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DIRECTOIRE SPIRITUEL DES PRÊTRES DU SACRÉ-CŒUR DE JÉSUS (1936)

Ces pages expriment l'esprit de notre Œuvre, tel que nous l'avons conçu dès le commencement (1877-1881) avec le concours de quelques âmes privilégiées et la grâce du Sacré-Cœur de Jésus.

Le Directoire est fait pour nous guider dans la pratique de notre vie religieuse.

Après cette introduction, où nous rappellerons le but de la Congréga­tion, le Directoire aura six parties; il traitera de l'esprit de l'Œuvre, de nos modèles et patrons, des vœux et de la vie religieuse, des Règles, des exercices, des vertus propres à notre vocation.

But de notre vocation: L'esprit d'amour et de réparation au Sacré-Cœur de Jésus est la grâce du temps présent et de l'avenir. La divine Providen­ce appelle les instituts anciens à entrer dans cet esprit et elle en suscite de nouveaux qui en font leur but principal. Tel est le nôtre. Nous répon­dons aux appels de Notre-Seigneur à Paray-le-Monial, aux inspirations de la grâce et à la conduite de la Providence.

Le but de la Congrégation des Prêtres du Sacré-Cœur est donc de procurer la gloire de Dieu, la gloire de la Sainte Trinité:

1° Par une dévotion spéciale et ardente au Sacré-Cœur de Jésus, qu'ils s'efforcent de consoler en réparant les injures qui lui sont faites, et spécialement celles qui lui sont les plus sensibles comme lui venant des âmes qu'il a le plus aimées; et en s'offrant à lui comme victimes de son bon plaisir dans l'esprit de réparation et d'amour qui est leur caractère distinctif, en union avec Marie, les anges et les saints.

2° Par leur propre sanctification à laquelle ils travailleront en obser­vant leurs vœux et leurs Règles, en accomplissant les exercices de piété qui leur sont propres et en imitant les vertus et les perfections du Sacré-­Cœur de jésus.

3° Par le zèle du salut des âmes, qu'ils s'efforceront de gagner à Notre-Seigneur en leur inspirant un tendre amour et une profonde dévo­tion envers son divin Cœur. Leurs oeuvres fort variées se rapportent surtout à la prédication et à l'enseignement, avec un attrait marqué pour les missions lointaines qui exigent de généreux sacrifices. Ils doivent ce­pendant, malgré leur zèle pour les oeuvres, se réserver chaque jour le temps prescrit pour les exercices spirituels et particulièrement pour l'adoration réparatrice.

§ 1. Amour, immolation, sacrifice

Les trois principaux dons que Notre-Seigneur demande des Prêtres­Victimes de son Cœur sont symbolisés par les dons des Rois Mages. L'or, c'est le pur amour; l'encens, c'est l'immolation; la myrrhe, c'est le sacrifice.

Quand une vertu se trouve véritablement dans le cœur, toutes les au­tres y sont aussi à quelque degré. Le pur amour surtout est vraiment le lien et en un sens la sauvegarde, comme le couronnement des autres ver­tus. Caritas est vinculum perfectionis (Col 3). Le pur amour est la plus émi­nente des vertus; c'est la marque distinctive, le cachet de la perfection. Manent fides, spes, caritas, tria haec: major autem horum cardas (1 Cor 13).

L'amour pur, sincère, véritable, s'appuie sur une foi vive; il est ac­compagné d'une confiance filiale et inébranlable. Il sort d'un cœur pur, d'un cœur où règne la pureté d'intention. Finis praecepti est caritas de corde puro (1 Tm 1). Quand l'or est fin et pur, on y remarque le plus léger at­touchement. Le moindre souffle en ternit l'éclat. C'est à cette perfection qu'il faut tendre, avec le secours de la grâce et la fidèle coopération à cet­te grâce.

L'encens, c'est l'immolation. L'encens des Prêtres-Victimes du Cœur de Jésus, c'est le sacrifice de la volonté, du jugement propre et du raisonnement immolés par l'obéissance. Le sacrifice entier et sans réser­ve de la volonté est semblable au parfum de l'encens qui s'élève jusqu'au trône de Dieu, au trône de l'Agneau où il est agréé avec complaisance. La volonté propre doit se laisser consumer comme le grain d'encens et disparaître dans les flammes de l'amour du Sacré-Cœur. Ne vouloir que ce que Dieu veut; se remettre entièrement à lui, sans délai, sans réserve, pour le temps et pour l'éternité; être prêt à tout, se laisser faire, accepter tout avec amour, comme voulu ou permis par Dieu, voilà un sacrifice qui est agréable au Sacré-Cœur de Jésus. Paratum cor meum, Deus, para­tum cor meum (Ps 107). Domine, quid me vis facere? (Act IX, 6).

La myrrhe, c'est le sacrifice du corps, de la nature, qui est condamnée à mort; ce sont les souffrances, de quelque côté qu'elles viennent et quel­ que nom qu'elles portent, supportées dans l'esprit de pur amour, avec amour et par amour, en esprit de réparation et d'expiation en union avec Notre-Seigneur. Elles sont alors de grande valeur et d'une grande efficacité, si petites et si minimes qu'elles soient en elles-mêmes.

Ainsi donc les dons que Notre-Seigneur attend de nous sont un cœur pour aimer, un corps pour souffrir, une volonté pour la sacrifier, y re­noncer et à sa place aimer par dessus tout la volonté de Dieu et chercher à l'accomplir.

§ 2. Amour pur et fidèle

Combien sont rares les âmes desquelles Notre-Seigneur est aimé d'un amour pur et désintéressé! Combien n'y a-t-il point d'âmes consacrées même, que Notre-Seigneur comble journellement de ses bienfaits et qui malgré cela ne sont point reconnaissantes, pensent peu à Lui et passent leur temps à s'occuper d'elles-mêmes, de leurs satisfactions corporelles ou spirituelles, ou bien s'occupent des créatures, cherchent à leur plaire et à les contenter!

Et si même on s'occupe de Notre-Seigneur, comme on le fait, par exemple, plus longuement le dimanche, le jour qui lui est consacré, est­-on bien auprès de Lui avec toutes ses pensées, tout son cœur, avec une intention pure et surnaturelle? L'époux de nos âmes peut-il donc être pleinement persuadé et satisfait de l'amour et de la fidélité de ses épou­ses, quand même elles rempliraient leurs devoirs, si, avec cela, elles se comportent envers Lui avec indifférence, insensibilité ou froideur?.

Haec est virgo sapiens quam dominus vigilantem invenit (Off. Virg). Notre­Seigneur nous trouve vigilants et fidèles quand nous avons l'habitude de tenir en tout temps notre attention, nos inclinations, nos pensées, nos aspirations dirigées vers l'objet de notre amour. C'est la disposition de l'épouse au Cantique des cantiques: Dormio sed cor meum vigilat, je dors mais mon cœur veille. Alors même que le corps est occupé d'autre cho­se, qu'il se livre même légitimement au repos, au sommeil, le cœur, l'esprit, la volonté doivent être dirigés vers Notre-Seigneur qui est le dernier but, la dernière fin, le centre de toutes choses. C'est cet amour qui ne se meut, n'opère et n'agit qu'en Lui, pour Lui et par Lui, que Notre-Seigneur demande de nous, mais que nous Lui retirons si fré­quemment après le Lui avoir donné quelques instants. Praebe, fili mi, cor tuum mihi (Prov. 23). Mon enfant, donne-moi ton cœur, ton amour, ta volonté, ton intention, qui seule donne de la valeur, aux yeux de Dieu, aux actions les plus grandes comme aux plus petites. C'est ce que Saint Augustin voulait exprimer par ces paroles: «Aimez et faites ce que vous voudrez».

§ 3. Le don de soi-même

Dans ces paroles: Ecce vento, Deus, ut faciam voluntatem tuam, et dans celles-ci: Ecce ancilla Domini, fiat mihi secundum verbum tuum, se trouvent toute notre vocation, notre but, notre devoir, nos promesses.

Dans toutes les circonstances, dans tous les évènements, pour l'avenir comme pour le présent, l'ecce venio suffit, pourvu qu'il soit dans la pensée et dans le cœur en même temps que sur les lèvres. Ecce venio: Voici que je viens, ô mon Dieu, pour faire votre volonté. Me voici prêt à faire, à en­treprendre, à souffrir ce que vous voudrez, à sacrifier ce que vous me de­manderez. Nous pouvons être sans inquiétudes, la volonté de Dieu se fait connaître à chaque instant et, dût l'obscurité, l'incertitude remplir l'esprit et le cœur, persévérons avec patience et amour dans cet état, ju­squ'à ce qu'il plaise à la sagesse et à la bonté de Dieu de laisser luire de nouveau sa lumière.

Une victime sait qu'elle n'a plus rien à choisir ou à désirer pour elle, son choix est fait, son sort est fixé. Quand et comment se fera son sacrifi­ce, en quelles circonstances, quelle durée aura-t-il, tout cela est laissé au libre choix de celui à qui elle appartient entièrement.

Ainsi donc, abandon total, laisser-faire absolu, en regardant celui qui a marché en avant sur ce chemin et l'a rendu praticable et qui a laissé derrière lui les traces de ses pas et des traces sanglantes, telle est notre vocation.

Si quelqu'un se donne ainsi à Notre-Seigneur, Notre-Seigneur se don­ne aussi à lui, et alors que peut-il bien lui manquer! «Les cheveux de vo­tre tête sont comptés, disait Notre-Seigneur à ses disciples. On achète cinq moineaux pour un denier et cependant aucun d'eux n'est oublié par la Providence». Notre-Seigneur veille à tous nos besoins, en temps convenable, si nous nous donnons à Lui.

§ 4. Le règne de Notre-Seigneur en nous

Domus mea, domus orationis vocabitur: Ma maison est une maison de priè­re. Notre-Seigneur veut être honoré et adoré en esprit et en vérité, non pas seulement dans les temples, dans les églises et chapelles, construites de la main des hommes, mais surtout dans les cœurs des hommes qu'il est venu racheter. Il veut établir en eux sa demeure, y obtenir l'adora­tion et l'amour et régner en eux par son amour et par sa grâce comme un roi dans son royaume et sur son trône.

Notre-Seigneur demande nos cœurs pour y régner, les lui refuserons­nous? Petite et accipietis. Quand nous demandons, nous recevons. Et Lui, il demande nos cœurs, les demandera-t-il en vain? Il demande des cœurs qui l'écoutent, qui le comprennent, qui l'aiment véritablement et avec un amour pur et non partagé. Il frappe à la porte de nos cœurs, avec une patience, une clémence infinies, avec un désir ardent d'être ac­cueilli, de prendre possession de nos cœurs et d'être aimé. Les âmes qui écoutent sa prière, qui lui donnent ce qu'il cherche, qui lui procurent l'entrée tant désirée, peuvent-elles encore douter qu'elles reçoivent tout ce qui leur est nécessaire de l'amour et de la bonté infinie de leur Dieu, qui souhaite si instamment de répandre ses trésors, de s'unir aux cœurs de ses créatures, de se communiquer à elles pour en être aimé et les ren­dre éternellement heureuses dans cet amour?

Ce ne sont point les biens et les trésors de la terre que Dieu cherche. Un acte de sa volonté a suffi pour les créer et suffirait pour les multiplier. Mais il n'en est pas ainsi des âmes. Pour les racheter, l'amour de Dieu a compté le prix infini de la vie et de la mort d'un Homme-Dieu. Et main­tenant que ne fait point encore le cœur humain dans sa volonté libre? Combien ne résiste-t-il pas aux désirs de son Rédempteur, qui ne de­mande cependant que son amour, qu'un cœur vide et détaché de toutes les créatures; et ce cœur, il veut le remplir des trésors du ciel, de sa pro­pre présence, lui qui est la richesse infinie. Ainsi que l'apôtre Saint Paul l'écrit aux chrétiens de son temps: «Vous n'avez pas été rachetés avec de l'or et de l'argent, mais par le prix précieux du sang de Jésus-Christ». A présent encore n'est ce point par là que les cœurs sont véritablement conquis pour Dieu? Le démon et le monde emploient les biens périssa­bles pour se gagner les cœurs et pour les corrompre.

Mais par quoi les cœurs sont-ils conquis à l'amour de leur Dieu? C'est par le sang de Notre-Seigneur. Comment progressent-ils dans cet amour? C'est en suivant le chemin qu'il a montré, le chemin de l'aban­don, des souffrances, de la croix, du sacrifice et de la mort, la mort de la nature corrompue et du vieil homme duquel l'apôtre a dit: «Dépouillez­-vous du vieil homme et revêtez-vous de l'homme nouveau qui est Jésus­-Christ».

§ 5. L’intention pure

L'esprit de sacrifice et d'immolation ne doit pas seulement se mani­fester par le don du cœur, il doit animer et accompagner toutes les œuvres. C'est par lui que les œuvres sont fécondes, que des âmes, des cœurs sont gagnés. Sans lui les œuvres les plus belles, les plus grandes en apparence, sont de peu d'utilité spirituelle; elles ne donnent point au Cœur de Notre-Seigneur cette consolation, cette satisfaction qu'il pou­vait espérer.

Les œuvres extérieures sont agréables à Notre-Seigneur. Ce sont des moyens efficaces pour la conquête des âmes, pour la persévérance des justes et par conséquent pour la gloire de Notre-Seigneur et pour la joie de son Cœur divin. Mais souvent ces moyens sont confondus avec le but même. On accorde toute son attention aux moyens, on y consacre tous ses soins et toutes ses forces, et le but même est négligé, est oublié. Ce sont des cœurs que Notre-Seigneur désire, des cœurs non partagés, qui soient prêts à tout sacrifier, suivant son exemple, à tout entreprendre, à tout souffrir, à renoncer à tout et même à donner leur vie à la gloire de Dieu, pour l'amour du Sacré-Cœur et le salut des âmes.

Un semblable cœur console le Cœur de Jésus, le satisfait et apaise sa soif d'amour pur et véritable. Tout méprisé et inconnu qu'il est devant le monde, mais vivant, souffrant et s'immolant uniquement pour son Dieu, il peut satisfaire le Sacré-Cœur plus que l'œuvre extérieure la plus glorieuse, où les intentions ne seraient pas uniquement pour la gloi­re de Dieu mais seraient mêlées de vues humaines. Une chose partagée n'est pas agréable à Notre-Seigneur, qui s'est donné sans partage et qui se donne encore tout entier.

N'est-il pas évident que si quelqu'un désire une chose de tout son cœur et s'il y a pleinement droit, il ne peut pas être safisfait si on lui donne tout excepté ce qu'il désire si ardemment? Il est reconnaissant pour ce qu'on lui a donné, il en donne la récompense, mais son désir n'est pas satisfait et on ne peut pas dire qu'on l'aime par dessus tout, quand on lui refuse ce qu'il réclame, tout en lui donnant ce qu'il a en abondance et qu'il estime peu.

§ 6. L’abnégation et l’abandon

Comme le divin Cœur de Jésus a voulu répandre son sang jusqu'à la dernière goutte et accorder à tous les hommes le fruit de sa passion et de sa mort, comme il les a tous aimés d'un amour infini, de même aussi il veut être aimé et honoré de tous, et n'est-ce point à ceux qui se nomment ses amis, ses disciples, ses épouses, à travailler à procurer au Cœur de leur Dieu, de leur Rédempteur et Maître cette consolation, cet amour, ces hommages, ce droit et ce règne sur les âmes?

Nos églises, nos chapelles sont toutes vouées à la gloire de Dieu et à son adoration, cependant chacune d'elles est érigée en l'honneur de quelque mystère, attribut ou bienfait divin ou en mémoire de quelque saint. Le but principal est toujours la glorification de Dieu, soit en ses saints, soit en quelqu'un de ses mystères, comme la Trinité, l'Incarna­tion, la Rédemption, la Sainte Croix, le Précieux Sang, le Sacré-Cœur. En chacune de ces maisons consacrées à Dieu on voit d'après ses orne­ments, ses fêtes et ses cérémonies à quel bienfait, quel mystère divin ou à quel saint elle est particulièrement dédiée. De même chez nous Notre­-Seigneur veut des cœurs qui appartiennent de préférence à son divin Cœur, qui se sacrifient totalement à son service, à son bon plaisir, à son amour et à ses desseins, et qui cherchent à éloigner,de lui tout déshon­neur, tout outrage et toute offense, ou du moins à l'en dédommager et à l'en compenser. C'est cela que Notre-Seigneur demande de nous: une vie d'abnégation, de sacrifice, de renoncement à la volonté propre et aux inclinations propres et d'abandon total de tout notre être. Nous ne de­vons rien chercher que l'amour et le bon plaisir de Notre-Seigneur, con­soler son Cœur, le dédommager par une foi vive et véritable, un amour pur et désintéressé, sacrifiant tout et s'oubliant soi-même, une confiance filiale s'en remettant à sa bonté et à sa miséricorde, un laisser-faire abso­lu, se déposant comme un instrument entre les mains de son maître et se laissant diriger selon son bon plaisir.

C'est ainsi que nous devons travailler à l'extension du règne de Dieu et au salut des âmes par l'esprit de sacrifice et d'immolation; et par le soin donné à la prière et à la pureté d'intention, nous devons implorer la bénédiction d'en haut sur ceux qui, par des œuvres extérieures, travail­lent à la propagation du règne de Dieu et pour ce qui manque à la pureté de leur intention, de leur amour et de leur zèle, nous devons essayer de dédommager le Cœur de notre Dieu qui regarde uniquement à la bonne volonté, à la disposition, à l'intention et à l'amour du cœur.

§ 7. La sainteté sacerdotale

Quand on voit un prêtre, c'est Notre-Seigneur qu'il faut voir en lui, Notre-Seigneur caché derrière un voile, surtout dans les fonctions sa­crées et en particulier au saint autel dans le plus sublime des mystères. Il faut au prêtre, pour remplir ces fonctions, une foi vive et une grande pu­reté de conscience: ces dispositions engendrent chez lui le respect, la fer­veur et l'amour. Si les fonctions sacerdotales si saintes par elles-mêmes sont accomplies avec ces dispositions, l'influence divine de Notre­-Seigneur pénètre le cœur du prêtre et remplit bientôt toute sa vie. Au saint autel, en chaire, au confessionnal, au chevet des malades, c'est Notre-Seigneur qui vit en lui. S'il prie, s'il travaille, dans toutes ses ac­tions en un mot, c'est la doctrine de Notre-Seigneur, ce sont ses exem­ples, qui le dirigent, c'est sa vie qui se reproduit en lui.

Quelle consolation ce serait pour le cœur si aimant et si douloureuse­ment blessé de Notre-Seigneur, si ces âmes tant favorisées et tant aimées répondaient à leur sublime vocation, que les anges leur envient! Le monde serait bientôt transformé et converti à la foi et à l'amour de son Dieu et de son Sauveur.

Il faut donc prier pour les prêtres et aider dans la mesure du possible à leur sanctification. L'Eglise adresse souvent à Dieu cette prière: «En­voyez votre esprit et tout sera créé de nouveau et vous renouvellerez la face de la terre». L'Esprit-Saint est bien envoyé, ce n'est pas cela qui manque, mais il n'est pas reçu. A Bethléem Notre-Seigneur ne trouve pas de place à l'hôtellerie.

L'Esprit-Saint ne trouve pas toujours de place dans les âmes consa­crées elles-mêmes. Elles sont toutes remplies de choses terrestres et pour éloigner tout cela, il faudrait du courage. Le respect humain, la molles­se, l'attachement désordonné à ce qui flatte la nature et les sens, la crain­te des fatigues, l'horreur de la croix sous toutes ses formes, tels sont les principaux obstacles.

On prie encore volontiers et souvent le Pater, la prière enseignée par Notre-Seigneur, mais elle reste lettre morte. On dit bien: «Que votre nom soit sanctifié», mais on ne sanctifie guère le nom du Seigneur. On dit: «Que votre règne arrive», et souvent le règne du monde, le règne du pro­pre moi est préféré au règne de Dieu. On dit: «Que votre volonté se fasse sur la terre comme au ciel», mais souvent c'est la volonté propre qui l'em­porte sur la volonté divine manifestée par l'Eglise, par les supérieurs, par les saintes Règles, par la conscience ou par les inspirations de la grâce.

Notre-Seigneur a soif d'avoir de saints prêtres. Travaillons donc à fai­re régner cette sainteté en nous et dans les autres. Le secours divin ne nous manquera pas. Nous ne comprendrons pas toujours les moyens dont Notre-Seigneur se servira pour nous aider. Ses vues sont impéné­trables. Travaillons à l'œuvre du Cœur de Jésus avec une foi vivante et véritable, un amour vrai et pur, un abandon filial et complet.

Si Notre-Seigneur ne laisse pas sans récompense un verre d'eau donné en son nom au plus petit de ses frères, combien ne sera-t-il pas généreux et reconnaissant envers ceux qui s'efforcent d'étancher la soif si ardente et si brûlante qu'il a pour l'amour réciproque et qui pour cela se mon­trent disposés à tout y sacrifier, leur honneur, leur santé, leur vie même, en mourant à eux-mêmes pour ne plus vivre que pour Lui, par Lui et en Lui, souffrir pour Lui, l'aimer, le servir, accomplir sa sainte volonté en disant avec l'apôtre: «Je désire d'être anathème pour mes frères».

Oh! si l'on comprenait combien Notre-Seigneur aime ses prêtres et combien il désire être aimé d'eux! Si son amour pour toutes les âmes est infini, au point qu'il serait prêt à mourir à nouveau pour chacune d'el­les, combien ne l'est-il pas pour ses prêtres, auxquels il confie les trésors de ses mérites et de ses grâces, auxquels il se confie Lui-même dans l'Eu­charistie et dont il fait en quelque sorte d'autres lui-même!

Quel ne devrait pas être notre souci pour la sainteté sacerdotale! Ces mains qui chaque matin touchent le corps sacré de Notre-Seigneur devraient-elles encore être employées à autre chose qu'à travailler à sa gloire? Tout ce qui est inutile, tout ce qui est coupable, le prêtre doit y renoncer entièrement et la vue seule de ses mains devrait lui rappeler sa haute dignité.

Ces yeux qui regardent si souvent l'Agneau de Dieu, l'Agneau qui ef­face les péchés du monde, devraient-ils pouvoir regarder avec complai­sance les vanités et les frivolités de ce monde? Oculi tui, oculi columbarum: Tes yeux sont des yeux de colombe (Gant).

Cette bouche, cette langue, sur la seule parole de laquelle le Fils du Dieu vivant descend du ciel et se met à la disposition du prêtre, cette bouche qui prononce les paroles du Verbe de Dieu lui-même, les paroles de l'Eglise et des Saints, qui prend en nourriture la Manne céleste, Notre-Seigneur lui-même, et qui reçoit en breuvage son sang précieux, le sang de la nouvelle alliance; cette même bouche, le prêtre devrait-il oser la profaner, en abuser par des discours égoïstes, durs, blessants, vindicatifs, impurs, coupables?

Qui donc sait mieux que le prêtre combien les vases sacrés et tous les objets qui servent au sublime sacrement de l'autel doivent être traités avec respect suivant les prescriptions de la sainte Eglise? Ne doit-il pas en être ainsi d'eux-mêmes qui sont des vases sacrés vivants et qui doi­vent être considérés comme tels? (Conc. trid. Sess. 22).

§ 8. La réparation

Il y a certainement des cœurs qui comprennent l'amour de Notre­Seigneur et qui y répondent, mais leur nombre est bien minime en com­paraison de ceux qui ne veulent pas l'entendre ou qui se contentent d'être en apparence ses amis et ses disciples. Pour cette injustice qui lui est faite et qui est journellement répétée, Notre-Seigneur demande com­pensation, il cherche réparation. Sustinui qui simul contristaretur et non fuit (Ps. 68).

N'était-ce pas la même plainte qu'il nous adressait, il y a 200 ans? En montrant son divin Cœur blessé, il disait: «Voilà ce cœur qui aime tant les hommes et qui ne reçoit de la plupart en retour, qu'ingratitude, froi­deur, insensibilité». Que voulait-il obtenir par cette manifestation de son Cœur, sinon des cœurs, sinon l'amour et la réparation? Ce désir de son Cœur a-t-il cessé? Non, à présent encore et plus que jamais, il cherche des cœurs dont il soit véritablement aimé, des cœurs qui le consolent par une vie pleine de foi, de générosité, de ferveur et d'amour, des cœurs sensibles à sa tristesse, à sa douleur et qui cherchent à le dédom­mager de toutes manières, dussent-ils y sacrifier leur honneur, leur san­té, leur vie même.

Il a demandé aussi un temple, des autels, des images en l'honneur de son Cœur, et cela il l'a déjà obtenu en grande partie, mais il n'y a point encore assez de cœurs chez lesquels il trouve ce qu'il désire tant, le pur amour, l'abandon, l'immolation.

§ 9. La réparation sacerdotale

Notre-Seigneur a choisi parmi ses frères adoptifs rachetés de son sang, des frères privilégiés pour leur confier ses trésors. Il les a revêtus de son propre pouvoir. Il leur a donné preuves sur preuves de sa bienveillance, de son amour, de la confiance qu'il avait en eux. Il a remis tout le peuple sous leur autorité et il est devenu en quelque sorte lui-même leur sujet. Ces frères privilégiés de Notre-Seigneur ce sont ses prêtres.

Une partie de ces enfants privilégiés demeure certainement fidèle à l'emploi confié. Ils conservent et défendent de toutes leurs forces contre les serres de l'ennemi, les biens remis à leurs soins, quelques-uns même périssent de la mort des héros dans la lutte pour la cause et les droits de leur père, de leur frère, Sauveur et bienfaiteur.

Mais n'y en a-t-il pas une partie qui passent à l'ennemi, qui livrent par trahison et noire ingratitude les biens de leur père et de leur roi?

D'autres ne vont pas aussi loin, mais ils voient tout cela avec indiffé­rence, s'occupent de leurs propres intérêts, se donnent leurs aises avec les biens dont ils ne sont cependant que les administrateurs, ne s'occu­pent ni du déshonneur ni du dommage que peut supporter leur père et frère, si bon et si libéral, pourvu qu'eux-mêmes ne soient ni dérangés ni attaqués.

D'autres enfin prennent part à la lutte mais avec des pensées de vaine gloire et d'ambition. Ils combattent, mais ils veulent par là s'acquérir la réputation de héros. Ils veulent que la victoire soit attribuée à leur va­leur, à leur courage, à leur adresse. Ils veulent mériter des récompenses pour eux-mêmes. Leur intention, leur mobile n'est pas désintéressé. Ils n'agissent point par pur amour et par reconnaissance.

Tout cela attriste le Cœur de Notre-Seigneur qui n'a rien épargné pour ces ingrats et qui s'est sacrifié pour les rendre heureux et leur prou­ver son amour. Dans sa douleur, il cherche quelqu'un pour le consoler et pour guérir les plaies que l'ingratitude et l'infidélité lui ont faites.

Des prêtres dévoués devraient par leur amour, par leur attention con­tinuelle à tous les désirs de Notre-Seigneur et par leur soin incessant à lui plaire, à le servir, à le glorifier, lui faire en quelque sorte oublier l'in­justice et l'outrage qui lui viennent non pas seulement de ses ennemis, mais aussi de ses amis, de ses frères, de ses enfants.

Ils doivent former une armée qui ait pour but de rendre à leur Roi et Sauveur l'honneur qui lui a été ravi, les biens qui lui ont été arrachés, de guérir les plaies qui lui ont été faites par ses frères, par ceux-là dont il avait fait d'autres lui-même et avec qui il avait partagé son pouvoir et ses titres. Il doivent tout y consacrer et être prêts à tout sacrifier, leur liber­té, leurs biens, leur vie même, si l'accomplissement de leur but l'exige.

En temps de paix, ils doivent former une garde d'élite. En temps de guerre et dans le danger, ils doivent montrer le dévouement héroïque que mérite leur bon Maître. Ils ne doivent avoir en vue en tout temps que son honneur, sa gloire, ses avantages; ils ne doivent pas chercher d'autre récompense que le sentiment intime d'accomplir la volonté de leur bon et aimable Roi et de le consoler ainsi.

§ 10. La réparation par l’amour

Notre-Seigneur ne demandera pas de nous beaucoup d'actions d'éclat. Quelques prêtres en voulant les lui donner s'y sont perdus. Ils y ont cherché leur propre gloire et leur propre satisfaction.

Nous sommes petits et faibles, mais notre bonne volonté, notre ten­dresse, notre attachement doivent consoler Notre-Seigneur et compen­ser pour lui ce qui nous manque en forces et en talents. Nous devons pré­férer de demeurer inconnus et de passer pour inexpérimentés devant le monde et devant nos frères du dehors, plutôt que d'abandonner notre Père bien-aimé et souvent attristé et offensé.

Si même nous négligeons de penser à notre avenir, pour être plus assi­dus auprès de notre Père, permettra-t-il pour cela que quelque chose nous manque? Nous laissera-t-il tomber dans le besoin sans nous assi­ster? Un véritable cœur de père ne fait pas cela, à plus forte raison le Cœur si aimant d'un Dieu. Celui qui place ses espérances dans le mon­de, dans les créatures changeantes et inconstantes est toujours trompé. Leurs attraits et leurs promesses disparaissent comme la fumée et con­duisent au malheur et à la perdition. Celui qui aime véritablement Notre-Seigneur, ne se laisse impressionner ni par des promesses ni par des menaces, ni par la louange et l'applaudissement, ni par l'insulte, la moquerie et la persécution.

Il ne se laisse pas détourner de la résolution une fois prise, de la volon­té divine une fois reconnue ni de sa vocation. Il n'a en vue que le bon plaisir et le contentement de Notre-Seigneur, c'est à lui qu'il cherche à se conformer, c'est à son amour qu'il cherche à répondre. Peu lui impor­te si on le prend pour un insensé. - Les victimes du Cœur de Jésus devraient-elles se laisser dépasser en cela? Ne devraient-elles pas plutôt se réjouir et s'estimer heureuses d'être traitées comme leur modèle, leur Dieu et leur Sauveur? Notre-Seigneur n'a-t-il point passé pour un insen­sé? C'est son amour pour les âmes qui le mit en cet état.

C'est son désir de réparer la gloire de son Père céleste, de sauver les âmes, de les rendre heureuses et d'être aimé d'elles en retour, qui le fit embrasser avec ardeur la folie de la croix. Aussi cette folie de la croix est la marque de ses vrais disciples, des victimes qui lui sont consacrées.

Mais ceux qui aujourd'hui ne comprennent absolument pas cette vie et la tiennent pour la plus grande dérision, ne devront-ils pas aussi un jour s'écrier: «Nous les considérions comme des fous et nous trouvions leurs œuvres ridicules et leur fin honteuse, maintenant ils sont couron­nés d'une éternelle splendeur et ils sont comptés parmi les amis de Dieu» (Sap. V, 4).

Encore une fois, avant tout ce sont des cœurs que Notre-Seigneur de­mande, des cœurs qui aient la ferme volonté de l'aimer par dessus tout et qui soient prêts à tout sacrifier pour cet amour, même ce qui leur est le plus cher; qui ne connaissent plus de désirs propres, plus d'intérêts per­sonnels, mais qui n'aient qu'une chose en vue: aimer, consoler et dé­dommager le Cœur de leur Dieu, de leur Maître et de leur époux, lui gagner tous les cœurs et les enflammer de son amour.

Des moyens naturels sont-ils alors nécessaires pour concourir à ce but, Notre-Seigneur saura les trouver et les envoyer en temps convenable.

«Cherchez d'abord le règne de Dieu et sa justice, et tout le reste vous sera donné par surcroît» (Math. VI, 33).

§ 11. Examen spécial sur les obligations propres à notre état

Ai-je fait de sérieux efforts pour agir en tout par amour pour le Cœur de Jésus?… (Voir le «Thesaurus»).

§ 12. Pratiques propres à entretenir l’esprit de notre vocation.

Formules d'oblation, manière de former l'intention et de sanctifier les actions de la journée. (Voir «Thesaurus»)].1)

§ 1. Jésus est notre modèle dans les mystères de sa vie et dans l’Eucharistie

Jésus nous a donné l'exemple le plus parfait de la vie d'amour, d'im­molation, d'abandon, de conformité à la volonté divine.

Il a marché en avant sur le chemin du sacrifice; il l'a rendu praticable pour tous ses vrais disciples, pour ses amis et ses épouses. Où trouver, en effet, un cœur qui ait aimé davantage, plus purement, plus parfaitement et plus généreusement que celui de notre Dieu et Rédempteur, que le Cœur de Jésus, le Cœur de la Victime de l'amour? Qui a plus et plus douloureusement souffert et pour qui? pour quoi? Sa volonté n'était-elle pas celle du Père céleste? Depuis son incarnation, dans toute sa vie, dans sa Passion et encore dans l'Eucharistie, l'Ecce vento a été sa règle de vie.

§ 2. L’ecce venio

Jésus était venu pour accomplir la grande œuvre de la réconciliation, mais pourquoi donc alors une vie longue de trente années, cachée, in­connue, en apparence inactive et inutile? C'était pour attendre en tout l'heure marquée par les décrets divins.

Le Rédempteur était promis au genre humain, annoncé par les pro­phètes, et les signes qui devaient avoir lieu étaient marqués. Il était at­tendu par les justes avec un ardent désir. Cependant peu de personnes connaissent son avènement et le mystère de l'Incarnation. A sa naissan­ce, des prodiges ont lieu dans la nature, qui se réjouit de la venue de son Roi. Les Mages de l'Orient reconnaissent l'étoile mystérieuse, qui an­nonce la venue du Roi-Sauveur attendu par tous les peuples. Mais bien­tôt après tout retombe dans le silence. Tout se trouve de nouveau ense­veli dans l'obscurité.

Ceux qui croyaient véritablement, qui suivaient l'attrait de la grâce, la voix des anges et l'inspiration du Saint-Esprit, conservaient ces mystè­res dans leurs cœurs et adoraient dans le silence, l'espérance et la sou­mission, les décrets de la sagesse, de l'amour et de la miséricorde de Dieu. Plusieurs de ces âmes privilégiées ne vivaient plus au jour du sa­crifice rédempteur, et attendaient dans l'autre monde leur heureuse ré­demption.

Joseph, Marie et Jésus, le Sauveur du monde, vécurent de longues années dans la plus grande obscurité, la solitude, le travail, la pauvreté et l'abaissement.

Qui pourrait approfondir les voies de la sagesse, de l'amour et de la bonté de Dieu? Qui peut concevoir et compter les actes de vertu de ces années d'obscurité? Et pourquoi donc tout cela: ce voyage pénible et long, cette fuite dans un pays païen, idolâtre? parce que Jésus était victi­me, parce que Jésus était libérateur et rédempteur, parce que cela était dans les desseins de Dieu pour des motifs qui dépassent nos conceptions.

L'Ange dit à Joseph, dans le sommeil: «Prends l'enfant et sa mère et fuis en Egypte, car Hérode cherche à tuer l'enfant, et reste là jusqu'à ce que je te le dise». Quelle foi, quelle obéissance et quel abandon de la part de ces deux saints personnages, qui se remettent entièrement, aux mains de la Providence et s'abandonnent à la volonté de Dieu, comme des instruments dociles!

La toute-puissance de Dieu semble se retirer de l'Enfant Sauveur, mais c'est pour accomplir les décrets de sa sagesse et de son amour infi­nis. La semence du christianisme devait être jetée par là en Egypte pour les temps à venir, par les mérites de Notre-Seigneur, de Marie et de Joseph.

Notre-Seigneur avait dit: «Voici que je viens, o mon Dieu, pour faire votre volonté». C'est donc pour cela, pour l'accomplissement de la vo­lonté divine, que le Fils de Dieu lui-même se soumet à tout et malgré son désir brûlant, son zèle ardent et son amour, attend l'heure destinée aux diverses phases de la Rédemption et accomplit tout en son temps et en son lieu.

§ 3. Nazareth

Nazareth, c'est encore l'Ecce Venio, l'abandon à la volonté divine. Qu'y a-t-il de grand et d'honorable aux yeux du monde, dans le travail d'un pauvre ouvrier qui gagne son pain à la sueur de son front? Mais la grâce de cette vie humble et cachée devait sauver le monde aveuglé par le péché et la passion. Ses plaies mortelles et contagieuses devaient être guéries par les remèdes opposés; sa dette devait être payée par des actes réparateurs.

Notre-Seigneur était devenu volontairement notre victime, c'était lui qui devait payer notre dette. C'est ainsi que ses victimes volontaires doi­vent suivre son exemple avec sa grâce et imiter sa vie.

On ne pouvait pas voir les fruits que préparait sa vie de sacrifice. Il ac­complissait la volonté de son Père et chaque acte accompli par lui dans cette obscurité, dans cet abaissement, était d'une valeur, d'un mérite in­fini et pouvait racheter non seulement un monde, mais mille mondes. Cependant cela ne suffisait point à son amour, il voulait mourir de la mort sanglante, la plus douloureuse, la plus ignominieuse, sur la croix. Il voulait être un modèle pour tous les états, pour toutes les classes, pour tous les instants de la vie humaine. Et que demande-t-il maintenant? Que nous puisions à ce flot de grâces, à ce trésor infini. Que nous y pre­nions l'esprit d'amour et la conformité à sa volonté, que nous déplorions l'abus qui est fait si souvent de ces grâces par nous-mêmes et par tant d'âmes.

Une fois pendant cette période de Nazareth, Notre-Seigneur mani­festa sa divine mission et le devoir qu'il était venu remplir. C'est au Temple de Jérusalem. Après qu'il a été inutilement cherché dans le rues agitées de la ville et parmi ses parents et connaissances, il se laisse trou­ver au Temple et il répond à Marie et à Joseph: «Ne saviez-vous pas qu'il faut que je sois à ce qui est de mon Père?».

Plus loin dans l'Evangile vous lisez les paroles suivantes, qui résument en peu de mots toute la vie de Notre-Seigneur: « Il descendit avec eux à Nazareth et il leur était soumis, et il croissait en âge, comme en grâce, en sagesse et en amabilité devant Dieu et devant les hommes».

A qui était-il soumis? A Joseph et à Marie qui lui avaient été donnés par son Père céleste comme Père adoptif et comme Mère et, en leur per­sonne, il était soumis à son Père. Il grandit jusqu'à l'heure fixée par son Père.

Grandir, progresser dans la vertu, dans la soumission et la conformité à la volonté divine, attendre et ne pas vouloir hâter par une activité na­turelle les desseins de Dieu, ne pas vouloir lui donner plus de glore ou par une autre voie ou d'autre autres moyens qu'il ne demande, c'est ce qu'a fait Notre-Seigneur et c'est ce qu'il demande de nous.

Le monde ne peut et ne veut pas reconnaître cela. Il tient ces vertus cachées pour de la folie, de l'ignorance ou de l'incapacité. Il y voit une vie au moins inutile, sinon nuisible. Cependant c'est la sagesse même apportée du ciel, enseignée et pratiquée par le Fils de Dieu. La folie de la croix a plus de valeur que toute la sagesse du monde réunie.

Laissons le monde faire ses œuvres selon son esprit, selon ses princi­pes, car ce qui a de la ressemblance avec lui n'est pas œuvre de Dieu. Ce que le monde estime et loue ne peut venir de l'esprit de Dieu ni y con­duire. Une œuvre qui porte en elle le cachet et le sceau du monde et de ses principes, ne porte point celui de l'esprit de Dieu, celui du saint Evangile, la ligne de conduite des élus.

Celui qui est l'ami du monde ne peut pas être l'ami de Dieu. Celui qui sème dans la chair récoltera aussi de la chair. Plus une œuvre est en con­tradiction, en opposition avec le monde, plus elle est une œuvre de Dieu, plus elle a de ressemblance avec la grande œuvre de la Réconcilia­tion, l'œuvre du Règne de Dieu et de sa gloire, l'œuvre du salut et de la rédemption des âmes.

Le péché et la perfection sont deux extrêmes, la vertu et le vice sont op­poses l'un à l'autre. Ce qui fut gâté par l'un doit être compensé et réparé par l'autre. Ce qui fut perdu par l'un doit être retrouvé et reconquis par l'autre. La mort, la ruine est la suite de l'un; le salut, la vie, celle de l'autre.

«Hérode cherche à faire périr l'enfant», dit l'ange à saint Joseph. Il cherchait à écarter par la mort cet enfant qui venait précisément pour donner la vie à tous. Parce que ce prince impie et jaloux voulait régner et briller, cet autre Prince prit la fuite pour se cacher, pour obéir, pour être pauvre, délaissé, inconnu.

Le monde cherche-t-il maintenant encore à faire périr les enfants, les œuvres et les desseins de Dieu, c'est dans l'obscurité, l'absence d'éclat, la pauvreté, l'humilité et l'abaissement que l'œuvre trouvera protec­tion, et c'est là qu'elle doit rester jusqu'à ce que Notre-Seigneur le dise, pour remplir la volonté et les vues de Dieu, sous le voile de l'inutilité, de l'incapacité et de la folie. Si Dieu, si Notre-Seigneur est satisfait, cela ne doit-il pas suffire? Le monde, les ennemis de Dieu n'ont pas besoin de l'être, pas même le serviteur et la servante. D'ailleurs le contentement du Maître doit être aussi celui du disciple.

Nazareth est donc un sanctuaire silencieux et caché où la Sainte Fa­mille, ces trois cœurs si unis, correspondant si bien à la volonté divine, dans une vie pauvre et pénible, vie de prière, de travail et de sacrifice, concourent à l'œuvre de la Rédemption, chacun selon sa destination spéciale. Unissons-nous à ces trois saints Cœurs, les plus parfaits modè­les de la vie religieuse et de la vie d'immolation.

$ 4. La Passion

Tous les mystères de la Passion sont remplis d'enseignements relative­ment à notre vocation. Dans son modeste triomphe sur le poulain de l'ânesse, au commencement de la grande semaine, Notre-Seigneur nous enseigne la douceur et l'humilité: «Ecce venit ad te Rex tuus mansuetus».

A Béthanie, pendant la semaine sainte, Notre-Seigneur nous montre chez ses amis un exemple de la fidélité dans les épreuves.

A l'Agonie, au jardin des Oliviers, par ses souffrances indicibles, Notre-Seigneur nous enseigne ce qu'est le péché, combien il pèse à son âme innocente. Il nous invite à nous unir à son agonie, à passer avec lui nos soirées, le commencement de la nuit, pour consoler son Cœur par nos sentiments d'amour et de compassion.

Devant ses juges, Notre-Seigneur garde le silence: Jesus autem tacebat. Ce silence nous dit son abandon, sa soumission à la volonté de son Père, son amour pour nous.

Pendant que ses ennemis s'écrient: «Crucifiez-le, Tolle, crucifige», lui aussi demande une mort. Il désire d'abord donner son sang et sa vie pour nous sauver: proposito sibi gaudio sustinuit crucem. Mais il demande aussi que nous mourions à nos défauts, à notre nature corrompue, pour vivre d'une vie nouvelle, d'une vie toute surnaturelle, de sa vie à Lui-même.

Il aime sa croix, c'est l'instrument de la Rédemption, c'est l'autel du sacrifice rédempteur. C'est aussi sur la croix et par la croix que tous les chrétiens et particulièrement les prêtres, les religieux, les âmes victimes doivent, à l'exemple de leur divin Maître, mourir, se sacrifier et se lais­ser immoler.

Notre-Seigneur lui-même l'a demandé: «Que celui qui veut être mon disciple se renonce à lui-même, prenne sur lui sa croix et me suive». La croix résume toute vertu; la croix, c'est le salut.

Sur le chemin du Calvaire, sainte Véronique nous donne l'exemple de la générosité et du courage. Elle est un modèle pour les âmes réparatri­ces. Elle essuie le visage de Jésus profané par les crachats, mouillé par les larmes et par le sang du Sauveur. Notre-Seigneur la récompense en gra­vant ses traits sur le suaire. Puisse-t-il aussi graver ses traits dans notre pensée et dans notre cœur pour que nous n'oubliions plus de le consoler.

Notre-Seigneur verse son sang depuis son agonie jusqu'au coup de lance qui ouvre son cœur. C'est le témoignage de son amour: l'amour n'est pas sans douleur. C'est le prix de la Rédemption. Notre-Seigneur n'a pas épargné une goutte même de son sang. Donnons-nous tout en­tiers à lui: donnons tout notre cœur, toute notre vie, tout notre temps. Donnons-nous sans réserve.

C'est à la montagne du Calvaire que l'autel de la victime a été érigé, que le sacrifice a été consommé. Contemplons là Jésus, sa croix, son sang, ses plaies, son cœur transpercé par la lance. Les trois clous nous rappellent nos voeux et le coup de lance symbolise notre profession d'im­molation, le don de notre cœur.

Considérons la mort sanglante du Rédempteur, le Cœur brisé de douleur et d'amour de l'Agneau Victime mourant. Ce Cœur sacré nous a aimés outre mesure et pour ainsi dire jusqu'à la folie. Pourrions-nous rester insensibles à tant d'amour? Pourrions-nous refuser à ce Cœur qui nous a tant aimés ce qu'il nous demande à juste titre, l'amour de retour, la reconnaissance, l'entière donation de nous-mêmes, la consolation et la réparation pour le dédommager de l'indifférence et de l'ingratitude d'un si grand nombre d'âmes et même de son peuple choisi?

Là aussi nous pouvons contempler Marie, la Mère de douleurs; saint Jean, le disciple fidèle et bien-aimé; Madeleine, le modèle d'un amour profond sorti du plus parfait repentir, et quelques saintes femmes. Ap­prenons de ces âmes généreuses la compassion pour Jésus souffrant, l'amour fidèle et courageux et l'esprit de réparation.

Ecoutons les dernières paroles de Notre-Seigneur. Il prie pour ses per­sécuteurs: Pater dimitte illis, il pardonne au bon Larron, c'est la miséri­corde et le pardon des offenses. Il a soif de notre amour et du salut des âmes. Il nous donne sa Mère, c'est son dernier testament par lequel il se dépouille tout entier pour notre amour. Il remet son âme entre les mains de son Père, c'est l'abandon suprême. Il consomme sa vie comme il l'a commencée, dans l'abandon et la soumission à la volonté de son Père.

Le titre de la Croix a aussi son éloquence: «Jésus de Nazareth, roi des juifs». C'est là le trône de Jésus, c'est là qu'il règne. Et en effet, c'est par la croix, par la réparation et l'expiation qu'il a détruit l'empire de Satan et rétabli le règne de son Père. C'est par la croix que nous le ferons ré­gner dans les âmes, c'est par l'abnégation, le sacrifice et l'abandon.

Contemplons aussi Marie, Saint Jean et les saintes Femmes dans l'ef­fusion de leur amour et de leur douleur, lors de la descente de croix et de l'ensevelissement de Jésus. Dans cet amour fidèle, empressé et dévoué, nous trouvons le modèle de ce que doivent être nos sentiments. Notre­Seigneur les a récompensés en gravant ses traits sur son suaire, puisse-t­ il aussi les graver dans nos cœurs pour y entretenir le sentiment de la compassion et de la pitié.

Le voile violet dont l'Eglise couvre les croix au temps de la Passion nous donne le même enseignement. Il nous exhorte à la pénitence, au re­pentir de nos fautes, à l'humilité et à la compassion aimante pour Notre­Seigneur.

$ 5. L’Eucharistie

Dans l'Eucharistie, Notre-Seigneur nous donne le modèle de notre vie intérieure. Là sa vie est principalement cachée, silencieuse, aimante, sa­crifiée. Telle doit être la nôtre.

L'Eucharistie est à la fois un sacrifice et un sacrement; c'est aussi le moyen par lequel Notre-Seigneur habite avec nous et règne parmi nous. - Le sacrifice eucharistique est offert quotidiennement sur l'autel et de­vant la croix. Notre-Seigneur nous y donne l'exemple du sacrifice et de l'immolation.

Il aime à se donner à nous dans la sainte communion. Il se fait volon­tiers la nourriture de nos âmes. Il aspire après le moment de se donner. Nous devons aussi être avides de le recevoir.

Il fait ses délices d'habiter parmi nous, il s'expose pour cela à tous les oublis et même à tous les outrages. Il nous invite à le visiter avec con­fiance, avec amour. Aimons-nous ardemment ses autels et ses taberna­cles? Le visitons-nous volontiers? Aimons-nous à lui témoigner au pied de ses autels notre amour, notre reconnaissance, notre compassion? Pas­ser invenit sibi domum - altaria tua, Domine virtutem.

Il désire des sanctuaires où il sera exposé à la vénération, visité, aimé, consolé. Avons-nous le même désir? Si dedero somnum oculis meis, donec in­veniam locum Domino, tabernaculum Deo Jacob (Ps. 131).

Le Psalmiste, en souvenir des bienfaits dont Dieu l'avait comblé, lui et son peuple, et en prévoyant ceux que Dieu destinait au peuple choisi de la nouvelle loi, s'écriait. «Que rendrai-je au Seigneur pour tant de bienfaits: Quid retribuam Domino pro omnibus quae retribuit mihi?». Et il se ré­pondit à lui-même: «Je prendrai le calice du salut et j'invoquerai le Sei­gneur: Calicem salutaris accipiam et nomen Domini invocabo. - La sainte Eglise applique principalement ces paroles aux prêtres, auxquels a été accordé l'honneur, le bonheur, la dignité sublime de prendre en leurs mains le calice de la nouvelle alliance, le calice rempli du sang de l'Homme-Dieu, du sang de l'Agneau-Victime qui enlève les péchés du monde. Ceci arrive au moment même où le sacrifice du Calvaire se re­nouvelle sur l'autel d'une manière non sanglante, où la victime, le médiateur entre Dieu et les hommes s'offre de nouveau par les mains du prêtre et s'immole au Père céleste.

Le prêtre doit s'unir à ce sacrifice, le plus sublime, le plus pur, le plus saint de tous et s'offrir lui-même en victime.

Cependant ces paroles du psalmiste s'appliquent aussi à toutes les âmes qui veulent suivre Notre-Seigneur et devenir victimes avec lui, à son exemple et par amour pour lui. C'est en ce sens que Notre-Seigneur a dit lui-même avant sa Passion: «Ne faut-il pas que je boive le calice que mon Père m'envoie?» et pendant son agonie: «Mon Père, s'il est possi­ble, que ce calice s'éloigne de moi; cependant, que votre volonté se fasse et non la mienne». Ainsi donc le calice des souffrances, des douleurs et de la mort, le calice du sacrifice, de l'abandon et de l'immolation, mais qui est en même temps le calice du salut, c'est celui-là qui doit être ac­cepté et choisi pour reconnaître les bienfaits du Seigneur, de notre Dieu et Rédempteur.

«Je prendrai le calice du salut et j'invoquerai le nom du Seigneur»; j'implorerai son secours, sa grâce et sa force pour boire ce calice, si amer à la faiblesse humaine, et pour le boire jusqu'à la lie. Nous devons invo­quer le nom et l'assistance du Seigneur, non seulement pour nous­-mêmes, mais pour tous nos frères, afin que ce calice devienne à tous un calice de salut et que son efficacité soit appliquée à tous. Nous voyons Notre-Seigneur dans son agonie adresser à son Père céleste une prière humble, confiante, filiale et soumise et sa prière est exaucée: Un ange du ciel vient le fortifier.

L'Evangile fait encore mention du calice à propos des deux apôtres Jean et Jacques, quand leur mère vint demander à Notre-Seigneur que ses deux fils fussent placés l'un à sa droite, l'autre à sa gauche dans son royaume. Notre-Seigneur répondit aux deux disciples: «Vous ne savez pas ce que vous demandez. Pouvez-vous boire le calice que je boirai?». Ils répondirent: «Nous le pouvons». Notre-Seigneur leur dit: «Vous le boirez, mais de vous placer à ma droite et à ma gauche, cela appartient à mon Père?». Ainsi donc les places dans le royaume de Dieu seront distri­buées suivant la part prise au calice des souffrances de Notre-Seigneur, au calice du travail, de l'ignominie, du sacrifice, qu'il mélange et donne à boire à chacun. Ces deux apôtres burent et partagèrent le calice de leur Divin Maître.

De quelle manière le but le disciple bien-aimé, on le sait; il but en plei­ne mesure le calice des douleurs, mais aussi il but largement le calice de l'amour divin au Cœur de son Dieu. Son frère Jacques fut le premier parmi les apôtres auquel échut en partage le bonheur de donner sa vie comme victime pour la doctrine de Notre-Seigneur, pour son nom et par pur amour pour lui.

§ 1. L’Ecce Ancilla

Marie est notre modèle dans sa vie cachée, dans sa vie de silence et de recueillement à Nazareth. Elle est bien le jardin fermé, accessible a Jésus seul, à saint Joseph et aux anges. La visite de l'ange l'effarouche jusqu'à ce qu'elle ait reconnu le messager divin. Elle est la source scellée, dont les eaux restent pures et ne sont souillées par aucun contact. Marie don­ne un soin sans égal à la vie intérieure. Sa vie est toute d'amour, d'union et d'immolation.

L'Ecce ancilla résume la vie de Marie comme l'Ecce venio résume la vie de Jésus. Ces paroles de Marie furent comme la formule de sa profes­sion, de son voeu de victime; et seulement après ces paroles le Verbe s'est fait chair: Et Verbum caro factum est, et habitavit in nobis.

Par son Ecce ancilla, par son consentement, Marie accepta d'être la Mère du Rédempteur Elle accepta l'honneur, la dignité de cette mater­nité, mais aussi les souffrances, les sacrifices qui y étaient attachés. Elle se déclara prête à accomplir la volonté de Dieu en tout, à être sa servan­te. C'est en cela que se trouve l'être propre d'une victime, en cela que consiste la perfection de toutes les vertus. Là aussi est la source des grâ­ces et des mérites.

L'Evangile nous rapporte peu de paroles de Marie, hors l'Ecce ancilla et le Magnificat, où se retrouvent aussi ces mots: Respexit humilitatem ancillae suae: il a regardé la bassesse de sa servante. Ainsi donc parce que Marie était prête à répondre à la volonté de Dieu, elle a été regardée favorable­ment et choisie par Dieu. - «Et voici que toutes les générations me pro­clameront bienheureuse». Peu de personnes la proclamèrent bienheu­reuse pendant sa vie mortelle, sauf Elisabeth et une femme du peuple qui est signalée dans l'Evangile. Et dans cette dernière circonstance, que répondit Notre-Seigneur? Il répondit: «Oui, bienheureux sont ceux qui entendent ma parole et qui la pratiquent».

Du reste, Marie, la Mère du Rédempteur était comme son Fils en butte à l'humiliation et au mépris de la part des ennemis de Dieu; et pour ceux qui étaient bien disposés, elle était un objet de compassion et de pitié, dans les jours de la Passion. Elle a ressenti et partagé toutes les souffrances de Notre-Seigneur, et uni son sacrifice à celui de son Fils.

L'Ecce ancilla était sur ses lèvres et dans son cœur dans tous les sacrifi­ces qu'elle eut à faire: lors de la Présentation au Temple quand elle offrit son Fils en victime et qu'elle entendit la prophétie du vieillard Siméon; lors de la fuite en Egypte, dans un pays étranger et infidèle; et ainsi en tout et toujours, jusque sous la croix de son Fils mourant.

De même pour sa vie encore longue après l'Ascension, suivant les des­seins de Dieu, elle consentit à être mère de l'Eglise nouvelle fondée dans le sang de son Fils, mère de tous les fidèles rachetés par le Sauveur. Marie était prédestinée pour être la Mère de son Dieu. Elle était enrichie et or­née de toutes les grâces et de tous les dons, mais néanmoins ses grâces et ses mérites augmentèrent tous les jours par sa fidèle coopération, par sa pureté, par le saint et pur amour avec lequel elle remplissait sa mission.

§ 2. Le Saint Cœur de Marie

Le premier temple et tabernacle dans lequel reposa le Verbe de Dieu fait homme, dans lequel il régna avec délices et avec joie, fut le sein très pur, le Cœur virginal, le Cœur immaculé de Marie. Le temple de Salo­mon, dédié au vrai Dieu, était orné de la manière la plus magnifique et la plus riche; mais ce temple vivant du saint Esprit, que le Fils de Dieu se choisit pour demeure, était encore plus magnifiquement orné. Celui-là était revêtu intérieurement de l'or le plus pur, mais dans le Cœur de Marie se trouvait l'or de la charité la plus pure et la plus parfaite. Le Temple avait ses lampes et son feu perpétuel; dans le Cœur de Marie brûlaient nuit et jour les lampes ardentes de son amour.

Les portes du Temple étaient d'un bois incorruptible, symbole de la pureté qu'on y devait avoir; mais chez celle qui est appelée la Porte du ciel, quelque chose d'impur, de corruptible trouva-t-il jamais entrée? Non, pas même l'ombre du péché. Dès le premier instant de son Imma­culée Conception, elle rayonna de l'éclat le plus pur de la sainteté, de la pureté et de la perfection. Elle ravit la Sainte Trinité et le ciel tout entier. Ses vertus n'étaient-elles point aussi les perles et les pierres les plus pré­cieuses, le métal le plus rare, l'or le plus fin et le plus pur? L'émeraude de l'espérance, la topaze de la foi, le rubis de l'amour saint et pur, le sa­phir du regard constant vers Dieu son souverain bien.

Cette Mère du bel amour était toute amour, sainteté et perfection, et ses vertus ornaient la maison de son Dieu et de son fils, semblables à de riches ornements, des peintures, des joyaux, des fleurs et des parfums.

Elle était l'Arche d'alliance vivante où reposaient non pas seulement les tables de la loi ancienne, mais le législateur lui-même de la loi nouvel­le, de la loi d'amour. Son Cœur et celui de saint Joseph étaient comme les séraphins qui se tenaient devant cette arche, dans l'adoration, le re­spect et l'amour.

Quelques Saints séduits d'admiration et d'enthousiasme pour la beau­té, la sainteté, l'amabilité de Marie, l'appelaient une conquérante des cœurs. La beauté, la grâce, la suavité de ses vertus ont conquis d'abord le Cœur de son Dieu et l'ont attiré à prendre sa chair et à habiter en elle. Elle comprit que la possession des cœurs, l'amour de retour était le sou­hait du Cœur de son Fils. Elle vit tout ce que Notre-Seigneur fit et souf­frit pour cela: quels abaissements, quelles privations, quelle pauvreté, quel travail, quelles douleurs il endura pour se procurer cet amour; com­ment il prit sur lui durant 33 ans toutes les fatigues d'une vie pauvre, pé­nible, méprisée et méconnue, et comme il termina cette vie par la mort la plus ignominieuse, la plus douloureuse, pour satisfaire à son amour qui embrassait toutes les âmes, pour les convaincre toutes de sa charité infinie, illimitée, pour enflammer tous les cœurs de l'amour de leur Dieu et Rédempteur. Elle entendit encore les derniers désirs, les derniè­res plaintes, le dernier soupir du Cœur de Jésus mourant.

Rassasié déjà d'opprobres et de douleurs, mais non satisfait encore, Jésus s'écria: «J'ai soif». Marie savait que c'était la soif d'amour, la soif des âmes et des cœurs, plus que la soif de sa bouche desséchée et défail­lante; que son amour demandait plus de souffrances encore afin d'attirer tous les cœurs à lui! «Quand je serai élevé de terre, j'attirerai tout à moi» (S. Jean XII 32). - Mais combien résistent à l'attrait de la grâce! à l'at­trait de l'amour de leur Rédempteur! Qu'aurait-il pu faire de plus ce­pendant pour mériter tout amour et toute affection?

Marie voudrait pour cette raison émouvoir tous les cœurs et les porter à aimer Notre-Seigneur d'un amour véritable et sans partage. Marie voudrait ravir ces cœurs qui ne se donnent pas. Combien ne tiennent pas les promesses de leur baptême, ni même les promesses plus spéciales des voeux? Ou s'ils se donnent, c'est à demi, en partageant leurs cœurs entre les créatures et leur Dieu, qui voudrait cependant posséder seul leur cœur, leur amour, et qui, à tant de titres devrait le posséder seul. Avec la douce violence de son amour, la puissance de son intercession, la tendre sollicitude de son Cœur maternel, cette Mère de l'éternel amour cherche à conquérir, à ravir des cœurs pour son Fils. N'a-t-elle donc pas coopéré à l'œuvre de la Réconciliation par le sacrifice de son Divin Fils?

Par sa vie de victime, ses sacrifices, ses douleurs, elle est devenue Ré­paratrice et Médiatrice entre Dieu et les hommes. Au milieu de ses souf­frances indicibles, elle a adopté comme ses enfants toutes les âmes rache­tées par la mort de son Fils, et ainsi elle a acquis un droit à leur amour, à leur reconnaissance, à leur fidélité, à leur attachement. Elle voudrait les remplir toutes de cet amour dont son très saint Cœur était embrasé. Elle voudrait les conduire toutes au Cœur de son Fils, le Roi, l'Amant et l'Epoux des cœurs purs. La résistance, l'ingratitude du peuple choisi l'attriste. Elle cherche des cœurs compatissants, des cœurs qui conso­lent Notre-Seigneur par leur amour et leur fidélité.

§ 3. Marie au Calvaire

L'Ecce ancilla de Marie était un don complet d'elle-même. Il s'est con­tinué jusqu'au Calvaire. Ces mots expriment tout son sacrifice, toute sa vie de victime.

N'abandonna-t-elle point par là à l'amour divin tout son cœur très pur, très saint et sans tache, avec tout son être et tout ce qu'elle possé­dait, prête à se sacrifier, à agir, à souffrir, suivant la volonté divine, le bon plaisir Divin?

«Mon bien-aimé est un bouquet de myrrhe que je porte sur mon cœur» (Gant.). Marie veut dire par là que l'amour rend les souffrances légères, douces et même agréables, si amères et pénibles qu'elles soient en elles-mêmes pour la nature. Quoique l'Epoux divin soit un Dieu crucifié, un Epoux de sang, et qu'il fasse présent de sa croix à ses élus, qu'il les invite à la porter à sa suite, elle devient légère par l'amour. Marie la compare à un bouquet que l'on serre sur son cœur, et qui répand le plus suave parfum.

Aussitôt donc que l'on porte la croix des souffrances, des contradic­tions dans le cœur, c'est-à-dire avec amour et par amour, et non pas seulement sur l'épaule où la Providence l'a placée, elle devient légère, el­le devient un bouquet de fleurs. C'est ce qui explique la force de Marie au Calvaire. Comme Jésus, elle porte la croix avec joie.

Notre-Seigneur ne nous a-t-il pas aussi montré la croix sortant des flammes d'amour de son Cœur? N'est-ce pas au Calvaire que Notre­Seigneur après avoir versé tout son sang nous a ouvert son Cœur pour y recevoir les nôtres et les rendre semblables au sien, c'est à dire prêts à se sacrifier et à s'immoler par amour? Marie avait reçu au Calvaire cette grande leçon qui n'était que la confirmation de toute la vie de Notre­Seigneur.

Il ne suffit donc pas de porter la croix extérieurement et forcément, mais il faut l'embrasser avec amour, la porter avec courage et joie, la de­sirer avec ardeur, comme le plus grand et le plus sûr trésor.

§ 4. Notre Dame de la Salette

C'est comme réparatrice que Marie s'est manifestée à La Salette. Elle y a demandé les œuvres réparatrices. Son costume était symbolique: les vêtements de travail et les instruments de la Passion, cela indique le tra­vail humble et modeste accepté en esprit de réparation, l'abnégation de la volonté, le sacrifice, l'immolation, l'abandon, le support de la croix.

Marie portait à son cou la croix, la couronne d'épines, la lance, le marteau, les tenailles; c'est la vie de victime qu'elle nous présentait pour le salut du monde et particulièrement pour le peuple choisi, car si Marie a pleuré sur les péchés du peuple, sur le blasphème et la profanation du dimanche, elle a pleuré plus amèrement encore sur les infidélités du peu­ple choisi. Les enfants de l'apparition en sont témoins.

Le but de cette apparition était de toucher les cœurs tièdes et refroidis et de les réchauffer, de les enflammer de l'amour de Dieu, de les sollici­ter, de les exhorter à l'accomplissement de leurs promesses, que ce soit la promesse du simple chrétien au baptême ou celle des âmes consacrées dans leurs voeux.

Ce qui arracha des larmes à cette Mère du ciel, si tendrement aimante et compatissante, c'est surtout la résistance, l'insensibilité, l'ingratitude, l'infidélité, la dureté, le manque d'amour du peuple choisi, des âmes consacrées, qui ont été comblées de grâces et de privilèges et qui doivent à Notre-Seigneur le plus d'amour, de reconnaissance et de fidélité. Plus est grand, en effet, le droit par lequel on peut attendre et réclamer une chose, plus la promesse en a été solennelle et fréquente, plus aussi l'in­justice est grande et la douleur est vive si la chose promise n'est pas don­née ou l'est simplement d'une manière parcimonieuse et incomplète.

Devant les tribunaux de la terre, de tels actes sont punis. A la fin aussi le Dieu si clément, si miséricordieux et si patient est forcé de laisser sévir sa justice, et c'est pourquoi maintenant Marie, la Mère de miséricorde, inter­vient comme médiatrice pour chercher des âmes et des cœurs qui adoucis­sent la juste colère de Dieu et arrêtent son bras prêt à nous frapper.

§ 1. Saint Joseph, patron et modèle pour notre vocation

Saint Joseph est un modèle pour nous, spécialement par sa vie inté­rieure, son esprit de foi, son abandon, sa pureté, son amour pour Jésus et Marie. - Saint Joseph est tout à Jésus et à Marie. Il leur est tout dé­voué, sa vie toute entière leur est consacrée, il ne vit que pour eux. Ils ne forment tous trois qu'un cœur et qu'une âme. Il prie avec eux et sa priè­re à tout instant s'enflamme sous l'influence de leur ferveur. C'est une seule prière qui monte vers le trône de Dieu.

Au travail, la pensée de Jésus et de Marie le suit. Il travaille pour eux et quand Jésus a grandi, il travaille avec lui.

Son repos est auprès d'eux et avec eux. Ses entretiens préférés sont avec Jésus et Marie. Et de quoi aime-t-il à parler, si ce n'est des bontés de Dieu et des merveilles de sa miséricorde?

Dans sa vie intérieure, il réfléchit sur les actes et les paroles de Jésus et de Marie, sur les mystères de l'Incarnation et de la Rédemption. On peut dire de lui comme de Marie: «Conservabat omnia verba haec in corde suo. Il conservait tout cela dans son cœur».

Combien son esprit de foi est grand! Il accepte humblement et pieuse­ment tous les messages de l'ange. Il accomplit héroïquement tous les or­dres divins.

Avec quel respect il traite Jésus et Marie! Il a entendu l'ange lui dire: «Ce qui est né en elle est de l'Esprit Saint, on l'appellera Emmanuel, Dieu avec nous». Comme il est fidèle à cette foi qu'il a reçue! Rien ne lui coûte pour répondre à sa mission. Aucun sacrifice ne le rebute; il va en Egypte, il revient, il est prêt à tout. Il est victime pour Jésus et avec Jésus; il subit l'exil, la persécution, la pauvreté, mais il supporte tout avec joie pour Jésus et pour 1 'œuvre de la Rédemption.

Et sa pureté! il faut que l'ange vienne le rassurer, tant il craint de la compromettre. Le lys est son symbole. Marie et lui sont auprès de Jésus comme les deux Séraphins de l'Arche d'Alliance. C'est sa pureté qui lui a valu d'être choisi par Dieu pour le père adoptif de Jésus et l'époux de Marie. Il est le modèle de la vie de réparation. Il est témoin des abaisse­ments du Sauveur à la crèche, de ses souffrances en Egypte, de sa pau­vreté à Nazareth. Partout il s'efforce par ses soins et son amour de répa­rer les souffrances imposées à Notre-Seigneur par nos péchés. Ses soins délicats donnés à Jésus à Bethléem, en Egypte, à Nazareth sont autant d'actes réparateurs.

Nous devons l'imiter en cela par notre union à Jésus et Marie, par no­tre assiduité à penser à Jésus, par nos soins délicats pour tout ce qui con­cerne le service de Jésus et particulièrement la sainte messe, les sacre­ments, l'office divin. Nous devons aussi servir Jésus avec soin dans le prochain et particulièrement dans les prêtres, dans les pauvres, dans les enfants. - Nous devons fixer notre regard sur Jésus et le voir partout et toujours. Nous devons donner le plus grand soin à tous nos devoirs, mê­me dans les petites choses, en faisant tout par amour pour Jésus et en esprit de réparation.

§ 2. Saint Joseph, patron et modèle de la vie de victime

Saint Joseph a été une victime, comme Jésus et Marie. Il l'a été tout spécialement par le cœur. Quelles rudes épreuves lui imposa son privilè­ge d'être l'époux de Marie et le père nourricier de Jésus! Il se soumit de la manière la plus parfaite à la volonté et aux desseins de Dieu, alors mê­me qu'ils lui étaient incompréhensibles ou pénibles à accomplir. Il était un instrument dans la main de Dieu pour accomplir ses desseins et par conséquent un modèle parfait de la vie de victime.

Saint Joseph est un modèle pour le prêtre-victime lui-même, quoique il n'eût pas la dignité sacerdotale dans la véritable acception du mot. Qui donc porta Notre-Seigneur dans des mains plus pures? Qui présenta plus dignement l'Agneau sans tache destiné au sacrifice? Qui a traité Notre-Seigneur avec plus de respect, plus d'amour, avec une foi plus vi­ve, une intention plus pure?

A la Présentation au Temple, n'est ce pas par les mains de Joseph et de Marie que Notre-Seigneur s'offrit à son Père céleste, en victime d'ex­piation pour les péchés du monde? Dans ce grand jour, les dispositions et les sentiments de Saint Joseph n'étaient-ils par ceux d'une victime, en union avec le sacrifice de Jésus et de Marie?

La mission de Saint Joseph était une sorte de sacerdoce et toute sa vie a été une vie de victime.

§ 1. Saint Jean aussi est pour nous un Patron et un Modèle

La Très Sainte Vierge, Saint Joseph et Saint Jean sont, après le Sacre­Cœur de Jésus, nos principaux patrons. Saint Jean étant l'apôtre de l'amour, l'apôtre du Sacré-Cœur, est nécessairement le patron et le mo­dèle des Prêtres du Sacré-Cœur.

Il a été le disciple privilégié de Notre-Seigneur, le disciple privilégié du Sacré-Cœur. Dès qu'il eut entendu le Sequere me, il s'attacha à Notre­Seigneur. Pendant trois ans il entendit ses paroles, ses leçons, il fut témoin de ses miracles, de sa puissance, de sa miséricorde. Il reçut de Notre-Seigneur des preuves spéciales de son amour, de sa bonté, de sa bienveillance.

Quand il eut goûté pendant trois ans le bonheur de la présence per­sonnelle de son divin Maître et qu'il eut reçu de lui mille marques de sa condescendance, de sa bonté, de sa sollicitude, il entendit un second Se­quere me, une invitation à suivre Notre-Seigneur au jardin de l'Agonie, au chemin de la croix et jusque sous la croix au Golgotha.

Il en sera toujours ainsi pour nous, pour l'œuvre en général et pour chacun en particulier. Aux lumières et aux consolations doivent succé­der les croix, pour éprouver notre amour et pour nous donner la grâce de l'immolation.

Quand la mère de Jean et de Jacques demande à Notre-Seigneur des privilèges pour ses fils, Notre-Seigneur leur dit: «Pouvez-vous boire mon calice avec moi?» puis il ajoute: «Oui, vous le boirez». Jean a bu au cali­ce d'amour et au calice de la souffrance. A la Cène, il a puisé l'amour au Cœur de Jésus; au Calvaire, il a partagé par sa compassion les souffran­ces de Jésus et plus tard il devait souffrir la persécution, les tortures et l' exil.

La pureté de son cœur lui permettait une union plus intime avec Notre-Seigneur. - Sur les bords du lac, là où les autres ne reconnais­saient pas Notre-Seigneur, il le reconnut: «Dominus est, c'est le Seigneur, s'écria-t-il».

Etudions sa vie et sa doctrine, pour bien connaître Notre-Seigneur, pour devenir de vrais disciples et apôtres du Sacré-Cœur, de vrais prêtres-victimes du Cœur de Jésus.

Suivons Jésus fidèlement jusqu'au Calvaire s'il nous y invite.

§ 2. Saint Jean – Sa Formation

C'est au Cénacle et au Calvaire surtout que Saint Jean a été formé comme modèle des Prêtres du Cœur de Jésus. Sur le Cœur brûlant d'amour de son divin Maître et sous la croix, il est devenu victime du Cœur de Jésus, victime d'amour et de réparation.

Il devient postulant lorsqu'il demande à Notre-Seigneur: «Maître, où demeurez-vous?». Il fut reçu lorsqu'il quitta son père et ses filets et suivit Notre-Seigneur. Sa vêture eut lieu dans la salle du festin, à la dernière cène, là où il fut revêtu du manteau de la dignité sacerdotale.

Il fut enseigné et instruit sur l'offrande du saint sacrifice de la messe, qui est la commémoration de la sainte Cène, de la Passion et de la mort de Notre-Seigneur: Hoc facite in meam commemorationem. Il a fait profession sur le Mont du Calvaire, sous la croix de l'Agneau victime, au côté de la Mère de cette très sainte Victime, qui elle-même devenait une victime, la plus sainte, la plus parfaite, la plus précieuse après son divin Fils. C'est là que son âme virginale s'unit à jamais à l'époux des âmes pures. Il avait suivi sur le chemin de la Passion l'Agneau qui s'offrait volontai­rement. Là il persévéra résolument, en proie à une inexprimable dou­leur. Il unit le sacrifice de tout lui-même au sacrifice infiniment saint et précieux de son Seigneur et Maître, qui ne demande pas à son disciple, une mort anticipée, mais une vie longue, pénible, laborieuse, confiante, une vie d'abandon par amour.

Saint Jean était le premier-ne de l'Eglise, il la représentait en ce jour où elle prit naissance. Avec lui les enfants de l'Eglise furent adoptés par Marie comme ses enfants et par Dieu le Père comme les frères et les co­héritiers de son Fils unique et bien-aimé.

«Sortez, filles de Sion, dit la Sainte Ecriture, et voyez votre Roi, com­ment sa mère (la Synagogue impie) l'a couronné au jour de ses noces» (Gant. 3). Les ennemis de Notre Seigneur disaient aussi au Calvaire en se moquant: «Voyez, ce sont les noces du Fils du roi». Ils ne savaient pas qu'en réalité Notre-Seigneur épousait sur la croix l'Eglise son épouse dans un amour éternel.

Il l'épousait au milieu des souffrances et des tourments. Il la parait, il l'ornait de son sang précieux, il l'enrichissait du trésor infini de ses méri­tes pour en doter tous ses enfants, leur donner la vie, la force et la crois­sance, les nourrir par ses plaies mais surtout par celles de son Cœur ou­vert, les abriter dans cette demeure divine, les réchauffer au foyer ardent de cet amour saint, pur et céleste. - Le Calvaire fut le berceau de l'Egli­se.

Ce temps entre la vêture et la profession ne fut pas long. Néanmoins Saint Jean passa par un noviciat, par un temps d'épreuve, durant lequel il apprit davantage, il avança plus en vertu, en pureté et en perfection, il souffrit plus dans son cœur et dans son âme que la raison humaine ne peut le concevoir.

Là il apprit à comprendre jusqu'où va le véritable, saint et pur amour de Dieu. Il apprit que la mesure de cet amour est d'aimer sans mesure. Comme il l'écrivit lui-même: «Personne n'a un plus grand amour que celui qui donne sa vie pour ses amis».

Le soir de l'institution du sacrement de l'autel, il vit comment Notre­Seigneur se donna tout entier, d'une manière merveilleuse et mystérieu­se; et le jour suivant il fut témoin de l'offrande douloureuse de la victime sanglante sur la croix. Par sa présence, sa fidélité et sa constance, il a ou­vertement rendu témoignage qu'il connaissait Notre-Seigneur, qu'il était et voulait rester son disciple.

A cette heure si solennelle et si sublime, il fit en son cœur tout rempli d'amour, de reconnaissance, de compassion et de zèle, les promesses les plus saintes pour l'avenir. Il prit la détermination, la résolution de n'abandonner jamais, en aucune conjoncture, Notre-Seigneur et sa doc­trine, de vivre et de mourir pour lui. Ces promesses, cette confession pu­blique qu'il était son disciple, il les fit à la vue de l'Agneau-victime mou­rant, s'immolant par amour.

Il eut en partage le Cœur de son Seigneur et de son Dieu, ce Cœur qui après la mort voulait encore se laisser blesser et ouvrir, afin de pou­voir donner la dernière goutte de son sang pour son Epouse, la Sainte Eglise.

Là ce Cœur n'était-il pas en fait brûlant d'amour, comme il le mani­festa plus tard à sa servante Marguerite Marie? N'est ce pas là qu'il fut blessé et ouvert et qu'il en coula du sang et de l'eau? N'était-il pas en­touré d'épines par les outrages, les douleurs et les tourments dont il était rassasié, par l'ingratitude et l'aveuglement de son peuple, par l'infidélité et la lâcheté de ses amis et de ses disciples, par l'ingratitude des âmes qui jusqu'à la fin du monde ne voudraient pas reconnaître cet immense amour, en faire leur profit et y répondre par la reconnaissance et l'amour de retour?

Là Saint Jean vit comment Notre-Seigneur était tout à la fois sacrifi­cateur et victime, et comment doit l'être tout vrai prêtre, conformément à ces paroles: «Faites ceci en mémoire de moi». C'est ce qu'exprime Saint Paul en disant: «Chaque fois que vous mangerez de ce pain et que vous boirez de ce calice, vous devez annoncer la mort du Sauveur jusqu'à ce qu'il revienne», c'est-à-dire vous devez l'annoncer non seule­ment en paroles, mais aussi par l'action, par la réalité, en vous offrant vous-mêmes en victimes en union avec le Prêtre éternel, le véritable Mé­diateur et Réconciliateur entre Dieu et les hommes.

Ecce sacerdos magnus. L'Eglise emploie ces paroles lorsqu'elle célébre la mémoire de ses prêtres et de ses pasteurs. Dans l'Ancien Testament, les prêtres n'étaient que sacrificateurs; dans le Nouveau, ils sont prêtres et victimes comme le Prêtre par excellence qui est leur modèle. Ils doivent s'unir à l'Agneau sans tache qui veut être immolé par leurs mains. Ils peuvent, pour ainsi dire comme Thomas, mettre leurs doigts dans les plaies, leurs mains dans le côté ouvert du Sauveur. Non seulement ils peuvent pénétrer dans le trésor infini de l'amour et de la miséricorde du Sauveur et y puiser en surabondance pour eux et pour d'autres, pour tous ceux qui leur sont confiés, pour le bien de l'Eglise militante et de l'Eglise souffrante et pour la gloire de l'Eglise triomphante.

Saint Jean au Cénacle et au Calvaire se formait donc bien comme le premier des Prêtres-victimes du Sacré-Cœur.

$ 3. Saint Jean: Sa Profession

A la profession, on promet obéissance à ses supérieurs, qui sont les remplaçants de Notre-Seigneur, qui commandent en son nom, qui sont les chefs visibles, pendant qu'il est le chef invisible. «Qui vous écoute, m'écoute», a dit Notre-Seigneur, à ses apôtres et à ses disciples, avant de remonter vers son Père. Mais à Saint Jean il a dit: Ecce mater tua! Le pre­mier devoir d'un fils envers sa mère est l'obéissance, le respect et l'amour filial. A Marie, Notre-Seigneur dit: Ecce filius tuus! Marie la très pure et très sainte Mère de Jésus, devient une Mère pour saint Jean. Il devait voir en elle, à la place de Notre-Seigneur, sa conseillère, sa conso­latrice. Elle devait remplacer Notre-Seigneur pour lui. Lui devait être pour Marie un fils fidèle, il devait s'intéresser à elle, la protéger et com­me il était revêtu de la dignité sacerdotale, lui donner les sacrements, la sainte communion. Marie voyait Jésus en son disciple bien-aimé, le di­sciple du Sacré-Cœur. Jean par contre voyait Jésus en Marie, la sainte Mère de son divin Seigneur et Maître, qui était aussi maintenant deve­nue sa mère et qu'il vénérait et aimait comme telle.

Les règles lui furent données pendant son noviciat de trois années par son Seigneur et Maître. Elles lui furent enseignées par la parole et par l'exemple. Pendant trois ans il eut devant les yeux Notre-Seigneur lui-même, la règle vivante la plus sainte et la plus parfaite, qu'il devait étu­dier et reproduire pour devenir un vrai disciple de Notre-Seigneur, un vrai prêtre-victime. - Au jour de la Réconciliation, au jour de la Pas­sion et de la mort de l'Homme-Dieu, de l'Agneau pascal qui se donnait et se sacrifiait, ce règlement de vie, cette doctrine, cette sainte Régle bril­la de son plus vif éclat. Elle trouvait là son entier accomplissement, toute sa valeur et sa perfection. Le dernier sceau lui était imprimé. Là saint Jean comprit, mieux encore qu'au Cénacle, jusqu'où va l'amour de son Dieu. En voyant payer la rançon des âmes, il comprit quelle valeur elles ont aux yeux de Dieu. Il commença à comprendre quel royaume le Mes­sie était venu fonder: un royaume d'amour, et quelles règles, quelles lois, quelles constitutions étaient à observer dans ce royaume, sous un pareil roi. Ce qu'il ne comprenait pas encore, l'Esprit-Saint promis de­vait le compléter plus tard. Mieux encore, saint Jean entendit ces Règles formulées dans les sept dernières paroles du Sauveur sur la croix, com­me le testament sorti du Cœur de Notre-Seigneur et prononcé par ses lè­vres expirantes.

- Mon Père, pardonnez-leur, car ils ne savent ce qu'ils font. - Dans ces pa­roles d'un Dieu cruellement persécuté par ses créatures, tourmenté, martyrisé, méprisé, outragé, condamné à mort, n'y a-t-il pas toute une règle, toute une loi pour ses disciples, pour ses imitateurs, pour ses victi­mes: amour, pardon, douceur, amour de ses ennemis, oubli de soi­-même. Notre-Seigneur n'injuria point ceux qui l'injuriaient, il ne mena ça point ceux qui le faisaient souffrir, mais il pria pour ses ennemis et il fit du bien à ceux quui le haïssaient et le persécutaient.

- Aujourd'hui encore tu seras avec moi en paradis. - La deuxième parole fut adressée au larron repentant, suspendu aux côtés de Notre-Seigneur et qui reçut les prémices de sa Passion et de sa mort. N'est ce pas encore l'amour, la miséricorde et la bonté, qui n'exclut personne, pas même le plus grand pécheur, s'il avoue sa faute, s'il est humble et contrit, s'il re­connaît qu'il y a lieu d'espérer aussi longtemps qu'il vit. Dieu ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. Et cepen­dant un apôtre s'est livré au désespoir pendant qu'un voleur de grand chemin devenait un saint.

- Femme, voilà votre fils! Fils, voilà votre mère! - Ce qu'étaient ces paro­les et ce qu'elles voulaient dire est déjà expliqué. N'est-ce pas encore le témoignage d'un amour généreux, qui sacrifie tout, ne retient rien, pas même ce qui lui est le plus cher; d'un amour qui se détache de tout, se dépouille de tout et ne conserve rien que les souffrances, la croix et la mort; d'un amour qui se fait pauvre afin d'enrichir les autres. Notre­Seigneur légua comme fils le disciple vierge à la Vierge des vierges et comme mère, le lis le plus pur au chaste disciple. C'est donc aussi une leçon sublime de pureté.

- J'ai soif! - Mais de quoi avait-il soif? De la gloire de son Père cé­leste, de la réparation, de l'accomplissement de la volonté divine, du sa­lut et de la rédemption des âmes. Il soupirait en languissant après l'amour des cœurs, il désirait d'être connu et aimé des hommes; mais son Cœur avait plus soif encore d'outrages et d'injures pour le salut des âmes. La soif de ses victimes doit-elle être différente de celle de son Cœur? Ne doivent-elles pas chercher à adoucir, à étancher cette soif du Cœur de Jésus? Bienheureux sont ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés.

- Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'avez-vous abandonné? - Qui est victi­me ne doit l'être seulement en une chose, il doit l'être en tout. Il doit ré­parer, expier non seulement dans le corps, mais en toutes les facultés du cœur et de l'esprit, il doit accepter tout ce qu'il peut plaire à la justice de Dieu d'envoyer. Cet abandon même, la souffrance la plus grande de toutes, il doit l'accepter avec résignation de la main ou plutôt du Cœur de son Dieu, il doit le supporter par pur amour et dans l'esprit de répa­ration et d'expiation. - «Le serviteur vaut-il donc plus que le Seigneur et le disciple est-il au-dessus du Maître?». S'il est déjà si douloureux d'être abandonné des hommes, de ses amis, de ses frères, c'est cepen­dant plus pénible encore lorsqu'il semble que l'on est abandonné, oublié par Dieu même. Etre alors fidèle et constant montre le véritable et pur amour, et celui-là seul a de la valeur aux yeux de Dieu, à celui-là seul il est donné de réconcilier sa justice offensée, et de consoler le Cœur de no­tre Maître et de notre Epoux.

- Tout est consommé. - L'amour du Sauveur avait tout mis en œuvre, tout accompli, tout souffert et tout donné. Il y a aussi pour les âmes et pour les œuvres un Consummatum est.

- Mon Père, je remets mon âme entre vos mains. - Les premières paroles de Notre-Seigneur ont été l'Ecce Venio, mais qu'a-t-il fait depuis le pre­mier instant de son Incarnation jusqu'à sa mort? Il a accompli la volonté de son Père céleste, il s'est sacrifié, il a souffert et toujours par amour et avec amour, par un amour divin, infini, éternel et incompréhensible. - Vous aussi, abandonnez, remettez votre esprit avec toutes ses facultés, votre corps, tout vous-même, votre avenir et votre passé entre les mains de Dieu, au Cœur de votre Rédempteur, de votre Ami, de votre Père, Frère et Epoux.

C'est là le laisser-faire des Victimes du Cœur de Jésus, comme c'était celui de la première, la plus sainte, la plus pure, la plus agréable victime, de l'Agneau pascal de la Nouvelle Alliance, sacrifié et immolé par amour à la gloire du Père céleste et pour le salut des âmes, pour la rédemption du genre humain.

Ces Règles furent données à Saint Jean sous la croix. Il promit de les suivre par amour pur et reconnaissant pour son Maître. Sacrificabo ho­stiam laudis et nomen Domini invocabo. Saint Jean renouvelait souvent son voeu, sa promesse, sa profession, et il transmettait avec un zèle infatiga­ble ces enseignements, la loi de la vérité et de l'amour à la nouvelle Egli­se, l'épouse de son Dieu et de son Maître. Toutes ses paroles, ses lettres, son Evangile respirent cet amour qui brûlait dans son cœur, où il fut al­lume surtout au Cénacle et sous la croix, sur le Golgotha. Et cet amour était si ardent chez lui que sa flamme sainte et pure surpassa et amortit la chaleur de l'huile bouillante dans laquelle, il fut jeté pour le nom de Notre-Seigneur. Et jusqu'à un grand âge il annonça sans relâche l'amour de Dieu, la loi de la Nouvelle Alliance, la charité et la bonté de Dieu.

A présent encore ce sont les deux mêmes sources, l'Eucharistie et la croix, par lesquelles le divin Cœur de Jésus se répand en flots d'amour, de grâce et de miséricorde, en flots des mérites inépuisables de son sang, de sa Passion et de sa mort. C'est du Calvaire que le prophète a dit: «Vous tirerez du miel du rocher et de l'huile des pierres dures». Et ail­leurs: «Vous puiserez avec joie aux sources du Sauveur».

§ 4. Les Apôtres

Saint Pierre est notre modèle par sa grande foi et par son amour. Il a manifesté sa foi dans sa confession publique de la divinité de Notre­Seigneur. «Vous êtes le Christ, Fils du Dieu vivant». - C'est alors que Notre-Seigneur lui a promis la primauté: «Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise». - Depuis lors nous le voyons toujours le premier à confesser sa foi, sauf au soir de la Passion où il eut un moment de dé­faillance. - Il a manifesté son amour dans la triple confession qu'il en a faite après la résurrection: «Seigneur, vous savez que je vous aime». C'est alors que Notre-Seigneur lui a confié le bercail de son Eglise: «Pais mes agneaux, pais mes brebis». Imitons la foi et la charité de Saint Pier­re, qui lui ont inspiré tout son zèle, tout son courage, tout son esprit de sacrifice et d'immolation. Lui aussi est mort sur la croix pour rendre à Notre-Séigneur amour pour amour et sacrifice pour sacrifice.

Saint André aussi eut en partage le grand bonheur de mourir victime sur la croix pour la doctrine de son Seigneur et Maître. Lorsqu'il aperçut la croix, l'instrument de son martyre et de sa mort, il s'écria: «O bonne croix, je te salue!». C'est sur la croix que la grande victime du sa­lut a été immolée, c'est aussi sur la croix et par la croix que les victimes de la Nouvelle Alliance doivent mourir, se sacrifier et se laisser immoler. «Si quelqu'un veut venir après moi, dit Notre-Seigneur, qu'il prenne sa croix…». Saint André le comprenait, imitons sa générosité.

Saint Jacques avait été invité par Notre-Seigneur comme saint Jean son frère, à boire le calice de son divin Maître. Il fut le premier parmi les apôtres auquel échut en partage le bonheur de donner sa vie comme vic­time pour la doctrine du Sauveur, pour son nom et par pur amour pour lui.

Avec Saint Thomas, allons au Cœur de Notre-Seigneur. Ne nous contentons pas d'y plonger notre main, mettons y tout notre cœur, toute notre âme pour nous y tremper dans l'esprit d'amour et d'immolation.

Imitons enfin le zèle et la fidélité de tous les apôtres et surtout du grand apôtre saint Paul qui pratiqua et enseigna si bien l'immolation et l'amour de Notre-Seigneur.

Sainte Madeleine est le modèle d'un amour sincère et véritable, sorti du plus parfait repentir.

Dès le moment de sa conversion, Madeleine est généreuse. Elle se jet­te aux pieds de Notre-Seigneur. Elle verse d'abondantes larmes, elle brave le respect humain, elle consacre à Notre-Seigneur des parfums d'un grand prix. C'est déjà une âme aimante. Elle se donne sans réserve à Notre-Seigneur et désormais elle le suivra et le servira fidèlement.

Notre-Seigneur est tout pour elle. Elle se tient à ses pieds et c'est tout. A Béthanie, elle ne s'agite pas pour servir Notre-Seigneur, elle le con­temple, elle l'écoute: qui a Jésus a tout.

Quand Lazare est mort, quelle foi elle témoigne et quelle confiance! Marthe s'agite encore et Marie dit seulement: «Maître, si vous aviez été là, il ne serait pas mort».

Marthe et Marie sont aimantes toutes deux, mais elles témoignent leur amour différemment. Marthe est active et Marie est contemplative. Toutes deux sont nos modèles. Nous devons tous unir la contemplation à l'action. - Marthe et Marie ont des soins assidus pour Jésus et pour les apôtres. - Elles sont fidèles à Jésus dans les épreuves. Elles sont vic­times avec lui. Elles le suivent au Calvaire, elles partagent ses douleurs. Elles sont humiliées et insultées pour lui.

Madeleine ne connaît pas la crainte ni l'hésitation. Elle est au pied de la croix avec la Sainte Vierge et Saint Jean. Elle est arrosée du sang de Jésus, elle recueille ce sang précieux. Elle ensevelit Jésus, elle apporte le suaire et les parfums. Le grand sabbat la tient éloignée du tombeau, mais elle y revient à la première heure après le sabbat. Elle cherche son Jésus crucifié.

Madeleine et les saintes femmes sont nos modèles pour chercher Jésus. Cherchons-le toujours, cherchons le partout. Cherchons-le, non pas pour jouir déjà de lui, pour en recevoir des grâces gratuites et extraordi­naires; cherchons-le pour comprendre son amour, pour imiter ses exem­ples, pour nous immoler avec lui. L'ange dit aux saintes femmes: «Ne craignez pas, vous cherchez Jésus crucifié». Nous n'avons rien à crain­dre non plus: si nous cherchons Jésus crucifié, nous ne pouvons pas nous tromper.

Noli me tangere: Ne me touchez pas, dit Jésus: Il demande le pur amour, l'amour désintéressé. Il veut que nous acceptions l'aridité et qu'en le cherchant nous sachions nous passer de la douceur de sa présen­ce. - Cherchons Jésus avec un amour empressé comme Madeleine. Nous ne pouvons pas être toujours auprès de Jésus dans la prière, sa­chons aussi le servir dans la personne de ses frères. Jésus dit à Madelei­ne: «Va vers mes frères, pour leur faire part de ma résurrection»…

Cherchons Jésus fidèlement et ne l'abandonnons plus jamais, ni par crainte, ni par découragement, ni à cause de notre vie passée, ni à cause des tentations ou persécutions.

Les autres saintes femmes de l'Evangile, en particulier Marie Salomé et Marie de Cléophas ont été aussi d'admirables modèles de dévouement à Jésus, d'assiduité à son service et de fidélité jusqu'au Calvaire.

Saint Ignace est pour nous un protecteur. Notre œuvre est fille de la sienne. Sa fête ne doit pas être oubliée chez nous. Notre-Seigneur se plaît â nous donner toujours quelque grâce â cette fête.

Saint Ignace est un modèle de zèle ardent pour la gloire de Dieu. Il faisait tout pour réparer la gloire enlevée à Dieu et pour lui gagner des âmes, qui l'honoreraient et l'aimeraient.

Nous devons aussi brûler du désir de dédommager le cœur de notre Sauveur en le servant avec ferveur et en lui gagnant des âmes.

- Saint François Xavier est un puissant protecteur pour nos mission­naires. N'oublions pas de le prier pour eux.

- Saint Jean Berchmans est un modèle pour les jeunes religieux, comme Saint Louis de Gonzague et Saint Stanislas. Il n'a pas comme eux foulé aux pieds des couronnes princières, ce qui l'a élevé à la sainte­té, c'est qu'il a tout accompli, même les choses toutes communes, d'une manière, non commune, par des motifs surnaturels, dans l'esprit d'une foi vivante, par pur amour pour Dieu, dans l'intention la plus pure, en la présence de Dieu et dans une union étroite et non interrompue avec Notre-Seigneur. Il est devenu en cela pour nous un magnifique exemple. Sa vie si courte et cependant si riche en vertus et en mérites est montée vers le trône de Dieu comme un agréable holocauste de l'accomplisse­ment fidèle de son devoir et de son pur et généreux amour. Il est un mo­dèle pour tous ceux qui se préparent à la dignité du sacerdoce, comme aussi pour tous ceux qui ont reçu en partage le grand bonheur d'être ap­pelés à la vie religieuse. Quelle reconnaissance lui inspirait sa vocation! Quelle estime et quel amour il avait pour elle! Avec quel amour, quel abandon filial il était attaché à son saint ordre! Il comprit ces paroles que Notre-Seigneur adressa un jour à ses apôtres: «Ce n'est pas vous qui m'avez choisi, c'est moi qui vous ai choisis».

Il doit être honoré au noviciat et dans les écoles apostoliques. Les Frères aussi doivent le prendre pour modèle dans leurs travaux et leurs fonctions. Qu'ils se souviennent comment il accomplissait ponctuelle­ment, joyeusement, avec amour et zèle, les actions les plus ordinaires et s'estimait heureux, s'en regardant même comme indigne, de rendre du­rant toute sa vie des services aux prêtres de la Compagnie.

Heureux tous les religieux qui comme lui peuvent mourir avec un cœur confiant et joyeux, avec les saintes Règles d'après lesquelles ils doivent être jugés, en enfants dévoués de Marie et en fidèles amis de la Croix. Heureux ceux qui, semblables à ce saint, ont trouvé durant leur vie dans la prière à Marie, dans la croix de leur Sauveur et dans l'accom­plissement de leurs saintes Règles et de leur devoirs, leur joie, leurs déli­ces, leur appui, leur tout. Heureux ceux qui dans la pureté du corps, de l'âme et du cœur, dans l'humilité et la défiance d'eux-mêmes, dans un amour pur, surnaturel et ne cherchant que la gloire de Dieu et le salut des âmes, ont servi Dieu et ont suivi Jésus leur Maître dans la voie de la croix, des souffrances et du sacrifice.

Une semblable mort est précieuse aux yeux de Dieu, Ils entendent cet­te invitation: «Venez, serviteur fidèle, recevoir votre récompense».

C'est la fidélité à la Règle et au devoir qui a élevé Saint Jean Berch­mans et bien d'autres à une grande gloire dans le ciel, sans qu'ils aient accompli des œuvres éclatantes aux yeux du monde, car c'est le cœur, la volonté et l'intention qui ont de la valeur aux yeux de Dieu et qui mé­ritent la récompense.

Saint Michel est l'admirable porte-étendard du Sacré-Cœur. Il pré­pare le règne du Sacré-Cœur, prions-le pour cela.

Saint Jean-Baptiste s'appelait lui-même l'ami de l'Epoux, c'est un des saints les plus chers au Cœur de Jésus.

Saint Augustin est le docteur de l'amour de Dieu.

Saint François de Sales a fondé la Visitation pour la consolation du Cœur de Jésus.

Saint François d'Assise a porté les stigmates du Sauveur qu'il aimait si ardemment.

Sainte Gertrude, Sainte Mechtilde et Marguerite Marie ont été les confidentes les plus intimes du Sacré-Cœur.

Voilà des modèles pour nous, des patrons et des amis auxquels il faut nous unir tous les jours pour honorer, aimer, consoler et invoquer le Sacré-Cœur.

Un voeu est une promesse délibérée que l'on fait à Dieu pour l'accom­plissement d'un acte meilleur, d'un acte qui n'est pas exigé par la simple vie chrétienne.

Notre-Seigneur en a annoncé la fondation dans sa réponse au jeune homme qui lui demandait ce qu'il fallait faire pour être parfait (S. Math., Ch. 19). «Si vous voulez être parfait, lui dit-il, allez, vendez ce que vous avez, donnez-le aux pauvres et suivez-moi». L'état religieux est un état de perfection, ou du moins un état où l'on tend à la perfec­tion. Notre-Seigneur en indique les conditions: quitter la famille et vivre dans la chasteté, se dépouiller de ses biens pour vivre dans la pauvreté, obéir à Notre-Seigneur ou à son représentant..

Notre-Seigneur appelle par une vocation particulière et personnelle ceux qu'il destine à cet état. La vocation religieuse est une grande fa­veur, c'est la manifestation d'un choix, d'une préférence de Notre­-Seigneur et sa garde d'honneur. C'est une chevalerie dans l'Eglise.

La profession religieuse est donc un honneur, mais c'est aussi un acte grave, qui doit être préparé et réfléchi parce qu'il impose des devoirs et des responsabilités. Faire profession, c'est se consacrer à Dieu sans par­tage ni réserve, et contracter l'obligation de suivre Jésus-Christ par la pratique des conseils évangéliques.

Ces conseils sont opposés aux trois concupiscences qui entraînent les hommes au péché. Ils sont donc à la fois un préservatif et une réparation.

Les voeux de pauvreté, de chasteté et d'obéissance, qui constituent formellement l'état religieux, sont communs à tous les instituts; mais ils se diversifient par leur application pratique en rapport avec la fin spécia­le que se propose chaque institut religieux.

Les prêtres du Sacré-Cœur de Jésus comprendront qu'ils doivent mettre leur perfection propre dans la parfaite observation des prescrip­tions qui déterminent pour eux, le sens, la portée et la pratique de leurs voeux conformément à la fin de leur vocation. Leurs voeux doivent être prononcés et accomplis dans l'esprit d'amour et d'immolation qui leur est propre.

$ 1. Excellence de la Pauvreté

La pauvreté, le détachement des créatures, le renoncement sont des conditions nécessaires pour l'union au Sacré-Cœur de Jésus et pour la vie d'amour et d'immolation. Pour s'élever, il faut se détacher de la ter­re. Le souci des choses terrestres est un obstacle à l'oraison et à la vie in­térieure: Bienheureux ceux qui ont l'esprit de pauvreté, parce que le royaume des cieux est à eux.

La pauvreté volontaire est radicalement opposée à la concupiscence des yeux. Elles est à la fois un préservatif et une réparation.

Notre-Seigneur aime les pauvres volontaires. L'amour de Saint Fran­çois pour la pauvreté lui valut un tendre amour du Sauveur. La pauvreté était la reine et la dame de Saint François. L'art chrétien a représenté leurs épousailles (Assise, Chantilly). «Saint François, dit Bossuet, fut le plus ardent, le plus transporté, et si j'ose parler de la sorte, le plus dése­spéré amateur de la pauvreté, qui ait peut-être été dans l'Eglise».

La pauvreté apporte avec elle d'inépuisables trésors:

Elle apporte la grandeur. De ses adeptes elle fait des rois, dominateurs du monde entier, supérieurs à tout ce qui passe, «infiniment au-dessus des honneurs et des opprobres» (Bossuet).

Elle apporte la liberté. plus d'obstacles qui arrêtent, plus de liens qui retiennent. Plus de ces préoccupations inférieures qui écartent la pensée de Dieu et voilent les pensées éternelles. - Meliorem appetunt patriam, id est, coelestem (Heb. 11,16).

Elle apporte l'union avec Dieu. Le cœur est tout au Maître. Ne trouvant rien d'aimable sur la terre, il est inondé des amabilités divines.

Elle apporte la paix. De quoi se troubleront ces pauvres volontaires? Que peut-on leur ravir? Ils ne tiennent à rien (Buathier).

Elle apporte la joie. Ne dirait-on pas que déjà ils habitent le ciel, ces déshérites de la terre? Ils sont comme à la vigile de l'éternelle fête (Saint Laurent Justinien).

La pauvreté est la sauvegarde de la vie religieuse. Partout et toujours la tiédeur et la décadence sont venues dans la mesure où cette vertu fut éconduite.

$ 2. Pratique de la Pauvreté

Il y a la pauvreté effective (Franciscains et tous ordres mendiants) et la pauvreté de dépendance (jésuites, Bénédictins, etc.). C'est surtout celle­ci que nous pratiquons, et souvent l'autre aussi par la volonté de la Pro­vidence.

Rappelons d'abord les principaux points qui sont obligatoires:

- Ne rien prendre, ne rien donner ni recevoir par don, achat ou em­prunt, sans permission.

- Fuir le luxe et la superfluité;

- Se contenter d'une nourriture frugale et d'un habillement mo­deste;

- Eviter de perdre ou de gâter les objets dont on se sert.

- Eviter aussi de perdre le temps, car la perte du temps peut devenir un péché contre le voeu de pauvreté (Maynard). Le temps est un trésor qui ne nous appartient pas. Il doit être employé avec une grande fidélité selon les intentions des supérieurs et le bon plaisir de Dieu, comme une part de notre holocauste et un élément précieux de la réparation à offrir au Cœur de Jésus.

- Ne pas perdre de vue que c'est manquer au voeu de pauvreté que de fumer sans la permission du supérieur ou au-delà de la permission. - C'est également manquer à la pauvreté que de prendre en dehors des re­pas des fruits ou d'autres aliments dans la maison ou dans le jardin.

- Pour les dispositions intérieures: ne pas s'attacher désordonné­ment aux choses laissées à notre usage; - ne point désirer ou rechercher avec inquiétude ce qui peut être commode; ne pas se plaindre amère­ment dès qu'une chose nous manque, nous est refusée ou enlevée.

$ 3. De l’Esprit et de la Vertu de Pauvreté

Les Prêtres du Sacré-Cœur ne peuvent pas se contenter d'observer la pauvreté extérieure, il faut qu'ils aient l'esprit de pauvreté, le goût et l'amour de la pauvreté, s'ils veulent devenir vraiment intérieurs et me­ner une vie d'amour et d'immolation.

C'est en méditant sur les mystères de Bethléem et de Nazareth qu'ils prendront le goût de la pauvreté. C'est en voyant le choix qu'a fait Notre-Seigneur d'une étable et d'une crèche pour sa naissance et d'un pauvre atelier pour toute sa jeunesse, qu'ils comprendront les avantages de la pauvreté.

Il est si bon de penser qu'à chaque acte de pauvreté on console Notre­Seigneur pour les actes de sensualité commis par des âmes qui lui sont chères. La pauvreté supportée avec amour et par amour sera toujours fé­conde pour la réparation et pour le règne de Notre-Seigneur.

Les obligations du voeu ne satisferont donc pas les cœurs généreux, avides de réparation et de conformité au divin Cœur de Jésus. Ils s'ef­forceront d'atteindre la perfection de la pauvreté en pratiquant les con­seils qui suivent:

- Accepter avec reconnaissance ce qu'il y a de moindre et de plus in­commode; le choisir si on a à se déterminer soi-même;

- préférer les emplois les plus modestes;

- se priver quelquefois du nécessaire;

- se réjouir s'il vient à manquer;

- être disposé au besoin à mendier;

- se considérer habituellement comme un pauvre et regarder les cho­ses dont on se sert comme une aumône de la communauté.

§ 4. Notes Importantes

Il convient que chacun fasse son testament avant ses premiers voeux pour disposer des biens qu'il a ou qu'il pourrait acquérir.

- C'est seulement à l'occasion de ses voeux perpétuels qu'on peut disposer du domaine radical de ses biens par don entre vifs.

- Aucun profès ne peut garder l'administration des biens qu'il au­rait. Il doit la céder à ses supérieurs ou à sa famille. Il peut disposer des intérêts avec la permission des supérieurs. - Il en est de même des biens qui lui viendraient par héritage, par legs ou par un don légal entre vifs.

- Les dons manuels que reçoit le profès appartiennent à sa commu­nauté.

- Il en est de même des fruits du ministère ou du travail personnel.

- Le religieux qui va en voyage doit rendre compte à son retour de ses dépenses et remettre ce qui lui reste.

- Les théologiens fixent ordinairement à cinquante francs la somme qui constituerait une faute grave, si un religieux faisait tort à sa commu­nauté.

- Les religieux ne doivent pas garder d'argent chez eux, à moins qu'ils n'y soient autorisés par leur emploi.

- La pauvreté doit aussi régner dans leur chambre, dont le mobilier sera très simple. Le lit n'aura qu'un matelas de zostère. Ils ne garderont dans leur chambre que peu de livres pour leur usage quotidien et ils en auront le plus grand soin.

$ 1. Excellence de la Chasteté

C'est la vertu angélique, beaucoup d'hommes ne la comprennent pas. Notre-Seigneur lui-même le remarque en y appelant ses disciples de choix: «Il faut, dit-il, une grâce spéciale pour y atteindre: Non omnes ca­piunt verbum istud, sed quibus datum est (S. Mat 19).

Les Pères de l'Eglise et en particulier Saint Ambroise, exaltent la vir­ginité comme une vertu toute céleste.

La pureté est particulièrement la vertu des victimes. Les agneaux et les colombes du sacrifice devaient être sans taches.

L'Agneau divin n'a voulu que des âmes vierges dans son intimité. Marie, sa mère, est vierge; saint Joseph, son père nourricier, est vierge; son précurseur est vierge; saint Jean, le disciple bien-aimé, est vierge, et c'est à sa pureté virginale qu'il doit d'être admis à reposer sur le Cœur de Jésus et d'être choisi pour le fils adoptif de la Vierge Mère.

Cette sublime vertu doit être le partage des prêtres qui ont des rap­ports si intimes avec Notre-Seigneur et des religieux, qui sont comme sa famille spirituelle.

$ 2. Pratique de la Chasteté

Comme la chasteté rend l'homme semblable aux anges, un religieux doit comprendre avec quelle délicatesse elle doit être gardée, et il s'effor­cera d'imiter la pureté de ces esprits bienheureux par la pureté de son âme et de son corps.

La vertu angélique n'exige pas seulement de nous l'horreur du vice opposé; mais elle nous oblige à éviter avec un soin extrême, tout ce qui pourrait l'exposer ou en ternir l'éclat.

Tous doivent mettre la plus grande diligence à garder les portes de leurs sens, principalement des yeux, des oreilles et de la langue.

Dans la réfection du corps, ils auront soin d'observer en toutes choses la tempérance et la décence intérieure et extérieure, et ils éviteront de rien prendre hors des temps fixés sans une nécessité réelle et sans permis­sion.

La modestie et la gravité sont la sauvegarde de la chasteté. - Ainsi, que personne ne touche les autres, pas même par jeu. Cette règle s'étend à tous les rapports avec les élèves. Le laisser-aller sous ce rapport peut entraîner de graves conséquences.

Que tous observent une grande modestie, même dans leur chambre. Ils sont là en présence de Dieu et des anges.

Les religieux, dont le cœur doit être tout entier au Cœur de Jésus, doivent s'interdire toute amitié sensuelle, toute affection purement natu­relle pour leurs élèves ou pour d'autres personnes.

A l'égard des personnes d'un sexe différent, ils prendront toutes les précautions convenables pour ne pas s'exposer au danger même de la tentation. Ils garderont la plus grande réserve, même à l'égard des per­sonnes pieuses: pas de conversations inutiles ou prolongées sans raison; point d'entretien seul à seul à moins d'une absolue nécessité; point de correspondances sans permission; point de cadeaux même pieux.

S'il survient une tentation ou une occasion dangereuse, ils s'en ouvri­ront à leur directeur et ils s'adresseront au Cœur immaculé de Marie, pour obtenir par son intercession la grâce de rester toujours des victimes pures et sans tache.

Quelles réparations, quelle consolation pourraient-ils offrir au Cœur de Jésus, s'ils n'étaient pas parfaitement purs? Ils doivent demander souvent cette vertu au Cœur Sacré de Jésus et au Cœur immaculé de Marie.

§ 1. Excellence de l’obéissance

L'obéissance est aussi bien chère aux vraies victimes. C'est par l'obéissance que le Cœur de Jésus consomma le grand sacrifice de la Ré­demption. Notre-Seigneur est venu sur la terre pour obéir. Il a obéi à Marie et à Joseph, il s'est fait obéissant jusqu'à la mort.

C'est par la désobéissance que nous nous sommes éloignés de Dieu, c'est par l'obéissance que Notre-Seigneur nous a sauvés. Nous ne pou­vons pas offrir à Dieu de sacrifice plus efficace que l'obéissance.

C'est l'obéissance, l'abnégation, la conformité à la volonté de Dieu qui a fait tous les saints. Leurs voies ont été différentes, mais tous ac­complissaient la volonté Divine. Ils connaissaient cette volonté principa­lement par l'obéissance.

Considérée en chacun des religieux, l'obéissance offre à Dieu ce que l'homme a de plus précieux et de plus cher, sa volonté propre, et comme l'obéissance embrasse tout le détail de la vie, c'est l'holocauste ou le sa­crifice parfait.

C'est par l'obéissance que le Cœur de Jésus consomma le grand sacri­fice de la Rédemption, c'est aussi par l'obéissance que doit être consom­mé tout sacrifice réparateur.

L'obéissance parfaite des religieux concourt aussi au bien de la Con­grégation tout entière. Elle en est l'appui fondamental et le principe de vie qui la nourrit et la féconde dans ses œuvres. Sans elle, tout est dans le malaise, et les supérieurs et la société tout entière.

§ 2. Les Obligations de l’Obéissance

Quoique les commandements ordinaires des supérieurs et les Règles qui ne traitent pas des voeux, n'obligent pas par eux-mêmes sous peine de péché, il est rare cependant qu'on désobéisse aux supérieurs ou aux Règles, sans qu'il y ait quelque faute: faute de vanité, de sensualité, de respect humain, de paresse, de mauvaise édification, etc., suivant le mo­tif vicieux qui fait manquer à l'obéissance ou le dommage qui en résulte.

La transgression habituelle des Règles deviendrait plus coupable, à raison du mépris qu'elle renferme tacitement et du tort qu'elle fait. à la discipline religieuse.

Rappelons que la désobéissance constitue une faute grave dans les trois cas suivants:

1° Si le religieux désobéit à un commandement fait par les supérieurs en vertu de la sainte obéissance, c'est-à-dire en vertu du voeu. Mais ces sortes de commandements sont réservés aux supérieurs majeurs.

2° S'il méprise formellement l'autorité. Répondre: «Je ne veux pas», est ordinairement considéré comme un mépris (Maynard).

3° Si d'une désobéissance quelconque il résulte un grand scandale ou un dommage considérable, spirituel ou temporel, pour le religieux, pour le prochain ou pour la communauté.

- Les religieux seront discrets et réservés à demander des exemp­tions: si cependant ils croyaient avoir des raisons de dispense, ils de­vraient les exposer aux supérieurs, après y avoir pensé devant Dieu et s'être mis dans la disposition de s'en rapporter à leur décision. - Qu'ils se souviennent qu'une permission obtenue par fraude est nulle. - Quand une permission a été refusée par un supérieur et qu'on la deman­de à un supérieur majeur, on doit l'avertir de ce refus sous peine de nul­lité.

$ 3. De l’Esprit et de la Vertu d’Obéissance

Chacun aura soin de donner en toutes circonstances aux supérieurs des témoignages sincères de son respect et de sa dépendance.

Au son de la cloche et aux heures marquées, que tous se rendent aussi­tôt là où ils sont appelés pour contribuer à l'édification qui résulte d'une parfaite régularité.

Un des principaux mérites de l'obéissance pour les religieux, c'est de laisser aux supérieurs pleine liberté de disposer d'eux-mêmes pour les placements et les emplois, sans écouter leurs répugnances ou leurs ap­préhensions, en s'appuyant avec une ferme confiance sur la bonté divi­ne, qui les gouverne par ceux qu'elle a établis ses représentants.

En général, s'ils veulent que Dieu récompense leur obéissance, ils doi­vent, dans l'exécution extérieure des choses commandées, obéir entière­ment, promptement, courageusement et sans excuses, et avoir intérieu­rement l'humilité requise, l'abnégation de leur volonté et de leur juge­ment, partout où ils ne verraient pas de péché. C'est par cette obéissance parfaite en ses trois degrés: obéissance d'exécution, obéissance de volon­té, obéissance de jugement, qu'ils satisferont pleinement à leur profes­sion de victime et que leur vie, comme celle de Jésus, deviendra une con­tinuelle réparation.

Pour cela, ils doivent toujours avoir devant les yeux Notre-Seigneur, pour lequel on rend obéissance à l'homme, et s'accoutumer à ne pas considérer celui auquel ils obéissent, mais plutôt quel est celui pour le­quel ils obéissent, qui est Notre-Seigneur Jésus-Christ; de là il arrivera qu'ils procéderont dans un esprit d'amour et non avec le trouble qui vient de la crainte, ni avec les petits déguisements que suggère l'amour­-propre, ni avec les dissimulations, indignes de la profession religieuse.

L'obéissance humble, modeste et surnaturelle est seule digne des reli­gieux victimes du Cœur de Jésus.

$ 1. C’est notre Vocation spéciale

Les voeux par eux-mêmes constituent déjà le religieux à l'état de victi­me, en union avec Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ils sont, selon le senti­ment des auteurs mystiques, les trois clous qui attachent le religieux à la croix du Sauveur.

La profession spéciale d'immolation, qui caractérise les prêtres du Sacré-Cœur de Jésus, peut être comparée à la lance du centurion qui ouvrit le côté du Sauveur et consomma son sacrifice. Elle détermine celle des vertus spéciales de Notre-Seigneur et le côté de sa vie qui sont propo­sés plus directement à notre imitation: immolation complète dans l'esprit d'amour et de réparation.

La vie d'amour et d'immolation avec le Sacré-Cœur est la grâce du temps présent pour les âmes intérieures. Notre-Seigneur y amène peu à peu les âmes depuis les révélations de Paray. Il suscite des instituts qui s'efforcent de vivre dans cet esprit. Quand cette grâce sera suffisamment répandue, ce sera le règne du Sacré-Cœur dans les âmes.

Cette profession d'amour et d'immolation qui donne à notre œuvre son caractère propre, doit nous être particulièrement chère. Elle répond à la double demande de Notre-Seigneur à Marguerite-Marie: «Donne­moi toutes tes œuvres et tous tes mérites, pour que j'en dispose au gré de mon Sacré-Cœur; sois une victime qui se sacrifie à mon Sacré-Cœur pour l'accomplissement de ses desseins». Elle nous fait reproduire le ca­ractère dominant de la vie de Notre-Seigneur, qui est celui de victime.

Rappelons ici les notions théologiques sur le sacrifice et la victime: la victime est un être vivant offert en sacrifice. Le sacrifice est l'oblation d'une chose ou d'une personne faite à Dieu avec destruction sous quel­que rapport, pour reconnaître son souverain domaine et pour ces quatre fins: adorer, remercier, demander, expier.

Notre profession d'immolation peut se ramener pratiquement à cette formule: Prier, agir, souffrir et se sacrifier pour le Sacré-Cœur.

On peut dire qu'elle consiste à donner en sacrifice nos prières, actions et souffrances au Sacré-Cœur, par amour pour lui et en union avec lui, pour ses intentions, spécialement pour l'œuvre de la Réparation, selon les fins du sacrifice: adoration, action de grâces, impétration et répara­tion.

§ 2. Les Obligations de cette Profession

Notre profession d'immolation n'est pas un voeu, c'est une pieuse ré­solution. Il y a au moins une obligation de convenance à l'observer. Nous perdons des grâces en la négligeant et nous manquons à la voca­tion spéciale que Notre-Seigneur nous a inspirée.

La profession d'amour et d'immolation nous oblige:

1° à offrir chaque matin et puis dans la journée, au moins avant la messe et le saint office, nos prières, actions et souffrances en esprit d'amour et de réparation au Sacré-Cœur et pour ses intérêts.

2° A lui abandonner les mérites impétratoires et la valeur satisfactoire de nos actions pour qu'il en dispose à son gré. On sait que le mérite pro­prement dit, qui nous donne droit à un nouveau degré de grâce et de gloire n'est pas aliénable.

3° A accepter généreusement pour les lui offrir, tous les sacrifices que sa divine volonté et la Règle nous imposent.

L'obéissance par amour sera ainsi notre vertu de prédilection: notre devise, notre maxime favorite sera la parole de la divine Victime: Ecce Venio, voici que je viens, Seigneur, pour faire votre volonté, ce sera notre disposition habituelle.

$ 3. La perfection de la vie d’immolation

Cette perfection consiste à rendre parfaits nos prières, actions et sacri­fices et à les offrir parfaitement au Sacré-Cœur.

A cet effet, nous nous appliquerons:

1° Pour nos prières, à les rendre continuelles en quelque sorte en nous tenant dans l'union habituelle avec Notre-Seigneur, et à les rendre par­faites en les animant fortement de l'esprit de religion, en y multipliant les actes qui répondent aux quatre fins du sacrifice.

2° Pour nos œuvres, à les rendre parfaites en les accomplissant avec soin, en esprit de foi et sous l'inspiration de la grâce.

3° Pour nos souffrances, à les accepter volontiers et à porter joyeuse­ment la croix pour l'avancement du règne du Sacré-Cœur, en y ajou­tant quelques sacrifices volontaires.

La victime du Sacré-Cœur doit se sacrifier par amour, dans les flam­mes du divin Cœur. C'est dans l'amour de son Cœur que Jésus a con­sommé son sacrifice, principalement à l'agonie et sur la croix.

La profession d'amour et d'immolation nous constitue victimes du Sacré-Cœur. Peut-il y avoir rien de plus glorieux pour Dieu, de plus sanctifiant pour nous-mêmes, de plus nécessaire actuellement à l'Eglise? Avançons dans cette voie avec la confiance de l'abandon et une sainte joie.

Les Prêtres du Sacré-Cœur doivent vivre et mourir en véritables victi­mes du Sacré-Cœur. Un abandon entier de tout eux-mêmes et de tout ce qu'ils possèdent, soit pour l'esprit, soit pour le corps, une confiance fi­liale et la conformité à la volonté et au bon plaisir de Notre-Seigneur et tout par pur amour, en esprit de réparation et d'expiation telle doit être leur règle de vie.

Ils ont un cœur pour aimer, un corps pour souffrir, une volonté pour la sacrifier. Ils doivent pratiquer le laisser-faire absolu et l'acceptation avec amour de tout ce que la Providence leur apporte. Notre-Seigneur leur a donné l'exemple. Où trouver un cœur qui ait aimé plus généreu­sement et qui ait plus douloureusement souffert?

Le maxime favorite des Prêtres du Sacré-Cœur est l'Ecce Venio. Elle doit être toujours sur leurs lèvres et encore plus dans leurs cœurs. - Il ne suffit pas de porter la croix extérieurement et par nécessité, il faut l'embrasser avec amour, la porter avec joie et courage, la désirer avec ardeur comme le plus grand et le plus sûr trésor.

Si tous ne sont pas appelés à l'état de victime mystique, qui est le partage de quelques âmes privilégiées, tous peuvent et doivent être des victimes pratiques, par la docilité à suivre la grâce, la fidélité à remplir le devoir, la générosité à accomplir le sacrifice.

§ 1. Le Saint Habit

Les Prêtres du Cœur de Jésus portent extérieurement l'habit des prê­tres ordinaires et en dessous le scapulaire des religieux. C'est que leur immolation, leur sacrifice est de préférence celui du cœur, de la volonté. Leur immolation doit cependant aussi se manifester extérieurement par l'action, par la pureté et la perfection de leur vie, de leur conduite sacer­dotale et religieuse, pénétrée d'une foi vive et dirigée par le pur amour qui a son siège et sa source dans le Cœur de Notre-Seigneur.

Cet habit indique aussi que les Prêtres du Sacré-Cœur doivent prier, se sacrifier et s'immoler pour tous leurs frères, pour les prêtres séculiers comme pour les religieux.

Quoique bien faibles et bien indignes eux-mêmes, ils doivent compa­tir aux douleurs du Cœur de Jésus, qui rencontre parfois l'infidélité, l'ingratitude, la dureté de cœur, l'indifférence et même le sacrilège chez quelques âmes consacrées.

Le Cœur sur la croix, c'est encore l'immolation, l'abandon, l'abné­gation, le sacrifice du cœur et de la volonté. C'est aussi l'immolation in­térieure qui est principalement demandée aux Prêtres du Sacré-Cœur.

La corde avec ses trois noeuds rappelle les liens de Notre-Seigneur en sa Passion et les trois voeux.

§ 2. La Profession

La profession est le sacrifice complet de soi-même: «Celui, dit Saint Grégoire, qui voue à Dieu ses biens, son corps, sa volonté est une victi­me d'holocauste. - La profession, dit Saint Bernard, est un martyre. - Le vieil homme, dit Saint Paul, est crucifié en nous (Rom)».

Ce sacrifice éminemment méritoire est comme un second baptême, il re­met tous les péchés. La rénovation qu'on en fait participe à cet avantage.

Ajoutons qu'une pareille promesse est grave et sérieuse. «Si vous avez fait un voeu à Dieu, dit l'Ecclésiastique, ne tardez pas à l'accomplir. Une promesse qu'on fait follement et qu'on n'accomplit pas déplaît à Dieu. Mieux vaut ne pas faire de voeux que d'en faire sans les accom­plir» (Eccl. V).

§ 3. Les Supérieurs

Les religieux doivent à leurs supérieurs un grand respect et une affec­tueuse confiance.

Le bon pasteur connaît ses brebis. Les supérieurs doivent connaître leurs sujets, les aimer, s'intéresser à eux, les amener à s'ouvrir avec sim­plicité. Cette confiance et cette union doivent être très cordiales chez les Prêtres du Sacré-Cœur. La conduite du bon pasteur est proportionnée aux circonstances et aux forces de chacun. Il est condescendant pour les faibles.

Les supérieurs estiment particulièrement le silence. Ils s'abstiennent des paroles trop abondantes, des conversations inutiles et sans but où la gravité et l'esprit surnaturel ont trop souvent à souffrir. Leurs paroles sont particulièrement sobres et saintes.

Pour les instructions qu'ils ont à faire, ils se demandent parfois sur quel sujet ils doivent parler; ils ne parleront jamais trop du but de notre vocation, du pur amour, de l'abandon, de l'immolation, de l'abnéga­tion.

Dans cette œuvre, les supérieurs ne doivent pas être semblables à des officiers ou à des chefs d'entreprises. Ils doivent être comme des pas­teurs, qui donnent humblement et charitablement leurs soins à tout le troupeau, en cherchant à former des agneaux victimes dont ils soient eux-mêmes les modèles, comme des jardiniers qui donnent à toutes les plantes les soins assidus qu'elles réclament pour produire les fleurs des vertus agréables à Notre-Seigneur. Il est juste aussi que les membres de l'œuvre prient chaque jour pour leurs supérieurs.

Ces Règles sont tirées de nos Constitutions, passim, particulièrement du chapitre 26e sur la discipline et des Règles Communes que nous avons adoptées dans nos Chapitres généraux.

§ 1. Importance des Règles

Les Règles indiquent l'application des Constitutions dans le détail des actions de chaque journée. - Si on les néglige, tout s'en va à vau-l'eau. Il n'y a plus alors de vie religieuse, la nature reprend le dessus et il en ré­sulte les plus grands dangers pour la communauté et pour chacune des âmes qui y vivent. Une communauté mal réglée mal édifie même les gens du monde.

Une communauté fervente et régulière est un doux spectacle aux yeux de Dieu qu'elle honore, des anges qu'elle réjouit et des hommes qu'elle édifie.

Mais cette ferveur et cette régularité, qui font le plus bel ornement d'une communauté, ne peuvent y régner qu'autant qu'elles y sont ap­portées et entretenues par les religieux qui la composent. Chacun d'eux doit s'appliquer avec zèle à l'observation de toutes les Règles.

Nous avons lu les plaintes amères exprimées par Notre-Seigneur à la Bienheureuse Marguerite Marie au sujet des communautés tièdes et les longues souffrances imposées dans le purgatoire, aux âmes religieuses qui avaient négligé la régularité.

Rappelons ici que les Règles, pas plus que les Constitutions, n'impo­sent par elles-mêmes aucune obligation sous peine de péché, mais il n'arri­ve guère cependant que leur violation soit exempte de péché, soit du côté de la matière qui est souvent en rapport avec les voeux; soit du côté du principe qui les fait transgresser, comme l'orgueil, la vanité, la paresse, le respect humain; soit du côté des conséquences, comme la mauvaise édification, le trouble et le désordre dans la communauté.

§ 2. De la régularité extérieure

Pour commencer par la régularité extérieure qui tend plus immédiate­ment à l'édification, tous se feront un devoir d'y contribuer de tous leurs efforts par leur promptitude à se rendre aux exercices de communauté et par leur fidélité à observer l'ordre de la journée indiqué pour chaque maison et qui se rapprochera autant que possible du tableau marqué dans nos Règles communes au Thesaurus.

Ce tableau sera affiché dans chaque maison, afin que les hôtes le puis­sent voir. Une sonnerie de la cloche indique les exercices. L'Eglise bénit les cloches. Leurs vibrations sonores ont toujours été considérées comme un symbole des voix célestes qui appellent au service de Dieu.

§ 3. Du Silence

On ne trouve pas Dieu dans le bruit et l'agitation (3 liv. Rois 19.11). Le silence caractérise une maison religieuse bien réglée.'

Nous voulons vivre de la vie intérieure et suivre les inspirations de la grâce, il faut pour cela une vie habituellement calme et recueillie.

La parole de Dieu est comme un souffle léger que les âmes ne discer­nent pas si elles sont agitées (3 liv. Rois 19).

Hors les temps fixés pour la récréation, tous s'appliqueront à observer le silence en tous lieux, mais surtout à la chapelle, à la sacristie, au réfec­toire, au dortoir, dans les corridors.

Ils redoubleront de fidélité pendant le grand silence, c'est-à-dire de­puis la prière du soir jusqu'après l'oraison du matin.

Il n'y a ordinairement que deux récréations, après les repas du midi et du soir.

En dehors de là, en cas de nécessité, on parlera à voix basse et en peu de mots.

Il y a aussi un silence d'action, qui consiste à éviter tout bruit inutile, comme de claquer les portes, de marcher lourdement dans la maison, etc.

Nous recommandons aussi le silence intérieur: la paix de l'âme, le re­cueillement, la fuite des pensées et des lectures troublantes.

§ 4. Le Travail et la Fidélité aux emplois

L'Evangile dit de Notre-Seigneur qu'il a bien fait toutes choses. C'est la condition de la sainteté.

La vie de Nazareth a été une vie de travail où chacun s'occupait avec zèle selon le plan de la Providence.

Que tous attachent une grande importance aux emplois et aux offices qui leur sont confiés et s'en acquittent avec une constante fidélité; qu'ils s'habituent à regarder les devoirs de leur emploi comme une dette sa­crée, et leur zèle à le remplir comme le gage le plus assuré de leur dé­vouement à l'Institut.

Ils se hâteront de s'instruire de tout ce qui concerne leur office et de la manière de le remplir avec perfection. Ils reliront à l'occasion de la Re­traite du mois le règlement de leur emploi.

Ils auront soin de se tenir toujours au courant pour les comptes, le no­tes et la correspondance, afin de pouvoir toujours transmettre leur em­ploi sans retard et sans occasionner d'embarras.

La paresse, l'inertie, la négligence donnent prise au démon et prépa­rent toutes le déchéances.

§ 5. Charité, Union, Rapports réciproques

Tous s'appliqueront à entretenir la charité et l'union des cœurs par l'affabilité, la douceur et la prévenance dans leurs rapports mutuels et par tous les genres de services qu'ils auront l'occasion de se rendre réci­proquement.

Cette union et cette charité caractérisaient la primitive Eglise dans sa première ferveur. Ce sera aussi la marque sensible du règne du Sacré­-Cœur dans nos communautés.

On doit éviter tout ce qui est contraire à la fusion et à la courtoisie au point de vue des nationalités.

Que personne dans les conversations, ne blâme les prêtres séculiers ni les autres congrégations. Qu'on s'interdise comme une cause de ruine toute parole de critique contre les nôtres.

Un religieux ne doit pas entrer dans la chambre d'un autre sans une permission générale ou particulière du supérieur; que la porte demeure entr'ouverte pendant qu'ils traitent brièvement de l'objet de leur visite.

§ 6. Récréations et Conversations

En terminant la visite au Saint Sacrement après le dîner et après le souper, chacun se recommande tout spécialement au Sacré-Cœur de Jésus, afin de bien passer la récréation qui est un des exercices les plus im­portants de la journée, parce qu'il est facile d'y commettre bien des fau­tes et qu'on peut aussi avec la grâce de Dieu y pratiquer beaucoup de vertus.

On peut ajouter cette invocation aux prières habituelles: «Divin Cœur de Jésus, bénissez cette récréation pour qu'elle soit une occasion d'édification par la charité et la modestie de ceux qui y prennent part».

Personne ne peut s'absenter des récréations sans une permission ex­presse, et le supérieur ne l'accordera que pour de justes raisons. On y rendra les conversations utiles et agréables, en bannissant toute nouvelle curieuse et purement mondaine et en s'entretenant familièrement de su­jets édifiants et convenables. On s'efforcera également de comprimer les petites passions qui s'élèvent si facilement dans le cœur humain et de garder la douceur et la patience à l'égard de tous, surtout de ceux dont les manières auraient pu choquer ou déplaire.

Que tous, même pendant les récréations, parlent d'un ton de voix mo­déré, comme il convient à des religieux. Qu'ils évitent les contestations. Si quelqu'un est d'un sentiment différent de celui des autres et croit de­voir le manifester, qu'il expose ses raisons avec modestie et charité, à dessein seulement que la vérité soit connue et non point pour paraître l'emporter sur les autres.

§ 7. Du bon Esprit et des Tentations

Il semble que les premières atteintes du mauvais esprit se manifestè­rent à Corinthe dans la primitive Eglise, aussi Saint Paul donne-t-il aux Corinthiens tout un code du bon esprit (1 Cor. XIII). «La charité prime tout, leur dit-il, sans elle le talent et les œuvres ne sont rien. La charité est patiente et bienveillante. Elle ne jalouse pas le prochain et ne lui cau­se aucun mal. Elle n'est pas vaniteuse, ambitieuse, personnelle. Elle évi­te la susceptibilité et la critique, elle supporte les défauts d'autrui».

Un religieux ne doit pas communiquer aux autres ses jugements défa­vorables sur ses supérieurs et ses confrères.

S'il a des tentations sur sa vocation, c'est à son directeur qu'il doit s'en ouvrir. Si cependant il en a fait part à un confrère, celui-ci doit en prévenir le supérieur dans l'intérêt de cette pauvre âme qui est tentée.

On ne doit pas communiquer aux autres les fautes ou les imperfec­tions dont on a été témoin. Si cependant ces fautes constituaient un péril grave pour le coupable ou pour la communauté, on devrait en informer le supérieur.

§ 8. De la Mortification

La mortification fait partie essentiellement de la vie réparatrice. Elle est la sauvegarde de la chasteté et la condition du progrès dans la vie in­térieure.

Dans tout institut religieux on a l'usage de la discipline et du cilice.

Que personne ne mange ni ne boive hors des repas, à moins d'une permission très spéciale pour raison de santé.

Pour les jeûnes et les abstinences, l'institut après avoir observé ce qui est prescrit par la Sainte Eglise se conforme encore à ses règles spéciales, notamment pour le jeûne du vendredi.

Ceux qui sont malades ou d'une santé délicate peuvent être dispensés des jeûnes et abstinences. Une autre pénitence leur est alors imposée.

Pour la coulpe: dans les résidences de prêtres, en forme de coulpe, le jour de la retraite du mois, à la fin de l'examen particulier (ou après le Chemin de Croix), le supérieur dira:

Prière pour demander pardon à Dieu de nos manquements aux Rè­gles pendant le mois:

Parce Domine… (3 fois).

V. Domine, non secundum peccata nostra facias nobis;

A. Neque secundum iniquitates nostras retribuas nobis.

Oremus - Deus qui culpa offenderis, poenitentia placaris, preces populi tuf sup­plicantis propitius respice, et flagella iracundiae tuae quae pro peccatis nostris mere­mur, averte. Per Christum Dominum nostrum.

§ 9. De la Propreté et du Soin de la Santé

On sait quelle propreté le Lévitique exigeait pour les prêtres de l'An­cienne Loi et pour tout ce qui se rapportait au culte.

Que tous les religieux aient soin de la propreté, soit dans leurs person­nes, soit dans leurs chambres. Que leur lit soit fait exactement et de bon­ne heure. Qu'ils balaient leur chambre, hormis ceux que le supérieur ju­gera devoir en dispenser à raison de leurs infirmités ou d'occupations ur­gentes.

On ne peut que louer une maison qui a dans ses coutumes les bains de pieds hebdomadaires et les grands bains périodiques surtout en été.

Ceux qui sont malades doivent avertir l'infirmier et le supérieur qui sont obligés de leur procurer les soins et les soulagements nécessaires.

Ils ne doivent pas, d'eux-mêmes, s'adresser à un médecin ni se procu­rer des remèdes. On doit aux malades des soins dévoués et charitables.

$ 10. Les Relations extérieures

Que votre modestie, dit Saint Paul, édifie tous ceux qui vous voient (Philip, 4).

Dans les rapports avec les personnes du dehors on tâchera d'expédier avec modestie, douceur et charité ce qui ferait l'objet de la visite ou de l'entretien.

On évitera de demander conseil aux personnes du dehors, comme aussi de se charger d'affaires, même de piété, ou de promettre de s'y em­ployer, sans permission du supérieur.

Pour les affaires séculières de tout genre, il faut s'en éloigner encore davantage parce qu'elles nous distraient de notre vocation et qu'elles sont nuisibles aux choses spirituelles.

On ne peut pas sortir de la maison sans permission. Pour les prome­nades on doit aller à deux.

Les vacances se passent dans nos maisons. Un règlement spécial favo­rise le repos et les exercices hygiéniques.

Beaucoup de vocations se sont perdues dans les visites prolongées aux familles, et ces visites font toujours une large brèche à la piété, à la régularité, à la ferveur.

§ 11. De L’Hospitalité

Chaque maison pratiquera l'hospitalité, particulièrement vis-à-vis du clergé, si les maisons sont assez vastes et si leur installation permet de re­cevoir des hôtes sans nuire au recueillement et au calme de la commu­nauté.

Les personnes séculières prendront leur repas dans les parloirs. Les prêtres peuvent être admis à la table commune, mais cela n'entraîne pas la suppression de la lecture, à moins qu'il ne s'agisse d'un évêque ou de quelque prêtre en dignité.

Qu'on ne parle pas aux personnes du dehors de ce qui se fait ou doit se faire dans la maison, si on ne sait que les supérieurs le trouveront bon.

Qu'on ne porte à l'insu des supérieurs ni lettres, ni commissions du dehors à quelqu'un de la maison, ni réciproquement.

Qu'on tâche de profiter de ses rapports avec les personnes du dehors pour les édifier en Notre-Seigneur et les porter à la piété et aux bonnes œuvres.

§ 12. De la Lecture des Règles et des exhortations domestiques

Rien n'est plus recommandé par les saints fondateurs d'Ordres que la lecture assidue des Règles et des Constitutions, auxquelles il faut joindre le Directoire. C'est par cette étude réfléchie et souvent répétée, que les Religieux s'instruisent de leurs devoirs, se les rappellent fréquemment, se pénètrent de l'esprit propre à leur vocation et s'affectionnent de plus en plus à leur institut.

Quelques pages des Constitutions et du Directoire seront lues au com­mencement de chaque mois au jour de la retraite.

Tous professeront un grand respect pour ces livres qui leur seront donnés au nom de Dieu pour régler leur conduite, leur indiquer le che­min de la perfection et les affermir dans leur belle vocation d'amis du Sacré-Cœur.

Ils les liront attentivement, les étudieront à fond et suivront avec fidé­lité tout ce qu'ils prescrivent et même ce qu'ils conseillent.

Des exhortations ou conférences sont faites dans chaque maison par les Recteurs toutes les semaines ou au moins tous les mois. Ils peuvent s'aider de la lecture du Directoire ou de quelque livre qui ait des rap­ports avec notre sainte vocation.

On y traitera souvent de ce qui regarde l'abnégation de soi-même, le pur amour de Dieu, l'esprit de réparation et d'immolation et les autres vertus propres à la vocation des Prêtres victimes du Sacré-Cœur. Chacun doit posséder aussi le livre des Règlements adoptés par nos Chapitres généraux, pour y relire les chapitres qui se rapportent à sa charge et à ses occupations.

Les Règles de modestie de Saint Ignace . ajoutées à notre Thesaurus doivent être regardées comme un complément de ce Directoire.

§ 13. Du Compte de régularité

Le supérieur doit appeler quelquefois ses subordonnés et se tenir en rapports d'intimité et de fraternité avec eux.

Il les interrogera sur leur santé, leurs travaux, leurs besoins, leurs pieux désirs pour eux-mêmes ou pour la bonne marche de la maison.

Il leur demandera paternellement et charitablement ce qu'on appelle le compte de régularité. Ce n'est pas le compte de conscience que l'on doit à son directeur; le compte de régularité porte principalement sur la vie extérieure.

En voici un modèle que le Père Recteur n'est pas obligé d'épuiser à chaque fois.

Le religieux simple et pieux fera bien de l'avoir sous les yeux et de ré­pondre point par point, mais le Père Recteur peut aussi se contenter de quelques points qu'il juge les plus utiles:

- Fidélité à la Règle, aux exercices de piété. - Exactitude aux Rè­glements et aux usages de la communauté, pour le lever, le coucher, les repas, etc.

- Conduite envers les Supérieurs, les confrères, le prochain, les élè­ves; amitiés particulières, confidences indiscrètes, esprit de critique.

- La manière dont on s'acquitte de son emploi, les pertes de temps, le silence.

- Observation du règlement des classes…

- Correspondance avec les personnes du dehors, visites. - Les pra­tiques de mortification, les permissions qu'un supérieur peut donner (Voir le P. Cotel, l'abbé Meynard).

§ 14. De la Direction

Saint Paul au chemin de Damas demanda à Notre-Seigneur ce qu'il devait faire, mais Notre-Seigneur lui répondit: «Va dans la ville et on te le dira». Et il chargea le prêtre Ananie de la direction du nouveau con­verti.

Notre-Seigneur ne nous dirige pas uniquement par ses inspirations, encore moins par des visions et révélations; il veut que nous recourions à ses prêtres. Il sont le canal nécessaire pour les lumières et les directions que Dieu nous destine.

Un religieux qui n'aurait pas de directeur serait un pauvre religieux et n'aboutirait à rien de bon. Cette direction est ordinairement mensuelle. Cette ouverture de cœur est particulièrement nécessaire:

1° au sujet des diverses tentations par lesquelles le démon cherche à nous perdre et où l'obéissance seule peut nous assurer la victoire;

2° au sujet des défauts que nous avons à corriger; l'humilité à les dé­couvrir et la docilité à suivre les avis qu'on nous donne sont incompara­blement plus utiles que toute industrie personnelle;

3° enfin pour l'acquisition des vertus; les conseils des représentants de Dieu peuvent seuls nous guider sûrement.

Formule de compte de conscience qu'on peut suivre:

1° Si l'on vit content dans sa vocation.

2° Comment on se comporte au sujet de l'obéissance même intérieu­re, de la pauvreté, de la chasteté.

3° Où l'on en est pour l'esprit d'immolation et les autres vertus pro­pres à notre vocation.

4° Si on a des tentations graves, des troubles intérieurs, comment on y résiste; à quelles affections et à quels péchés on est le plus enclin.

5° Si on a formé un jugement ou parlé contre les Règles ou les ordres des supérieurs.

6° Si on a du goût pour l'oraison et la vie intérieure, quelle méthode d'oraison on suit.

7° Si on éprouve dans les exercices spirituels de la consolation et de la dévotion ou de l'aridité et des divagations d'esprit et comment on se comporte dans ce cas.

8° Quel fruit on tire de la Sainte Communion, de la confession, de l'examen particulier et des autres exercices spirituels.

9° Si après le dernier compte de conscience on a fait plus de fruit et comment on se sent disposé à la perfection.

10° Comment on observe les Règles communes et celles de son em­ploi.

11° Ce qu'on fait de pénitences et de mortifications; si on est disposé à supporter et même à désirer les injures et les croix.

12° Comment on se comporte dans les conversations, si on en tire du profit spirituel.

13° Si on a de la familiarité ou de l'aversion pour quelqu'un, de l'esti­me pour ses supérieurs.

14° Si on s'est ouvert des tentations à un confrère, notamment au su­jet de la vocation.

§ 1. La Prière

Comment nos prières seront-elles des actes d'amour et de réparation, si elles ne sont pas recueillies et ferventes?

Nos modèles dans la prière, c'est d'abord Jésus, en particulier au jar­din des Oliviers. Il prie dans la solitude et le recueillement. Il prie avec respect: Exauditus est pro sua reverentia. Il prie avec persévérance. Il s'y re­prend à trois fois à Gethsémani.

C'est ensuite Marie. Sa vie est une vie de silence, de recueillement, de prière. Elle est par son union avec Dieu le jardin fermé et la source scel­lée. Elle loue Dieu, elle le remercie, elle s'abandonne à sa volonté: Ma­gnificat anima mea Dominum. Ecce ancilla Domini.

C'est Saint Joseph, dont la conversation est avec les anges. Saint Joseph est par son recueillement, sa docilité et son abandon à Dieu le mo­dèle des Prêtres-Victimes du Sacré-Cœur.

La prière est notre vie. Notre âme doit prier sans cesse; autrement comment aurions-nous cette vie d'union, d'amour et d'immolation qui est le but de notre institut?

Comme la colombe nous devons nous élever au-dessus de la terre par la prière. Comme elle, notre âme doit aimer la pureté, la simplicité, la douceur; l'âme qui prie se cache, soupire et gémit comme la colombe. Elle se repose aussi dans le creux du rocher. Notre lieu de repos dans la prière, c'est le Cœur de Jésus, ce sont ses mystères d'amour et d'immo­lation.

Notre Thesaurus est bien nommé, c'est un véritable trésor par la beauté des prières qu'il contient et par les directions qu'il donne. Il doit être pour nous un Vade-mecum. Celui qui le porterait sans cesse avec soi et en suivrait toutes les prescriptions serait bientôt un saint.

Les prières vocales faites en commun doivent être récitées lentement et pieusement comme on fait au noviciat.

§ 2. L’Oraison ou Méditation

La méditation sera considérée par les membres de la Congrégation comme le meilleur moyen de travailler à leur perfection.

Ils ne manqueront jamais sans une vraie nécessité à cet exercice, qui devra durer au moins une demi-heure, non compris le temps de la réci­tation des prières.

S'il arrivait qu'ils ne puissent faire la méditation à l'heure ordinaire, ils devraient y suppléer dans la journée.

Ils doivent aussi se préparer à l'oraison dès la veille et se conformer à la méthode expliquée au noviciat ou à celle qui leur aura été conseillée en direction.

Le Thesaurus indique une prière préparatoire. Après l'oraison, une belle prière pour les Supérieurs et la communauté, un acte de bon pro­pos suivant notre vocation et une Consécration au Sacré-Cœur. Ces ac­tes sont vivement recommandés.

Rappelons seulement en quelques mots la méthode [enseignée dans les noviciats]: Se mettre en la présence de Dieu, faire cela posément, y mettre le temps. Toute l'oraison en dépend.

Se rappeler et se représenter le sujet ou le mystère que l'on veut médi­ter.

Exercer sur chaque point sa mémoire pour se le rappeler, son intelli­gence pour le raisonner, son cœur et sa volonté pour former des affec­tions et prendre des résolutions.

Si nous recevons quelque lumière ou bonne impression, nous y arrêter tant que cela dure.

Servons-nous d'un bon recueil de méditations dans l'esprit de notre vocation.

Les mystères de Notre-Seigneur seront toujours le meilleur aliment pour notre âme.

Il est très utile de noter chaque jour très brièvement ce qui nous a fait impression à l'oraison. Ainsi faisait Saint-Louis de Gonzague: Notabo lu­mina et proposita.

§ 3. Le Saint Office

Immola Deo sacrificium laudis (Is. 44).

Offrez à Dieu le sacrifice de la louange.

Le Saint Office est corrélatif à la Sainte Messe. Il en est comme la pré­paration et la continuation. C'est à la fois un sacrifice de louange, d'amour, de réparation, de prière et d'actions de grâces. C'est une des plus nobles tâches et un des moyens les plus puissants de notre mission réparatrice.

Mais on ne doit pas oublier que ce qui doit être offert et consacré com­me compensation et réparation à la divine Majesté, à l'Agneau Victime immaculé, au Cœur divin le plus pur et le plus sacré, doit autant que possible être parfait et pur. Aussi avec quelle attention, avec quel zèle ne doit-on pas accomplir ce service du Roi des rois!

A l'heure fixée pour cet office de garde d'honneur, pour ce poste sa­cré, toute autre affaire doit cesser, et tout doit être accompli dans cette fonction sainte avec une sollicitude extrême; tout le temps destiné au ser­vice du Roi doit y être passé et employé. On ne doit se laisser déranger par rien ni par personne de la maison ou de l'extérieur; et nul de ceux qui savent ce qui revient au Roi, quel honneur, quelle considération et quel zèle à son service lui sont dus ne s'étonnera ou ne se sentira blessé par cette fidélité du serviteur à son devoir. Ceci cependant ne veut pas dire qu'il ne puisse pas survenir des cas où la véritable charité envers le prochain, la gloire de Dieu même exige une interruption ou un retard. En pareil cas l'on doit agir avec la liberté des enfants de Dieu. Dieu n'est pas un maître cruel et injuste, mais un père plein d'amour et de miséri­corde.

Mais avec quelle tiédeur, quelle irrévérence, quelle foi imparfaite ne sert-on pas souvent le Roi des rois! Chaque bagatelle, tout événement insignifiant, tout prétendu besoin propre suffit pour s'éloigner, se dis­penser d'un si saint devoir, ou bien on l'accomplit avec des gestes ou un maintien qui trahissent une indifférence condamnable, l'inattention, la paresse, l'absence de l'esprit et du cœur. La cause principale de ces of­fenses à la Majesté divine est dans le manque de foi vivante et véritable.

C'est pour ces outrages faits au divin Cœur de Jésus que les Prêtres du Sacré-Cœur doivent réparer. Cette intention doit être renouvelée chaque fois avec une foi vive, un zèle véritable et un pur amour.

Le saint Office doit être dit au Choeur, au moins en partie (Vêpres et complies), dans les maisons de l'Institut. Ceux qui, à cause de leur em­ploi ou de leur mission, sont empêchés d'assister à cette prière publique, ne doivent pas l'accomplir avec moins de ferveur et doivent la faire sépa­rément dans la même intention.

La congrégation suit la liturgie romaine avec des offices propres choi­sis conformément à son but et à son esprit, avec l'approbation de la Con­grégation des Rites.

Il convient que la récitation du bréviaire soit coupée en trois parties: les petites Heures le matin, Vêpres et Complies après dîner, Matines du lendemain après quatre heures.

Il faut toujours lire avec attention l'Ordo pour ne pas se tromper.

Le Thesaurus a une belle prière préparatoire à l'Office qu'il faut lire au moins quelquefois. Cette prière exprime l'intention de réparation qui convient à notre vocation. Il y a une formule abrégée pour l'offrande quotidienne de chaque partie de l'office.

§ 4. La Sainte Messe

L'adorable sacrifice de nos autels est le don par excellence du Cœur de Jésus et de son amour. C'est, comme le dit Saint François de Sales, le centre de la religion, le cœur de la dévotion, l'âme de la piété, le mystère ineffable qui comprend l'abîme de la charité divine et par lequel Dieu nous communique magnifiquement ses grâces et ses faveurs.

Le saint Sacrifice de la Messe est pour tous les prêtres du Sacré-Cœur le grand acte de la journée, c'est l'holocauste du parfait amour et le sa­crifice réparateur par excellence.

Les Prêtres du Sacré-Cœur, en célébrant la messe, et ceux qui ne sont pas prêtres, en y assistant, entreront avec amour dans les sentiments et les intentions du Cœur de Jésus. Ils uniront l'offrande de leur cœur à celle du divin Cœur de Jésus pour la plus grande gloire de Dieu et le sa­lut des âmes.

Les Prêtres du Sacré-Cœur aimeront à dire des messes réparatrices. Ils tâcheront d'en faire fonder par leurs bienfaiteurs. Ils en diront au moins une par mois en réparation de tant de messes sacrilèges qui at­tristent si profondément le Cœur du bon Maître.

Renouvelons avec ferveur avant le saint sacrifice notre offrande répa­ratrice au Cœur de Jésus.

Offrons-nous tout entiers avec ce divin Cœur. Le Sauveur descend de nouveau du ciel sur la terre pour se sacrifier comme victime, comme ré­conciliateur et médiateur. En offrant cette hostie sainte, offrons en mê­me temps les saintes messes célébrées chaque jour par tous les prêtres de la Sainte Eglise et en particulier par tous les prêtres-victimes. Offrons-­nous avec le Sauveur et devenons comme lui victimes et sacrificateurs en même temps, et réparateurs pour tous les péchés du peuple.

Offrons en même temps tous les prêtres et particulièrement ceux qui font profession d'immolation.

Demandons à Notre-Seigneur la grâce d'étancher la soif douloureuse qu'éprouve son Cœur Sacré pour l'amour et la réparation, en nous montrant disposés à tout y sacrifier: notre honneur, notre santé, notre vie même, pour ne plus vivre que pour Lui, avec Lui et en Lui, pour l'aimer, le servir, accomplir sa volonté, nous sacrifier pour Lui en disant avec Saint Paul: «Je désire être anathème pour mes frères et même être séparé du Christ pour le Christ».

Unissons notre oblation à celle du Cœur de Jésus lui-même et présentons-la par les mains très pures et le Cœur immaculé de Marie et par l'intercession de nos Saints Patrons, des Anges et de tous les Saints, afin que Dieu daigne l'agréer comme un sacrifice parfait de louange et d'adoration, d'amour, de reconnaissance, de réparation, d'expiation, de confiance et d'abandon à sa sainte volonté.

- Nos prêtres doivent donner un grand soin à la préparation de la sainte messe et à l'action de grâces. - Le Thesaurus donne une belle prière préparatoire que l'on doit dire au moins quelquefois.

L'action de grâces ne doit jamais durer moins d'un quart d'heure. C'est un minimum.

De même qu'il y a des communions spirituelles, il y a aussi des messes spirituelles. Nous pouvons offrir plusieurs fois chaque jour le sacrifice du Calvaire, celui de l'Agneau qui se tient comme immolé au ciel, celui des cent mille prêtres et plus qui célèbrent la messe chaque jour. C'est un des meilleurs exercices spirituels que l'on puisse faire.

Appelons les anges et les saints à faire cette offrande avec nous, ce sera un communicantes comme à la messe. Formulons nos intentions en faveur de l'Eglise, des nations, des fidèles vivants et défunts.

Il est à peine besoin de rappeler que la messe des Prêtres du Sacré­-Cœur doit être fervente comme la prière des anges. La liturgie doit y être exactement observée et tout doit s'y passer avec attention et recueil­lement.

§ 5. L’Eucharistie et la Communion réparatrice

Par la divine Eucharistie, Jésus habite en nous. Par elle nos maisons sont aussi favorisées que Bethléem, Nazareth et Béthanie.

Dans la Sainte Eucharistie est le Cœur de Jésus vivant, aimant et blessé.

Jésus-Eucharistie est en chacune de nos maisons comme le Supérieur et le Maître, comme le père de famille et l'Epoux de nos âmes. Il faut qu'il soit vraiment la vie de nos maisons et comme le soleil, le foyer, l'aliment et le remède de nos âmes.

Il est là comme l'Agneau immolé sur l'autel pour être offert à son Père et pour recevoir en même temps nos hommages et notre amour.

Les Prêtres du Cœur de Jésus doivent être assidus auprès de la divine Eucharistie. Les actes d'amour et de réparation qui sont toute leur vie peuvent-ils se faire mieux ailleurs qu'auprès de la sainte Eucharistie?

Les Prêtres du Sacré-Cœur doivent éprouver vis-à-vis de la sainte Eu­charistie une double soif, celle de la visiter et de la recevoir.

Le cerf altéré ne doit pas avoir plus d'empressement à chercher une source rafraîchissante.

Ils la visiteront en toute occasion et aussi souvent que leurs occupa­tions quotidiennes le leur permettront.

Toutes les maisons principales de la Société tendront à obtenir l'expo­sition quotidienne du très Saint Sacrement. Des expositions nocturnes auront lieu quand le nombre des adorateurs le permettra.

Il convient que la divine Eucharistie soit sur son trône pour recevoir nos adorations réparatrices. - Ces adorations seront considérées com­me une mission publique, pleine à la fois d'honneur et de responsabilité et qui demande pour être bien remplie, autant de zèle que de pureté et de fidélité.

Toutes les communions dans l'Œuvre doivent être offertes en répara­tion. Cela n'empêche pas de prier à ses intentions spéciales, qui sont jointes à l'intention réparatrice. On n'y perdra rien. Notre-Seigneur ne rend-il pas au centuple ce qu'on lui donne?

Dans chaque maison, l'adoration sera réglée et organisée.

Une demi-heure d'adoration est un minimum en dehors des saluts et bénédictions.

Les saluts seront quotidiens.

L'adoration est comme une seconde méditation. On peut s'aider de quelque lecture appropriée. On en trouvera dans notre Thesaurus, dans les prières de sainte Gertrude etc.

Dans toutes nos chapelles publiques nous favoriserons l'adoration et nous y exhorterons les fidèles.

Les visites fréquentes consoleront Notre-Seigneur de l'oubli dont il est l'objet, même de la part de ceux qui devraient lui être le plus fidèles.

Avant de sortir de la maison et en rentrant, une petite visite affectueu­se à la chapelle plaira à Notre-Seigneur.

Ce sera toujours bon, quand on le pourra, de dire le Saint Office à la chapelle devant le Saint Sacrement.

§ 6. La Réparation Eucharistique

L'exposition du Saint Sacrement, l'adoration, l'Heure Sainte, l'amende honorable sont pour nous des exercices de prédilection.

En compensation des outrages et des irrévérences que Notre-Seigneur endure dans le Saint Sacrement de l'Autel, dans le merveilleux mystère de son amour, offrons lui souvent les adorations et l'amour de Marie sa très sainte Mère, et particulièrement les hommages qu'elle lui rendait dans les principaux mystères de sa vie, l'Incarnation, la Nativité du Sau­veur à Bethléem, la Passion et l'Eucharistie.

Offrons dans la même intention réparatrice tous nos hommages et ceux du peuple choisi, avec toutes les communions si ferventes et si pu­res de Marie, celles du disciple bien-aimé et celles de toutes les âmes saintes qui ont le plus aimé Notre-Seigneur. - A notre action de grâces unissons-nous aux hommages que Marie rendait au Sauveur pendant qu'il vivait dans son sein ou pendant qu'elle le possédait en elle dans ses communions.

Le Sauveur est si souvent méconnu et outragé dans son sacrement d'amour! Le prophète disait: «Mon peuple m'honore des lèvres mais son cœur est loin de moi». Ce reproche peut encore s'adresser à un grand nombre. - Ce mystère d'amour qui ne peut être compris que des âmes humbles et croyantes, est le point de mire des moqueries et de la haine des impies.

Cependant ceci est moins douloureux au Cœur aimant de Jésus, à ce Cœur ouvert par amour, soupirant et languissant d'amour, que l'indif­férence, la froideur, la tiédeur de tant de cœurs qui se nomment chré­tiens et même qui sont consacrés ou fiancés à Notre-Seigneur d'une ma­nière publique et solennelle.

En apparence on fait beaucoup, on dépense beaucoup pour les proces­sions, pour les autels, mais combien en tout cela est sacrifié à l'idole de la vanité, de la vaine gloire.

Avant tout c'est le cœur, la bonne et pure intention qui a de la valeur aux yeux de Dieu infiniment saint. Mais souvent le cœur n'y est pas et sans lui tous les autres dons sont sans valeur, ou bien le cœur est occupé de ses propres intérêts naturels, de ses inclinations, de ses plaisirs ou des créatures. Aux processions, on se préoccupe de la chaleur et de la fatigue, on songe à se dédommager et se reposer. L'ostensoir même semble lourd. Cependant il y a par-ci par-là dans la foule quelque âme aimante, oubliée et méprisée, et c'est elle qui console le mieux le Cœur de Jésus. Dieu est esprit et ceux qui l'adorent doivent l'adorer en esprit et en vérité.

Le jour de la Fête-Dieu a beaucoup de ressemblance avec l'entrée triomphale de Notre-Seigneur à Jérusalem. Le chemin est orné et semé de fleurs, tous les hommages extérieurs sont prodigués. On crie: «Béni soit Celui qui vient au nom du Seigneur». Mais quelques jours après ou le jour même on entend le Tolle, tolle, crucifige.

Tous les outrages de la Passion sont renouvelés. Il y a encore des ju­das qui trahissent Notre-Seigneur en lui donnant le baiser de la dissimu­lation et de l'hypocrisie. Il y a des Pierre qui sont assez lâches pour le re­nier, qui agissent comme s'ils ne l'avaient jamais connu, et qui, par cu­riosité, par convenance humaine ou pour leur plaisir, se rendent en des endroits, en des sociétés où ne se rendent que les ennemis de Notre­Seigneur, les ennemis de la Croix.

Il y a encore des disciples, qui, par respect humain, par crainte d'être méprisés et persécutés abandonnent Notre-Seigneur, se cachent dans le danger, ne regardant qu'avec effroi le jardin des Oliviers et le Calvaire, s'enquièrent en secret et avec angoisse de leur Maître surchargé d'outra­ges et d'insultes, mais n'ont pas le courage de le suivre sur cette voie.

Cependant il y a aussi des Saint Jean, qui suivent jusque sous la croix leur Seigneur et leur Dieu, le reconnaissent devant tout l'univers et se mon­trent prêts à partager le sort de leur cher et divin Maître. Il y a encore des femmes généreuses qui marchent à la suite de Marie, sur les traces sanglan­tes de leur Rédempteur et gravissent le Calvaire avec l'Agneau-Victime.

Dans le Saint-Sacrement Notre-Seigneur est encore maltraité par un grand nombre. Il est pris et lié en ce sens qu'on lui attache les mains qui sont remplies de grâces pour qu'il ne puisse pas les donner. Il est tourné en dérision, regardé comme un séducteur et un menteur par ceux qui en manquant de foi agissent comme s'il ne méritait pas confiance.

Il est comme traîné dans la fange par les mains et les cœurs impurs, et revêtu du manteau de dérision par ceux qui profanent la dignité de leur saint état. Le déshonneur et la honte de ceux qui scandalisent retombent sur lui. Il est emprisonné dans des cœurs assombris et infectés par le pé­ché et les passions. Là il est livré à tous ses ennemis. Il est flagellé par les désirs et les péchés de la chair, couronné d'épines par l'orgueil, la vanité et tant de pensées coupables, outragé comme Roi par la désobéissance, l'ambition et la révolte contre Dieu et les supérieurs qui le représentent.

Ce n'est pas seulement Barabbas, mais le démon lui-même qui lui est préféré et souvent pour peu de chose, pour une satisfaction de la sensua­lité, de l'amour propre ou du respect humain. Il est faussement accusé et condamné par tant de jugements téméraires et durs, contraires à l'amour du prochain et à la charité fraternelle, et par une secrète envie et des sentiments haineux et vindicatifs qui éclatent à toute occasion. Il est de nouveau chargé d'une lourde croix et traîné sur des chemins durs et pénibles par ceux qui mènent une vie molle et paresseuse, par l'impa­tience et le manque de renoncement et d'amour pour la croix, par une tristesse et un abattement exagérés, par le soin et le désir violent qu'on a d'écarter de soi immédiatement et à tout prix tout ce qui est pénible.

Ses chutes douloureuses sous le poids de sa lourde croix sont renouve­lées par nos rechutes si inconsidérées et si fréquentes dans nos anciens péchés d'habitude et par notre endurcissement après même que nous avons eu la grâce de comprendre la laideur du péché.

Il est abreuvé de fiel et de vinaigre par l'intempérance et la sensualité.

Le dépouillement douloureux et humiliant des vêtements est renouve­lé par l'immodestie et l'impureté, mais aussi par l'attachement désor­donné aux créatures, aux objets et aux biens périssables, même quand ces biens sont bons en eux-mêmes. Afin d'expier tout cela, il s'est laissé dépouiller de ses vêtements de la manière la plus cruelle.

Ses mains et ses pieds sont cloués par la fausse liberté, non point celle des enfants de Dieu, mais celle du péché et de la nature indomptée qui ne veut pas se plier sous le joug du Seigneur et qui ose dire: «Je ne servi­rai pas».

Il est crucifié et mis à mort par tout péché grave, par la réception indi­gne de la sainte Communion, comme le dit Saint Paul: «Celui qui man­ge de ce pain et qui boit de ce calice indignement se rend coupable du Corps et du Sang du Seigneur».

Mais son Cœur est principalement blessé par l'ingratitude, la froi­deur, l'indifférence et l'abus de son amour et de ses grâces par son peu­ple choisi, tant favorisé et tant aimé.

Ce sont les cœurs, c'est l'amour, c'est la volonté qu'il demande et qui ont infiniment plus de valeur pour lui que toute la pompe et la décora­tion extérieures. Si l'amour pur, l'intention bonne et pure manquent, tout le reste est sans valeur à ses yeux.

Nous devons cependant aussi donner tout notre soin au culte extérieur du Saint-Sacrement, mais de manière qu'on y voie plus notre soin affec­tueux et dévoué que le luxe et la richesse.

§ 7. Le 1er vendredi du mois et quelques autres exercices de réparation

Le premier Vendredi du mois doit toujours être solennisé chez nous. C'est à la fois un jour de fête et un jour de pénitence et de réparation. Notre-Seigneur a proposé ces jours-là aux amis de son Cœur pour en faire autant de commémoraisons de sa Passion.

La retraite du mois sera bien placée ce jour-là. Le Saint-Sacrement se­ra toujours exposé.

C'est le jour favorable pour la méditation des révélations du Sacré­-Cœur, de ses promesses, de ses désirs et surtout de ses plaintes doulou­reuses.

Nous dirons la messe votive du Sacré-Cœur quand la liturgie le per­mettra.

L'amende honorable sera faite à la Sainte Messe et au salut selon l'esprit de notre vocation.

L'Heure Sainte se fera dans la nuit du 1er jeudi au 1er vendredi, com­me d'ailleurs tous les jeudis. Notre Thesaurus en donne des modèles.

Dans certaines maisons on la fait le jeudi soir, mais elle devra se faire au moins quelquefois la nuit de 11 h. à minuit comme on fait habituelle­ment dans les noviciats.

Ces exercices ont pour but de nous exercer à l'esprit de réparation en union avec Notre-Seigneur, pour que nous arrivions à porter généreuse­ment les croix de chaque jour dans cet esprit qui est celui de notre insti­tut.

§ 8. L’Ecriture Sainte et les pieuses Lectures

L'Ecriture Sainte est avec la divine Eucharistie l'aliment de notre vie spirituelle. C'est une part de notre pain super substantiel: «L'homme ne vit pas seulement de pain mais aussi de toute parole divine».

Les Prêtres du Cœur de Jésus, désireux d'accroître en eux la vie sur­naturelle, feront de la Sainte-Ecriture leur aliment quotidien. Ce sera leur étude préférée.

C'est dans l'Ecriture Sainte avec l'aide de l'oraison, qu'ils apprendront le mieux à connaître le Cœur de Jésus, l'objet de leur unique amour.

L'apôtre Saint Jean en particulier est l'apôtre de l'amour, le théolo­gien du Cœur de Jésus. Mais les Livres Saints tout entiers nous parlent du Sauveur. Dans l'Ancien Testament, c'est Jésus annoncé, figuré, pré­paré. Dans l'Evangile, c'est Jésus vivant sur la terre, ce sont ses paroles et ses mystères. Dans les Epîtres, les Actes des Apôtres et l'Apocalypse, c'est Jésus continué dans l'Eglise et triomphant au ciel.

Toutes nos lectures d'Ecriture-Sainte et d'auteurs ascétiques doivent nous servir à mieux connaître Jésus pour apprendre à le mieux aimer.

La conclusion de ces lectures, comme celle de nos oraisons, doit tou­jours être un amour nouveau et plus ardent pour le Cœur de Jésus.

Que chacun de nous fasse donc chaque jour sa lecture d'Ecriture Sainte et sa lecture spirituelle. Un bon prêtre y ajoute un chapitre de théologie.

Ces lectures ne doivent pas être réservées pour les moments de fati­gue, elles doivent être faites de bonne heure dans la journée, quand on est bien dispos.

Il faut environ vingt minutes pour faire une lecture utile.

Le choix des livres doit être approuvé par le supérieur ou le confes­seur.

Rodriguez est toujours le livre fondamental pour la vie religieuse. Les livres de Saint François-de-Sales, de Saint Liguori, de Sainte Gertrude, du Père Saint Jure, du Père Grou sont les plus riches trésors.

Pour notre vocation spéciale, nous recommandons le Règne du Sacré­Cœur, extrait des écrits de Marguerite-Marie, par le Père Yenveux - la vie de la Mère Véronique - les livres du père André - ceux du Père Giraud sur la vie de victime - le Sacrifice, par l'abbé Buathier etc. etc.

Plusieurs instituts ont fait éditer des catalogues de livres spirituels à l'usage de leurs maisons, v. g. les Frères des Ecoles chrétiennes et la So­ciété de Marie. Celui des Frères se trouve à la Procure générale, 27, rue Oudinot à Paris.

§ 9. Le Sacrement de pénitence

Le sacrement de Pénitence est un des plus grands dons du Cœur de Jésus. Le sang précieux du Rédempteur et les mérites infinis de sa passion et de sa mort nous sont appliqués comme un remède pour les maladies de notre âme, comme un baume bienfaisant qui guérit nos blessures.

Avec quel amour, avec quelle reconnaissance ne devrait-on pas recou­rir à ce bain salutaire! Mais aussi avec quelle sincérité et quelle droiture ne devrait-on pas découvrir toutes ses plaies, afin qu'elles soient toutes purifiées et guéries par les flots salutaires du sang divin!

Et cependant beaucoup d'âmes, et peut-être même consacrées, s'ap­prochent de ce sacrement par habitude et sans y apporter un cœur véri­tablement sensible et reconnaissant.

Beaucoup s'y recherchent elles-mêmes, évitent par des détours les hu­miliations, désirent même secrètement être estimées et pour cela elles blessent en plus d'une manière la sincérité et la droiture.

Combien peu aussi se montrent vraiment reconnaissantes! Il en est des âmes guéries par le sacrement de pénitence comme des lépreux de l'Evangile. Notre-Seigneur attend en vain leurs remercîments. Pour cela Notre-Seigneur veut réparation.

Les Prêtres du Sacré-Cœur s'exciteront dans leur préparation et leur action de grâces à ces sentiments d'amour et de reconnaissance que Notre-Seigneur attend d'eux.

Ils ne devront pas négliger non plus les Indulgences qu'ils peuvent ga­gner, particulièrement pour les âmes du purgatoire. Ils seront reconnais­sant à Notre-Seigneur de cette application qui leur est faite de ses méri­tes et des mérites des Saints.

En pratique, chacun à son entrée dans la Société doit faire une confes­sion générale de sa vie. Les profès comme les novices auront soin de faire tous les ans une confession générale en la reprenant depuis la dernière.

Ils feront la confession ordinaire chaque semaine au jour marqué, par­ce que la réparation exige une grande pureté.

§ 10. Les examens de Conscience

Nous avons trois examens par jour:

1° L'examen de prévoyance à la fin de l'oraison. C'est très important pour que l'oraison porte quelques fruits pratiques.

2° L'examen particulier avant midi. Notre Thesaurus en donne une formule très complète et très utile.

Après avoir pensé à nos devoirs d'état et à notre défaut dominant, re­venons toujours à l'esprit de notre vocation.

A l'examen de midi on pourra lire tantôt les Litanies du Sacré-Cœur, tantôt les Invocations réparatrices marquées au Thesaurus.

3° L'examen du soir, qui doit être accompagné d'une vraie contri­tion, inspirée par l'amour du Sacré-Cœur et sérieusement réparatrice.

Ce qui regarde la direction est traité à propos des Règles.

§ 11. Les trois Saints Cœurs

Les trois saints Cœurs de Jésus, Marie et Joseph sont les modèles des victimes d'amour et d'immolation. Notre pensée doit se porter habituel­lement vers eux. Les sentiments qui les animaient à Nazareth doivent être aussi les nôtres. Nous devons les étudier surtout dans l'oraison. Nous devons sonder leurs sentiments, leurs pensées, leurs désirs, leurs joies, leurs tristesses, leurs volontés, et y conformer sans cesse nos pen­sées, nos paroles, nos actions, notre vie toute entière.

Demandons à Saint Joseph de participer à sa foi, à sa simplicité, à son abandon.

Demandons à Marie la grâce d'avoir part à son humilité et à sa pureté pour nous élever jusqu'à la vie d'amour et d'immolation du Cœur de Jésus.

Le vendredi, notre pensée se portera plus volontiers vers le Cœur de Jésus. Le samedi, nous nous tournerons vers le Cœur de Marie et c'est elle qui ce jour-là nous assistera dans tous nos besoins. Le mercredi, nous penserons à Saint Joseph, nous l'invoquerons et il nous assistera.

§ 12. L’union aux Mystères de Notre-Seigneur: Nazareth – le Calvaire – l’Agonie

Nos actes d'union commencent à notre réveil. Nous saluons le Cœur de Jésus en lui offrant le nôtre pour qu'il y verse son amour, comme il l'a conseillé à Sainte Mechtilde.

A la prière du matin, nous récitons le bel acte d'oblation du Père Claude de la Colombière.

Nous offrons chacune des actions principales de la journée au Sacré­Cœur. Au noviciat, nous apprenons à offrir nos actions par un acte ex­plicite d'amour au Sacré-Cœur au moins sept fois par jour avec la ten­dance à augmenter ce nombre pour arriver à offrir ainsi toutes nos ac­tions.

Nous avons quatre rendez-vous par jour dans le Cœur de Jésus. Ces exercices sont marqués au Thesaurus avec de belles prières qu'il ne faut pas omettre.

1° A neuf heures nous nous unissons au mystère de Nazareth et nous nous mettons dans la disposition de passer la journée, comme faisait la Sainte Famille, dans une vie de prière, de travail et de sacrifice. Cet exercice peut aussi être placé après le petit déjeuner.

2° A midi, station au Calvaire, union aux chers Saints dont la présen­ce aimante et compatissante a tant consolé Notre-Seigneur: Marie, Saint Jean, Sainte Madeleine et les Saintes femmes.

3° A trois heures, c'est encore le Calvaire. Nous contemplons la folie d'amour de Notre-Seigneur qui provoque notre amour, et ses souffran­ces infinies qui demandent réparation.

4° A huit heures, union à l'Agonie du Sauveur, à ses grandes souf­frances réparatrices. Prière pour les agonisants. Repentir et contrition.

- La Couronne du Sacré-Cœur que nous récitons tous les jours, nous unit aussi selon les jours aux mystères de la vie cachée, de la Pas­sion et de l'Eucharistie.

§ 13. Le Rosaire et la dévotion a Marie

Notre Directoire ne peut pas omettre cette belle dévotion, celle qui nous est la plus chère après la dévotion au Sacré-Cœur.

Le chapelet est de règle chez nous. Plusieurs aiment à dire chaque jour tout le Rosaire.

Nous honorons spécialement la très Sainte Vierge sous quelques-uns de ses plus beaux titres: La Vierge immaculée, Notre-Dame de Lourdes, la Vierge Mère, Notre-Dame du Sacré-Cœur.

Nous faisons avec bonheur et avec dévotion le Mois de Marie et le Mois du Saint Rosaire. Nous consacrons le mois d'août au Saint Cœur de Marie.

La très Sainte Vierge Marie est unie au Sauveur dans tous les mystè­res de la vie cachée à Bethléem et à Nazareth, et dans le mystère de la Passion au Calvaire.

La dévotion à Marie telle que l'enseigne le Bienheureux Grignon de Montfort nous est chère. Nous en trouverons la pratique dans le livre du Père André: l'Année avec Marie.

§ 14. Mois de dévotion et neuvaines

Nous devons donner une grande solennité au mois du Sacré-Cœur. Si notre chapelle est publique il y aura des adorations et des prédications.

Il en est de même du Mois de Marie et du Mois du Rosaire.

On fera bien dans nos maisons d'avoir quelque pratique quotidienne pour le mois du Saint Cœur de Marie, de Saint Michel et de Saint Jean. Ce sont nos patrons, ils sont si aimables et si puissants!

Il y a une série de neuvaines qui sont de coutume chez nous. Elles sont marquées au Thesaurus. Les neuvaines ont toujours été en usage dans l'Eglise.

§ 15. La Retraite

Leva, Jerusalem, oculos tuos et vide potentiam Regis: ecce Salvator venit solvere te a vinculo: Lève tes yeux, Jérusalem, et vois la puissance du Roi: Voici ton Rédempteur qui vient te délivrer de tes liens.

Ces paroles sont employées pour le saint temps de l'Avent, mais ne conviennent-elles pas aussi tout spécialement pour le temps de la Retrai­te, qui est un temps de grandes grâces?

«Lève les yeux, Jérusalem, et vois la puissance du Roi». Nous aussi nous devons lever les yeux de notre esprit, regarder au-dessus de tout ce qui est terrestre, nous occuper purement de ce qui concerne notre âme, notre perfection, et chercher à pénétrer plus avant dans l'esprit de notre vocation et de notre but pour connaître et accomplir de mieux en mieux la volonté de Dieu et ses desseins.

Nous devons voir la puissance de ce Roi des cœurs, de ce Roi de l'amour qui veut régner sur nous et en nous et nous devons nous confier à cette puissance, la puissance de son amour à laquelle on résiste si fré­quemment. «Voici votre Rédempteur, qui vient vous délivrer de vos liens». Il vous donne ce temps de grâce et avec lui les moyens de rompre et de briser tous les liens qui arrêtent encore vos cœurs dans leur élan vers le Seigneur votre Dieu, afin que vous viviez désormais pour lui, li­bres et détachés de tout ce qui est terrestre, naturel et périssable.

Portez désormais les seuls liens de l'amour de Dieu, liens qui attachent et unissent l'âme de la manière la plus intime à son Dieu, de telle sorte qu'elle puisse dire avec l'apôtre Saint Paul: «Je vis, non ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi et moi en lui». Il s'est livré tout entier pour moi, et je me livre entièrement et sans réserve à son bon plai­sir, à sa volonté. Je suis sa victime, son serviteur, sa servante qui ne cher­che et ne connais rien d'autre que l'accomplissement de la volonté du Sei­gneur, son contentement et son avantage et qui est prêt à les lui procurer aux dépens de sa vie et de son honneur, de ses forces et de sa santé.

Dirupisti vincula mea, titi sacrificabo hostiam laudis et nomen Domini invoca­bo. Vous avez brisé les liens qui me tenaient éloigné de vous, c'est pour­quoi je vous offrirai un sacrifice de louanges, je veux exalter votre bonté et votre miséricorde envers moi qui en étais si peu digne. Je veux vous remercier et m'attacher uniquement à vous, le Dieu et le Seigneur de mon cœur. Je veux vous rendre hommage à vous seul, vous servir et vous aimer par dessus tout, sacrifier par amour pour vous tout ce qui n'est pas vous-même.

Et quand ces liens déréglés, ces liens d'esclavage des créatures et de la nature corrompue chercheront de nouveau à m'enlacer, j'invoquerai vo­tre Saint nom dans lequel seul on peut trouver secours et assistance. Oui, j'invoquerai le nom de mon Rédempteur, qui s'est laissé lier et en­chaîner par ses créatures d'une manière si cruelle pour me donner la li­berté, pour entraîner tous les cœurs par les doux liens de son amour, pour les délivrer tous des lourdes chaînes de la servitude du péché.

J'invoquerai avec foi, avec confiance et avec amour, le nom de Celui qui s'est laissé lier et conduire comme un agneau qu'on mène à la bou­cherie sans faire entendre la moindre plainte. Cet agneau, je veux le sui­vre dans le chemin par lequel il a marché. Je m'efforcerai d'imiter les dispositions de son Cœur. Je veux vivre, souffrir et mourir comme lui et par amour pour lui.

«Cherchez le Seigneur pendant qu'on peut le trouver, invoquez-le pendant qu'il est près de vous».

Le temps de la retraite est particulièrement celui pendant lequel Notre-Seigneur se laisse trouver par ceux qui le cherchent sincèrement et qui l'invoquent avec humilité et confiance en implorant ses lumières, ses grâces, son pardon.

Mais c'est aussi le temps où il cherche, et que veut-il trouver? des cœurs qui le connaissent, qui l'aiment, qui le servent et qui veulent se donner entièrement à lui.

Lui aussi, il appelle pour être écouté, pour être reçu et accueilli dans les cœurs qu'il aime si profondément, qu'il a sauvés et rachetés, qu'il a choisis pour sa demeure, pour sa propriété toute spéciale, comme les cœurs de ses épouses, dont il demande à être aimé. «Je me tiens à la por­te et je frappe et j'appelle. Ouvre-moi, mon amie, ma soeur, mon épou­se, ouvre-moi, mes cheveux sont humides de la rosée de la nuit: non, ils sont même trempés de mon sang que j'ai répandu pour toi. C'est l'in­gratitude, l'infidélité et l'insensibilité de mes amis, de mon peuple choisi qui m'a arraché cette sueur de sang, et c'est pour me consoler et me dé­dommager de cette douleur, de ce manque d'amour que je cherche des cœurs qui soient prêts à me procurer cette consolation, qui veuillent avec l'assistance de ma grâce faire tous les sacrifices que je demande».

§ 1. La Foi vive

«Beati qui crediderunt et non viderunt: Bienheureux ceux qui croiront sans avoir vu». Ce sont les paroles de Notre-Seigneur à l'apôtre Saint Thomas. - Notre-Seigneur aime la foi vive, la foi pure et sans mélange, qui ne re­cherche pas les consolations et qui sait agir dans l'aridité comme dans la joie spirituelle. La foi pure est une véritable immolation du cœur.

C'était bien une foi vivante et véritable que celle d'Abraham qui était prêt à immoler le fils de la promesse; et celle des rois Mages qui crurent au présage de l'étoile et qui poursuivirent leur but alors même que l'étoile avait disparu. C'était bien aussi une foi vive et vraiment admirable que celle de Saint Joseph qui crut aux mystères de la Rédemption malgré tous les contradictions et toutes les difficultés. Il accepta tous les messages an­géliques. Il est témoin de tous les abaissements de Notre-Seigneur à Beth­léem, en Egypte, à Nazareth. - Il est toujours fidèle à sa foi. Il meurt avant les grands miracles de Notre-Seigneur, avant sa résurrection et ce­pendant il meurt dans la foi la plus vive et la plus méritante.

C'est dans le moment d'épreuves surtout que la foi doit être ferme et persévérante. C'est dans ces crises que la foi remporte ses plus belles vic­toires et prépare le succès des œuvres. Dieu punit les doutes contre la foi, nous en voyons plusieurs exemples dans la Sainte Ecriture.

Ne craignons rien, même quand nous ne comprenons pas les desseins de Dieu.

Il nous demandera souvent le sacrifice de Moriah, un sacrifice qui semblera détruire ses promesses. Notre humble soumission sera récom­pensée par un surcroît de faveurs divines.

§ 2. La Confiance

Amice, commoda mihi tres panes: Mon ami, prête moi trois pains (Lc 11).

Demandons à Marie et à Joseph ces trois pains: la foi, la confiance et l'amour. Ils ne nous les refuseront pas. On ne refuse rien à un ami qui demande avec insistance.

Nous avons besoin de confiance. C'est la source de l'abandon, si né­cessaire à notre vocation. Il nous faut une confiance filiale, qui ne se dé­mente pas, même dans les épreuves.

Que craignons-nous? Jésus, Marie et Joseph sont notre sauvegarde. Ils sont nos protecteurs. Ils sont comme un rempart, un mur de garde pour nos âmes, pour nos maisons, pour notre Œuvre.

Pouvons-nous douter de la bonté de Notre-Seigneur, de sa sollicitude, de sa miséricorde? Lui qui s'est fait homme pour nous et qui est mort pour nous, négligera-t-il quelque chose de ce qui peut nous être avanta­geux? Il est pour nous comme une mère: «Quomodo si mater blandiatur, ita ego consolabor vos» (Is 66).

Et Marie qui nous a adoptés dans la personne de Saint Jean au pied de la croix, nous abandonnera-t-elle?

Saint Joseph aussi est un père pour nous, un père aimant, vigilant et dévoué.

Nous avons Jésus, Marie et Joseph, que craignons-nous? Confions leur nos âmes, nos maisons, nos œuvres. Leurs images sont dans nos maisons, leurs noms sur nos lèvres et dans nos cœurs, ne craignons rien, nous sommes bien gardés.

Soyons confiants jusque dans les épreuves. Notre-Seigneur semble dormir parfois, il laisse la tempête se lever, mais il veille et il intervient quand il est temps. Il permet des épreuves, elles sont utiles, nécessaires même pour notre purification, notre sanctification, et l'avancement de nos œuvres.

Notre-Seigneur les fera tourner à notre profit. Mettons en lui toute notre confiance. - In te, Cor Jesu, speravi, non confundar in aeternum: J'ai espéré en vous, Cœur de Jésus, je ne serai pas confondu.

§ 3. Le pur Amour de Dieu

L'amour de Notre-Seigneur doit animer toute la vie des Prêtres du Cœur de Jésus. Leur vie doit être une vie d'amour. L'amour de Notre­-Seigneur doit être le motif de toutes leurs actions. Ils doivent tout faire par pur amour pour le Cœur de Jésus.

C'est pour gagner l'amour des hommes que Notre-Seigneur a révélé lui-même la dévotion au Sacré-Cœur. Parce que ce Cœur divin nous a aimés et nous aime encore tous d'un amour infini, il veut aussi, par con­tre, être aimé de nous. Or, n'est ce point à ceux qui sont spécialement consacrés au Cœur de Jésus, à procurer au Cœur de leur Dieu, de leur Rédempteur et Maître, cette consolation, ce droit de régner sur leur cœur par l'amour?

Ils s'efforceront donc autant qu'ils le pourront avec le secours de la grâce, de répondre à l'amour de Jésus par un amour pur, désintéressé, ardent et généreux jusqu'à l'immolation, car c'est ainsi que le Cœur de Jésus les a aimés. Combien il lui en coûta? Quel abaissement, quelle pauvreté, quel travail et quelles douleurs il endura pour obtenir cet amour! Durant trente-trois ans, il prit toutes les fatigues d'une vie pau­vre, pénible, méprisée et méconnue, et voulut terminer cette vie par la mort la plus douloureuse, la plus ignominieuse, pour satisfaire à son amour, nous le témoigner de la manière la plus constante et gagner ainsi nos cœurs. Et tous ces prodiges de charité, il les accroît et les perpétue dans la sainte Eucharistie.

Cet amour que doivent lui rendre nos prêtres, où le puiseront-ils? Au Cœur même de Jésus. C'est une source inépuisable: Haurietis aquas in gaudio de fontibus Salvatoris. Ils tiendront leur regard fixé sur Jésus, ils le verront en tout et partout: dans ses mystères qu'ils méditeront sans ces­se, dans son Eucharistie où il réside, dans sa Providence qui gouverne toutes choses. Partout ils reconnaîtront sa bonté. De cette manière ils en­tretiendront le feu de l'amour dans leur cœur et ils l'alimenteront sans cesse.

Ils tiendront en tout temps leur attention, leurs inclinations, leurs pensées, leurs aspirations dirigées vers l'objet de leur amour. Alors méme qu'ils seront occupés à d'autres devoirs ou qu'ils se livreront légiti­mement au repos, leur cœur, leur esprit, leur volonté doivent être diri­gés vers Notre-Seigneur. C'est cet amour que Notre-Seigneur demande, l'amour pur et fidèle qui n'agit que pour l'objet aimé. Combien d'âmes, hélas! et mêmes d'âmes consacrées le lui refusent! Combien sont peu re­connaissantes, pensent peu à Notre-Seigneur et passent leur temps à s'occuper d'elles-mêmes, de leurs satisfactions personnelles, corporelles ou spirituelles, ou bien s'occupent des créatures et cherchent à leur plai­re ou à les contenter. Combien, même des meilleures, laissent souvent passer un temps assez considérable sans penser au Cœur de Jésus, sans l'aimer, sans travailler et sans souffrir pour lui?

Peuvent-elles bien alors offrir ces actions, ces journées toutes mêlées de vie naturelle, au Cœur de Jésus qui est si saint et si pur, au Cœur de Jésus qui les a tant aimées et qui mérite tant d'amour? Cela est-il bien propre à lui plaire, à le consoler et à le dédommager de l'indifférence et de l'ingratitude d'un si grand nombre d'âmes?

C'est un amour pur et désintéressé que Notre-Seigneur demande de nous. Nous devons tout faire pour lui plaire et pour accomplir sa sainte volonté. C'est notre cœur qu'il veut, notre amour, notre volonté, la pu­re intention de lui plaire.

Nous ne devons nous attacher ni à la joie, ni à la souffrance, mais à la seule volonté de Dieu et à ce qu'elle demande de nous.

On n'a besoin pour être victime ni de santé ni de force. On a toujours un cœur pour aimer et un corps pour agir et souffrir et cela suffit.

Notre amour pour Jésus doit être d'autant plus fidèle et pur que nous avons pris l'engagement de lui faire réparation pour le manque d'amour, l'ingratitude et l'indifférence d'un grand nombre d'âmes. Le pur amour est notre vie et notre but.

Notre-Seigneur nous conduira a la Sainte Trinité. Avec lui, avec son divin Cœur, nous offrirons à la Sainte Trinité nos sacrifices habituels d'adoration, d'amour, de réparation et de prière.

§ 4. L’Action de grâces

Ubi sunt novem alii? Où sont ceux qui devraient rendre grâce? - Nous oublions trop de remercier Dieu, de le louer et de l'exalter pour tous ses bienfaits, particulièrement pour ceux de l'ordre spirituel. Et cependant les occasions n'en sont-elles pas constantes? Dieu nous poursuit de ses dons dans l'action incessante de sa grâce, dans les fruits de la prière et des sacrements. Nous sommes témoins des dons de Dieu aux âmes qui nous entourent et nous devrions le louer sans cesse de sa bonté.

Nous rencontrons surtout les merveilles de la bonté de Dieu dans l'histoire des Saints, qui nous passe tous les jours sous les yeux dans nos lectures et dans nos prières. Laudate Dominum in sanctis ejus. Remercions Notre-Seigneur, louons-le, exaltons-le pour toutes les grâces qu'il a don­nées à ses Saints, à ses prêtres, à ses religieux et par eux à tant d'âmes qu'ils ont édifiées.

Réjouissons-nous, louons et exaltons Notre-Seigneur pour toute la gloire et tout l'amour qui lui sont revenus par tant de Saints et en parti­culier par le zèle et les travaux apostoliques de tant de religieux.

Louons-le, remercions-le pour toute la miséricorde avec laquelle il nous a traités depuis le commencement de notre Œuvre et pour toutes les grâces dont il ne cesse de nous combler.

§ 5. La Charité envers le Prochain

Diligamus inaicem sicut Christus dilexit nos. Aimons-nous comme Jésus nous a aimés, c'est-à-dire généreusement, fidèlement, avec desinteresse­ment et, s'il le faut, jusqu'au sacrifice de la vie.

Hoc est praeceptum meum. C'est là le précepte favori du Sacré-Cœur de Jésus.

La charité est patiente, elle est aimable, elle ne pense pas le mal et ne le fait pas; elle abhorre l'ambition, l'envie et l'égoïsme; elle est confiante et compatissante (1 Cor. XIII).

Bienheureux ceux qui sont doux, parce qu'ils gagneront tous les cœurs.

Bienheureux ceux qui aiment la paix, ce sont les vrais enfants de Dieu.

La charité ne connaît pas de différences de langues: Non est judaeus ne­que graecus (Gal. 3). Chez nous les différences de nationalités ne doivent pas nuire à l'union.

La charité pardonne les injures: Pater, dimitte illis.

La charité s'immole dans la patience. Elle trouve une occasion d'im­molation dans les embarras et les ennuis de la vie commune, dans les contradictions, dans les peines que lui cause le prochain, dans le support des caractères fâcheux et désagréables: Cum patienta, supportantes inaicem in caricate (Eph).

Si la charité fraternelle est toujours nécessaire dans la vie religieuse, ne l'est-elle pas spécialement entre les amis et les disciples du Cœur de Jésus? Si quelqu'un n'aime pas ses frères et prétend qu'il aime Dieu, il ment, dit l'Apôtre Saint Jean.

Cette vertu doit nous être particulièrement chère. Elle se manifestera par toutes sortes de prévenances, par l'harmonie et la paix dans nos rela­tions, par le support mutuel et la prompte solution des différends qui pourraient s'élever. Nous devons former avec le secours de Notre-­Seigneur un seul cœur et une seule âme dans le Cœur de Jésus.

En pratique, pour conserver cette parfaite charité par l'union des cœurs et l'esprit de famille, nos prêtres éviteront toute amitié particuliè­re et s'aimeront tous en Dieu, comme des frères en Jésus-Christ, unis à son divin Cœur; et parce que l'orgueil est souvent l'écueil contre lequel la charité vient se briser, chacun d'eux aura les yeux ouverts sur ses pro­pres défauts et fermés sur ceux des autres.

Ils se feront une loi de ne pas s'entretenir ensemble des défauts qu'ils croiraient apercevoir dans les autres, mais de les excuser et de n'en par­ler que dans les cas où la charité et le devoir pourraient l'exiger. Ils s'estimeront les uns les autres, se respecteront sincèrement et craindront de se contrister ou par leurs manières ou par leurs paroles.

Ils seront attentifs à profiter des occasions de se prévenir réciproque­ment, de se rendre mutuellement tous les devoirs d'une charité tendre et affectueuse pour entretenir l'union des cœurs et l'esprit de famille. En­fin ils éviteront avec soin les divisions qui peuvent naître de la diversité des opinions politiques ou même théologiques.

La grande leçon de charité tombée du Cœur de Jésus, le discours après la Cène, rapporté par Saint Jean, devra être relue quelquefois par chacun, pour entretenir dans les cœurs le feu de la charité.

S'il arrivait par un effet de l'humaine fragilité, que la charité fût trou­blée par quelque accident fâcheux entre deux ou plusieurs confrères, les coupables n'auraient rien de plus pressé de part et d'autre que de réta­blir à l'extérieur la bonne harmonie et l'édification, par d'humbles excu­ses et une sincère réparation et d'étouffer à l'intérieur tout germe d'ai­greur et de ressentiment. Au besoin les supérieurs devraient interposer leur autorité pour faire accomplir parfaitement le conseil de l'apôtre: «Que le soleil ne se couche pas sur votre colère».

§ 6. L’Humilité

Improperium expectavit cor meum et miseriam (Ps. 68). Notre-Seigneur a ai­mé, a désiré les humiliations pour expier notre orgueil. On peut dire de lui qu'il est la personnification adorable de l'humilité. Considérez-le dans tous ses mystères, et dans ces mystères étudiez son Cœur, vous ne trouverez partout qu'abaissement et humilité. Aussi a-t-il pu dire: «Ap­prenez de moi que je suis doux et humble de cœur».

Les saints étaient avides de lui prouver leur amour en supportant pour lui et avec lui les humiliations: «Souffrir et être méprisé pour vous, Sei­gneur». C'était le désir de Saint Jean de la croix.

La vue d'un Dieu humilié, anéanti, doit nous faire désirer ou du moins supporter avec patience les humiliations.

Tous chez nous verront un profit à ce que leurs supérieurs connaissent leurs défauts et leurs manquements. Ils écouteront avec respect sans se disculper les avis et réprimandes des supérieurs.

Ils feront de temps en temps, selon les règles de la prudence, des prati­ques d'humilité.

Bien loin d'ambitionner les emplois honorables, ils accepteront volon­tiers les offices les plus humbles.

Ils renoncent aux dignités ecclésiastiques et ne les accepteraient que sur un ordre des supérieurs ou du Pape.

Ils seront disposés à accepter avec douceur et avec calme les affronts et les injures, et s'il leur arrive d'être rebutés, raillés, méprisés sans y avoir donné occasion par des choses qui les rendent coupables devant Dieu, ils doivent s'en réjouir et remercier le Cœur de Jésus comme d'une pré­cieuse faveur.

S'il s'agit cependant de la gloire de Dieu et des œuvres de Dieu, il ne faut pas s'abstenir dans une fausse humilité, mais il faut agir sans cher­cher sa propre gloire.

Ce n'est pas non plus manquer à l'humilité que de vouloir devenir un saint. Dieu veut être loué dans ses Saints et par eux. Si nous nous faisons saints, c'est en l'aimant et en le glorifiant de plus en plus. Toute sainteté vient de lui et de sa grâce, c'est à lui que l'honneur en reviendra.

§ 7. La Simplicité

Soyez simples comme des colombes (Math. 10). La colombe servait au sacrifice dans l'Ancienne Loi. On l'offrait pour racheter les enfants présentés au Temple. C'est un gracieux symbole, un emblème de sim­plicité, de pureté, de douceur. Le regard de la colombe est pur, droit et ferme, comme celui de l'âme simple. Il est fixe et ne s'arrête pas sur di­vers objets. L'époux dit à l'épouse du Cantique: «Tes yeux sont des yeux de colombe». C'est ainsi que l'âme simple va droit à Dieu en tout, sans mélange de regards humains, de raisonnements intéressés. De même no­tre regard doit s'arrêter uniquement sur le Cœur de Jésus, afin que nous fassions tout pour son amour, pour lui plaire, le consoler et le dédomma­ger.

«Qui me donnera des ailes comme en a la colombe, et je volerai et je me reposerai» (Ps 54). Tantôt la colombe prend son vol, tantôt elle se re­pose. Où la conduit son vol? Elle s'élève au dessus de la terre, elle ne s'arrête pas comme le corbeau pour satisfaire ses appétits charnels. La colombe va droit à l'olivier symbolique. Souvent aussi elle va se cacher dans le creux du rocher, et là elle soupire, elle gémit. Columba mea in fora­minibus petrae (Cant). «Nous gémissons en méditant comme la colombe» dit Isaïe. Tel doit être le vol de notre âme. Elle doit s'élever au dessus de la terre par le renoncement, par l'oraison, par l'union avec Dieu. Elle doit se porter vers l'olivier pacifique qui est Notre-Seigneur lui-même, le voir en tout et s'unir à lui partout et toujours. Elle doit aller souvent se cacher dans le creux du rocher, c'est-à-dire dans le Cœur de Jésus, où elle trouvera un abri. Là elle pourra méditer sur les amabilités du Sau­veur, sur ses tristesses, ses plaintes, et ses souffrances. Là elle soupirera et gémira en exprimant sans cesse ses sentiments d'amour et de répara­tion. - Volabo et requiescam. - La colombe vole et se repose. La colombe du déluge s'est reposée dans l'arche. Où se reposera notre âme? Elle ne trouvera son repos qu'auprès de Jésus et dans son Cœur Sacré. Là seu­lement elle trouvera la lumière, la paix, la confiance et la force.

Notre repos est en Jésus, auprès de notre Sauveur, de notre Père, de notre frère, de notre ami. Mais Jésus voudrait aussi trouver son repos en nous, il ne peut le trouver que dans des cœurs aimants, fidèles, compa­tissants et dévoués.

Quels sont les lieux de repos de Jésus sur la terre: le sein de Marie, la crèche, Nazareth, Béthanie, le Calvaire, l'Eucharistie, les cœurs. C'est là qu'il faut le suivre et nous reposer avec lui.

Dans le sein de Marie, Jésus s'humilie et s'anéantit, il dit son Ecce Ve­nio. Marie adore et rend grâces. A la crèche, Jésus s'humilie encore et subit les rebuts de Bethléem, il montre son mépris pour les richesses et les commodités de la terre, Marie et Joseph, avec les bergers et les ma­ges, contemplent les abaissements volontaires de Jésus et lui offrent leurs adorations et leur amour.

A Nazareth, Jésus vit dans le silence, la prière, le travail. Son repos est dans ses entretiens avec son Père céleste et avec Marie et Joseph.

A Béthanie, Jésus console et instruit ses amis. Ceux-ci partagent les joies et les peines de Jésus, lui offrent leurs consolations et l'entourent de leurs soins.

Au Calvaire, Jésus consomme son sacrifice. C'est sur la croix qu'il prend là son repos. C'est un lit de douleur, un lit sanglant où Jésus s'im­mole tout entier pour l'amour de son Père et pour notre salut.

Dans l'Eucharistie, que fait Jésus? Il s'anéantit encore, il s'humilie, il se cache sous les plus humbles apparences; il adore, il prie, il aime et rend grâces. Tel est son repos.

Enfin dans les cœurs, il attend nos hommages et notre amour, il nous of­fre ses grâces. Il s'expose généreusement à notre ingratitude et à nos oublis.

Tels sont les divers repos de Jésus. En les méditant sans cesse, en s'y unissant, l'âme simple trouvera comme la colombe un repos réparateur. Allons sans cesse avec simplicité au Cœur de Jésus vivant dans tous ses mystères. Retirons-nous dans le creux du rocher, nous y trouverons notre repos et nous y puiserons à la source de toutes les grâces et de tou­tes les vertus.

§ 8. La fidélité

La fidélité et la confiance sont notre sauvegarde. Si nous restons fidè­lement attachés à Notre-Seigneur, il nous soutiendra et nous bénira.

Le symbole de la fidélité, c'est le chien. Le petit chien s'attache à son maître, il l'aime, il lui est reconnaissant. Il se tient volontiers à ses pieds. Il s'ennuie en son absence, il l'attend, il se réjouit à son retour.

Soyons fidèles à Notre-Seigneur comme de petits chiens. Tenons-nous à ses pieds. Aimons à penser à lui, à le contempler. En tout temps diri­geons notre attention, nos pensées, notre affection, nos aspirations vers le Sauveur, l'unique objet de notre amour.

Le chien vraiment fidèle ne se décourage pas s'il est battu. Sa fidélité est à toute épreuve. Son instinct lui dit sans doute que ces rigueurs du maître lui sont dues, et que les caresses viendront après. Notre fidélité doit aller jusque là. Acceptons de Notre-Seigneur les épreuves comme les caresses. Notre-Seigneur nous aime, la preuve en est faite, pouvons-­nous douter un instant de sa bonté? Soyons lui donc fidèles jusqu'à la mort.

Il goûte surtout la fidélité dans les petites choses, l'attention à tout lui offrir, à tout faire selon sa volonté et par amour pour lui.

Donnons-lui cette fidélité qu'il attend, à laquelle il a droit et qu'il ré­compensera généreusement.

§ 9. La Vigilance

Le Seigneur trouve la vierge sage vigilante. - Si nous sommes dis­traits, dissipés, répandus au dehors, nous manquons les grâces que Notre-Seigneur veut nous donner, et nous perdons celles que nous avions reçues.

Cela est important surtout après les retraites, après les fêtes, après les jours de grâces spéciales. Notre-Seigneur a semé plus abondamment ses grâces dans notre âme, le démon et le monde viennent y semer la ziza­nie, la dissipation qui ravage toutes les plantations du Maître.

Comme nous sommes ingrats, quand nous nous prêtons à cette ma­nœuvre des ennemis de Notre-Seigneur! Même dans le monde ecclé­siastique, ce préjugé est reçu qu'il faut se distraire après les jours de re­cueillement et de prière, les lundis de fête par exemple. Qu'en résulte-t­-il? C'est que les grâces reçues se perdent ou sont notablement dimi­nuées, c'est que les âmes restent toujours stationnaires.

Vigilate et orate. - Veillons sur nos sens, sur notre imagination, sur nos pensées; prions et défions-nous de nous-mêmes. Des âmes saintes sont tombées: la chute d'Adam, celle de David, celle de Salomon, celle de Saint Pierre sont des leçons pour nous. Des anachorètes sont tombés au désert qui avaient résisté devant les persécutions. Notre nature est faible et inclinée au mal.

Veillons si nous ne voulons pas attrister Notre-Seigneur. Veillons à l'accomplissement de toutes nos résolutions. Veillons à la conservation de la vie intérieure, qui est essentielle à notre vocation.

Sans la vigilance, nous n'arriverons pas à la ferveur de la vie d'amour, de réparation et d'immolation que Notre-Seigneur demande de nous.

$ 10. L’ordre dans les petites choses

Combien est grande l'importance de l'ordre! Là où il n'y a pas d'or­dre, il n'y a pas non plus de vertu.

Une chose accomplie en son temps et en son lieu est bonne et méritoi­re, mais ce qui sort des limites de l'ordre est un fruit des sens, de la natu­re corrompue, qui cherche ses aises, sa satisfaction et préfère sa volonté propre à celle d'autrui.

C'est l'ordre assigné par le Créateur aux lois de la nature qui conserve l'univers. Toute créature même inanimée n'a-t-elle pas sa place et sa destination déterminées par Dieu? Et combien cet ordre n'est-il pas ré­gulièrement observé! Avec quelle tranquillité chaque étoile ne suit-elle pas sa voie au firmament! La lune ne donne-t-elle pas régulièrement sa lumière? Le soleil se laisse-t-il retarder dans sa fonction d'éclairer et de réchauffer la terre? S'il demeurait un seul jour absent, quelle confusion, quel désordre n'en résulterait-il pas?

Qu'est-ce qui constitue le bien, le bonheur d'un royaume, d'un état, sinon encore l'ordre? Il en est ainsi dans une commune, dans une famil­le: le bonheur, la paix, la prospérité dépendent de l'ordre. Cela n'est pas moins vrai d'une famille spirituelle. N'est ce pas l'obéissance au chef vi­sible et par lui au chef invisible de l'Eglise, n'est ce pas l'unité et l'ordre maintenus par l'obéissance qui impriment à l'Eglise catholique, aposto­lique et romaine, d'une manière irrécusable, le sceau de la vérité, de l'infaillibilité, de la sainteté et de la divinité? De même aussi l'ordre est indispensable à toute maison spirituelle, à toute œuvre, à tout cœur hu­main, à toute âme humaine qui veut atteindre le but de sa destination et accomplir les devoirs de son état. Pour arriver à cela, il faut une grande fidélité, même dans les choses les plus petites, les plus insignifiantes, sur­tout quand elles sont un ordre formel, une manifestation de la volonté des supérieurs, de Dieu même qui parle par la bouche de ses représen­tants. Rien ne doit en pareil cas être considéré comme petit. Qu'est-ce en effet qui est petit ou qu'est-ce qui est grand aux yeux d'un Dieu tout puissant, infiniment sage, bon, miséricordieux et juste, qui n'a besoin de rien et à qui rien ne manque? En soi tout est néant devant lui.

Néanmoins ce Dieu si grand demande quelque chose des hommes, ses créatures: c'est leur cœur, leur amour, leur volonté, avec lesquels ils peuvent le servir pour obtenir la récompense et le bonheur qu'il veut leur donner.

Toute résistance volontaire qu'on lui oppose retient le torrent de la grâce qui devrait, suivant la volonté et les décrets de Dieu, se répandre sur toute créature. C'est pourquoi l'on ne doit point seulement éviter les grandes infractions, les grandes fautes qui viennent rarement tout d'un coup, mais auxquelles on s'expose par l'accumulation de beaucoup de petites fautes, que l'on considère comme n'étant rien et que l'on commet sans crainte, sans y faire attention.

Une grosse pierre jetée dans une source limpide qui arrose une prairie est facilement remarquée, parce que l'eau est arrêtée, et alors on s'occu­pe immédiatement de remédier au mal. Si ce n'est qu'une petite pierre, elle ne retient pas beaucoup l'eau, mais si journellement et à toute heure d'autres y sont ajoutées et que tantôt un morceau de bois, tantôt une ra­cine ou un peu de terre s'y accroche, bientôt l'eau ne pourra plus couler du tout et l'on ne pourra plus même facilement éloigner cet obstacle si dangereux et si nuisible, parce qu'il s'est accru et en quelque sorte em­barrassé en lui-même. Ainsi en est-il de la grâce qui, par toute infraction volontaire, toute satisfaction désordonnée des passions et des inclina­tions, est affaiblie et finalement forcée de manquer entièrement; d'où ré­sulte nécessairement la mort de l'âme, la perte de la grâce, de la partici­pation à la nature divine et de l'union avec Dieu.

Jamais encore un homme n'est tombé tout d'un coup dans des péchés graves, jamais une vocation ne s'est perdue tout d'un coup, mais on commence par des petites infidélités et on finit par des chutes profondes.

Ainsi fit judas, le traître dont l'Evangile raconte, qu'il se scandalisa au sujet du nard répandu sur les pieds de Notre-Seigneur et dont il au­rait voulu voir donner le prix aux pauvres. Il ne dit point cela par intérêt pour les pauvres, mais parce qu'il était voleur, qu'il tenait la bourse et qu'il en détournait ce qui y était jeté. Ainsi l'inclination désordonnée et coupable qu'il nourrissait dans son cœur l'amena peu à peu au crime le plus infâme, au sacrilège le plus odieux et ensuite au désespoir.

Il arrive aussi dans la vie religieuse que des âmes continuent à recher­cher les satisfactions des sens, qu'elles gardent le désir de tout voir et de tout entendre et de jouir de leurs aises, de là résulte bientôt la faiblesse dans la lutte et enfin la défaite de ces âmes et la victoire de l'ennemi.

N'est-il point dit dans l'Evangile: «Quand le serviteur a été fidèle dans les petites choses, on lui en confie de grandes et il prend part à la joie de son maître» (Math. 25).

§ 11. La régularité – L’exactitude

Si l'on réfléchissait toujours à l'importance et aux conséquences de la régularité et de l'exactitude, combien on éviterait de paroles et de dé­marches inutiles qui sont des occasions de fautes et de péchés. - Qu'arrive-t-il souvent? On ne remet pas à sa place un objet dont on s'est servi, on emprunte un objet et on ne le rend pas, on promet une chose pour un temps fixé et on ne la fait pas. Pourquoi tout cela? Parcequ'il en coûte un petit sacrifice à la nature, à ses aises que l'on aime.

Mais c'est précisément ce sacrifice qui obtiendrait une grâce de force et de plus grands efforts.

La première grâce offerte pour un renoncement, pour l'exercice d'une vertu, une fois refusée, laisse beaucoup à craindre pour une autre occa­sion peut-être plus difficile.

Il n'est pas rare que le bon ou le mauvais résultat, le progrès ou le re­cul dans le bien de toute une journée et même de la vie entière, dépende de la coopération à certaines grâces qui paraissaient insignifiantes.

Ainsi par exemple: le lever au premier son de la cloche. Cède-t-on alors à la nature, la première grâce du jour est perdue. Bientôt après se présente quelque autre occasion de se surmonter; il en coûte déjà davan­tage de faire un effort, de préférer une volonté étrangère à la sienne pro­pre, et il en résulte une seconde, une troisième, et finalement d'innom­brables infidélités.

L'on se trouve alors froid et sans ferveur dans la prière et la médita­tion, faible et lâche pour toute bonne action qui demande effort et sacri­fice. On s'en étonne, on s'en attriste parfois, sans vouloir s'avouer qu'on en est soi-même la cause.

De là provient alors la tiédeur dans laquelle on tombe, la distraction, la dissipation, de laquelle on ne se relève pas de la journée. Quand mê­me parfois les sens extérieurs sont forcés de se contenir, le cœur, l'esprit et l'imagination n'en sont pas plus recueillis.

«La mort entre par les fenêtres» dit le Sage. Oui, par les fenêtres des sens ouvertes au large, la mort entre dans l'âme. D'abord on ne se per­met peut-être qu'une parole, un regard, mais on en reste rarement à cela si l'on ne se hâte de reconnaître humblement sa faute, de l'avouer, de la réparer. Dans ce cas alors le bien qui en résulte est plus grand que le mal. Si le mal est aussitôt découvert, et si les moyens sont pris pour le combattre, le danger est écarté.

Il y a aussi une exactitude qui n'est pas pure, qui ne provient pas d'une bonne intention et qui n'a que l'apparence extérieure de l'ordre et de la fidélité. Si quelqu'un, par exemple, cède à la tentation de rester plus longtemps au lit et satisfait sa sensualité, mais sait néanmoins s'y prendre de manière à arriver avec les autres à la prière au temps fixé, pour ne pas paraître irrégulier, celui-là obéit extérieurement à ses supé­rieurs et aux saintes Règles. Il ne veut pas s'attirer d'humiliation, ni per­dre l'estime générale; il veut passer pour vertueux, se montrer recueilli, édifiant, ami de l'ordre; mais une semblable régularité est sans mérite et sans durée. N'étant pas fondée sur des motifs surnaturels, elle ne peut pas procurer la paix et la joie du cœur, ni accroître les mérites et la grâce.

A ceux-là Notre-Seigneur dira: «Allez, vous avez déjà reçu votre ré­compense. je ne vous connais pas».

Oh! combien ces vertus si petites en apparence contribuent à accroître la charité, le respect, l'estime, la confiance et l'édification, à conserver la paix du cœur et la paix avec le prochain.

C'est une grande vertu de se conduire toujours de manière à ne pas être à charge à son prochain. C'est alors une occasion d'exercer la chari­té, l'humilité, l'obéissance. Dieu permet que l'on commette quelque ou­bli, quelque inattention, mais il ne faut pas que la légèreté, la paresse, la jalousie ou quelque autre défaut en soit la cause. La confiance et l'estime réciproque en dépendent beaucoup.

L'exactitude, l'observation consciencieuse même des plus petites rè­gles est ce qui les maintient dans leur pureté et leur efficacité.

Elle est aussi un soutien, un allègement dans la charge si lourde des supérieurs. Quand les supérieurs pressés par le devoir de diriger et d'avertir prévoient que leurs prescriptions et leurs exhortations ne seront pas remplies ou le seront imparfaitement, leur situation devient pénible. C'est leur devoir de maintenir l'ordre et ils rencontrent la résistance de leurs subordonnés. Ils ont à craindre d'un côté la punition, la juste indi­gnation de Dieu et de l'autre le mécontentement, les murmures, les plaintes de ceux qui leur sont confiés et desquels aussi ils auront à rendre compte à Dieu. Comment peuvent-ils espérer obtenir plus tard de ceux-­là de grands sacrifices et un concours sérieux dans les œuvres, s'ils ne savent pas même soigner consciencieusement de petites choses et accep­ter de petits sacrifices? Celui-là seul en effet qui a été fidèle et constant dans les petites choses le sera aussi dans les grandes. Celui qui n'a point appris à se soumettre et à se maîtriser dans des choses de moindre impor­tance, comment peut-il se tromper lui-même et les autres en croyant le pouvoir dans des choses grandes et difficiles?

Combien souvent n'entend-on pas dire avec douleur que la ferveur et le courage des premières années, des années de noviciat ont disparu; que la joie et le goût des choses spirituelles et du service divin, les lumières, les grâces et les consolations sont perdues. Pour ce qui concerne les con­solations sensibles, il faut savoir qu'aux enfants plus âgés on retire les douceurs, les mets fins et légers, pour leur donner des mets plus forti­fiants, plus nourrissants. Quant à ce qui regarde la ferveur, le courage, l'amour et l'accomplissement des saints devoirs de son état, s'ils vien­nent à faiblir, c'est souvent parce que l'on a omis d'ajouter du bois à ce feu de la ferveur. Y a-t-il alors lieu de s'étonner s'il brille plus faiblement et même s'il s'éteint tout à fait? C'est le bois du renoncement à soi mê­me, de la mortification, du sacrifice, le bois de la croix qui seul peut nourrir et entretenir le feu de l'amour divin, la flamme de la grâce pour l'exercice des vertus et la pratique des devoirs.

L'on se croit autorisé, quand on est un peu plus âgé, un peu plus avancé, à se permettre des exceptions, à se départir de l'exactitude aux petites choses qu'on laisse aux commençants et aux novices. On oublie que personne, ni grand ni petit, ni maître ni disciple, ni supérieur ni in­férieur ne peut se soustraire aux prescriptions, aux usages, aux Règles de l'institut, sans se priver des grâces qui y sont attachées. On oublie que tous doivent pratiquer la fidélité, le zèle, la ferveur, l'observation con­sciencieuse des règles, chacun selon sa situation, ses facultés, ses grâces et les talents qu'il a reçus, et que fréquemment un seul est capable de re­tenir les grâces du ciel ou de les détourner de la maison et de la commu­nauté.

L'exactitude et l'ordre ne favorisent pas seulement le bien spirituel de chacun des membres et de la communauté, mais aussi le bien temporel et physique. Bien que ceci soit secondaire, néanmoins cela contribue au bien général et a aussi son influence sur les forces et les facultés spirituel­les.

Pour le bien matériel comme pour le bien spirituel, il faut observer la régularité, obéir à l'appel de la a cloche, à la voix des supérieurs, à toutes les prescriptions des règles. Qu'il s'agisse de la prière ou de la recréa­tion, de la table ou de la chapelle, du travail ou du repos, Dieu le veut, Dieu appelle, cela doit suffire pour renoncer à sa volonté propre, à son caprice; à ses inclinations et suivre la voix de Dieu avec joie, ferveur et amour.

§ 12. L’intention pure

Le motif de la régularité et de l'exactitude doit être l'amour de Notre­Seigneur et le désir du progrès dans la vertu et non pas la passion ou l'habitude. Quand cette fidélité, cette délicatesse de conscience a pour mobile une intention pure et noble, elle est une source de grâces abon­dantes et de grandes grâces.

C'est un acte continuel de vertu. L'âme est maintenue par là dans l'union perpétuelle avec Dieu et dans la conformité à son bon plaisir. La grâce sanctifiante est affermie et fortifiée.

C'est la condition essentielle pour que nos œuvres quelque petites qu'elles soient, deviennent bonnes et méritoires. Cette pureté d'inten­tion est à l'action ce que la racine est à l'arbre, ce que l'âme est au corps; coupez la racine, l'arbre se meurt; sans l'âme le corps n'est plus qu'un cadavre. Il en est de même de nos actions: sans la pureté d'intention nous avons beau faire, nos œuvres ne sont que des branches desséchées où ne circule plus le suc qui les fait vivre; ce sont des œuvres mortes; il leur manque l'intention qui en est l'âme et la vie.

L'intention la plus sainte et la plus noble, c'est l'amour de Dieu et de Notre-Seigneur. Il faut tout faire pour lui, avec lui et en lui: Per ispum, cum ipso et in ipso.

Pour lui, pour le glorifier, pour le remercier de ses bienfaits, pour répa­rer nos péchés, pour l'aider par nos prières et sacrifices à sauver les âmes.

Avec lui, dans son union et sa dépendance, dans sa pensée, son souve­nir, son amour, en s'abandonnant entre les mains de l'ouvrier, comme les membres qui n'ont de vie et de mouvement que par l'influence du chef, en nous laissant conduire par ses inspirations et sa grâce plutôt que par notre volonté propre.

En lui, dans son imitation, en méditant ses mystères pour reproduire ses dispositions et ses vertus, en considérant comment il agissait et par­lait, comme il traitait son Père avec honneur, le prochain avec charité, le monde avec indifférence; dans ses dispositions d'humilité, de mortifica­tion, de recueillement, d'amour et de sacrifice.

Cette vertu est d'autant plus précieuse et méritoire qu'elle n'excite aucune attention. Elle s'exerce silencieuse et modeste. A cause de cela el­le est moins dangereuse, moins exposée au péril de la complaisance en soi-même, de l'estime de soi-même qui conduit à l'orgueil et à des chutes graves par la faiblesse naturelle dont on ne se défie pas.

Cette vertu est encore une source de paix intérieure et extérieure. Qu'est ce qui donne mieux en effet la tranquillité du cœur, la paix avec Dieu, avec le prochain et avec soi-même, que le sentiment intime d'avoir fait son devoir, suivant ses forces. Mais Dieu est un Dieu de paix, le Prince de la paix, qui ne se plaît que dans un cœur aimant la paix, la justice et l'ordre.

C'est cette fidélité, cet amour de l'ordre et de la régularité qui a élevé Saint Jean Berchmans et tant d'autres saints à une grande gloire au ciel, sans qu'ils aient fait des actions d'éclat ou accompli de grandes œuvres selon le monde. C'est le cœur avec son amour, c'est l'intention et la vo­lonté qui ont du prix aux yeux de Dieu et c'est de là que dépend la ré­compense.

L'époux ne dit-il pas à l'épouse dans le Cantique des cantiques: «Tu as blessé mon cœur par un regard, par un cheveu même, ma soeur, mon amie, mon épouse». L'oeil est un organe important, le cheveu est sans valeur; l'époux les met sur le même rang. Il veut dire par là qu'une œuvre petite ou grande accomplie par amour pour lui blesse son cœur de l'amour de retour. Mais aussi les omissions, la négligence dans les peti­tes choses comme dans les grandes, offensent l'époux et blessent son cœur du trait douloureux de l'ingratitude, de l'infidélité et du manque d'amour.

Celui qui aime véritablement ne laisse pas passer un seule occasion de montrer son attachement à l'objet de son amour et plus ces occasions s'offrent fréquemment, plus il est heureux. Là où est votre trésor, là aus­si est votre cœur, votre attention, votre inclination, votre amour; et ce que l'on fait par amour et avec amour est toujours bien fait et de grande valeur, quand la chose elle-même serait de peu d'importance.

Au cœur véritablement aimant il ne suffit pas d'accepter et d'em­ployer avec joie toute occasion qui lui est offerte de plaire à l'objet de son amour et de lui être utile, mais il se montre encore ingénieux pour se procurer ces occasions. Si petite alors que soit l'occasion, elle lui sert à montrer combien et avec quelle attention et quelle tendresse il l'aime.

En effet on est plus touché et plus rempli d'amour de retour par beau­coup de preuves d'attachement, petites mais continuelles et données en tout temps et en tout lieu, que par d'autres plus grandes mais données seulement à de longs intervalles. Celui qui donne toujours et en tout temps montre davantage sa bienveillance et sa bonté que celui qui donne de loin en loin une somme importante.

§ 13. Le bon Exemple

C'est aux supérieurs et aux anciens surtout à donner l'exemple de la régularité et de l'exactitude. Plus une personne est élevée en dignité ou mûrie par l'âge, plus elle attire les regards et l'attention des autres. Et bien qu'il ne sied point aux subordonnés de juger ou de discuter ce qui leur est ordonné, il est certain que si l'exemple est joint au précepte, les fruits seront plus grands.

C'est à ce défaut d'édification qu'il faut attribuer souvent les manques de respect et d'obéissance des inférieurs. Sans doute il y a des cas fré­quents où les supérieurs et d'autres à cause de leurs charges, de leur san­té ou des circonstances ne peuvent pas être les premiers à l'exactitude comme ils le désireraient tant, mais alors chacun le sait. Seulement il ne doit s'y glisser aucune négligence.

Il y a bien des cas où les supérieurs, malgré leurs efforts, tout leur zèle et la peine qu'ils se donnent sont critiqués, méconnus et traités sans égards et cela souvent à cause de leur zèle pour le maintien de la discipli­ne et de l'ordre, parce que leur exemple est un reproche, une leçon muette contre la tiédeur et la légèreté au service de Dieu. Néanmoins ils ne doivent pas garder le silence ni omettre leur devoir. Ils doivent sup­porter leurs peines en esprit de réparation et d'expiation, et s'en remet­tre à Dieu qui sonde le cœur et les reins et qui aidera en son temps.

De même que l'on doit accepter et écouter avec respect toute parole émanée de la bouche des supérieurs, ainsi ceux-ci doivent veiller à ce qu'ils puissent toujours être considérés comme parlant au nom de Dieu même et estimés comme tels. Qu'ils ne promettent pas même les moin­dres choses s'ils n'ont pas l'intention de les tenir, autrement les sujets perdraient l'estime et la confiance qu'ils doivent avoir pour être vérita­blement obéissants.

Il arrive cependant quelquefois qu'on doit changer ce qu'on a promis, les circonstances étant modifiées. C'est alors un exercice de renonce­ment et d'abnégation pour les subordonnés.

§ 14. La Persévérance

Ceux auxquels Notre-Seigneur donne beaucoup, il leur demande beaucoup. Une vocation privilégiée exige une grande fidélité.

L'indifférence et l'ingratitude des âmes privilégiées offensent plus Notre-Seigneur que les péchés des âmes vulgaires. Notre-Seigneur est patient et miséricordieux. Il supporte quelque temps les âmes infidèles à leur vocation, les âmes qui abusent des grâces, puis il les rejette. Une âme marche à sa perte quand elle manque d'union et de franchise avec ses supérieurs. En général le plus mauvais signe d'une conscience qui se gâte, c'est le manque d'ouverture envers ceux qui doivent y lire. Cela est particulièrement vrai dans cette œuvre où l'union et la confiance sont exigées par le véritable esprit du Sacré-Cœur.

La dissimulation, la tiédeur, la désobéissance mettent en péril la voca­tion. Dans une œuvre toute vouée à l'amour du Cœur de Jésus et à la réparation, les âmes qui vivent dans le péché ou même dans une vie tou­te naturelle et tiède n'ont pas leur place. Si même les supérieurs les sup­portent, Notre-Seigneur permettra des circonstances qui les fassent par­tir ou qui exigent leur renvoi. Notre-Seigneur veut purifier son aire et rejeter la zizanie.

§ 15. Abnégation, Détachement et Renoncement

Pour être à Jésus-Christ, il ne suffit pas de mourir à la vie des sens par la pratique d'une généreuse et continuelle mortification, il faut encore mourir à soi-même par l'abnégation intérieure; c'est la plus grande et la plus ordinaire occupation de la vie religieuse: «Que celui qui veut venir après moi, dit Jésus-Christ, renonce à soi-même».

La mortification proprement dite s'exerce plutôt sur le corps; l'abné­gation sur l'esprit, la volonté et le cœur.

Le détachement, le renoncement sont des conditions nécessaires de l'union avec Notre-Seigneur. Si le cœur est pris par quelque attache à soi-même ou aux créatures, Notre-Seigneur n'y trouve pas place. Ces attaches sont innombrables: c'est l'estime de nous-mêmes, c'est notre volonté propre, ce sont nos aises, c'est la sensualité, ce sont les amitiés naturelles, c'est la famille.

Le premier et meilleur remède est de chercher toujours à s'attacher à Notre-Seigneur en considérant ses amabilités, ses bontés. Le détache­ment est alors une conséquence toute faite.

Il suffit de sonder notre cœur pour nous convaincre qu'il y a deux principes différents qui agissent sur nous: la grâce et la nature.

Les inspirations de la grâce viennent de Dieu, celles de la nature nais­sent de notre fonds vicié et corrompu. Il faut que nous combattions la nature avec ses inclinations perverses pour faire triompher en nous la grâce. Il faut nous dépouiller du vieil homme et nous revêtir du nou­veau, afin que nous puissions dire comme Saint-Paul: «Je vis, non ce n'est plus moi qui vis, c'est Jésus-Christ qui vit en moi».

Mais en quoi et comment le religieux du Sacré-Cœur pratiquera-t-il ce renoncement, cette mort à lui-même? S'il aime sincèrement Notre-Seigneur, l'Esprit-Saint le lui dira, la grâce le lui fera sentir par ces tou­ches secrètes: 1° Mourir à son esprit propre, à ses pensées, à ses vues, à ses retours, à ses réflexions inutiles. - 2° Mourir à son cœur, à ses désirs, à ses affections, à ses attaches trop naturelles. - 3° Mourir à sa volonté pro­pre, à sa vivacité, à son indocilité, à ses dégoûts, à ses délicatesses, à ses satisfactions, à la recherche de soi-même. - 4° Mourir même dans la mesure où cela se peut, aux consolations de la vertu, au bonheur que l'on ressent à servir Dieu et qui est le dernier objet dont on se détache.

Le détachement est facilité au religieux par sa règle, par la vie com­mune. Cependant la nature essaie toujours de reprendre son empire. Il importe surtout que le religieux évite les relations trop naturelles avec sa famille. Qu'il prie pour ses parents, mais qu'il ne recherche pas les va­cances, les visites, les séjours prolongés dans sa famille, à moins d'une extrême nécessité. Notre-Seigneur est jaloux de nos cœurs, de notre temps, de notre sollicitude.

C'est à cette perfection du renoncement que doivent tendre nos prêtres pour être de dignes victimes du Sacré-Cœur. Ce Cœur adorable n'a-t-il pas renoncé librement ici-bas, aux suprêmes consolations, qui lui revenaient de droit de son union hypostatique avec la divinité? C'est le triomphe du pur amour.

$ 16. Le Recueillement

Le recueillement est une condition nécessaire pour la foi vive, la con­fiance et l'amour. Nous devons tenir nos regards, le regard intérieur de notre âme toujours fixé sur Jésus. Nous devons le voir partout et tou­jours. Il attend de notre part, amour, consolation, réparation. L'oubliait-on un seul instant à Nazareth ou à Béthanie? Il veut principa­lement de nous une vie cachée, silencieuse, aimante.

Nous devons aller le moins possible parmi les hommes, à moins que le devoir d'état ou le zèle ne nous y conduise. Evitons les conversations, les lectures inutiles.

A l'occasion des fêtes, craignons de perdre par la distraction les grâces reçues. L'esprit du monde a quelquefois gagné en cela le clergé.

On croit devoir s'accorder le jour ou le lendemain des fêtes religieuses des satisfactions exagérées et tout le fruit spirituel de ces fêtes est alors perdu.

Notre-Seigneur veut un lieu de consolation et de repos dans nos sanc­tuaires, dans nos maisons, dans nos cœurs. Il faut pour cela que la paix et le recueillement règnent chez nous avec la vie intérieure.

$ 17. La Fidélité â la Grâce et le zèle pour sa sanctification

C'est la correspondance à la grâce divine qui a fait les Saints. Ce qui les a élevés à la gloire et à la joie dans le royaume des cieux, c'est cette correspondance à la grâce et la conformité à la volonté divine. Bien que leur manière de vivre, leurs œuvres et leurs souffrances, leurs luttes et leurs victoires aient été différents, tout n'a été que l'accomplissement de la divine volonté, la correspondance aux grâces reçues. Ils sont devenus plus grands en sainteté et en perfection suivant la mesure de cette corre­spondance et de cette fidélité.

Chacun d'eux comprenait dans son intérieur et par la voix de ses su­périeurs ce que Dieu demandait de lui. Leur vocation, leur mission était-elle extraordinaire, les grâces et les moyens étaient aussi extraordi­naires. «Celui à qui il a été beaucoup donné, il lui sera aussi beaucoup demandé».

L'inspiration de leurs actes de vertu, de leurs œuvres héroïques, ne vient pas de la nature, ni du monde, ni du démon, mais de l'esprit de Dieu. C'est à cette impulsion, à ces inspirations, au souffle de l'Esprit­-Saint qu'ils ont prêté l'oreille. C'est à cette source qu'ils ont puisé les lu­mières nécessaires pour les œuvres et pour leur sanctification. «Voluntas Dei, sanctificatio vestra». Les supérieurs en particulier doivent veiller à ne puiser qu'à cette source pour les résolutions et les mesures à prendre.

L'office de réparateurs impose aux membres de la Société l'obligation de tendre à une sainteté peu commune.

Ils doivent, autant qu'ils le pourront faire avec le secours de la grâce, reproduire dans leur cœur la sainteté du Cœur de Jésus. Ils s'efforceront donc avant tout, de se conserver dans une grande pureté de cœur, en évi­tant non seulement les fautes graves, mais encore toute faute volontaire, surtout les fautes d'habitude. C'est la première condition pour qu'ils soient des Victimes du Cœur de Jésus, Hostie sainte, pure et sans tache.

Ils s'appliqueront à tous les exercices de piété et aux pratiques qui leur sont propres dans l'esprit d'amour et d'immolation.

Ils ne négligeront rien de ce qui peut les conduire à la perfection reli­gieuse spécialement par l'accomplissement de nos Règles.

Dans toutes leurs actions, ils se proposeront avec sincérité de plaire à Dieu et ils s'y porteront plutôt pour l'amour de lui-même et en recon­naissance de ses bienfaits que par la crainte des peines ou l'espérance des récompenses, quoiqu'ils doivent aussi s'aider de ces motifs.

§ 18. La Mortification

Per crucem redemisti mundum: La croix est l'instrument du salut. C'est le moyen de réparation que Jésus a choisi. Par les épreuves de son enfance, Jésus a été pour ainsi dire élevé à l'ombre de la croix. Quels sont les ma­tériaux de l'édifice de la réparation? La croix, les clous, la lance, les épi­nes, les fouets, le tout cimenté par le sang de Jésus, par ses larmes, par les crachats de ses bourreaux.

Pour l'œuvre et pour chacun de nous, la croix, la mortification, le sa­crifice sont nécessaires. C'est la vie, c'est la source de toute grâce et de tout progrès.

La croix est un don de Jésus. S'il n'y avait pas habituellement dans l'œuvre quelque âme souffrante et crucifiée, comment l'œuvre serait­-elle purifiée, comment avancerait-elle?

Saint Paul disait: «Je souffre avec Jésus pour son Eglise». Portons gé­néreusement la croix de la patience, de l'abandon, de la mortification pour l'œuvre du Cœur de Jésus.

Non seulement l'abandon mais quelque mortification volontaire est nécessaire. Notre corps de sa nature est. déréglé, il tend avec obstination à satisfaire ses instincts aveugles, il veut le bien sensible, son bien à lui. C'est un animal qui ne se raisonne que par les coups: castigo corpus meum; il faut le tenir par force sous l'empire du devoir, de la volonté et de la grâce de Dieu: et in servitutem redigo.

Les Prêtres du Sacré-Cœur doivent être animés de l'esprit de mortifi­cation. Ils ont peu de pénitences de règle, ils y ajoutent sous la direction de l'obéissance, celles qui sont utiles à leur avancement spirituel. Ils ob­servent fidèlement leurs constitutions, leur directoire et les règles de mo­destie dans l'esprit de mortification et toujours selon l'esprit d'amour, de réparation et d'immolation.

§ 19. L’Abandon et la Conformité â la Volonté Divine

Il y a un art d'être victime du divin Cœur. C'est cet art que nous de­vons apprendre et dans lequel nous devons progresser sans cesse. Le se­cret de cet art est la conformité à la volonté divine, l'abandon et la rési­gnation à cette sainte volonté.

Il n'est besoin pour être victime ni de santé, ni de force, ce qui impor­te c'est le renoncement, l'abandon, l'acceptation de la volonté divine, soit qu'elle apporte la joie, soit qu'elle nous cause une souffrance. Sou­vent il plaira à Notre-Seigneur de ne nous demander que le sacrifice de Moriah, il nous présentera quelque lourde croix et il l'allégera quand nous l'aurons acceptée. - C'est l'abandon que Notre-Seigneur nous en­seigne dans sa Passion, quand il se tait et qu'il accepte toutes les injures. Il consomme son abandon quand il remet son âme entre les mains de son Père.

N'est ce pas le propre d'une victime de se mettre totalement, sans ré­serve, sans résistance ni sollicitude à la disposition de celui à qui elle est offerte.

L'abandon est comme un résumé des vertus de foi, d'obéissance, de confiance et d'amour. Celui qui croit en la Providence de Dieu, qui se confie à sa bonté, qui l'aime et qui obéit à toutes les manifestations de sa volonté, celui-là pratique la vertu d'abandon.

C'est tout le fond de la vie de Notre-Seigneur, comme il en témoigne lui-même, depuis sa première parole: «Voici que je viens, mon Dieu, pour faire votre volonté», jusqu'à son dernier cri: «Seigneur, je remets mon âme entre vos mains».

C'était la disposition du Saint Cœur de Marie, qui était toujours pre­tre à s'écrier: «Voici la servante du Seigneur, qu'il me soit fait selon vo­tre parole».

C'est le véritable esprit chrétien, tel que nous l'exprimons dans le Pa­ter, mais c'est surtout la disposition essentielle d'une victime.

La mortification sacrifie à Dieu notre corps; l'abnégation lui sacrifie notre esprit et notre volonté; la conformité à la volonté divine, produi­sant l'abandon, lui sacrifie notre personne toute entière avec tous les instants de notre vie, et fait de notre mort la consommation du sacrifice.

§ 20. La joie dans les Epreuves et l’Amour de la Croix

«Réjouissez-vous dans le Seigneur». Ces paroles nous sont applicables même dans les temps d'épreuves. Les épreuves et souffrances ne sont­-elles pas des causes de sainte joie? Elles sont autant de pas qui nous con­duisent au but. Elles nous rapprochent davantage du Cœur de notre Dieu et nous rendent plus semblables à lui. Elles sont inévitables, in­dispensables, il faut qu'elles viennent. Ne devrions nous pas nous réjouir en voyant venir le moment qui nous apporte tant de grâces, tant de fa­veurs?

Saint Paul dit: «Que votre modestie soit connue de tous les hommes»; mais pour nous il faut ajouter: votre patience, votre générosité, votre amour pour la souffrance et pour le sacrifice, toutes les vertus qui doi­vent caractériser les victimes du Cœur de Jésus.

Persévérons dans la prière, la louange, l'action de grâce, dans la paix de Dieu, cette paix qui surpasse tout sentiment et qui est un fruit de l'ab­négation et du sacrifice, cette paix que le monde ne connaît pas, parce qu'il n'aime pas la croix.

La croix est bonne pour nous, parce qu'elle nous prépare le ciel, le cen­tuple de joie dès ici-bas et la réalisation de nos désirs les meilleurs.

Elle est bonne pour nos frères: c'est par la croix que nous pouvons le plus coopérer à l'œuvre de la rédemption.

Elle est bonne pour Dieu, puisqu'en la portant nous lui témoignons no­tre amour, et en nous la donnant, il nous donne ce qu'il a donné au Sau­veur et à sa Mère.

Faisons des actes de foi sur les avantages de la croix, exerçons-nous à l'aimer, non pas d'un amour sensible, mais par la volonté qui dit: «Sei­gneur, j'aime la croix parce que vous l'avez aimée et qu'elle m'aide a contribuer à votre règne».

§ 21. L’Union â Notre-Seigneur et la Vie intérieure

La vocation des prêtres du Sacré-Cœur ne se peut concevoir sans la vie intérieure. Les actes fréquents d'amour, d'amende honorable, de ré­paration, de foi vive et d'abandon, qui sont la vie d'une victime du Cœur de Jésus, ne peuvent se rencontrer que dans une vie réellement intérieure, dans l'union habituelle avec Notre-Seigneur et dans l'assi­duité à sa sainte présence.

Le caractère propre de la vie intérieure des Prêtres du Sacré-Cœur est l'union avec ce divin Cœur. C'est avec lui et en lui qu'ils doivent aimer, agir, souffrir, se sacrifier. Ils doivent s'efforcer de vivre de la vie de ce di­vin Cœur. Il est le guide, le centre, le foyer et le repos de leur vie. C'est avec lui et en lui qu'ils doivent mener cette vie d'amour, de réparation et d'immolation qui est le but de leur vocation.

Divers exercices dans la journée entretiennent et ravivent cette union dans leurs cœurs.

Cette vie intérieure par l'union de leur cœur avec le Cœur de Jésus, est une condition essentielle pour que chacune de leurs actions soit vrai­ment réparatrice. C'est par elle qu'ils feront de toutes leurs actions au­tant d'actes d'amour, d'amende honorable, de réparation, de contri­tion, d'humilité et de mort à eux-mêmes.

La vie intérieure s'entretient par 1e silence, le recueillement et l'esprit d'oraison. Elle est protégée par les Règles qui soumettent à un contrôle vigilant les relations extérieures, les correspondances et les visites. Les Prêtres du Sacré-Cœur aimeront ces prescriptions salutaires.

$ 22. La Dévotion à l’Eucharistie

L'eucharistie nous dit tout l'amour de Notre-Seigneur pour nous. Jésus est là comme victime, comme ami, comme bienfaiteur, comme con­solateur. Il est là aussi comme notre Roi. Il nous invite à aller à lui: Vent­te ad me omnes. Il désire se donner à nous: «J'ai vivement désiré manger cette pâque avec vous». Il est là chargé de ses grâces, il demande à les ré­pandre. Il est sur son trône de miséricode, il attend nos hommages, mais aussi nos prieres, nos sollicitations.

C'est le mystère de l'amour.

Si David aimait tant les autels de l'Ancienne Loi, qui ne recevaient que des victimes charnelles, combien ne devrions-nous pas aimer les au­tels eucharistiques! Passer invenit sibi domum, altaria tua, Domine virtutum.

Allons à l'Eucharistie avec foi, avec confiance, avec abandon, avec amour. Le Jésus du tabernacle est bien notre Dieu, adorons-le.

C'est notre Père, notre ami, aimons-le, visitons-le, consultons-le. Al­lons à lui dans nos doutes, dans nos craintes, dans nos besoins. Abandonnons-nous à sa Providence paternelle. Rien ne nous manquera, si nous lui donnons notre confiance.

§ 23. Le Zèle

Le zèle n'est que l'épanouissement de la charité. Dès que nous aimons ardemment Notre-Seigneur, nous avons le zèle de sa maison, le zèle de son culte et de son service, le zèle des âmes.

Le zèle prend une forme différente suivant l'esprit et le but de chaque institut. L'objet de notre zèle est le règne du Cœur de Jésus. Ce règne est bien vaste, il est universel, mais il a des applications plus spéciales, plus urgentes. Notre-Seigneur veut des sanctuaires voués à la répara­tion, des Bethanie où il se repose, où il trouve l'amour et la consolation, au milieu de l'indifférence générale et de la tiédeur même d'une partie du peuple choisi.

Nous devons désirer ces sanctuaires comme David désirait le temple du Seigneur: Si dedero somnum oculis meis donec inveniam locum Domino, taber­naculum Deo Jacob (Ps. 131). Le moindre espoir de les avoir doit nous transporter de joie: Ecce audivimus eam in Ephrata.

Dans les œuvres de l'apostolat, nous devons préférer celles qui peu­vent être les plus chères au Cœur de Jésus: le service des prêtres, leur éducation, leur sanctification, le soin des enfants, des ouvriers et des pauvres.

Nous servons plus directement Notre-Seigneur quand nous nous dé­vouons à ceux pour lesquels il a dit plus spécialement: «Je tiendrai pour fait à moi-même ce qu'on fera envers eux».

§ 24. L’Amour de l’Eglise

Nous devons aimer l'Eglise et lui être soumis d'une manière toute fi­liale. Elle est tant aimée du Cœur de Jésus! Elle est l'épouse de Notre­Seigneur. - C'est leur union qui est célébrée dans le Cantique des can­tiques. Saint Jean exalte l'Eglise dans l'Apocalypse. C'est pour l'Eglise que Notre-Seigneur est mort, c'est pour elle qu'il a institué l'Eucha­ristie. Il vit en elle, il lui a laissé toute son autorité et toutes ses grâces.

Aimons-la en elle-même, dans son chef visible, dans ses ministres, dans ses enseignements, dans sa liturgie, dans ses lois. Vénérons-la com­me notre mère.

  • 1. - Les Règles communes indiquent l'application des Constitutions dans le détail des actions de chaque journée.

Pas plus que les Constitutions, elles n'imposent par elles-mêmes aucu­ne obligation sous peine de péché. Nous disons par elles-mêmes, parce que leur violation est rarement exempte de péché, soit du côté de la ma­tière, comme lorsqu'il s'agit des voeux, soit du côté du principe qui les fait transgresser, comme sont: l'orgueil, la vanité, la paresse, le respect humain; soit du côté des conséquences, comme la mauvaise édification.

  • 2. - Une communauté fervente et régulière est un doux spectacle aux yeux de Dieu qu'elle honore, des Anges qu'elle réjouit et des hommes qu'elle édifie. Mais cette ferveur et cette régularité, qui font le plus bel ornement d'une communauté, ne peuvent y regner qu'autant qu'elles y sont apportées et entretenues par les religieux qui la composent. Ils de­vront donc s'appliquer avec zèle à l'observation fidèle et constante des règles que nous traçons dans cet article.

Et pour commencer par la régularité extérieure, qui tend plus immé­diatement à l'édification, tous se feront un devoir d'y contribuer de tous leurs efforts par leur promptitude à se rendre aux exercices de commu­nauté, et par leur fidélité à observer l'ordre de la journée indiqué pour chaque maison et qui se rapprochera autant que possible du tableau sui­vant.

  • 3. – Ordre de la Journée
4. h. 50Lever.
5Angélus. - Prière du matin - Oraison.
6 h.Office divin: Petites heures.
6 - ½Sainte Messe.
7 - ½Dejeûner.
11 heuresLecture spirituelle pour les Profès. - Conférence sur les règles pour les Novices et Postulants.
11 - ¾Examen particulier. - Angélus.
MidiDîner. - Visite au Très Saint-Sacrement. - Récréation.
1 h. ½Chapelet. - Vêpres et Complies.
3Visite au Très Saint-Sacrement. - Exercices de dévo­tion. - Le vendredi, Chemin de la Croix.
4Matines et Laudes.
7Bénédiction du T. S. Sacrement.
7 - ½Souper. - Visite au Très Saint-Sacrement. - Angélus.
8Récréation.
8 - ½Prière du soir. - Examen. - Couronne du Sacré-Cœur.
9Coucher. On ne peut pas veiller sans permission.
  • Examen – Méditation

4. - Que tous emploient avec le plus grand soin, selon Dieu, le temps qui leur est prescrit pour faire l'examen de conscience deux fois le jour et vaquer à la prière, à la méditation et â la lecture spirituelle.

  • Sainte Messe

5. - Ils considéreront le saint sacrifice de la messe comme l'action ca­pitale de leur journée. Les prêtres s'y prépareront avec soin et emploie­ront à sa célébration environ une demi-heure. C'est là surtout qu'ils peuvent et doivent entrer dans l'esprit de sacrifice et de réparation qui est propre à leur vocation.

  • Office Divin

6. - Ils se souviendront toujours qu'après la sainte messe ils n'ont rien de plus sacré que le saint Office. Ils le réciteront en commun au choeur dans le Noviciat et dans les maisons où cela sera possible, en tout ou en partie.

Quand ils le diront en particulier, ce sera autant que possible devant le Très Saint-Sacrement, en y consacrant tout le temps voulu, et avec toute l'attention et la ferveur qu'exige ce grand acte de la prière publique.

  • Adoration

7. - Dans le courant de chaque journée, chacun fait une demi-heure d'adoration au Sacré-Cœur de Jésus dans le Très saint-Sacrement de l'autel, en plus des saluts et autres exercices.

  • Heure Sainte

8. - Chaque jeudi soir, on fera l'heure Sainte, recommandée par N-S à la B. Marguerite-Marie. Elle se fera quelquefois de 11 heures à minuit.

Tous s'efforceront, pendant cette heure, de se pénétrer des sentiments que N-S lui même manifesta à sa Bienheureuse servante.

  • Retraite du Mois

9. - Le premier vendredi du mois, consacré spécialement au Sacré-­Cœur de Jésus, exposé ce jour-là dans le Très Saint-Sacrement, sera pour tous les membres de la communauté un jour de récollection ou de retraite particulière, de laquelle tous s'appliqueront à profiter pour leur avancement spirituel. On y fera l'acte de préparation à la mort. Dans les scolasticats, la retraite mensuelle pourra être reportée au dimanche.

  • Retraite Annuelle

10. - Tous feront tous les ans une retraite de huit jours.

  • Silence

11. - Hors les temps fixés pour la récréation, tous s'appliqueront à observer le silence en tous lieux, mais surtout à la chapelle, à la sacristie, au réfectoire, au dortoir, dans les corridors.

Ils redoubleront de fidélité pendant le grand silence, c'est-à-dire de­puis la prière du soir jusqu'après l'oraison du matin.

Dans les cas de nécessité, on parlera à voix basse et en peu de mots.

  • Conversations

12. - Que tous, même pendant les récréations, parlent d'un ton de voix modéré comme il convient à des religieux. Qu'ils évitent les con­testations.

Si quelqu'un est d'un sentiment différent de celui des autres et croit devoir le manifester, qu'il expose ses raisons avec modestie et charité, à dessein seulement que la vérité soit connue et non pas pour paraître l'emporter en ce point sur les autres.

Que la charité soit absolument observée dans leurs paroles. Que sur­tout ils ne blâment jamais ni les prêtres séculiers, ni les autres congréga­tions. Qu'ils s'interdisent comme une cause de ruine toute parole de cri­tique contre les nòtres.

  • Confessions

13. - La confession hebdomadaire aux confesseurs établis est de re­gle. On ne peut pas s'adresser à un étranger sans permission.

  • Hospitalité

14. - Chaque maison pratiquera l'hospitalité particulièrement vis-a­vis du clergé. Cependant on devra veiller à ne pas inviter trop facilement des étrangers, surtout des laïques, à la table commune.

  • 15. - Qu'on ne parle pas aux personnes du dehors de ce qui se fait ou doit se faire dans la maison, si on ne sait que les Supérieurs le trouveront bon. Qu'on ne porte à l'insu des Supérieurs ni lettres, ni commissions du dehors à quelqu'un de la maison, ni réciproquement.

Qu'on tâche de profiter de ses rapports avec les personnes du dehors pour les édifier en N-S et les porter à la piété et aux bonnes œuvres.

  • Propreté

16. - Que tous aient soin de la propreté soit dans leurs personnes, soit dans leurs chambres. Qu'ils fassent leur lit et rangent tout le reste à l'heure ordinaire. Qu'ils balaient leur chambres, hormis ceux que le Su­périeur jugera devoir en dispenser, soit à cause de leurs infirmités, soit à raison de leurs occupations plus importantes.

  • Pauvreté

17. - Tous s'appliqueront à la parfaite observation du voeu de pau­vreté, se rappelant que par ce voeu ils se sont dépouillés du droit d'agir en propriétaires. La quantité qui suffit pour rendre grave un péché con­tre le septième commandement, suffirait également pour constituer une violation grave du voeu.

  • Chambre

18. - La pauvreté doit régner aussi dans leur chambre, dont le mobi­lier sera très simple. Le lit n'aura qu'un matelas de zostère.

Ils ne garderont dans leur chambre que peu de livres pour leur usage quotidien.

  • Argent

19. - Ils ne doivent pas garder d'argent sur eux ni chez eux, à moins qu'ils n'y soient obligés par leur emploi.

  • Chasteté – Modestie

20. - Il faut garder avec soin la modestie et la gravité qui sont la sau­vegarde de la chasteté. Ainsi, que personne ne touche les autres, pas mê­me par jeu.

Cette règle s'étend à tous les rapports avec les élèves et doit être obser­vée avec d'autant plus d'attention que les maîtres et les surveillants sont plus exposés à y manquer, et que ces manquements seraient plus graves en eux-mêmes et dans leurs conséquences.

21. - Que tous observent une grande modestie, même dans leurs chambres. Qu'ils s'étudient à faire revivre dans toute leur personne le beau modèle qui leur est proposé dans les règles de modestie de saint Ignace, qui sont jointes à cette Règle.

  • Mortification

22. - Que personne ne mange ni ne boive hors des repas. Pour les jeûnes et les abstinences, l'Institut, après avoir observé ce qui est pre­scrit par la Sainte Eglise, se conforme encore à ses Règles spéciales.

Ceux qui sont malades doivent avertir l'infirmier et le Supérieur, qui sont obligés de leur procurer les soulagements nécessaires. Mais ils ne doivent pas d'eux-mêmes s'adresser à un médecin ni se procurer des re­mèdes.

  • Obéissance

24. - Au son de la cloche et aux heures marquées, que tous se ren­dent aussitôt où ils sont appelés et qu'ils s'efforcent de contribuer à l'édi­fication qui résulte de cette parfaite régularité.

25. - Que personne ne s'informe avec curiosité de ce que les Supé­rieurs devront faire dans l'administration; mais que chacun, s'occupant de soi-même et de son office, attende de la main de Dieu tout ce qui doit être réglé par rapport à lui-même et aux autres.

  • Respect des supérieurs

26. - Chacun aura soin de donner en toutes circonstances aux Supé­rieurs des témoignages sincères de son respect et de sa dépendance, les sa­luant quand il les rencontre, leur parlant avec un grand respect et les écoutant avec humilité et sans interrompre, surtout quand il en est repris.

  • Rapports réciproques

27. - Un religieux ne doit pas entrer dans la chambre d'un autre sans une permission générale ou particulière du Supérieur; que la porte de­meure entrouverte pendant qu'ils sont ensemble.

  • Fidélité aux emplois

28. - Que tous attachent une grande importance aux emplois et aux offices qui leur sont confiés et s'en acquittent avec une constante fidélité; qu'ils s'habituent à regarder les devoirs de leur emploi comme une dette sacrée, et leur zèle à le remplir comme le gage le plus assuré de leur dé­vouement à l'Institut. Ils se hâteront de s'instruire de tout ce qui concer­ne leur office et de la manière de le remplir avec perfection. Ils auront soin de se tenir toujours au courant pour les comptes, les notes ou la cor­respondance, afin de pouvoir toujours transmettre leur emploi sans oc­casionner d'embarras.

  • Relations extérieures

29. - On évitera de demander conseil aux personnes du dehors, com­me aussi de se charger d'une affaire, même de piété, ou de promettre de s'y employer, sans la permission du Supérieur. Pour les affaires séculie­res, il faut s'en éloigner encore davantage, comme étant étrangères à no­tre vocation et très nuisibles aux choses spirituelles.

30. - Dans les rapports avec les personnes du monde, on tâchera d'expédier avec modestie, douceur et affabilité ce qui fait l'objet de la vi­site.

On ne peut pas sortir de la maison sans permission.

  • Charité – Union

31. - Tous s'appliqueront à entretenir la charité et l'union des cœurs par l'affabilité, le douceur et la prévenance dans leurs rapports mutuels et par tous les genres de services qu'ils auront l'occasion de se rendre ré­ciproquement.

On doit éviter tout ce qui est contraire à la fusion et à la charité au point de vue des nationalités.

  • Tentations

32. - Celui qui connaîtrait qu'un autre est dangereusement tenté doit en prévenir le Supérieur, afin qu'il puisse y apporter le remède con­venable. Mais il est défendu de communiquer à d'autres les fautes ou les imperfections dont on aurait été témoin.

  • Récréations

33. - En terminant la visite au Très Saint-Sacrement après le dîner et après le souper, chacun se recommande tout spécialement au Sacré­-Cœur de Jésus, afin de bien passer la récréation, qui est un des exercices les plus importants de la journée, parce qu'il est facile d'y commettre bien des fautes et qu'on peut aussi, avec la grâce de Dieu, y pratiquer beaucoup de vertus.

Personne ne peut s'absenter des récréations sans une permission ex­presse, et le Supérieur ne l'accordera que pour de justes raisons. On y rendra les conversations utiles et agréables, en bannissant toute nouvelle curieuse et purement mondaine, et en s'entretenant familièrement de sujets édifiants et convenables. On s'efforcera également de comprimer les petites passions qui s'élèvent si facilement dans le cœur humain et de garder la douceur ou la patience à l'égard de tous, surtout de ceux dont les manières auraient pu choquer ou déplaire.

  • Lecture des Règles

34. - Que chacun ait ces Règles et celles de son office. Qu'il se les rende familières et s'en rappelle le souvenir en les lisant ou les entendant lire tous les mois.

  • Règles de Modestie (De Saint Ignace)

La modestie et l'humilité jointes à une maturité religieuse doivent pa­raître dans toutes nos actions.

Qu'on ne tourne point la tête avec légèreté cà et là, mais qu'on le fasse avec gravité, quand il sera nécessaire; si cela n'est pas nécessaire, qu'on la tienne droite et un peu inclinée sur le devant, sans la pencher d'un cô­té ni d'un autre.

Qu'on tienne d'ordinaire les yeux baissés, évitant de les lever trop haut ou de les tourner çà et là.

Que la sérénité extérieure de visage soit une marque de celle qui est à l'intérieur.

Que tout le visage respire plutôt la joie que la tristesse ou quelque au­tre affection peu réglée.

Que les vêtements soient propres et dans la bienséance religieuse.

Que les mains soient décemment arrêtées, si ce n'est qu'il faille s'en servir pour soutenir les habits.

Qu'on marche posément et qu'on évite la précipitation, à moins de quelque nécessité pressante, et alors même il faut avoir égard à la bien­séance autant qu'il se pourra.

Enfin que tous les gestes et mouvements soient si bien réglés qu'ils puissent édifier tout le monde.

Si plusieurs se trouvent ensemble, qu'ils aillent deux à deux ou trois à trois, selon l'ordre prescrit par le Supérieur.

S'il faut parler, qu'ils se souviennent de la modestie et de l'édification qu'ils doivent donner, soit dans le sujet du discours, soit dans la manière de s'exprimer ou dans le ton de la voix.

  • 1. Peu de temps avant de mourir, Notre Seigneur voulut recomman­der la charité mutuelle à ses disciples avec de nouvelles instances (Saint­-Jean, 13):

«Je ne suis plus avec vous pour longtemps - disait-il, - adhuc modi­cum vobiscum sum, je vous recommande le précepte de la loi nouvelle, c'est que vous vous aimiez entre vous, comme je vous ai aimés. C'est à cela que l'on reconnaîtra que vous êtes mes vrais disciples».

Paroles solennelles et efficaces, qui ont informé toute l'Eglise de l'esprit de charité.

Les apôtres sont tout remplis de cet esprit. Saint Jean nous exhorte à la charité de la manière la plus touchante: «Mes bien-aimés - dit-il, - aimons-nous les uns les autres. La charité vient de Dieu. Il nous a aimés le premier. Il a donné son Fils comme victime de propitiation pour nos péchés. Si Dieu nous a tant aimés, ne devons-nous pas nous aimer les uns les autres? Si nous nous aimons entre nous, Dieu demeure avec nous. C'est à cela que nous reconnaissons que Dieu demeure en nous et nous en lui parce que la charité vient de l'Esprit de Dieu» (le ep. Saint Jean, 4).

Saint Pierre donne les mêmes conseils: «Avant tout - dit-il, - ante omnia, pratiquez la charité entre vous, non pas seulement en passant, mais toujours, charitatem continuam habentes» (1re ép. Saint Pierre, 4).

Saint Paul ne tarit pas sur ce sujet. Aux Corinthiens: «Ce qu'il y a de mieux, c'est la charité, excellentiorem viam, la charité patiente, douce, bienveillante». Aux Ephésiens: «Montrez-vous dignes de votre vocation, pratiquez l'humilité, la douceur, la patience; supportez-vous les uns les autres, ayez grand soin de garder entre vous la paix et l'union». Aux Philippiens: «Si vous voulez me combler de joie, soyez unis entre vous, vivez dans la charité et l'union des esprits». Aux Colossiens: «Il n'y a pas à distinguer entre juifs et Gentils, tous sont enfants de Dieu. Revêtez­-vous de la bonté, de la modestie, de la patience, comme d'un vêtement. La charité surpasse tout, sans elle pas de perfection».

Tout ce qui est dans l'Ancien Testament, dit Saint Paul, a été écrit pour notre instruction. Quelles leçons saisissantes nous y trouvons sur la charité fraternelle!

Au commencement, il y a Caïn et Abel, choisissez! Celui qui manque à la charité, est affreusement maudit. Joseph est jalousé, critiqué, vendu par ses frères. Il y en a deux qui lui sont un peu secourables, Ruben et judas. Ruben perdra cependant son droit d'aînesse pour une autre fau­te, il n'a pas été respectueux envers son père. Judas deviendra le chef de la souche royale qui donnera le Messie.

Soyez charitables entre vous et vous serez bénis.

Je puis dire comme Notre-Seigneur: Mon temps est compté, adhuc mo­dicum vobiscum sum; je vous recommande comme lui la charité, la dou­ceur, la patience.

  • II. La politesse chrétienne est faite de respect et de charité envers les au­tres. Elle exclut toute familiarité vulgaire. «Nous devons considérer nos frères comme s'ils étaient tous nos supérieurs - dit Saint Paul aux Phi­lippiens. - Il faut donc agir avec eux en toute humilité, en excluant les disputes et les prétentions, superiores sibi invincem arbitrantes». Si nous devons considérer nos confrères comme des supérieurs il est clair que nos conversations avec eux ne peuvent pas descendre à la tri­vialité des causeries de collège et de caserne. En France, le tutoiement est intolérable. Saint Pierre donne les règles positives: «Si l'on parle, que les conver­sations soient inspirées par l'esprit de foi: si quis loquitur, quasi sermones Dei» (Ire ep. Saint Pierre, 4). Saint Paul donne les règles négatives ou prohibitives: Aux Ephésiens: «Que les choses immodestes ne soient même pas nommées chez vous. Pas de plaisanteries vulgaires: stultiloquium aut scurrilitas». Aux Galates: «Toutes les lois de la conversation tiennent en un mot: aimez votre prochain comme vous-mêmes. Si vous vous déchirez à belles dents, vous en souffrirez tous: Quod si invicem mordetis et comeditis, videte ne ab invicem consummamini». Quelle mauvaise habitude ont certains membres des communautés de chercher toujours à faire de l'esprit aux dépens des autres! Souvent, il y a un membre de la maison qui est l'objet ordinaire des taquineries et des plaisanteries. C'est de la barbarie. * III. Le bon esprit comporte le respect envers les égaux, mais surtout en­vers les supérieurs. «Vous ne formez qu'un corps moral - dit saint Paul aux Ephésiens, - vous êtes appelés à vivre ensemble dans la charité ici­-bas et là haut» (Eph., 4).

Quelle horrible figure présentent dans l'histoire sacrée, ceux qui rail­lent les supérieurs ou qui murmurent contre eux! Cham a raillé son pè­re, c'est un maudit. Les Israélites ont murmuré contre Moïse, ils ne sont pas entrés dans la Terre Promise.

Coran, Dathé et Abiron, des prêtres, ont murmuré contre Aaron, la terre les a engloutis.

Ce péché atteint directement Notre Seigneur, parce qu'il tient comme fait à lui-même ce qu'on fait aux supérieurs.

«Obéissez à vos supérieurs, dit saint Paul aux Hébreux, et soyez-leur soumis. Ils sont chargés de vous devant Dieu, ils répondront de vos âmes. Ne les attristez pas, cela ne vous porterait pas bonheur: hoc enim non expedit vobis».

Notre Seigneur ouvrait son Cœur à Marguerite-Marie, il lui exprime à plusieurs reprises son indignation contre ceux qui ont mauvais esprit. Il lui dit un jour:

«Ecoute bien ces paroles de la bouche de la vérité (C'est un exorde so­lennel). Tous les religieux désunis et séparés de leurs supérieurs doivent se regarder comme des vases de réprobation, dans lesquels toutes les bonnes liqueurs sont changées en corruption. Le divin soleil de justice, venant à darder ses rayons sur ces âmes, opère le même effet que le soleil luisant sur la boue. Elles sont tellement rejetées de mon cœur que plus elles tâchent d'en approcher par les sacrements et la prière, plus je m'éloigne d'elles pour l'horreur que j'en ai. Elles iront d'un enfer à un autre, car c'est cette désunion qui en a tant perdu, puisque tout supé­rieur tient ma place, qu'il soit bon ou mauvais…».

Il s'agit ici évidemment de résistances graves à l'obéissance et de désu­nion habituelle avec les supérieurs.

Le bon esprit comprend l'esprit de corps, l'esprit de famille, le dé­vouement à l'œuvre dans laquelle on est entré. Nous ne sommes pas ap­pelés seulement à une sanctification égoïste. Chaque congrégation ré­pond à un but providentiel, elle a sa mission dans l'Eglise. C'est à tra­vailler à cette mission que chacun de nous est appelé.

Marguerite-Marie ne manquait pas d'expliquer cela à ses novices.

«Il faut, mes enfants - leur disait-elle, - être toute notre vie bien re­connaissantes de notre vocation; c'est une grâce particulière que le Sacré-Cœur de notre bon Maître ne fait pas à tout le monde, et de la­quelle il faudra rendre compte à l'heure de la mort… Pour témoigner que vous aimez votre vocation, il faut être bien fidèles à la pratique de toutes nos saintes observances. Pour nous, la voix de Dieu est dans nos saintes règles. Nourrissez-en bien vos cœurs, elles vous feront entrer dans la vie intérieure, la vie cachée en Dieu, où la croix est un aliment de la perfection. Marchez donc en votre chemin, qui est celui de l'exactitu­de à l'observance de nos devoirs religieux, si vous désirez que le Sacré-­Cœur de Jésus vous reconnaisse pour ses filles…».

La chère sainte ajoutait:

«Voilà ce que je désire que vous fassiez pour le présent, si vous voulez que moi, votre indigne maîtresse, je reconnaisse que vous avez de l'ami­tié pour moi, qui vous chéris tendrement, n'en doutez pas».

Je répète ces paroles à mes fils spirituels, malgré mon indignité.

Dieu se plaît à faire régner le symbolisme et l'harmonie entre les cho­ses matérielles et les choses spirituelles. L'ordre et la beauté dans la na­ture créée nous sont une révélation de la sagesse et de la perfection du Créateur. L'ordre et la propreté dans la vie humaine correspondent éga­lement aux dispositions de l'âme.

Si quelques saints ont eu la vocation spéciale de mépriser ces règles de la vie sociale, c'est exceptionnel, et ce n'est pas imitable.

Nous considérerons l'ordre et la propreté dans les choses du culte, dans nos maisons et dans nos personnes.

  • 1. Dans les choses du culte. - L'Ecriture Sainte est remplie d'enseigne­ments à ce sujet. Qu'est-ce qui différencie le sacrifice de Caïn de celui d'Abel? N'est-ce pas, avec les intentions du cœur, le soin l'ordre, le choix des offrandes? Au Sinaï, Dieu demande à Moise d'ôter ses chaussures, pour ne pas porter la poussière du chemin au lieu de l'apparition divine. Le Lévitique est étonnant de détails et d'exigences pour le choix des prêtres, des victimes, des instruments du sacrifice. Les règlements divins excluent toute tache, toute impureté, toute défectuosité. Que de soins minutieux les prêtres doivent prendre pour se préparer aux sacrifices! Tout y est prévu: les bains, les ablutions, l'usage des vête­ments blancs et choisis, vêtements intérieurs et vêtements extérieurs, l'abstention de toute souillure qui pourrait être contractée par les rela­tions mondaines. Et pour les autels et les objets du culte, que de détails infinis relatifs à la matière de chaque objet, à la forme, à la finesse du travail, à l'exquise pureté! Notre Seigneur a-t-il voulu que l'Eucharistie fût traitée avec moins de soin que les sacrifices figuratifs? Evidemment non. Quelques heures avant de mourir, préoccupé des pensées les plus graves, il ne néglige au­cun détail pour la Cène eucharistique: le choix d'une salle grande et or­née, le lavement des pieds des apôtres avec son interprétation symboli­que, le choix même de vases d'une grande richesse, d'après la tradition. Madeleine et Joseph d'Arimathie n'ont pas trop de linges fins et de par­fums précieux pour la sépulture du Sauveur. Tout cela est significatif. Chez nous, tout ce qui touche au culte doit être empreint tout particu­lièrement de l'esprit de réparation. Il y faut de l'ordre, de la propreté et même quelque richesse, si nos moyens le permettent. Il y faut surtout l'exactitude liturgique. Privons­nous d'autres choses pour que rien ne manque à nos autels et à nos sa­cristies. Si nous avons des nappes d'autels, des linges salis et des ornements déchirés, cela peut-il servir à un culte réparateur? * 2. Dans nos maisons. - La maison de Nazareth n'était pas riche, mais sûrement on y trouvait la plus délicate propreté. Toutes les règles reli­gieuses rappellent le devoir des supérieurs et des économes de veiller à la propreté. Mais leur zèle ne suffit pas, tout le monde dans la communau­té doit s'y prêter. Il faut que depuis le seuil jusqu'à l'extrémité de la mai­son tout soit propre. Il faut que chaque objet soit à sa place.

Il faut que les locaux destinés aux exercices communs soient tenus dans une grande propreté, aussi bien que les chambres et les cellules.

Il y a des règles d'hygiène à sauvegarder. Il faut partout une bonne aé­ration.

Nos maisons ont été bénites, laisse-t-on des objets bénits dans la mal-proprété? Elles sont la demeure des anges, faut-il que les anges n'y voient que poussière et négligence?

Notre Seigneur même veut y demeurer par son esprit, par son action divine, par le travail de sa grâce. Ménageons-lui un Nazareth agréable et soigné.

Il faut dans chaque maison une surveillance organisée pour la propre­té des salles communes et pour celle des cellules.

  • 3. Pour nos personnes. - Une tenue propre et convenable n'est pas con­traire à l'esprit de pauvreté. Rien ne peut excuser les taches et les déchi­rures; il faut savoir faire ou demander les réparations nécessaires pour nos vêtements et pour tout notre modeste trousseau. Notre Seigneur a promis à ses apôtres que le vivre et le vêtement ne leur manqueraient pas plus qu'aux petits oiseaux, qu'ils recevraient par surcroît les choses nécessaires à la vie. La charité exige que nous nous présentions toujours devant nos con­frères et devant les fidèles dans des conditions qui n'aient rien de déplai­sant et de désagréable. * 4. Les bains. - Chez les chrétiens des premiers siècles et du moyen­âge, on distinguait les bains purement hygiéniques et les bains liturgi­ques.

- 1° Les Saints Pères ont quelquefois blâmé l'usage immodéré et volup­tueux du bain; il n'en faut pas conclure qu'ils proscrivaient le bain lui-même. Les faits protestent contre cette interprétation. Saint Jean l'Evan­géliste fréquentait les bains publics à Ephèse, puisqu'il en sortit un jour hâtivement parce qu'il y avait rencontré l'hérétique Cérinthe (S. Iren. Ad. her); et dans leur fameuse lettre aux chrétiens d'Asie, les pieux fidèles de Lyon et de Vienne mettent au nombre des souffrances et sacrifices que la persécution leur impose, la privation des bains (Euseb., Hist. eccl). Tertul-lien usait du bain, tout en condamnant l'abus qu'on en pouvait faire: «Je ne vais pas (disait-il) aux bains de nuit, où l'on se comporte comme dans des saturnales, mais je me baigne à une heure convenable et salutaire, pour m'entretenir la chaleur du sang» (Apol. 42). Saint Augustin, après la mort de sa mère, se baigne pour calmer sa douleur (cf. 9).

- 2° Les premiers chrétiens usaient des bains comme d'une purification symbolique, qui aide à la pénitence. Les pères de l'Eglise rappellent cet­te coutume, qui se maintint pendant tout le moyen-âge.

Les fidèles se baignaient en préparation aux saints mystères, notam­ment à l'approche des grandes solennités. Mais le bain était particulière­ment prescrit aux ministres à la veille des principales fêtes. Les églises importantes avaient des bains à l'usage des clercs à côté des sacristies (Euseb., Hist. eccl. etc).

Les Constitutions de tous les ordres primitifs rappellent l'usage des bains.

L'important et récent ouvrage de Micheletti sur les supérieurs et la vie religieuse, rappelle que la propreté du corps est une condition essentielle de l'hygiène. Il faut donc, dit-il, recourir quelquefois aux grands bains, en prenant cependant les précautions nécessaires pour que la modestie n'y soit pas blessée.

Chez nous, on devra recourir souvent et régulièrement aux bains par­tiels, et quelquefois aux grands bains, surtout à l'approche des fêtes, se­lon les traditions de l'Eglise.

En tout, ayons des intentions pures et surnaturelles. Que les soins donnés à nos maisons et à nos personnes soient pour honorer Notre Sei­gneur, qui ne dédaigne pas de venir habiter avec nous.

  • I. De l'oraison et de la vie intérieure. - Des religieux, et spécialement des religieux voués au Sacré-Cœur, doivent tendre à l'esprit d'oraison et à la vie intérieure. Vous vous y êtes appliqués tous depuis le noviciat, mais la dissipation est si naturelle à l'homme, qu'il faut toujours recommencer, toujours se reprendre, se recueillir et faire de nouveaux efforts pour arriver par l'oraison et la vie intérieure à l'union avec Notre-Seigneur. Le point de départ de la vie intérieure, c'est la prière, la prière bien faite. C'est une chose bien simple, bien évidente, qu'il faut parler à Dieu avec respect, et, cependant, c'est si peu compris! La Sainte Ecriture ne décrit pas autrement la prière du Fils de Dieu lui-même: Exauditus est pro sua reverentia, il a été exaucé par son Père, parce qu'il a prié avec respect». L'important est de bien commencer. Il faut se recueillir et se mettre en présence de Dieu pour faire la moindre prière, même un signe de croix. La Sagesse divine nous dit: «Avant la prière préparez votre âme, Ante orationem praepara animam tuam (Eccli). La prière vocale bien faite, avec calme, avec attention, avec respect, est accompagnée de lumières, d'impressions, de grâces divines. Elle con­duit à l'oraison ou à la prière mentale. Le Seigneur a bien voulu instruire lui-même sa servante sainte Cathe­rine de Sienne au sujet de la prière et de l'oraison. «Oh! que la prière humble et persévérante est douce à l'âme, et qu'elle m'est agréable, lui disait-il, lorsqu'elle est faite avec la connaissance de sa bassesse et le souvenir de ma bonté, à la lumière de la sainte foi et avec l'ardeur de la charité!… L'âme doit s'appliquer à la prière vocale, mais elle ne doit pas faire la prière vocale sans la faire mentale; pendant que les lèvres prononcent des paroles, elle s'efforcera d'élever et de fixer son esprit dans mon amour, par la considération de ses défauts en général et par le souvenir du sang de mon Fils où elle trouvera (par une communion spirituelle) l'abondance de ma charité et la rémission dé ses péchés… «Je ne veux pas qu'elle considère ses fautes en particulier, mais, en gé­néral, pour qu'elle ne soit pas souillée par le souvenir de ses péchés hon­teux. Je dis aussi qu'elle ne doit pas considérer ses péchés sans y joindre la considération du sang de mon Fils et les souvenirs de mon inépuisable miséricorde, afin qu'elle ne tombe pas dans la confusion… De la prière vocale imparfaite, elle arrivera à la prière mentale parfaite… Souvent l'âme, dans son ignorance, s'obstine à réciter de vive voix certaines priè­res, lorsque je la visite, tantôt en lui donnant une claire connaissance d'elle-même et la contrition de ses fautes, tantôt en lui faisant compren­dre la grandeur de ma charité, d'autres fois en lui manifestant de diffé­rentes manières la présence de mon Fils bien-aimé. Dès qu'elle sent ma visite, elle doit abandonner la prière vocale pour la prière mentale. Il faut excepter, cependant, l'office divin, qu'on ne peut pas interrompre… D'ailleurs tout ce qui se dit et se fait pour le salut du pro­chain est une prière méritoire et l'ardeur de la charité est une prière con­tinuelle». Voilà quelques notions sur l'oraison, données par Notre-Seigneur lui-même. Il faut commencer par la prière vocale le matin à la méditation et dans vos diverses adorations et visites au Saint-Sacrement; et quand Notre­Seigneur vous visite par sa grâce en vous donnant quelque lumière ou im­pression, il faut vous nourrir de cette manne autant que vous y trouverez du goût et du profit. Et puis vous vous remettrez doucement à la prière vocale et à la réflexion, et Notre-Seigneur vous visitera de nouveau. Dans quelle mesure Notre-Seigneur vous communiquera-t-il ses grâ­ces? Cela dépendra de vos dispositions, de la pureté de votre âme, de vo­tre recueillement, de vos habitudes de vie de foi et d'esprit surnaturel. Je voudrais vous introduire au moins dans ces premiers degrés d'union avec le divin Cœur de Jésus, le reste viendrait de soi, et l'ascen­sion progressive dans la vie intérieure se ferait dans la mesure de votre générosité et des desseins providentiels. Comme Notre-Seigneur le disait plus haut, l'accomplissement cons­tant des devoirs d'état en esprit de foi, avec la pensée fréquente de Dieu et dans l'intention pure de procurer la gloire de Dieu et le salut des âmes, est encore une prière. C'est la prière active, la prière continuée, la conséquence des lumières et des impressions reçues dans l'oraison et la préparation de nouvelles grâces. * II. De la lecture spirituelle - Un aliment nécessaire de l'esprit de foi, de la vie surnaturelle et de la vie d'oraison, c'est la lecture spirituelle bien faite chaque jour. Celui qui y manquerait, serait comme un Israélite qui aurait négligé de recueillir sa manne quotidienne, il aurait souffert de la faim et s'il avait continué, il serait arrivé à la mort. «Attende lectioni scrip­turae: Soyez fidèles à vos lectures», dit saint Paul à Timothée.

Notre directoire veut qu'on donne à la lecture spirituelle au moins vingt minutes par jour. Je plains ceux qui ne le font pas. Ils tomberont dans la vie naturelle et sensuelle et deviendront des pauvres religieux s'ils ne se perdent pas tout à fait.

Il est bon d'alterner pendant le cours de l'année entre un livre de di­rection ascétique et une vie de saint. Ceux qui sont jeunes et inexpéri­mentés, et même les plus avancés, feront bien de s'entendre avec leur di­recteur sur le choix des livres à lire.

  • III. La direction.

Ah! combien nous sommes défectueux sous ce rap­port! La direction se fait bien au noviciat. Il en reste quelque chose au scolasticat, et ensuite plusieurs y deviennent indifférents. C'est là une erreur grossière, une vraie déraison.

Chacun a besoin d'un conseiller, d'un directeur. Dieu lui-même ne nous dit-il pas de ne pas nous appuyer sur notre prudence, mais d'avoir une personne sage dont nous prenions conseil dans toutes les affaires im­portantes (Au livre des Proverbes, chap. III).

Tous les saints, quelque éclairés qu'ils fussent dans les voies de Dieu, ont jugé nécessaire de s'aider du concours d'un directeur. Si tous les Saints ont agi ainsi, si les Pères de l'Eglise les plus éminents en ont ex­primé la nécessité, aurons-nous la folie d'en méconnaître l'importance?

«Choisissez, dit saint Basile, un conseiller qui vous guide en toutes vos voies» (Serm. de abd. rerum). - Si sage que vous soyez, dit saint Jean Chrysostome, il vous faut un conseiller, un directeur: Dieu seul n'a pas besoin de conseil» (Hom. de Convers. Pauli). «Celui qui se prend lui-même pour guide, dit saint Bernard, se fait le disciple d'un insensé» (Ep. 87).

Sommes-nous plus sages que les docteurs et les saints?

Relisez ce qui est dit de la Direction dans notre Directoire spirituel. Ne vous laissez pas effrayer par l'abondance des détails qui y sont don­nés. Ce n'est pas que la direction doive avoir toujours cette ampleur. El­le est ordinairement plus abrégée et plus simple. Vous vous entendrez pour cela avec votre directeur. Mais ne tardez pas d'une semaine à vous remettre entre ses mains: Vade ad Ananiam.

Le Directeur peut-être le même que le confesseur. Il peut-être un au­tre. Il peut appartenir à notre Congrégation ou à un autre Ordre reli­gieux.

La direction peut se faire de vive voix ou même par correspondance. Entendez-vous pour sa fréquence avec votre directeur. Mais de grâce ne l'omettez pas.

Les Rév. Pères Provinciaux feront bien à leur visite annuelle de de­mander a chacun s'il n'omet pas cette pratique indiquée par notre Di­rectoire.

J'espère que la direction bien pratiquée fera de vous de saints reli­gieux et de vrais consolateurs du Cœur de Jésus.

C'est la grâce du temps présent pour les âmes appelées à la ferveur et à la vie intérieure.

  • I. Tout chrétien est appelé à la patience, à la pénitence, à l'esprit de mor­tification et de sacrifice: «Si quelqu'un veut venir après moi, dit le Sauveur, qu'il renonce à soi-même, qu'il prenne sa croix et qu'il me suive».

L'âme dévote au Sacré-Cœur comprend mieux cela que le commun des fidèles. Saintement attristée par la considération de ses péchés, par la vue des péchés du monde et des épreuves de l'Eglise, elle s'unit aux lar­mes du Sauveur, elle pleure les péchés du peuple, elle est portée aux pra­tiques de pénitence; elle unit ses pauvres satisfactions aux réparations in­finies de la divine Victime.

Les prêtres par leur vocation et les religieux par leurs saints voeux sont tout spécialement victimes avec le Sacré-Cœur de Jésus. Ils doivent donner l'exemple de la vie de réparation. Dieu attend d'eux une com­pensation pour les péchés du monde. Leur fidélité peut être décisive pour le salut des nations.

Il y a des victimes spéciales, appelées par une vocation extraordinaire, comme sainte Marguerite-Marie et plusieurs saintes âmes contempo­raines.

Il y a aussi des instituts religieux, où l'esprit de victime du Sacré-Cœur a été choisi comme un but spécial et comme un caractère propre.

  • II. Qu'est-ce qu'une victime? - Dans le sens général, c'est une créature vivante offerte à Dieu en sacrifice pour les fins suivantes: adorer, remer­cier, implorer, expier. Il n'y a qu'une victime digne de Dieu par elle­-même, c'est Notre-Seigneur; mais, il daigne nous associer à ses répara­tions, il le veut, il en fait une condition de salut. Une victime du Sacré-Cœur, c'est une personne unie au sacrifice de Notre-Seigneur, pour les fins ordinaires et spécialement pour contribuer à expier les péchés du peuple et pour aider à compenser par un ardent amour l'indifférence et l'ingratitude des hommes. Quelle belle vocation! Pour expier le péché, il faut porter la croix, il faut accepter le fardeau quotidien que nous imposent la Providence, les circonstances de la vie, les règles et les devoirs d'état. Pour compenser l'ingratitude des hommes, il faut aimer tendrement Notre-Seigneur, il faut le prier, le visiter, le recevoir, penser à ses mystè­res et le remercier bien des fois dans la journée de ses bienfaits généreux envers l'Eglise et des grâces spéciales que nous avons reçues de lui. * III. Dispositions de l'âme victime. L'âme victime doit s'oublier autant que possible, et vivre pour Celui qui a reçu son oblation et dont elle veut réparer la gloire et consoler les divines tristesses.

Désireuse de réparer les péchés du peuple, elle accepte les croix quoti­diennes, elle voudrait les aimer. Nous n'arriverons pas de suite à ce de­gré de générosité.

Mais prenons patience avec notre pauvre âme, il y a divers degrés dans la vie de victime, nous avancerons peu à peu, avec la grâce du Sacré-Cœur.

Voyez au Calvaire: Simon de Cyrène porte la croix avec Jésus, mais ce n'est pas sans froncer le sourcil et sans maugréer un peu. Il y a là deux autres victimes, la Vierge Marie et Saint Jean, qui portent la croix mo­ralement et qui ont le cœur transpercé avec Jésus.

Mais ces deux âmes sont généreuses, ardentes, aimantes. On peut sû­rement leur appliquer ce qui est dit de Jésus: «Il a porté la croix avec joie». Ce sont des victimes du Sacré-Cœur, ce sont nos modèles.

IV. Dignité du rôle des victimes. - Victimes d'amour, victimes de répa­ration, c'est la plus belle des vocations. Ce sont là les amis intimes, les consolateurs de Jésus, les sauveurs et les rançons du peuple. «Ceux qui sont unis à Notre-Seigneur et qui s'abandonnent à son action, dit le Vén. Louis de Blois, sont plus utiles à l'Eglise en une heure, que les au­tres, quels qu'ils soient, en plusieurs années».

L'Eglise a besoin des âmes qui s'immolent, comme de la messe; elle vit du sacrifice de Jésus-Christ, continué de ces deux manières. Saint Paul disait: «Je complète ce qui manque à la passion du Christ pour l'Eglise». La patience et l'immolation sont plus fécondes que la prière et l'action.

«Oui, chères âmes qui souffrez, vous portez, vous rachetez le monde. La douleur vous change au sacrifice de Jésus-Christ comme la parole du prêtre y change le pain et le vin. Une d'entre vous, une seule, obligerait Dieu de chercher encore à sauver la terre» (Mgr. Gay).

Comme Notre-Seigneur les désire, ces âmes! Sur la Croix, il avait soif de ces âmes, afin de souffrir encore en elles pour multiplier et pour appli­quer les mérites de sa Passion.

Tout l'enseignement de Notre-Seigneur à Paray-le-Monial, quand il révèle à sainte Marguerite-Marie son Cœur blessé et couronné d'épi­nes, se résume dans l'esprit d'immolation par amour.

Il nous dit comme à la sainte: «Je cherche une victime qui veuille se sacrifier à l'accomplissement de mes desseins. Me voudrais-tu bien don­ner ton cœur pour refuge de mon amour souffrant que tous méprisent?».

Saint Paul, se faisant l'écho du Sacré-Cœur, écrivait aux Romains: «Je vous conjure, mes frères bien aimés, par la miséricorde de Dieu (qui attend cela pour sauver le monde) d'offrir vos corps comme une victime vivante et sainte».

Les Souverains Pontifes, Léon XIII et Pie X ont exprimé le désir que des âmes généreuses s'offrent à Dieu pendant ces temps troublés, en vic­times d'expiation.

V. La pratique de notre oblation et de la vie de victime. - Nous faisons cha­que matin notre acte d'oblation: «La vie d'amour et d'immolation, par laquelle nous nous vouons et consacrons, nous et toutes nos facultés, au bon vouloir divin, est ce qui caractérise notre Institut. Pour que cette vie de victime règne efficacement en nous, nous devons offrir chaque jour à Dieu nos prières, nos travaux, nos souffrances, en union avec le Cœur de Jésus, dans l'esprit de sacrifice, de réparation et d'amour. Telle doit être notre disposition habituelle. Nous devons accepter les croix et les peines de la vie dans cet esprit».

Le Souverain Pontife nous invitait dernièrement à être bien fidèles à cette belle vocation.

Est-ce à dire que nous serons conduits providentiellement par une voie hérissée de croix? Non, il ne faut pas que les âmes faibles et timo­rées s'impressionnent. Il y a des catégories et des degrés dans la vie de victime, depuis la patience un peu forcée de Simon de Cyrène, jusqu'à l'oblation généreuse de Marie et de saint Jean.

Même dans un institut de victimes ou d'oblats, Notre-Seigneur ne conduira pas tout le monde par la même voie. Il interviendra, peut-être providentiellement pour faire partager sa croix par quelques-uns, par quelques supérieurs, à cause de leur charge, par quelques âmes qu'il trouvera plus disposées. Pour les autres, il se contente de les inviter à s'élever peu à peu à la générosité dans la patience, dans le travail, dans l'obéissance; et le stimulant bien doux qu'il leur offre, c'est le désir de sa Gloire, la compassion pour ses tristesses, l'amour pour son Cœur ai­mant et le zèle pour le salut du prochain.

Oui, il faut des victimes! Sans doute, il y en a de bien généreuses, et présentement la grâce pousse en ce sens les âmes, les plus dociles; mais il n'y en pas assez, nos maux le prouvent.

Répétons avec larmes: «Seigneur, le temps est venu d'avoir pitié de Sion», de votre Eglise et des nations chrétiennes; mettez en nous l'esprit de victime, puisque vous daignez avoir besoin de victimes pour nous sauver!

  • I. «Je n'ai pas la prétention de devenir un saint», disent certains reli­gieux.

Résolution funeste! Expression d'une fausse humilité, derrière laquel­le se dissimulent la paresse et la tiédeur.

Il faut nous faire saints. C'est le devoir. Dieu le veut.

Nous recevons l'Esprit Saint au baptême et dans la confirmation, c'est pour vivre sous sa conduite et devenir des saints.

C'est pour tous les chrétiens, et à plus forte raison pour ses disciples les plus intimes, que Notre-Seigneur a dit: «Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait» (S. Mat., V. 48).

Dieu demandait déjà la sainteté à son peuple de l'Ancienne Loi: «Vous serez un peuple saint», disait-il dans l'Exode (XIX 6). Et aux Lé­vites: «Vous serez saints, parce que je suis saint» (Lev., XI, 45).

Mais il demande aux chrétiens une sainteté plus marquée: «Quant à vous, dit saint Pierre, vous êtes la race choisie, l'ordre des prêtres rois, la nation sainte, le peuple conquis, afin que vous publiez les grandeurs de Celui qui vous a appelés des ténèbres a son admirable lumière» (I Pet., II,9).

Et parmi les chrétiens, il y a encore une élite, ceux qui sont appelés à la perfection de la sainteté, et par suite de leur vocation sacerdotale ou religieuse.

Il faut donc en finir avec ce préjugé inspiré par le démon ou par la na­ture pusillanime: «Je n'ai pas la prétention de devenir un saint».

Mais si, nous voulons nous faire saints, c'est notre devoir. Nous de­vons y penser constamment et n'avoir pas d'autre but: Il faut nous faire saints.

Notre préjugé vient, peut-être, de ce qu'on ne sépare pas la sainteté de quelques grâces extraordinaires qui peuvent en être la manifestation.

Ah! sans doute, il ne faut pas désirer d'être des saints à miracles et à révélations. Ce désir est des plus dangereux. Le démon lui apporte des satisfactions illusoires et nous pouvons tomber dans un orgueil irrémé­diable.

Il faut désirer d'être des saints cachés, des saints connus de Dieu seul et sans manifestations extraordinaires, mais cependant des saints et de vrais saints.

Telle doit être notre volonté bien arrêtée, notre pensée dominante, notre résolution constante et inaltérable. Nous ne sommes sur la terre que pour cela. Il faut nous faire saints!

Sans une décision bien ferme et bien claire, nous n'arriverons à rien. Pas de respect humain! Pas de lâcheté! Dieu le veut! Il faut nous faire saints!

  • II. Mais que faut-il faire pour être des saints? Est-ce bien difficile? Non, il faut seulement servir Dieu avec ardeur selon notre vocation.

Tous, religieux, prêtres ou fidèles, doivent avoir un règlement de vie. Ce règlement, observez-le avec le ferveur, et vous êtes des saints.

Pour un religieux, comme c'est facile! Il a ses règles et son directoire. Tout ouvrier travaille d'après un plan et un modèle. Un religieux a son plan, qui est la sainteté de Notre-Seigneur mise à sa portée dans son di­rectoire.

Les occupations de chaque jour sont toutes tracées, depuis le lever jusqu'au repos du soir: prières, exercices divers, travaux, repas, récréa­tions, tout doit se faire à l'heure, à la minute, dans les dispositions mar­quées dans le directoire. Mais il y a une condition qui domine tout et qui est le noeud de la sainteté, c'est l'union avec Notre Seigneur. Il faut tout faire dans cette union: union de présence, union de volonté, union de cœur. Il faut tout faire en présence de N.-S. conformément à sa volonté qui est notre règle et en union avec son divin Cœur qui nous demande de vivre dans l'esprit d'amour et de réparation.

C'est cette union que Saint Paul appelle la charité, et dont il fait le lien de la perfection (Coloss., III, 14).

C'est donc être saint que de vivre paisiblement et courageusement sous le regard de Dieu, en observant bien tout notre règlement de vie, en offrant chacune de nos actions dans l'esprit d'amour et de réparation.

Comme il faut pour cela éviter l'agitation! Il faut nous voir vivre. Il faut une vie recueillie. Le commencement et la,fin de chaque exercice ont pour cela une importance capitale, c'est pour cela que les habitudes chrétien­nes nous prescrivent à ces moments-là une courte prière, et il faut que cette prière soit accompagnée d'un instant de calme et de réflexion. Il y a une action à offrir à Dieu selon notre vocation, ou bien il y a une action qui se termine avec un rapide examen accompagné d'un sentiment d'ac­tion de grâces, et s'il y a lieu d'un acte de réparation.

L'intensité de l'union amènera le souvenir plus fréquent de N. S. et l'usage croissant des effusions d'amour et des oraisons jaculatoires.

C'est en notre cœur que cette union doit se faire. N. S. y habite par sa grâce. Il y veut trouver son repos, sa joie, sa satisfaction.

Selon les conseils de notre directoire, nous ferons de notre cœur un Nazareth, le matin; un Calvaire, l'après-midi; un Cénacle, le soir. Tra­vaillons auprès de Jésus enfant, le matin, comme faisaient Marie et Joseph à Nazareth. L'après-midi, tenons-nous au Calvaire, avec Marie, avec saint Jean, avec Sainte Madeleine. Nous apprendrons là le prix de la croix, la haute valeur de la mortification et des épreuves.

Le soir, avec saint Jean, nous reposerons sur le Cœur de Jésus au Cé­nacle, et nous prierons avec Jésus à Gethsémani.

Jésus se complaisait dans le cœur de Sainte Gertrude, parce qu'il y re­trouvait les mêmes sentiments d'amour, de fidélité, de compassion, de dévouement qu'il avait trouvés chez ses amis de Bethléem et de Naza­reth, de Béthanie et du Cénacle de Gethsémani et du Calvaire.

Si nous voulons, Jésus se complaira en notre cœur.

Il faut nous faire saints.

Nous sommes en retard. Remettons-nous à l'œuvre. Nous allons re­faire l'union avec N. S. et vivre uniquement avec lui et pour lui.

Purifions par le sacrement de pénitence et par de généreuses résolu­tions ce cœur que nous voulons donner tout entier à N. S. et allons droit à l'union divine dans le souvenir de la présence de Dieu, dans l'accom­plissement de sa volonté et dans l'offrande de toutes nos actions au Sacré-Cœur de Jésus dans l'esprit d'amour et de réparation.

  • I. «Apprenez de moi que je suis doux et humble de cœur» (Mat., XI, 29). Par ces quelques mots, Notre-Seigneur nous donnait pour modèle son admirable caractère, tout resplendissant de douceur, d'humilité, de patience, de charité.

Saint Paul développait ce conseil en écrivant à Timothée: «Fuis la con­tention, la vivacité, la jalousie… Observe la justice, la piété, la charité, la patience, la douceur» (I. Tim., II).

Il n'y avait pas de place pour les défauts de caractère en Notre­-Seigneur. Les Saints n'en sont pas exempts, mais ils les corrigent à me­sure qu'ils avancent dans la sainteté.

Le religieux devraient corriger leurs défauts de caractère au noviciat, mais chez plusieurs la nature reprend le dessus et gâte beaucoup de cho­ses dans leur vie.

Les défauts de caractère viennent pour la plupart des vices capitaux, dont nous portons tous le germe. Quelques-uns viennent de notre tem­pérament.

Les mauvaises tendances de la nature sont ramenées à trois par saint Jean: l'orgueil, le concupiscence de la chair et l'attache aux biens exté­rieurs.

  • II. L'orgueil engendre maints défauts.

L'orgueilleux est trop plein de lui-même, pour laisser une juste part à Dieu et au prochain.

Il s'adore sottement. Il est prétentieux, poseur, désireux d'être écou­té, loué, admiré, adulé. Il est facilement impatient et se livre à la colère quand tout ne va pas à son gré.

Il est susceptible, il aime à juger les autres, à les railler, mais il veut rester une idole intangible.

Il est facilement boudeur, quand on ne l'admire pas et qu'on ne fait pas ses caprices.

Il est jaloux des succès des autres et même de leurs progrès dans la ver­tu.

Il gâte beaucoup la vie commune et fait souffrir tout le monde.

  • III. L'homme sensuel est négligent pour ses devoirs d'état, et fort exi­geant pour tout ce qui lui est utile et agréable.

Il est bavard quand c'est l'heure du silence; silencieux et maussade quand c'est l'heure d'une conversation édifiante.

Il a des privautés, il lui faut quelque ami qui le goûte et le flatte.

Il ne sait rien supporter, il est souvent mécontent de ses confrères et de la Providence.

  • IV. D'autres défauts viennent du tempérament.

Il y a des agités qui rappellent les trop bruyants frelons, et des lympha­tiques, qui n'arrivent jamais à l'heure et au travail.

Il y a des esprits superficiels et légers dont la pensée et la conversation courent d'un sujet à l'autre, plus semblables aux papillons éphémères qu'aux abeilles laborieuses.

En lisant cela, mes chers confrères, n'allez pas en chercher l'applica­tion chez confrères, n'allez pas en chercher l'application chez les autres. Examinez plutôt si vous n'êtes pas atteints de l'un ou l'autre de ces dé­fauts, ce qui est infiniment probable.

Ces renseignements sont utiles pour les professeurs qui doivent obser­ver et réformer les défauts de leurs élèves et pour les directeurs d'âmes qui peuvent rendre les plus précieux services à leur dirigés en leur indi­quant charitablement leurs défauts.

  • V. L'union avec Notre Seigneur est le plus puissant remède à tous les défauts.

Soyons toujours des hommes de Dieu, comme dit saint Paul, des disci­ples des imitateurs de Jésus.

Membres d'une communauté, soyons religieux partout et toujours. Dans les conversations, gardons un sage milieu entre une taciturnité maussade et un bavardage inconsidéré.

Evitons toute parole de critique, de médisance, de raillerie, surtout envers les supérieurs, ce qui introduirait le mauvais esprit.

Vous avez lu dans sainte Marguerite Marie, qu'elle a vu des religieu­ses faire un long purgatoire à cause de leurs paroles de critique et de dé­nigrement.

En lisant les écrits du Vén. Père Huchans, j'ai rencontré cette réfle­xion bien saisissante: Si le Père P. était plus politique, il édifierait com­me un saint. Mais faut-il être politique? Oui, dans le bon sens du mot. Cette maxime païenne: Qui ne sait pas dissimuler ne sait pas régner, prise dans un sens chrétien est très sage. Quand vous vous laissez aller à parler beaucoup trop haut, ou bien à montrer aux autres qu'ils ont tort et qu'ils se trompent, vous indisposez contre vous vos confrères, s'ils ne sont pas d'une éminente sainteté. Ils se sentiront blessés et humiliés… Il faut être toujours homme de Dieu, et se montrer doux, humble, agréable, mo­deste, affable, complaisant, officieux, à petit bruit, joyeux, obéissant… Alors on sera également bon et doux à notre égard, selon cette belle ma­xime du P. Saint jure: «Voulez-vous trouver du contentement dans une communauté, donnez-en aux autres».

  • VI. Le caractère est justement la physionomie de l'âme.

Tous les défauts de caractère viennent de la mauvaise nature. Les qualités du caractère viennent de la nature ou de la grâce. Une plante a son accroissement naturel. Elle peut être améliorée, embellie, par la cul­ture, par la taille, et par divers soins. Ses fleurs et ses fruits peuvent être changés et transformés par la greffe. Dans une âme, l'éducation ou la culture morale corrige bien des défauts. L'action de la grâce est comme la greffe, qui nous transforme en Notre-Seigneur Jésus-Christ et qui nous fait participer à ses vertus et à son caractère.

C'est ce que saint Paul indique quand il dit: «Revêtez-vous de Jésus­Christ, de ses vertus, de son caractère, de son Esprit, et les fruits de son Esprit sont: la charité, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté, la modestie…» (ad Gal, V).

Faisons-nous saints, unissons-nous fortement à N. S., laissons-le vivre en nous, et les charmes de son caractère nous seront un vêtement d'hon­neur et d'édification.

  • I. Un jour de l'année 1560, durant son oraison, sainte Thérèse se sen­tit transportée en enfer. Des tortures inouïes la saisirent et son âme était brisée par la tristesse et l'agonie. Après cette vision elle fut vivement émue de compassion pour les âmes innombrables qui se perdent. Elle devint une âme réparatrice par la prière et la pénitence pour le salut des pécheurs et pour aider les missionnaires à sauver les âmes.

Un siècle plus tard, en 1675, une autre âme d'élite a aussi des visions qui la font réparatrice, c'est Marguerite-Marie. Notre-Seigneur ne lui montre pas l'enfer et les tourments des damnés. Il se laisse voir lui-même dans l'attitude de l'Ecce Homo. Il est couvert de plaies. Il gémit de l'ingratitude des hommes et de la tiédeur des consacrées.

Marguerite-Marie devient une âme réparatrice comme saint Thérèse, mais avec une nuance. Elle n'aura pas en vue directement l'enfer auquel il faut soustraire les pécheurs, elle aura en vue les souffrances mystiques du Sauveur, qu'il faut apaiser par des actes d'amour et de réparation. C'est la réparation d'amour envers le Sacré-Cœur. C'est un courant nouveau de grâce et de dévotion qui commence. Peu à peu des âmes fer­ventes et divers instituts répondront au désir de Notre-Seigneur. C'était comme une aurore, lente à répandre ses rayons.

Mais au milieu du XIXe siècle de 1840 à 1880, c'est le plein midi des œuvres réparatrices.

Marseille commence. Marseille a eu sa grande part des grâces du Sacré-Cœur. La Soeur Madeleine de Rémusat ne le cède guère à Marguerite-Marie. Serait-ce une confirmation indirecte de nos croyan­ces traditionnelles à l'évangélisation de Marseille par les amis du Cœur de Jésus? L'institut des Victimes du Sacré-Cœur fut donc fondé à Mar­seille en 1841 par Mademoiselle de Gérin.

Les Filles du Cœur de Jésus les imitent à Anvers.

En 1847, le grand évènement de la Salette vient précipiter ce mouve­ment de réparation. La Sainte Vierge avait pleuré! Il fallait essayer de la consoler.

En même temps à Tours, la Soeur Saint-Pierre et M. Dupont rece­vaient des lumières spéciales pour la réparation à la Sainte Face.

Les Soeurs de la Purification, de Tours, prenaient le nom de Victimes du Sacré-Cœur.

En 1850, un saint prêtre, M. Louis d'Arbaumont (le Père Jean du Sacré-Cœur) essayait à Marseille aussi l'œuvre des Prêtres-Victimes.

En 1854, la Sainte Vierge, à Lourdes comme à la Salette, demandait encore la pénitence.

En 1856, la Mère Véronique fondait à Lyon un autre Institut de Soeurs Victimes du Sacré-Cœur.

La même année, le Pape Pie IX étendait à toute l'Eglise la fête du Sacré-Cœur avec un office tout emprunt de l'esprit de réparation.

Les Servantes du Cœur de Jésus se fondaient à Strasbourg en 1867 dans l'esprit de Victimes.

En 1877, les Prêtres du Sacré-Cœur commencent leur œuvre dans le même esprit à Saint-Quentin.

Le Saint-Siège a béni et encouragé tous ces Instituts.

Les âmes pieuses doivent s'y unir par quelque affiliation et en prendre l'esprit.

  • II. Dispositions. - Comment entrer dans cet esprit de victime et s'y maintenir? Le principal moyen, c'est de bien méditer les manifestations de Notre-Seigneur à Paray-le-Monial. Il se montre tout couvert de plaies. Il se plaint de l'ingratitude des hommes et même de son peuple choisi. Il demande réparation. Il voudrait répandre en abondance les grâces de son Cœur: «Je cherche, dit-il, une victime pour mon Cœur, laquelle se veuille sacrifier, comme une hostie d'immolation à l'accom­plissement de mes desseins». Jésus se montre souffrant affreusement à Paray-le-Monial, Marie pleure à `La Salette, c'est plus qu'il n'en faut pour toucher les cœurs ai­mants et généreux. Jésus cherche des victimes, nous lui en donnerons. Considérons aussi les périls présents de la société chrétienne, l'aposta­sie des nations, la puissance des sectes, les progrès de la démoralisation, la défection même de quelques âmes consacrées. Jésus cherche quelques victimes pour apaiser sa justice et pour ouvrir plus largement le cours de ses grâces. * III. Pratiques. - La pratique de la vie d'immolation a été bien précisée par les enseignements de Notre-Seigneur à sainte Marguerite-Marie. Notre-Seigneur demande surtout l'hommage d'un cœur aimant, recon­naissant et brisé par une sainte condoléance et compassion. Jésus souffre d'une manière mystique, il est attristé, désolé, il se plaint de n'être pas aimé, de n'être pas remercié pour ses bienfaits, d'être servi avec indiffé­rence et tiédeur même par ceux qu'il comble de ses grâces.

N'est-ce pas assez pour toucher nos pauvres cœurs, si durs qu'ils soient?

Notre-Seigneur nous demande l'amende honorable quotidienne, la messe et la communion fervente et réparatrice, l'Heure Sainte en union avec son agonie, les adorations réparatrices du Saint Sacrement exposé et honoré.

Il nous demande encore l'union habituelle avec lui, l'union à ses mystè­res, aux mystères de Nazareth et de Bethléem, le matin; à ceux du Calvai­re, de l'Agonie et de la Passion l'après midi; et dans tous ces mystères, nous devons considérer en lui la Victime, «l'Agneau immolé dès le com­mencement».

La réparation et l'immolation ne vont pas sans la pénitence.

Nous devons aimer la pénitence du cœur, la pénitence affective et cel­le des sens, la pénitence effective. Imposons-nous quelques pratiques sé­rieuses de pénitence.

Mais nous pensons que Notre-Seigneur demande surtout de nous l'abandon, l'abandon confiant à sa douce et miséricordieuse Providence. Il aime à choisir lui-même nos pénitences, il nous enverra à son choix une indisposition, une humiliation, une déception, une difficulté ou une autre; mais ne craignons pas, il est pour nous comme une mère, il ne nous demandera rien au-dessus de nos forces et souvent il adoucira sa croix après l'avoir montrée dans sa rigueur.

Il veut encore que dans nos œuvres nous soyons généreux, dévoués, prêts à braver les fatigues d'un apostolat difficile.

Enfin il veut le pur amour, la disposition à prier plus pour le règne de Dieu et pour la consolation du Sauveur que pour nos intérêts personnels. Dans le Pater, Jésus nous donne une leçon de pur amour en priant d'abord pour la gloire de son Père. L'avons-nous compris?

Ecce Agnus Dei! Voici l'Agneau-Victime! Suivons-le si nous l'aimons.

  • I. «Toute paternité vient de Dieu au ciel et sur la terre» (Eph. 3.15).

L'autorité, quelle qu'elle soit, est une dérivation de la paternité.

Saint Paul ne fait que répéter ici ce que Notre Seigneur nous a dit bien des fois: «Celui qui vous écoute, m'écoute; celui qui vous méprise, me méprise, et celui qui vous méprise, méprise celui qui m'a envoyé (saint Luc., 10,16).

L'apôtre et le prêtre représentent l'autorité divine. «Rendez à Dieu ce qui est à Dieu et à César ce qui est à César» (saint Mat., 22). «Honore ton père et ta mère» (saint Mat., 19,19).

Les apôtres répètent et amplifient les enseignements du Maître. Ils nous redisent qu'en obéissant à nos supérieurs, nous obéissons à Dieu et au Sauveur Jésus qui tient la place de son Père auprès de nous, et qui est représenté par nos supérieurs. «Obéissez - dit saint Paul - à ceux qui ont autorité et soyez leur soumis. Ils sont chargés de vous, ils rendront compte à Dieu de la direction qu'ils vous donnent. Faites en sorte qu'ils n'aient pas de peine et de tristesse à vous conduire, ce ne serait pas bon pour vous» (Heb., 13,7).

C'est qu'en effet le quatrième précepte du décalogue, lé précepte de l'obéissance aux parents et aux supérieurs, est le commandement des bénédic­tions. C'est ce qu'indique la parole de Dieu même à Moise: «Honorez votre père et votre mère et vous aurez une vie longue (et bénie de Dieu)».

Saint Paul dit: Ce commandement est le premier sous le rapport des bénédictions». Et il ajoute: «Enfants obéissez à vos parents dans le Sei­gneur; serviteurs, obéissez à vos maîtres comme au Christ» (Eph., 6,1 et suiv).

Saint Pierre développe plus longuement la même pensée: «Obéissez au prince, à vos chefs, à vos maîtres, sans vous excuser sur leurs défauts de caractère» (1 Petr., 2,13).

C'est donc bien entendu, toute autorité vient de Dieu par le Christ. Tout le traité de l'obéissance sort de là.

Aucun précepte n'a un fondement plus solide: il faut obéir à tous nos supérieurs, parce que Dieu leur a délégué une part de son autorité. II. L'obéissance est donc un devoir de l'ordre naturel: «Toute paterni­té vient de Dieu» (Eph., 3).

Mais la foi élève cette vertu à un degré bien plus sublime. Le chrétien voit Notre Seigneur Jésus-Christ dans tous ses maîtres et ses supérieurs: «Obéissez à vos supérieurs comme au Christ» (Eph., 6).

Et s'il y a un voeu, la mission divine des supérieurs est encore plus manifeste. «L'obéissance, dit sainte Thérèse, voit Dieu dans le supérieur et se soumet sans réserve à ce qu'il commande. Une âme qui, liée par voeu à l'obéissance, négligerait d'accomplir parfaitement son voeu, de­meurerait en vain dans un monastère. Jamais elle n'avancera dans la vie intérieure, jamais même elle ne s'acquittera bien des devoirs de la vie ac­tive» (Sa vie, chez Bray, pag. 358).

  • III. Les degrés de l'obéissance. - Tout le monde connaît l'admirable let­tre de saint Ignace sur l'obéissance. Je voudrais la faire mienne et je la li­vre à la méditation de tous nos religieux.

Le saint fondateur énumère les degrés de l'obéissance.

Le premier degré, le plus infime c'est l'obéissance d'exécution. On exé­cute ce qui est commandé, de mauvaise grâce, en murmurant peut-être, en critiquant; mais enfin on exécute, et ce n'est pas très méritoire, et les supérieurs n'en sont pas très consolés. Cela n'attire pas les bénédictions divines. C'est ce qu'exprime Saint Paul aux Hébreux: «Faites en sorte que vos supérieurs n'aient pas de peine et de tristesse à vous conduire car ce n'est pas bon pour vous» (Heb., 13,7).

Le second degré est l'obéissance de volonté. «Dieu aime ceux qui don­nent gaiement et de bon cœur» (2 Cor., 9,7).

La volonté est ce que nous avons de plus intime et de plus personnel. Dieu en aime le sacrifice.

Faire même des œuvres de piété ou de pénitence en dehors de la vo­lonté des supérieurs, ne sert à rien. Attirer la volonté des supérieurs à la nôtre est une fraude dans le sacrifice.

Enfin il y a l'obéissance du jugement. Il faut faire en sorte de penser que ce qui est commandé par les supérieurs est le meilleur.

Est-ce difficile? Mais non. Nous penserons d'abord que les supérieurs ont grâce d'état. Et puis ils sont informés de tant de choses que nous ne savons pas! Pensons qu'ils ont de bonnes raisons, inconnues de nous pour nous commander cela, et ordinairement nous ne nous tromperons pas.

  • IV. Les qualités de l'obéissance. - On les trouve énumérées dans un ex­cellent petit livre sur l'obéissance, tiré des écrits de saint Vincent de Paul.

Il faut obéir simplement, pour l'amour de Dieu, sans examiner pour­quoi nous supérieurs ordonnent telle ou telle chose.

Il faut obéir promptement et sans retard, à l'exemple de la Sainte Vier­ge, lorsqu'elle s'en va à Bethléem et en Egypte.

Il faut obéir humblement et avec soumission du jugement, en faisant tout ce qu'on nous commande et en estimant que c'est pour le mieux.

Il faut obéir courageusement, en ne reculant pas devant les difficultés. Que vaudrait une armée où les soldats n'obéiraient que dans les beso­gnes faciles?

Il faut obéir gaiement, comme firent Jésus, Marie et Joseph pour tous les changements de demeure que la Providence leur imposa.

Il faut obéir avec persévérance à l'exemple du Bon Maître, qui s'est ren­du obéissant jusqu'à la mort.

  • V. Ses avantages. - Obéir, c'est avoir l'esprit de Jésus-Christ. Le Sau­veur n'a jamais fait sa volonté propre mais celle de son Père, celle de Marie et de Joseph, celle du souverain, des princes et des juges.

L'obéissance est nécessaire pour pratiquer le renoncement, qui est la condition de toute grâce: «Si quelqu'un veut venir après moi qu'il se re­nonce! ».

L'obéissance rend méritoires les actions, les plus indifférentes, elle double le mérite du bien que nous faisons.

L'obéissance cordiale fait régner l'harmonie, la paix, le bon ordre dans une communauté. Elle attire les bénédictions divines (Saint Vin­cent de Paul).

Qui dit Jésus, dit obéissance; qui dit Nazareth, dit obéissance; qui dit Calvaire, dit obéissance.

O divin modèle! puisse je vous suivre d'aussi près que possible dans la perfection de l'obéissance. Vous ne recevrez au ciel que des obéissants. «C'est l'homme d'obéissance qui chantera victoire» (Prov., 21,28).

Vivons dans la sainte Charité.

Aimons Dieu notre Père qui nous a donné son Fils pour nous sauver.

Aimons N.-S. Jésus-Christ, le Fils de Dieu qui s'est livré pour nous.

Aimons l'Esprit-Saint à qui nous devons la grâce et les sacrements.

Aimons Marie, notre Mère du Ciel.

Aimons-nous les uns les autres.

Tout pour le Sacré-Cœur!

Adoration, amour, réparation, prière, c'est notre vie.

Sachons unir le zèle et la vie intérieure.

Noël 1919.

L. Dehon

Mes bien chers fils,

Je vous laisse le plus merveilleux des trésors, c'est le Cœur de Jésus. Il appartient à tous, mais il a des tendresses particulières pour les Prêtres qui lui sont consacrés, qui sont tout dévoués à son culte, à son amour, à la réparation qu'il a demandée, pourvu qu'ils soient fidèles à cette belle vocation.

Notre Seigneur aimait tous ses apôtres, mais n'a-t-il pas aimé avec une tendresse spéciale l'apôtre saint Jean à qui il a légué sa Mère et son divin Cœur?

Le beau décret de Léon XIII du 25 février 1888 le disait: «Cet institut sera comme un bouquet de fleurs pour le Cœur de Jésus, si ses membres sont en tout unis et dévoués au Sacré-Cœur et s'ils font régner son ar­dent amour en eux-mêmes et parmi les peuples qu'ils évangéliseront».

En interprétant une parole de David, nous pouvons dire: «Le Cœur de Jésus est mon partage. Que ma part est belle dans l'héritage com­mun!».

Vous comprenez qu'une si belle vocation demande une grande fer­veur et une grande générosité.

Nous ne devons jamais perdre de vue notre but et notre mission dans l'Eglise, tels qu'ils sont marqués dans les deux premiers chapitres de nos Constitutions. C'est un tendre amour du Sacré-Cœur, préparé par le détachement des créatures et la victoire sur nos passions.

C'est la réparation avec toutes ses pratiques: les messes et commu­nions réparatrices, l'Amende honorable, l'Adoration réparatrice quoti­dienne, l'Heure Sainte et les mortifications que comporte notre santé et que l'obéissance réglera.

C'est l'abandon de nous-mêmes en esprit de victime au Sacré-Cœur, pour supporter avec patience, avec joie même, les croix que la Divine Providence nous enverra.

Cette vocation exige l'habitude de la vie intérieure et l'union avec Notre-Seigneur: aussi, devons-nous prendre tous les moyens pour y par­venir et pour y demeurer bien établis.

La vie intérieure ne se conserve pas sans une grande régularité, avec la pratique du silence religieux.

Pour vous y établir, vous donnerez tous les jours une bonne demi-­heure à l'oraison du matin, en dehors des prières vocales, et une demi­-heure à l'adoration réparatrice. Vous ferez chaque jour votre lecture spi­rituelle, que vous partagerez entre l'écriture sainte et un livre ascétique ou une vie de saint. Vous choisirez la vie des Saints, qu'on peut appeler les Saints du Sacré-Cœur, ceux qui ont le mieux connu et pratiqué cette adorable dévotion.

Autant que je puis, je vous confie tous au Cœur de Jésus. Je vous re­commande à sa miséricorde. Je lui adresse cette prière qu'il adressait à son Père pour ses disciples: «Mon Père, conservez ceux que vous m'avez donnés».

Je vous confie également à Notre Mère du Ciel. Notre Seigneur vou­dra bien lui dire à votre sujet ce qu'il lui disait de saint Jean au calvaire: «Voici vos enfants».

Aimons particulièrement les bien-aimés de Jésus: Marie et Joseph, les trois grands Archanges, saint Jean-Baptiste, saint Pierre, saint Jean, sainte Madeleine et tous les Saints du Sacré-Cœur.

Pour vous dire quelque chose de moi-même, je vous demande pardon de vous avoir si peu édifiés. Je ne me fais pas d'illusion. Je me mets au-­dessous de tous les hommes par l'abus que j'ai fait des grandes grâces que j'ai reçues. C'est pour marquer l'immensité de sa miséricorde que Notre Seigneur m'a conservé ma mission malgré mon indignité.

J'espère quand même le salut, parce que la miséricorde de Notre Sei­gneur ne voudra pas se démentir, mais j'aurai à faire une grande expia­tion et je sollicite ardemment vos prières pour le repos de mon âme.

Ai-je besoin de vous dire que si Notre-Seigneur veut bien m'admettre auprès de lui, je prierai pour vous tous et pour l'œuvre qui est si chère au Sacré-Cœur?

Pardonnez-moi les peines que j'ai pu vous causer et les fâcheux exem­ples de tiédeur que je vous ai donnés.

Comme saint Jean, mon maître et mon modèle, je vous dis à tous: «Aimez-vous les uns les autres comme Jésus-Christ vous a aimés». Je vous prie de toute mon affection et par celle que vous avez eue pour moi, de faire en sorte que la sainte charité règne toujours parmi vous. Ne pro­férez jamais une parole de critique ou d'amertume l'un contre l'autre. Portez toujours un grand respect à ceux qui tiennent auprès de vous la place de Dieu.

L'obéissance, la régularité, la pauvreté sont les sauvegardes d'une Congrégation.

Vous savez que les familles religieuses sacerdotales ont été générale­ment aidées dans leur commencement par des vierges consacrées qui ont prié à leur intention, comme la Sainte Vierge Marie faisait pour saint Jean.

Ce secours ne nous a pas manqué.

Deux communautés surtout nous ont prêté le concours de leur prières et de leurs sacrifices.

Nous devons une reconnaissance inaltérable aux Soeurs Servantes du Cœur de Jésus de Saint-Quentin. Je ne saurais dire tout ce qu'elles ont fait pour nous, jusqu'à offrir leur vie pour le succès de notre œuvre.

Nous n'avons aucun lien canonique avec elles, le Saint-Siège n'autori­se plus les communautés unies comme cela avait lieu pour les anciens or­dres. Mais cela n'empêche pas l'union de prières et de sacrifices. Ne l'oubliez jamais!

Pendant que je fondais l'œuvre à Saint-Quentin, avec le concours de ces Soeurs, les Soeurs Victimes de Namur préparaient quelques saints prêtres qui sont venus se joindre à nous, comme la R. P. André, de sain­te mémoire, et le P. Charcosset, mon fidèle assistant. Vous vous en sou­viendrez également.

Mon dernier mot sera encore pour vous recommander l'adoration quotidienne, l'adoration réparatrice officielle, au nom de la Sainte Egli­se, pour consoler Notre-Seigneur et pour hâter le règne du Sacré-Cœur dans les âmes et dans les Nations.

J'offre encore et je consacre ma vie et ma mort au Sacré-Cœur de Jésus, pour son amour et à toutes ses intentions.

Tout pour votre amour, ô cœur de Jésus!

Fait à Saint-Quentin, pendant les tristes jours de la guerre en 1914.

Jean du Cœur de Jésus

DE LA VIE DE VICTIME

Marie, la Reine des martyrs, est après Jésus le plus parfait modèle de la vie d'immolation. Elle a compris mieux que les saints et les martyrs combien la croix était nécessaire pour réparer l'offense de Dieu et com­bien elle est féconde. Demandons-lui de participer à cette grâce.

Personne plus que le Prêtre ne doit se pénétrer de cette vérité. Sa prin­cipale fonction, le grand acte de sa vie, c'est d'immoler la divine Victi­me, c'est-à-dire de renouveler le sacrifice de la croix. Il ne doit pas être seulement un instrument matériel de plus grand acte qui se passe en ce monde, mais le coopérateur conscient du Souverain Prêtre, et entrer à fond dans son rôle par l'intelligence, par le cœur, par la vie, par la mort. Il doit prendre au sérieux ce que lui a dit le Pontife à l'ordination: Imita­mini quod tractatis. - Imitez dans votre vie le sacrifice que vous accom­plissez à l'autel.

Comme Marie, en union avec Jésus, il voudra que par la prière, par la souffrance, par le sacrifice de tous ses goûts à ses devoirs apostoliques, sa vie tout entière soit, en union avec la Victime qu'il immole, une ado­ration, une louange, une prière, un cri continuel de propitiation. Au lieu de s'étonner de rencontrer la croix, il dira avec saint François de Sales: «Je vois à tout bout de champ des croix de toutes sortes; ma chair en £re­mit, mais mon cœur les adore». Il fera bon visage, il sera courageux, gé­néreux en face de toute croix providentielle.

Bien plus, il s'appliquera de grand cœur à faire sortir la joie de la croix elle-même. Au lieu de s'absorber dans sa douleur, et son ennui, à toute occupation qui lui pèsera, à toute souffrance qui le blessera, â toute humiliation qui le froissera, il voudra sourire intérieurement et devant Dieu, en se disant: «Il m'est bon à moi prêtre de souffrir; il m'est bon d'être humilié, après mon Maître adoré, et en union avec ma Divine Mère».

La vie du Prêtre du Sacré-Cœur doit être la continuation de sa messe, et sa mort sera comme une messe suprême par laquelle il achèvera sur la terre d'adorer, de rendre grâce, de prier, de crier miséricorde, en union avec Jésus s'immolant sur la Croix et sur l'Autel, avec Marie, Corédemptrice et Reine du clergé.


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Les passages entre [ ] ont été substitués au texte original, par suite des modifica­tions introduites dans le «Thesaurus».
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