satisfaire son amour pour nous et pour nous sauver de la mort à la­quelle nous étions condamnés.99)

A l'exemple du bon Maître, devenons pleinement obéissants aux vo­lontés de Dieu. Elles nous sont connues par les lois divines et par nos de­voirs d'état.

Obéissons humblement. Notre-Seigneur en sera consolé et nous bé­nira.

EXEMPLE

Notre-Seigneur a prié le premier pour les prêtres, pour le recrutement et la sanctification du clergé. «La moisson est grande, disait-il, et les moissonneurs sont peu nombreux; priez donc le Maître de la moisson pour qu'il envoie des ouvriers». Le beau discours après la Cène, rappor­té par S. Jean, est en grande partie une prière pour les prêtres: «Mon Pè­re, disait le bon Maître, j'ai pris soin des disciples que vous m'avez con­fiés. Conservez-les, sanctifiez-les, gardez-les dans la vérité et dans l'uni­té. Qu'ils fassent connaître votre nom et qu'ils viennent plus tard parta­ger ma félicité».

Les saints aimaient à prier pour les prêtres. Sainte Thérèse disait à ses filles qu'elles manquaient à leur devoir si elles n'offraient pas leurs priè­res et leurs sacrifices pour aider les ministres de Dieu.

Depuis quelques années, à la suite de fréquentes manifestations du Cœur de Jésus, plusieurs Associations, Congrégations, Œuvres diver­ses, ont été fondées pour obtenir de Dieu des prêtres selon son Cœur et ranimer dans le clergé de France l'esprit apostolique. Des âmes dé­vouées, dans le monde et dans les monastères, s'offrent en victime pour cette œuvre incomparable. «Plus je serai hostie, plus ils seront prêtres, disait une pieuse Carmélite, petite-fille de l'illustre joseph de Maistre, morte à Poitiers en 1871; je me donne sans partage pour les prêtres, je sens qu'ils ont tous droits sur moi comme sur leur hostie». - «Je n'ai qu'une occupation, écrivait la fondatrice des Filles du Cœur de Jésus: offrir Jésus avec tout son sang pour les âmes sacerdotales, et m'offrir avec Lui. Marie veut se former parmi les vierges une phalange d'âmes allant jusqu'à l'extrémité de l'amour par l'immolation, pour la sanctifi­cation des prêtres». Misérablement assassinée en 1884 à Marseille, cette sainte femme exhala ce cri suprême: «Pour l'Œuvre!». Cette œuvre avait pour but la sainteté du clergé.

A l'exemple des saints, prions beaucoup pour les prêtres.

PRIERE

====Amende honorable au Sacré-Cœur par la bienheureuse Marguerite-Marie==== O Sacré-Cœur! vous méritez les inclinations et l'amour de tous les cœurs que vous avez chéris, aimés et obligés infiniment, et vous n'en avez que des ingratitudes et des froideurs, et surtout de mon cœur, qui mérite justement votre indignation. Mais comme vous êtes un Cœur d'amour, aussi êtes-vous un Cœur de bonté dont je me veux prévaloir pour ma réconciliation et mon pardon… Ah! Cœur très doux! Si la dou­leur et la bonté d'un cœur, qui reconnaît son erreur, peut vous satisfai­re, pardonnez à mon cœur, car c'est l'état où le mettent son infidélité et le peu de soin qu'il a eu de vous plaire par son amour. Cœur de mon Dieu, Cœur très saint, Cœur à qui seul appartient le pardon des pé­cheurs, pardonnez, s'il vous plaît à ce pauvre Cœur misérable… Toutes ses puissances se rallient pour, en toute humilité, vous faire amende ho­norable et réparation d'honneur.

O Cœur adorable, comment ai-je pu vous traiter ainsi et m'éloigner du Cœur de mon Jésus, qui, sans avoir besoin de moi, m'avait cherché et aimé le premier! Réformez mon cœur infidèle et inconstant et faites qu'à l'avenir il s'approche autant de vous qu'il s'en était, hélas! éloigné dans le passé!

Ainsi soit-il

Vingt-sixième jour

Cœur de Jésus, percé par la lance,
ayez pitié de nous

C'est à propos de l'ouverture du côté de Jésus que les Pères de l'Eglise ont préludé à la dévotion au Sacré-Cœur de Jésus, qui devait être révé­lée plus explicitement par quelques âmes choisies par Notre-Seigneur pour être comme les évangélistes du Sacré-Cœur.

Saint Augustin, saint Chrysostome, saint Ambroise, saint Bernard ai­maient à contempler le Cœur ouvert de Jésus. Ils y faisaient leur demeu­re, comme fait la colombe dans le creux du rocher.

Mais personne n'a mieux parlé que saint Bonaventure des desseins providentiels qu'avait Notre-Seigneur en nous ouvrant son Cœur. Dans son traité de «l'Arbre de vie» il nous dit: «Afin que l'Eglise fût formée du côté du Christ pendant son sommeil sur la croix, et que fût ac­complie la parole de l'Ecriture: «Ils reconnaîtront celui qu'ils ont tran­spercé», Dieu voulut, par une disposition providentielle, que l'un des soldats frappât et ouvrît par la lance le côté sacré du Christ, en sorte qu'avec le sang et l'eau se répandît le prix de notre rédemption. Ce sang et cette eau coulant de la source sacrée de son Cœur devaient donner aux sacrements de l' Eglise leur vertu pour conférer la vie de la grâce, et être en même temps pour ceux qui vivent dans le Christ, une source d'eau vive qui jaillit jusqu'à la vie éternelle. La lance d'un nouveau Saül, brandie par la perfidie du peuple juif réprouvé, mais dirigée par la divine miséricorde, frappa contre le mur, et porta un coup inutile, ou plutôt elle fit une ouverture dans la pierre, une caverne dans le rocher, qui devait devenir la douce retraite des colombes.

«Lève-toi donc, âme dévouée au Christ, poursuit saint Bonaventure, sois comme la colombe qui place son nid à l'entrée du trou de la pierre, tu y trou­veras une demeure comme le passereau; veille donc et ne t'endors pas; là, comme une tourterelle, tu cacheras ton chaste amour; place ta bou­che à cette ouverture sacrée, afin d'y puiser les eaux salutaires à la fontaine du Sauveur. Car c'est la source qui sort du milieu du paradis, et qui, se di­visant en quatre fleuves, et se répandant sur tous les cœurs fidèles, arro­se la terre entière en la fécondant».

Mais saint Bonaventure s'étend davantage sur ce beau sujet dans son livre «L'aiguillon du divin amour». Nous lui emprunterons quelques pensées.

Il nous invite d'abord à nous approcher de Jésus crucifié à entrer dans son Cœur sacré.

Oui, dit-il, l'ouverture du Cœur de Jésus est le signe d'une clémence infinie et ineffable. Aucune créature ne peut comprendre une telle chari­té. Les anges et les bienheureux doivent entrer dans un véritable ravisse­ment à la vue de cette immensité d'amour.

Approchons-nous donc, mes bien-aimés, de ce Cœur si grand et plongeons-nous tout entiers dans les profondeurs de son immense amour.

Approchons-nous avec confiance du côté de Jésus et ne craignons pas d'y entrer. Approchons, je vous en prie, car ses bras sont ouverts pour nous embrasser.

O bon Jésus, qu'avez-vous fait? Pourquoi m'avez-vous tant aimé? Pourquoi, Seigneur, pourquoi? Que suis-je? Je me reconnais indigne de vous recevoir dans ma demeure; combien suis-je plus indigne que vous mouriez pour mes péchés! Daignez dire seulement une parole et mon âme sera guérie; pourquoi sacrifier votre vie pour ma guérison? C'est assez, Seigneur, c'est assez d'une parole; pourquoi donc verser votre sang par une mort aussi ignominieuse et aussi cruelle? Il vous a suffi d'une parole pour créer les anges, les cieux et le monde entier, pourquoi racheter le plus vil des esclaves au prix de tant de douleurs et de tour­ments intolérables?

O mes frères bien-aimés, approchons-nous du côté de Jésus et rougis­sons nos lèvres du sang qui en découle, car tel est son bon plaisir. Ne souffrons pas qu'il endure inutilement de tels tourments et ne permet­tons pas que ce sang retombe jusqu'à terre. Que nos cœurs le reçoivent; qu'ils deviennent véritablement les vases qui portent le sang du Sei­gneur, et, enivrés de sa douleur, écrions-nous: Loin de nous de chercher à nous glorifier autrement que dans la croix de Jésus-Christ, notre Sau­veur.

Saint Bonaventure nous donne ensuite l'exemple en suppliant le Sau­veur de le recevoir dans ses plaies et de le garder à l'abri de sa Passion. O Seigneur Jésus, ô ami véritable, ô époux tout d'amour, faites un peu de boue avec votre salive et daignez en oindre mes yeux, afin que ce­lui qui a été aveugle jusqu'à ce jour puisse contempler vos blessures. Malgré son indignité profonde, introduisez votre serviteur dans le lieu où se garde le trésor du vrai Temple, afin qu'il puisse reconnaître tout ce que vous avez offert pour nous à Dieu votre Père… Daignez, Seigneur, ouvrir votre côté au plus méchant de vos serviteurs. Là, du moins, mes yeux, qui ont causé la ruine de mon âme, trouveront de quoi satisfaire pleinement leur curiosité. O bon Jésus, il faut que mon cœur soit plus dur que le rocher si votre sang ne l'amollit; il faut qu'il soit plongé dans une étrange dissipation, si votre Cœur ne le réveille.

O Pasteur excellent, je suis cette brebis qui s'est éloignée de sa voie et a trouvé sa perte. Vous avez sacrifié pour elle votre vie sur la croix. La voici, veuillez la reconnaître et l'introduire dans l'asile de vos blessures; veuillez me garder avec soin à l'abri de votre Passion, ô mon Seigneur; car sans votre mort, je me sens mourir; sans vos blessures, je suis tran­spercé; sans vos opprobres, je suis couvert d'ignominie; sans votre fla­gellation je suis déchiré par la verge de mes crimes.

Je n'ai point su persévérer dans le souvenir de votre Passion. J'ai ou­blié de considérer l'humiliation de la croix et je suis devenu un sujet d'opprobre. J'ai rejeté loin de moi les épines douloureuses qui vous ont couronné, et j'ai été percé des épines bien plus aiguës de la concupiscen­ce…

Si mon cœur ne sait pas se cacher en vos blessures, les voleurs le dé­pouilleront de ce qu'il possède.

Ce sont vos plaies sacrées qui jettent en mon intelligence une lumière resplendissante et qui allument en ma volonté une ardeur plus brûlante que le feu…

J'éprouve, ô mon Seigneur, un désir plus ardent de monter en votre société sur la croix que d'avoir part avec Pierre, Jacques et Jean à votre Transfiguration.

Gardez-vous, ô mes bien-aimés frères, de prendre la fuite et de laisser Jésus seul sur la croix. Revenez, je vous en conjure; tous se sont enfuis, et Marie seule, notre reine, est demeurée avec lui. Revenons avec Jean, associons-nous à notre souveraine et demeurons avec elle au pied de la croix.

Montons à l'arbre saint et saisissons-en les fruits. Si vous êtes pé­cheur, vous apprendrez au spectacle de cette Passion sanglante à déte­ster le péché, car c'est pour nos péchés que le Seigneur est mort. Si vous entrez dans la voie du salut et dans les travaux de la pénitence, vous au­rez un modèle parfait des satisfactions que vous devez vous imposer pour vos fautes passées. Si déjà vous avez fait des progrès dans les sentiers du bien, appliquez-vous à une tendre compassion pour Jésus et Marie et efforcez-vous de vous transformer tout entiers en Jésus crucifié.

Pour résumer saint Bonaventure, disons qu'il faut méditer souvent la Passion du Sauveur, faire souvent et pieusement le chemin de la croix et puiser dans la dévotion à la Passion toutes les grâces dont nous avons be­soin.

EXEMPLE

On peut se convaincre, en lisant les révélations de la Bienheureuse Marguerite-Marie, que l'esprit de réparation est l'une des formes, et non des moins essentielles, de la dévotion au Sacré-Cœur. La Bienheu­reuse y revient souvent. Notre-Seigneur lui demande à maintes reprises la réparation et il la demande à toutes les âmes dévouées à son Cœur. Il se plaint, dans la révélation si connue et qui fut l'une des principales, de n'être pas aimé: «Voilà ce Cœur qui a tant aimé les hommes qu'il n'a rien épargné jusqu'à s'épuiser et se consumer pour leur témoigner son amour, et en reconnaissance je ne reçois de la plupart que des ingratitu­des, par leurs irrévérences et sacrilèges, et par les froideurs et mépris qu'ils ont pour moi dans ce sacrement d'amour. Et ce qui m'est le plus sensible, c'est que ce sont des cœurs qui me sont consacrés».

Le désir de Notre-Seigneur est de plus en plus compris, car les Œuvres réparatrices se multiplient et fleurissent avec une admirable fécon­dité. La phalange des victimes grossit toujours et bientôt elle deviendra légion.

Au commencement de ce siècle, une sainte religieuse du carmel de Poitiers, Mère Adélaïde, fut choisie de Dieu pour commencer à répan­dre les pratiques réparatrices. A sa prière, un vicaire général, M. Soyer, devenu plus tard évêque de Luçon, publia en 1819 un écrit intitulé: Avertissement au peuple français, ou réparation inspirée pour apaiser la colère de Dieu.

Le 26 août 1843, Notre-Seigneur chargeait de travailler à la répara­tion une jeune carmélite de Tours, sœur Saint-Pierre. Elle avait surtout pour mission de prier et de souffrir pour la France, qui déchire les en­trailles de la miséricorde divine, abuse des plus grandes grâces, blasphè­me le nom du Seigneur et profane son jour.

Le carmel de Tours inspira l'association réparatrice des blasphèmes établie à saint Dizier et la dévotion à la sainte Face du Sauveur. De là aussi sortit la communauté de l'adoration réparatrice fondée à Paris par la Mère Marie-Thérèse Dubouché.

Plusieurs communautés vouées au culte du Sacré-Cœur ou du Saint-Sacrement se sont fondées dans le même but. Elles passent le jour et la nuit devant le Saint-Sacrement, prient et s'immolent pour répondre à l'appel du divin prisonnier de nos autels qui cherche des consolateurs.

Le Révérend Père Drevon a fondé la communion réparatrice. - L'Association de prière et de pénitence en union avec le Sacré-Cœur de Jésus, érigée à Montmartre en archiconfrérie, réunit dans son sein l'élite des catholiques.

Les Prêtres du Sacré-Cœur de Saint-Quentin ont une association ré­paratrice, qui compte, particulièrement en Allemagne, Belgique et Hol­lande, plus de dix mille associés.

Au Val des Bois, M. Harmel a fondé l'Association intime, dont les mem­bres s'offrent en victimes pour le salut des ouvriers.

Puisse ce nombre des âmes réparatrices se multiplier de plus en plus pour apaiser la justice de Dieu, consoler Notre-Seigneur et provoquer sa miséricorde!

PRIERE

====De Lansperge à la Sainte Vierge sur la plaie du Cœur de son divin Fils==== O mère affectueuse, qui pourra comprendre de quelle immense tri­stesse, de quelle angoisse vous avez été cruellement blessée par cette mê­me lance qui entra aussi dans votre âme très dévouée! Quelle angoisse plus difficile à décrire encore s'empara de votre Cœur, quand la lance du soldat, rouge de sang, fut retirée de la blessure, et quand vous vîtes de vos yeux pleins de larmes le sang sortir de la blessure, mêlé à une eau très limpide! O entrailles maternelles remplies de douceurs et de tristes­ses, que de fois dans cette lugubre journée vous avez été blessées! quels déchirements, quelles souffrances vous ont cruellement brisées! que de sanglots vous ont soulevées et broyées! que de douleurs ont été votre nourriture! que de tristesses vous ont brûlées! quel feu véhément d'amour vous a envahies! quel poids pesant de la Passion vous a écrasées sous le pressoir pour en tirer des larmes très brûlantes et intarissables! Pour tant de douleurs je vous loue, je vous bénis, je vous glorifie et je vous élève au-dessus de tout pour l'éternité et au-delà, des milliers et des milliers de fois, avec tout l'amour de la sainte Trinité, avec l'affection de toutes les créatures qui vous vénèrent; salut, sainte et immaculée Vierge!

Ainsi soit-il

Vingt-septième jour

Cœur de Jésus, source de toute consolation, ayez pitié de nous

«Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur et vous trouve­rez la paix de l'âme».100) Par ces paroles, Notre-Seigneur nous a lui-même montré en son Cœur la source de la paix et de la consolation.

Venez à l'école de mon Cœur, nous dit-il, méditez les dispositions de mon Cœur, vous verrez que l'humilité et la douceur en sont les caractè­res propres. Vous imiterez cette humilité et cette douceur et vous aurez trouvé le secret de la paix.

D'où viennent les troubles de l'âme? De l'orgueil, de la colère, de la sensualité. Quand l'âme est humble et douce, elle est à l'abri de toutes les agitations des passions.

L'âme humble reconnaît son néant, elle sait qu'elle n'est qu'une peti­te créature du Bon Dieu, elle veut obéir à Dieu en tout, elle veut confor­mer sa volonté à celle de Dieu, et alors qu'est-ce qui pourrait la troubler? Si Dieu permet qu'elle ait la santé et le succès, elle est contente; s'il veut qu'elle ait à souffrir, elle est encore contente, parce que Dieu est le maître et qu'il sait mieux que nous ce qui convient à chaque âme.

L'âme humble reconnaît qu'elle a souvent offensé Dieu, et alors quel­le épreuve pourrait la troubler? S'il plaît à Dieu de lui envoyer des croix, c'est pour la purifier et la sauver, c'est pour lui donner occasion d'ac­quérir des mérites. Elle accepte volontiers tout ce que Dieu veut.

L'âme dévouée au Cœur de Jésus est donc à la source de la paix et de la vraie consolation.

L'âme dévote au Cœur de Jésus devient une âme d'oraison et de vie intérieure. Elle pense souvent au Cœur de Jésus, elle évite le péché pour lui plaire, elle prie assidûment et se fait un règlement de vie, pour servir régulièrement et contenter celui qu'elle aime. Elle acquiert bientôt l'ha­bitude de la vie intérieure et surnaturelle. Or, la vie intérieure est la source de la paix et de la joie spirituelle.

L'âme qui considère souvent le Cœur de Jésus, comprend le sens de la Passion du Christ. Le Cœur de Jésus a aimé la souffrance pour répa­rer la gloire de Dieu outragée et pour sauver les âmes. L'âme unie au Cœur de Jésus accepte donc les peines de la vie en union avec son divin modèle.

Ecoutons quelques instants le vénérable Libermann, qui est le grand apôtre de la paix et de l'union avec Dieu.

Voici, dit-il, quels sont les fruits de l'oraison et de l'union au Sacré-Cœur de Jésus.

Elle produit dans notre âme la paix et la joie. La paix provient de ce que notre âme est en rapport avec son Dieu, l'auteur de toute paix. La joie est profonde par les impressions intérieures de la grâce divine que nous recevons dans cette union de notre âme à Dieu.

L'âme entièrement abandonnée à l'action de la grâce, dit-il encore, devient souple et flexible devant la sainte volonté de Dieu, que sa foi et son amour lui font voir en tout ce qui arrive; elle est pleine de force et ne s'abat ni ne se décourage de rien; les événements fâcheux, les contradic­tions, les souffrances et les humiliations ne parviennent pas à jeter en elle la perturbation. Elle reste calme et soumise à Dieu.

Elle jouit d'une paix profonde, qui est déjà un effet naturel du calme des passions, mais qui provient surtout de la vie de Dieu en nous, d'où résulte un bien-être surnaturel dont on ne peut se former une idée exac­te, quand on ne le possède pas.

Le vénérable, après avoir posé ces principes, en fait l'application dans ses lettres. Il montre aux âmes éprouvées l'union à Dieu et le repos sur le Cœur de Jésus comme la source de toute paix et de toute consolation.

«En Dieu, écrit-il, vous trouverez toute lumière, toute vertu, tout amour et toute force. Abandonnez-vous donc entre les bras de votre bien-aimé Père, pour qu'il vous conduise où il veut et comme il veut, et qu'il fasse de vous tout ce que bon lui semblera. Ayez toujours la paix, la douceur et la suavité dans le cœur; je ne veux pas dire d'une manière sensible et affectueuse, mais d'une manière réelle, par la volonté et le dé­sir sincère et véritable de vivre à Dieu seul en tout ce que vous faites et de ne voir que lui et sa sainte volonté en tout ce qui vous arrive (Lettre 193).

Aux âmes éprouvées de diverses manières, par leurs propres imperfec­tions, par la pauvreté, par la contradiction, il montre toujours la conso­lation dans l'union à Notre-Seigneur et à son divin Cœur.

«Pourquoi s'inquiéter et se troubler quand on se voit misérable? écrit-­il. Au contraire, notre pauvre âme se voyant si petite, si nue, si épuisée, doit se tenir dans une grande joie et une grande admiration devant Dieu, de ce que, malgré ses :misères, il a plu à son Dieu de l'attirer à lui, de la faire vivre de sa vie et de mettre en elle toute sa complaisance» (Même lettre).

«Ne vous étonnez pas, écrit-il encore, si vous êtes un pauvre homme; seulement, visez paisiblement et doucement à aimer et à servir votre grand et unique Seigneur, de tout votre cœur et de toutes vos forces. Ce­la revient à dire que vous devez tendre à ce qu'il n'y ait en vous aucune affection, aucun désir, aucune volonté, aucun sentiment qui ne soit tout englouti et comme abîmé dans le sein immense du très Sacré-Cœur de Jésus…» (Lettre 194).

A un malade, il écrivait: «Ne regardez pas comme un fléau les peines et les douleurs que vous éprouvez, mais bénissez la main divine qui vous flagelle… Mettez votre confiance en Jésus qui souffre en vous; cachez votre âme dans sa force divine, afin que votre faiblesse ne succombe pas au poids glorieux dont il charge vos épaules. Ainsi caché en Jésus, que ne serez-vous capable de porter?… Voyez combien notre adorable Agneau était fort dans ses immenses douleurs. Voilà votre modèle, votre soutien, votre force, votre espérance et votre vie…» (Lettre 160).

A un ecclésiastique éprouvé par des contradictions et des calomnies, il écrit: «Tâchez de calmer votre esprit et de reposer paisiblement votre cœur sur ceux de Jésus et de Marie. Cherchez votre consolation dans le saint amour dont le Cœur divin brûle pour vous et pour tous ceux qui lui appartiennent. Il faut espérer que Notre-Seigneur fera tout tourner à sa plus grande gloire et que la très Sainte Vierge vous protègera, afin que la très sainte volonté de Dieu s'accomplisse en vous» (Lettre 221).

Se trouvant lui-même dans la détresse, il disait: «Je n'ai plus aucun homme ni aucune créature sur la terre en qui je puisse mettre ma con­fiance. Je n'ai rien, je ne sais ce que je deviendrai. Je serai méprisé et peut-être traité comme un insensé; mais nous avons un Père dans le ciel, le très bon et très adorable Seigneur Jésus, et une Mère très grande et très admirable qui n'abandonneront pas ceux qui se livrent à corps per­du pour leur gloire et leur amour. N'ayons donc ni crainte ni défiance. Toute mon espérance est en Jésus et Marie et ce doit être aussi la vôtre» (Lettre 180).

EXEMPLE

Plusieurs Congrégations de prêtres et un grand nombre d'instituts de religieuses sont voués au Sacré-Cœur de Jésus. Leur multiplication et leur extension dans ces dernières années sont un signe manifeste des pro­grès de cette belle dévotion. Ce sont des instruments puissants pour ai­der au règne du Cœur de Jésus sur les âmes.

La Congrégation de Jésus et Marie, ou des Eudistes est toute vouée aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, quoique son nom ne le dise pas. Elle doit son origine au vénérable Jean Eudes, frère de l'historien Eudes de Mézeray. D'abord oratorien, disciple aimé du cardinal de Bérulle et du Père de Condren, il se sépara de l'Oratoire et fonda la Congrégation de Jésus et Marie, le 25 mars 1643. Il prêcha un nombre incalculable de missions et il établit de nombreux séminaires en province. Jusqu'à la Révolution, la Congrégation continua son œuvre. Son supérieur d'alors, le père Hébert, confesseur de Louis XVI, fut tué aux Carmes le 2 septembre 1793. La société a été rétablie en 1825. Les Eudistes se li­vrent au ministère des missions et surtout à l'éducation et à l'instruction de la jeunesse.

La Congrégation des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, ou de Picpus, a été fondée en 1800 par l'abbé Coudrin. Le Saint Siège l'approuva en 1817. Les pères de Picpus ont toujours dans leurs sanctuaires un des leurs en adoration devant l'autel du saint Sacrement. Outre les maisons fondées en Europe, cette Congrégation possède des missions en Océanie, aux îles Sandwich, aux Gambier, aux Marquises, aux îles de la Société, aux Po­motou, aux îles Cook. Elle en a aussi au Chili, au Pérou, à l'Equateur.

Pendant la Commune, quatre Pères de Picpus eurent l'honneur de donner leur vie pour la foi. Le P. Damien, mort en 1889 à Molokaï, a succombé victime de son dévouement aux lépreux des îles Sandwich.

Le Sacré-Cœur sait inspirer à ses serviteurs un dévouement héroïque.

PRIERE

Saint Jean, apôtre saint et béni, qui reposiez familièrement sur la poi­trine glorieuse de votre Dieu, quelle douceur, que de grâces et de suavité, que de lumières et de dévotion vous puisiez à cette source, où sont certainement renfermés tous les trésors de la sagesse et de la science de Dieu! Là est la source de la miséricorde, la demeure de la piété, le miel de l'éternelle douceur. D'où vous est venu tout cela, ô Jean? C'est là le privilège spécial de la virginité; c'est comme vierge que vous avez été choisi par Notre-Seigneur et préféré à tous les autres. Si cette poitrine glorieuse a été pour vous un lieu de repos familier, je vous prie qu'elle soit pour moi, par vous, un propitiatoire de salut. Oh! qu'il fait bon d'être là!

O très doux, très bon, très aimant, très aimable Jésus, j'invoque les mérites de votre ami bien-aimé, saint Jean. Ou plutôt, qu'il prie votre Cœur, le lieu si doux de son repos, pour moi, et vous, exaucez mon dé­sir par amour pour lui; je vais à la source, je ne puis pas faire plus. Que mon âme ne périsse pas de soif auprès de la source vive, mais que je m'enivre du vin de l'allégresse dans la pensée de votre divinité et que je tire du sein de votre humanité le lait dont je me nourrisse et me délecte éternellement.

O Jean, qui par un don divin

Imitez l'aigle dans sa course,

Laissez-moi boire de ce vin

Dont Jésus vous ouvrit la source.

Vingt-huitième jour

Cœur de Jésus,
notre vie et notre résurrection,
ayez pitié de nous

Tout chrétien, par le baptême, devient le membre de Jésus-Christ. Il est comme un cep nouveau greffé sur le tronc divin. Par conséquent il doit vivre de la vie du Christ et se considérer comme un autre Jésus­-Christ. Tout chrétien devrait dire avec saint Paul: «Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi».

Or, la source et le principe de cette vie sont dans le Sacré-Cœur de Jésus.

Un jour sainte Mechtilde rendait grâces à Notre-Seigneur pour le sa­crement du baptême. Notre-Seigneur se plut à renouveler en elle les grâ­ces du baptême d'une manière symbolique. Je vais te baptiser, lui dit-il; et aussitôt un grand flot s'élançant du divin Cœur vint inonder l'âme de Mechtilde. Alors Notre-Seigneur ajouta: Je veux être aussi ton parrain, et comme les parrains instruisent leurs filleuls, je veux te donner plu­sieurs enseignements:

«L'un est de vivre entièrement pour moi, de manière que tu regardes tes œuvres comme m'appartenant et non à toi; ne vois en toi autre chose qu'un vêtement dont je me couvre pour exécuter et régler en toi toutes tes actions.

«Un autre est de supporter toutes les souffrances corporelles et spiri­tuelles non pour toi, mais pour moi, comme si je les supportais en toi­même».101)

Cette union intime établie par le saint baptême entre l'âme et Dieu est appelée une participation de la nature divine: Consortes divinae naturae. Deux comparaisons sont employées tour à tour pour en exprimer les conséquences et les fruits; l'une est empruntée à saint Paul, l'autre à Notre-Seigneur.

Devenir chrétien, c'est se revêtir de Jésus-Christ lui-même, dit saint Paul. Aussi Notre-Seigneur déclare à sainte Mechtilde que l'âme de­vient son vêtement à lui. Saint Paul disait aux Romains: «Revêtez-vous de Jésus-Christ»,102) et aux Galates: «Revêtez-vous de l'homme nouveau, revêtez-vous, comme il convient à des élus, des saints et des bien-aimés de Dieu, revêtez-vous de tendresse, de miséricorde, de bonté, d'humili­té, de modestie, de patience; mais surtout, revêtez-vous de la charité, qui est le lien de la perfection, et faites régner en vous la paix du Christ… Vous tous qui êtes baptisés, vous avez revêtu le Christ».103)

Mais où sont préparées ces vertus chrétiennes qui forment le vêtement ou pour mieux dire la robe nuptiale du Christ? Où est leur source et leur exemplaire? dans le Cœur du Christ. Priez la très sainte Vierge, tréso­rière du Cœur de Jésus, de les y prendre et de vous en revêtir. Mechtilde suppliait un jour cette Mère virginale de lui obtenir la cha­steté de l'esprit et du corps. Alors la bienheureuse Vierge Marie lui ap­parut debout devant le Seigneur; elle prenait dans le Cœur divin une ro­be blanche qu'elle lui donna. Mechtilde voulait s'en revêtir; mais une troupe de démons se tenait à droite et à gauche pour l'empêcher de met­tre cette robe. Elle invoqua alors la bienheureuse Vierge Marie, la pria de venir à son aide, et aussitôt celle-ci se mit devant les démons, la cou­vrant de son ombre, et ils disparurent. Mechtilde put alors se revêtir de la robe blanche sortie du Cœur sacré de Jésus.

Ce n'est pas seulement la chasteté, qui a cette divine origine, mais ce sont toutes les vertus.

«C'est moi-même qui préparerai tes vêtements, ma bien-aimée, disait Notre-Seigneur à son épouse, et c'est de moi que je te revêtirai… Je tire­rai pour toi de ma tendre affection des vêtements, et si tu ne peux les porter seule, nous les porterons ensemble; jusqu'ici tu m'as servi avec dévouement dans tes travaux; désormais tu me serviras en pratiquant les vertus dont j'ai donné l'exemple».

Notre-Seigneur aimait à se servir d'images poétiques, quand il s'en­tretenait avec les illustres vierges d'Helfta.

«Selon l'apparence, lui dit-il, j'ai été semblable à un ver, selon l'ex­pression du psaume; mais ce sont des vers qui filent la soie». Le ver à soie s'enveloppe dans son fil si précieux; il y trouve la mort, et ce vête­ment d'un être méprisable devient la parure des rois et des reines. Celui qui était méprisable comme un ver s'est enveloppé ici-bas de toutes les vertus humaines; il meurt dans ce vêtement, et il nous le laisse pour nous en faire un vêtement d'honneur.104)

La seconde comparaison, qui exprime l'union de l'âme baptisée avec la nature divine, est employée par Notre-Seigneur dans l'Evangile. «Je suis la vigne et vous êtes les branches. Celui qui demeure en moi porte beaucoup de fruits».105)

La branche ainsi unie à Notre-Seigneur est féconde; elle s'étend, et à son tour elle devient bientôt une vigne pour le Bien-Aimé: Vinea dilecto.106) «Puisse-t-il arriver, s'écriait un jour Mechtilde, que mon cœur soit toujours pour vous, ô mon Seigneur, une vigne qui plaise à votre Cœur! «A quoi le Seigneur répondit: «Je puis accomplir tout ce que tu désires». Et il lui fut révélé que l'homme juste était cette vigne de Dieu, et que Dieu trouve une grande jouissance en celui qui, dès son enfance jusqu'à son trépas, a sanctifié sa vie pour Dieu. Au centre de la vigne était une fontaine, et près de là Notre-Seigneur était assis sur un tronc. De son Cœur coulait avec impétuosité, dans cette fontaine, l'eau que le Sei­gneur fait jaillir sur tous ceux qui désirent leur régénération spirituelle. Ainsi l'âme du juste est comme une vigne arrosée par les eaux qui coulent du Sacré-Cœur.

Sous l'emblème du vin, Notre-Seigneur montre aussi les œuvres que produit sa vigne bien-aimée. Les œuvres offertes à Dieu dans l'enfance sont comme un vin très pur et d'une excessive douceur. Les labeurs que s'impose l'homme dans sa jeunesse pour résister aux vices et aux tenta­tions, sont comme un vin rouge et fort. Les actes de vertu que l'homme accomplit dans la force de l'âge, pour l'amour de Dieu, sont comme un vin chaud et excellent. Enfin les désirs divers qui font aspirer l'homme de toutes ses forces vers Dieu, ainsi que les peines et tribulations qui viennent ordinairement attrister la vieillesse, sont comme un vin aussi généreux que le nectar.

La vigne, sur un terrain choisi et bien exposé au soleil, produit un vin plus exquis, digne de la table des rois. Il en est de même de la vigne de notre cœur, quand elle est échauffée par le soleil de la charité.

«Quel est le vin que je vous présente à boire, ô mon bien-aimé, disait la sainte, lorsque je prie pour vos amis?».

Jésus répondit à Mechtilde: «Un vin très généreux, bien fait pour ré­jouir mon Cœur, ainsi qu'il est écrit: Le vin réjouit le cœur de l'hom­me»107) - «Et quand je prie pour les pécheurs?» - «C'est un vin plus doux que le miel que tu me présentes, en priant pour mes ennemis, afin qu'ils se convertissent à moi». - «Et quand je prie pour les âmes des dé­funts?» - «C'est un vin qui réjouit aussi mon Cœur, si tu pries pour que ces âmes, objet de ma complaisance, soient bientôt délivrées de leurs peines».

Nous pouvons donc rendre au Sacré-Cœur invitation pour invitation. Il nous disait: «Venez, mangez mon pain et buvez le vin que je vous ai préparé».108) - A notre tour, chacun de nous, petite vigne choisie du Maître, peut vous appeler, ô Cœur sacré de Jésus et vous dire: «Venez, buvez le vin que nous vous avons préparé: enivrez-vous de ces prières, de ces bonnes œuvres, faites à l'intention de vos amis, des pécheurs et des âmes qui souffrent loin de vous».

Et après cette vie, la petite vigne fidèle sera transportée au paradis céleste, et après avoir été sa vie, le Cœur de Jésus sera sa résurrection.

EXEMPLE

Dans ce siècle, plusieurs Congrégations nouvelles se sont fondées pour honorer le Sacré-Cœur.

Les Bénédictins du Sacré-Cœur de Jésus ont été fondés à la Pierre-qui­Vire, au diocèse de Sens, par le R. P. Muard, en 1809. Le P. Muard est mort en odeur de sainteté, le 19 juin 1859. Dieu a béni l'œuvre du pieux fondateur. Ces pères ont une abbaye au territoire indien, aux Etats­-Unis, et un prieuré en Angleterre.

Les Pères du Sacré-Cœur de Jésus-Enfant ont été fondés récemment à Marseille pour la direction des œuvres de jeunesse.

Le diocèse de Toulouse a une Congrégation diocésaine de Prêtres du Sacré-Cœur, fondée en 1840 par le cardinal d'Astros.

Les Prêtres auxiliaires du Sacré-Cœur de Jésus ont été fondés à Bétharam, près Lourdes, en 1848, par le P. Garricoïts, qui est mort en odeur de sainteté. Ils ont de belles œuvres dans l'Amérique du sud, à Buenos­Ayres et à Montevideo.

Les Missionnaires du Sacré-Cœur ont été fondés à Issoudun, en 1854, par le R. P. Jules Chevalier. Un signe providentiel a été l'occasion de leur fondation. Le P. Chevalier était vicaire à Issoudun et il pensait à fonder un institut dévoué au Sacré-Cœur. Il demandait à la sainte Vierge un si­gne de la volonté de Dieu. Or, un bienfaiteur lui envoya une somme im­portante le 8 décembre 1854, au jour de la proclamation de l'Immaculée Conception, pour fonder une œuvre de missionnaires.

La fondation a été bénie. Les missionnaires du Sacré-Cœur ont plu­sieurs vicariats apostoliques en Océanie. L'archiconfrérie de Notre­Dame du Sacré-Cœur, qu'ils ont fondée, compte environ vingt millions d'associés.

La Congrégation des Prêtres du Cœur de Jésus, de Saint-Quentin, a été fon­dée en 1877. Elle s'est développée rapidement et compte plus de 200 membres et quinze maisons en France, en Belgique, en Hollande, au Luxembourg, à Rome. Elle a une mission florissante au Congo belge et des œuvres au Brésil. Le Saint Père l'a honorée en 1888 d'un Bref lau­datif fort encourageant, qui commence en ces termes: «Parmi les buis­sons et les ronces qui abondent de notre temps, est née comme une fleur agréable et parfumée la pieuse société des Prêtres du Cœur de Jésus, dont les membres, abdiquant toute affection terrestre, se donnent tout entiers au divin Cœur et s'efforcent d'allumer en eux et dans les autres le feu sacré de l'amour divin que Notre-Seigneur est venu apporter à la terre». Cette Congrégation a pour esprit propre la vie d'amour et d'im­molation au Sacré-Cœur de Jésus. Elle a pour œuvres l'adoration répa­ratrice, l'éducation des clercs et la prédication.

Notre-Seigneur, en favorisant et bénissant ainsi les œuvres vouées à son divin Cœur, fait voir combien il veut de notre temps hâter le règne de ce Cœur sacré.

ACTE D’OBLATION

O Cœur de mon bien-aimé Jésus, Cœur très digne d'adoration et d'amour, enflammé du desir de réparer et d'expier tant et tant d'injures commises envers vous, et pour fuir, autant qu'il est en moi, le vice de l'ingratitude, je vous offre et vous livre entièrement mon cœur, avec toutes ses affections et moi-même tout entier. O Jésus, le bien-aimé de mon cœur, je vous offre spontanément tout le mérite et toute la valeur satisfactoire que pourront avoir mes prières, mes actes de pénitence, d'humilité, d'obéissance ou de toute autre vertu que je pourrai faire dans tout le cours de ma vie jusqu'à mon dernier soupir, quelque faible et misérable que soit cette oblation. Combien je voudrais que toutes mes actions' fussent faites pour l'amour et la gloire du Cœur de Jésus! Hum­blement prosterné devant vous, ô mon Dieu, je vous supplie de ne pas dédaigner cette pauvre offrande que je fais à ce divin Cœur par les mains très pures de Marie, afin qu'il puisse en disposer à son gré, et en attribuer le fruit à qui il voudra.

Ainsi soit-il

Vingt-neuvième jour

Cœur de Jésus,
notre paix et notre réconciliation,
ayez pitié de nous

Dès le premier instant de l'Incarnation, le Cœur de Jésus a offert pour les pécheurs les gouttes du sang précieux qu'il venait de recevoir du Cœur immaculé de sa Mère. Le désir violent de répandre ce sang s'est emparé dès lors du Cœur sacré de Jésus et devint une véritable angoisse: Quomodo coarctor».109) Le Sacré-Cœur de Jésus était dès lors la victime de paix et de réconciliation pour nos péchés.

Cette volonté permanente explique le pardon accordé avec tant de fa­cilité et de délicatesse à Madeleine, à la femme adultère, à la Samaritai­ne, à Zachée, au paralytique.

L'amour immense que le Cœur sacré de Jésus porte au pécheur, fera de Jésus l'Agneau de Dieu qui porte tous les péchés du monde, le Bon Pasteur qui court après les brebis égarées, le père de famille qui reçoit avec joie le prodigue repentant.

L'œuvre de cet amour est éternelle. Le Cœur de Jésus reste toujours à l'état de Victime immolée pour nous; il garde la sollicitude du Bon Pa­steur à la recherche de la brebis égarée; il éprouve toujours la joie du Pè­re, lorsqu'il reçoit un prodigue repentant.

Ces dispositions du Cœur sacré nous font tressaillir d'espérance, quand nous les voyons se manifester dans le saint Evangile. Si nous pou­vions les constater encore aujourd'hui que Jésus est si près de nous dans le tabernacle! Ecoutons ce que le Bon Maître a fait connaître à sainte Mechtilde.

Notre-Seigneur apparut un jour à la sainte, les mains étendues, toutes ses plaies ouvertes: «Lorsque j'étais suspendu à la croix, lui dit-il, toutes mes plaies étaient béantes, chacune d'elles était comme une bouche qui intercédait auprès de Dieu le Père, pour le salut de l'homme; et elles continuent encore de jeter un cri vers lui pour apaiser sa colère envers le pécheur».

Mais l'amour du Bon Maître ne s'est-il pas au moins attiédi depuis l'offrande de Gethsémani et du Golgotha? Il y a eu depuis tant de cri­mes, et cela de la part de chrétiens qui connaissaient les bienfaits de Jésus! Oh! non.

«De même que mon humanité, dit Jésus, s'est offerte avec un amour ineffable à Dieu le Père, toute couverte de sang, en victime sur l'autel de la croix; ainsi, dans le même sentiment d'amour, je m'offre au Père céleste pour les pécheurs; je lui présente tous les instruments de ma Passion, et ce que je désire le plus, c'est que le pécheur se convertisse et qu'il vive».

Le Sacré-Cœur de Jésus est donc toujours la Victime de paix et de ré­conciliation. , Si le pécheur se convertit, la Victime divine tressaille; mais si au con­traire il résiste aux avances du Cœur sacré, elle en ressent le douloureux contre-coup. Il semble qu'elle a retrouvé un bourreau.

«Tant qu'un pécheur, dit Notre-Seigneur, reste dans le péché, il me retient étendu et enchaîné sur la croix, mais dès qu'il se convertit par la pénitence, il me délie aussitôt, et moi, comme si vraiment je venais d'être détaché de la croix, je tombe de tout mon poids sur lui, comme autrefois sur joseph d'Arimathie, avec ma grâce et ma miséricorde; je me livre en son pouvoir, en sorte qu'il peut faire de moi tout ce qu'il veut».

Aurions nous jamais osé tant espérer?

- Peut-on imaginer quelque chose de plus doux et de plus suave que la sollicitude du Bon Pasteur à la recherche de sa brebis égarée? Cette sollicitude est restée aussi grande, aussi inquiète dans le Cœur de Jésus.

«Je poursuis, dit-il, l'âme pécheresse, et cela sans relâche, et quand el­le se retourne vers moi par la pénitence, le désir ou l'amour, j'en éprou­ve une joie ineffable. On ne peut faire à un débiteur un plus grand plai­sir que de lui remettre un trésor avec lequel il peut s'acquitter; je me suis en quelque sorte rendu débiteur de mon Père en m'engageant à satisfai­re pour la faute de l'homme; aussi je ne désire rien plus vivement que de voir l'homme revenir à moi par la pénitence et par l'amour, pour que je puisse l'offrir à mon Père».

Ce n'est pas assez pour le Bon Pasteur de poursuivre lui-même la bre­bis égarée, il veut encore nous associer à son ministère de réconciliation. Comme sainte Mechtilde, nous éprouverions volontiers un sentiment d'indignation contre ceux qui repoussent nos avances et celles de Jésus. Mais il est prêt à nous redire comme aux fils de Zébédée: «Vous ne savez pas quel esprit vous anime. Voyons, cédez-moi, et priez pour ces pau­vres pécheurs que j'ai si chèrement rachetés, et dont je désire si fort la conversion. Celui qui voudra me prier avec profit pour ceux qui sont captifs, soit dans leur corps, soit dans leur âme par le péché, n'a qu'à me prier par l'amour de mon Cœur; par cet amour qui m'a retenu captif dans le sein de la Vierge, qui m'a ensuite enveloppé de langes, qui m'a livré chargé de liens entre les mains des impies; par les chaînes dont j'étais chargé quand les juifs m'ont livré entre les mains du juge; par l'amour qui m'attacha à la colonne pour la flagellation, qui me retint avec ignominie attaché par les clous à la croix, et qui, après ma mort, m'enveloppa dans le suaire; par cet amour qui m'a retenu lié dans toutes ces circonstances, qu'il me demande de délivrer ce captif de tous les liens de ses péchés!».

Que cette prière pour les pécheurs est puissante! Un jour, Mechtilde se mit en devoir de solliciter la conversion de tous ceux qui étaient en état de péché, et le Seigneur lui dit: «Eh bien! pour tes prières, je conver­tirai cent pécheurs!».

L'amour paternel explique tout dans la parabole de l'Enfant prodi­gue, et la joie avec laquelle le Père de famille reçoit son enfant coupable et la facilité avec laquelle il lui accorde son pardon et le réintègre dans tous ses droits. «Son fils était mort, et son fils est ressuscité». Il est heu­reux comme le vieux Jacob, pressant sur sa poitrine joseph, le bien-aimé de son cœur, qu'il supposait dévoré par une bête féroce.

Si le Cœur de Jésus éprouve une pareille joie quand un pécheur se convertit, c'est qu'il est rempli d'un amour aussi grand que celui d'un père pour son fils.

«Rien, dit-il à sainte Mechtilde, ne me rend si heureux que le cœur de l'homme, dont je jouis bien rarement. J'ai tous les biens en abondance, seul le cœur de l'homme m'échappe souvent».

Mais quand ce pauvre cœur humain est contrit et brisé par le repen­tir, et qu'il met sur nos lèvres ce cri du prodigue: «Je me lèverai et j'irai à mon Père!» aussitôt le Cœur de Jésus tressaille de joie: «Je te le dis, disait-il encore à la sainte, il n'y a pas de si grand pécheur auquel je ne remette, à l'heure même, s'il se repent sincèrement, tous ses péchés, et sur qui je n'incline mon Cœur, avec autant de clémence et de douceur que s'il n'eût jamais péché».

«O profondeur vraiment inscrutable, ajoute sainte Mechtilde, ô pro­fondeur de votre sagesse et de votre miséricorde, Dieu très doux; par des voies si diverses et si admirables, vous vous efforcez d'attirer à vous le cœur du pécheur; il ne peut donc plus désespérer, puisque votre appel paternel est suivi d'une si grande clémence!».110)

Vous êtes donc toujours notre paix et notre réconciliation, ô divin Cœur de Jésus. Vous nous achetez le pain et le pardon par l'offrande constante de votre sang et de vos souffrances. Vous nous cherchez avec la tendresse du Bon Pasteur pour nous ramener au bercail de la paix. Vous nous accueillez avec la bonté sans mesure du père de famille. Quel­le confiance vous mettez dans nos cœurs!

Mais à votre exemple, nous voulons aussi être des instruments de paix et de réconciliation pour les pécheurs, en priant pour eux et en offrant pour eux tout le prix de votre Passion, comme vous l'avez enseigné à vo­tre servante sainte Mechtilde.

EXEMPLE

Ces Instituts sont très nombreux. Ils se différencient soit par le my­stère ou la vertu du Cœur de Jésus qu'ils veulent honorer, soit par les Ordres anciens auxquels ils se rattachent, soit encore par le genre d'hommage et de culte qu'ils rendent au Cœur de Jésus.

Dans la première catégorie, on peut ranger les Sœurs du Sacré-Cœur de Jésus-Enfant, celles du Cœur agonisant de Jésus, celles de la Charité du Sacré-Cœur, celles de la Miséricorde du Sacré-Cœur, celles de la Retraite du Sacré-Cœur, celles de l'Union du Sacré-Cœur, celles des Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie.

Dans la seconde, on compte les Augustines, les Dominicaines, les Franciscaines, les Ursulines du Cœur de Jésus.

Dans la troisième: les Adoratrices, les Consolatrices, les Dames, les Filles, les Oblates, les Servantes, les Sœurs, les Victimes du Cœur de Jésus.

Nous en omettons probablement; et avant tout il eût fallu nommer l'Institut de la Visitation dont saint François de Sales a voulu faire les Filles du Sacré-Cœur de Jésus.

Nous ne pouvons pas donner des notices sur toutes ces œuvres. Nous donnerons seulement quelques renseignements sur un de ces Instituts qui nous est plus connu, celui des Servantes du Cœur de Jésus, de Saint­-Quentin.

Cette Congrégation prit naissance à Strasbourg, en 1867. Elle quitta cette ville après la guerre de 1870-71 et se fixa à Saint-Quentin. Cette pieuse communauté se propose de reproduire l'esprit d'amour et de ré­paration, ou plutôt la vie même de la bienheureuse Marguerite-Marie, la fidèle servante et l'apôtre du Cœur de Jésus. Elle a donc sa place par­mi les Congrégations réparatrices.

Elle comprend deux branches: la branche cloîtrée, les Marie, pratique l'adoration perpétuelle du très-saint Sacrement, récite l'office canonial et vaque dans l'intérieur du couvent aux travaux que réclament les be­soins et la tenue d'une maison. La branche non cloîtrée, ou les Marthe, se dévoue au soin des pauvres, au service des orphelinats et de plusieurs écoles apostoliques.

L'Institut a plusieurs maisons aux diocèses de Soissons, de Metz, de Strasbourg, de Reims. Il est chargé des œuvres du Val-des-Bois. Tous ces Instituts ne forment-il pas comme un immense jardin où Notre-Seigneur doit se complaire en y cueillant tour à tour les lis et les roses de la pureté et de la charité, les violettes de l'humilité, la myrrhe de la réparation?

AMENDE HONORABLE

Cœur eucharistique de mon Dieu, qui respirez et palpitez sous le voi­le des saintes espèces, je vous adore.

Touché d'un nouvel amour devant l'infini bienfait de la divine Eucha­ristie et pénétré du repentir de mes ingratitudes, je m'anéantis humilié dans l'abîme de ma misère, que j'abandonne à l'abîme plus grand enco­re de vos miséricordes.

Vous m'aviez choisi dès ma jeunesse, vous n'aviez pas dédaigné mon infirmité; descendant en mon chétif cœur, vous étiez venu le convier à un mutuel amour, me donnant le bonheur et la paix; et moi j'ai tout per­du parce que j'ai été infidèle, ô Seigneur Jésus!

J'ai laissé s'égarer mon esprit, s'attiédir mon cœur: je me suis écouté moi-même et vous ai oublié.

Vous vouliez être mon guide, mon conseil, le protecteur de ma vie; et moi, laissant les passions éteindre ce doux attrait, je l'ai perdu de vue et vous ai oublié.

Dans les salutaires douleurs de l'épreuve, dans la joie des consola­tions, dans mes embarras et dans mes besoins, au lieu d'aller à vous, j'ai cherché la créature et vous ai oublié.

Je vous ai oublié dans les tabernacles abandonnés où languit votre amour, dans les églises des cités où l'on vous insulte, dans les cœurs in­différents, sacrilèges, et dans mon propre et coupable cœur, ô Jésus! même en allant vous recevoir et après vous avoir reçu. Cœur Eucharisti­que de mon Sauveur, délices de ma première communion et des jours de ma fidélité, je me rends à vous: revenez, revenez! attirez-moi de nou­veau, pardonnez-moi cette fois encore, j'expierai tout à force d'amour.

Heureux archange saint Michel, et vous, bien-aimé saint Jean, offrez mon amende honorable et soyez-moi propices.

Ainsi soit-il

(100 jours d'ind. - Léon XIII)

Trentième jour

Cœur de Jésus,
victime des pécheurs, ayez pitié de nous

C'est au jardin de l'agonie que le Cœur de Jésus a été tout particuliè­rement victime des pécheurs.

«Un jour, dit la bienheureuse Marguerite-Marie, que je considérais attentivement dans une de mes oraisons l'unique objet de mon amour, au jardin des Olives, plongé dans la tristesse et l'agonie, et que je me sentais pressée de participer à ses angoisses douloureuses, il me dit: «C'est ici où j'ai plus souffert en mon Cœur qu'en tout le reste de ma Passion, me voyant dans un délaissement général du ciel et de la terre, chargé des péchés de tous les hommes». Notre-Seigneur a donc voulu, à Gethsémani, considérer l'ensemble des péchés dont il acceptait la re­sponsabilité et en sentir tout le poids. Il se présentait là devant son Père comme victime des pécheurs.

Il ajoutait, en parlant à Marguerite-Marie: «J'ai paru devant la sain­teté de Dieu qui, sans avoir égard à mon innocence, m'a froissé dans sa fureur, me faisant boire le calice qui contenait tout le fiel et l'amertume de sa juste indignation, comme s'il eût oublié son nom de Père».

«Je ressentais, ajouta-t-il encore, l'immense douleur que l'âme crimi­nelle ressent lorsqu'elle est devant le tribunal de la sainteté divine qui s'appesantit sur elle, la froisse, l'opprime et l'abîme en sa juste colère».

De l'aveu même du Sauveur, la circonstance de la Passion la plus dou­loureuse à son Cœur fut cet abandon où il se trouva réduit au jardin des Olives et qui se reproduisit sur la croix. Notre-Seigneur était abandonné de son Père parce qu'il se présentait à lui comme un pécheur et comme le plus grand des pécheurs, chargé de tous les péchés des hommes.

Au moment où il allait entrer dans le chemin du Calvaire, au moment où toutes ses souffrances se présentaient à la fois à son esprit et venaient accabler son âme, au moment où il aurait eu le plus besoin d'encourage­ment et de consolation, il est abandonné, non seulement de son Père, mais de ses disciples et de tous les hommes. Son Père le livre, pour notre salut, à la haine infernale de ses ennemis. Ses apôtres, qu'il avait com­blés de ses bienfaits depuis trois ans, l'abandonnent et se laissent aller au sommeil.

Notre-Seigneur apercevait aussi dans l'avenir la défection de la plu­part des hommes à travers tous les siècles. Oh! que son Cœur si tendre et si délicat fut sensible à ce délaissement général! Toutefois, par un acte sublime de générosité et d'amour, il l'accepta comme une épreuve qui entrait dans les desseins de son Père pour le salut du monde. Ainsi devons-nous faire quand nous sommes abandonnés par des personnes de qui nous étions en droit d'attendre de l'affection et de la reconnaissance. Nous devons accepter cette épreuve et l'offrir à Dieu pour l'expiation de nos péchés et pour le règne de Dieu.

Notre aimable Sauveur, après avoir parlé à la Bienheureuse des in­compréhensibles souffrances de son Cœur à Gethsémani, jette un re­gard sur la terre, et voyant la multitude des péchés qui provoquent sa ju­stice, il s'adresse avec une charité attristée à sa servante pour avoir une réparation.

«Ma justice est irritée, lui dit-il, et prête à punir, par des châtiments manifestes, les pécheurs cachés, s'ils ne font pénitence. Tu dois, ma fille, élever ton cœur et tes mains vers le ciel par tes prières et tes bonnes œuvres, me présentant continuellement à mon Père comme une victime d'amour immolée et offerte pour les péchés de tout le monde, et mettant mon divin Cœur comme un rempart et un fort assuré entre sa justice et les pécheurs, afin d'obtenir miséricorde».

Cette réparation, Jésus l'a souvent demandée dans ses révélations à la Bienheureuse et il la demande encore, car de nos jours elle est plus né­cessaire que jamais. Voyez: les crimes des hommes vont se multipliant sans mesure; le cri de leurs iniquités monte vers le ciel. Le péché suinte de toutes les parties du corps social, il envahit le monde entier comme un déluge nouveau, il bouleverse tout. Le mal est immense, il crie vengean­ce. Mais le Cœur si compatissant de Jésus ne laisse tomber qu'à regret et par force les châtiments, il se tourne vers les âmes de bonne volonté et les conjure de donner à sa justice une compensation; il désire que ceux qui possèdent sa grâce et jouissent de son amour lui fassent une sainte violence en faveur des. malheureux qui s'aveuglent et s'égarent. Oh! en­trons généreusement dans les vues si miséricordieuses du divin Cœur!

Notre-Seigneur a demandé en particulier à la Bienheureuse la répara­tion pour les douleurs que lui cause son peuple choisi. N'y a-t-il pas quelques prêtres et religieux infidèles, parfois même apostats? Ces infi­délités et même la tiédeur des âmes consacrées sont très sensibles à Notre-Seigneur. «Les autres frappent sur mes épaules, a-t-il dit, ceux-ci blessent mon cœur». Offrons pour eux les mérites et les expiations de Notre-Seigneur.

Quels salutaires effets produit la réparation! Par elle nous présentons à Dieu des satisfactions pour nous et pour les autres, nous contrebalançons le débordement des péchés; comme la pieuse Véroni­que, nous essuyons l'adorable visage du Sauveur.

Les âmes qui se livrent à la pratique de la réparation sont pour le Cœur de Jésus des objets de complaisance au milieu de tant d'objets d'horreur; il les voit comme des âmes qui le bénissent au milieu de celles qui l'outragent, comme des âmes qui l'apaisent au milieu de celles qui l'irritent. Il les voit, et son Cœur aimant est touché, il ne peut se décider à verser jusqu'à la lie la coupe de sa juste colère; la foudre lui tombe des mains et la société est épargnée. Notre-Seigneur dit un jour à la Bien­heureuse: «Les âmes qui unissent leur réparation à la mienne, soutien­nent le bras de ma justice de crainte qu'il ne tombe sur les pécheurs».

Mais par quels moyens pouvons-nous pratiquer la réparation? Le di­vin Maître nous l'enseigne et nous le répète dans un très grand nombre de ses entretiens avec Marguerite-Marie: «Offrir à Dieu son Sacré Cœur, le mettre comme un rempart entre son Père et les pécheurs, afin d'arrêter les coups de sa justice». Offrir aussi les peines que Jésus a pri­ses pour le salut des hommes, les saintes larmes qu'il a versées, le sang qu'il a répandu et la mort si douloureuse qu'il a soufferte, renouveler cette offrande souvent dans la journée, y joindre l'offrande des mérites extraordinaires de la très sainte Vierge, des travaux des apôtres, des tourments des martyrs, et, en union avec tout cela, lui présenter les pei­nes, les contrariétés, les humiliations, les croix de tout genre que nous rencontrons nous-mêmes sur le chemin de notre vie. Enfin répéter le plus souvent possible dans la journée des oraisons jaculatoires, comme celles-ci:

Mon Jésus, miséricorde!

Aimé soit partout le divin Cœur de Jésus!

Miséricorde divine incarnée dans le Cœur de Jésus,

couvrez le monde et répandez-vous sur nous.

O sang précieux de mon Sauveur, tombez à flots

sur les pauvres pécheurs afin de les purifier.

Notre Bienheureuse faisait fréquemment ces offrandes en esprit de ré­paration.

Sainte Gertrude suivait la même pratique avec une telle fidélité, qu'el­le mérita que Notre-Seigneur lui dît: «Soyez bénie, ô ma fille bien­ aimée, car vous versez sur mes blessures le baume le plus salutaire, et vous apportez à mes souffrances le plus doux soulagement».

Quelle consolation de penser que chacun de nous peut ainsi consoler le Cœur sacré de Jésus et attirer ses miséricordes sur les pécheurs!

EXEMPLE

Il existe quatre grandes archiconfréries du Cœur de Jésus. La plus an­cienne a son siège à Rome, dans l'église de Sainte-Marie-de-la-Paix. Elle a le privilège de se rattacher, en quelque lieu du monde que ce soit, les as­sociations du Sacré-Cœur qui sollicitent d'elle cette faveur.

Plus récemment, trois autres archiconfréries ont été successivement érigées pour la France: celle de Moulins, dans l'église du Sacré-Cœur, en 1853; celle de Paris, dans l'église du Voeu-National de Montmartre, en 1877; celle de Paray-le-Monial, en 1878.

Toutes les quatre ont été dotées de grâces spirituelles par la libéralité des Souverains Pontifes.

L'Apostolat de la prière ou ligue du Cœur de Jésus, demande à ses associés l'offrande quotidienne de leurs prières et de leurs actions aux intentions du Cœur de Jésus. Chaque mois une intention est proposée aux associés avec l'assentiment du Souverain Pontife. Les associés sont innombra­bles. L'œuvre a son centre à Toulouse, chez les Révérends Pères jésui­tes; elle publie un bulletin mensuel.

La Confrérie du Cœur agonisant de Jésus a pour but d'honorer le Sacré­Cœur dans les douleurs de sa vie mortelle et d'obtenir, par les mérites de l'agonie de Notre-Seigneur, une bonne mort aux agonisants de cha­que jour. Elle a son centre à Lyon.

La garde d'honneur du Sacré-Cœur est une pieuse association qui a pour berceau et pour centre le monastère de la Visitation de Bourg (Ain). Ses membres se proposent de consoler le Cœur de Jésus et acceptent pour chaque jour une heure à leur convenance, qu'ils consacrent à cet office de réparation, par une offrande spirituelle faite au commencement de cette heure et renouvelée plusieurs fois.

L'Heure sainte est un exercice d'oraison mentale ou vocale, qui se fait dans la nuit du jeudi au vendredi de chaque semaine pour honorer et partager les douleurs du Cœur de Jésus dans son agonie. Cette pratique a été demandée par Notre-Seigneur à la bienheureuse Marguerite­Marie. Elle s'est généralisée par l'établissement d'une confrérie qui a été fondée en 1829 à Paray-le-Monial.

La Communion réparatrice a pour but d'obtenir que Dieu, apaisé par la pratique de la communion fréquente et fervente, éloigne de nous les fléaux de sa colère; que les injures qui se font chaque jour à la Majesté divine soient réparées; que la foi catholique se conserve et se ranime dans tout l'univers et particulièrement en France.

C'est vraiment une magnifique armée que le Sacré-Cœur se prépare sous la forme de ces associations. Nos lecteurs voudront prendre rang dans quelques-uns des bataillons de ces chevaliers du Sacré-Cœur.

PRIERE

====Amende honorable au Sacré-Cœur de Jésus, par la bienheureuse Marguerite-Marie==== «Divin Cœur de Jésus, source inépuisable d'amour et de bonté! Ah! que j'ai de regrets de vous avoir tant oublié et si peu aimé! Vous méritez les adorations de tous les cœurs que vous avez chéris et obligés infini­ment, et vous n'en recevez que des ingratitudes, des froideurs, et surtout de moi, qui mérite, par cela même, votre juste indignation. Mais com­me vous êtes un Cœur d'amour, aussi êtes-vous un Cœur de bonté, dont je me veux prévaloir pour mon pardon et ma réconciliation avec vous. Hélas! ô Cœur divin, c'est avec bien de la douleur que je me vois convaincue de tant de lâcheté, et que je considère l'injuste procédé de mon âme, d'avoir détourné ses affections de vous et de vos amabilités, pour se les appliquer à elle-même ou à quelque chétive satisfaction. Vengez-vous, Cœur de mon Sauveur, vengez-vous sur cette âme ingra­te mais repentante, en la transperçant mille et mille fois des traits de vo­tre amour. Toutes ses puissances se rallient pour vous faire, en toute hu­milité, amende honorable et réparation d'honneur.

«O Cœur de Jésus, réformez mon pauvre cœur infidèle. Je suis cou­verte de confusion, et je ne sais vous dire autre chose que ces paroles: J'ai péché contre vous; j'ai péché! oh! ayez pitié de moi, Cœur sacré, à qui seul appartient la miséricorde; ayez pitié de moi, et si vous voulez me condamner à brûler éternellement, que ce soit dans les flammes dé­vorantes de votre amour! Cet amour, donnez-le-moi, et je consens que tous les moments qui me restent à vivre ne soient qu'amertume, douleur et affliction».

Ainsi soit-il

Trente-et-unième jour

Cœur de Jésus,
salut de ceux qui espèrent en vous,
ayez pitié de nous

Que le Cœur sacré de Jésus soit la source de notre salut, nous l'avons déjà reconnu en plusieurs lectures de ce mois.

Le Cœur matériel de Jésus est la source du sang rédempteur. Le Cœur spirituel est l'amour même de Jésus pour son Père et pour nous, amour qui a dirigé tous les actes de la Rédemption.

Aujourd'hui, nous montrerons plutôt que la dévotion au Sacré-Cœur doit être le salut des âmes et des sociétés.

C'est Notre-Seigneur lui-même qui l'a dit maintes fois à la Bienheu­reuse Marguerite-Marie, et nous demanderons à la Bienheureuse de nous le redire.

Les promesses de Notre-Seigneur sont disséminées dans les lettres de la Bienheureuse et dans sa Vie écrite par elle-même. En les réunissant, elles nous saisiront davantage et nous détermineront à nous vouer sans réserve au service de ce Cœur, digne de l'amour et de l'adoration du ciel et de la terre.

Les faveurs et les grâces promises par le divin Cœur sont si grandes, que la sainte religieuse dépositaire de ces secrets y revient presque à cha­que page dans ses écrits, avec une insistance et des expressions qui révè­lent un véritable étonnement de sa part, et font naître l'admiration. Ecoutons-la d'abord parlant d'une manière générale:

«Je me sens, dit-elle, comme toute perdue dans ce divin Cœur comme dans un abîme sans fond, où il me découvre des trésors d'amour et de grâces pour les personnes qui se consacrent et se sacrifient à lui rendre et à lui procurer tout l'honneur et toute la gloire qui seront en leur pouvoir; mais ce sont des trésors si grands qu'il m'est impossible de l'exprimer».

Dans un petit billet écrit de sa main on a trouvé ces mots: «Notre­Seigneur m'a fait connaître ce soir, à l'oraison, qu'il veut être connu, ai­mé et adoré des hommes; que pour cela il leur communiquera beaucoup de grâces, lorsqu'ils seront consacrés à la dévotion et à l'amour de son Sacré-Cœur».

Dans un autre endroit, elle dit:

«Notre-Seigneur veut, par la dévotion à son divin Cœur, retirer un très grand nombre de pécheurs de la perdition. Oh! qu'à jamais soient rendus l'amour, la gloire, la louange au Cœur tout amour, tout aimant et tout aimable de notre adorable Sauveur, de tout le bien qu'il produira et opérera dans les âmes par l'établissement du règne de son pur amour dans les cœurs de bonne volonté! Oui, il prétend, comme il l'a fait en­tendre à son indigne esclave, de redonner par ce moyen la vie à un grand nombre, en les retirant du chemin de perdition, en ruinant l'empire de Satan dans les âmes pour y établir celui de son amour, qui ne laissera pé­rir aucune de celles qui se seront consacrées à lui rendre et à lui procurer tous les hommages et tout l'amour qu'elles pourront: «Ma fille, m'a-t-il dit, sache bien cela et fais-le savoir à tous».

Et ailleurs: «Le souverain Maître m'a assurée qu'en se décidant à ma­nifester aux hommes son sacré Cœur, il avait eu le dessein de faire en leur faveur le dernier effort de sa tendresse, en leur proposant un objet et un moyen si propres à exciter l'amour le plus solide, en leur ouvrant tous les trésors de bonté, de miséricorde, de grâces et de salut que ce divin Cœur contient, afin qu'ils viennent y puiser à chaque instant du jour et autant qu'il leur plairait; leur promettant qu'ils le trouveront toujours ouvert et toujours disposé à se répandre avec une abondance extraordi­naire.

«Cet aimable Cœur a un désir infini d'être connu et aimé de ses créa­tures, dans lesquelles il veut établir son règne comme la source de tout bien, afin de pourvoir à tous leurs besoins. C'est pour cela qu'il veut qu'on s'adresse à lui avec une grande confiance, assurant qu'on ne man­quera de secours que lorsqu'il manquera lui-même de puissance.

«Si vous saviez combien de mérite et de gloire il y a à honorer cet ai­mable Cœur de l'adorable Jésus, et quelle sera la récompense qu'il don­nera à ceux qui, après s'y être tout consacrés, ne chercheront qu'à l'ho­norer! Oui, il me semble que cette seule intention donnera plus de méri­te et d'agrément à leurs actions devant Dieu, que tout ce qu'ils pour­raient faire en tout le reste sans cette application».

Nous n'en finirions pas si nous voulions reproduire tous les passages où la messagère élue du Sacré-Cœur essaie d'exprimer ce qu'elle sait et les lumières qu'elle a reçues à ce sujet. «Il est certain, dit-elle, qu'il n'est personne au monde qui ne ressentît toute sorte de secours du ciel, s'il avait pour le divin Cœur un amour sincère et véritable».

Mais Notre-Seigneur ne s'est pas contenté de ces promesses générales. Il en a fait de particulières et de fort nombreuses.

Cette chère dévotion doit produire des fruits merveilleux pour l'Insti­tut de la Visitation. Les Filles de la Visitation doivent répandre la bonne odeur du Sacré-Cœur de Jésus-Christ, afin qu'elles soient la joie et la couronne de cet aimable Cœur.

La Compagnie de Jésus a reçu une grâce spéciale pour l'établissement de cette belle dévotion. Ce qui ne veut pas dire qu'après son établisse­ment cette dévotion ne serait pas cultivée spécialement par quelques in­stituts religieux. Notre-Seigneur a promis, au contraire, de répandre ses grâces sur tous ceux qui s'emploieront à faire régner son Sacré-Cœur et en par­ticulier sur les communautés religieuses où il serait honoré et qui se met­traient sous sa protection spéciale.

Le Sacré-Cœur a des promesses pour toutes les conditions de la vie: «Les personnes séculières trouveront dans cette dévotion les secours nécessaires à leur état, le soulagement dans leurs travaux, les bénédic­tions dans leurs entreprises, la paix dans leurs familles, la consolation dans leurs misères.

«Les âmes qui aspirent à la perfection y trouveront un grand secours pour leur avancement rapide.

«Les pécheurs qui recourront au Cœur de Jésus obtiendront miséri­corde.

«Les âmes du Purgatoire seront puissamment aidées par cette dévo­tion».

Les nations catholiques aussi et en particulier la nation française ont des promesses de grâces et de prospérité si elles se consacrent au Sacré­Cœur.

Certaines pratiques de dévotion au Sacré-Cœur ont des promesses particulières, comme la vénération de son image, la célébration de sa fê­te, la neuvaine de communions des premiers vendredis, la pratique de l'heure sainte, les trente-trois actes d'adoration du vendredi.

Ainsi donc, Jésus attache les faveurs les plus étendues et les plus pré­cieuses à la dévotion au Sacré-Cœur sous toutes ses formes. Il nous montre constamment cette dévotion comme une immense espérance pour les fidèles et pour l'Eglise entière. Il promet tout: conversion des pécheurs, progrès de l'âme dans l'union à Dieu, efficacité dans la prédi­cation et dans la direction des âmes, ferveur dans les communautés, bé­nédictions pour les entreprises temporelles, assistance particulière à la mort.

En vérité, serions-nous excusables de rendre inutiles par notre indiffé­rence tant et de si magnifiques promesses? Adressons-nous donc en toutes circonstances et pour toutes choses à ce Cœur si rempli de miséricor­de et d'amour, et qui ne désire rien tant que de réaliser ce qu'il a promis. Adressons-nous à la bienheureuse Marguerite-Marie pour obtenir par son intercession une dévotion ardente au Sacré-Cœur. Elle en est la dispensatrice. Notre-Seigneur lui a dit: «Tu posséderas les trésors de mon Cœur et je te permets d'en disposer à ton gré en faveur des person­nes bien disposées. - je penserai à ceux qui auront confiance en tes prières».

EXEMPLE

Il existe plusieurs scapulaires du Sacré-Cœur. L'un d'eux, plus con­nu sous le nom de scapulaire de la Passion, a pour origine une appari­tion de Notre-Seigneur à une Sœur de Charité, en l'année 1846. Jésus­-Christ tenait à la main un scapulaire de laine rouge, sur lequel, d'un cô­té, était un Crucifix avec ces mots: Sainte Passion de Notre-Seigneur Jésus­-Christ, sauvez-nous! De l'autre côté se voyaient les images des Sacrés­-Cœurs avec ces mots: Sacrés-Cœurs de Jésus et de Marie, protégez-nous!

Pie IX a bien voulu approuver ce scapulaire et autoriser les prêtres de la Congrégation de la Mission à le bénir et à l'imposer. Il est très répandu. Un autre scapulaire, consacré aux Sacrés-Cœurs de Jésus et de Ma­rie, a été propagé en 1870, à Chavagnes, au diocèse de Luçon. Il est d'étoffe blanche, avec le Sacré-Cœur de Jésus d'un côté et le Sacré­-Cœur de Marie de l'autre. Il a aussi été approuvé et indulgencié par Pie IX.

Un autre plus récent paraît appelé à une grande popularité. Il vient d'être approuvé par un décret du Saint-Siège du 4 avril 1900. «L'ingénieuse piété des fidèles, dit le décret, a pris diverses formes pour propager la dévotion au Cœur très aimant de Jésus, dévotion si fé­conde en fruits abondants et délicieux. Plusieurs portent sur la poitrine l'image du Cœur de Jésus, coutume que la bienheureuse Marguerite­-Marie, éclairée par une lumière divine, a inaugurée et que l' Eglise a en­richie d'indulgences.

Sollicité de nouveau, le Saint-Père a daigné approuver un scapulaire proprement dit du Sacré-Cœur de Jésus. Ce scapulaire est blanc, avec l'image de la Vierge Marie sous le titre de Mère de Miséricorde…». C'est le scapulaire que demandaient les révélations de Pellevoisin, avec une très légère variante.

C'est un nouvel encouragement donné au pèlerinage de Pellevoisin que Mgr de La Tour-d'Auvergne avait déjà autorisé en approuvant la confrérie et le scapulaire.

Prenons ce scapulaire, auquel la Vierge toute miséricordieuse a pro­mis tant de bénédictions.

PRIERE

O Marie, ô Jean, perles brillantes des cieux! O lumières éclatantes, qui brillez ensemble d'une splendeur divine devant le trône de Dieu, dis­sipez par vos rayons les nuages qu'ont amoncelés mes iniquités; car vous êtes tous deux ces personnes chéries, en qui le Fils de Dieu, épris des charmes de votre très pure virginité, a confirmé le privilège de son amour de prédilection, lorsque, suspendu à la croix, il dit à sa Mère: «Femme, voici votre Fils», et à son Apôtre: «Fils, voici votre Mère». M'unissant donc à la douceur indicible de cet amour sacré, par lequel la parole expirante du Sauveur vous a unis ensemble, comme une mère est unie à son fils et un fils à sa mère, j'ose, tout misérable pécheur que je suis, vous confier à tous deux mon corps et mon âme, afin qu'à toute heure, à tout instant, vous daigniez être au dedans et au dehors mes fidè­les gardiens, et, auprès de Dieu, mes pieux intercesseurs. Ah! demandez à Dieu pour moi le salut de l'âme et du corps. Faites, je vous en conjure, faites par vos glorieuses prières que l'Esprit-Saint, généreux dispensa­teur des grâces, daigne visiter mon cœur et y établir sa demeure, pour me purifier de toutes les souillures des vices, pour répandre sur moi l'éclat et les charmes des saintes vertus, pour m'affermir et me faire per­sévérer dans l'amour de Dieu et du prochain; pour que cet Esprit conso­lateur m'introduise enfin, après le pèlerinage de cette vie, dans les joies de ses élus, lui qui vit et règne avec le Père et le Fils dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il

Trente-deuxième jour

Cœur de Jésus, espérance de ceux
qui meurent dans votre amour,
ayez pitié de nous

C'est surtout au moment si solennel et si décisif de la mort que les fa­veurs du Cœur de Jésus se font sentir.

Ses promesses font souvent allusion à ces grâces spéciales de la derniè­re heure.

A ceux qui feront la neuvaine de communions des premiers vendredis, Notre-Seigneur promet la grâce de la pénitence finale: «Ils ne mourront point dans sa disgrâce, ni sans recevoir les sacrements, et son Cœur se rendra leur asile assuré à cette dernière heure».

Il a promis d'être favorable au moment de la mort à «ceux qui, tous les vendredis, prosternés au pied de la croix, feront trente-trois actes d'ado­ration à son Cœur sacré, en union avec la Sainte Vierge sur le Calvaire, offrant ces actes d'adoration pour la conversion des pécheurs pour les­quels ce Cœur adorable a été immolé».

Il avait dit en général que les personnes dévotes à son Cœur trouve­ront dans ce Cœur adorable un lieu de refuge pendant leur vie et princi­palement à l'heure de la mort.

La Bienheureuse a raconté un exemple étonnant de la générosité avec laquelle le Sacré-Cœur récompense quelquefois ce qu'on a fait pour sa gloire. A propos de la chapelle en l'honneur du Sacré-Cœur que la supé­rieure de Paray-le-Monial avait fait bâtir dans l'enclos, le Sauveur dit à la Bienheureuse: «J'ai eu pour si agréable soin que cette religieuse a pris de me faire élever un lieu où serait adoré mon Sacré-Cœur, que, pour récompenser ce soin, je lui promets de la faire mourir dans l'acte même de mon pur amour».

Pour comprendre l'importance de la grâce qui est ici promise, il faut savoir que mourir dans l'acte même du pur amour de Dieu, ce n'est pas seule­ment mourir en état de grâce, c'est mourir en faisant un acte d'amour parfait, un acte de charité parfaite. Or, un acte de charité parfaite efface non seulement la tache des péchés, mais encore la peine qui leur est due, et met l'âme en état d'entrer immédiatement en possession de la gloire et des joies du ciel.

Le Sacré-Cœur de Jésus avait aussi révélé à sainte Mechtilde et à sainte Gertrude les grandes grâces qu'il donne aux âmes pour le moment de leur mort. Chez tous les serviteurs du Cœur de Jésus, nous rencon­trons la même sollicitude dans la préparation à la mort, la même paix dans les derniers apprêts du sacrifice.

Un mois environ avant son trépas, sainte Mechtilde, qui souffrait de­puis trois ans de douleurs continuelles, voulut, selon la dévote habitude qu'elle en avait, pratiquer l'exercice préparatoire à la mort. Elle reçut la sainte communion pour la dernière fois, puis elle recommanda à la divi­ne miséricorde sa dernière heure.

Notre-Seigneur lui apparut et lui dit avec beaucoup de tendresse: «Toi qui as été la joie et le repos de mon Cœur, veux-tu venir maintenant et demeurer désormais avec moi, pour contenter ton désir et le mien?». El­le répondit: «Mon Seigneur Dieu, plus que mon bonheur, je désire votre gloire. Je vous prie donc que j'acquitte encore dans les souffrances tout ce que j'ai pu négliger, comme créature, dans la louange que je vous de­vais». Le Seigneur, acceptant très favorablement cette réponse, lui dit encore: «Puisque tu as fait ce choix, tu me ressembleras encore en ce trait, car j'ai accepté et souffert volontairement les peines de la croix et la mort pour la gloire de Dieu et le salut du monde. De même que mes souffrances ont pénétré et ému le divin Cœur de mon Père, de même tes souffrances et ta mort pénétreront au plus profond de mon Cœur et con­tribueront au salut du monde entier».

Elle souffrit donc encore pendant deux jours. Notre Seigneur se tenait auprès d'elle et la laissait puiser à son Cœur divin. Le souffle de la mou­rante qui était une prière continuelle, faisait jaillir de la surabondance du Cœur de Jésus des grâces sur l'Eglise entière et particulièrement sur les personnes présentes.

Notre-Seigneur vint l'avertir du prochain départ de son âme, en lui disant avec beaucoup de tendresse: «Viens, mon élue, mon champ fleu­ri, où j'ai trouvé tout ce que je désirais, mon jardin plein de charmes, où j'ai goûté toutes les délices de mon Cœur divin; là, fleurissaient toutes les vertus; là, s'élevaient les arbres des bonnes œuvres; là, coulaient les eaux de la dévotion et de la ferveur; il me fut toujours ouvert pour ce que je voulais. C'est en ce jardin que j'aimais à me retirer lorsque les pé­cheurs m'irritaient; en buvant de son eau, je m'enivrais au point d'ou­blier toutes les injures qui me sont faites».

La sainte reçut l'Extrême-Onction. Notre-Seigneur lui était présent, et à chaque onction il faisait participer la malade aux mérites de ses sens correspondants.

Enfin, quand l'heure désirée fut arrivée, on vit tout-à-coup la sainte changer subitement de visage et prendre un air d'exquise tendresse, si­gne d'un sentiment intérieur de vive affection. On entendit des chants célestes, où l'on distinguait ces paroles: «Venez, les bénis de mon Père, recevoir le royaume qui vous a été préparé. Lève-toi, mon amie, et viens sans retard».

«Notre-Seigneur enleva au ciel l'âme de la sainte. Aussitôt après, sain­te Gertrude, sa contemporaine, la vit dans la gloire, reposant avec déli­ces sur la poitrine de Jésus.111)

Les grâces de préparation à la mort ne furent pas moindres pour sain­te Gertrude. Notre-Seigneur daigna l'inviter lui-même à s'unir à lui pour les préparatifs du départ.

«Lorsqu'une jeune fille, lui dit-il, voit les messagers de son fiancé re­nouveler souvent leurs visites et traiter ce qui concerne la célébration des noces, il convient qu'elle fasse de son côté les préparatifs qui la regardent dans la cérémonie. De même, il convient que, sous l'impression de la maladie, tu ne négliges rien pour te préparer à la mort».

Un des derniers préparatifs, c'est l'embrasement du cœur du mori­bond.

«Tu voudrais me blesser, si tu avais une flèche d'or, dit Notre­-Seigneur à Gertrude, mais comme c'est moi qui en ai une, je vais t'en blesser à ne jamais guérir!».

Cette blessure fait perdre à l'âme le goût des choses passagères et com­mence à l'enivrer des joies célestes.

Les autres préparatifs de la part de Jésus sont la maladie et les angois­ses, mais il est en ses saints pour les aider à souffrir. «Je supporte réelle­ment en toi, disait-il à Gertrude, les peines qui t'arrivent en ton cœur et en ton corps». - «Je te donnerai, disait-il encore, le baiser de paix avec l'anneau des fiançailles dans le sacrement de l'Extrême-Onction… Je t'avertirai de ma venue, je te prendrai dans mes bras. Je te ferai traver­ser, en t'inondant de mes délices, le torrent de la mort temporelle, et je t'introduirai dans l'océan de ma divinité».

Notre-Seigneur ajouta: «Si quelqu'un désire avoir en ses derniers mo­ments la consolation d'une semblable visite, il doit s'appliquer chaque jour à imiter les œuvres de ma vie, il doit mettre son corps sous le joug et me remettre les rênes de sa propre volonté. Il doit m'offrir ses peines et ses adversités… S'il lui arrive de reprendre les rênes qu'il m'a remises, en faisant en quelque point sa propre volonté, il doit effacer aussitôt sa faute par la pénitence et se remettre entre mes mains. Ma main miséri­cordieuse le prendra et le conduira dans la gloire du royaume céleste».

Quelle précieuse promesse! Conformons bien notre volonté à celle de Notre-Seigneur, remettons lui les rênes de notre âme. Il dirigera notre vie. Il nous donnera le baiser de paix dans l'Extrême-Onction et nous conduira au ciel.

EXEMPLE

«Un jour de Saint Jean l'évangéliste, dit la bienheureuse Marguerite-Marie, je reçus de mon Sauveur une grâce à peu près semblable à celle que reçut au soir de la Cène le disciple bien aimé. Ce Cœur divin me fut représenté comme dans un trône de feu et de flammes, rayonnant de tous côtés, plus brillant que le soleil et transparent comme le cristal. La plaie qu'il reçut sur la croix y paraissait visiblement. Il y avait une cou­ronne d'épines autour de ce Cœur sacré, et au-dessus, une croix qui y paraissait plantée. Mon divin Sauveur m'a assuré qu'il prenait un sin­gulier plaisir à être honoré sous la figure de ce Cœur de chair, dont il voulait que l'image fut exposée en public, afin, ajouta-t-il, de toucher les cœurs insensibles des hommes, me promettant qu'il répandrait avec abondance, sur le cœur de ceux qui l'honoreraient, tous les trésors de grâces dont il est plein; et que partout où cette image serait exposée pour y être singulièrement honorée, elle y attirerait toutes sortes de bénédic­tions».

Dans un autre endroit de ses révélations, la Bienheureuse dit encore «que tous ceux qui seraient dévoués à ce Sacré-Cœur ne périraient ja­mais, et que, comme il est la source de toutes les bénédictions, il les ré­pandrait avec abondance dans tous les lieux où serait posée l'image de cet aimable Cœur, pour qu'il y soit aimé et honoré, et par ce moyen il réunirait les familles divisées; qu'il protégerait celles qui seraient en quelque nécessité, qu'il répandrait la suave onction de son ardente cha­rité dans toutes les communautés où serait honorée cette divine image».

«Mettez donc, dit le pieux Lansperge, dans un endroit où vous devez passer souvent, quelque image de ce divin Cœur; elle excitera en vous l'amour de Dieu et vous avertira souvent d'agir pour lui… Vous pour­riez également, si la dévotion intérieure vous presse, embrasser cette image, à savoir le Cœur du Roi Jésus, et vous persuader dans votre esprit que vous avez réellement sous les lèvres et sous vos baisers le divin Cœur du Sauveur Jésus… C'est une pratique très utile et très pieuse d'honorer dévotement le Cœur du Seigneur Jésus. Dans vos besoins, cherchez auprès de Lui un refuge pour y puiser, avec la consolation, tou­te sagesse, toute grâce et toute force. Quand même les cœurs de tous les hommes vous abandonneraient, vous tromperaient, demeurez dans le repos et dans la confiance, ce Cœur très fidèle ne vous trompera, ne vous délaissera jamais».

Obéissons donc aux désirs les plus chers du Sauveur Jésus; exposons dans nos demeures et vénérons la douce image du Cœur de Jésus; elle se­ra peut-être, aux jours mauvais, comme le signe du salut qui détournera les traits de la colère divine; puis, si nous le pouvons, répandons autour de nous l'image du Sacré-Cœur; cette pieuse propagande de notre zèle atti­rera sur nous les plus abondantes bénédictions du Cœur de Jésus.

PRIERE

O Père très aimant, pour expier tous mes péchés, je vous offre toute la Passion de votre Fils bien-aimé, cette Passion qu'il a endurée dès l'in­stant où, étendu dans sa crèche sur un peu de foin, il fit entendre ses pre­miers vagissements; cette Passion, qu'il a continué d'endurer dans toute la suite de sa vie, par les privations de son enfance, par les adversités de sa jeunesse, par les souffrances de son adolescence, jusqu'à cette derniè­re heure où, inclinant la tête, il poussa du haut de la croix un grand cri et expira. Pour réparer aussi mes négligences, je vous offre, Père très ai­mant, la très sainte vie tout entière de votre divin Fils, cette vie dont tou­tes les pensées, les paroles ou les actions furent d'une perfection absolue, je vous l'offre depuis le premier instant où, descendant du haut de son trône, il passa par le sein virginal de Marie pour habiter ensuite le pays de notre exil, jusqu'à cette heure où il offrit à vos regards paternels la gloire de sa chair victorieuse.

Ainsi soit-il

Trente-troisième jour

Cœur de Jésus, délices de tous les saints, ayez pitié de nous

Dans les litanies du saint nom de Jésus et dans celles de la sainte Vier­ge, la royauté céleste de Jésus et de Marie est exprimée plus amplement. Jésus et Marie sont honorés des titres de Roi et de Reine des Patriarches, des Prophètes, et de tous les saints.

Dans les litanies du Sacré-Cœur, la royauté du Cœur divin est résu­mée dans cette belle invocation: Délices de tous les saints, ayez pitié de nous.

C'est le Cœur de Jésus qui est au ciel la joie et la gloire de tous les saints et de tous les justes. C'est le Cœur de Jésus qui, par son amour et ses souffrances, nous a sauvés et rachetés, c'est à lui que Dieu le Père a laissé le soin de nous glorifier et de nous rendre heureux.

Notre-Seigneur, parlant un jour à sainte Mechtilde de la gloire qu'il obtint au ciel après sa résurrection lui disait: «Après la joie que j'éprou­vai de ma propre glorification et de la félicité sans mesure qui récompen­sait mon humanité, je goûtai une allégresse ineffable en présentant à mon Père toutes les âmes que je venais de racheter; je ressentis une joie immense, quand mon Père me donna le pouvoir d'honorer, d'enrichir et de rémunérer mes amis, et de m'associer dans les honneurs éternels de mon trône ceux que j'ai rachetés à un si haut prix, en les faisant mes co­héritiers et les convives de ma table».

Vivre avec Jésus, dans l'intimité de son Cœur, partager ses senti­ments sur toutes choses, tout voir en lui, c'est la joie des élus.

«Notre doux Sauveur, dit encore sainte Mechtilde, a voulu préparer à ses élus une demeure dans les profondeurs de son Cœur paternel. Là ils voient comment de toute éternité ils ont été aimés et gratuitement choisis pour une telle félicité. Nul ici-bas ne peut ouvrir le cœur de son ami et y voir les sentiments qu'il inspire; les élus au contraire pénètrent les se­crets les plus intimes du Cœur Sacré; ils y voient, ils y goûtent, dans une joie ineffable, la sincérité et les charmes d'un amour infini».

Plusieurs fois sainte Gertrude vit en esprit comment les saints pui­saient leurs délices au ciel dans le Cœur de Jésus.

Elle vit la sainte Vierge, la mère bénie par-dessus toute créature, repo­ser avec calme sur le sein de son Fils bien-aimé. Jésus goûtait les fruits des vertus de Marie et il l'en récompensait par une joie inexprimable.

Gertrude vit aussi que Notre-Seigneur recueillait en son Cœur les louanges offertes à Marie par les fidèles, puis il présentait à Marie son Cœur divin en forme de coupe d'or pour lui donner à boire. Et quand la Vierge eût bu et se fût désaltérée et comme enivrée de ce doux breuvage, elle parut toute remplie de joie et d'allégresse.

Gertrude vit aussi saint Jean tout près de Marie sur le Cœur de Jésus. Elle demanda au Sauveur quel profit saint Jean avait retiré des soins qu'il a donnés à Marie. Le Seigneur répondit: «Mon Cœur a passé par autant de degrés d'affection pour lui que j'ai vu sa sollicitude se prêter aux vertus de ma Mère».

Sainte Gertrude vit en particulier la grande libéralité du Cœur de Jésus pour quelques saints qui ont bien parlé de l'amour de Dieu, comme saint Augustin, saint Bernard et l'aimable martyre sainte Agnès.

La veille de la fête de saint Bernard, Gertrude méditait sur les mérites de ce Père très aimé. Elle professait pour lui une grande dévotion à cause du don qu'il eut d'une éloquence persuasive et douce comme le miel. Le saint Abbé, si dévot à son Dieu, lui apparut dans une gloire ineffable. Sa poitrine, ses lèvres et ses mains rayonnaient comme l'or semé de pierres précieuses.

L'éclat de l'or rappelait ses paroles enflammées, qu'il a préparées dans son cœur, prêchées de ses lèvres, écrites de ses mains. Les pierre­ries représentaient d'une manière plus spéciale les paroles qui exhalent le plus d'amour pour Dieu. Elles semblaient lancer des rayons lumineux jusqu'au centre du divin Cœur et procurer à Notre-Seigneur des délices toutes spéciales. Le Seigneur attirait dans son Cœur, après avoir puisé dans le cœur de tous les habitants du ciel et de la terre, le progrès et la dévotion que chacun d'eux avait pu trouver dans les paroles ou les écrits de ce Père. De son Cœur divin, il faisait refluer en saint Bernard tous ces mérites et tous ces reflets lumineux.

C'est une manière gracieuse et pratique d'exprimer comment le Cœur de Jésus récompense les saints de ce qu'ils ont fait pour sa gloire.

Gertrude n'oublia pas l'évêque saint Augustin. Dès son enfance elle s'était senti pour lui une douce affection; aussi rendit-elle grâce à Dieu pour tous les bienfaits dont il l'avait comblé. Alors ce glorieux pontife lui apparut à côté de saint Bernard, dans une gloire égale; il ne lui était infé­rieur en effet ni par la perfection d'une très sainte vie, ni par la doctrine du salut que lui aussi avait répandue dans toute sa suavité. Ce grand évêque se tenait debout devant le trône de la divine Majesté; dans l'inef­fable beauté de la gloire des cieux, il dirigeait du fond de son cœur, com­me saint Bernard, des traits de feu au centre du Cœur divin, emblème de son éloquence enflammée, qui avait embrasé le cœur des hommes de l'amour de Dieu.

Le Seigneur attirait aussi vers son Cœur divin tous les fruits de foi, de consolation, de science, d'illumination et d'amour, opérés dans le cœur des habitants du ciel et de la terre par les paroles de saint Augustin; puis il les faisait refluer dans le cœur du saint, tout enrichis et embellis au contact de son Cœur sacré. Ce rayonnement du Cœur divin remplissait et pénétrait l'âme des deux saints docteurs et faisait vibrer leur cœur comme une lyre qui rendait devant Dieu les sons les plus suaves.

Gertrude distingua une différence: ce qui avait rendu les sons les plus doux dans le cœur de saint Bernard, c'était son innocence virginale et son tendre amour pour Dieu; chez le saint pontife Augustin, les modula­tions les plus suaves venaient de sa pénitence accompagnée d'amour et de la ferveur d'un amour de feu pour Dieu. Au reste, il était difficile de dire laquelle de ces deux harmonies avait le plus de charmes pour l'esprit de celui qui pouvait les entendre.

Le Cœur de Jésus, après avoir été notre trésor sur la terre, sera donc encore notre félicité dans le ciel.

L'aimable sainte Agnès n'a pas écrit beaucoup, comme les docteurs, mais elle a laissé à la postérité, outre l'exemple de son martyre, quelques paroles brûlantes d'amour, qui sont écrites dans ses actes et dans son of­fice. Sainte Gertrude désira connaître aussi la gloire de sainte Agnès, qu'elle avait beaucoup aimée depuis son enfance. Notre-Seigneur lui montra la chère petite sainte, qu'il tenait pressée sur son divin Cœur. Elle comprit que le Seigneur trouve sa joie à voir les âmes gagnées à son amour par les paroles d'Agnès reproduites dans la liturgie. Il ennoblit en son Cœur les actes d'amour qu'il reçoit et il distille ensuite comme ré­compense un très doux nectar dans le cœur de la bienheureuse Agnès.112)

Nous n'avons pas les grâces de ces grands saints, travaillons néan­moins à la gloire du Sacré-Cœur de Jésus. Honorons-le, faisons le connaître et aimer. Gagnons-lui des âmes, et plus tard nous trouverons nos délices dans ce Cœur divin.

Nous aurons la joie de reposer sur ce divin Cœur comme saint Jean, et il nous récompensera, par des délices inexprimables, de tout ce que nous aurons fait sur la terre pour sa gloire et pour son amour.

EXEMPLE

Vers la fin de la terrible guerre de 1870-71, plusieurs pieux laïques eu­rent l'inspiration de faire un vœu solennel: celui de construire un jour, au centre de Paris, une église consacrée au Cœur de Jésus. Ils en rédigè­rent aussitôt l'acte, qui est une magnifique protestation de leur piété et de leur amour envers le Sacré-Cœur.

Le vénéré cardinal Guibert, qui venait de succéder à Mgr Darboy sur le siège de Paris, comprit la grandeur chrétienne d'une telle pensée et donna à sa réalisation toute son autorité, toute son influence et tout son cœur.

On choisit l'emplacement de Montmartre, où Saint Denys fut autre­fois martyrisé et où la Compagnie de Jésus avait pris naissance, et on dé­cida qu'on graverait ces paroles, sur le frontispice du temple:

SACRATISSIMO CORDI JESU GALLIA POENITENS ET DEVOTA

Bientôt l'Assemblée nationale, donnant un grand exemple de foi, dé­créta que l'érection de cette église était d'utilité publique. Un immense mouvement se produisit dans toute la France. De toutes parts, les offran­des affluaient; jusqu'à présent, trente millions ont été dépensés. L'église est à peu près terminée. Les pèlerinages s'y succèdent sans interruption. Toutes les nuits, une élite de vaillants chrétiens y adorent le Cœur de Jé­sus présent au saint Tabernacle et font une amende honorable au nom de la France.

Mais laissons parler Mgr Bougaud, l'éminent auteur de la vie de la bienheureuse Marguerite-Marie:

«L'idée de cette église nationale au sommet de Montmartre, idée po­pulaire dès le premier jour et bénie aussitôt par le Souverain Pontife Pie IX, prit un élan nouveau. Des souscriptions s'ouvrirent dans tous les diocèses, des comités se formèrent, pour exciter et entretenir le zèle, et bientôt des initiatives intelligentes se firent jour… Le temple, bâti avec l'or et l'argent de la France, sera peuplé des inspirations les plus suaves de sa piété et de son cœur. Qui en fera la consécration solennelle? Nul ne le sait; on peut seulement s'attendre à ce que d'ici-là, Dieu descendra dans le chantier et se fera reconnaître à des coups qu'on n'eût pas atten­dus. Il a dit à la Bienheureuse: «Je veux qu'un temple soit dédié à mon divin Cœur». Il aidera à la bâtisse; et comme il est dit de plusieurs de nos vieilles cathédrales, qu'au jour de leur consécration on entendit des voix angéliques qui remplissaient l'air des chants les plus suaves, on peut croire que ce jour-là, sur la France agenouillée, descendront des paroles célestes, les paroles de l'amour et du pardon.

«C'est dans ce temple que sera faite, par la bouche de son Souverain, quel qu'il soit à cette époque, la consécration de la France au divin Cœur de Jésus. Ce jour sera grand dans notre histoire. L'antique allian­ce sera renouée et Dieu redeviendra le Dieu des Francs!».

PRIERE

Seigneur, ayez pitié de nous

Jésus-Christ, ayez pitié de nous

Seigneur, ayez pitié de nous

Jésus-Christ, écoutez-nous Jésus-Christ, exaucez-nous

Père Céleste qui êtes Dieu ayez pitié de nous
Dieu le Fils, Rédempteur du monde «
Esprit-saint, qui êtes Dieu «
Sainte-Trinité qui êtes un seul Dieu «
Cœur de Jésus, Fils du Père éternel «
Cœur de Jésus, formé par le Saint-Esprit, dans le sein de la Vierge Marie, «
Cœur de Jésus, uni substantiellement au Verbe de Dieu «
Cœur de Jésus, souveraine majesté «
Cœur de Jésus, temple saint du Seigneur «
Cœur de Jésus, tabernacle du Très-Haut «
Cœur de Jésus, maison de Dieu et porte du ciel «
Cœur de Jésus, fournaise ardente de charité «
Cœur de Jésus, sanctuaire de la justice et de l'amour «
Cœur de Jésus, plein d'amour et de bonté «
Cœur de Jésus, abîme de toutes les vertus «
Cœur de Jésus, très digne de toutes les louanges «
Cœur de Jésus, roi et centre de tous les cœurs «
Cœur de Jésus, dans lequel sont tous les trésor de la sagesse et de la science «
Cœur de Jésus, dans lequel réside toute la plénitude de la di­vinité, «
Cœur de Jésus, objet des complaisances du Père céleste, «
Cœur de Jésus, dont la plénitude se répand sur nous «
Cœur de Jésus, le désiré des collines éternelles «
Cœur de Jésus, patient et très miséricordieux «
Cœur de Jésus, libéral pour tous ceux qui vous invoquent «
Cœur de Jésus, source de vie et de sainteté «
Cœur de Jésus, propitiation pour nos péchés «
Cœur de Jésus, rassasié d'opprobres «
Cœur de Jésus, broyé à cause de nos péchés «
Cœur de Jésus, obéissant jusqu'à la mort «
Cœur de Jésus, percé par la lance «
Cœur de Jésus, source de toute consolation «
Cœur de Jésus, notre vie et notre résurrection «
Cœur de Jésus, notre paix et notre réconciliation «
Cœur de Jésus, victime des pécheurs «
Cœur de Jésus, salut de ceux qui espèrent en vous «
Cœur de Jésus, espérance de ceux qui meurent dans votre amour «

Cœur de Jésus, délices de tous les saints, ayez pitié de nous

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, etc., exaucez-nous Seigneur.

Agneau de Dieu, etc., ayez pitié de nous.

Jésus, doux et humble de cœur, Rendez notre cœur semblable au vôtre.

ORAISON

Dieu tout-puissant et éternel, regardez le Cœur de votre Fils bien-aimé; soyez atten­tif aux louanges et aux satisfactions qu'il vous rend au nom des pécheurs. Apaisé par ces divins hommages, pardonnez à ceux qui implorent votre miséricorde au nom de ce même Jésus-Christ, votre Fils, qui vit et règne avec vous, en l'unité du Saint-Esprit, dans les siècles des siècles.

Ainsi soit-il

(300 jours d'indulgence)

Appendice

Invocations indulgenciées

1. Aimé soit partout le divin Cœur de Jésus. (100 jours une fois par jour, 1860).

2. Loué, adoré, aimé et remercié soit à tout moment le Cœur eucha­ristique de Jésus dans tous les tabernacles du monde jusqu'à la consom­mation des siècles. Amen (100 jours une fois le jour, 1868).

3. Cœur sacré de Jésus, ayez pitié de nous (100 j., 1867).

4. Cœur eucharistique de Jésus, qui brûlez d'amour pour nous, en­flammez nos cœurs d'amour pour vous (200 j., une fois le jour, 1885). 5. Miséricorde divine incarnée dans le Cœur de Jésus, couvrez le monde et répandez-vous sur nous (100 j. aux Associés à la Communion réparatrice, 1866).

6. Jésus, doux et humble de Cœur, rendez mon cœur semblable au vôtre (300j., 1868).

7. Doux Cœur de Jésus, soyez mon amour (300 j., 1875).

8. Doux Cœur de mon Jésus, faites que je vous aime de plus en plus (300 j., chaque fois. Ind. plén. chaque mois, 1876).

9. N. D. du Sacré-Cœur, priez pour nous (100 j., 1867).

10. Cœur immaculé de Marie, priez 'pour nous, (100 j., 1867).

11. Doux Cœur de Marie, soyez mon salut (300 j., chaque fois. In­dulg. plénière tous les mois, 1852).

12. Saint joseph, modèle et patron des amis du Sacré-Cœur, priez pour nous (100 j., 1874).

Nota. - Ces courtes aspirations peuvent servir à remplacer les prières que nous avons marquées pour chaque jour, si on les trouve trop longues.


1) , 8) , 14) , 57)
S. Jean: chap. I.
2)
Psaumes 2 et 109.
3)
Epitre aux Ephésiens: chap. III.
4) , 105)
S. Jean: chap. XV.
5) , 18)
Ibid.
6)
S. Paul aux Colossiens: chap. II
7)
Le vénérable Père Eudes: Traité de la dévotion au Saint Cœur de Marie, livre XII
9)
S. Paul à Timothée. I ep.: chap. II.
10)
Aux Romains: chap. I.
11)
S. Jean: chap. III.
12)
Aux Hébreux, chap. II.
13)
Livre de la grâce spéciale (passim).
15)
S. Paul aux Philip: chap. II.
16)
S. Paul, Ire à Thimothée: chap. III.
17)
S. Paul aux Hébreux: chap. X.
19)
Archives de la dévotion au Sacré-Cœur, par le R. P. Granger.
20)
Isaïe: chap. XI.
21)
Vén. Père Eudes: Méditation sur le divin Cœur de Jésus.
22)
IIe livre des Rois: chap. VII.
23)
Aux Romains: chap. II.
24)
Ezéchiel: chap. XXXIII.
25)
Isaïe: chap. LV.
26)
Psaume 102.
27)
Sur saint Jean: traité 120.
28)
Lettre à Nicobule.
29)
Au traité de l’Arbre de vie.
30)
Livre III: De la foi.
31)
Isaïe: chap. I.
32)
Vie de sœur Marguerite, par un prêtre de l’Oratoire: chap. III.
33)
Dicebant excessum ejus, quem completurus erat in Jerusalem. S. Luc: chap. IX.
34)
Cum dilexisset suos, in finem dilexit eos. S. Jean: chap. XIII.
35)
In cantate perpetua dilexi te. Jéremie: chap. XXXI.
36)
S. Jean: chap. VI.
37) , 73)
S. Liguori: Neuvaine au Sacré-Cœur.
38)
Opuscule 63.
39)
Job: chap. VII.
40)
S. Mathieu: chap. XXII.
41)
Proverbes: chap. XXIII.
42)
Apocalypse: chap. III.
43)
Cantique: chap. V.
44)
Sur le cantique des cantiques: sermon 83.
45)
Aux Galates: chap. II.
46)
Psaume 18.
47)
Sainte Mechtilde, citée par le R. P. Granger: Archives de la dévotion au Sacré-Cœur.
48)
Saint-Jean: chap. XVII.
49)
Office propre de S. Suplice: Fête de la Vie intérieure de Notre-Seigneur: 1 Noct., 1. Rep.
50)
S. Grég. Naz.
51)
Liturgie de S. Clément. – Migne, t. II.
52)
S. Jean: chap. XX.
53)
Actes: chap. I.
54)
Sainte Gertrude: liv. IV, chap. XXXVIII.
55)
Au livre de la Grâce spéciale: passim.
56)
Chap. 60 et 62.
58)
Genèse: chap. XLIX.
59)
Exode: IV.
60)
Chap. XLV.
61)
Psaume 15.
62)
Au livre: Tout pour Jésus.
63)
Chap. 53.
64) , 109)
S. Luc: chap. XII.
65) , 82)
Chap. XIII.
66) , 70)
Isaïe: chap. 53.
67)
S. Mathieu: chap. XXVI.
68) , 88)
Chap. LIII.
69)
Lamentations: chap. III.
71) , 72)
Ezéchiel: chap. XVIII.
74)
Proverbes: chap. VIII.
75)
IIe ép. aux Corinthiens: chap. II.
76)
Aux Romains: Chap. VIII
77)
Ire aux Corinthiens: Chap. 1.
78)
S. Jean: Chap. XV.
79)
S. Jean: Chap. XVI.
80)
Aux Romains: Chap. X.
81)
Psaume 85.
83)
Nous donnons ces révélations avec les réserves habituelles. On ne peut faire à leur égard qu’un acte de foi privée.
84)
Isaïe: chap. LIII.
85)
Au livre de la Vigne mystique.
86)
IIe aux Corinthiens: chap. XI.
87)
S. Mathieu: chap. XXIII.
89)
Aux Galates: chap. II et VI.
90)
Aux Hébreux: chap. XII.
91)
S. Jean: chap. XII.
92)
Sainte Mechtilde: liv. I, chap. XVIII.
93)
Aux Hébreux: chap. X.
94)
Aux Hébreux: chap. V.
95) , 97)
S. Jean: chap. XIX.
96)
Psaume 68.
98)
Aux Philippiens: chap. II.
99)
S. Liguori: Considérations sur la Passion.
100)
S. Mathieu: chap. XI.
101)
Livre III: Chap. XIII.
102)
Chap. XVI.
103)
Chap. III.
104)
Livre II: chap. XXVII.
106)
Isaïe: chap. V.
107)
Psaume CIII.
108)
Proverbes: chap. IX.
110)
Archives de la dévotion au S. Cœur, par le R. P. Granger. – Sainte Mechtilde, livre IV.
111)
Sainte Mechtilde: liv. VII.
112)
Sainte Gertrude: Passion…
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